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Le serpent et la mule Marina M L

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© Marina M.L., 2024
© Éditions Plumes du Web, 2024
82700 Montech
www.plumesduweb.com

ISBN : 978-2-38151-154-2

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou


reproductions destinées à une utilisation collective. Toute
représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par
quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’Auteur ou de
ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée
par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété
intellectuelle.
Mise en garde
Ce livre traite de sujets pouvant heurter la sensibilité des lecteurs.

Liste des Trigger Warning :


- Torture et meurtre sur fond de règlement de comptes
- Violence psychologique, physique et sexuelle
- Agression sexuelle et viol
- Harcèlement moral, menaces et intimidations
- Suicide
- Scènes explicites (chacune des scènes explicites entre le
protagoniste masculin et la protagoniste féminine est
consentie par les deux parties).
« À toi qui t’oublies au détriment des autres,
donne-toi cette chance de voir tes rêves se réaliser.
Ton bonheur est à portée de main. »
Prologue
Une odeur de renfermé, de la moisissure sur les murs, des
centaines de petits sachets de poudre blanche ingurgités par ces filles
sous le regard attentif de gardes armés.
Seuls les pleurs et les gémissements des prostituées cachées
derrière un simple rideau contrastent avec les rires des hommes
buvant leur bière, affalés sur leur chaise, leurs armes posées devant
eux.
À l’étage, un environnement en totale contradiction, le jour et la
nuit, le blanc et le noir, le paradis et l’enfer.
Un couloir me sépare de celui qu’on prénomme le Serpent. Un
être méprisable, détestable et violent, connu pour son manque de
compassion.
En accédant à son bureau, je fais face à son regard noir et
profond, une beauté terrifiante, un visage qui ne laisse apparaître
aucune émotion. Il est aussi attirant qu’effrayant.
Cet homme a ma vie et celle de mon frère entre les mains.

Bienvenue en enfer, Camila.


1
Camila
2 décembre – Favela, Maceió, Brésil

Je longe les rues étroites de ma favela d’un pas sûr. Je la connais


par cœur, ses secrets sont les miens. Elle s’étend jusque dans les
hauteurs de la ville, loin de la richesse des uns, proche de la pauvreté
des autres.
Les premières illuminations de Noël décorent les fenêtres et me
rappellent que l’année touche à sa fin. D’ici quelque temps, tout ça ne
sera qu’un vaste souvenir, celui d’un passé transportant avec lui ses
joies, mais aussi ses peines.
Quand je quitterai le Brésil pour les États-Unis, je trouverai ce que
je n’ai pas ici. La sécurité. Maceió n’est pas seulement connue pour la
beauté de ses paysages ou pour ses plages paradisiaques, mais
surtout pour les dangers qui y rôdent. Ce danger qui a attrapé mon
petit frère de dix-sept ans dans ses filets.
La drogue, les cartels, voilà le fléau de nos favelas. Les
narcotrafiquants règnent au sein de nos quartiers, leur repaire nous
domine, placé sur la plus haute colline de la ville, à l’instar d’un
château surplombant son royaume. C’est là que la famille Gomes
s’est installée.
Depuis que l’aîné des fils a pris la relève de son père, tout ici n’est
que désolation. Les habitants le craignent, mais nos garçons
l’adulent. Beaucoup d’entre eux se déscolarisent pour avoir le
privilège de travailler pour celui qu’on prénomme le Serpent. Le
décapiteur. Ils tuent, volent, dealent, pour quelques billets, et
arborent fièrement l’emblème du cartel.
C’est la triste réalité du monde dans lequel vit ma famille.
Beaucoup de nos habitants mêlent pauvreté et addiction. Accros au
crack, leurs dettes s’accumulent et enrichissent les narcotrafiquants.
Découvrir la tête d’un voisin, d’un frère ou d’un père accrochée à la
porte de nos maisons est devenu monnaie courante.
C’est pourquoi je compte bien réviser toute la nuit pour réussir
mon examen de demain, le dernier d’une longue série, celui qui
m’aidera enfin à obtenir mon diplôme de journalisme. La clé de
notre expatriation. La clé de notre liberté.
Je contourne les enfants qui jouent au foot et qui rêvent d’une
carrière similaire à celles de Ronaldinho ou de Neymar. Je reconnais
Paulo, mon petit voisin qui marque un but dans une cage de fortune.
Le ballon évite de justesse Azeitona, le chat de mamie Sousa. Je
relève les yeux vers la maison sans fenêtre de ma vieille voisine, pour
vérifier qu’elle n’a pas assisté à ce presque accident. Seule et sans
enfant, Dieu sait ce qu’elle deviendrait sans son animal de
compagnie. Je continue mon chemin et aperçois au loin M. Valdes, le
garagiste de mon village. Je grimace et baisse la tête pour espérer
qu’il ne m’interpelle pas. J’aimerais pouvoir éviter d’entendre en
détail les exploits de son jeune fils au dernier tournoi de foot. Ce soir,
je n’ai pas le temps, mes notes et mes fiches récapitulatives
m’attendent.
— Camila !
Et merde !
— Monsieur Valdes, comment allez-vous ?! m’exclamé-je en lui
offrant un sourire – presque – sincère.
— Très bien ! Leandro est arrivé finaliste ! s’extasie-t-il.
— C’est une super nouvelle, déclaré-je, faussement épatée. Je suis
désolée, mais je ne vais pas pouvoir rester, j’ai beaucoup de travail.
Je montre volontairement les cours que je porte à bout de bras
comme preuve. L’homme hoche la tête, compréhensif.
— Évidemment ! Tu passeras le bonjour à ton cousin, je l’ai aperçu
trop vite pour le saluer, m’explique-t-il.
— Mon cousin ?
Je fronce les sourcils, confuse.
Serait-ce possible qu’il soit ici après tant d’années ?
— José, précise-t-il en pointant du doigt ma maisonnette jaune.
Je tourne mon attention vers ma ruelle, et entrouvre la bouche de
surprise. Une berline noire est effectivement garée juste devant chez
moi.
— Je dois partir ! Embrassez votre fils pour moi, annoncé-je en
écourtant notre conversation.
Au pas de course, je fonce en direction de ma maison dans l’espoir
de me tromper. Rien ne devrait l’amener à nous rendre visite, si ce
n’est Téo et son lien avec le réseau du Serpent. Mais à mesure que la
distance diminue, mes espérances s’amenuisent avec elle.
— Je pensais avoir la joie de revoir tes enfants, Rosa Maria.
Je me fige, brutalement rattrapée par de douloureux souvenirs. Je
reconnaîtrais sa voix entre mille, même après ces cinq années sans
l’avoir entendue. Ce même timbre qui a annoncé à ma mère la mort
de son mari. Je le revois la soutenir à bout de bras, lui expliquant que
Carlos Soares, mon père, avait été exécuté de sang-froid par le clan
rival. L’affiliation et leur travail au sein d’un des réseaux criminels les
plus dangereux de la côte est du Brésil ont toujours effrayé ma mère.
Mais elle s’est mariée en connaissance de cause.
Bras droit de Daniel Gomes, mon père vouait une loyauté sans
faille au réseau de drogue, une loyauté qui l’a conduit à sa mort.
Comble de ce malheur ? Mon frère suit les traces de son géniteur.
J’ouvre la porte avec fracas, interrompant leur discussion. Les
regards qu’ils me lancent laissent transparaître deux sentiments bien
distincts. Si ma mère semble effrayée par le possible message que
pourrait amener cet homme qui manque à sa parole et à son devoir
depuis la mort de mon père, lui, au contraire, dégage une satisfaction
malsaine à me voir arriver.
— Camila ! s’extasie-t-il en me reconnaissant.
Je le toise et ferme la porte afin de faire barrière aux oreilles
baladeuses du voisinage qui aiment se nourrir de ragots. La présence
ici d’un membre du réseau du Serpent nous vaudra sûrement déjà de
nombreuses – et variées – interprétations dans la bouche des
habitants de la favela.
— José, quelle surprise de te voir ici après tant d’années, lancé-je
avec sarcasme tandis que je pose mes cours et tente d’analyser la
situation.
Maman est seule, elle a sûrement déjà dû congédier Ana, ma
petite sœur, dans sa chambre. Lui n’a pas changé, si ce n’est sa
calvitie prononcée et la couleur grisâtre du peu de cheveux qu’il lui
reste. Seule sa moustache n’a pas perdu de sa splendeur. La
cinquantaine passée ne lui a pas permis de se défaire du surplus de
kilos déjà présent à l’époque. Et visiblement, sa garde-robe est restée
la même.
Il faudrait songer à passer à la taille supérieure, José, les
boutons de ta chemise menacent d’exploser.
— Je venais aux nouvelles de ma famille, tu as bien changé ! Quel
âge as…
— Vingt-deux ans, le coupé-je dans l’objectif de me concentrer sur
la vraie raison de sa visite.
— Le temps passe ! remarque-t-il avec hypocrisie.
Je feins un sourire, alors que ma mère semble anxieuse, se
murant dans le silence. J’ouvre le réfrigérateur et en sors une bière
que je tends à l’homme.
— Tu en veux une ? demandé-je en connaissant déjà la réponse de
cet ivrogne.
— Avec plaisir.
Mon cousin se saisit de la bouteille en verre avant même que je ne
l’ouvre et, dans un geste habituel, il décapsule sa boisson sur le
rebord du plan de travail.
Alors que je fixe le bois esquinté et la capsule à terre, il s’installe à
son aise sur la chaise en face de ma mère. J’expire pour contenir
toute la colère qui m’assaille et me penche pour ramasser l’objet au
sol.
— Où se trouve l’homme de la famille ? questionne-t-il en
s’enfilant plusieurs gorgées d’alcool.
Sa question fait réagir ma mère qui le dévisage, éberluée par tant
