Vous êtes sur la page 1sur 256

Couverture

Ne jamais sortir avec un sportif


Mentions légales
Dédicace
UN
DEUX
TROIS
QUATRE
CINQ
SIX
SEPT
HUIT
NEUF
DIX
ONZE
DOUZE
TREIZE
QUATORZE
QUINZE
SEIZE
DIX-SEPT
DIX-HUIT
DIX-NEUF
VINGT
VINGT-ET-UN
VINGT-DEUX
VINGT-TROIS
VINGT-QUATRE
VINGT-CINQ
VINGT-SIX
VINGT-SEPT
VINGT-HUIT
VINGT-NEUF
TRENTE
ÉPILOGUE
Natasha Madison
Ne jamais sortir avec un sportif
Les règles du jeu - T.1

Traduit de l'anglais par Annabelle Blangier

Collection Infinity
Mentions légales
Le piratage prive l'auteur ainsi que les personnes ayant travaillé sur ce livre
de leur droit.

Cet ouvrage a été publié sous le titre original :

This is crazy

Collection Infinity © 2021, Tous droits réservés

Illustration de couverture © Deranged doctor design

Traduction © Annabelle Blangier

Suivi éditorial © Julie Nicey

Correction © Audrey Lancien

Contrôle qualité © L. Ross

Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit est


strictement interdite. Cela constituerait une violation de l'article 425 et
suivants du Code pénal.

ISBN : 9791038106826

Existe en format papier


Dédicace

À TOI, lecteur, merci d’avoir fait de mes rêves une réalité !


UN

Zara

— Alors, quels sont tes projets pour les vacances d’hiver ? me demande
ma sœur jumelle, Zoé.
Nous sommes en pleine discussion sur FaceTime. Je me laisse aller contre
le dossier de ma chaise et regarde les gouttes d’eau qui s’attardent sur la
vitre de la petite fenêtre de mon bureau à la maison. Nous vivons toutes les
deux à New York maintenant, mais elle habite à Soho, dans le loft de mon
beau-frère, Max, alors que je suis à Brooklyn, chez ma belle-sœur Karrie.
C’est sans surprise que nous nous sommes toutes deux retrouvées à New
York. Nos parents vivent à Long Island et mon frère, Matthew, est le
capitaine des Stingers de New York. Mon beau-frère, Max, est l’assistant de
l’équipe. Ces deux-là se détestaient à une époque, mais aujourd’hui, ils sont
toujours fourrés l’un avec l’autre.
— Je n’en ai aucune idée. Je dois demander à Ed, lui réponds-je, en
parlant de mon petit-ami.
Nous sortons ensemble depuis plus d’un an, maintenant ; je viens tout
juste de rencontrer ses parents et il a rencontré les miens.
— J’ai l’impression qu’il va se passer quelque chose d’énorme.
Elle écarquille les yeux.
— C’est pas vrai. Énorme dans quel genre ? Comme dans «
emménageons ensemble », ou plutôt « achetons un manoir et faisons-le
commissionner par ta sœur » ? plaisante-t-elle, et je me mets à rire.
Elle est un agent immobilier prometteur et elle est lentement en train de
devenir la meilleure dans son domaine.
— Je ne sais pas, lui avouai-je.
Je me redresse et croise les bras sur le bureau, penchée vers l’ordinateur.
Je travaille depuis chez moi, aujourd’hui, mais je vais devoir aller au bureau
demain matin. Et quand je dis bureau, je parle de Nordstrom. J’ai obtenu
l’emploi rêvé, en tant qu’assistante shopping. J’ai commencé tout au bas de
la chaîne – évidemment, ma famille est venue et je les ai tous habillés –,
mais j’ai fini par me faire un nom, quand Tyler Beckett est entré dans ma
boutique avec Jessica, sa fiancée de l’époque, et que je l’ai vêtue pour le
tapis rouge d’un événement durant lequel sa robe a été fichue en l’air. Ils
font presque partie de la royauté, à Hollywood, et je les ai habillés. C’était
un honneur, mais ce qu’il s’est passé ensuite était surréaliste. On dit qu’il
suffit d’une personne, et c’est la vérité. Depuis, les gens me demandent moi,
personnellement. Aujourd’hui, je me constitue peu à peu une clientèle pour
pouvoir ouvrir ma propre entreprise, que j’appellerai La Garde-Robe de
Zara. La bonne nouvelle, c’est que même les designers me contactent pour
me donner des échantillons. C’est un rêve devenu réalité.
— J’ai juste l’impression que quelque chose va se passer, mais je n’arrive
pas à mettre le doigt dessus.
— Eh bien, il va peut-être enfin te faire sa demande, dit-elle.
— Ne dis pas ça, lui réponds-je, les yeux écarquillés. Ça porte malheur.
Tu te souviens quand tu as parlé du bal de promo ?
Elle lève les yeux au ciel.
— Ce n’était pas si grave. On a toutes les deux récupéré les bizuts les
mieux cotés de l’année ! réplique-t-elle avec un sourire narquois. On a aussi
voyagé en limousine Hummer.
— Et nous n’avons pas perdu notre virginité, comme nous l’avions prévu,
me souvins-je. Ces bizuts ne voulaient même pas nous tenir la main.
— C’est parce que Matthew leur avait fait son sermon à propos du
coupage de bite avant qu’ils arrivent, me rappelle-t-elle.
Vu qu’il a dix-sept ans de plus que nous, notre frère nous garde toujours
éloignées des mecs.
— C’est bien ce que je dis, lâché-je.
— On s’est fait jeter deux jours avant le bal de promo, parce que tu as
décidé que ce serait une bonne idée de placer une puce sur son téléphone,
dit-elle en secouant la tête.
— J’ai fait ça car j’avais le pressentiment qu’il me trompait et j’avais
raison. Je le sentais dans mes tripes, insisté-je, en frappant le bureau du plat
de la main.
Je savais qu’il me trompait. Je l’avais senti, parce qu’il était devenu évasif
et qu’il était subitement toujours occupé.
— Tu as remplacé sa photo dans l’album de l’année par celle d’un
cochon, se remémore-t-elle.
Elle rit ouvertement, maintenant, et c’est tout sauf discret.
— Tu m’as aidée, rappelé-je. C’est toi qui t’es infiltrée dans le foyer
étudiant et qui as changé la photo.
Elle se contente de secouer la tête et j’entends alors la sonnette de la porte
retentir.
— Je dois y aller. Ed est rentré, je t’appelle demain.
— Sauf si tu te retrouves fiancée, auquel cas tu devras m’appeler
immédiatement, me dit-elle avant que je raccroche.
Je m’écarte du bureau, me lève et descends les marches jusqu’à la porte
d’entrée. La sonnette retentit à nouveau dès que j’arrive devant la porte et je
la déverrouille.
— Salut, lancé-je, en adressant un sourire à un Ed renfrogné.
— Il pleut dehors et il t’a fallu une éternité pour venir ouvrir.
Il ôte sa veste et m’asperge d’eau au passage.
— Eh bien, bonjour à toi aussi, marmonné-je.
Je ferme la porte derrière lui, alors qu’il retire ses chaussures.
— Je ne savais pas que tu arrivais, ajouté-je. Tu n’as pas envoyé de
message.
— Je passais dans le coin, m’explique-t-il. Je rendais visite à un client.
Je souris et m’avance vers lui. Avec mon mètre soixante-quinze, je fais la
même taille que lui. Quand je porte des talons, je suis plus grande – et il
déteste ça –, alors je n’en mets que quand il n’est pas là. Il porte un costume
taillé sur mesure ; je le sais, parce que c’est moi qui le lui ai fait. Il est
conseiller financier dans un gros cabinet de Wall Street, et il commence à se
faire un nom.
— Je me doutais que tu allais passer.
Il ne me regarde pas dans les yeux et mon estomac commence à se nouer.
— Tu as le temps de rester pour le déjeuner ou tu es juste là pour une
visite éclair ?
Je m’avance vers lui et pose la main sur son ventre, avant de glisser mon
bras autour de ses épaules.
— En fait, dit-il en s’écartant, allons nous asseoir sur le canapé pour
discuter.
Rien qu’à la façon dont il dit ça, je sais qu’il se passe quelque chose.
— Qu’est-ce qu’il y a ? lui demandé-je, immobile devant la porte. Tu te
comportes vraiment bizarrement.
Il enfonce les mains dans ses poches et je le scrute du regard.
— Écoute.
Je grimace. Quand quelqu’un commence sa phrase par « écoute », cela
n’annonce jamais rien de bon.
— Ça va trop vite entre nous, continue-t-il.
Je croise les bras sur ma poitrine.
— Je suis sous pression au boulot et, eh bien, je crois que j’ai juste besoin
de…
— Tu es en train de rompre avec moi ? l’interrogé-je.
Je ne suis même pas sûre d’avoir besoin de poser la question.
— Ce n’est pas vraiment une rupture, je veux juste prendre un peu de
recul, faire une pause.
Il parle d’une voix douce, et j’ai envie de pleurer, mais j’ai encore plus
envie de lui foncer dessus.
Je lève une main et pointe le doigt vers lui.
— Si tu me fais le coup du « ce n’est pas toi, c’est moi »…
Je m’interromps avant de le menacer.
— Je suis désolé, dit-il doucement.
Il récupère sa veste et s’avance vers moi ; je lève une main pour l’arrêter.
Il se contente de hocher la tête, avant de passer la porte. Je le regarde partir
à travers le verre dépoli, tandis qu’il monte dans sa voiture citadine. Je me
dirige vers l’escalier, me retourne et m’assieds sur les marches. Mon
téléphone bipe dans ma main et, quand je baisse les yeux, je vois que c’est
Zoé. J’aurais pu jurer que nous ressentions la douleur l’une de l’autre.
Je compose son numéro.
— Ne me dis pas, dit-elle d’un ton bas.
— Il a rompu avec moi, dis-je.
Je plaque une main sur ma bouche pour empêcher les sanglots de me
ravager.
— Je suis là dans dix minutes, répond-elle, avant de raccrocher.
Et je sais que, où qu’elle soit, elle sera là dans dix minutes.
DEUX

Zara

— Tu veux faire du covoiturage jusque chez maman et papa après le


match ? me demande Zoé.
Sa question me force à lever les yeux de la salade que j’étais en train de
triturer avec ma fourchette dans mon assiette.
Je hausse les épaules.
— J’imagine que ce serait le plus logique, réponds-je, en laissant tomber
le couvert.
— Ça fait quatre mois, reprend-elle, élevant la voix pour attirer mon
attention. Quatre mois, pas des semaines.
Elle se penche vers moi et prononce les derniers mots dans un sifflement.
— Je sais… c’est juste…
Je ne sais pas comment l’expliquer.
— Je l’aimais vraiment.
Zoé se laisse aller en arrière sur sa chaise et je tourne les yeux vers elle.
Nous ne pourrions être plus différentes, niveau style. Elle est toujours
habillée de manière professionnelle, alors que je suis assise là, dans mon
jean bleu clair serré, un débardeur blanc et un long sweater gris en tricot.
Évidemment, j’ai des Louboutin aux pieds et mon sac à main beige Hermès,
mais mis à part ça, mes longs cheveux blonds sont rassemblés sur ma tête,
là où les siens lui descendent jusqu’à la taille en boucles lâches.
— On va partir d’ici. On va aller chez toi, et ensuite, je vais te choisir une
tenue.
Je hausse un sourcil et elle roule des yeux.
— OK, très bien, tu m’aideras à choisir une tenue pour toi ce samedi. Tu
vas t’habiller correctement et mettre un peu plus que du mascara.
— Je me maquille. Je travaille juste chez moi, aujourd’hui, lui assuré-je.
Ce que je veux dire, c’est que j’ai mis du fond de teint et du gloss pour les
lèvres hier, quand j’ai dû rencontrer un client. Je m’étais même coiffée. OK,
d’accord, il y avait une demi-bouteille de shampoing sec dans mes cheveux,
mais c’était plutôt stylé.
— Je pense qu’on peut affirmer que ta période de deuil pour Ed est
terminée, lâche-t-elle.
Elle prend son verre et lève une main en voyant la serveuse.
— Tu t’es mise en mode « il m’a quittée, mangeons de la crème glacée »
pendant une semaine.
Je recule contre le dossier de ma chaise et croise les bras.
— Ensuite, tu es passée à la chanson « pourquoi est-ce qu’il ne m’aimait
pas » pendant deux semaines.
— Ça n’a duré qu’une journée, remarqué-je, et c’est à son tour de me
regarder en haussant un sourcil. OK, très bien, ça a duré deux semaines,
mais sérieusement, je l’aimais.
— Eh bien, je crois qu’on va dans la bonne direction. Tu viens de
conjuguer « aimer » au passé, dit-elle en applaudissant.
Je laisse échapper un long soupir, que je n’avais même pas conscience de
retenir.
— Bref, ce que j’essaie de dire, c’est que tu dois remonter en selle.
— Et si je ne montais plus que des ânes ? demandé-je. Et si je ne tombais
plus jamais amoureuse ?
— Tu te fiches de moi ? rétorque-t-elle.
Je sais alors qu’elle vient de jeter toute sa compassion par la fenêtre. En
fait, elle s’est évanouie deux jours après la rupture.
— Est-ce que tu l’aimais vraiment ?
— Oui ! m’écrié-je.
— Il ne savait même pas que tu simulais, siffle-t-elle, dans un effort pour
murmurer.
J’émets un hoquet de stupeur.
— À chaque fois, ajoute-t-elle.
— C’était un secret.
Je tends la main vers mon sac et commence à me lever. Elle me lance la
serviette qu’elle a posée sur ses genoux sur la table.
— Un secret entre jumelles, ajouté-je.
— Je sais ce que veut dire un secret entre jumelles, crétine, lâche-t-elle,
m’adressant le juron que je déteste. Et il est clair que j’ai gardé le secret,
puisque Vivienne ne t’assaille pas de coups de fil.
Je ne prononce pas un mot, tandis que nous sortons du restaurant, mais
elle n’a pas tort. Vivienne est la meilleure amie de ma belle-sœur, Karrie.
Elle est originaire de France, mais elle se sent désormais à cent pour cent
New-Yorkaise. Elle n’a qu’une seule règle s’agissant des relations
amoureuses – du sexe, et uniquement du sexe – et elle est très bavarde
lorsqu’il s’agit de raconter combien de fois elle prend du bon temps et à
quel point c’est bon. Alors, si elle avait su que j’avais pris du bon temps et
que ça n’avait pas été terrible, elle aurait rectifié ça. Nous sortons dans la
rue animée et sommes aussitôt assiégées par les bruits de klaxon
omniprésents.
— Où est-ce que tu vas, maintenant ? me demande-t-elle.
Je tourne les yeux vers la citadine qui l’attend, garée contre le trottoir.
— Je retourne au bureau, ajoute-t-elle en se dirigeant vers la voiture. Tu
as besoin que je te dépose quelque part ?
Le chauffeur sort pour lui ouvrir la portière, mais elle secoue la tête.
— Ricky, tu n’as pas besoin de m’ouvrir la portière.
— Mlle Stone, commence-t-il. Votre père m’a donné des ordres stricts
pour s’assurer qu’on s’occupe de tout pour vous.
J’essaie de dissimuler mon rire en pinçant les lèvres. Mes parents sont de
grands fans de Dateline1 et, quand ils ont regardé l’émission durant laquelle
un agent immobilier était tué alors qu’il faisait visiter une maison, ils ont un
peu exagéré en embauchant Ricky pour qu’il la conduise partout et reste
avec elle. C’était il y a deux mois, mais elle est la plus sensible de nous
deux, celle qui cède toujours à leurs lubies jusqu’à finir par craquer.
Moi, j’aurais écrasé cette idée dans l’œuf à la seconde où ils l’auraient
mentionnée.
— C’est une belle journée, finalement, alors je crois que je vais marcher,
lui dis-je.
Elle m’adresse un regard surpris.
— Il n’y a que deux pâtés de maisons. Je survivrai, assuré-je dans un rire.
Je lui envoie un baiser, avant de me retourner pour descendre le trottoir
vers mon appartement. On sent que le printemps approche ; les oiseaux
chantent et les arbres commencent enfin à retrouver un peu de verdure. Je
m’arrête chez le fleuriste, au coin de ma rue et achète des tulipes. Mes pieds
commencent à me détester quand je monte enfin les marches jusqu’à mon
appartement. Je déverrouille la porte et ôte mes chaussures, avant de me
diriger vers la cuisine pour trouver un vase.
— Apportez un peu de soleil à ma journée, me dis-je, tout en plaçant le
vase et ses tulipes roses au milieu du comptoir blanc.
Mon téléphone sonne et, quand je reviens vers mon sac à main pour le
récupérer, je vois que j’ai reçu deux messages de mes clients. Je suis en
train de monter l’escalier jusqu’à mon bureau, quand un autre arrive. Cette
fois, il est de Vivi.
Vivi : J’ai entendu dire que ton vagin était à nouveau de sortie. On se voit
samedi.
Je secoue la tête et envoie immédiatement un SMS à Zoé.
Moi : Qu’est-ce que tu as dit à Vivi ?
Elle répond aussitôt :
Zoé : Que tu étais enfin prête à sortir de ton trou pour te sociabiliser un
peu.
Je jette mon téléphone et écarte tout ça de mon esprit pendant que je
travaille. Je ne relève les yeux que lorsque mon estomac gargouille. Je
ferme mon ordinateur et descends au rez-de-chaussée, avant de sortir du
frigo un repas préparé que ma mère m’a envoyé.

***
Le reste de la semaine s’est déroulé sans incident notable. J’ai été
débordée de travail, avec l’arrivée de la saison estivale et les gens qui
commencent déjà à composer leur garde-robe d’été.
Je suis penchée en avant pour remonter la fermeture de ma bottine à hauts
talons et en daim noir, quand la sonnette retentit, mais la porte s’ouvre
presque aussitôt après.
— Bonjour, entends-je chantonner en français, et je sais que c’est
Vivienne.
— On est là, crie Zoé devant l’escalier.
— J’arrive, lancé-je.
J’attrape ma veste en daim noir et l’enfile. Puis j’ôte mes cheveux de sous
la veste et je récupère mon écharpe en tricot grise pour l’enrouler autour de
mon cou. Je descends les marches et les cherche dans le salon, mais il est
vide. J’entends des gloussements, et je devine qu’elles sont très
probablement dans la cuisine. Quand j’entre dans la pièce, Vivienne est en
train de porter un toast avec son verre de vin.
— Seigneur, on a compris, lâche-t-elle. Tu es en deuil.
Je baisse les yeux sur ma tenue. OK, jean noir et T-shirt assorti.
Je rejette la tête en arrière et je ris.
— Je vous jure que je ne l’ai pas fait exprès, assuré-je, en pressant une
main sur mon ventre. Je vous le jure.
— Viens, portons un toast, dit Vivi.
Je m’avance vers le comptoir, tandis qu’elle me verse un verre de vin
blanc.
— À ton frère et à Max.
Je penche ma tête en arrière avec un gémissement.
— Combien de temps est-ce que ces toasts de départ à la retraite vont
durer ? demandé-je, avant d’engloutir mon verre.
— Ce n’est pas tous les jours qu’on prend sa retraite, réplique Zoé, et je la
fusille du regard.
— Ils ne sont même pas à la retraite. Ils prennent leur retraite…
J’avale un peu plus de vin avant de terminer :
— Dans trois mois. Nous leur portons des toasts depuis qu’ils l’ont
annoncé, en août.
— Ce n’est pas moi qui fais les règles, je ne fais que les suivre, dit Vivi,
en agitant les sourcils. Maintenant, allons-y avant de nous retrouver
coincées dans la circulation.
Je termine mon vin, puis pose les verres dans l’évier et cours les rejoindre
dans la voiture.
— Eh bien, voilà qui est surprenant, dis-je en entrant.
Cela me vaut un coup de poing dans le biceps de la part de Zoé.
— Aïe, m’exclamé-je, en me touchant le bras. Je remarquais juste qu’il
était surprenant qu’Ed travaille un samedi.
Elle lève de nouveau le poing et je recule d’un bond.
— Assez.
Nous roulons vers le stade, toutes les trois accaparées par nos téléphones,
plutôt que de nous parler.
— Tu suis encore Ed sur les réseaux ? me demande ma sœur.
Je me tourne vers elle.
— Non, réponds-je en secouant la tête. Je l’ai bloqué. Pourquoi ?
— Hum, dit-elle, et je lui prends son téléphone des mains.
Là, sur l’écran, est affichée une photo Instagram d’Ed en compagnie
d’une brune.
Je l’étudie et Vivi se penche devant Zoé pour voir.
— C’est peut-être une amie du boulot.
— Oui, répond Vivi. Qu’il baise.
J’ouvre la bouche, mais elle continue :
— Elle a une main posée sur son ventre et la sienne est sur son épaule.
Je baisse les yeux et vois qu’elle a raison.
— On ne pose comme ça qu’avec une personne face à qui on s’est
retrouvé tout nu.
— Non, c’est faux, dis-je.
Je tourne les yeux vers Zoé, pour chercher un peu de soutien, et elle
hausse les épaules.
— J’ai posé comme ça avec Justin un nombre incalculable de fois, assuré-
je, en parlant de notre petit frère.
Je regarde Vivi, qui arbore une grimace dégoûtée.
— Je ne crois pas que tu aies fait ça.
Je prends mon propre téléphone et fais défiler notre album à tous les deux.
Avec son mètre quatre-vingt-dix, mon frère est un monstre. Il a des cheveux
noir brillant et des yeux bleu clair, le clone parfait de mon père.
— OK, très bien, admets-je, une fois que j’ai regardé toutes les photos,
sans en trouver une seule qui soutienne ma cause.
Je prends le téléphone de Zoé et regarde les photos d’Ed ; il n’y en a
qu’une seule avec cette femme.
— Brenda.
— Elle a l’air horrible, remarque Zoé, en posant une main sur mon bras.
— Elle a l’air du genre à ne pas lui donner de sexe anal, ajoute Vivi, en
regardant son propre téléphone. Et il a l’air d’un type qui n’a plus reçu de
pipe digne de ce nom depuis que tu l’as quitté.
— Il n’aimait pas vraiment les préliminaires, réponds-je, presque dans un
murmure.
Vivi lève vivement la tête. Elle me regarde comme si je venais de lui dire
que le père Noël n’avait jamais existé.
— Quoi ? dit-elle à voix basse.
J’aurais pu jurer qu’elle était sur le point de pleurer.
— Je veux dire, on en faisait, mais chaque fois, c’était moi qui voulais.
Je regarde Zoé, qui se contente de secouer la tête pour me conseiller de ne
pas continuer, mais les mots sortent malgré moi de ma bouche :
— Il n’était pas intéressé.
Vivi plaque une main sur sa bouche.
— Tu es sûre que tu faisais ça bien ?
Je lève les mains au ciel et réplique :
— Oui, j’en suis sûre. J’ai même regardé un porno avant, pour m’assurer
de bien, tu sais…
Je fais un mouvement de la tête d’avant en arrière.
— Mais est-ce qu’il…
Elle baisse les yeux sur mon vagin, avant de relever la tête et de terminer :
— Tu sais ?
— Stop, lâche Zoé. Vous feriez mieux d’arrêter là.
— Une fois, lui dis-je, et il n’a pas vraiment aimé ça.
— Oh, mon Dieu, lance Vivienne, en donnant une tape sur la vitre.
Combien de fois vous couchiez ensemble, tous les deux ?
— Environ deux fois, lui réponds-je.
— Par semaine ? m’interroge-t-elle.
— Par mois, rectifié-je. Il était occupé et stressé.
Elle laisse aller sa tête en arrière et gémit.
— Mais pendant ces deux fois, ça durait des heures, n’est-ce pas ? Genre,
toute la nuit ?
C’est à mon tour d’être choquée et j’émets un hoquet.
— Non. Je veux dire, c’est difficile pour les hommes de la lever de
nouveau après…
Je mime l’action de grossir et de rétrécir avec mes mains.
— C’est encore pire que je le pensais, dit Vivi.
Zoé tourne alors les yeux vers elle et lance :
— Oh, fais-moi confiance, c’est même pire que ça.
Vivi reporte son regard sur moi.
— Il n’y avait de fin heureuse que pour l’un d’entre eux, explique Zoé.
— Tu te fiches de moi, s’écrie Vivienne à pleins poumons, alors que la
voiture s’arrête.
— J’ai eu des fins heureuses, rétorqué-je.
J’adresse un regard noir à Zoé, qui me le rend.
— Toute seule, ajouté-je.
Vivienne n’a pas l’occasion de répondre, parce que sa portière vient de
s’ouvrir et qu’elle doit sortir.
Je donne une tape sur le bras de Zoé et elle rit. Elle sort de la voiture et je
la suis.
— Ça explique pourquoi tu portes toujours du noir, remarque Vivienne.
Je tourne la tête vers elle.
— On peut éviter de parler de ça, s’il vous plaît ? demandé-je, et elle se
contente de hocher la tête.
— Mes lèvres sont scellées, mais, ma chérie, tu as besoin de tirer un coup.
Elle se détourne alors et s’avance vers l’entrée empruntée par les joueurs
et les membres de leur famille.
— Pour ce qui est de demain, en revanche, c’est une tout autre histoire.
— Oh, mon Dieu.
Je regarde le plafond bétonné et sens Zoé passer un bras autour de mon
épaule.
— Ça pourrait être pire, dit-elle, et je tourne la tête vers elle. Nous
pourrions être dans un club de strip-tease masculin, en ce moment, et tu
pourrais être couverte de lubrifiant.
Je ferme les yeux pour visualiser la scène.
— Ne garde pas les yeux fermés trop longtemps.
Je secoue la tête et entre dans le stade, sans trop savoir ce qui m’attend ce
soir.