d’effronterie.
Sous terre, assassiné pour avoir protégé les tiens, pensé-je avec
amertume.
Il perçoit nos regards meurtriers, et sourit avec insolence.
— Je parle de Téo, les filles, veuillez excuser ma maladresse.
— Il n’est pas rentré de l’école, ment ma mère dans l’espoir d’être
crue.
Mon cousin laisse échapper un rire moqueur et la fixe, amusé.
— Téo est doué pour beaucoup de choses, pourtant, Rosa Maria,
nous savons tous les deux que la scolarité n’est pas son fort.
Elle déglutit, mais ne quitte pas son regard.
— Qu’est-ce que tu lui veux, José ? demandé-je finalement d’un
ton ferme en refermant vigoureusement la porte du frigo avant de
m’y adosser.
Il boit bruyamment au goulot et en profite pour camoufler le
sourire en coin qui étire ses lèvres. Il se frotte ensuite la bouche du
revers de la main, puis soupire exagérément.
— Quelle contrariété de devoir me présenter chez vous pour ce
type d’incident.
L’homme semble apprécier l’attente angoissante qu’il nous inflige
et il en profite pour sortir une cigarette et l’allumer.
— José, l’implore ma mère.
Sa voix suppliante fissure mon cœur tant je ressens son désespoir
à travers elle.
Mon cousin cède à sa requête et la regarde avec attention.
— Ne me fais pas croire que tu ignores que ton fils travaille pour le
Serpent depuis quelques mois déjà. Il était évident que son lien avec
ton mari lui serait favorable. Et il a fait très bonne impression. Du
moins à ses débuts… Le problème, vois-tu, c’est qu’il vient de se faire
voler plus de vingt mille réaux{1}.
Je tombe des nues, sous le choc de sa révélation. Le teint de ma
mère pâlit, et j’observe ses poings qui se serrent sur les accoudoirs de
sa chaise comme si elle risquait de s’effondrer d’une minute à l’autre.
— Qu’est-ce que tu essaies de nous dire ?! m’exclamé-je dans une
interrogation dont la réponse est pourtant évidente.
— Ce que je dis, c’est que mon patron réclame un remboursement
que Téo est incapable d’honorer. Ce qui m’oblige à venir te voir, toi,
Rosa Maria.
Un rire nerveux m’échappe, alors que ma mère me fusille du
regard.
— Mais que veux-tu que je fasse ? Tu sais que je n’ai pas d’argent.
— Pas un sou, cousine ?
Je bous intérieurement à l’entendre l’appeler ainsi alors que la
notion de famille n’a jamais eu la moindre importance pour lui.
— Maman est couturière, elle élève trois enfants, seule, comment
imagines-tu une seconde que nous ayons les moyens de rembourser
une telle somme ?
— José, tu es de la famille, ne peux-tu pas faire une exception ? Ce
n’est qu’un enfant ! renchérit-elle, la voix hachée de sanglots qui
commencent à lui échapper.
Mon cousin fume, totalement désintéressé, et l’écoute à peine
l’implorer.
— J’ai déjà réussi à l’épargner jusqu’à aujourd’hui. Mais Pedro
Gomes déteste courir après les dettes. Le Serpent est plutôt
intransigeant et manque énormément de patience.
Pedro Gomes, alias le Serpent, le fils de l’ancien chef de mon père,
et nouveau dirigeant. Nous le connaissons tous. Ou du moins, nous
connaissons tous sa cruauté. Et je crains que la tête de mon frère
finisse accrochée à la porte de ma maisonnette jaune, par le
décapiteur lui-même, s’il ne règle pas sa dette.
— Qu’est-ce que tu es venu nous dire exactement ? prononcé-je
alors que les mains de ma mère se posent sur son visage, essuyant les
larmes qui coulent sur ses joues.
L’homme porte à ses lèvres sa bière et en avale le restant d’un seul
coup. Puis il écrase sa cigarette directement sur la nappe de la table
avant de se relever.
— Téo a quarante-huit heures pour rembourser le Serpent, faute
de quoi, il se chargera lui-même de son cas.
Alors que le son des pleurs de ma mère résonne dans la pièce,
José paraît pour la première fois interpellé par l’impact de ses mots.
— Je suis désolé, cousine, je n’ai pas d’autre choix.
Alors que nous lui offrons notre silence – et des sanglots – comme
réponse, le sous-fifre du Serpent prend la direction de la sortie.
— Tu avais promis.
Ses mots que je ne voulais pas prononcer m’échappent malgré tout.
Je les ai murmurés et pourtant, ils ont atteint leur cible. Mon cousin se
retourne et arque un sourcil interrogateur, ce qui m’incite à continuer ce
que je viens de commencer inconsciemment.
— Tu avais juré à papa de t’occuper de nous. Tu lui en as fait la
promesse.
J’insiste sur ce dernier mot tout en le fixant.
Ma déclaration semble l’irriter. Ses yeux naviguent entre moi et ma
mère, confrontant nos regards accusateurs. Alors que je crois
percevoir un signe de culpabilité dans le sien, il se rembrunit.
— Quarante-huit heures. Et s’il tente de s’enfuir, c’est vos têtes qui
trôneront sur un piquet à l’entrée de la favela.
Sur ces mots, il passe la porte et la claque violemment derrière lui.
Si ce son ne m’atteint pas, celui de la détresse de ma mère me frappe
avec force. Ses pleurs, reflet de son désespoir, m’arrachent les tripes.
Elle ne supportera pas un autre deuil, elle ne se relèvera pas de la
perte d’un de ses enfants.
Comme dopée par un shoot d’adrénaline, je me précipite derrière
l’homme responsable de sa peine. Je l’interpelle avant qu’il n’ouvre la
portière de sa berline.
— José !
Le cinquantenaire relève son visage vers moi. Mon cri a attiré
l’attention des passants, même Mamie Sousa se penche à son balcon,
Azeitona dans les bras, et nous observe avec curiosité, déjà prête à
s’alimenter des derniers potins.
José comprend le malaise et déverrouille sa voiture. Il ouvre la
porte côté passager et d’un mouvement de tête m’indique d’y entrer,
ce que je fais.
Une fois que nous sommes seuls, à l’abri des autres, il se tourne
vers moi pour m’inciter à m’exprimer.
— J’ai besoin de savoir s’il existe une autre solution, lancé-je dans
un dernier espoir.
Mon cousin soupire, regarde la route et semble réfléchir.
— Oui, Camila.
Comme s’il m’offrait une infime possibilité de nous sortir de ce
guêpier, j’occulte les répercussions possibles et fonce aveuglément.
— Je t’écoute, réponds-je spontanément.
Lorsqu’il se tourne vers moi de nouveau, son calme me prouve le
sérieux de ce qu’il va me proposer.
Merde, il n’envisagerait quand même pas que j’offre mon corps
contre de l’argent ?
Je me penche légèrement en avant pour me rapprocher.
— Est-ce que je vais devoir me prostituer ? murmuré-je à demi-
mot, comme si quelqu’un pouvait nous entendre hors de l’habitacle.
Il esquisse un sourire, laissant planer le doute quelques instants.
— Effectivement c’est une possibilité, mais j’ai autre chose à te
proposer.
J’expire, soulagée, avant de l’intimer à continuer.
— Nous recherchons des mules pour faire passer les drogues à la
frontière. Un voyage devrait suffire à rembourser la dette de Téo.
Je pince mes lèvres, et frotte mes mains sur mon front, en pleine
réflexion. Mon cerveau assimile l’information et analyse la situation.
J’ai déjà entendu parler de ce qu’on appelle les mules. Beaucoup de
femmes ici ont été amenées à traverser le pays, ou même le continent
en ingérant des capsules de drogue pure pour quelques milliers de
réaux. Certaines sont revenues, et ont même recommencé. D’autres
ont eu des problèmes avec la justice. Quant aux dernières, elles en
sont mortes. L’image de Rebecca, une étudiante de mon cours
d’anglais qui est décédée durant un de ces voyages à risque, me vient
à l’esprit.
— Si tu acceptes, j’en toucherai deux mots à Pedro. Si cet accord
lui convient, alors je te recontacterai. Mais tu devras te préparer pour
vivre quelque temps au repaire, tu ne partiras pas en mission sans
formation au préalable, m’explique-t-il pour combler le silence que je
maintiens.
Il me tend un bout de papier et je fixe mon attention sur lui. Je
l’observe, surprise de voir que même les mafieux ont droit à leur
carte de visite.
— Je te laisse réfléchir, conclut-il en insérant la clé pour démarrer
le moteur.
Je secoue la tête et refuse de la prendre. Il relève les épaules
comme pour accepter ma décision et la glisse dans la poche de sa
chemise.
— J’accepte, annoncé-je finalement.
Il semble perplexe et m’observe d’un air curieux.
— Tu es sûre, Camila ? Pas de retour en arrière ?
Je pivote vers lui et arbore un air déterminé.
— Est-ce que tu me promets qu’après ça, le Serpent laissera Téo
tranquille et que sa dette sera réglée ?
Mon cousin hoche la tête pour confirmer mes dires. Je soupire et
tends ma paume vers lui.
— C’est d’accord ! m’exclamé-je en lui serrant la main.
— Parfait, note-moi ton numéro, je te donne une réponse dans la
nuit. Si le Serpent accepte, sois prête à 5 h 30 ici. Une voiture viendra
te récupérer.
— Demain ? demandé-je, surprise, en récupérant son téléphone.
— La formation pour les prochains voyages va débuter, tu dois
être présente, affirme-t-il.
Et mes examens ? Mon diplôme ? Mes rêves ?
Je déglutis et inscris mon numéro avant de le lui rendre sans
même le regarder. Je pose ma main sur la poignée et m’arrête.
— Merci, lui murmuré-je avant de sortir de la berline.
À peine ai-je claqué la portière que mon cousin quitte la favela en
trombe. Le bruit de sa voiture ne devient qu’un fond sonore à peine
perceptible. Je réalise doucement l’ampleur de la situation. Je reste
là, stoïque, totalement perdue dans cette peur qui me consume.
Jusqu’à ce que la silhouette de mon petit frère apparaisse au bout
de la ruelle et se dirige vers moi.
Téo.
2
Pedro
2 décembre – Paraíso Club, Maceió

La musique résonne tel un boum-boum répétitif et sans fin dans


ma tête. Le sol paraît instable et les murs de mon bureau semblent se
mouvoir autour de moi. La seule chose qui reste réelle, c’est le plaisir
continu qu’elle m’offre lorsque je m’enfonce entre ses lèvres.
La chaleur de sa langue sur ma verge me transporte quelques
instants loin de la rage qui m’anime ce soir. L’alcool n’a pas suffi à
étouffer ma colère, alors je laisse Kaïa le faire. Et putain qu’elle le fait
bien ! Elle reste silencieuse, pendant que j’attrape sa longue queue-
de-cheval rousse et que je lui baise la bouche. Autrement dit, « suce
et tais-toi ».
Lorsque je me décharge en elle, je libère une part de mes
tourments. Et tel un toxico qui sniffe son rail de coke, le sexe génère
une dose suffisamment élevée d’ocytocine pour me permettre de tout
oublier un court instant.
Mais tout comme la cocaïne, tout ça n’est que temporaire, et une
fois l’effet euphorisant passé, je me replonge dans l’alcool pour
compenser.
Je soupire, preuve de mon soulagement, tandis qu’elle se relève
en me souriant. Elle essuie sa bouche du revers de la main, puis
réajuste sa coiffure que j’ai altérée en l’agrippant.
— Tu te sens mieux ? me demande-t-elle pendant que je me
rhabille.
— Ouais, ça devrait aller pour ce soir.
Je me redresse pour me saisir d’une liasse de billets que je pose à
son intention sur la table. Je replace ensuite mon arme dans la poche
arrière de mon jean, mais je perçois le regard insistant de la
prostituée sur moi.
J’arque un sourcil interrogateur. Elle s’approche et m’attrape la
main pour la glisser sous sa jupe. Elle ne porte pas de sous-vêtement
et pose mes doigts directement sur sa féminité.
— Si tu as besoin de plus, tu sais où me trouver, elle n’attend que
toi.
L’humidité présente me prouve toute l’excitation qui la
submerge, mais je grimace en retirant ma paume.
— Ouais, réponds-je en lui indiquant la porte d’un mouvement de
tête.
La jolie rousse ne se fait pas prier, elle attrape l’argent et le glisse
dans le balconnet de son soutien-gorge avant de prendre la sortie.
J’avance d’un pas incertain vers mon bureau et récupère mon
paquet de cigarettes. Je m’y assieds et observe de ma hauteur la piste
de danse du Paraíso, le club des frères Gomes. Notre club, le plus
sélect de la côte est, là où des stars internationales viennent faire leur
représentation.
Alors que la nicotine vient s’infiltrer dans mes poumons, j’observe
Kendrick Lamar sur scène. Sa venue va nous rapporter gros et
Danilo, mon petit frère, profite d’événements de ce genre pour
blanchir l’argent du réseau familial. C’est son domaine, et il est très
bon pour ça.
Je l’observe, installé à notre table dans le carré VIP, en train de
discuter avec mon bras droit, Alex.
Alors que j’expire la fumée, je remarque l’arrivée de José, notre
négociateur. De ma main, je frotte mon front, exaspéré par sa
présence. Kaïa vient de me vider les couilles pour m’aider à calmer
mes nerfs, mais ce trou du cul risque de rapidement raviver ma
colère.
L’homme redresse la tête vers mon bureau et me fait signe de le
rejoindre. Peut-être que j’aurais dû la baiser, après tout.
J’écrase ma clope à moitié terminée dans le cendrier et me relève.
J’attrape la bouteille de vodka déjà entamée qui trône entre plusieurs
dossiers et l’ouvre. J’en bois quelques gorgées en me dirigeant vers la
porte.
Je titube légèrement dans l’escalier qui mène à l’accès inférieur.
Les effluves d’alcool qui circulent dans mes veines me semblent
encore trop faibles pour que le flou remplace les souvenirs
persistants.
Alors je bois encore un peu.
Juste un petit peu.
Pour oublier.
Je manque de tomber plus d’une fois, alors le nouveau videur en
date s’approche pour m’éviter la chute. J’attrape l’arme dans ma
poche arrière pour la lui planter sur le front.
— Ne me touche pas, grogné-je en abaissant le cran de sécurité.
L’homme s’écarte sans un mot pendant que son collègue ouvre
l’accès VIP en fusillant le nouveau du regard.
— Au moins, avec les burnes pleines, tu tenais debout, se moque
mon bras droit.
— Ferme-la, rétorqué-je avant de m’installer tant bien que mal sur
le fauteuil de cuir noir en face de mon frère.
J’ingurgite de nouvelles gorgées, puis pose avec brutalité la
bouteille sur la table en dévisageant José.
— Kaïa a calmé tes nerfs ? me questionne Danilo avec ironie
lorsqu’il comprend que l’arrivée de notre négociateur m’irrite.
— Visiblement pas assez puisque Alexandro me les casse déjà,
déclaré-je, alors que j’accentue volontairement le prénom de mon
second, qui déteste qu’on emploie son nom complet.
Le concerné rit à ma pique et boit à son tour dans son verre.
— Pauvre Kaïa, elle arrive au bout de ce qu’elle peut donner, tu
devrais songer à changer, Pedro, souligne-t-il.
Il a raison. Ce petit con me connaît beaucoup trop. La bouche de
la jeune femme a beau faire des merveilles, comme toute chose dans
ma vie, je m’en lasse. Ce qui me plaît surtout, c’est l’attrait de la
nouveauté. De nouvelles fesses, une nouvelle paire de seins, et une
toute nouvelle chatte, voilà ce dont j’ai besoin.
Je quitte un bref instant les yeux de José Soares pour offrir un
discret rictus en réponse à la remarque d’Alex, avant de toiser le
cinquantenaire de nouveau.
— Qu’est-ce que tu fais là, Soares ? craché-je à son attention.
Mon frère, bien plus patient que moi, l’invite à s’asseoir d’un geste
de la main. Alors que mon regard sur lui est toujours sévère, je
comprends rapidement qu’il semble anxieux. La trace de
transpiration sous ses aisselles en est la preuve.
Une fois assis, ses yeux alternent entre Alex, Danilo et moi, mais il
reste silencieux.
— T’as l’intention de garder ta gueule fermée longtemps ? Parce
que j’ai pas que ça à foutre, José.
Mon bras droit semble amusé par mon agacement évident et la
peur que je provoque en lui.
— J’ai trouvé une solution pour la dette du petit Téo Soares,
prononce-t-il finalement à demi-mot.
Devant le ridicule de ce que je crois entendre, je retrousse mes
lèvres.
— Tu quoi ? José, s’il te plaît, sois gentil et parle un peu plus fort,
t’es en train de doucement abuser de ma patience, lancé-je d’un ton
faussement sérieux.
— J’ai trouvé comment Téo Soares pourra vous rembourser,
prononce-t-il désormais plus fort.
Cette fois, c’est Danilo qui intervient, excédé.
— Comment ça ? Est-ce que tu as son argent ou pas, José ?
Pris dans un étau, le négociateur secoue la tête en baissant les
yeux afin de ne pas affronter les nôtres.
Un rire mauvais m’échappe, et je me saisis de l’arme posée sur la
table, pour l’analyser avec exagération afin de lui rappeler les risques
qu’il prend.
— José, José, José.... Tu vois, le truc, c’est que tu es un bon
élément de mon équipe, d’ailleurs c’est sûrement pour ça que tu es
encore vivant aujourd’hui. Mais là tout de suite, j’ai juste envie
d’exploser ta putain de cervelle. Qu’est-ce que tu ne comprends pas
dans « Je veux mon argent ? »
Son silence en réponse, je n’arrive pas à rester impassible et me
redresse en pointant le pistolet vers lui, ce qui provoque une légère
agitation dans la foule qui nous entoure. Malgré des clients souvent
habitués à mes accès de colère, les videurs se doivent d’apaiser les
plus apeurés d’entre eux.
— Et j’en ai rien à foutre que ce soit ta mère, ta sœur, ton frère ou
ton cousin ! Donc je t’écoute, où est mon argent ?
Son teint blêmit lorsque j’abaisse le cran de sécurité.
— Je… sa… pour que…
— José, ressaisis-toi vite, mon frère va perdre patience, lui
conseille Danilo avec ironie.
Après une légère hésitation, il déglutit et ferme les yeux avant de
finalement prononcer :
— Sa sœur s’est proposée pour faire la mule pour rembourser la
dette de son frère.
En dehors de la musique et du public, le silence autour de lui le
pousse à rouvrir ses paupières encore closes. Un rire jaune
m’échappe alors que je pose mes mains sur mon front en levant les
yeux vers le ciel. Je me tourne finalement vers mon bras droit.
— Il se fout de ma gueule ?
Alex, affalé sur le fauteuil, m’offre un sourire en coin.
— Je pensais que… tente-t-il de se justifier, mais le son de sa voix
m’échauffe.
Je contourne la table et l’attrape avec virulence par le col de sa
chemise, pointant l’arme sous sa mâchoire.
— Tu pensais que quoi ? Que je marchandais ?!
Le plus dur lorsque j’atteins cette fébrilité intense, c’est de
redescendre. Et cet abruti est bien trop doué dans ce qu’il fait pour
que je puisse le tuer ici. Trop de contrats me seraient passés sous le
nez sans sa capacité de persuasion. Alors je prends quelques
secondes pour me ressaisir et finis par le relâcher en poussant une
expiration bruyante.
— Il n’a pas l’argent ? demandé-je dans un ton plus calme.
Silencieux et prostré, il secoue la tête de gauche à droite.
Je pince mes lèvres d’agacement et replace l’arme à l’arrière de
mon pantalon avant d’attraper ma bouteille et de me tourner vers
Alex.
— Fais-moi décapiter ce Téo et arrache-moi les couilles du José
pour les faire bouffer à son chien.
Je m’écroule sur le fauteuil, puis laisse à la vodka sa chance
d’apaiser mes nerfs.
Sinon je retournerai la baiser.
Mais Alex aime beaucoup trop jouer avec mon humeur. Il
m’observe, un sourire en coin, pendant que Danilo semble en pleine
réflexion et José au bord de l’infarctus, puis se penche à mon oreille.
— Pedro, José n’a pas de chien.
Je manque de recracher l’alcool qui me brûle la gorge. Ce qui
n’aurait pas été un problème puisqu’il aurait camouflé les odeurs de
transpiration de l’abruti terrifié qui me fait face.
— Alors tu les boufferas, toi, cabrão{2} !
D’un mouvement de tête, mon petit frère me demande de le
suivre. Je bois une dernière gorgée et dévisage José d’un air mauvais.
Je m’aide de mes bras pour me relever et rejoindre Danilo.
Son air sérieux me pousse à m’interroger.
— Un problème, Dani ?
— Je pense que ce n’est pas une mauvaise idée.
Je hausse un sourcil et le fixe, étonné.
— Ça fait trois semaines que la DEA{3} chasse les mules. Cinq
d’entre elles se sont fait arrêter lors du dernier voyage. Sans compter
que le nombre de volontaires s’amenuise. Deux étudiantes ont fait
une overdose avant d’expulser la drogue.
Adossé contre le rebord du comptoir, je frotte ma lèvre, en pleine
réflexion, les yeux dans le vide.
— Téo est un bon élément, tu le sais, je le sais. On devrait tirer
profit de la situation.
Lorsque je pose le regard sur mon frère, je suis conscient qu’il a
raison. Il est tellement plus réfléchi que je ne le suis, c’est un fin
stratège, alors que moi, je représente l’impulsivité et j’induis la peur. Le
petit Soares est doué et ambitieux, comme l’était son père. En acceptant
la proposition de José, je gagne donc une mule et je garde un sicario{4}
prometteur. Après ce coup de stress, je suis certain que Téo saura se
ressaisir, et je chargerai Alex de le prendre sous son aile.
Quant à elle, la carte de sortie ne sera pas aussi facile. Je compte bien
être celui qui décidera du sort qui lui est destiné.
— Tu me fais chier d’être aussi réfléchi, petit frère, avoué-je à
Danilo avec un ton empreint d’une certaine fierté.
Il hoche la tête en souriant et, sa main sur mon épaule, m’incite à
rejoindre les autres. Tandis qu’il se réinstalle, je m’assieds
directement sur la table juste à côté de mon négociateur. Je sors mon
paquet de cigarettes et en glisse une entre mes lèvres, puis je tends la
main vers lui, et il comprend que je réclame un briquet. Il me pose le
sien dans la paume et j’allume ma clope en fixant Kaïa qui se
déhanche indécemment sur la piste. Elle n’hésite pas à se baisser,
laissant à ma vue ce que je ne saurais ignorer.
— Je veux cette fille dès demain au repaire, annoncé-je sans
même le regarder.
— Oui, Pedro. Camila sera là demain sans faute ! s’exclame-t-il
avec engouement.
Je crispe ma mâchoire et éclaircis ma voix avant de l’appeler.
— José ?
Je quitte des yeux la jolie rousse au corps tentateur pour me
tourner vers lui. L’enthousiasme présent quelques secondes plus tôt
laisse place à de l’appréhension.
— Oui ?
— Qui es-tu pour te permettre de m’appeler par mon prénom ?
J’observe sa pomme d’Adam qui se meut alors qu’il reste sans
voix.
— Demain, je t’amène Camila, Serpent.
Mes lèvres s’étirent et je me relève, la cigarette en bouche.
— Voilà qui est nettement mieux, tu m’excuseras, les affaires
m’attendent, conclus-je en tapotant sa joue de ma main.
Je ne lui laisse pas le temps de me répondre et m’avance
directement vers mon bureau. La prostituée sur la piste m’observe et
n’attend qu’un seul signe de ma part pour me suivre. Je redresse mon
index et mon majeur lui indiquant le chiffre deux et j’entrevois son
sourire, preuve de toute son excitation. Satisfait, je monte les marches
qui mènent à ma pièce privée.
J’ai besoin d’une double dose.
Je m’installe de nouveau sur mon fauteuil et dépose mon arme à
côté de moi. La porte s’ouvre sur Kaïa et son amie, une belle blonde
qui semble tout autant emballée que sa collègue. En silence, je les
observe qui entreprennent ce pour quoi elles sont venues. Elles se
déshabillent et s’embrassent devant moi. Je sens mon sexe durcir et
je savoure cette scène dans un but précis : les baiser jusqu’à chasser
toute la merde de ma tête.
Mon habituée se tourne vers moi en dégrafant son soutien-gorge :
— Que veux-tu qu’on fasse, Serpent ?
3
Camila
Nuit du 2 décembre – Favela, Maceió