1 Émission d’information américaine diffusée sur NBC depuis 1992, et


consacrée essentiellement aux crimes.
TROIS

Zara

— Tu crois qu’elle fait semblant ? entends-je murmurer près de mon


oreille.
Je garde les yeux fermés.
— Je ne sais pas, répond l’autre petite voix, mais elle a mauvaise haleine.
Je ne peux retenir le rire qui s’échappe de ma bouche, faisant sursauter les
deux enfants de ma sœur Allison, Michael et Alexandria, qui sont penchés
contre mon lit. J’essaie de les attraper, mais ils s’enfuient de la chambre en
hurlant.
— Elle est réveillée, dit Michael.
Je repousse les couvertures et sors du lit. Je suis dans mon ancienne
chambre, et tout est resté à peu près pareil qu’avant mon départ pour la fac.
Les murs sont toujours rose pâle. Mon bureau blanc se trouve dans un coin
de la pièce, avec un énorme panneau de liège accroché au-dessus et couvert
de photos du lycée. Je me dirige vers la penderie et prends la robe de
chambre que je laisse toujours ici. Je n’ai récupéré que les vêtements cool
dans cette armoire, ou en tout cas ceux que je trouvais cool.
Je sors de la chambre et descends l’escalier en colimaçon pour rejoindre la
cuisine reliée au salon.
Ma mère est devant le four, occupée à retourner des pancakes ; ses
cheveux auburn sont relevés au-dessus de sa tête.
— Qui a envoyé les petits rats me réveiller ? demandé-je.
Je me dirige vers la machine à café, m’en prépare un et tourne la tête vers
ma mère, qui m’adresse un sourire.
— Bonjour, dit-elle.
Quand mon père entre dans la pièce, il va droit vers elle et l’embrasse
dans le cou. Je détourne les yeux vers la fenêtre. Il est toujours en train de
l’embrasser, de la toucher ou de lui tenir la main, d’aussi loin que je m’en
souvienne. La machine à café s’arrête et je me dirige vers le frigo tout en
regardant mes parents. Mon père se tient derrière elle, les mains sur ses
hanches, tandis qu’il regarde SportsCenter à la télévision par-dessus sa tête.
— Evan Richards vit l’année de sa vie, dit-il.
Il n’ôte pas sa main, mais tourne la tête vers moi et me sourit.
— Bonjour, princesse.
Il m’appelle encore par le surnom qu’on me donnait quand j’étais petite.
Genre, Allison a trente ans, et je crois qu’il l’appelle encore princesse.
— Bonjour, réponds-je, avant d’aller m’asseoir à la table pour regarder la
télévision.
Je déteste Evan Richards, uniquement parce qu’Ed l’adorait. Genre, il le
vénérait. Je le regarde célébrer un but avec son sourire prétentieux sur
l’écran. Ses dents sont sûrement fausses, songé-je.
— Il devrait se raser un peu, lancé-je, et mon père se contente de secouer
la tête.
Je me sens mal pour lui. Il était le plus grand nom du hockey, autrefois, et
c’est encore une légende, mais Zoé et moi pleurions et hurlions chaque fois
qu’il sortait les patins. Heureusement pour nous, il avait Matthew et Justin.
— Ma chérie, les barbes, c’est sexy, remarque ma mère.
Cela lui vaut un regard noir de la part de mon père rasé de près.
— Enfin pas toutes les barbes, corrige-t-elle.
— Bébé, grommelle-t-il, avant de se pencher en avant pour lui murmurer
quelque chose à l’oreille.
Elle écarquille les yeux et rit.
— Va-t’en, dit-elle en le repoussant d’un coup de hanche.
— Bonjour, entends-je marmonner.
Je regarde Zoé entrer dans la pièce en traînant des pieds.
— Ces deux-là m’ont donné une crise cardiaque, dit-elle en se dirigeant
vers la machine à café. J’ai ouvert les yeux et je me suis retrouvée face à
face avec Alex.
Je ris.
— Elle n’a pas dit un mot, continue-t-elle. J’ai cru qu’elle était possédée.
— Oh, très bien, vous êtes levées toutes les deux, dit Allison, en entrant à
son tour dans la cuisine, ses deux enfants sur les talons.
Ma sœur a sept ans de plus que moi. Elle avait cinq ans quand mon père
est entré en scène, mais son propre père est un abruti et il s’est lentement
effacé de leurs vies.
— Je leur dois vingt dollars chacun, dit-elle en se tournant pour donner
une tape dans la main de ses enfants.
Elle porte un jean et un sweater, mais elle est sublime, quelle que soit sa
tenue. C’est pour ça qu’elle a réussi à séduire son mari, Max. Ou c’est ce
que je dis toujours, en tout cas.
— Allez jouer au sous-sol, maintenant. Tante Karrie et Tante Vivi vont
arriver bientôt.
Ils se retournent et se précipitent vers le sous-sol.
Super, songé-je en moi-même. D’autres enfants. Mon frère, Matthew, et
Karrie ont quatre enfants, deux garçons et deux filles, et je les compare
souvent à la famille Duggar2. Karrie affirme que l’usine est fermée, mais
Matthew se contente de hausser les épaules quand elle dit ça. « Les
accidents arrivent », comme il dit toujours.
— J’ai envie de jouer avec les crosses de hockey aussi, dit Alex tout en
descendant les marches menant au sous-sol.
Mes parents adorent leurs enfants, mais ils aiment encore plus leurs petits-
enfants. Le sous-sol a littéralement été transformé en magasin de jouets.
— Pourquoi tu as payé tes enfants pour qu’ils nous réveillent ? demande
Zoé, en se glissant sur une chaise à côté de moi.
Elle porte presque la même chose que moi, sans la robe de chambre, et ses
cheveux sont aussi noués au-dessus de sa tête.
— C’est une revanche pour toutes les fois où vous m’avez réveillée quand
on était gosses, répond-elle avec un sourire narquois, avant d’aller
embrasser mon père sur la joue.
— Fayotte, marmonne Zoé, avant de se mettre à rire alors que je secoue la
tête.
— On était des gosses, lui dis-je, mais elle se contente de hausser les
épaules.
Zoé ouvre son téléphone et fait défiler son fil d’actualités Instagram.
— Est-ce qu’il y a un déjeuner en famille de prévu ? demandé-je à mes
parents.
Zoé émet un hoquet à côté de moi et je me tourne vers elle. Elle lève
vivement les yeux vers moi et, en les voyant s’élargir, je comprends qu’il se
passe quelque chose. À en croire l’expression horrifiée sur son visage, c’est
grave. Dans le style tsunami.
— Oh. Mon. Dieu, dit-elle.
Elle place une main sur son téléphone pour m’empêcher de voir ce qu’elle
regarde et tourne les yeux vers Allison.
— J’ai besoin de renfort, dit-elle.
En entendant le ton de sa voix, Allison se met aussitôt en action et vient se
placer sur l’autre chaise à côté de moi. Je les regarde toutes les deux et nous
sommes distraites par la voix de Karrie, qui se fait entendre depuis la porte
d’entrée.
— On est arrivés ! s’écrie-t-elle.
Les enfants entrent en courant, dans un ouragan de bisous et de câlins,
avant de se précipiter au sous-sol. Karrie et Matthew ont choisi de rester
traditionnels et tous les noms de leurs enfants sont liés à un membre de la
famille. Cooper est nommé d’après mon père, et c’est le plus grand honneur
que Matthew aurait pu lui faire. Frances porte le nom de la mère de Karrie,
qui est décédée. Ensuite il y a Vivienne, qui, grâce à Dieu, n’a rien en
commun avec son homonyme. Enfin, il y a le bébé Allison, qui commence
à peine à développer un tempérament insolent, qu’elle tient apparemment
de nous. Elle a griffé Cooper à la bouche il y a deux mois, et il a eu besoin
de cinq points de suture. Elle les a regardés avec ses grands yeux bleus et a
dit : « C’est un connard de sac de gerbe. »
On a tous failli mourir de rire quand Matthew nous a adressé un regard
noir.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? demande Karrie innocemment en s’arrêtant
net dans la cuisine pour nous regarder.
Vivi arrive et se cogne dans son dos. Mon cœur n’arrête pas de marteler
dans ma poitrine.
— La situation est sur le point de partir en cacahuète, dit Zoé, avant de se
tourner vers moi. J’ai besoin que tu prennes une profonde inspiration.
Elle ne fait qu’empirer mon angoisse. Pourquoi aurais-je besoin de
prendre une profonde inspiration ? Les pires scénarios me passent par la
tête. Une défaillance de garde-robe sur l’une des stars d’Hollywood, sur la
liste des célébrités les plus mal vêtues. Je pense à tellement de choses.
— Bordel de merde, est-ce qu’un paparazzi a pris en photo l’un de mes
clients ?
Je porte une main à mon cœur, mais elle secoue la tête.
— C’est pire, murmure-t-elle, et je vois des larmes se former dans ses
yeux.
Je tends la main et lui prends le téléphone. Elle essaie de le récupérer,
mais c’est trop tard. J’ai vu.
La photo est en couleur, cette fois. Ed embrasse sa petite amie, mais mes
yeux se sont aussitôt portés sur la main qu’elle lève et la bague en diamant
qui brille à son doigt.
— Attrapez mon téléphone ! s’écrie-t-elle.
Elles bondissent toutes pour essayer de me reprendre le téléphone, et je
suis prise par surprise.
Allison le récupère, Karrie prend la télécommande pour éteindre la
télévision, ma mère s’empresse de venir à mes côtés et Vivi se précipite
vers le frigo à vin pour en sortir trois bouteilles.
— Qu’est-ce qui se passe ? demande mon père, immobile au milieu de la
cuisine.
Il est stupéfait et perplexe, et son regard passe successivement d’une
personne à l’autre.
— FILS DE PUTE ! m’exclamé-je à pleins poumons, en me levant
vivement de ma chaise.
La rage, la colère et la douleur me submergent.
— Oh, mon Dieu, murmure mon père, mais il ne bouge toujours pas et me
regarde faire les cent pas.
Toutes les femmes de la pièce passent aussitôt à l’action. Ma mère me
rejoint, mais je ne peux m’arrêter de marcher. Zoé vient se placer à côté
d’elle pendant qu’Allison regarde le téléphone. Elle lève les yeux vers moi,
après avoir lu ce que je viens de lire.
— Ce fils de pute, dit-elle, avant de jeter le téléphone à Karrie, qui émet
un hoquet bruyant.
Elle pose le téléphone sur le comptoir, plus brutalement que nécessaire,
avant de se diriger vers le frigo pour y récupérer la bouteille de tequila.
— Qu’est-ce qui se passe, bon sang ? Est-ce que quelqu’un pourrait
m’expliquer ? supplie mon père en se passant les mains dans les cheveux.
Personne ne lui répond. Vivi verse le vin, tandis que Karrie remplit un
shot de tequila avant de me l’apporter.
— Ça n’arrangera rien, mais ça ne peut pas faire de mal, dit-elle.
Je lui prends le verre des mains et le vide d’une traite ; je sens la brûlure
descendre jusque dans mon estomac.
— Pour l’amour de Dieu, que l’une de vous me dise ce qui se passe !
s’écrie-t-il. Pourquoi est-ce que je suis le seul homme ici ?
— Il va se marier, dis-je à mon père, après avoir accepté une autre dose de
tequila.
Je l’avale et me mets à tousser, puis je m’essuie la bouche avec le dos de
ma main.
— Ed va se marier, répété-je en secouant la tête. Ce salopard de menteur à
petite bite va se marier.
— Oh, ma chérie, dit ma mère à côté de moi.
Vivienne se dirige vers le téléphone et le prend dans sa main, avant de lire
la légende à voix haute :
— « Quand vous trouvez la bonne, vous faites le grand saut. Épouse-moi
».
Elle roule des yeux et fait semblant de vomir.
— Le trou du cul, dit-elle en français.
— Ce salopard à petite bite, répété-je, de nouveau en colère. Je savais que
c’était un hypocrite. Tu m’as dit que c’était un hypocrite.
Je pointe Zoé du doigt et elle hoche la tête.
— C’est vrai, répond-elle.
Je me remets à faire les cent pas, tandis que la chaleur de la tequila se
répand en moi.
— « Oh non, bébé, ce n’est pas toi, c’est moi », l’imité-je avec une voix
pleurnicharde de bébé. « Je suis juste fatigué, bébé. »
— Elle n’a même jamais eu d’orgasme, dit Vivienne depuis le comptoir,
occupée à boire son verre de vin.
Karrie s’avance vers elle et le lui prend pour le vider d’une traite.
— Je n’ai pas envie d’entendre ça, dit mon père. Ça va aller ?
Il s’approche de moi et place une main sur mes bras pour m’attirer contre
son torse. Je pose mon visage au milieu de sa poitrine, l’endroit le plus sûr
où je puisse être.
— Évidemment que ça va aller, dit Zoé en allant chercher son propre shot
de tequila.
Elle grimace après avoir dégluti et a un haut-le-cœur.
— Ce truc est dégoûtant, lance-t-elle, en pointant la bouteille du doigt.
— Je vais descendre avec les enfants, dit mon père.
Il dépose un baiser sur les lèvres de ma mère et ajoute :
— Je t’aime.
— Beurk, papa, pas maintenant, grommelé-je.
Il se contente de rire et sort de la pièce.
— Alors, qu’est-ce que tu vas faire ? me demande Karrie.
Je tourne les yeux vers elle et hausse les épaules.
— Je n’en ai aucune idée.
— On devrait lui envoyer une boîte de vibromasseurs, propose Vivienne,
avant de regarder Karrie. Tu te souviens quand Matthew a jeté tous les tiens
?
Nous poussons tous un grognement.
— Au beau milieu de la rue, ajoute Allison.
Elle ne peut s’empêcher de rire et moi non plus.
— Il faut que je revoie cette photo, leur dis-je.
Je soulève le téléphone du comptoir, où il a été laissé après être passé de
main en main. Je regarde l’image ; ses mains sont posées de chaque côté de
son visage.
— Quel connard.
— C’est vrai, renchérit Karrie, mais tu ne peux pas le laisser t’atteindre.
— Enfin, tu peux le laisser t’atteindre, rectifie Zoé.
Je tourne la tête vers elle, stupéfaite.
— Mais ensuite, tu dois prendre toute cette énergie et t’en servir pendant
que l’on concocte un plan pour le castrer.
— Les filles, dit ma mère en secouant la tête.
Je ne vais pas mentir, nous sommes du genre épuisantes et peu importe
combien de fois nous avons promis d’être sages, la situation dégénère
toujours très vite. Nos parents ont battu le record du nombre de fois où ils
ont été convoqués dans le bureau du proviseur et je suis certaine que les
professeurs ont poussé un soupir de soulagement collectif, quand nous
avons quitté l’école.
— Quoi ? lance Zoé en levant les mains, avant de se tourner vers ma
sœur. Franchement, Allison, tu regardes Game of Thrones. Ils font ça, là-
dedans, et le mec survit quand même, n’est-ce pas ?
— C’est vrai. On peut survivre sans pénis, répond celle-ci, avant
d’entendre le grognement de ma mère. Mais je ne suis pas en train de
suggérer que vous lui coupiez le pénis.
— Merci, dit ma mère.
— Laisse tomber, lâche Vivienne. Frappons-le là où ça fait mal.
— Ouais, répond Zoé en hochant la tête.
— Frappons-le là où ça fait mal, mais est-ce que ça fera vraiment mal, s’il
ne s’en sert même pas ?
— Vivienne, siffle Karrie, tu ne nous aides pas.
Mon père revient dans la pièce et demande :
— Tout va bien, ici ?
— On parle de castration, mais rien n’a encore été décidé, répond ma
mère en se tordant les mains.
Mon père écarquille les yeux.
— Oh, je sais, dis-je.
Je me précipite à l’étage pour récupérer mon téléphone.
— Ce salopard veut se marier, reprends-je avec un rire amer tout en
ouvrant Twitter. Je vais ruiner ce foutu mariage.
— Oh, mon Dieu, dit Karrie.
Vivienne m’applaudit, ce qui lui vaut un autre regard noir, cette fois de la
part de mes parents aussi.
— Qu’est-ce que tu fais ? demande mon père.
Je souris, presque comme un chat du Cheshire avec une queue de souris
qui lui sort de la bouche.
— Je vais me trouver le rencard le plus canon qui existe et nous allons
aller féliciter ce connard à petite bite.
— Qu’est-ce que tu entends par « te trouver un rencard » ? demande mon
père, qui pâlit soudain. Tu vas embaucher un strip-teaser ? Zara Stone…
— Pas exactement, réponds-je en souriant. Je vais faire mieux que ça.
— Pourquoi est-ce que je suis le seul homme dans cette maison ? s’écrie-
t-il, avant de s’asseoir sur l’un des tabourets.
Ma mère s’avance vers lui, alors qu’il ajoute :
— Elle va finir par me donner une crise cardiaque.
— Oh, mon Dieu, entends-je Allison, qui rit dans son coin. Ça va être trop
drôle.
— Qu’est-ce qui se passe, maintenant ? demande mon père.
Elle lui tend le téléphone et lui montre ce que je viens de faire il y a deux
secondes.
Zara Stone @ZaraStone
Quand ton ex petit-ami se fiance, tu demandes à son idole,
@EvanRichards, d’être ton rencard pour aller ruiner son mariage.
Qu’est-ce que tu en dis ? Tu veux être mon rencard ?
#monexaunepetitebite
Zoé lit le tweet et se retourne pour me taper dans la main, pendant que
Karrie plisse les lèvres dans un effort pour ne pas rire. Allison plaque les
mains devant sa bouche et Vivienne se contente de hocher la tête, tout en
buvant son vin. Mon téléphone émet un bip et mon père me regarde.
— Je crois qu’il a répondu.
Je lui prends le téléphone des mains, juste au moment où j’entends sonner
celui de Karrie. Son regard passe du téléphone à moi.
— C’est Matthew.
— Il t’a répondu ? demande Zoé, et j’ouvre Twitter.
Evan Richards @EvanRichards
Ça m’a l’air d’être un bon plan.
Envoie-moi un MP.
Zoé éclate de rire.
— Ouais, frangine, tu ferais mieux de lui envoyer un MP tout de suite.
— Qu’est-ce que ça veut dire ? gémit mon père. Pourquoi est-ce que tout
ça arrive ?
— Ça arrive parce que c’est un connard à petite bite qui m’a menti avec
ses « j’ai tellement de travail et je dois me concentrer là-dessus », mais
c’était des conneries. Eh bien, devine quoi ? Rira bien qui rira la dernière,
lui dis-je.
Il se contente de secouer la tête.
— Matthew est en panique, dit Karrie, le téléphone à l’oreille et
s’efforçant de ne pas rire. Attends, laisse-moi le mettre sur haut-parleur.
La voix de mon frère emplit la pièce.
— Zara, tu as perdu la tête ? demande-t-il en un souffle, avant de
reprendre, non, ne réponds pas. On sait tous que tu es folle.
— Salut, Matthew, lancé-je, et il se tait. C’est vrai que tu as jeté le
vibromasseur de Karrie par la fenêtre ?
— Qui lui a dit ça ? siffle-t-il. Je dois être sur la glace dans vingt minutes.
Je n’ai pas le temps pour ça aujourd’hui.
— Qui t’a demandé de la ramener ? demande Zoé. Sérieux, tu ne laisses
même pas ta femme avoir un vibromasseur. Elle a l’air frustrée.
— Elle n’est pas frustrée, répond-il, et ce rencard avec Evan n’arrivera
jamais.
— Matthew Grant, intervient Karrie, ne t’avise pas d’intervenir. Ta sœur a
le cœur brisé.
— Tout ça va se retrouver sur SportsCenter, grommelle Matthew. Je dois
y aller. Embrasse les enfants pour moi, et vous deux, les jumelles…
Je regarde Zoé et elle me regarde.
— Je vais liquider quelques actions, pour m’assurer de pouvoir payer
votre caution.
Il rit, mais mon père pousse un grognement.
— Je sens que tout ça va très mal finir, rit ma mère.
— Pour l’un d’entre nous, en tout cas, réponds-je, en lui adressant un
sourire narquois.
2 Famille américaine connue pour sa grande descendance : les Duggar ont
eu dix-neuf enfants entre 1988 et 2009.
QUATRE