Malgré la pénombre, je décèle de l’embarras à travers les iris de


mon frère. D’un mouvement de tête, je l’invite à me suivre à
l’intérieur. Lorsque je passe le pas de la porte, la voix de ma mère le
pousse à rester quelques instants sur le perron pour ne pas se
confronter à elle.
— Camila ! se précipite-t-elle, apeurée.
Elle m’offre une étreinte maternelle avant de m’analyser. Comme si
mes yeux pouvaient lui transmettre un quelconque message.
— Tout se passera bien, maman, prononcé-je dans une promesse
incertaine.
— Qu’as-tu fait, ma fille ? s’inquiète-t-elle.
Ma mère n’est pas dupe, mon père a toujours travaillé pour ces
hommes, elle connaît leur fonctionnement, je ne peux donc pas
ignorer sa question.
— J’ai trouvé un compromis.
Son regard se fait soudain plus soucieux.
— Ne me dis pas que…
Sa crainte me bouleverse, je sais ce qui l’effraie. Ce que toute mère
ne pourrait tolérer. Ce qu’elle ne pourrait plus tolérer.
— Ce n’est pas ça, maman, ne te fais pas de soucis. On s’est
arrangés avec José, la dette de Téo sera oubliée, et il sera hors de
danger. Il me l’a promis.
Elle comprend que je n’en dirai pas plus. Que je ne peux rien
dévoiler.
L’inquiétude qui émane d’elle ne me laisse pas indifférente, mais
je n’ai pas le choix. Elle a tenu notre famille à bout de bras toutes ces
années. C’est à mon tour de lui rendre la pareille.
— Tu devrais rejoindre Ana et te reposer, je m’occupe de ranger
tout ça, proposé-je en montrant du doigt la cuisine.
Elle hoche la tête silencieusement avant de m’étreindre de
nouveau.
— Je t’aime, ma fille.
— Moi aussi.
Plus que tu ne l’imagines.
Elle monte à l’étage tandis que j’attrape un soda dans le frigo et
me dirige dehors.
Mon frère est là, assis à cette petite table sur le perron de notre
maison, ses bras soutenant sa tête, ses doigts mêlés à ses longues
boucles brunes comme les miennes.
Des billets sont étalés devant lui, et je sais par un simple coup
d’œil que la somme est loin de pouvoir rembourser ce qu’il doit au
Serpent.
Je m’assieds et lui tends la canette, ce qui l’incite à redresser ses
yeux vers moi. Cette couleur noisette, que nous avons tous les deux
héritée de notre mère, est entourée de rouge, signe que s’il ne craque
pas devant moi, il l’a déjà fait. La peur le consume, le désespoir face à
la situation dans laquelle il s’est empêtré le guette.
— Huit mille sept cents réaux, Camila.
Sur vingt mille. Huit mille sept cents réaux sur vingt mille.
Il attrape la boisson en me remerciant et la décapsule avant d’en
ingurgiter plusieurs gorgées. Les signes d’anxiété qui l’animent sont
nombreux. J’observe sa façon de se frotter le visage, de bouger sa
jambe dans un mouvement répétitif, de soupirer.
— Il me donne combien de temps ? finit-il par demander.
Je pince mes lèvres et mords l’intérieur de ma joue. Je sais qu’il
n’acceptera pas que je sois la solution, pire, que je travaille pour eux.
Mais je ne peux pas lui mentir. Il me faut au moins un allié dans cette
épreuve, j’ai besoin qu’il soit mon soutien, comme il l’a toujours été.
— J’ai trouvé un moyen pour les rembourser, lâché-je
brusquement, ce qui stoppe le mouvement de son pied.
Ses yeux me fixent, presque moralisateurs. Il a compris.
— De quoi tu parles ?
— Je me suis arrangée avec José, je dois faire un petit truc pour
eux en contrepartie. Mais ta dette sera annulée.
Son rire amer résonne jusqu’à mes oreilles. Je devine à quel point
il est accablé.
— Un petit truc ? se moque-t-il. Un petit truc qui te vaudra une
place au sein de leur clan, Camila.
Il pose sa canette et attrape ma main que je meurtris pour calmer
mon anxiété face à ce qu’il vient de me faire réaliser. Une place au
sein du réseau. Tout ce que j’ai toujours voulu éviter est en train de
se produire.
— Qu’est-ce que José t’a proposé ? me demande-t-il.
Je serre sa paume et le regarde.
— Un voyage, Téo. Je fais la mule pour un voyage, après ça, tu ne
leur devras plus rien.
Mon frère se redresse abruptement et lève la tête vers le ciel dans
un soupir bruyant.
— Non ! Non ! Tu ne peux pas faire ça, tu connais les risques ! Ils
ont perdu plusieurs mules ces derniers temps, ces capsules de coke
se fissurent ! Et… Et puis merde ! C’est mon problème, alors ne t’en
mêle pas, je trouverai une solution.
Cette fois, je ris à mon tour.
— Une solution ? C’est vrai que jusqu’à aujourd’hui tu t’en es bien
sorti ! remarqué-je avec sarcasme en pointant les réaux étalés devant
nous. Il a été clair, le Serpent veut cet argent, faute de quoi il te tuera.
C’est ça que tu veux pour maman ? Après son mari sous terre, que
son fils l’y rejoigne ?
Mes propos le font réagir. Il se penche sur la balustrade, attache
ses cheveux en un chignon et s’allume une cigarette. Je me lève alors
pour me placer à ses côtés.
Nous fixons l’horizon et la vue que nous offrent les hauteurs de la
favela. Nos ruelles ne s’endorment jamais vraiment, les musiciens
jouent des percussions et, à la veille du week-end, les habitants se
retrouvent, dansent et chantent jusqu’à la tombée de la nuit, avant
que le côté sombre du narcotrafic ne prenne la relève. Là où dealers,
toxicomanes et prostituées se partagent la favela. Cette réalité qui est
la mienne est bien loin de la fausseté de l’autre partie de Maceió.
Hypocrite et menteuse, cette autre face dévoile aux touristes les bons
côtés du Brésil, bien loin de la vérité et de la pauvreté que nous
subissons. Bien loin de ce que je suis contrainte de vivre aujourd’hui.
— Je vais faire ce voyage, Téo, mais je veux que tu me promettes
qu’après ça, tu partiras avec nous aux États-Unis.
Lié au Serpent, il ne m’a, jusque-là, jamais confirmé son départ.
Et cette fois, je veux l’entendre. Être certaine qu’il nous suivra, nous,
que son choix se portera sur sa famille et non sur ce cartel dont il
arbore fièrement l’emblème sur la peau de son cou.
Un serpent, en hommage à ce criminel sans cœur. Chacun des
membres se le tatoue en signe de loyauté au réseau de drogue. Voilà
déjà une année que l’animal est dessiné sous son épiderme.
— Ça ne dépend pas de moi, Cam.
Il a raison, je le sais, et pourtant c’est la seule chose qui
m’importe : protéger ma famille.
— Enfuis-toi avec nous, proposé-je.
— Il me retrouvera, le Serpent nous retrouve toujours…
Le son d’un vibreur nous interrompt, je me retourne et remarque
qu’il s’agit de mon téléphone. Après un bref regard à mon petit frère,
je m’avance pour vérifier le nom de l’expéditeur du message que je
viens de recevoir.
[José : Le serpent a donné son accord. Un chauffeur
passera te prendre demain à 5 h 30, sois prête.]
Je relève mes yeux vers Téo, et je n’ai pas besoin de dire quoi que
ce soit, nos regards parlent pour nous. Comme guidé par un besoin
vital, il s’approche et m’étreint de ses bras musclés.
— Je suis désolé, murmure-t-il dans un aveu dévoilant toute la
culpabilité qui le tourmente.
— Je t’aime.
Il ne me répond rien, mais lorsque sa poigne se fait plus forte, je
comprends qu’il le pense, lui aussi.
Après quelques recommandations de sa part, je prends finalement
le chemin de ma chambre, mais lorsque je passe devant celle de ma
mère, je réalise que ma sœur s’est endormie avec elle. Je les observe,
si paisibles, et mon cœur se serre devant cette image. Un jour, nous
partirons d’ici, tous ensemble, loin de ce monde, je vous le promets.
J’empêche une larme de couler en fermant mes paupières et
pousse la porte. J’accède finalement à ma chambre et m’allonge sur
mon lit, où je fixe le plafond, combattant l’afflux de pensées
anxiogènes liées à ce qui m’attend ces prochains jours, et à ce
qu’implique cette décision soudaine. Une pause dans mes études, un
éloignement familial, et tous mes projets en suspens. Il faut que je
prévienne Béatriz, mon binôme de la faculté pour qu’elle informe les
référents de mon absence. Je soupire et une boule se forme dans
mon estomac face au stress de la situation.
Je me force à fermer les yeux, et espère que Morphée
m’entraînera rapidement au pays des rêves.
Une belle étape avant d’accéder à l’enfer.