Evan

— C’est parti, me hurla le coach, donnant le coup d’envoi de


l’entraînement.
Je patine du coin de la piste jusqu’à la ligne bleue, regarde légèrement
par-dessus mon épaule et attends que Corey, le défenseur, me passe le palet.
Je continue un peu pour laisser la rondelle heurter l’arrière de ma crosse.
Puis je le fais accélérer, le poussant contre les panneaux, et le son de la
glace qui crisse sous mes lames résonne dans mes oreilles. Je dépasse le
milieu de la patinoire et traverse jusqu’à l’autre ligne bleue. Quand je
regarde derrière moi, je vois que mon partenaire de ligne, Denis, est à une
seconde derrière moi. Cet été, j’ai travaillé sur ma vitesse et mon cardio, et
cela a payé, car cette saison est l’une de mes meilleures. Je suis numéro un
du classement en buts et aux points et, si ça continue comme ça, je serai en
lice pour ce trophée Art Ross.
J’en suis si proche que je peux sentir le goût du succès sur mes lèvres.
— Patine plus vite, hurlé-je à Denis.
Il essaie, mais je pars sans lui. Je tire sur le filet vide et regarde le palet
terminer sa course au fond du but, avant de me moquer de Denis, qui arrive
enfin devant le but. Je pivote en arrière et le regarde.
— J’imagine que manger ce donut avant l’entraînement n’était pas une si
bonne idée, lui lancé-je.
Il lève sa main gantée et me fait signe d’aller me faire foutre. Le son d’un
sifflet me fait taire.
— Assez, dit le coach. Reposez-vous pour ce soir, les garçons.
L’entraînement commence à dix heures, demain.
Il quitte la glace et nous le suivons. Je sors de la piste et descends le tapis
rouge jusqu’aux vestiaires. Je défais mon casque et pose ma crosse contre le
mur avec les autres. Puis j’ôte mes gants et les pose sur le banc, juste au-
dessous de mon nom. Quand je récupère mon téléphone, je vois que j’ai
reçu plusieurs messages de ma sœur, Candace, qui est en charge de mes
réseaux sociaux. Enfin, elle s’occupe de Facebook et de Twitter. Je gère
moi-même ma page Instagram, ce qui me casse les pieds.
Je vais déposer cinquante T-shirts chez toi ce soir pour que tu les
signes.
N’oublie pas d’appeler maman.
J’ai aussi nourri tes chiens.
Et tu devrais regarder qui vient de t’envoyer un tweet. Tu vas peut-
être devoir partir sous couverture, mon frère.
Je suis sur le point d’ouvrir ma page Twitter, quand j’entends un rire
derrière moi. Je vois Jari, notre gardien, assis et les yeux fixés sur son
téléphone. Il lève les yeux vers moi.
— Mec, tu as regardé ton Twitter ?
Je secoue la tête et ouvre mon téléphone.
Zara Stone @ZaraStone
Quand ton ex petit-ami se fiance, tu demandes à son idole,
@EvanRichards, d’être ton rencard pour aller ruiner son mariage.
Qu’est-ce que tu en dis ? Tu veux être mon rencard ?
#monexaunepetitebite
Je ris au hashtag, puis reporte de nouveau mon attention sur le nom.
Bordel de merde, Zara Stone. Mes doigts pianotent sur le clavier avant
même que j’aie pu y réfléchir.
Evan Richards @EvanRichards
Ça m’a l’air d’être un bon plan.
Envoie-moi un MP.
Dès que j’ai envoyé le message, mon téléphone se met à sonner et je vois
que l’appel provient de Candace.
— Yo, réponds-je.
Je récupère une bouteille de Gatorade à côté de mes gants, m’assieds et
bois une gorgée.
— Tu as perdu la tête, putain ? s’écrie-t-elle.
Je la vois tellement, dans la Range Rover que je lui ai achetée, ses lunettes
sur le nez, avec son maquillage et ses ongles parfaits. Je secoue la tête. Je
suis le plus âgé des trois. Chloé est la cadette et elle reste en dehors de mes
affaires, à moins d’avoir besoin de tickets ou d’une réservation quelque
part. Mais Candace a toujours le nez fourré dans mes affaires. OK, c’est
vrai, je la paie pour s’occuper de tout, mais parfois, elle dépasse les bornes.
Néanmoins, elle s’y connaît en hockey ; je veux dire, notre père y jouait,
pas à un niveau professionnel, mais il en a fait à la fac, avant de devenir
coach. Mon oncle est aussi un grand joueur de hockey, mais il n’a joué que
cinq matchs dans la NHL.
On pourrait croire, avec une famille à ce point tournée vers le hockey, que
j’ai commencé à jouer dès l’enfance, mais ce n’est pas le cas. Quand j’avais
treize ans, mon père m’a forcé à venir jouer avec lui et quelques-uns de ses
amis ; on connaît la suite. J’ai été sélectionné en quarante-cinquième. Je
n’aurais jamais cru que je jouerais dans la NHL, mais l’équipe m’a laissé
une chance et, à dix-neuf ans, je soulevais la coupe au-dessus de ma tête.
C’était un rêve devenu réalité. Deux ans plus tard, j’étais transféré, et
aujourd’hui, sept ans après, il ne me reste que quelques mois sur mon
contrat, avant reprendre ma liberté.
— De quoi est-ce que tu parles ? demandé-je.
J’essaie de jouer les innocents, mais je sais qu’à la seconde où j’ai envoyé
ce tweet, elle a reçu une notification sur son téléphone. Je ris et me penche
en avant pour délacer mes patins.
— Tu as vraiment envie de sortir avec Zara Stone ? siffle-t-elle. J’ai
entendu dire que c’était une garce.
— Par qui ? lui demandé-je.
Je suis certain qu’elle ne sait même pas qui est Zara. Mais elle a détesté
toutes mes petites amies sans exception. Quand j’ai rompu avec la dernière,
il y a quatre ans, et que nous avons posté la nouvelle sur internet, elle a
organisé une fête pour moi. Ma mère n’a pas apprécié et s’est mise en
colère contre nous deux.
— Je connais des gens, dit-elle.
Je ris si fort qu’elle peut m’entendre, maintenant.
— Je suis sérieuse, Evan. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Tu es
au sommet de ton art. Tu es un peu le célibataire le plus convoité du milieu.
— Cand, détends-toi. C’est juste un rendez-vous. Peut-être même pas, dis-
je, m’efforçant de l’apaiser un peu.
Mon téléphone bipe, et je vois que j’ai un appel d’un numéro inconnu.
— Je dois y aller. Quelqu’un m’appelle.
— OK, c’est toujours d’accord pour le tacos ? demande-t-elle.
— Eh bien, on est mardi, alors oui. Récupère-le et rejoins-moi chez moi.
Je raccroche et accepte l’autre appel.
— Allô ?
— Eh, Evan, dit une voix masculine.
Je crois savoir de qui il s’agit, mais je n’en suis pas sûr.
— C’est Grant, Matthew Grant.
Bordel de merde. Le père de Zara est le fameux Cooper Stone – c’est plus
ou moins un dieu du hockey, ou une idole, qui a battu plus de records que
n’importe quel autre joueur de hockey – et Matthew est son frère. D’après
ce que j’ai entendu dire, mieux vaut ne pas déconner avec lui, mais
apparemment, son autre sœur est sortie avec son ennemi juré juste sous son
nez.
— Ouais, réponds-je.
Je m’efforce de ne pas rire, en songeant à quel point ma vie est devenue
dingue en l’espace de dix minutes.
— Tu sais pourquoi je t’appelle ? demande-t-il.
J’entends des hommes parler en arrière-plan. Il est sûrement aussi à
l’entraînement.
— J’en ai une petite idée, confirmé-je.
— Alors, on est sur la même longueur d’onde, dit-il.
En vérité, je n’ai aucune idée de ce que ça signifie.
— Ouais ? ajoute-t-il.
— Ouais.
Et il raccroche.
— Qu’est-ce qui vient de se passer ? demandé-je.
Je ne m’attends pas à ce que qui que ce soit me réponde, mais Brett, mon
coéquipier le plus proche et complice en toutes situations, me lance en
riant :
— Tu viens d’enfoncer un nouveau clou dans ton cercueil.
Je me lève, écarte mes patins du passage et ôte mon maillot, avant de le
jeter dans la grosse corbeille au milieu de la pièce.
— C’est juste un rendez-vous. Seigneur, lui répliqué-je.
Il secoue la tête.
— Tu l’as vue ? me demande-t-il, et je fais non de la tête.
— Enfin, peut-être en passant, précisé-je.
Je reprends mon téléphone, retourne sur Twitter et clique sur la photo de
Zara. Elle emplit mon écran dans son petit cercle et je dois m’asseoir. Je
vous jure, mon souffle se bloque quand je la vois. Ses cheveux blond
vénitien recouvrent la moitié de son visage et de ses lèvres. Son regard est
fixé sur l’objectif, et j’ai l’impression qu’elle me regarde droit dans les
yeux. Je zoome et vois que ses yeux ont l’air gris et que ses lèvres sont
pulpeuses et entrouvertes. Elle n’est pas jolie et elle n’est pas belle.
Exquise, c’est le seul mot qui me vient à l’esprit.
J’entends à nouveau pouffer de rire et je regarde Brett.
— Tu ne l’avais jamais vraiment vue, alors.
— Je… balbutié-je.
Je baisse les yeux sur la photo, avant de les relever, et il continue à
glousser.
— Non, avoué-je, la voix soudain plus basse.
Il déroule une bande de sa jambe tout en secouant la tête.
— Tu la connais ?
— Je l’ai rencontrée l’année dernière au gala de charité de la Fondation
Max Horton. Elle est entrée et toutes les mâchoires sont tombées, explique-
t-il. Elle était avec ce type maigrichon qui ressemblait à un banquier. C’est
peut-être lui, petite bite.
Je baisse à nouveau la tête et grave son image dans mon cerveau.
— C’est juste un rendez-vous, lui dis-je.
J’éteins mon téléphone et le pose sur l’étagère.
— Un rendez-vous.
Je ne sais pas si c’est à lui que je parle ou si j’essaie de me convaincre
moi-même.
Je vais prendre une douche, avant de me diriger vers la cuisine pour
récupérer une assiette débordante de pâtes et de poulet. Je regarde autour de
moi : la pièce est presque vide, alors je m’assieds et je mange tout en faisant
défiler les articles de la chaîne sportive pour vérifier les stats. Je vois que
mon application Twitter devient folle, et je suis sur le point de l’ouvrir,
quand Candace m’appelle.
— Eh, dis-je, portant le téléphone à mon oreille, tout en prenant une autre
bouchée.
— Eh toi-même, commence-t-elle, et je sais qu’elle est en colère. Au cas
où tu te poserais la question, tu as reçu environ quatre-cents MP de filles
qui t’envoient leur numéro. Il y a même cinquante personnes qui ont créé
un faux compte Zara Stone.
Je secoue la tête.
— Mais est-ce que Zara m’a envoyé un MP ? demandé-je.
— Oui. Elle a laissé son numéro, répond-elle.
Je les fais défiler et m’arrête sur le message que je sais venir de Zara, dans
lequel elle m’indique son numéro.
— Tu vas l’appeler ?
— Oui, confirmé-je, avant d’attraper mon verre pour boire une gorgée.
— Je pense que c’est une erreur, dit-elle.
— Je garderai ça à l’esprit, lancé-je, avant de mettre fin à l’appel.
Je baisse les yeux sur le numéro et, pour la première fois de ma vie, mes
paumes sont moites. C’est stupide. J’ai déjà appelé des filles. Ce n’est
même pas moi qui la contacte. Elle m’a approché en premier.
Je n’ai pas le cran de l’appeler, alors je lui envoie un message :
Moi : Eh, c’est Evan. Tu es disponible pour qu’on discute ?
J’appuie sur le bouton d’envoi et regarde le message. J’aurais dû ajouter
un smiley. Tandis que j’étudie l’écran, je vois la bulle et les trois points de
suspension apparaître en bas, puis disparaître, mais aucun message ne me
parvient. J’observe l’écran avec attention et elle finit par répondre.
Zara : Je m’apprête à prendre un déjeuner en famille. Que dis-tu de
ce soir ?
Je souris au téléphone, avant de pianoter ma réponse.
Moi : Envoie-moi un message quand tu seras disponible.
Je pose le téléphone, avant de me lever pour me diriger vers la salle de
sport. Pendant deux heures, je soulève des poids, jusqu’à sentir mon corps
me brûler de partout. Je prends une autre douche rapide, avant de partir et
de jeter un œil à mon téléphone. Je récupère ma casquette de baseball,
l’enfile à l’envers, puis rassemble mon téléphone, mon portefeuille et mes
clefs. Je regarde autour de moi et lance un au revoir aux personnes qui sont
peut-être encore dans le vestiaire. L’entraînement d’aujourd’hui n’était pas
obligatoire, mais cela fait toujours du bien de monter sur la glace. Je me
dirige vers ma BMW noire, appuie sur le bouton pour déverrouiller la
portière et monte. Je parcours le trajet jusqu’à ma toute nouvelle maison.
Enfin, pas toute nouvelle, parce que ça fait six mois. Je sais que je n’aurais
pas dû l’acheter, vu que je ne sais pas où je serai à la fin de la saison, mais
je n’ai pas pu m’en empêcher. Je passe le portail du quartier et descends la
rue. C’est un nouvel arrondissement, raison pour laquelle je ne pouvais pas
dire non. J’adore les propriétés immenses. Je me fiche de la taille de la
maison, tant que j’ai de l’espace.
Je m’engage sur le chemin bétonné qui s’étend devant la maison, puis
tourne sur l’allée qui mène jusque chez moi. L’herbe est verte, mais nous
sommes à Dallas, alors elle est toujours verte. Après m’être garé devant la
porte du garage, je sors et entends les aboiements. Je ris et m’avance
jusqu’aux marches de pierre de la grande porte brune. Le verre teinté ne me
permet pas de voir à l’intérieur, mais connaissant mes chiens, ils sont à la
porte. Je l’ouvre, et Lilo et Stitch me sautent dessus.
— Salut, vous deux, dis-je, en entrant dans l’immense vestibule.
Un escalier en colimaçon en fonte mène à l’étage, mais les marches sont
bloquées par une barrière en fer pour empêcher les chiens de monter. Je
regarde à gauche et vois que la porte de la chambre est encore fermée, ce
qui est une bonne chose, vu qu’il y a deux jours, ils ont réussi à entrer. Lilo
est un labrador beige et Stitch un labrador marron chocolat, et bon sang,
comme ils aiment s’attirer des ennuis. Je leur caresse la tête, puis traverse le
vestibule pour me diriger droit vers le salon.
C’est ici que je passe le plus clair de mon temps. J’ai fait faire les canapés
bruns sur-mesure, pour que s’installer dessus soit presque comme se
coucher dans un lit. La télévision de quatre-vingts pouces est suspendue au-
dessus du manteau de cheminée en marbre couleur sable. Une bibliothèque
en bois, disposée d’un côté de la pièce, contient des photos de tous les
grands moments de ma carrière. Certaines représentent aussi ma famille
durant des réceptions ou à Noël. De l’autre côté, il y a le couloir qui mène à
ma chambre, tout au fond. Un autre portail empêche les chiens d’aller là-
bas. Je dépasse la cuisine qui se trouve à ma droite pour rejoindre la porte
de derrière, que j’ouvre pour laisser les chiens courir dehors. Je ferme la
porte et me rends directement à la cuisine pour boire un peu d’eau.
Je prends la télécommande posée sur le comptoir séparant le salon de la
cuisine. J’allume la télévision sur SportsCenter, puis me dirige vers mon
double frigo en acier inoxydable, que j’ouvre pour récupérer une bouteille
d’eau. Je me retourne et attrape une pomme posée au milieu de l’îlot.
L’énorme saladier se trouve sur un comptoir en marbre, le même que ceux
qui composent toute la cuisine. La couleur tire sur le brun sombre, mais les
placards sont plus clairs, pour que les comptoirs ressortent plus. Le tout est
assorti d’une cuisinière à six brûleurs, encastrée, sur laquelle je cuisine
parfois – OK, peut-être pas si souvent que ça –, mais ma mère a concocté
quelques délicieux repas ici, les fois où elle m’a rendu visite.
Je prends mon téléphone et commande la nourriture pour la fête tacos que
j’organise ce soir avec Candace. Quand j’entends les chiens aboyer, je
regarde par la fenêtre et sors, pour les trouver en train de se courir après à
toute vitesse. C’est exactement pour ça que j’ai acheté la maison. Je ne peux
même pas voir mon voisin ou, si c’est le cas, c’est de très loin. Je m’avance
jusqu’au bout de la terrasse en béton couverte par une véranda en bois. Il y
a une cheminée d’un côté, avec les paniers des chiens juste devant. Deux
rocking-chairs se trouvent devant la fenêtre près de la porte. Ma mère adore
s’asseoir dedans et se balancer devant le feu, le soir. De l’autre côté de la
terrasse, il y a un barbecue, juste à côté de la salle de bains extérieure que
j’ai fait installer. Un hamac blanc est suspendu tout au bout de la terrasse.
La piscine, qui se trouve au milieu de la cour, entourée de palmiers, donne
un côté tropical aux lieux. Les chiens finissent par lever la tête et, quand ils
me voient, ils foncent droit sur moi. Lilo laisse tomber sa balle à mes pieds
et je me penche pour la récupérer, avant de la lancer aussi loin que je peux.
Ils partent tous les deux en courant.
Je joue à la balle avec eux pendant environ trente minutes, puis ils se
couchent à mes pieds, haletants. Je me retourne et récupère leurs gamelles
d’eau pour les remplir avec le tuyau extérieur. Ils se lèvent aussitôt et
s’approchent des bols. Je les laisse dehors en entendant mon téléphone
biper pour m’annoncer que quelqu’un vient d’entrer mon code au portail.
Ma livraison est arrivée. Je rentre et vais à la porte juste au moment où il
s’apprête à sonner.
— Bonjour, señor Evan, dit Manual en me tendant un gros sac. Voici tout
ce que vous avez commandé.
Je le remercie d’un signe de tête.
— Passez une bonne soirée, et continuez de faire grimper les scores.
Il incline son chapeau vers moi, puis retourne à sa voiture. J’apporte le
gros sac lourd jusqu’à la cuisine et le pose sur l’îlot, avant de commencer à
sortir les récipients. Je récupère le sac en plastique rempli de tortillas faites
maison en premier. Puis le récipient rond de queso. Je l’ouvre et hume son
parfum.
J’attrape le gros sachet de chips maison, en plonge une dans la sauce et la
laisse fondre sur ma langue. Puis je sors les trois récipients de tacos. Il y en
a un au bœuf, un au porc et un aux crevettes. Un bol de riz à l’espagnole se
trouve au fond du sac. J’entends la porte claquer et je sais qu’il s’agit de
Candace.
— Oh, super, j’arrive juste à temps, dit-elle en laissant tomber son sac à
main sur la table devant la cuisine.
Elle s’avance et commence à ouvrir les récipients.
— Je meurs de faim, dit-elle, avant de s’avancer vers le placard pour
récupérer trois assiettes.
Nous prenons chacun notre taco et elle m’énumère ce qui doit être fait
durant la semaine qui arrive, pendant que nous mangeons.
— Tu as jeté un œil à Twitter ? demande-t-elle, quand j’ai terminé ma
dernière bouchée de queso.
Je secoue la tête.
— Non.
Je ramasse mon assiette et l’apporte à la cuisine.
— Je ne regarde qu’Instagram, pour pouvoir faire les stories.
Elle se lève de sa chaise et s’approche pour poser sa propre assiette dans
l’évier. Elle la rince et la place dans le lave-vaisselle. Puis elle s’avance vers
le comptoir et récupère un torchon pour essuyer ses mains mouillées.
— Tes MP ont explosé. J’ai dû recharger mon téléphone cinq fois depuis
le tweet de ce matin.
Je hausse les épaules, ne sachant trop ce que je suis censé répondre.
— Tu vas vraiment faire ça ?
— Je ne vois pas ce que tu veux dire.
Je m’appuie contre le comptoir, croise les bras sur mon torse et l’observe.
— Tu me demandes si je vais sortir avec elle ? Oui, j’ai dit que je le
ferais.
— Tu ne connais même pas cette fille. J’ai entendu dire que c’était une
petite chose d’un mètre cinquante, qui adorait attirer l’attention, dit-elle
aussitôt.
— C’est juste un rencard, Can. Je ne vais pas me marier.
Elle hoche la tête.
— Très bien, mais quand tout ça t’explosera à la figure, et c’est ce qui va
arriver, je ne t’aiderai pas à nettoyer les dégâts, me prévient-elle, avant de
s’avancer vers la table pour récupérer son sac à main.
— Je te paie pour nettoyer les dégâts, lui rappelé-je. Ne l’oublie pas.
— Ouais, eh bien tu ne me paies pas assez. Je vais demander une
augmentation.
Puis elle se retourne et sort de la maison, claquant la porte derrière elle. Je
secoue la tête et me passe les mains sur le visage.
Les chiens me suivent et, dès que nous entrons dans ma chambre, ils se
précipitent et sautent sur mon lit king size. Mes pieds s’enfoncent dans le
tapis gris clair quand je m’avance vers le lit pour les réprimander, avant de
pointer du doigt leurs deux paniers au bout du lit. Ils me regardent, puis
sortent de la chambre, sans aucun doute pour se coucher sur le canapé. Je
m’avance vers les tables de chevet gris clair, prends la télécommande et
allume la télévision suspendue devant le lit, au-dessus de la cheminée. Je ne
désirais rien de trop chic dans ma chambre, jusqu’à ce que je rentre chez
moi pour découvrir que ma mère était allée à l’encontre de tout ce que je
voulais.
Elle est masculine, je peux au moins dire ça, mais avec une touche de
douceur, selon elle. La tête de lit en tissu gris est confortable quand je
m’installe en position assise pour regarder la télévision, et c’est tout ce qui
compte. Les couvertures sont d’un gris pâle et ont l’air incroyablement
moelleuses, mais je ne fais pas mon lit tous les matins. Je me contente de
rejeter les couvertures grossièrement. Je viens de me laisser tomber sur le
matelas, quand mon téléphone vibre dans ma poche. Je vois que j’ai reçu un
message de Zara et un sourire apparaît sur mes lèvres, même si je n’ai
aucune idée de pourquoi.
Zara : Je suis disponible pour parler, si tu l’es aussi.
— Quand faut y aller, me dis-je.
J’appuie sur son nom à l’écran et j’écoute la sonnerie retentir.
CINQ

Zara

Les mains tremblantes, j’écris le message auquel je songe depuis ce


matin.
Moi : Je suis disponible pour parler, si tu l’es aussi.
Je suis rentrée de chez mes parents il y a une heure et, depuis, je n’arrête
pas de me demander ce que j’ai fait. Quand il m’a demandé par message si
j’étais libre pour qu’on discute, je suis allée dans la salle de bains pour que
Zoé ne sache pas que je regrettais d’avoir envoyé le tweet. C’était une
décision impulsive et c’est complètement la faute de la tequila.
La sonnerie du portable me fait tourner les yeux vers le lit, où je l’ai jeté
après lui avoir envoyé le message. Je n’ai même pas songé qu’il pouvait
être près de son téléphone. Je le récupère et les battements de mon cœur
commencent à accélérer légèrement. OK, beaucoup. Finalement, j’appuie
sur le bouton vert pour décrocher.
— Allô, lui lancé-je en m’efforçant de prendre une voix aussi calme que
possible, en vain.
— Zara, dit-il.
Je m’assieds sur le lit et écoute sa voix grave et bourrue. Je ne vais pas
mentir ; j’ai passé tout le trajet jusqu’à la maison à faire des recherches
Google sur lui. Je ne peux pas dire que j’ai été surprise de découvrir qu’il
était beau, mais, honnêtement, c’est le type le plus sexy que j’aie jamais vu.
Son menton est mal rasé comme j’aime – non, oubliez ça, comme j’adore.
Ses cheveux sont coupés court sur les côtés et longs au-dessus, et je me vois
bien passer mes mains dedans. Quand j’ai regardé dans ses yeux bruns et
que j’ai eu l’impression qu’il me rendait mon regard, j’ai su qu’il était
beaucoup trop bien pour moi. Sérieusement, cet homme a déjà une centaine
de tableaux Pinterest qui lui sont dédiés. Je les ai peut-être parcourus. OK,
je l’ai fait.
— Salut, dis-je en m’efforçant de prendre un ton décontracté. Quoi de
neuf ?
Il émet un petit rire et je suis certaine de sentir mon estomac faire un saut
périlleux.
— Pas grand-chose, répond-il.
J’entends un froissement de tissus et me demande s’il est chez lui ou sur
la route.
— Je m’apprêtais à me coucher.
Je regarde l’horloge et vois qu’il est vingt-et-une heures, chez moi.
— Quelle heure est-il chez toi ? demandé-je.
— Un peu plus de vingt heures, répond-il, en prenant une profonde
inspiration.
— C’est bientôt l’heure du dodo, c’est ça ? plaisanté-je.
— Je dois préserver mon énergie pour toi, me taquine-t-il. Tu as passé une
bonne journée ?
Je secoue la tête et émets un petit rire.
— Oh, tu sais, la routine. J’ai découvert que mon ex s’était fiancé quatre
mois après avoir rompu avec moi, pour pouvoir se concentrer sur son
travail.
Je me mets au lit et m’enfonce dans les oreillers, les yeux levés vers le
plafond.
— Quand je l’ai découvert, j’ai un peu piqué une crise et perdu les
pédales.
— Vraiment ? dit-il, et je suis certaine qu’il est en train de sourire.
Un sourire que j’ai observé pendant une heure. Foutu Pinterest.
— Genre, je perds souvent les pédales, mais cette fois, c’était un peu plus
que d’habitude, ris-je. Les deux shots de tequila que j’ai bus n’ont pas
arrangé les choses, surtout qu’il était neuf heures.
— Alors, tu m’as envoyé un tweet en étant bourrée ? s’étonne-t-il en riant.
Intéressant.
La façon dont il prononce ce mot me fait me redresser.
— Pourquoi c’est intéressant ?
— Je me demande juste : si tu n’avais pas eu cette tequila dans
l’organisme, est-ce que tu m’aurais envoyé ce tweet ?
Je me laisse retomber sur l’oreiller et réfléchis.
— Probablement pas, lui réponds-je, en toute honnêteté. Il t’aime
tellement. Au début, je pensais qu’il faisait ça juste pour faire marcher
Matthew et Max, quand il énumérait tes stats, mais…
— Ouais, ton frère est mon plus grand fan, surtout maintenant, remarque-
t-il.
Je me retourne sur le lit.
— Seigneur, il t’a appelé ? lui demandé-je, en retenant mon souffle.
C’est tellement embarrassant.
— Ouais, répond-il. Je veux dire, notre conversation a dû durer cinq
secondes et il a prononcé quatre mots. J’ai entendu Max en arrière-plan, en
train de donner des ordres.
Il émet un petit rire.
— Mais… commence-t-il, mais je l’interromps.
— Je suis tellement désolée de t’avoir entraîné là-dedans. Je comprendrais
complètement que tu ne veuilles pas venir avec moi.
— Je n’ai jamais fait irruption dans un mariage jusqu’à maintenant, mais
c’est sur ma liste des choses à faire avant de mourir.
Je ris à cette remarque.
— Est-ce que tu sais quand il se marie ? m’interroge-t-il.
— D’après son dernier post Instagram, il est impatient de faire d’elle sa
femme, et il a parlé de début juin.
Je ne lui dis pas qu’après avoir lu ça, j’ai bu quelques shots de tequila
supplémentaires, mais que tout le monde a retenu mon téléphone en otage.
Ils ont aussi caché leur propre téléphone.
— Si tu peux m’obtenir la date, je vérifierai mon emploi du temps et je
verrai si je suis disponible, me dit-il. Ça devrait être la saison des
éliminatoires, d’ici là.
— Je n’y avais même pas réfléchi, réponds-je en me tournant de nouveau.
Écoute, Evan, je sais que tu trouves probablement que c’est l’idée la plus
stupide que tu aies jamais entendu, mais, si tu me connaissais, tu saurais
que ça ne l’est sûrement pas, et que je suis capable de faire bien pire.
Il rit.
— Mais je ne veux pas te causer de problèmes, ajouté-je.
— J’ai reçu un millier de numéros de téléphone, aujourd’hui, m’apprend-
il. Mes MP ont explosé.
— Merde, murmuré-je. Je suis vraiment désolée.
— Pourquoi ? Ce n’est pas tous les jours qu’une femme sublime décide de
ne pas se laisser faire et me propose un rencard pour prendre sa revanche.
— On ne s’est jamais rencontré, rappelé-je.
— Non, c’est vrai, répond-il, et sa voix se fait plus douce. Mais après
avoir accepté ton invitation d’aller gâcher un mariage, je suis allé voir ta
photo sur Twitter.
Mon cœur se met à battre plus fort et je le mets sur haut-parleur pendant
que je vais sur Twitter pour vérifier ma photo. Elle a été prise sur la plage,
la fois où notre famille est allée à Saint-Barth.
— Tu sais qu’il y a des centaines de tableaux Pinterest qui te sont dédiés ?
lui dis-je.
Il rit, plus ouvertement que plus tôt. C’est un son grave et je l’imagine plié
en deux.
— Quoi ? C’est vrai.
— Tu as fait des recherches sur moi, articule-t-il, entre deux éclats.
— Eh bien, je savais à quoi tu ressemblais. Plus ou moins, lui expliquai-
je. Je veux dire, avec un casque et une visière.
Je l’ai déjà vu jouer.
— Où est-ce que tu vis ? demande-t-il, lorsque son fou rire est passé.
— New York.
Je sais qu’il vit à Dallas. Il joue pour Dallas.
— Je pars demain soir pour Jersey, m’explique-t-il, et je retiens
littéralement mon souffle. J’y resterai deux jours.
— OK, réponds-je.
— Zara, je peux t’inviter à boire un verre ? me propose-t-il. Je pense que
ce serait bien qu’on se rencontre avant d’aller ruiner ce mariage.
— Tu veux venir en ville pour m’emmener boire un verre ? répété-je,
stupéfaite.
Je ne m’attendais pas du tout à ça. Je m’attendais à quelques messages, et
à ce qu’on finisse par arriver en même temps au mariage en faisant
semblant de s’apprécier, avant de repartir chacun de notre côté.
— Ouais, on a toute la journée de libre. On prend l’avion de nuit pour
pouvoir se reposer, m’explique-t-il.
— J’ai quelques rendez-vous ce jour-là, mais je suis libre en fin d’après-
midi.
C’est une autre mauvaise idée.
— Eh bien, le rendez-vous est pris, dans ce cas, dit-il pesamment.
— Un rendez-vous d’avant rendez-vous, ajouté-je, pour m’assurer qu’il
comprenne de quoi je parle. À moins qu’il s’agisse d’une réunion d’avant
rendez-vous ?
— Quoi ? s’étonne-t-il, en se remettant à rire. Je ne sais même pas ce que
ça veut dire.
— Un rendez-vous, c’est un dîner avec un verre de vin. Et une réunion,
c’est s’asseoir et coucher les choses sur papier, pour qu’il n’y ait aucune
confusion quant à ce qui est à venir.
— Zara, dit-il, et mon estomac fait un autre saut périlleux, quand il
prononce mon nom. Je viens à New York, je passe te chercher et je
t’emmène dîner.
Et au lieu de s’arrêter là, il ajoute :
— Tu peux appeler ça comme tu veux.
— Ça ne répond pas à ma question, remarqué-je, et mes mains deviennent
moites.
— Eh bien, j’imagine qu’on le découvrira à ce moment-là, répond-il.
Quelle est ta nourriture préférée ?
— Euh… hésité-je.
Je ne suis pas sûre de réussir à formuler une phrase. Qu’est-ce qui
m’arrive ? Je crois que la tequila était corsée. Ce foutu Justin a sûrement
mis du tord-boyaux dans cette bouteille.
— Je te ferai la surprise, reprend-il, et j’ai envie de lui dire que je déteste
les surprises.
Je les exècre. Je suis prête à torturer quelqu’un pour qu’il m’avoue tout.
— Alors, tu peux m’envoyer ton adresse par SMS ?
— Je peux te rejoindre quelque part, réponds-je. Je veux dire, je serai déjà
en ville, au boulot.
— Soit tu me donnes ton adresse, soit j’appelle quelques personnes qui
me doivent une faveur et je la découvre tout seul.
S’il avait été assis en face de moi, je l’aurais fusillé du regard.
— Très bien, reprend-il. Défi accepté.
— Ce n’était pas un défi. Je réfléchissais. Laisse-moi une seconde pour
réfléchir, au moins.
— Dors bien, Zara, lâche-t-il en ignorant ma remarque. On se voit bientôt.
C’est la dernière chose qu’il dit avant de raccrocher. Je baisse les yeux sur
le téléphone et je vois ma photo de fond d’écran : Zoé et moi, devant la tour
Eiffel, à Paris. Un message arrive. C’est Evan.
Fais de beaux rêves, Zara.
Je songe à répondre, avant de décider de ne pas le faire. Je jette le
téléphone sur le lit, me lève et entre dans la salle de bains, allumant la
lumière dans la petite pièce. Enfin, elle est grande pour New York, mais
petite pour moi. L’énorme baignoire blanche et profonde se trouve devant la
porte, à côté de la douche vitrée. Le sol carrelé est froid sous mes pieds,
tandis que je m’avance vers la baignoire et fais couler l’eau. Je me tourne
vers les deux étagères suspendues que j’ai fait ajouter quand j’ai emménagé
et allume les quatre bougies sur chacune d’elles. Je me déshabille, éteins la
lumière et admire la lueur des bougies. Je grimpe dans la baignoire, me
laisse aller en arrière et ferme les yeux. Généralement, ça me détend. Je
laisse habituellement tous mes problèmes glisser hors de moi, mais,
aujourd’hui, je ne vois que les différentes photos d’Evan tourner en boucle
dans mon esprit. Celle où il porte un T-shirt Batman. Celle où il est en
maillot de bain. Celle où il est torse nu. Mon visage se réchauffe de plus en
plus et je laisse tomber le bain. Je sors, me sèche et me glisse au lit.
Le jour suivant passe si vite que je ne fais même pas attention à l’heure, et
je ne prends pas non plus le temps de manger. Mais quand la porte s’ouvre
et se referme en claquant, je me lève de mon bureau et vais vérifier de qui il
s’agit.
— J’ai essayé de t’appeler toute la journée, lance Zoé.
Elle ôte ses chaussures et entre avec un sac brun.
— Pourquoi tu n’as pas décroché ? me demande-t-elle, alors que je
descends les marches.
— Je deviens folle, lui réponds-je. Non seulement il y a ce gala pour la
Fondation Horton, pour lequel tout le monde veut être habillé, mais, en
plus, les gens commencent aussi à se préparer pour la cérémonie de remises
de prix de la NHL. Après ça, il y a deux événements sur tapis rouge.
Je tends la main et lui prends le sac.
— Tu m’as apporté du chinois ? demandé-je avec espoir.
Elle m’adresse un regard entendu.
— On est lundi. Évidemment que je t’ai apporté du chinois. Va préparer le
salon pendant que je vais chercher les assiettes, dit-elle.
Elle va à la cuisine alors que je pénètre dans le salon. Je n’y ai encore
apporté quasiment aucune modification depuis l’époque où Karrie et
Matthew vivaient ici. On dirait qu’il sort d’une publicité dans un magazine.
J’entre dans la pièce et regarde le ciel nocturne par la baie vitrée. Il y a un
banc caché juste sous la fenêtre, où je me suis blottie plus d’une fois avec
un livre. La pièce est d’une couleur unie, tout en blanc, mais l’énorme
canapé en forme de U est brun foncé. Un million de coussins le recouvrent,
mais ce que je préfère, c’est la cheminée juste devant le canapé. Elle est
traditionnelle et sculptée à la main dans du marbre blanc. Un énorme écran
de télévision est suspendu au-dessus. La table basse est grande et carrée. Un
plateau est disposé dessus, où je range toutes les télécommandes, les verres
et ce genre de choses.
J’allume la télévision et découvre un autre match de Dallas. Je ne change
pas de chaîne et je m’assieds, avant d’ouvrir le sac pour en sortir les plats.
— Oh, tu as apporté tellement de nourriture, dis-je par-dessus mon épaule.
Il y a du riz cantonais, des nouilles chinoises, du bœuf et des brocolis, du
poulet à la sauce aigre-douce, et des crevettes kung pao. Plus un sachet de
raviolis vapeur et des nems.
— Seigneur, combien de personnes vont venir manger avec nous ? lui
demandé-je, quand elle revient dans la pièce.
— J’avais faim quand j’ai commandé, explique-t-elle.
Elle s’approche et attrape un nem pour le jeter dans sa bouche. J’ouvre les
récipients et récupère les cuillères qu’elle a apportées, pour en placer une
dans chacun.
— Je te jure, je n’ai jamais eu aussi faim.
— Tu as déjeuné ? lui demandé-je, en récupérant mon assiette pour la
remplir de nourriture. Tu as travaillé, aujourd’hui ?
Je viens de remarquer qu’elle porte un pantalon et un haut de yoga. Elle
est toujours bien habillée.
— Ouais, j’avais un rendez-vous ce matin, mais j’ai travaillé depuis chez
moi après, m’explique-t-elle.
Elle prend son assiette, puis lève les yeux sur la télévision.
— Pourquoi est-ce que tu regardes ça ? me demande-t-elle, et je me
contente de hausser les épaules.
Nous n’aimons pas le hockey. C’est un fait bien connu : nous n’assistons
aux matchs, que pour la nourriture et les boissons. Nous ne regardons que
lorsque nous y sommes forcées, et seulement si notre famille est sur la
glace.
— Je viens de l’allumer, et c’était ça, articulé-je entre deux bouchées.
Je regarde l’écran en entendant le nom de famille d’Evan. Je le repère, en
train de patiner sur la glace et le suis des yeux, tandis qu’il traverse la ligne
bleue. Ça ressemble à du deux contre deux. Il fait une passe au type de
l’autre côté et le gardien suit le palet, qui glisse vers lui. Sauf que le type le
renvoie à Evan. Il se prépare déjà à tirer et le gardien n’a pas le temps de se
replacer, que le palet s’envole vers lui.
— Waouh, joli coup, remarqué-je.
Je regarde Evan glisser jusqu’au panneau et pointer son coéquipier du
doigt, un énorme sourire sur le visage. Ma sœur me regarde, bouche grande
ouverte.
— Qu’est-ce que tu viens de dire ? demande-t-elle, presque dans un
murmure. Tu étais en train de regarder du hockey et d’apprécier ça ?
Elle pose son assiette et je me contente de sourire.
— Oh, mon Dieu. Qu’est-ce qui se passe ?
Elle se lève et parcourt la pièce du regard.
— C’est une caméra cachée ? C’est ça ?
— J’ai juste dit que c’était un joli coup, répliqué-je.
Je récupère la télécommande et la pointe vers la télé, alors qu’il patine
jusqu’au banc et donne une tape dans la main à ses coéquipiers.
— Qu’est-ce que tu veux regarder ?
— Tu lui as parlé ? m’interroge-t-elle en posant les mains sur les hanches.
J’essaie de lui mentir ou, en tout cas, je tente de simplement secouer la
tête. Mais elle me connaît, parce qu’elle est l’autre moitié de moi-même.
— Craché ?
Depuis qu’on a quatre ans, on dit toujours « craché » quand on dit la
vérité.
— Quoi ?
— Ne joue pas les imbéciles avec moi, Zara. Est-ce que tu lui as parlé ?
Je pose mon assiette et me tourne vers elle.
— Je l’ai appelé hier, enfin, c’est lui qui m’a appelée, en fait, lui avoué-je.
Mais c’était pour parler du mariage.
C’est une demi-vérité et elle le voit, parce que ses mains quittent ses
hanches et elle croise les bras sur sa poitrine. Dans des moments comme
celui-là, je déteste vraiment le fait qu’elle me connaisse si bien.
— Il m’emmène boire un verre demain.
— Quoi ? s’écrie-t-elle d’une voix aiguë. Raconte.
Je lève les mains au ciel.
— Il n’y a pas grand-chose à dire, vraiment. Il a dit qu’il venait à Jersey et
qu’on pourrait sortir pour parler du mariage.
— C’est un rencard, alors ? me demande-t-elle, me posant la même
question que je me suis posée toute la journée.
— Non, asséné-je, et ma langue semble presque s’alourdir. C’est une
réunion !
— Où est-ce que tu le retrouves ? me demande-t-elle, et je me contente de
hausser les épaules.
— Je n’en ai aucune idée. Je suppose qu’il va m’envoyer un message
demain avec les détails, supposé-je, en reprenant mon assiette.
— Il vient ici depuis Jersey pour dîner avec toi ? insiste-t-elle. Qu’est-ce
que tu vas porter ?
— Je ne sais pas, lui réponds-je en toute honnêteté. On pourrait parler
d’autre chose ?
— Pour l’instant, répond-elle. Mais tous les paris sont ouverts pour
demain soir.
Je ne réponds rien. Je me contente de regarder la télévision et, pendant
tout le reste de la soirée, je n’ai qu’une chose en tête : la réunion/rendez-
vous de demain soir.
SIX