Les cernes marquent ma peau, preuve de ma courte nuit. J’attache


mes cheveux bruns en une queue-de-cheval haute avant de refermer
la porte de ma chambre. Lorsque j’entrouvre celle de ma mère, où
elle et ma sœur dorment encore à poings fermés, je sens une main se
poser sur mon épaule.
Je me retourne vers Téo, alors que je camoufle les larmes qui
m’échappent en les essuyant.
— Tu ne dors pas ? demandé-je, étonnée.
— Non, j’ai passé quelques coups de fil pour ton arrivée au
repaire, m’explique-t-il.
Je hoche la tête, puis referme la porte. Nous descendons l’escalier
qui mène à la sortie et je vérifie le contenu de mon sac une dernière
fois : affaires de toilette, vêtements, chargeur, une photo de famille
avec mon père, ainsi qu’un livre et mon carnet à dessin que j’ai
ajoutés après un temps d’hésitation, pour m’occuper pendant mon
voyage.
Je soupire et regarde mon petit frère.
— Je prendrai des nouvelles, m’annonce-t-il.
— Fais attention à elles et s’il te plaît, ne dis rien à Ana.
Les lèvres de Téo se pincent à l’évocation de notre petite sœur de
douze ans à qui, je sais, mon départ va coûter.
— Je lui dirai que tu as trouvé un stage de dernière minute.
J’approuve son idée, puis ouvre la porte de la maison après avoir
chaussé une paire de baskets. Mon frère m’interpelle et ouvre ses
bras. Je m’y blottis et y reste quelques instants.
— Je t’aime, m’avoue-t-il finalement.
— Moi aussi, Téo.
Je souris et descends les marches du perron dans une ruelle
silencieuse et sombre à cette heure si matinale. Mon sac à la main, je
m’apprête à m’asseoir sur la dernière marche en attendant que le
chauffeur arrive lorsque la voix de mon frère résonne.
Je me retourne, et son air sérieux m’incite à l’écouter.
— Personne ne doit jamais savoir pour Rafael. JAMAIS.
Rafael. Ce prénom pourrait causer ma perte.
— Personne n’en saura rien, le rassuré-je.
Mon regard se reporte sur la chaussée. Les rues sont désertes,
voilà pourquoi cette heure est adéquate. Avec les fréquents
règlements de compte, les overdoses et les nombreuses autres morts
au sein de la favela, la policia militar{5} fait une ronde quotidienne
vers six heures du matin afin de récupérer les cadavres avant que les
habitants ne se réveillent sous les cris d’horreur.
Une lumière éclaire le sol et, rapidement, le bruit d’un moteur
couvre les premiers chants des oiseaux. Je vérifie l’heure sur mon
téléphone : 5 h 30, a priori les criminels sont plutôt ponctuels. Tant
mieux.
Mon cœur s’emballe et, à mesure que la voiture s’approche, il
accélère plus encore. Un dernier regard vers ma casinha{6}, vers mon
frère qui patiente avec moi, comme si cette vision pouvait ralentir les
secondes qui passent.
Un 4x4 Jeep noir s’arrête à ma hauteur. Les fenêtres teintées
m’empêchent de voir à l’intérieur du véhicule. La portière côté
conducteur s’ouvre et je découvre un homme d’une quarantaine
d’années en costume et avec des lunettes de soleil – à 5 h 30 du
matin – qui s’avance vers moi.
Son visage se redresse un instant vers ma maison.
— Téo.
— Bonjour, Alberto, le salue à son tour mon frère avant que
l’attention du chauffeur se recentre sur moi.
— Camila Soares ? me questionne-t-il d’un ton formel.
Je hoche la tête pour confirmer mon identité. Il tend sa main dans
ma direction et, face à mon manque de réaction, il désigne mon sac
d’un mouvement de tête.
Je le lui remets et l’observe le placer dans le coffre du 4x4, puis il
m’ouvre la portière afin que je rentre dans la voiture.
Ponctuel et gentleman.
Je me retourne brièvement vers Téo dont les yeux me délivrent de
nombreux messages de culpabilité, je souris pour couvrir mon
anxiété et quitte son regard pour m’installer sur le siège passager. Le
chauffeur vient à son tour et referme aussitôt sa porte. L’intérieur en
cuir noir est design, l’odeur du neuf embaume l’habitacle. Si de
dehors, rien n’est visible à l’intérieur du véhicule, d’ici je vois tout ce
qui m’entoure, y compris mon frère qui nous fixe, impuissant.
Alberto met le contact et, sans un mot, démarre. Il roule avec
dextérité et s’immisce facilement dans les plus petites ruelles du
quartier. Je connais notre destination, l’enfer, sur les hauteurs de
Maceió, à son point culminant. À l’endroit qui surplombe la favela,
visible de tous et qui nous rappelle sans cesse, par sa présence, qu’ils
nous dominent.
Le trajet se fait dans le silence, si ce n’est mon cœur qui palpite au
gré des mètres que nous parcourons. Il bat si fort à l’intérieur de ma
poitrine que je redoute que le chauffeur ne l’entende.
Après quelques minutes, nous arrivons devant une grande bâtisse
entourée de murs, comme s’ils protégeaient un château, sauf que ce
n’est pas un prince que je m’en vais retrouver, ni même son palais.
Non, je m’apprête à travailler pour l’homme le plus craint de la côte
est du Brésil. Le Serpent.
Alberto s’arrête et ouvre sa fenêtre devant un interphone qui
sécurise l’entrée des lieux. Il sonne et attend, sans m’accorder la
moindre attention.
— Oui ? prononce une voix masculine.
— C’est Alberto, je suis avec la fille.
Entendre le chauffeur m’annoncer ainsi, et le silence de quelques
secondes que nous impose son interlocuteur, pousse mon cœur à
battre encore un peu plus vite. Mes doigts se rejoignent et, dans un
geste automatique, j’y arrache les petites peaux comme pour pousser
mon esprit à occulter l’angoisse qui trouve place en moi.
Comme si je pouvais l’ignorer.
— Il arrive.
Ces mots me coupent la respiration. Je stoppe mes mouvements
et tourne mon visage vers l’homme à mes côtés.
Inconsciemment, je cherche de sa part une sorte de réconfort,
comme un espoir de ne pas avoir à rencontrer le Serpent, et pourtant
je suis totalement démunie face à la situation. Le chauffeur agit
comme si je n’étais pas avec lui. La voiture avance dans l’allée
gravillonnée jusqu’à l’entrée principale. Le cliquetis du
déverrouillage automatique résonne alors qu’il sort du véhicule.
J’inspire et profite de mes dernières secondes de liberté. Je remarque
de légères traces de sang sur mes doigts meurtris par mon angoisse.
Trop vite, la porte côté passager s’ouvre et Alberto me tend mon
sac, qu’il a récupéré dans le coffre sans que je m’en aperçoive.
— Quelqu’un va vous escorter, m’informe-t-il lorsque je quitte le
véhicule.
Je hoche la tête et le remercie. Je fixe la devanture de la demeure et
croise les bras sur la poitrine lorsque le vent frais vient agresser ma
peau. Je suis étonnée de voir que le repaire du réseau est en réalité une
grande villa moderne à l’apparence luxueuse. Les baies vitrées et les
jardins entretenus lui donnent un aspect aux antipodes de ce que
j’imaginais pour le QG de narcotrafiquants.
Le moteur du 4x4 me surprend, mais j’ai à peine le temps de me
retourner qu’un homme ouvre la porte principale.
De vingt-cinq ans tout au plus, il se tient face à moi. Serait-ce lui ?
Un sourire en biais se dessine sur ses lèvres lorsque ses yeux bleus
prennent le temps de me détailler de la tête aux pieds.
— C’est donc vrai, commence-t-il en s’accoudant à l’embrasure de
la porte.
Il marque une pause, sans cesser son observation insistante. J’arque
un sourcil, dans l’incompréhension, et l’incite à poursuivre.
— Téo a bien une sœur, conclut-il.
Il hoche la tête et se mordille la lèvre, comme satisfait par cette
information. Quelle perspicacité…
Je retiens ces mots, me rappelant que prendre tout risque inutile
peut s’avérer problématique, si ce n’est pire.
— Camila, prononcé-je dans une présentation brève et simpliste.
L’homme s’éclaircit la gorge, et je perçois l’encre noire qui
parsème sa peau. Il porte le même tatouage que mon frère, un
serpent, au niveau de son cou. Ses cheveux châtains courts ne
cachent pas l’indécence de son regard sur moi, qui se révèle être de
plus en plus embarrassant.
— Je suis Alex, le bras droit du Serpent, m’explique-t-il alors que
j’opine, ravie de savoir qu’il ne s’agit pas du décapiteur en personne.
Alors que j’attends de savoir ce qu’il adviendra de la suite,
l’homme – qui semble légèrement éméché – me fixe de nouveau
avant de rire sous cape.
— Il s’est bien caché de nous dire que sa sœur était aussi
mignonne, déclare-t-il sans la moindre gêne.
Comme s’il réalisait soudain l’embarras dans lequel je me trouve,
il se redresse et me tourne le dos.
— Allez, suis-moi, quelqu’un a hâte de te rencontrer.
Sa phrase fait écho dans ma tête, mon cerveau tente de calmer
mon cœur, d’adoucir l’angoisse qui m’assaille à l’idée de me
confronter à lui. Je tourne mon regard un court instant derrière moi,
vers la vue que nous offrent les lieux, où les premiers rayons de soleil
commencent à éclairer mon chez-moi, ma favela. Et comme dans un
adieu, je clos les paupières et soupire, avant d’emboîter le pas au bras
droit du maître de cet enfer dans lequel je viens de mettre les pieds.
4
Camila
3 décembre – Le repaire

Une fois à l’intérieur de cette grande demeure, je suis surprise par


la beauté des lieux. Rien ici ne reflète ce que mon esprit s’était
imaginé concernant le repaire d’un des réseaux de trafic de drogue
les plus influents du pays. Je me laisse guider par ledit bras droit, qui
me mène d’un pas sûr vers ma destination.
— Le premier étage est celui réservé aux femmes du réseau,
m’explique-t-il lorsque nous arrivons à l’accès supérieur.
Nous sommes face à un long couloir, peint d’un blanc immaculé où
pas moins d’une dizaine de portes s’alignent les unes après les autres,
à l’image d’un hôtel. Silencieuse, je laisse mes yeux apprécier la
décoration épurée, et je suis d’autant plus surprise qu’une senteur
délicate de bougie vient chatouiller mes narines.
— Les mules, certaines dealeuses, les prostituées attitrées ou
encore les infiltrées, vos chambres se trouvent toutes ici.
Lorsqu’il s’arrête devant la dernière porte, il s’accoude et sort une
cigarette qu’il place entre ses lèvres avant de m’offrir un sourire en
coin.
— Ça va, détends-toi, il n’a tué personne aujourd’hui, déclare-t-il
de but en blanc.
Comme si le temps venait soudainement de s’arrêter, mon cœur
s’emballe, guidé par la frayeur de rencontrer l’homme que j’exècre de
manipuler mon frère, l’homme qui est désormais le chef du cartel
responsable de la mort de mon père.
Comment suis-je censée réagir face à ces sentiments qui me
torturent sans même que je l’aie encore rencontré ?
Comment mener à bien ma mission quand l’idée de travailler pour
un être aussi méprisable que le Serpent me rebute autant ?
Devant mon silence, Alex toque à la porte qui nous fait face.
— J’arrive ! s’exclame presque aussitôt une voix féminine.
Je relève les yeux vers lui, il semble amusé par ma surprise. Il s’est
clairement joué de moi, l’enfoiré !
Il se penche légèrement, tandis que le son du loquet de la serrure
se fait entendre.
— No stress, ma jolie, tu ne le verras que tout à l’heure, chuchote-
t-il, taquin.
Je ravale une remarque acerbe qui me reste au travers de la gorge
quand la porte s’ouvre sur une jeune femme métisse d’une vingtaine
d’années. Son sourire lorsqu’elle nous voit me laisse perplexe.
— Tu m’amènes ma nouvelle protégée, Alexandro ? lui demande-
t-elle avec enthousiasme.
Je n’ai pas le temps de la saluer que déjà son ami la reprend.
— Sonia, c’est Alex, quatre putains de lettres à retenir, c’est trop te
demander ? A. L. E. X., pas Alexandro ! grommelle-t-il
vraisemblablement agacé, mais amusé.
— Je te présente…
— Camila, le coupe-t-elle en s’approchant pour m’enlacer. Je sais,
Téo m’a prévenue.
J’écarquille les yeux devant ce geste inattendu et qui pourtant
réussit à calmer mon cœur de sa course folle.
Elle se recule et me détaille sans la moindre retenue. Ses pupilles
marron m’analysent pendant que j’admire le travail de ses cheveux
tressés à la perfection. Un coin de ses lèvres se retrousse et me
permet de repérer les quelques taches de rousseur parsemées sur son
nez.
— Mate-moi ce physique, je peux négocier pour la basculer sur
une mission d’infiltrée, tu penses ? demande-t-elle avec engouement
au bras droit du Serpent, qui rit à sa remarque et lui offre une
réponse négative tout en allumant sa cigarette.
— C’est bien dommage, réplique la jeune femme dans un soupir.
Je suis Sonia !
Je relève les yeux vers elle et souris à sa présentation.
— C’est elle qui s’occupera de ta formation de mule, renchérit Alex
en inhalant sa première bouffée.
— Et sur la demande de ton petit frère, c’est dans ma chambre que
tu crécheras ! ajoute Sonia, enjouée.
— Téo ? demandé-je, confuse.
— Ton petit frère est un peu le chouchou de ces dames ici, il a
expressément demandé à ce que tu sois bien traitée, me répond Alex.
— Comme s’il avait besoin de le faire, remarque Sonia en levant
les yeux au ciel. En tout cas, je suis heureuse de faire enfin ta
connaissance ! J’espère que cet abruti ne t’a pas embêtée !
Ledit abruti rit en crachant sa fumée.
— Il valait mieux qu’elle tombe sur moi, crois-moi. Pedro était
soûl et odieux, ce soir.
Les deux se regardent, et je comprends que les dires qui circulent
sur le chef de cartel sont fondés.
— Essaie de faire en sorte qu’elle ne rencontre que Danilo,
propose Sonia.
Face à cette conversation sur le caractère volcanique du Serpent,
je me remets de nouveau à triturer mes doigts. Alex secoue la tête et
expire sa fumée directement vers son amie.
— Je verrai ce que je peux faire pour toi, beauté, lance-t-il d’un
ton aguicheur.
D’un mouvement de main, Sonia chasse l’air et fronce les sourcils.
— Alexandro Rodrigues, tu nous pollues, retourne t’amuser
ailleurs, je m’occupe de Camila, rétorque-t-elle pour le taquiner.
Je sens sa poigne délicate m’attraper le bras pour me rapprocher
d’elle.
— Sonia, mon amour, tu ne peux plus te passer de moi, je le sais,
pourquoi me résistes-tu ?! s’exclame Alex d’un ton moqueur en
s’approchant d’elle et, lorsque la jeune femme se met à rire, je me
surprends à sourire à mon tour devant leur complicité.
— Va te faire foutre, Alexandro ! Et va dormir, tu as une tête de
déterré ! lui répond-elle, hilare.
Elle repousse son ami et finit par lui claquer la porte au nez. Elle
s’y adosse, un air satisfait sur le visage.
— Enfin débarrassées ! s’extasie-t-elle. Voilà ta chambre pour les
prochaines semaines.
Elle est bien plus grande que celle de ma casinha. Je souris en
découvrant la pièce. La jeune femme a de bons goûts décoratifs, et un
penchant pour les orchidées. Pas moins de trois pots décorent la
chambre. Elle s’approche du côté bien plus ordonné.
— Voici ton petit coin à toi, tu pourras y déposer tes affaires. Et si
besoin, n’hésite pas à piocher dans les miennes.
Je hoche la tête et m’assieds sur le lit aux draps soyeux. Mes
doigts touchent le tissu et je mordille ma lèvre pour m’empêcher de
sourire. Je ne devrais pas, et pourtant, l’idée de ne pas devoir dormir
dans une cave à l’odeur nauséabonde m’apporte un réel réconfort.
Sans compter que Sonia paraît si bienveillante à mon égard. Du
moins pour l’instant.
— Merci, murmuré-je.
Elle s’assied sur son bureau et me regarde avec attention.
— De rien, Téo m’a expliqué la situation. Ce que tu fais pour lui
c’est…
— Normal, me justifié-je sans cesser de tripoter les draps.
— Je lui ai promis de m’occuper de toi.
Cette fois, mon sourire est évident lorsque je pense à lui. Et je
remarque que Sonia fronce les sourcils.
— Même si je n’avais pas su que tu étais sa sœur, je me serais posé
la question, j’ai vraiment l’impression de t’avoir déjà vue, mais entre
ton frère et ton père, on commence à connaître la famille Soares,
lance-t-elle.
Papa.
Je sors les quelques affaires de mon sac, y compris mon portable,
mais un raclement de gorge m’interpelle. Je relève les yeux vers la
jeune femme qui semble gênée.
— Je vais devoir le récupérer, à la demande du patron.
Je me crispe imperceptiblement lorsque je comprends qu’elle
mentionne mon téléphone. J’obtempère finalement et me lève pour
le lui donner à contrecœur, avant de me réinstaller sur le lit.
— Tu devrais te reposer. À partir de demain, les journées seront
intenses. Si tu as besoin, la salle de bains se trouve juste là,
m’explique-t-elle en m’indiquant de la main la porte à côté de moi.
— C’est toi qui me formeras ? la questionné-je.
Elle hoche la tête et s’installe sur son lit.
— C’est moi qui m’occupe des mules et des infiltrées ici. Je les
forme et gère leurs missions.
— Les infiltrées ?
— Oui, ce sont les filles qui infiltrent principalement les clans
rivaux, pour obtenir des informations. Par la séduction, ou à partir
de différentes couvertures comme médecin, infirmière, baby-sitter…
Des approches différentes, mais toujours avec le même but, celui de
voler des renseignements ou le moindre détail qui pourraient nous
être bénéfiques.
J’écoute attentivement ses explications, et devant notre facilité de
dialogue, je tente d’en savoir plus sur elle.
— Et tu travailles ici depuis longtemps ?
Elle se tait brièvement, étonnée de me voir plus encline à la
discussion.
— Oui, je connais les Gomes depuis presque dix ans, Rui Daniel, le
père de Danilo et Pedro, m’a recueillie à la mort de ma mère. J’ai
commencé ma première mission à quatorze ans avec Dani, on était
dans la même classe, et me voilà aujourd’hui.
Je sais qu’elle lit la surprise dans mes yeux puisque ses lèvres se
relèvent en un sourire amusé, je feins de me concentrer à retirer mes
affaires du sac avant de lui poser la question fatidique.
— Et le Serpent ?
Le silence qui s’ensuit ne me rassure pas, mais je suis incapable de
relever les yeux vers elle, probablement effrayée par ce que les siens
pourraient me révéler.
— Pedro est impulsif et parfois con, il aime surtout montrer qu’il a
le pouvoir, c’est un chef de cartel, après tout. Mais tu ne seras pas
seule avec lui. Alex et Danilo seront également présents, ils savent le
canaliser.
Je hoche la tête pour me persuader de la véracité de ses paroles.
Pourtant, les bruits qui circulent au sein de la favela sont clairs.
Pedro Gomes, le décapiteur, le Serpent, est le diable en personne. Il
tue de sa main sans le moindre remords, sans aucune compassion. Il
pourrait m’assassiner, avant même que j’effectue cette mission.
Et je vais devoir lui faire face, tout en mettant sous clé mon
aversion pour lui.
Pedro

— Il faudrait que les prochains départs des mules se fassent de


chez nous vers l’Europe, peut-être le Portugal ou la France. On doit
prendre un peu de distance avec ces connards de la DEA. On a eu
trop de pertes avec les mules, ces derniers temps.
La voix de mon frère me semble lointaine. Putain de maux de tête.
— Pedro, tu m’écoutes ? me réprimande Danilo.
Mais cette gueule de bois m’empêche d’avoir les idées claires. Mon
cerveau est encore plongé dans mes travers de la veille.
— Ouais, ouais, je t’ai entendu, vers l’Europe, lui réponds-je en
répétant un des seuls mots qui a résonné assez fort pour que je m’en
souvienne.
— Pedro…
Son ton moralisateur me hérisse le poil, et l’idée de l’entendre me
rappeler à quel point je m’enfonce en ce moment me met en rogne.
— Quoi ? grogné-je à son égard.
— Que tu te bourres la gueule, OK, que tu t’amuses avec les
prostituées, OK, mais merde ! On a du travail et nos cargaisons ne
vont pas tarder à arriver de Colombie, il faut qu’on gère le problème
des mules main-te-nant ! insiste-t-il.
— Danilo, ne me fais pas chier ! craché-je, incapable de supporter
d’autres remarques de sa part.
Mon frère soupire, visiblement agacé par mon comportement.
Évidemment, il a raison, je le sais. Mais l’admettre, c’est avouer que
j’ai tort, et je n’en ai pas la moindre envie. Dès lors que cette date
approche, c’est la même rengaine. Les jours qui la précèdent me
rongent de l’intérieur, et chaque nouvelle année est pire que la
précédente. Toujours plus douloureuse. Toujours plus destructrice.
Voilà déjà quinze putains d’années que tout a commencé. Ce seize
décembre, il y a quinze ans, je suis devenu le Serpent, construisant
ma carapace au fil du temps pour finir par ne plus ressentir la
moindre compassion ni la moindre émotion. J’y trouve ainsi ma
seule échappatoire. Alors, s’il faut que je me bourre la gueule, baise
des putes et bute des petits enfoirés tous les soirs pour oublier cette
putain de date, eh bien ! C’est ce que je ferai.
— Pedro. Je le sais… Chaque fois, c’est la même chose. Je te
connais, mon frère. Je te demande juste de gérer le problème des
mules, je me chargerai moi-même de la cargaison, me propose mon
petit frère pour tenter de me soulager un peu.
Pourquoi es-tu si bienveillant avec moi, Dani ?
D’un regard reconnaissant, je hoche la tête pour lui confirmer que
je m’en occuperai. La porte de mon bureau s’ouvre sur un air
chantonnant qui me fait lever les yeux au ciel. Alex.
— Alors Pedro, tu supportes ta gueule de bois ? se moque-t-il en
empoignant ma main pour me faire une accolade.
— À ton avis, rétorque mon frère, espiègle.
Je pouffe intérieurement devant leur taquinerie qui a pour but de
me distraire.
— Laisse tomber, j’ai une putain de migraine, avoué-je.
— J’ai un bon remède pour toi, dit-il, un sourire malicieux aux
lèvres.
J’émets un rire moqueur de concert avec Danilo.
— Je t’écoute, lequel ?
Alex s’approche du bar dans le coin de la pièce, et dépose sur mon
bureau trois verres, et une bouteille de whisky qu’il ouvre.
— Tu veux soigner ma gueule de bois avec de l’alcool ? Les calculs
ne sont pas bons Alex, remarqué-je, narquois.
Le visage sérieux, il boit une gorgée de son verre.
— Camila Soares.
Je soupire lorsque je comprends que nous allons parler boulot.
— Le sujet du travail ne risque pas de le soulager, renchérit mon
frère.
Le sourire en coin d’Alex lorsqu’il nous fixe me pousse au
questionnement.
— Vous n’y êtes pas du tout. Téo s’est bien gardé de nous parler de
sa sœur. Cette fille… ? C’est un… avion de chasse !
Je lève les yeux au ciel face à sa remarque, définitivement pas
d’humeur à jouer les cupidons entre une mule et mon bras droit.
Celui-ci repère mon manque d’intérêt.
— C’est totalement ta came Pedro, tout ce que tu aimes.
— On ne mélange pas le business avec le sexe, Alex. Pourtant tu le
sais, sermonne Danilo avec amertume.
Ce qui me vaut un rire discret.
Le vibreur de mon téléphone résonne dans la pièce. Je m’en saisis
et ouvre le message que je viens de recevoir.
Kaïa – encore un nude.
Je balance le portable sur mon bureau, réalisant que même les
seins de la jolie rousse ne calment pas ma gueule de bois.
— Si tu n’en veux pas, j’en ferai qu’une bouchée, sache-le, rajoute
mon bras droit devant mon manque de réaction.
— Rien à foutre, baise qui tu veux. Tant qu’elle fait son taf, c’est
tout ce qui m’importe, réponds-je pour conclure la conversation.
Je pouffe devant le sourire sans équivoque qui apparaît sur son
visage.
—Tu me redonneras ton accord une fois que tu l’auras vue, Sonia
et elle sont en chemin.
J’arque un sourcil interrogateur.
— Elle est arrivée très tôt ce matin, explique Danilo. On doit lui
donner les détails de sa mission de mule.
Au même moment, trois coups frappent sur la porte de mon
bureau. Je relève mes yeux sur Alex, qui semble impatient.
Je finis l’intégralité de l’alcool que contient mon verre et pose
mon arme à feu devant moi.
— Entrez ! annonce-t-il à voix haute.
5
Camila
Quelques minutes plus tôt