Evan

La sonnerie retentit pour indiquer la fin de la troisième période. Je saute


par-dessus le panneau depuis le banc et patine vers Jari pour faire la queue
et le féliciter pour sa victoire.
— C’était un bon match, dis-je, en cognant mon casque contre celui du
gardien.
— Joli but, me répond-il.
Je ris et glisse jusqu’au milieu de la piste, où toute l’équipe lève sa crosse
sous les applaudissements des fans encore présents. Je sors du terrain et,
quand je m’assieds à ma place, la fête bat déjà son plein. Je défais mon
casque, le retire et le pose à côté de moi.
La porte se ferme et le coach entre dans le vestiaire.
— Vous vous êtes bien débrouillés, les gars, commence-t-il.
Je suis déjà en train de retirer mes patins et de récupérer mes chaussures.
Tous les autres se déshabillent aussi.
— Vous vous retrouvez toujours coincés dans la zone neutre et je n’aime
pas ça, continue-t-il.
Personne ne répond, parce qu’il a raison.
— Le bus part pour l’aéroport dans une heure. On atterrit à deux heures
du matin, heure locale. Vous avez la journée de demain de libre, alors
reposez-vous.
Il nous adresse un signe de tête et sort du vestiaire, laissant la porte
ouverte pour permettre aux journalistes de venir nous poser des questions.
Je suis sur le point d’ôter mon maillot, quand je vois Scott, le journaliste
de SportsCenter, approcher.
— Salut, Evan. Tu as bien joué, ce soir, dit-il.
Il sort son téléphone, appuie sur le bouton rouge et lève devant lui son
petit bloc-notes carré rempli de questions.
— Le gardien va sûrement se voir décerner la meilleure action de jeu,
commence-t-il, et je souris en y repensant. C’est un truc que vous vous êtes
entraînés à faire ?
— Non, réponds-je. C’est simplement l’alchimie qu’on a tous ensemble
sur la glace. On joue de manière très similaire.
— Vous avez perdu plusieurs fois le palet dans votre zone, pendant le
match. À quel point est-il crucial d’empêcher ce genre de situation d’arriver
? demande-t-il dans son téléphone, avant de le placer devant ma bouche.
— Je pense qu’on doit vraiment resserrer les rangs de notre côté. Ça
arrive de faire des erreurs, et ça fait partie du jeu. Il suffit d’en tirer les
leçons et d’aller de l’avant.
— Vous étiez en top tendance sur Twitter, hier soir, commence-t-il, et je
me retiens de sourire. Zara Stone vous a contacté pour vous proposer un
rencard.
Il me regarde en haussant les sourcils. Les journalistes autour de nous
entendent sa question et me regardent avec intérêt.
— Ce rendez-vous va-t-il vraiment avoir lieu ?
Je ris.
— Je vous en prie, Scott. Un gentleman ne parle jamais des femmes qu’il
courtise, dis-je.
Puis je lui adresse un signe de tête et ajoute :
— Merci pour les questions.
Je m’éloigne et vais dans l’espace des douches, où je sais qu’ils ne
pourront pas me suivre. J’attends là pendant dix minutes, jusqu’à entendre
la musique se mettre à jouer, ce qui signifie que les journalistes sont partis.
Je ressors, retire mon maillot et le jette dans la grande corbeille. Je trouve
mes patins et mon casque rangés pour notre voyage. Je retire mon pantalon
et le suspends au crochet. Le son du Velcro résonne dans la pièce quand je
décroche mon plastron protecteur, que j’accroche aussi. Tout ce que
j’emporte sur la route avec moi, ce sont mon casque et mes patins. Pour le
reste de mon équipement, j’en ai un exemplaire qui voyage avec moi et un
autre qui reste ici. Je suis l’un des derniers à sortir de la douche et, quand
j’enfile enfin ma veste de costume noire, il est presque l’heure d’y aller.
Je prends mon sac de voyage et me dirige vers le bus qui nous attend. Je
m’assieds à l’avant, vu que je suis l’un des derniers à monter et, quand le
coach monte enfin, le bus émet un crissement, avant de quitter le parking
souterrain. Je sors mon téléphone et fais défiler mes messages. Ma mère
m’en a envoyé deux à propos du match de ce soir.
Mon père aussi, mais ses messages sont plus sévères. Il pointe du doigt la
moindre erreur que j’ai commise, et il n’a pas tort. J’imagine que c’est pour
ça qu’il va chercher un emploi de coach l’année prochaine.
Le dernier message est signé Candace.
La bonne nouvelle, c’est que tu es toujours en top tendance sur
Twitter. À cause du gardien, cette fois, et pas de ce stupide rencard.
Je lève les yeux au ciel à cette dernière remarque, avant d’aller sur
Instagram. Je parcours les stories, puis je fais une recherche sur Zara Stone.
Son profil est privé, je lui envoie donc une demande d’amis. Elle a indiqué
le lien d’un site internet et je clique dessus : je me retrouve alors sur le site
de La Garde-Robe de Zara.
Je n’ai pas le temps de chercher quoi que ce soit, parce que le bus s’arrête.
Je me lève et prends une photo de l’avion pour ma story Insta. Dès qu’il a
décollé, la nourriture arrive. Le cliquètement des assiettes emplit l’espace,
et j’allume de nouveau mon téléphone. Je suis assis tout seul cette fois et,
quand je regarde autour de moi, tout le monde semble être perdu dans ses
pensées. Voilà ce qui arrive quand on voyage tard le soir. Je parcours son
site internet : elle travaille pour Nordstrom. Un plan se met alors en place
dans ma tête.
Quand nous atterrissons, tout le monde à l’air prêt à aller se coucher, et
personne ne dit rien, tandis que nous récupérons nos cartes magnétiques. Je
laisse tomber mon sac de l’autre côté de la porte, me déshabille et, à
presque trois heures trente, je laisse enfin tomber ma tête sur l’oreiller.
J’éteins complètement mon téléphone et, quand je me réveille le lendemain
matin, je suis stupéfait de voir qu’il est presque midi.
Je récupère mon portable et appelle la réception pour demander une
voiture. Je me lève, me lave le visage et enfile mon jean et mon T-shirt
noirs. Je passe mes doigts dans mes cheveux, avant de mettre ma veste en
cuir noire. Mon portefeuille à la main et mon téléphone rangé dans ma
poche arrière, je descends l’escalier. Je repère l’un de mes coéquipiers et le
salue de la tête tout en me dirigeant vers la réception. J’enfile mes Ray-Ban
pour que personne ne me remarque.
Je prends les clefs de la voiture, qui m’attend devant la porte et entre
l’adresse dans le GPS. Il m’informe que j’arriverai à destination dans
quarante minutes. J’ajoute vingt minutes pour la circulation, mais je suis
surpris d’arriver en moins d’une heure. Trouver une place de stationnement
est un vrai cauchemar, mais je finis par me garer dans le premier parking
souterrain que je trouve. Quand je sors de la voiture et me dirige vers la
boutique, je sens des papillons voleter dans mon estomac. Je commence à
me demander si mon plan est si bon que ça.
J’ouvre la porte de Nordstrom et regarde autour de moi. Je traverse le
rayon cosmétiques, puis repère une femme habillée en noir.
— Excusez-moi, lancé-je.
Elle se tourne face à moi, un sourire plaqué sur le visage.
— Je me demandais où se trouvait le comptoir de service.
— Au troisième étage, répond-elle, en me montrant l’escalator du doigt.
Je la remercie d’un signe de tête et d’un sourire, me retourne et suis ses
indications. La femme assise derrière le bureau porte un casque pour gérer
les appels entrants.
— Bonjour, me dit-elle en souriant. En quoi puis-je vous aider ?
— Salut, commencé-je.
Mon cœur bat si fort, que je suis certain qu’il va s’échapper de ma
poitrine.
— Je me demandais si je pouvais avoir un rendez-vous avec Zara Stone.
La femme me regarde.
— Je ne sais pas si elle prend d’autres clients aujourd’hui, dit-elle, avant
de baisser les yeux. Je sais qu’elle est avec quelqu’un, en ce moment.
— Si vous pouviez lui poser la question, je vous en serais vraiment
reconnaissant, et je suis prêt à payer double, si ça peut aider.
Je lui adresse un sourire et elle se contente de hocher la tête.
— Laissez-moi voir si j’arrive à la contacter, dit-elle.
— Bien sûr.
Je me dirige vers les deux chaises sur ma droite, m’assieds et sors mon
téléphone. J’ai la tête baissée, quand j’entends un claquement de talons
approcher.
Je lève les yeux à la seconde où elle entre dans la pièce, et heureusement
que je suis assis, parce que je crois que je serais tombé à la renverse. Elle ne
me voit pas, ce qui me donne le temps de me reprendre. Ses cheveux blond
vénitien sont détachés et lui tombent jusqu’à la taille. Elle porte un pantalon
noir ample, qui s’arrête à mi-mollet. Son pull blanc à manches longues lui
donne l’air élégant et chic. Les manches sont ouvertes au niveau des
poignets et ces fichus hauts talons la rendent encore plus sexy.
— Salut, Zara, dit la réceptionniste en lui souriant.
Elle pointe du doigt vers moi et ajoute :
— Voici l’homme qui a demandé après toi.
Zara s’aperçoit enfin que je suis dans la pièce et si je la trouvais à couper
le souffle quand elle marchait, ce n’est rien comparé à son allure lorsqu’elle
se tourne face à moi. Je remarque que ses yeux sont presque couleur
émeraude et que ses lèvres sont d’une teinte de rose parfaite. Elle pose les
yeux sur moi et la surprise se peint sur son visage.
— Evan, murmure-t-elle, et mon sexe se dresse en signe de salut à ce mot.
Qu’est-ce que tu fais ici ?
Je me lève et souris.
— J’ai besoin d’un costume. Je me suis dit que j’allais faire d’une pierre
deux coups.
Je m’avance vers elle et hésite entre l’étreindre, l’embrasser sur la joue ou
je ne sais quoi d’autre. Je me contente donc de m’immobiliser devant elle.
Je hume son parfum et si mon sexe n’était pas assez étranglé jusqu’alors, il
l’est, maintenant.
— Un costume ? répète-t-elle en riant.
Je remarque que son pull retombe sur l’une de ses épaules et j’éprouve
l’envie subite de la couvrir avec ma veste. Je ressens aussi le désir soudain
de me pencher vers elle et d’embrasser sa peau nue. Je me demande si elle
est aussi douce qu’elle en a l’air. Je me demande si elle aurait la chair de
poule. Je me demande si elle se pencherait elle aussi vers moi.
— Hum, allô ? dit-elle.
Je relève vivement les yeux vers les siens et je sais que je ne suis
tellement pas prêt pour elle.
— Tous les ans, on organise une sortie au casino, lui expliqué-je, et, eh
bien, j’ai besoin d’un costume.
Elle croise les bras sur sa poitrine et redresse ses seins parfaits. Des seins
qui tiendraient parfaitement dans ma paume.
— Intéressant.
— Il n’y a rien de particulièrement intéressant là-dedans, réponds-je avec
un petit rire, tout en enfonçant mes mains dans les poches arrière de mon
jean. Est-ce que tu peux m’aider ?
Elle secoue la tête et son sourire illumine tout son visage.
— Très bien, dit-elle, avant de se tourner vers l’employée. Tu peux
indiquer que j’ai terminé ma journée, s’il te plaît ? Je partirai après ce
rendez-vous.
— Bien sûr, Zara. J’ai aussi cinq e-mails et vingt-cinq messages vocaux
pour toi. Je te les transmettrai.
Elle lui adresse un signe de tête, avant de se tourner vers moi.
— OK, M. Richards, occupons-nous de ce rendez-vous.
Elle tend la main pour m’indiquer le chemin et nous marchons côte à côte.
— Alors, parle-moi de ton style. Quelle est ta couleur favorite ?
Alors que nous avançons vers les costumes, je comprends pourquoi tout le
monde se retourne pour la regarder. Pas moi, seulement elle, et elle ne s’en
rend même pas compte.
— Noir.
— Combien de costumes noirs est-ce que tu possèdes ? me demande-t-
elle, et je tourne les yeux vers elle.
— Je n’en ai aucune idée, avoué-je, parce que c’est vrai.
Je n’ai même pas besoin d’un costume, mais je voulais la surprendre.
— Et pourquoi pas du bleu ? propose-t-elle.
Elle récupère un costume bleu et le lève devant moi.
— C’est un Hugo Boss.
Je hoche la tête.
— Est-ce que tu es opposé aux motifs imprimés ? me demande-t-elle.
Je comprends alors qu’elle se moque de moi.
— Que dirais-tu d’un costume noir avec une couture dorée ? suggère-t-
elle en soulevant un costume beaucoup trop avant-gardiste pour moi.
Je lui adresse un regard noir.
— J’aime le bleu et celui-là, dis-je en pointant le doigt vers le costume
gris clair.
— C’est un Gucci, répond-elle.
Elle se dirige vers lui, puis se tourne pour me faire face.
— Suis-moi.
Elle m’emmène à l’arrière, dans une salle d’essayage privée. Il y a des
miroirs sur trois murs, et une porte épaisse à droite. Elle s’avance vers celle-
ci et suspend le costume.
— Essaie-le pendant que je vais te chercher une chemise. Tu dois faire du
XL, n’est-ce pas ?
— Euh, je n’en ai aucune idée, admis-je.
Je me retourne et vois qu’elle a déjà la main sur la poignée de la porte.
— Je ne vais jamais dans les magasins, d’habitude.
— Eh bien, je me sens drôlement spéciale, réplique-t-elle, avant de
regarder les costumes. Enfile le pantalon, je reviens dans une minute avec
des chemises. Je suppose que tu en portes des moulantes, pour exhiber tes
abdos, et tout ça ?
Elle rit, avant de refermer la porte derrière elle. J’ôte mes chaussures et
retire mon jean, avant de récupérer le pantalon de costume sur le cintre pour
l’enfiler. Je suis en train de retirer mon T-shirt quand j’entends un coup
frappé à la porte. Je l’ouvre et elle est là, avec deux chemises à la main ;
une bleu clair et l’autre rose pâle. Je souris quand ses yeux parcourent mon
torse ; c’est mon tour, maintenant.
— Hum, tiens, essaie la rose avec le costume gris, et celle-là avec le
pantalon bleu.
Elle me les tend, avant de se retourner pour partir. Je regarde ses hanches
se balancer. J’adorerais la plier en deux devant moi tant qu’elle porte ces
chaussures. Elle regarde par-dessus son épaule et surprend mon regard.
— Tu me paies à l’heure, alors dépêche-toi.
Je ferme la porte et enfile la chemise. Quand je sors de la pièce, elle est
appuyée contre le mur, son téléphone à la main.
— Tu m’as demandée en amie sur Instagram ?
— Ouais, hier soir, réponds-je.
Je monte sur la plateforme et l’observe dans le miroir.
— Je ne peux pas accepter, lâche-t-elle.
Je me retourne pour la regarder en face ou pour baisser les yeux sur elle,
plutôt.
— Pourquoi pas ? lui demandé-je.
— Parce que c’est mon Instagram personnel et que tu es un client, c’est
une ligne à ne pas franchir, m’explique-t-elle, en rangeant son téléphone
dans sa poche.
— Très bien, tu es virée. Trouve-moi quelqu’un d’autre.
Elle rejette la tête en arrière et laisse échapper un rire sonore ; je sens
quelque chose remuer en moi à ce son.
— Tu es un rigolo, toi, dit-elle, une fois qu’elle s’est enfin arrêtée de rire.
Montre-moi le costume, maintenant.
— Je te montrerai tout ce que tu as envie de voir, lui réponds-je, tout en
l’examinant dans le miroir.
Elle lève soudain les yeux vers moi et ses joues rosissent un peu. Je suis
complètement foutu.
SEPT

Zara

— Je te montrerai tout ce que tu as envie de voir, me dit-il.


C’est presque comme s’il me provoquait et j’en ai des papillons dans
l’estomac.
Quand j’ai reçu un appel de Bernadette et qu’elle m’a appris que
quelqu’un avait demandé à me voir, j’ai juste cru avoir à boucler une séance
d’essayage avec un nouveau client. J’ai failli ne pas l’accepter et, quand je
suis entrée dans la pièce et que mes yeux sont tombés sur lui, j’ai été
stupéfaite. Je savais à quoi il ressemblait, après les heures que j’avais
passées à le chercher sur Pinterest, mais je le nierai jusqu’à mon dernier
souffle.
Cependant, le voir en personne a rendu cette histoire bien plus réelle. J’ai
aussi songé qu’il était beaucoup plus sexy que sur ses photos. Et que j’étais
complètement fichue. Je devais m’éloigner de lui, et vite. Alors je l’ai mis
dans une pièce et je suis partie, mais, ensuite, il a ouvert la porte, il était
torse nu, et cette sensation est revenue. Sauf que, maintenant, j’ai la bouche
sèche, les paumes moites et ce genre de papillons dans l’estomac.
— Calme-toi un peu, mon grand, lui rétorqué-je, avant de m’avancer vers
lui pour lisser le dos de la veste.
Je dois rassembler toute la volonté dont je suis capable pour ne pas laisser
s’attarder ma main.
— Elle te va bien, lui dis-je.
Je le contourne pour me placer face à lui et je vois que je lui arrive au
niveau du nez. Je fais un gros effort pour ne pas me rapprocher encore pour
sentir la chaleur de son corps.
— Enfin, on va devoir l’ajuster un peu, vu que tes bras sont un peu épais
pour cette taille.
Je lève les yeux et, la tête baissée sur moi, il pose les mains sur mes
hanches. S’il s’était agi de n’importe qui d’autre, je me serais dégagée de
son étreinte. Si j’avais été un peu plus maligne, je me serais écartée, mais je
ne suis pas si maligne que ça.
— Tu as déjà déjeuné ? demande-t-il doucement, et je me contente de
secouer la tête.
— J’ai eu plusieurs rendez-vous successifs, expliqué-je.
Je fais un pas en arrière en entendant des pas approcher.
— Oh, vous voilà, dit Roman, en entrant dans la salle d’essayage.
Roman et moi sommes collègues. Il travaille à plein temps et a une longue
liste de clients.
— Je me demandais si tu étais partie sans me dire au revoir, dit-il en se
rapprochant.
Il fait un mètre quatre-vingt, il est mince et a un sourire éclatant. Il a
travaillé chez Abercrombie avant de venir ici.
— Non, je suis encore là, ris-je. J’ai eu un client de dernière minute.
Il se tourne vers Evan.
— Oh, désolé. Je ne sais pas pourquoi, j’ai cru que c’était un coéquipier
de ton frère.
Ce n’est pas un fan de sport, alors il n’a aucune idée du sport auquel
Matthew joue, sans parler de son équipe.
— Non, c’est un nouveau client, lui assuré-je, les mains croisées devant
moi. Mais il joue effectivement au hockey. Roman, voici Evan Richards. Il
joue pour Dallas.
Evan a l’air à deux doigts de faire exploser son costume.
— Evan, je te présente Roman. On travaille ensemble.
Evan tend la main pour serrer la sienne.
— Ravi de vous rencontrer, Roman, dit-il.
Je crois voir Roman tressaillir, avant qu’Evan lui relâche finalement la
main.
— Je me demandais si tu voulais qu’on se retrouve après le boulot ? me
demande-t-il.
Je suis sur le point de lui dire non, quand Evan prend la parole :
— Elle est occupée, dit-il d’une voix sèche.
Je le regarde, et le sourire sur le visage de Roman s’évanouit.
— Je suis désolé. Je ne savais pas, répond-il en levant une main en signe
d’excuse, avant de se tourner vers moi, on se voit la semaine prochaine.
Il m’adresse un salut de la tête et s’éloigne.
— C’était quoi, ça ? lui demandé-je, en pointant du doigt Roman dès qu’il
s’est suffisamment éloigné.
— C’était moi qui t’épargnais un rencard auquel tu n’avais pas envie
d’aller, m’informe-t-il.
Il se tourne ensuite vers le miroir et déboutonne sa veste.
— J’aime la coupe de ce costume.
— Ne change pas de sujet, rétorqué-je. Et si j’avais envie de sortir avec
lui ?
Il hausse les épaules.
— Dans ce cas, c’est à lui que tu aurais envoyé un tweet, pas à moi, dit-il,
avant de me demander, je devrais essayer l’autre ?
Je ne sais pas quoi dire. Je n’ai jamais été de ce côté de la barrière. J’ai
déjà vu ça arriver avec Matthew, Max et mon père, mais jamais personne ne
s’est comporté comme ça avec moi.
— Je crois que je vais juste prendre celui-là, dit-il, sans se soucier du fait
qu’il vient de me revendiquer. Est-ce que tu peux me le faire envoyer ou
est-ce que je dois le prendre tout de suite ?
— Je peux te le faire livrer, réponds-je, mais tu ne dois plus faire ça.
— Faire quoi, Zara ? demande-t-il.
Il se rapproche de moi et, soudain, je suis de nouveau à court de mots.
— Venir ici et me faire ton numéro de macho.
— Qu’est-ce que tu as envie de manger ? Italien ? demande-t-il, en
revenant dans la pièce principale tout en enfilant sa veste. On peut faire tout
ce dont tu as envie.
— J’ai surtout envie de te frapper, là, tout de suite, rétorqué-je.
Il lève les yeux et m’adresse un sourire narquois. Ça ne fait que me
donner encore plus envie de le frapper. Je veux dire, le frapper, et ensuite
l’embrasser pour tout arranger.
— OK, je te ferai la surprise, dit-il.
Puis il ferme la porte avant que j’aie pu dire quoi que ce soit.
Quand je suis arrivée au boulot ce matin, j’étais loin de me douter que je
ressortirais avec Evan à mes côtés, encore moins que sa main serait
fermement posée au bas de mon dos, tandis qu’il m’entraînerait vers
l’endroit où est garée sa voiture.
— Tu veux rentrer chez toi pour te changer ? me demande-t-il quand nous
arrivons devant la voiture.
Je fais le tour jusqu’à la portière du côté passager et je suis sur le point
d’attraper la poignée, quand sa main sort de nulle part et l’ouvre pour moi.
— C’est comme tu veux, ajoute-t-il.
Il reste là, à tenir la porte ouverte, pendant que je monte dans la voiture. Je
me penche pour attraper la portière et la refermer, mais il se tient devant.
— Alors, qu’est-ce que tu en penses ?
— Hum, dis-je.
Mon cerveau est complètement en surcharge.
— Est-ce que tu vis seule ? me demande-t-il, et je hoche la tête. On peut
toujours récupérer de la nourriture et aller la manger chez toi.
— Ouais, articulé-je.
Je me dis que ce sera peut-être mieux que d’aller dans un restaurant et de
risquer que quelqu’un prenne une photo de nous.
— Ça vaudrait peut-être mieux ; comme ça personne ne prendra de photo.
— Je me fiche de ça. Je me dis surtout que tu as travaillé toute la journée
et que tu es peut-être fatiguée.
Il se retourne et ferme la portière. Je le regarde contourner la voiture et
mettre ses lunettes, et je fais un gros effort pour ne pas appeler Zoé ou lui
envoyer un message.
Il monte dans la voiture.
— Tu vas me donner ton adresse ou tu veux me guider jusque là-bas ?
Il démarre la voiture et tourne les yeux vers moi. Il sort son téléphone et
entre l’adresse que je lui indique. Je sais que mon père n’apprécierait pas du
tout ça, mais, de toute façon, il aurait fini par savoir où je vis. Je regarde la
route, pendant qu’il roule jusqu’à ma maison et trouve une place de
stationnement juste devant. Il coupe le moteur, puis se tourne vers moi.
— Ne sors pas, dit-il, avant de sortir de la voiture et de venir de mon côté.
Il ouvre ma portière et me tend la main.
Je regarde autour de nous et il rit.
— Allez, il commence à faire frais, dehors, et ta veste est fine, remarque-
t-il.
Je l’empoigne et sors de la voiture. Il referme la portière sans me lâcher.
Elle se perd presque dans la sienne, nos paumes l’une contre l’autre et,
quand je m’avance vers la maison, il entremêle nos doigts. Je dois lâcher sa
paume pour récupérer mes clefs dans mon sac et elle me manque aussitôt.
Une fois que j’ai ouvert la porte, j’allume l’une des lumières de l’entrée.
Je pose mes clefs et mon sac à main sur la table en verre avec un vase de
roses blanches au milieu. Je me retourne pour le regarder entrer dans ma
maison et fermer la porte derrière lui, avant de verrouiller le pêne dormant.
Quand j’ôte mes Louboutin, que j’ai portées toute la journée, je me dis que
demain sera un jour à porter des tongs.
— Entre, dis-je, avant de passer les deux grandes portes qui mènent dans
la maison.
Nous nous retrouvons face à un escalier blanc avec une rambarde brun
foncé contre le mur. Le sol est en marbre et d’un vert brillant presque noir.
— Laisse-moi prendre ta veste.
Il retire ses lunettes et les place avec ses clefs à côté de mes affaires. Puis
il ôte sa veste et je vois que son T-shirt est moulé sur lui, mais dans ma tête,
je le vois encore torse nu. Il me tend sa veste et je la prends, avant de me
diriger vers le salon pour la placer sur le dossier du canapé.
— Tu veux quelque chose à boire ? lui proposé-je.
— De l’eau, ce sera parfait, répond-il.
Je hoche la tête et me retourne pour aller lui chercher un verre. Il me suit.
Je tourne à gauche et descends un couloir étroit. Plusieurs cadres décorent
les murs de haut en bas ; des photos personnelles des endroits où j’ai
voyagé. Quand je regarde par-dessus mon épaule, je remarque qu’il observe
les photos, mais je suis déjà au bout du couloir qui s’ouvre sur une immense
cuisine. Le comptoir du milieu est en marbre blanc et gris. Un vase blanc
rempli de fleurs roses apporte de la luminosité dans la pièce, raison pour
laquelle j’en achète régulièrement des fraîches. Le puits de lumière laisse
entrer encore plus de clarté. La cuisinière contre le mur est noire. Des
placards blancs sont alignés le long des deux murs, et mon énorme frigo se
trouve à l’opposé. Tout ça était déjà là quand j’ai emménagé.
— Eau plate ou eau pétillante ? lui demandé-je, et il rit.
— Plate, ça m’ira très bien.
Je ne sais pas pourquoi je suis si nerveuse à l’idée qu’il soit chez moi.
J’ouvre le frigo pour récupérer une bouteille d’eau et la lui tends. Il
s’avance et s’immobilise en face de moi. Il ouvre la bouteille et en boit une
longue gorgée, une hanche appuyée contre le comptoir.
— Tu fais la cuisine ? me demande-t-il en regardant la cuisinière.
Je croise les bras sur ma poitrine et réplique :
— Je ne te ferai pas la cuisine. Je veux dire, je sais cuisiner, mais je ne le
ferai pas pour toi.
J’incline la tête de côté et ajoute :
— Tu as des outils dans ton garage ?
— Ouais, répond-il, l’air confus, en posant sa bouteille sur le comptoir.
— Tu construis des maisons ?
Je croise les chevilles et il baisse les yeux sur mes pieds. Soudain, je suis
soulagée de m’être fait faire cette pédicure hier. Il rejette la tête en arrière et
rit. Son T-shirt se colle un peu plus sur son torse à ce mouvement.
— Touché.
— Ouais, exactement, réponds-je. Maintenant, qu’est-ce que tu veux
manger ?
— Tout me va. J’ai plutôt faim.
— De la pizza, alors ? proposé-je. Tu as le droit de manger ça ?
Il hoche la tête et je sors de la pièce pour prendre mon téléphone. Quand
je me retourne, je ne peux retenir un petit cri, parce qu’il est juste derrière
moi. Le couloir est sombre, uniquement illuminé par la lueur provenant de
la porte d’entrée et par celle de la cuisine.
— Tu m’as fait peur.
Il pose ses mains sur mes hanches et me rapproche de lui. Ma main est
toujours serrée sur le téléphone.
— Je ne voulais pas te faire peur, murmure-t-il, et je sens son souffle
chaud sur moi.
Les battements de mon cœur s’accélèrent et j’ai des petits chatouillis dans
l’estomac.
— Je ne voulais pas te laisser seule, c’est tout.
Il retire une main de mes hanches et la lève pour replacer mes cheveux
derrière mon oreille.
— Tu dois être la plus belle femme que j’aie jamais rencontrée de toute
ma vie.
Il parle d’une voix douce, et je suis certaine de sentir mon corps s’incliner
vers lui. Tous mes mots sont coincés dans ma gorge et rien ne semble
vouloir sortir.
— Ils sont dangereux.
— Quoi ? demandé-je quand j’arrive enfin à prononcer un mot.
— Tes yeux, répond-il. Je pourrais me perdre dans tes yeux.
Juste au moment où je crois qu’il va se pencher vers moi pour
m’embrasser, juste au moment où je sens quasiment le goût de ses lèvres
sur les miennes, la porte s’ouvre d’un coup et Zoé apparaît. Je bondis loin
de lui et hors de sa portée, un mouvement que Zoé ne manque pas de
remarquer.
— Bordel de merde, je ne savais pas que tu étais rentrée, dit-elle depuis la
porte, avant de reporter son regard sur Evan. Je croyais que tu sortais
manger quelque part.
— Changement de plan, lui réponds-je. Entre.
— Qu’est-ce qui se passe, là ? entends-je murmurer à côté de moi, et je
me tourne vers Evan. Vous êtes deux ?
Je secoue la tête et ris.
— Voici ma sœur jumelle, Zoé.
Cette dernière pose son sac à main à côté du mien et retire sa veste,
qu’elle jette par-dessus tout le reste. C’est la Zoé professionnelle. Elle porte
un pantalon de costume marron et un chemisier en soie blanc. Je sais
exactement quelle est la marque de ses chaussures, Yves St-Laurent, parce
qu’elle les a volées dans mon armoire.
— Je suis la plus jolie des deux, ajoute Zoé en s’avançant vers lui, main
tendue. Je suis aussi la plus drôle.
— Elle n’est pas du tout la plus drôle, finis-je par dire. C’est la plus
ennuyeuse et son timing est le pire qui soit.
Elle rit.
— Elle ne disait pas ça quand je déclenchais l’alarme incendie à l’école
pour la sauver de la retenue.
Je tourne la tête vers Evan, qui est en train de rire.
— Bref, je croyais que vous étiez sortis, tous les deux. Je suis venue
emprunter une robe pour une réception à laquelle je dois assister ce week-
end.
— Et tu ne comptais pas me demander la permission ?
Elle hausse les épaules à cette question.
— On s’apprêtait à commander une pizza, dit Evan en plaçant un bras
autour de mes épaules.
Zoé suit chacun de ses mouvements du regard.
— Tu devrais te joindre à nous.
— Oh, il y a un « nous », maintenant, alors ? me taquine-t-elle.
Je me demande qui je vais tuer en premier.
HUIT