Nous quittons la chambre et traversons le long couloir réservé aux


femmes. Sonia s’est appliquée à couvrir les dégâts du manque de
sommeil visible sur ma peau. Ses mains expertes ont également
dompté ma chevelure. Chaque boucle dessinée à la perfection donne
à mes cheveux un volume conséquent.
— C’est par là, m’explique-t-elle en empruntant le même escalier
que j’ai pris très tôt ce matin en compagnie d’Alex. Cependant, nous
ne nous arrêtons pas au rez-de-chaussée, mais plus bas, au sous-sol
de la villa.
Lorsqu’elle ouvre la porte, je suis frappée par l’odeur de renfermé
qui règne. Je fronce les sourcils face à la pénombre du couloir où
nous nous trouvons. Les murs sont humides et recouverts de
moisissures, en contradiction totale avec ceux d’un blanc éclatant de
l’étage.
Après quelques mètres, je découvre un espace plus grand, séparé
en « box » par quelques rideaux dont le tissu est détérioré, sûrement
dévoré par les mites.
Certaines tables sont couvertes de poudre blanche que des
hommes empaquettent sous le regard attentif de gardes armés qui
déambulent en surveillant le travail de chacun. Des personnes
amorphes sont affalées sur des matelas de fortune, une seringue à la
main, le teint blafard. Les bruits qui m’entourent sont si nombreux
que je suis incapable de faire la différence entre les pleurs, les
gémissements ou les rires qui se mélangent pour ne former qu’un
brouhaha étouffant. J’assiste, malgré moi, au travail des prostituées
avec les hommes du Serpent, à peine cachées derrière ces rideaux. Je
détourne les yeux, mais les sons bruyants de ces hommes en rut
m’accompagnent durant la traversée de ce couloir.
Alors que tout à l’étage semble presque apaisant, rien ne laisse
croire qu’une maison comme celle-ci contient un sous-sol aussi
lugubre, cachant la véritable fonction des lieux.
Sonia s’arrête finalement devant une porte et me fixe avec
attention. Je perçois une certaine appréhension qu’elle tente de
masquer derrière un sourire qui se veut rassurant.
— On est arrivées.
Je réalise en cet instant qu’un mur me sépare de celui qu’on
surnomme le Serpent. Un être méprisable, détestable et violent,
connu pour son manque de compassion.
Le temps s’arrête, tandis qu’une boule s’élargit au creux de ma
poitrine. Si bien que je me sens à l’étroit dans le débardeur qu’elle a
volontairement baissé pour dévoiler un décolleté aguicheur. Comme
si ma belle coiffure et mes seins allaient transformer le loup de la
bergerie en agneau.
Pour tenter de me sentir mieux, je remonte le tissu pour me
couvrir davantage, et souffle lorsque la brune toque finalement trois
coups à la porte.
— Entrez, déclare une voix masculine.
Sonia ouvre et me laisse passer. J’entre, nerveuse, et relève la tête
pour découvrir les trois hommes qui me font face.
Je reconnais Alex, ou le bras droit du chef de cartel, assis sur le
bord du bureau, puis j’aperçois un jeune homme qui me sourit. Il est
mat de peau, la vingtaine, une fine barbe parsème ses joues.
— Bonjour, Camila, m’accueille Alex, dont le sourire séducteur
réapparaît sur ses lèvres.
Je le salue, mais me rembrunit aussitôt lorsque je croise pour la
première fois le regard du dernier homme présent dans la pièce.
Deux iris noirs, sombres et captivants, me scrutent avec
insistance. Un frisson naît sur ma peau et parcourt mon corps,
signe de mon angoisse naissante. Il ne laisse rien transparaître,
pas la moindre émotion, et pourtant sa présence rend
l’atmosphère oppressante. Il arbore un physique dangereusement
attirant. Quelques boucles d’un noir ébène retombent sur son
front. Sa mâchoire tracée se contracte, comme si une certaine
irritation le saisissait. Son charisme puissant me déstabilise et je
me retrouve incapable d’émettre le moindre mot.
— On la raccompagnera, prévient Alex pour congédier Sonia en
dehors de la pièce.
Je sens la main de la jeune femme sur mon épaule comme pour
me transmettre son soutien avant que la porte ne se ferme, mais je
suis totalement figée par l’insistance du regard de l’homme qui me
fait face. Je ne peux pas soutenir le sien, bien trop intimidant, bien
trop terrifiant.
Son identité ne fait aucun doute, et je peux désormais le
confirmer, aucune douceur n’est présente chez lui, il est la
représentation parfaite du mal. Une beauté diabolique prête à attirer
chaque âme perdue dans ses filets.
Enchantée, Satan.
Les manches de son sweat noir sont remontées et laissent
apparaître ses bras musclés et tatoués. À la différence de ses acolytes,
je remarque que le tatouage du serpent est localisé sur son avant-
bras et non sur son cou.
— Bonjour, je suis Danilo.
Le deuxième homme s’approche vers moi en me tendant la main.
Je la serre et lui rends son sourire.
— Assieds-toi, je t’en prie.
La politesse faisant défaut au chef de cartel, je ne prends pas
l’initiative de le saluer et m’installe sur la chaise que l’on vient de
m’indiquer. Alex, assis sur le bureau, se tourne vers ses deux
confrères comme s’il attendait une réaction de leur part qui ne vient
pas. Ce qui pousse Danilo à s’exprimer.
— Camila, voici mon frère que tu dois sûrement connaître sous le
nom du Serpent, se lance-t-il dans des présentations brèves et
concises.
J’esquisse un sourire discret en réponse pour tenter de cacher mon
mal-être. Pedro Gomes est mutique, et continue de m’analyser. Ses iris
et ses pupilles semblent ne faire qu’un, tant ils sont foncés. Si sombres
que son regard pourrait être le reflet de son âme, noire. Je ne perçois
pas un seul mouvement, pas même un clignement.
Face au malaise pesant, je triture mes doigts, mauvaise habitude.
Je baisse les yeux et attends que l’un d’eux se décide à parler.
— Très bien, puisque les présentations sont faites, parlons de ta
mission ! se décide Danilo.
Je redresse le visage vers lui, feignant de ne pas être déstabilisée
par la situation.
— Début de la formation dès demain avec Sonia. Tu ne seras pas
seule, d’autres mules seront également formées.
Je hoche la tête pour indiquer que je suis attentive à ses
explications.
— Il faudrait que tu transportes environ sept cents grammes de
cocaïne vers les États-Unis, reprend Alex.
— Non.
J’écarquille les yeux lorsque le son rauque et légèrement cassé de
la voix du Serpent résonne dans la pièce. Alors qu’il était muré dans
un silence effrayant depuis mon arrivée, je réalise que l’entendre et le
voir interagir ne fait qu’accroître mon angoisse. Et pourtant il n’a
presque rien dit. Ce simple et unique « non » surprend son bras droit
qui, tout comme moi, semble attendre plus d’explications.
Le chef soupire, comme agacé, puis se penche sur son verre
vide. Par dépit, il opte pour son paquet de cigarettes. Il en prend
une et la place entre ses lèvres. Il plonge de nouveau son regard
dans le mien alors qu’il allume son briquet. Il inspire une
première bouffée et, dans un geste insolent, souffle la fumée dans
ma direction, troublant ma visibilité quelques secondes.
— Tu iras en Europe. Au Portugal, précisément.
Du coin de l’œil, j’aperçois Danilo qui sourit et Alex qui acquiesce,
ils semblent soudain comprendre son annonce.
— Tu fais ta formation, tu ramènes ma drogue en Europe, et tu
reviens. Après ça, je réfléchirai à ce qu’il adviendra de ton frère et de
toi, prononce-t-il avec affront.
Je sens que mon rythme cardiaque augmente considérablement,
parce que je réalise une chose qui était pourtant évidente. Il fera ce
qu’il veut de moi, ou de Téo, il agit comme un véritable baron de la
drogue, non pas comme un homme d’affaires. Et je crois avoir sauté
dans le piège à pieds joints.
— Son départ se fera quand, Dani ? demande-t-il à son frère alors
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The Project Gutenberg eBook of Then luck came
in
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ebook or online at www.gutenberg.org. If you are not located in the
United States, you will have to check the laws of the country where
you are located before using this eBook.

Title: Then luck came in

Author: Andrew A. Caffrey

Release date: May 3, 2024 [eBook #73525]

Language: English

Original publication: New York, NY: The Butterick Publishing


Company, 1928

Credits: Roger Frank and Sue Clark

*** START OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK THEN LUCK


CAME IN ***
THEN LUCK CAME IN
An Aviation Sergeant Who Yearned To Fly
By Andrew A. Caffrey
The sergeant was a much abused man. Wartime flying had not used
him any too well; nor had after the war aviation done any better. Now
he was nearing the end of his Army career.
The sergeant had wanted to fly. He wanted to go solo and do his
own birding. It had always been his one ambition. And it was through
no fault of his own that the big desire had never been fully realized.
Fact is, along those lines the much abused sergeant was without
fault. He had always done his share.
The sergeant was too willing in 1917. Later—too late—he realized
this. Had he held off, as the other millions did, and waited for the war
to get at good speed, he would have made his way into a ground
school and started right. But the sergeant did not know that there
were to be such schools. None knew this. So the sergeant enlisted.
Willingly the aviation branch of the Signal Corps took him. Oh, yes,
of course, they said he would fly.
But the sergeant turned out to be a handy mechanic. Good
mechanics were few—and are still—so the sergeant, though he
didn’t guess it, was never going to get to fly.
On the other side of the pond his bad luck continued. That was
when they made him a sergeant, made him a sergeant, chief
airplane rigger, while they made flying cadets of the goldbricks in his
squadron. That hurt—hurt like—well, it hurt.
“But look here, Sergeant,” his commanding officer said in rebuttal,
“now let’s be reasonable; it takes years to make a good mechanic.
And only hours to lache a full fledged pilot; and the stuff of which
airmen are made need not know anything—or much. See the point?
You’re important on this field; these other birds going out as cadets
are, as a rule, culls we’re glad to be rid of. Now get back to your
hangar and feel satisfied that you are doing your bit, and a hell of a
big bit, Sergeant!”
That line of official chatter did not help the sergeant at all.
“I’ve heard it before,” he told his rigging crews. “Doing my bit! Bit
be damned! The effect of my first patriotic drunk has worn off. What I
want to do is fly and I’m going to!”
The sergeant did learn to fly; but he “stole” the flying time, begged
all the dual control instruction he could mooch and waxed mighty
handy on rudder bar and stick. And he learned quickly. You see, like
many other mechanics, he really knew how to fly before he ever had
a ship in his hands. Once in the air he merely had to gain the feel of
the thing. And he got it too. He made a takeoff on the third hop,
landed on his fifth.
His job was on a pursuit field—all single seater planes. The ship
on which he had learned—a Nieuport 23—was a two place visitor.
He was all set to fly alone. Then, that same day, they took the 23
away. The sergeant saw red, and spoke in the same color.
“Cheated again!” he said. “I’m going into town, get all drunked up
and take an M.P. apart! Wait and see!”