Evan

Je la regarde prendre une bouchée de pizza de l’autre côté de la salle à


manger. Elle n’utilise pas de couteau ou de fourchette, elle n’a même pas
d’assiette devant elle. Elle prend la part directement dans la boîte, la plie en
deux et mord dedans.
— Ce doit être la meilleure pizza de toute ma vie, dit Zoé, et je tourne la
tête vers elle.
Quand nous étions dans le couloir, j’étais assez proche pour sentir son
parfum, et j’aurais été prêt à vendre mon âme au diable pour un seul baiser.
Juste un. Mais personne ne devait prendre les paris, aujourd’hui, parce que
la porte s’est ouverte et refermée, et que j’ai senti un vertige me saisir en
voyant la femme à la porte. Tout le sang a alors quitté ma tête pour
s’accumuler un peu plus bas.
— Ce sont celles que je préfère, réponds-je en prenant une autre part dans
l’une des trois boîtes.
Nous avions l’intention de manger dans le salon, mais Zara a apporté la
pizza dans la salle à manger. Je suis désormais assis sur l’une des chaises
marron, la table en marbre carrée entre nous. Elle a déplacé le vase de fleurs
de l’autre côté. Elle est assise à la tête de la table carrée, je suis sur sa
gauche et Zoé sur sa droite.
— J’en mange une chaque fois que je viens ici, leur dis-je.
Je plie moi aussi ma part en deux, mais des morceaux de saucisses s’en
échappent. J’ai commandé une grande pizza pour chacun de nous, vu qu’on
n’a pas réussi à se mettre d’accord sur la garniture. Zara ne voulait que du
fromage, Zoé a ajouté des ananas, et il était hors de question que je mange
ça. Et puis, je comptais bien en manger une à moi tout seul.
— Alors, Evan, commence Zoé, et je lève les yeux entre deux
mâchonnements. Qu’est-ce que tu as pensé du tweet ?
— J’ai trouvé ça drôle, réponds-je.
Je regarde Zara, qui sourit et hoche la tête.
— Mais je crois que, le plus drôle, c’était le hashtag à la fin.
— Je pense qu’elle aurait dû ajouter sa photo, pour que, chaque fois qu’on
cherche ce hashtag sur Google, on tombe sur lui, dit Zoé, et je manque de
m’étrangler.
— Je ne connais pas très bien la loi, mais je crois qu’il risquerait de porter
plainte pour diffamation, non ?
Je prends la bouteille d’eau et en bois une gorgée.
— Pour ça, il devrait prouver qu’il n’a pas une petite bite, réplique-t-elle.
Et, eh bien…
Elle lève une main, paume ouverte, et termine :
— Il perdrait.
— On peut parler d’autre chose ? demande Zara.
— Oui, on peut, répond Zoé. Parlons de votre rencard.
— Non, lâche Zara.
— Bien sûr, dis-je en même temps qu’elle.
Elle se tourne vers moi et me fusille du regard.
— Parfait, dit Zoé en frappant dans ses mains et en les frottant l’une
contre l’autre.
Zara laisse tomber la croûte de sa pizza devant elle et se lève.
— Mange, lui dis-je en pointant la pizza du doigt.
Zoé arrête de se frotter les mains, alors que j’ajoute :
— Tu n’as rien mangé de toute la journée.
Zoé repose sa part de pizza et s’écarte de la table. Zara la regarde.
— Où vas-tu ?
— Je vais cacher tous les couteaux, et peut-être aussi les fourchettes,
répond Zoé, ce qui me fait rire. Elle n’aime pas qu’on lui dise quoi faire.
Elle pointe du doigt Zara, qui secoue la tête, avant de se détourner et de
s’éloigner.
— Quelles sont tes dernières volontés ? me murmure Zoé.
Nous entendons alors des tiroirs claquer dans la cuisine.
— Tu veux que je mentionne quelqu’un en particulier dans ton éloge
funèbre ?
— Elle ne va pas vraiment me poignarder ? demandé-je, stupéfait et un
peu effrayé.
Je regarde par-dessus son épaule et vois Zara revenir avec un couteau à
pizza à la main.
— Ça va être une mort lente, remarque Zoé en s’asseyant. La lame est
émoussée.
Zara éclate de rire et je tourne les yeux vers elle. Elle a noué ses cheveux
sur sa tête, ce qui me donne une vue dégagée de son cou. Je visualise la
marque de mes dents à cet endroit et j’ai envie d’y enfouir mon visage.
— C’est pour couper sa pizza, explique-t-elle.
Le reste du repas passe trop vite et je ris tellement que j’en ai mal au
ventre.
— OK, les tourtereaux, lance Zoé en revenant de l’étage pendant que nous
nettoyons les boîtes de pizza et le reste. Je vais y aller.
— Qu’est-ce que tu as pris ? lui demande Zara.
Elle s’essuie les mains sur un torchon, pendant que Zoé lui montre ce qui
ressemble à une longue chemise. Elle est rose, avec des paillettes partout.
— Tu es sûre de vouloir y aller avec cette tenue ?
— Tenue ? répété-je, perplexe. Où est le reste ?
J’examine le vêtement ; la plupart du tissu qui le compose est celui des
manches longues.
— Tu dois porter un pantalon avec ça.
Zara tourne les yeux vers moi, tandis que Zoé essaie de dissimuler son rire
en pinçant les lèvres.
— C’est une robe.
Elle prend le cintre des mains de Zoé et le place devant sa poitrine. Le
vêtement lui arrive à peine à mi-cuisse.
— Tu vois ?
— Ouais, réponds-je en croisant les bras sur mon torse. Tu peux la garder,
Zoé.
Zara me dévisage, bouche bée.
— Oh, ça va me plaire, je le sens, dit sa sœur. Je vais me retrouver avec
une toute nouvelle garde-robe grâce à tout ça.
Elle prend la robe des mains de Zara et je remarque qu’elle est ouverte
dans le dos.
— Il n’y a même pas de dos à cette robe, lancé-je.
— C’est une tenue sexy chic, réplique Zara.
— Et elle est à moi, maintenant, ajoute Zoé, avant de se retourner et de
sortir de la cuisine.
— Cette robe m’a coûté six-cents dollars, lâche-t-elle en se tournant vers
moi. Et on m’avait fait un prix.
— Je n’en suis pas sûr, mais je pense que tu as trop payé. Il n’y a
quasiment pas de tissu sur cette robe.
J’essuie mes mains à mon tour et ajoute :
— Tu veux qu’on aille dans le salon pour parler ?
— Non, réplique-t-elle en me fusillant du regard.
Je m’avance vers elle, lui prends la main et la guide jusqu’au salon. Je me
dirige vers le canapé et m’assieds, l’attirant avec moi. Elle s’installe à côté
de moi et je me tourne face à elle, pendant qu’elle se met à l’aise. Elle place
ses pieds sous ses fesses, puis passe un bras sur le dossier du canapé. Je
mets mon bras au même endroit, derrière le sien, et ma main se retrouve
tout près de son épaule dénudée.
— Qu’est-ce que tu fais demain soir ? lui demandé-je, sans trop savoir
pourquoi.
— Je ne sais pas. Je dois prendre l’avion pour Chicago jeudi, pour
retrouver un client, m’explique-t-elle.
Soudain, mon esprit tourne à plein régime.
— Tu veux venir assister au match de demain ? lui proposé-je.
Je sais que ce n’est pas une bonne idée, parce que cela va revenir aux
oreilles de sa famille, mais je ne m’en soucie pas vraiment.
— Je peux t’obtenir des tickets, et tu pourrais amener Zoé.
— Hum, commence-t-elle, avant de sourire. En fait, je n’y vais que pour
la nourriture et les boissons, et parce que c’est une occasion de voir ma
famille, mais mis à part ça…
Elle hausse les épaules.
— OK, et ce week-end ? lui demandé-je. Qu’est-ce que tu fais ce week-
end ?
— Je vais devoir regarder mon emploi du temps, me répond-elle. Je serai
absente pendant une grande partie des deux semaines qui viennent.
— Absente ? répété-je.
Mon pouce a commencé à lui caresser lentement le bras.
— J’ai cinq rendez-vous avec des clients, alors je serai en déplacement en
dehors de l’État, pendant une semaine.
C’est peut-être un signe que nous n’aurons qu’un seul rencard de mariage
et que je devrais laisser tomber.
— Je ne sais pas, reprend-elle à voix basse.
Soudain, je regrette que les lumières ne soient pas plus fortes, pour que je
puisse voir son visage et ses yeux.
— Ça me ferait vraiment plaisir, lui dis-je doucement.
Elle sort la langue pour se lécher la lèvre, puis elle aspire toute sa lèvre
inférieure dans sa bouche et enfonce ses dents dedans. Mon esprit
commence à me jouer des tours, parce que, tout ce à quoi je peux penser,
c’est l’image de moi en train d’approcher d’elle, de prendre son visage dans
mes mains et de l’embrasser fiévreusement.
— Je devrais y aller, dis-je, en me levant.
Je ne veux pas partir, mais je sais que je devrais vraiment, vraiment m’en
aller, avant de faire quelque chose de stupide qui rendrait tout retour en
arrière impossible.
— Oh, oui, répond-elle.
Elle se lève et se retrouve devant moi. Je tends la main avant même
d’avoir eu le temps de me réfréner. Je prends sa joue dans ma paume, avant
de baisser la main jusqu’à son cou et son épaule. Puis je me retourne et
m’éloigne d’elle, laissant retomber ma main comme un poids mort. Elle me
suit jusqu’à la porte, où la lumière est encore allumée depuis le départ de
Zoé.
— Je me suis vraiment amusé, aujourd’hui, dis-je.
Je récupère mes clefs et mes lunettes, avant de me tourner vers elle,
m’efforçant de graver sa silhouette dans ma tête dans ses moindres détails.
— Tiens-moi au courant pour le match ou la soirée casino, ajouté-je.
J’essaie de ne pas en faire toute une histoire, mais mon estomac est noué.
— Je le ferai, finit-elle par répondre, en hochant la tête.
Je me penche vers elle et je suis certain d’entendre sa respiration se
bloquer brièvement dans sa gorge. Je suis si tenté de l’embrasser à pleine
bouche, mais au lieu de ça, je dépose un baiser sur sa joue avec douceur.
— Verrouille la porte derrière moi, lui dis-je, avant de sortir de la maison
pour me diriger vers ma voiture.
Je monte, démarre le moteur et m’engage sur la route, même si je n’ai
aucune idée d’où je vais. La seule chose que je sais, c’est que je dois
m’éloigner d’elle avant de faire demi-tour pour la supplier jusqu’à ce
qu’elle dise oui.
Je tourne au coin de la rue et sors mon téléphone. Il est presque vingt-et-
une heures et j’ai quarante-sept appels manqués, ainsi que plus de cent
messages.
— Merde, lâché-je, avant d’appeler ma sœur, puisqu’elle est à l’origine de
la majorité des appels.
Elle répond après une seule sonnerie.
— Où étais-tu, bon sang ? s’écrie-t-elle dans le téléphone.
— J’ai rejoint des amis à New York. Pourquoi ?
Je fais défiler les messages pour m’assurer de ne rien avoir raté d’urgent.
La plupart proviennent de mes équipiers qui discutent du dîner.
— Des amis à New York ? répète-t-elle. Quels amis ?
— Quelle différence ça fait ?
J’ouvre mon appli GPS et entre l’adresse de l’hôtel, avant de suivre les
instructions tout en me connectant au Bluetooth.
— C’était pour quoi, les appels manqués ?
— Je t’appelais pour te demander si je pouvais aller au Mexique durant
vos quatre jours de pause, me dit-elle. Et quand j’ai vu que tu ne répondais
pas, ça m’a énervée, alors j’ai pris une réservation quoi qu’il en soit.
— Pourquoi j’aurais besoin de te donner la permission ? lui demandé-je
tout en prenant le pont pour sortir de New York.
Soudain, j’ai l’impression d’oublier quelque chose.
— Tu n’as pas besoin de me donner la permission. Mais c’est pendant
votre truc de soirée casino et, eh bien, quatre de mes amis y vont aussi,
alors j’ai fait la réservation.
— C’est bon, Cand, lui assuré-je. Je ne m’attendais pas à ce que tu
viennes à la soirée casino, de toute façon. Tu détestes ce genre
d’événement.
— Ouais, répond-elle. Bref, qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui ?
— Pas grand-chose. Tout va bien, à la maison ? Comment vont les chiens
? demandé-je, changeant de sujet.
Elle me raconte tout ce qu’il s’est passé, c’est-à-dire, pas grand-chose. Je
raccroche juste avant d’arriver à l’hôtel et me gare devant la porte, avant de
donner les clefs au voiturier en lui expliquant que j’ai emprunté le véhicule
à l’hôtel. Il hoche la tête et me tend un ticket à remettre à la réception.
Quand j’arrive à ma chambre, je suis prêt à m’écrouler sur mon lit, mais je
prends le temps de me déshabiller et de me détendre sous la douche. Tout
mon corps est tendu et je laisse l’eau chaude couler sur mon cou, pendant
que je reste immobile à me remémorer cette journée. Quand je sors enfin de
la salle de bains, je regarde mon téléphone et vois que j’ai une notification
Instagram.
Zara Stone a accepté votre demande d’amis.
NEUF

Zara

Je sens son baiser s’attarder sur ma joue, alors que je ferme la porte
derrière lui. Mes mains tremblent tandis que je fais le tour de la maison,
pour éteindre les lumières. Je monte ensuite dans ma chambre. Je suis
épuisée et tendue. Tendue, parce que j’ai envie d’aller assister à son match
de hockey, mais que je sais que je ne pourrais pas faire ça sans que cela
revienne aux oreilles de mon frère. Tendue, parce que j’ai envie de
l’accompagner à cette soirée casino, et tendue, parce que je n’avais envie
que d’une chose : qu’il m’embrasse avant de partir.
Je me fais couler un bain, le temps de me déshabiller et d’allumer les
bougies. Je m’enfonce lentement dans l’eau chaude et attends que la tension
quitte mon corps. Généralement, je suis douée pour fermer mon esprit et
lâcher prise, mais pas ce soir. Ce soir, tout ce que je vois quand je ferme les
yeux, c’est lui. Il sourit, rit et me regarde droit dans les yeux. J’abandonne
l’idée de me détendre et sors du bain, puis m’enveloppe dans une immense
serviette blanche et moelleuse. Je me dirige vers ma chambre, me glisse
sous les draps et prends mon téléphone pour regarder mes messages. Je ne
peux pas m’occuper des messages de Zoé pour l’instant ni du fait qu’elle a
lancé une discussion de groupe. Au lieu de ça, je vais sur Instagram et vois
que j’ai laissé l’application ouverte sur la page d’Evan.
Je clique sur ma propre page et retourne à mes demandes d’amis ; le nom
d’Evan est tout en haut. Je ne sais pas si je devrais le faire ou pas, mais mon
doigt a d’autres projets, et je clique sur confirmer.
Je pose mon téléphone et éteins la lampe de chevet à côté de mon lit. Mon
appareil sonne et je vois qu’il s’agit d’Evan.
— Salut, dis-je doucement.
— Est-ce que ça veut dire qu’on a franchi un cap ? s’enquiert-il, et je le
vois sourire dans ma tête.
— Ne te réjouis pas trop vite. J’ai juste accepté pour l’instant, et demain,
je te bloquerai.
Je pince les lèvres pour retenir un sourire en l’entendant émettre un son
moqueur.
— Qu’est-ce que tu fais ? m’interroge-t-il, et je l’entends se déplacer.
— Je viens de sortir du bain, et maintenant je suis dans mon lit. Et toi ?
J’entends des sons laissant penser qu’il est en train de se coucher.
— Je sortais de la douche quand j’ai reçu la notification.
J’écoute sa voix et j’essaie d’imaginer ce qu’il porte pour dormir.
— Là, je suis en train de me mettre au lit. Je dois être sur la patinoire à
neuf heures pour l’entraînement.
— Tu devrais dormir, lui conseillé-je, en regardant le réveil.
— Tu y as réfléchi ? sussurre-t-il d’une voix onctueuse.
Je ferme les yeux et l’imagine à mes côtés.
— Viens me voir, douce Zara.
— Je vais y réfléchir, lui assuré-je, mais je vais te laisser tranquille pour
l’instant, pour que tu puisses dormir.
— Fais de beaux rêves, douce Zara, dit-il, sa voix est à peine plus forte
qu’un murmure.
— Bonne nuit, réponds-je.
Je raccroche avant de lui hurler que je viendrai au match et chez lui. Que
je lui donnerai tout ce qu’il veut. Qu’est-ce qui m’arrive, bon sang ? Je ne
suis jamais comme ça, jamais. Il m’a fallu cinq rencards avec Ed avant qu’il
me manque, ou que j’aie envie qu’il me manque, en tout cas. Je lève une
main et la plaque sur mon front. Je devrais peut-être appeler Denise, la sœur
de Max, pour lui demander de m’examiner et vérifier si je vais bien.
Je ferme les yeux et je passe toute la nuit à me tourner et me retourner
dans mon lit. Je fais des rêves bizarres, extrêmement réalistes : Evan est ici
avec moi ou bien je suis quelque part sur une immense pelouse. C’est
tellement étrange que, quand mon alarme sonne à huit heures, j’émets un
grognement avant de l’éteindre. Mais bientôt, l’odeur du café emplit l’air et
je me redresse dans le lit, les couvertures retombant de mon corps nu.
— Il y a quelqu’un ? crié-je.
— Sérieusement ? lance Zoé, en arrivant en haut des marches. Tu entends
un bruit et, plutôt que de te lever pour appeler le 911, tu hurles ?
Elle entre dans la chambre, deux tasses de café dans les mains. Elle porte
un pantalon de yoga et un T-shirt, et ses cheveux sont noués sur sa tête.
— Je ne connais pas beaucoup de voleurs qui entrent dans les maisons et
se font du café, répliqué-je.
Je m’assieds dans le lit et presse le drap contre ma poitrine.
— Donne, dis-je en tendant la main vers une tasse.
C’est alors que j’entends la porte s’ouvrir et se refermer en claquant.
— J’ai apporté des bagels ! s’écrie Vivienne, et je tourne les yeux vers
Zoé.
La porte s’ouvre de nouveau et, cette fois, je perçois d’autres voix.
— Tu viens d’arriver ?
Je regarde Zoé.
— Que se passe-t-il ? lui demandé-je.
J’entends des pieds se ruer dans l’escalier.
— Salut, lance Zoé quand Vivienne, Karrie et Allison entrent dans ma
chambre, vêtues à peu près de la même façon que Zoé.
— Je ne savais pas que les vêtements étaient optionnels, dans cette fête,
remarque Vivienne.
Je me contente de secouer la tête, tandis qu’Allison vient s’asseoir sur le
lit.
— Ce lit est confortable. Tu as remplacé le matelas ? me demande-t-elle,
et je tourne les yeux vers elle.
— Évidemment, réponds-je. Je ne savais pas si toi et Max aviez couché
sur l’autre.
— Non, me répond-elle. Il a toujours refusé d’entrer dans la maison, au
cas où Matthew aurait installé des caméras, rit-elle. Mais j’ai fait remplacer
celui de Karrie, quand elle vivait ici avec Matthew, parce que, eh bien, on
sait tous qu’ils jouaient au Twister tout nus dessus.
Nous regardons toutes Karrie, qui se contente de hausser les épaules.
— Il m’a menotté à ce lit, une fois, remarque-t-elle avec un sourire.
Pendant trois jours.
Elle vient s’asseoir près de moi à son tour.
— Mon Dieu, c’était le bon vieux temps, ajoute-t-elle.
Allison, Zara et moi faisons semblant de vomir en la voyant prendre un air
rêveur.
— Qu’est-ce que vous faites toutes ici ? finis-je par demander.
— Zoé a organisé une réunion d’urgence, explique Allison, en me prenant
la tasse de café des mains. On a dû se lever à six heures trente pour arriver
ici. Et j’ai juste entendu Max gémir, vu qu’ils ne sont rentrés qu’hier soir.
— OK, habille-toi, me dit Zoé. Pendant ce temps, on va préparer le petit
déjeuner.
— Pourquoi est-ce qu’on a une réunion d’urgence ? demandé-je.
Je n’aurais pas dû poser la question, vu que je sais ce que va répondre
Zoé.
— Evan est venu dîner hier soir, dit-elle, et tout le monde émet un hoquet
de surprise.
— Il a pris l’avion depuis Dallas pour dîner avec toi ? demande Allison.
Vivienne se met à parcourir la pièce des yeux.
— Il est encore là ? demande-t-elle, la bouche et les yeux grand ouverts.
Je l’ai reluqué. Il a l’air d’en avoir une grosse.
Elle place ses deux mains au niveau de son entrejambe pour être sûre de
bien se faire comprendre.
— Oh, mon Dieu, il est ici ? répète Allison.
Elle descend du lit et court jusqu’à la salle de bains, pendant que Karrie se
précipite à l’étage, là où se trouve mon bureau.
— Il n’est pas là, leur hurlé-je, avant de tourner les yeux vers Zoé. Meuf,
secret de jumelle.
— Désolée, répond-elle, en haussant les épaules. Je ne crois pas pouvoir
gérer ça toute seule.
— Sortez, dis-je en quittant mon lit, toute nue.
Allison se tourne vers moi et remarque :
— Qu’est-ce que je ne donnerais pas pour avoir tes jambes.
— Je tuerais pour avoir ses fesses, ajoute Karrie.
Je m’avance jusqu’à la penderie, récupère un string, puis enfile un
pantalon de yoga et un corsage avec soutien-gorge intégré.
Quand je ressors, elles sont toujours là, à discuter de leur corps tout en se
tenant côte à côte.
— Je croyais que vous alliez préparer le petit déjeuner ?
— Oh merde, oui ! s’exclame Karrie. J’avais oublié.
Elle se retourne et sort de la chambre, mais nous la suivons toutes.
Juste au moment où elle arrive à la dernière marche, la sonnerie de la
porte retentit.
— Sérieusement, j’ai l’impression d’être à la gare Centrale, lâché-je, alors
que Karrie se dirige vers la porte.
Quand j’arrive au bas de l’escalier, je regarde au coin du couloir et émets
un hoquet de stupéfaction.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? demandé-je, alors qu’elle rentre dans la
maison avec le plus gros bouquet de fleurs que j’aie jamais vu de ma vie.
— Ce sont des fleurs de Vénus ? demande Vivienne.
Les fleurs sont dans une boîte en carton rouge, et les roses à la teinte pâle
forment comme un dôme au-dessus.
— Où est la carte ? demandé-je, et elles tournent toutes la tête vers moi.
Karrie se rend au salon et place les fleurs au centre de la table. Je
m’approche et récupère la carte blanche accrochée sur le côté.
Je l’ouvre et ne peux empêcher un sourire de s’étaler sur mon visage.
Passe une excellente journée, douce Zara.
E.
— Qu’est-ce que ça dit ? demande Zoé.
Vivienne passe aussitôt à l’action.
— Il nous faut un verre, dit-elle.
Elle court dans la cuisine, puis revient avec une bouteille de prosecco et
quatre verres.
Karrie s’avance jusqu’à la porte d’entrée et rapporte cinq boîtes de
nourriture.
— On s’est arrêtées pour les récupérer en chemin.
— On a des viennoiseries, des muffins, des scones, des croissants et des
donuts, dit Allison.
Elle prend une boîte et l’ouvre, puis fait la même chose avec toutes les
autres et les places autour de l’énorme bouquet.
— Il a payé plus de mille dollars pour ces fleurs, remarque Zoé.
Je la regarde, tandis qu’elle tourne son téléphone face à moi.
— Mille dollars.
— Oh merde, lance Vivienne, alors qu’elle est en train de remplir un
verre.
— Commençons par le début, propose Allison.
Elle prend un verre à Vivienne, puis se dirige vers le canapé et s’y assied.
— Et ne néglige aucun détail.
Je hausse les épaules.
— Il n’y a vraiment pas grand-chose à dire. Il est venu à Jersey pour son
match de ce soir, commencé-je.
Assise sur le tapis devant la cheminée, j’attends que les quatre filles soient
assises sur le canapé et m’accordent toutes leur attention.
— Il est arrivé à mon boulot et il a acheté deux costumes, et je ne suis
même pas sûre qu’il en ait besoin.
— Tu l’as fait payer ? demande Vivienne.
— Il a payé pour les costumes, réponds-je, et elle incline la tête de côté.
Mais je ne l’ai pas facturé pour mon temps.
— Tu fais payer le double à Matthew, me rappelle Karrie.
— C’est parce qu’il est horrible quand il fait du shopping. Il a retourné
cinq des costumes que je lui avais achetés, l’année dernière. Cinq, lui
rappelé-je en levant les mains au ciel.
— Bref, nous interrompt Allison. Continue.
— Donc, il se pointe, et ensuite il pète quasiment un plomb à cause de
Roman, repris-je, me remémorant ce détail.
— Qu’est-ce que tu veux dire, par péter un plomb ? demande Allison. Du
genre « mec, fais gaffe » ou « mec, tu as plutôt intérêt à dégager » ?
— Plutôt la deuxième proposition, réponds-je, et je vois ses yeux
s’arrondir. Bref, après ça il m’a tenu la portière ouverte et m’a aidée à
monter dans sa voiture. Ensuite, on est arrivés ici et il m’a dit de rester
assise pour qu’il puisse m’aider à descendre.
— Attends, quoi ? m’interroge Vivienne. Il t’a tenu la portière ouverte ?
— Quel connard, lance Zoé d’un ton sarcastique, et je la fusille du regard.
Je ne prends pas la peine de lui répondre. Au lieu de ça, je continue :
— Ensuite, on est rentrés, et il était là à me demander si je savais faire la
cuisine, et moi je lui ai rétorqué « tu peux construire une maison ? »
— Je suis arrivée, et je crois qu’ils étaient sur le point de s’embrasser, dit
Zoé avec ce qui ressemble à de la jubilation dans la voix.
— Tu rigoles, lâche Karrie, avant d’attraper la bouteille pour remplir son
verre.
— On parlait de ce qu’on allait manger, répliqué-je, et ce n’est pas un
mensonge.
— Il avait son bras passé autour de son épaule tout du long.
Je lève les yeux au ciel. Allison ricane.
— Et il m’a proposé de me joindre à eux pour le dîner.
Karrie se met à rire et se donne une tape sur la jambe.
— Attends, attends, la suite est encore meilleure, dit Zoé en riant. Il lui a
dit de s’asseoir et de manger.
Karrie et Allison se redressent toutes les deux.
— Il est carrément foutu.
— Il veut que j’aille assister au match de ce soir.
— Tu détestes le hockey, rappelle Zoé.
— Et il veut aussi que je lui rende visite et que je participe à la soirée
casino qu’organise son équipe, ajouté-je.
C’est à cet instant que la sonnerie retentit de nouveau. Je me lève et me
dirige vers la porte. Je la déverrouille et suis stupéfaite de voir deux
personnes à la porte, dont l’une tient un énorme panier de fruits dans les
bras.
— Oh, mon Dieu, dit quelqu’un derrière moi.
Je tends la main vers le panier de fruits, puis le donne à Zoé pour pouvoir
prendre la grosse boîte blanche qu’on me tend.
Je les remercie et referme la porte, avant de me rendre au salon.
— Si tu ne veux pas sortir avec lui, je le ferai, remarque Vivienne. Enfin,
je ne sortirai pas vraiment avec lui. Je coucherai avec lui pour toi.
Je sais qu’elle plaisante, parce que c’est son genre, mais ça me dérange.
Zoé dépose le panier de fruits et me tend la carte.
— Il n’y a plus de place pour quoi que ce soit sur cette table.
J’ouvre le mot, et tout fait un bond en moi : mon cœur, mon ventre, tout…
Pour ma douce Zara.
Je tends la message à Zoé, parce que je ne pense pas être capable de parler
sans avoir l’air tout étourdie. J’ouvre la boîte et laisse échapper un grand
éclat de rire. Il y a un maillot de Dallas, un T-shirt, un sweater et une
casquette de baseball. Il y a mon nom en haut du carton, et je sais qu’il a
écrit celle-là lui-même.
Juste au cas où tu t’aventurerais à sortir ce soir, voici quatre tickets
pour le match. Et ça risque de me porter la poisse si tu n’as pas mon
maillot ! E.
— Oh mince alors, dis-je à voix haute.
Je laisse la carte passer entre les mains des filles pendant que je vais
chercher mon téléphone à l’étage. J’affiche son nom, mais je ne sais pas si
je devrais l’appeler ou me contenter d’un texto, alors je redescends.
— Je devrais envoyer un message ou l’appeler ?
— Il t’a expédié des fleurs qui coûtent mille dollars, un panier de fruits et
pour sept cents dollars de produits dérivés, répond Vivienne. Tu dois aller le
voir et te mettre toute nue.
— NON, s’exclament Karrie et Allison à l’unisson.
— Je viendrai avec toi ce soir, dit Zoé, en s’avançant vers moi, et je sais
qu’elle essaie de me soutenir. Je pourrai travailler pendant le match.
— Et si Matthew et Max le découvrent ? demandé-je, en regardant Karrie
et Allison.
— Eh bien, la rumeur dit que vous sortez ensemble, alors nous n’aurons
qu’à dire ça. C’est une rumeur, déclare Allison, les yeux tournés vers
Karrie.
— Ouais, exactement, renchérit cette dernière. Mais si cela n’avait rien à
voir avec Matthew et Max ? Et si c’était juste un type normal qui t’avait
proposé un rencard ? Qu’est-ce que tu ferais ?
— J’irais, rétorqué-je en toute honnêteté.
Sans réfléchir, sans le moindre doute, j’irais.
— Dans ce cas, oublie ce qu’en diront les garçons, répond Allison.
— Officiellement, je suis à cent pour cent contre cette histoire de rencard,
intervient Vivienne. Officieusement, je pense que tu devrais le baiser,
jusqu’à ce que sa cervelle lui sorte par les oreilles.
— Appelle-le et dis-lui que tu seras là ce soir.
— Ou… ajoute Karrie, tu y vas et tu lui fais la surprise.
— C’est une excellente idée, lance Allison. Je me souviens de la première
fois où j’ai porté le maillot de Matt. Il a presque perdu la tête.
— Les filles, ce n’est pas un peu trop tôt pour tout ça ? demandé-je, en les
regardant tour à tour. Je veux dire, il y a seulement deux jours, j’ai envoyé
un tweet à cet homme pour rendre mon ex-jaloux.
— Non, répond Zoé. Tu lui as envoyé un tweet, parce que tu étais furieuse
qu’il t’ait menti.
J’y réfléchis un instant.
— Et tu t’es dit qu’il t’avait peut-être trompée.
Je regarde les femmes rassemblées dans la pièce et elles opinent toutes du
chef. J’ai la tête qui tourne tant il se passe de choses en même temps, mais
mon attention est fixée sur la boîte qui contient son maillot et mes tripes me
disent d’aller à ce match.
DIX

Evan

— L’échauffement commence dans dix minutes, dit l’un des gars, et je me


lève pour enfiler mon plastron protecteur.
Je dois vraiment me concentrer sur le match, mais j’ai eu l’esprit ailleurs
toute la journée. Hier soir, après qu’elle m’a dit bonne nuit, je lui ai
commandé des fleurs qui, apparemment, durent une année entière. Je n’ai
aucune idée de si c’est vrai, mais pour le prix qu’elles m’ont coûté, il
vaudrait mieux.
Je m’attendais à ce qu’elle m’envoie au moins un message de
remerciement, mais je n’ai rien reçu. Pas même un appel. Je lui ai même
envoyé quatre tickets pour le match de ce soir, et rien.
— Tu as l’air grincheux, remarque Denis en enfilant son maillot. Tu n’as
pas bien dormi ?
— Non, répliqué-je d’un ton bourru. Je vais bien.
Je récupère mon maillot et le fais passer par-dessus ma tête. Je termine de
me préparer et je vais me tenir dans le couloir, attendant le signal nous
autorisant à entrer sur la glace. Généralement, on laisse l’équipe à domicile
patiner pendant environ une minute sur la piste avant de nous laisser les
rejoindre.
Je reste là, appuyé contre le mur en béton, à me demander si je devrais
l’appeler. C’est vrai, elle est peut-être malade, à moins qu’elle ne soit très
occupée. Je n’en ai aucune idée et, quand les gars se mettent à avancer, je
tourne le cou de gauche à droite, avant de courir jusqu’à pouvoir glisser sur
la glace. Je regarde autour de moi tout en patinant dans la zone extérieure,
et je vois que les spectateurs entrent encore dans le stade au compte-goutte.
Je glisse jusqu’au coin de la piste, récupère un palet, puis fais la queue
jusqu’à ce que ce soit mon tour de courir vers le filet et de tirer. C’est alors
que j’entends un léger coup frappé sur la vitre. Généralement, je ne lève
jamais les yeux, parce que des fans de l’équipe à domicile passent leur
temps à donner des petits coups dessus, mais cette fois, je regarde, et le
moins qu’on puisse dire, c’est que je suis stupéfait.
Là, habillée comme si elle avait dévalisé la boutique de l’équipe de
Dallas, se tient la femme qui occupe toutes mes pensées. Elle porte un jean
serré et mon maillot, ainsi que la casquette de baseball par-dessus ses
cheveux coiffés en queue de cheval. Elle est sublime. Elle me sourit, et j’ai
envie de quitter la glace pour lui demander pourquoi elle ne m’a pas appelé
ou envoyé de message. J’ai envie de lui demander si elle va bien et si elle
compte rester durant tout le match. Je suis sur le point d’articuler quelque
chose à son attention, quand je suis bousculé dans le dos.
— Prem’s, dit Corey derrière moi.
Je me retourne et lui colle mon gant en pleine face, le repoussant.
— Quoi ? Elles sont deux. Tu ne vas pas sortir avec les deux ! se défend-
il.
Je regarde par-dessus l’épaule de Zara : Zoé est assise sur la chaise
derrière elle, occupée à pianoter sur son téléphone. Elles sont habillées de la
même manière, et sans les connaître, il serait probablement impossible de
les différencier, mais je reconnaîtrais Zara n’importe où. Son regard
s’illumine d’une façon différente quand elle est vraiment heureuse, tandis
que celui de Zoé reste le même. Je m’éloigne et prends mon tour, envoyant
voler le palet jusqu’au fond du filet. Jari n’essaie même pas de l’arrêter. Je
patine jusqu’au banc et je la vois s’avancer vers moi. Tout ce que j’ai
traversé toute la journée – l’inquiétude, et tout ça – rend cet instant
tellement meilleur. Je me rends compte que les journalistes ont les yeux
tournés vers moi, alors je la regarde et secoue très légèrement la tête, juste
assez pour qu’elle le remarque. Elle jette un œil derrière moi, avant de
baisser la tête et de faire volte-face. Elle retourne s’asseoir à côté de Zoé,
aux places que je leur ai données.
Je quitte la glace et vais à l’arrière à la recherche de Tristan, notre agent
des relations publiques. Il est dans un coin, en costume et occupé à écrire
sur son téléphone. Je m’avance vers lui et il lève les yeux.
— Qu’est-ce que tu as fait ?
Je le regarde en fronçant les sourcils.
— Il y a deux filles dehors.
— Je ne suis pas ton mac et on n’est pas à un concert de rock, où on peut
amener des groupies dans les coulisses, réplique-t-il.
Je le bouscule et il rit.
— Tu sais, ces tickets que tu m’as procurés ce matin ?
— Tu parles de la raison pour laquelle tu m’as appelé à six heures du
matin ? me demande-t-il.
Je hausse les épaules.
— Ouais, c’est ça, réponds-je. Je veux que tu les amènes dans les
vestiaires quand le match sera terminé.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
Je regarde à droite et à gauche pour m’assurer que personne ne peut nous
entendre, et explique :
— C’est Zara Stone.
Il laisse aller sa tête en arrière et pousse un gémissement.
— J’esquive les journalistes depuis dimanche, siffle-t-il.
Il voit alors que tous les joueurs sont en train de quitter la glace.
— Pourquoi ne peux-tu pas sortir avec une gentille fille ?
— C’est une gentille fille, répliqué-je.
— Pourquoi ne peux-tu pas sortir avec une fille qui ne te fera pas finir à
l’hôpital ? rectifie-t-il. Je pense que tu peux te défendre contre Matthew,
mais Max ? Mec, ce type est un monstre.
— Personne ne frappera personne. Seigneur, lâché-je en secouant la tête.
C’est juste un match de hockey. Et ensuite un rencard au mariage de son ex.
Quand il croise les bras sur son torse, je ne lui dis pas qu’elle viendra
peut-être à Dallas pour la soirée casino, parce qu’il risquerait de
complètement péter un câble.
— Est-ce que tu pourrais juste t’assurer qu’elle vienne dans les vestiaires
après le match ? demandé-je, en me penchant vers lui. Discrètement.
— Pourquoi est-ce que j’ai soudain l’impression d’être un mac ?
m’interroge-t-il.
Je ris et le regarde de haut en bas.
— C’est peut-être à cause du costume, mec.
Je l’examine et remarque qu’il porte un costume en velours, aujourd’hui.
— Tu ne devrais pas insulter l’homme à qui tu viens de demander de
l’aide, dit-il, avant de tourner le dos et de s’éloigner.
Je retourne dans les vestiaires et je m’assieds pour écouter le discours du
coach, me forçant à me concentrer sur le match à venir.
Nous nous levons et nous dirigeons tous vers la glace.
— Prêts, les garçons ? s’exclame Paul, le capitaine de l’équipe, pour
gonfler l’équipe à bloc. Faisons-leur bouffer la glace !
La musique se met à jouer et les garçons se dirigent vers le terrain. Je
patine jusqu’à notre zone, alors que la lumière est éteinte. Lorsqu’elle
s’allume, nous nous dirigeons vers notre banc. Je bois une gorgée d’eau,
avant d’aller m’aligner sur la patinoire pour l’hymne national.
Je retire mon casque et me tiens sur la ligne bleue avec mes coéquipiers.
Le projecteur s’allume quand une femme apparaît et se met à chanter. Je me
force à ne pas regarder là où Zara est assise, pour ne pas me ridiculiser. Je
ne sais même pas à quel moment la chanson s’arrête, j’entends juste des
applaudissements et remets mon casque. Je patine jusqu’au centre et
regarde de côté. Denis est à ma droite et Paul à ma gauche.
Je reste immobile, ma crosse baissée, et attends que l’arbitre arrive avec le
palet. Mav, l’ailier centre des Jersey Chiefs, est là.
— Regardez qui est là, lance-t-il en souriant. Le célibataire.
Je lève les yeux au ciel.
— Veux-tu bien accepter cette crosse entre les fesses ? lui demandé-je.
Il rejette la tête en arrière et rit.
— Quand est-ce que tu reviens jouer contre New York ? m’interroge-t-il.
Je ne lui réponds pas.
— Je devrais me procurer des tickets pour ce match. J’ai parié sur Horton,
continue-t-il.
L’arbitre arrive et le volume de la musique augmente dans le stade.
— OK, les gars, débutons ce match, dit-il.
Je me mets en position, me courbe un peu et tends ma crosse devant moi.
Je regarde Mav et lui adresse un sourire, ce qui le déstabilise légèrement.
L’arbitre nous observe tour à tour, avant de laisser tomber le palet. Je tends
vivement ma crosse et remporte le face-à-face, puis dépasse Mav. Paul
récupère la rondelle et la passe à Corey, qui avance un temps avec lui, avant
d’attendre devant la ligne bleue pour faire une passe. Une fois que Paul a
récupéré le palet, Mac essaie de me bloquer, mais je suis légèrement plus
rapide que lui. Je me place devant le gardien et essaie de lui masquer la vue
du palet et du match. Leur meilleur défenseur essaie de me pousser hors du
passage, mais je ne bouge pas d’un pouce et, quand le tir arrive, je m’écarte
légèrement pour voir s’il va finir sa course dans le filet. Ce n’est pas le cas.
Le gardien l’arrête avec son gant et le sifflet retentit. Ma ligne quitte la
glace pour un changement. Tandis que je m’assieds pour reprendre mon
souffle, je commets l’erreur de lever les yeux vers les gradins.
Zoé est toujours accaparée par son téléphone, mais Zara est assise jambes
croisées et coudes sur les genoux, le menton posé dans la paume de ses
mains. Elle regarde le match et je vous jure qu’elle est encore plus belle que
jamais. La musique s’éteint de nouveau dans le stade, je sais donc que le
match va recommencer et je repousse toute pensée de mon esprit pour me
concentrer dessus. Nous nous bousculons des deux côtés de la piste et, à la
fin des vingt premières minutes, le score est toujours nul et vierge.
Quand je retourne sur la glace pour la deuxième période, je suis prêt à
renverser la situation. Je patine en cercle en attendant que tout le monde se
mette en position et que l’arbitre s’avance. Il se place entre Mav et moi et
laisse tomber le palet. Je perds le face-à-face, et ça m’énerve, alors je
commence à patiner à reculons, gardant les yeux fixés sur la rondelle, tandis
que les défenseurs la font circuler entre eux. Une fois, deux fois, puis le
palet passe aux ailiers droits qui l’emmènent dans la zone. Je reste près de
la zone bleue et j’attends la passe que je sais imminente. Ils nous bloquent
le passage, mais je patine légèrement à l’écart, puis je vois mon ouverture.
Ils essaient de faire une passe au défenseur, mais je l’intercepte. J’envoie le
palet hors de la zone et accélère. Le défenseur me colle tellement aux fesses
que je peux le sentir, mais il n’y a personne d’autre derrière moi. Je dépasse
le centre et entends tout le monde s’empresser de me suivre, mais je suis
dans la zone. J’observe le gardien sortir de sa cage, avant de reculer.
Soudain, je sens quelqu’un dans mes pieds, et trébuche. Je perds l’équilibre
et finis contre les panneaux, mais, quand je me tourne vers l’arbitre, il a
déjà le bras levé et souffle dans son sifflet. Paul s’avance vers le défenseur,
qui se lève de la glace et le repousse tout en insultant sa mère.
Je vois l’arbitre lui prendre le bras et pointer le centre du doigt ; il nous
accorde un tir de pénalité. Je lève un pied, puis me lève, dos contre le
panneau. La foule commence à huer et je patine jusqu’au milieu de la glace,
avant de lever les yeux vers le replay sur l’écran géant.
Je regarde tout le monde rejoindre son banc respectif, puis l’arbitre
s’avance et pose le palet au milieu de la glace. Le gardien patine de droite à
gauche. Le juge de touche se tient au milieu de la glace et l’arbitre à droite.
Il se retourne et fixe le responsable du score, avant de lui adresser un signe
de tête. Puis il pointe le palet du doigt, tandis que le juge de touche indique
le gardien. Je glisse jusqu’à la ligne bleue, avant de commencer à avancer
avec le palet. Je le soulève sur la lame de ma crosse et me dirige vers la
droite, avant de le ramener à gauche. Je traverse le milieu de la piste et vois
que le gardien sort légèrement de son but, avant de reculer un peu quand je
m’approche. Je connais l’endroit exact où je vais marquer. Il se courbe en
avant et cela me laisse une marge de manœuvre encore plus grande. Il
s’attend à ce que j’essaie de le feinter, mais ce n’est pas le cas. Au lieu de
ça, j’incline le poignet et lève un peu le palet, qui est propulsé par-dessus
son épaule et retombe au fond du filet. Je lève ma crosse dans les airs et
reviens vers le banc, mais, tout en faisant cela, je jette un œil à Zara et vois
qu’elle est debout. C’est la seule de sa section des gradins et elle applaudit.
Je souris, avant de m’arrêter devant le banc pour donner une tape dans la
main de tout le monde.
Le match se termine, nous le remportons d’un point et, honnêtement, je
n’en ai rien à faire. Je m’empresse de rejoindre le vestiaire et je suis le
premier à sortir de la douche. Quand j’ai enfin revêtu mon costume, je
quitte la pièce et la cherche des yeux. Je repère Tristan, occupé à parler à
quelqu’un ; il se contente de m’indiquer une autre pièce du doigt. Je
m’avance vers la porte close et frappe.
Quand la porte s’ouvre enfin, je vois Zara, assise sur une chaise devant un
bureau en bois brun. Elle lève les yeux de son téléphone et m’aperçoit, et
tout son visage s’illumine. Elle a retiré sa casquette de baseball et ses
cheveux sont simplement coiffés en queue de cheval.
— Et voilà l’homme du match, dit-elle en se levant.
Je parcours la pièce des yeux à la recherche de Zoé.
— Où est ta sœur ? lui demandé-je, tout en m’avançant dans la pièce et en
fermant la porte derrière moi.
— Elle est allée aux toilettes, répond-elle en formant des guillemets dans
l’air. Je crois qu’elle voulait juste nous donner un peu d’intimité.
— Oh, vraiment ? dis-je, sans cesser de sourire. Cette couleur te va bien.
— Tu trouves ? demande-t-elle, en faisant un tour sur elle-même.
Rien que le fait de la voir porter mon maillot me donne envie de me
transformer en Hulk : déchirer mon T-shirt, gonfler le torse et rugir. Je
plonge les mains dans mes poches pour m’empêcher de l’attirer contre moi.
— Merci, dit-elle d’une voix plus douce. Pour les fleurs, les fruits et le
merchandising.
— C’est le moins que je puisse faire. Ce tweet m’a fait entrer en lice pour
le titre de célibataire de l’année.
Elle rit et secoue la tête en se couvrant le visage des mains.
— Ne fais pas ça, dis-je.
Je réduis la distance entre nous et lui ôte les mains de devant son visage.
— Ne me cache pas ton visage.
— C’est dingue, dit-elle, et je me retourne pour m’asseoir sur la chaise
devant elle. Tu vis à Dallas.
— Tu vis à New York, rétorqué-je.
Cette pensée a tourné dans ma tête toute la journée.
— Tu voyages dans le monde entier, ajoute-t-elle, et je lève les yeux vers
elle.
— Toi aussi, lui rappelé-je.
Je ne peux rester assis là plus longtemps, pendant qu’elle essaie de se
convaincre que ce qu’il se passe est une mauvaise idée. Elle se tient là,
devant moi, et je tends la main pour prendre son visage en coupe. Je lui
caresse la joue du pouce.
— Et si on y allait au jour le jour ? proposé-je.
Elle lève les yeux vers moi et je vois qu’ils ont pris une teinte vert cristal,
avec du bleu dedans. J’entends le vacarme qui provient du couloir et je sais
que mon équipe se prépare à partir.
— Je ne peux pas t’embrasser maintenant, lui dis-je, et elle ouvre
légèrement la bouche. Ce n’est pas parce que je n’en ai pas envie. Je n’ai
jamais autant voulu quelque chose de toute ma vie.
Elle baisse les yeux, avant de les relever vers moi.
— C’est parce qu’un baiser ne suffira pas. Je sais que si je commence à
t’embrasser, je ne pourrai plus m’arrêter.
— OK, les gars, il est temps de rejoindre le bus, hurle quelqu’un dans le
couloir.
— Tu dois partir, dit-elle.
Elle lève une main pour la serrer autour du poignet levé vers sa joue.
— Douce Zara, dis-je tendrement. Douce, douce Zara.
Finalement, je me penche et l’embrasse sur la joue. Quand je relève mon
visage, je suis si près de ses lèvres, tellement près. Je la regarde dans les
yeux et je suis persuadé que c’est encore plus dangereux que de nager dans
des eaux infestées de requins.
On frappe doucement à la porte, mais je ne bouge pas. Je n’enlève pas ma
main de son visage. Je ne fais rien, à part me perdre en elle.
— Désolé de vous interrompre, dit Zoé en passant la tête par la porte.
Mais…
— Tu dois partir, répète-t-elle.
Mon cœur se serre quand je hoche la tête, parce que je sais que je ne
pourrai pas la voir demain. Je sais que je ne la verrai même pas après-
demain. Je laisse retomber ma main et elle laisse retomber la sienne comme
une masse le long de son flanc.
— Bravo pour ce soir, dit Zoé. Tu as vraiment bien joué.
Je secoue la tête et ris. Comment ces deux-là peuvent-elles être aussi
indifférentes à ce sport, alors que tous les membres de leur famille sont des
stars du hockey ?
— Prends soin d’elle, Zoé, lui dis-je, et elle hoche la tête.
Je sors de la pièce, récupère mon sac, que j’avais posé avant d’entrer, et
sors du stade sans regarder une seule fois en arrière.
ONZE