You can not get the sergeant’s point of view unless you have loved
air and wanted to fly. But if you had loved air and wanted to fly, you
would have gone to town with him and helped take a flock of M.P’s
apart.
Unofficially grabbing flying time wherever and whenever he could
get any, the sergeant lived in hopeless hope, if such a thing exists.
But our war lasted only a day; and once gone it was gone forever.
The sergeant’s field did not go directly out of business, with the
coming of the Armistice, but his interest in things did. For him it was
the end of everything—and nothing.
Then, with the idea of training more pilots for future wars,
headquarters sent the sergeant’s squadron on to an Avro, two place,
training field. The sergeant’s interest came back. He stole lots of
time, loved Avros and added acrobatics to his straight flying. The war
after the war was treating him better.
New made flying cadets came to that field. Lord! Where did they
get such dubs? The sergeant wondered. From every orderly room at
the center was the answer. It was a dog robbers’ holiday.
“I’ll get the C.O.’s permission to turn you loose, Sergeant,” an
instructor said. “You can fly rings round any bird in this group. I’ll get
papers through for you too; no reason why you shouldn’t get a
brevet. I understand that they’ve handed commissions to a few 31st
men.”
The sergeant said that they had.
For a night, life couldn’t be improved upon.
Next morning, February 12, headquarters “washed out” all flying
and called in the Avros. They say that the sergeant took a lieutenant
of M.P’s apart at high noon of the same day in the public square at
Issoudun. After that, for him, the world fused.
The sergeant’s outfit came back to the States. Air Service wanted
to hold some of its best mechanics. At Mitchel Field they promised
the sergeant and some of his gang that, were they to reenlist for
another stretch, flying would be their dish for sure.
The sergeant took his discharge. Then he was tempted—and fell.
He put up his hand for another hitch. And headquarters shipped him
to Carlstrom Field, Florida.

New classes of cadets came to that field. Even one of the cooks
from the sergeant’s overseas squadron was among them. They were
the worst cadets the sergeant ever saw. But he worked planes for
them; and in turn, headquarters never did put the sergeant on flying
status. But the much abused one continued to mooch some
unofficial airwork. So the months of his one year enlistment dragged
by and he came toward the happy end, the end which was going to
be so welcome because he did not give a good, bad or indifferent
damn. And he told his C.O. as much when that worthy asked him
whether he intended to sign up for a third cruise.
“You’re not talking to me, Lieutenant,” the sergeant said. “For three
years I’ve lived on hope. When I took on this reenlistment, they
promised me, on a stack of Bibles, that I’d fly. And have I?”
Any number of ex-overseas men could answer this.
“But this time you will,” the lieutenant said. “This school has the
ships and men now, and I’ll promise you—”
“Tie that outside, Lieutenant,” the sergeant answered, “I’ve heard it
all before.
“By this time next Monday afternoon, America will have one more
civilian on her hands. And she’s going to collect a mean problem,
too. I’m sore, Lieutenant. I’ve been cheated too often to smile and
turn the other cheek. This deal I’ve had handed me by Air Service
smells like a eucalyptus kitty— See that guy climbing into that rear
cockpit—” the sergeant pointed to a plane at the deadline—“well,
that same jaybird used to be a bum cook in my outfit overseas.
Shane’s his name. All that feller ever did for American honor was lap
up French booze and make trouble. He was our ace of aces at it,
too. Shane and me, Lieutenant, have been two different kinds of
soldiers, but today he’s getting in official flying time and I’m still
begging rides like a raw John Recruit. Where’s your damn’ justice in
that? I’ll answer—out for lunch with two rags around her eyes! Me,
reenlist? In a pig’s eye! Wonder what’s wrong with that plane.”
The plane into which they had watched Cadet Shane climb had
started for a takeoff, bounced into the air, fluttered a few rods and
dropped again for a hasty landing. It taxied back to where they were
standing. It was one of the sergeant’s ships. At the deadline the
instructor, Lieutenant Black, swung from his front cockpit, removed
his goggles and said:
“Wish you’d look this ship over, Sergeant. The controls jam in the
air. Bob Watts was flying it this morning and he had the same
trouble.”
“I’ll work her over,” the sergeant promised. He looked at his watch.
“Four o’clock now,” he said. “You won’t want to fly any more today,
Lieutenant. She’ll be jake in the morning.”
“That’s O.K. with me, Sergeant,” Lieutenant Black agreed, and
walked away with the sergeant’s C.O.
Cadet Shane was sore. He had been robbed of his afternoon
period and did not care who knew that he was burned up.
“Damn’ funny you guys can’t keep ships in condition,” he said. “I
haven’t had two hours’ airwork outa this hangar in two weeks.”
“Too damn’ bad about you, Shane,” was all the sympathy the
sergeant extended. “If you’re as rotten a flyer as you were a cook,
the field will be the winner if you never fly.”

For the next hour the sergeant, with a helper, worked the ship that
went wrong in the air. At the end of said time he had located nothing
wrong with the controls. Bob Watts came along during operations
and told his story. Then, just to be on the safe side, the sergeant
sent for the field inspector, Blackie Milander. He came along and
demanded—
“Wot’s eatin’ you, kid?”
“This crate, Blackie, was turned in because her controls froze in
the air,” the sergeant said. “I’ve looked her over, and my fair haired
helper here has looked her over, and Lieutenant Watts was on hand
and had his say and look, and we find nothing wrong. The control
cables, all of ’em, are O.K. Not a fray on any of them. The ball socket
joint is jake; and the pulleys are free. Now, you give her the expert
eye, Blackie, and say what’s to be done. Gladly we pass the buck to
you and, if failing, you muff the torch thus thrown, well you’ll get
burnt.”
Blackie, working till long after retreat, scratched his head finally
and announced:
“Damned if she ain’t got me stopped! On the ground here,
everything’s free. D’you know what I think, Sergeant?”
“If a thought there be, Blackie, shoot before it burns you out. What
do you guess?”
“I think that Watts and Black are full of hop! There’s nothing wrong
with this pile of wreckage, and I’ll give her a clear bill. Let me O.K.
that flying sheet.”
When the hangars opened in the morning the sergeant’s C.O. was
at hand.
“What did you learn about that plane of Black’s?” he wanted to
know. “Anything haywire?”
“Not a thing, Lieutenant,” the sergeant admitted. “What say if you
and I give it a hop right now? See if we can locate any ‘bugs’ in the
air.”
“We’ll do that little thing,” the C.O. agreed. “Got a helmet and
goggles I can use?”
While the C.O. waited, and the men started the plane’s motor, the
squadron clerk came to the hangar for the C.O. They talked for a few
minutes, then the C.O. told the sergeant:
“I’ll have to call this flight off for now. There’re some papers for me
to sign. I’ll see you later.”
Fifteen minutes before the first cadet class reported for the nine
o’clock period, Lieutenant Black came to the line. The sergeant told
the lieutenant all that he had not learned.
“But I don’t want to pass the buck too crudely,” the sergeant
concluded. “What’s the matter with us two going up in the thing and
learning what’s to be learned?”
What the sergeant wanted was more airwork. He would have
taken his flying on the tail end of a rocket were no other means
offered. The fact that a ship’s action was in question meant nothing
to him. More than likely the sergeant was glad that nobody had been
able to locate the kink; test flying is always to the liking of a real lover
of air. The betting’s even that the sergeant had planned this moment
during the previous night. As he talked, he talked Black toward the
waiting plane. The instructor was adjusting helmet and goggles, and
his silence gave consent.
“It’s funny,” he finally said, as they waited for the motor man to
warm the engine, “but those controls did jam. I don’t want any of my
cadets to get in dutch through mechanical faults. They’re bad
enough without that. The Lord only knows when I’ll be able to turn
any of them loose. Such an iron fisted bunch of shovel apprentices
I’ve never met. They wouldn’t’ve made good K.P’s. for the wartime
kadets.
“And these damn’ Jennies have got to be right, Sergeant. As right
as they can be, and if they were twice as right as that, they’d still be
all wrong. Climb in and we’ll take a turn of the field.”

While they were adjusting the safety belts, Cadet Shane came
running along the line of hangars. He scrambled aboard Black’s
lower wing and talked into the instructor’s left ear. Black throttled his
motor low, pushed back his goggles, thought for half a minute,
studied his instrument board dials, shook and kicked his controls,
then turned to the man in the rear seat and said:
“Sergeant, I’m going to give the cadet his hop. These controls
seem to be O.K. Chances are, there was nothing wrong with them.
“Jump out, Sergeant, and I’ll let you know how they act. Watch my
first turn of the field and see how I’m getting along. Climb in, Shane!
Let’s get going!”
The sergeant went back to the hangar. He wasn’t talking to
anybody, for the time being, but he hurled an open can of red paint
the length of the big building and said to a few idle privates—
“Clean that up!”
Then, where a group of flying cadets were busily rolling two small
cubes on a work bench, the sergeant came down in hot wrath, threw
the harmless squares through the skylight and yelled—
“Get to hell out of this hangar and stay out!”
After that the sergeant went out, retrieved the dice and
reestablished the game. He told the cadets that he was sore about
something but could not recall just what. After sending the privates
off to goldbrick in the post exchange, the sergeant mopped up the
paint.
Master Sergeant Sciples, in charge of the hangar, came along to
start the day. Sciples was spending this enlistment on the
construction of certain souvenirs. And at no time did he allow hangar
work to cut in on his program. He was an easy boss. Sciples looked
at his sergeant rigger and came out in language that lay people
erroneously suppose is solely characteristic of the Marine Corps.
Here and there, without half trying, Master Sergeant Sciples could
extemporize in a manner that would make the Marine Corps’
glossary look like a first reader for morons. Sciples’ language, to say
the least, was able.
“Sergeant,” he said, “one look at you, you tells me that you haven’t
had your morning flight. When will you forget this flying stuff and put
your mind on next week’s debut into the outer world? Why, you
— Snap into it and get wise!”
“But, Sciples,” the sergeant said. “It’s the same old story. The
same thing that I’ve been up against for three years. And it makes
me mad, Sciples. Hell, if I live to be a hundred, I’ll never lose this
desire to fly. It’s different with you, you old decrepit”—the sergeant
was never entirely tongue tied himself—“You don’t care about flying.
The bug’s never grazed upon you. You don’t know the hell and pain
and longing that an egg like me faces, Sciples. Why, Sciples, this
thing of giving a right arm for something is nothing. I’d do another
stretch in this damn’ Army if I really thought that I’d aviate. And that is
what I call bravery.”
“Crazy as a loon!” Sciples exclaimed. “Why you—you don’t know
enough to—”
“And this was the most cruel thrust of all, Sciples,” the sergeant
went on, “this thing that came off half an hour ago, why—” The
hangar’s telephone rang, and Sciples, with the sergeant still talking,
strolled toward the instrument—“why, there I was all set to take off
with Black. Had myself nicely planted in the rear seat, and who
comes out and robs me but my ex-cook, that rotten cook, Shane,
and—” There were tears in the thick voice.
For a minute Sciples talked over the line. In the end he said, “Well
that’s hell,” and hung up.
“What’s hell?” the sergeant forgot his own troubles long enough to
ask.
“Cadet Shane,” Master Sergeant Sciples said, “Shane, the man
who unseated you, Shane and Black spun into the ground ten miles
from here. They both burned to death.”
THE END

Transcriber’s Note: This story appeared in the November 15,


1928 issue of Adventure magazine.
*** END OF THE PROJECT GUTENBERG EBOOK THEN LUCK
CAME IN ***

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