Zara

Je le regarde partir. Son costume noir moule tout son corps et son sac à
dos en cuir est passé sur son épaule.
— Je savais que je n’aurais pas dû venir ce soir, dis-je, en tournant les
yeux vers Zoé.
Je ne le vois plus, mais je peux encore sentir sa main sur mon visage.
Quand il est entré dans la pièce, j’ai su que j’étais fichue. Et même pas
d’une bonne manière. Son costume était parfait, ses cheveux encore
mouillés après sa douche et on voyait qu’il venait de passer les doigts
dedans. Mais ensuite, il a souri, et j’ai littéralement oublié jusqu’à mon
propre nom.
— Il n’y a rien de mal à avoir des sentiments pour lui, répond Zoé, en
récupérant la casquette de baseball pour la remettre sur ma tête.
— Je n’ai pas de sentiments pour lui. C’est juste un ami, mens-je.
Nous sortons et traversons le parking souterrain, où le chauffeur nous
attend. Il n’y a presque personne, ici. Je vois certains joueurs sortir avec
leur femme ou leur petite amie, mais je ne croise pas leurs regards. Le
chauffeur nous voit et sort de la voiture pour ouvrir la portière. Je monte en
premier, suivie de Zoé.
— Tu veux un peu de compagnie, ce soir ? me propose-t-elle, et je secoue
la tête.
— Non, je dois faire mes bagages pour Chicago, expliqué-je, avant de me
tourner vers la fenêtre.
Je ne prends pas la peine de regarder mon téléphone. Tout est embrouillé
dans ma tête et je ne comprends plus rien. J’en reviens à ma sœur.
— Je ne le connais que depuis trois jours.
Elle sait que c’est ma manière de mettre de l’ordre dans mes pensées. Je
parle toute seule et elle écoute.
— Trois jours. Je ne peux pas avoir des sentiments pour lui.
Je secoue la tête.
— C’est dingue. Trois jours. J’ai de la nourriture plus vieille que ça dans
mon frigo.
— Pourquoi ? finit-elle par demander. Si c’est dans le frigo depuis plus de
deux jours, jette-moi cette merde. Ça va commencer à sentir mauvais.
Elle grimace.
— Il vit sur un autre fuseau horaire, continué-je à énumérer. Dans un autre
État.
— Ça ne pourrait jamais marcher, dit-elle, avant de tourner les yeux vers
moi. J’ai une amie à Dallas. Je pourrais peut-être jouer les entremetteuses.
Je me retourne et la fusille du regard.
— Eh bien, voilà qui répond à ma question.
— Comment je peux savoir qu’il n’a pas une copine qui l’attend à Dallas
? suggéré-je. Ou des maîtresses dans tous les États-Unis ?
— N’oublie pas le Canada, ajoute-t-elle. Les États-Unis et le Canada.
— Ouais, là-bas aussi.
— Il a un superbe sourire, remarque-t-elle, et je tourne les yeux vers elle.
Je n’ai pas besoin d’acquiescer, parce que c’est évident.
— Il a un excellent sens du style, qu’il possédait avant de te rencontrer.
Je hoche la tête.
— Il t’ouvre les portières.
Je lève les yeux au ciel.
— Et il t’a envoyé cent roses.
— Il vit à cinq heures d’ici en avion, lui rappelé-je.
— Et si c’était moi ? m’interroge-t-elle. Et si j’étais dans ta situation ?
Qu’est-ce que tu me conseillerais de faire ?
Je croise les bras sur ma poitrine et ne réponds rien.
— Exactement. Tu me hurlerais « YOLO3, Zoé. »
— Je ne dirais pas ça, répliqué-je.
— Vraiment ? Et qu’en est-il de ce motard avec qui je suis sortie ? «
YOLO ? Zoé. Qui se soucie qu’il y ait un mandat d’arrêt à son nom, Zoé.
Fais comme si c’était Charlie Hunnam4. »
— Je ne t’ai pas demandé de l’épouser, remarqué-je. Et tu n’as pas pris du
bon temps, avec lui ?
— Je me suis réveillée pour découvrir que sa femme rentrait avec leurs
enfants, me rappelle-t-elle. Elle n’a même pas cillé en me trouvant nue dans
leur lit.
Je hausse les épaules.
— J’imagine que c’est une victoire.
— Et si tu arrêtais de trop réfléchir et que tu te contentais de foncer ?
Appelle-le ou bien ne l’appelle pas. Réponds à ses appels, ou envoie-lui des
messages quand tu en as envie, dit-elle. Mais ne te ferme pas à la possibilité
avant même que quoi que ce soit ait commencé. Au pire, tu auras une
excellente histoire à raconter à tes enfants.
Je regarde par la fenêtre et elle n’ajoute rien, tandis la voiture se gare
devant chez moi. J’embrasse ma sœur et lui dis que je l’appellerai demain.
Je monte les marches jusqu’à ma maison et déverrouille la porte. Mon
téléphone sonne. C’est Matthew.
— Bonjour, dis-je.
Je regarde l’horloge et vois qu’il est presque onze heures.
— Salut, dit-il.
J’entends alors la voix de Karrie en arrière-plan :
— Ne réponds à aucune question.
— Quelque chose ne va pas ? m’inquiété-je, pensant au pire.
— Je ne sais pas. Est-ce que tu es allée assister à un match de hockey, ce
soir ? m’interroge-t-il, et je me fige net. Tu vois, ma sœur déteste le hockey.
Elle déteste autant le hockey que moi le shopping.
— Je ne déteste pas le hockey, répliqué-je, tout en commençant à grimper
les marches. J’assiste à la plupart de vos matchs.
— Alors, imagine ma surprise quand j’ai allumé la télé pour regarder le
match de ce soir et que j’ai vu un petit merdeux tirer une pénalité.
J’essaie de ne pas rire à ce surnom.
— Ensuite, la caméra zoome sur cette femme, qui ressemble à ma sœur.
— Tu veux bien la laisser tranquille, Matthew, dit Karrie en arrière-plan.
— Bébé, siffle-t-il à son intention. Je parle à ma sœur.
Puis il reporte son attention sur moi et reprend :
— Je veux dire, elle ressemble à ma sœur, mais elle porte le maillot vert le
plus hideux que j’aie jamais vu de ma vie.
Je ris ouvertement, maintenant.
— Ne te marre pas, Zara. Qu’est-ce qu’il se passe, bon sang ?
— Rien. J’ai eu des tickets d’un ami.
— Un ami ? siffle-t-il. Tu sais qu’il vient en ville dans trois semaines,
n’est-ce pas ?
— Et alors ?
J’allume les lumières dans ma chambre et ôte mes chaussures.
— Et alors je vais lui botter les fesses.
— Tu ne feras rien du tout, rétorque Karrie.
— OK, très bien, je ne le ferai pas, mais je crois que Max a besoin d’un
petit séjour sur le banc de pénalité.
— Tu m’appelles juste pour ça ? lui demandé-je.
— Non. Je t’appelle aussi pour te dire que je ne l’aime pas.
— J’en prends bonne note, répliqué-je, en pinçant les lèvres pour
m’empêcher de rire.
— La rumeur selon laquelle vous sortez ensemble s’est répandue partout,
remarque-t-il doucement.
— N’écoute pas les rumeurs, Matthew, lui lancé-je. Elles affirmaient aussi
que tu étais trop vieux pour être toujours sur la glace.
Je sais qu’il déteste cette rumeur.
— Je ne suis pas trop vieux, bon sang, réplique-t-il en élevant la voix. Je
ne l’aime pas.
— Pourquoi ? l’interrogé-je. Pourquoi est-ce que tu ne l’aimes pas ?
— Parce qu’il est sournois et qu’il essaie de sortir avec ma sœur, répond-
il.
Je rejette la tête en arrière et je ris.
— Putain. Je dois y aller. Karrie me fait des clins d’œil.
— Dégoûtant, lancé-je, et il raccroche.
Je baisse les yeux sur mon téléphone et vois que j’ai été taguée sur une
photo sur Twitter. Je clique pour ouvrir l’application, et je la vois.
Moi, debout et en train d’applaudir après son but.
J’ai surpris @ZaraStone en train d’applaudir son mec
@EvanRichards.
Je souris, jusqu’à ce que je voie ce qu’Evan a répondu en commentaire :
@ZaraStone merci d’être venue. Peut-être que, la prochaine fois, on
pourra se rencontrer vraiment.
Qu’est-ce que ça veut dire ? Je suis tellement tentée de lui répondre de ne
pas trop se flatter, mais je me réfrène. Au lieu de ça, je me comporte en
adulte et je prends une capture d’écran, avant de la lui envoyer par message.
Je ne sais même pas quoi écrire, alors je n’ajoute rien et me contente de
jeter mon téléphone de côté.
Je retire son maillot et le laisse tomber dans le panier à linge, en
m’assignant mentalement d’ajouter de la javel à la lessive, plus tard. Je sors
ma valise du placard du couloir et commence à la remplir. Je vais passer
trois jours à Chicago, quatre maximum, alors je la surcharge, et j’emporte
évidemment trop de choses, tout en songeant aux endroits où j’irai et en
sachant que je finirai probablement roulée en boule à la fin de la soirée.
Je me rends à Chicago pour rencontrer la princesse d’Hollywood, Kellie.
Elle sort un nouvel album dans deux mois et elle veut que je travaille avec
elle sur ses clips vidéo, et que je m’occupe de ses tenues pour les
interviews. J’adore travailler avec elle et le fait que son mari soit si agréable
à regarder aide pas mal aussi.
Je finis de faire mes bagages et dépose ma valise près de la porte. Elle
m’envoie son jet privé, pour éviter les files d’attente. La voiture sera là à
huit heures pour passer me prendre, je mets donc mon alarme à six heures
trente. J’ignore toutes les mentions Twitter et je mets mon téléphone en
mode avion pour que les notifications ne m’empêchent pas de dormir.
Je me glisse sous les draps après m’être démaquillée, puis j’éteins la
lumière. Le réveil m’indique qu’il est presque une heure du matin. La
journée de demain va être difficile.

***
— Bienvenue à bord, Mlle Stone. Nous décollons dans environ cinq
minutes, m’annonce l’hôtesse de l’air quand j’ai grimpé les cinq marches
menant à l’avion. Vous aurez accès au Wi-Fi dans l’avion, vous pouvez
donc vous connecter tout de suite.
— Parfait. Merci, lui réponds-je.
J’ôte ma veste Burberry et la place sur le siège derrière moi. Vu que je
vais me mettre directement au boulot dès que l’avion aura atterri, je suis
habillée pour l’occasion. Je porte un pantalon blanc serré et une chemise
beige à manches courtes au crochet. J’ai complété ma tenue avec de hauts
talons sanglés et dorés Jimmy Choo. Je pose mon sac à main Céline couleur
crème avec ma veste et sors mon téléphone de mon sac.
Je boucle ma ceinture, avant de rallumer enfin mon téléphone. Des
notifications commencent à arriver sans plus s’arrêter et je vois que j’ai
quinze appels manqués.
Je vois aussi qu’Evan m’a répondu et qu’il a simplement dit :
Evan : On se parle demain matin.
— Ah tiens, me dis-je. Ou pas.
Je lui réponds, avant de regarder les messages que j’ai reçus de Zoé.
Zoé : Où es-tu, bon sang ?
Zoé : Tu dois me rappeler aussi vite que possible.
Je lui envoie un message.
Moi : En plein vol. Désolée, mon téléphone était en mode avion.
Moins de trois secondes après que j’aie envoyé le message, l’écran du
téléphone s’illumine dans mes mains.
— Qu’est-ce que tu fous, bon sang ? siffle-t-elle. J’ai essayé de te
contacter toute la nuit et toute la matinée.
— Pourquoi ? demandé-je, alors que je sens l’avion commencer à
avancer.
— Hum, tu es allée sur Twitter récemment ?
Je la mets sur haut-parleur, puis ouvre mon application Twitter.
— Les gens deviennent dingues.
— Pourquoi ? l’interrogé-je tout en allant sur ma page.
J’ai plus d’une centaine de notifications.
— Qu’est-ce qu’il se passe ?
— Je ne sais pas si tu as vu la photo d’hier soir, parce que tu n’as pas
commenté et, te connaissant, tu aurais été du genre à lui dire « Bye, Bye » à
cette remarque.
— Je l’ai vue, mais je lui ai simplement envoyé une photo, réponds-je.
— Eh bien, son commentaire a disparu et, à la place, il y en a un nouveau.
Je crois qu’il vient de te lancer un défi, dit-elle en ricanant.
Je retourne voir la photo.
Vous ne trouvez pas que ma copine @zarastone est sublime dans mon
maillot ?
— Oh, mon Dieu, lâché-je.
C’est alors que je vois que le post a été retweeté plus d’une centaine de
fois.
— Ouais, acquiesce Zoé. Bref, je dois y aller. Je suis au téléphone avec un
client, mais rappelle-moi.
Elle raccroche et je parcours les commentaires des yeux. L’un d’eux a
même mentionné Matthew et Max, et je plaque une main sur ma bouche en
voyant la réponse de Max.
@EvanRichards, qu’est-ce que tu entends par « ma copine. »
J’envoie un message à Allison.
Moi : Est-ce que Max va bien ?
Elle me répond aussitôt :
Allison : Matthew l’a appelé ce matin. Ils réfléchissent au meilleur
plan d’action pour quand Evan viendra en ville. C’est hilarant.
Moi : Ils ne vont pas vraiment lui faire du mal, n’est-ce pas ?
Je dois lui poser la question, parce que j’ai vraiment peur.
Allison : La bonne nouvelle, c’est qu’ils ont plusieurs matchs devant
eux pour se calmer.
Je scrute le message, avant d’ouvrir ceux que j’ai reçus d’Evan.
Evan : Tu peux me passer un coup de fil demain matin ? J’ai essayé
de te joindre et je tombe directement sur ta messagerie.
Evan : Douce Zara, appelle-moi s’il te plaît.
Evan : Je n’arrive pas à dormir.
Je suis sur le point de le contacter quand mon téléphone sonne, et je vois
que c’est lui.
— Allô, dis-je en regardant les nuages par la fenêtre.
— Salut, marmonne-t-il, et je peux entendre la fatigue dans sa voix. J’ai
essayé de t’avoir toute la nuit.
— J’avais mis mon portable en mode avion, lui expliqué-je.
Celui-ci émet un son indiquant un appel.
— Tu me proposes un FaceTime ?
— Oui, répond-il, et j’accepte la communication.
Le petit cercle tourne encore et encore, puis son visage emplit l’écran et je
vois qu’il est au lit. Il est sur le ventre et son appareil est devant lui. Je peux
voir sa tête.
— Merde, tu es si belle, dit-il, et je baisse les yeux. Je ne m’occupe pas de
mon compte Twitter.
Je relève les yeux sur lui, confuse.
— C’est ma sœur Candace qui le fait, et c’est elle qui a écrit ce
commentaire, m’explique-t-il.
J’entends un aboiement, puis le téléphone s’envole hors de sa main quand
un chien bondit sur le lit.
— Lilo, couché, dit-il, avant de ramasser le portable. Désolé, le chien a
sauté sur le lit.
Je ris et regarde le chien contempler la caméra, approchant sa truffe de
l’écran pour le renifler.
— Va-t’en, elle est à moi.
— C’est toi qui as écrit le commentaire selon lequel je serais ta copine ?
lui demandé-je. Ou est-ce que c’était ta sœur ?
— Non, répondit-il. Elle dormait. J’ai supprimé son commentaire et j’ai
ajouté le mien.
— Tu sais que Max a répondu, n’est-ce pas ? remarqué-je.
Il m’adresse un sourire narquois.
— D’après ce que m’a dit ma belle-sœur, il est gonflé à bloc.
Il se contente de hausser les épaules.
— Bref, dit-il. Où es-tu ?
— Je suis dans un avion en direction de Chicago, réponds-je. Je serai là-
bas pendant quatre jours.
— Tu rentres quand ?
— Samedi, et ensuite, je repars à L.A. dimanche.
Je le regarde. Il a l’air tellement fatigué.
— Et si tu retournais te coucher et que tu me rappelais plus tard ?
— Je dormirai mieux, sachant que tu vas bien, répond-il, avant d’essayer
de dissimuler un bâillement. Je te parle plus tard, douce Zara.
Je souris à ce surnom qu’il n’arrête pas de me répéter.
— À plus tard.
Je raccroche et l’hôtesse de l’air vient m’apporter mon petit déjeuner. Je
lui adresse un sourire, mange le fruit, puis passe en revue les concepts que
je vais montrer à Kellie. Mon téléphone sonne de nouveau et je baisse les
yeux, pour découvrir qu’il s’agit de ma mère.
— Salut, Maman, dis-je en mettant le téléphone sur haut-parleur, pendant
que je range tout.
— Salut, princesse, tu es sur haut-parleur. Je suis avec ton père, dit-elle,
avant de lancer : Cooper, tu as dit que tu serais sage.
— Oh, mon Dieu, dis-je. Je n’ai rien fait.
— Pourquoi est-ce qu’Evan t’appelle « sa copine » ? demande mon père.
Je l’imagine clairement se rapprocher de plus en plus du téléphone à
mesure qu’il pose cette question.
— Et pourquoi est-ce que tu portais ce maillot ?
— Oh, ça, dis-je, et j’entends ma mère rire. Il m’a invitée à regarder son
match.
— Combien il y a de minutes dans un match ? m’interroge mon père.
— Beaucoup ?
— Parker, siffle-t-il à l’attention de ma mère.
— Ma chérie, ton père vient de parler au téléphone avec ton frère et ils
sont un peu inquiets.
— Que je sois allée à un match de hockey ? J’y ai déjà survécu et ce sera
aussi le cas cette fois.
— Ce n’est pas un jeu, Zara, lance mon père. Il a dit que tu étais à lui. Tu
sais ce que ça signifie.
— Hum.
— Il existe certains hommes… commence mon père.
— Comme ton père, ajoute ma mère, et ton frère, et Max, et Zack.
— Parker, ce n’est pas drôle, dit-il, et je les imagine très bien. Ces
hommes. Une fois qu’ils disent que tu es à eux, tu es à eux.
— Papa, réponds-je. Je t’aime, vraiment, mais c’était une blague.
— On ne plaisante pas avec ce genre de choses, réplique-t-il.
— Papa, je dois y aller. On va atterrir. Maman, tu peux les calmer, lui et
les autres, s’il te plaît ?
— Je le ferai, ma chérie. Appelle-moi plus tard, dit-elle.
Je raccroche à la minute où les roues touchent le sol.
J’enfile ma veste et récupère mon sac à main, et quand je descends les
marches, je vois qu’une voiture m’attend. Le chauffeur place ma valise dans
le coffre.
— Bienvenue à Chicago, dit-il, avant de se diriger vers la portière à
l’arrière pour me l’ouvrir.
Je monte et vois un énorme bouquet de roses rouges.
— On vous les a livrées il y a cinq minutes, explique-t-il.
Je les regarde et prends la carte blanche.
Pour MA douce Zara.
E.
J’esquisse un sourire que je ne crois pas avoir jamais arboré. C’est un
sourire impossible à effacer. Un sourire impossible à dissimuler, même si
vous le vouliez. Un sourire qui vous gonfle le cœur, qui vous emplit de
chaleur et fait faire un petit salto à votre estomac.
— Papa avait raison, me dis-je à moi-même dès que le chauffeur est
monté dans la voiture.

3 « You live only once », expression qui signifie « on ne vit qu’une fois ».
4 Charlie Hunnam est un acteur rendu célèbre pour son rôle de biker dans la
série « Sons of Anarchy ».
DOUZE

Evan

— Allez, tous les deux, il est temps de sortir un peu.


Je roule hors du lit, attrape un short et me frotte le visage. Je sors de ma
chambre et ouvre la porte de derrière, libérant les chiens.
Puis je me retourne, vais allumer ma cafetière et allume la télévision.
C’est alors que la porte d’entrée s’ouvre et que j’entends des talons claquer
sur le sol. Je me dirige vers le frigo et récupère du jus d’orange, que je
secoue. Comme il n’en reste plus beaucoup, je porte la bouteille à ma
bouche et avale ce qui reste.
— C’est tellement dégoûtant, lance Candace.
Je me retourne et la regarde poser son sac, avant d’ôter sa veste. Puis elle
me dévisage.
— Tu ne te souviens pas ?
Je lui rends son regard, confus.
— Nous allons passer en revue ton emploi du temps pour les deux
prochains mois, rappelle-t-elle.
Elle s’approche de la cafetière, retire ma tasse et met la sienne à la place
pour se faire un café.
— Je t’ai envoyé un message pas plus tard qu’hier soir.
Je termine mon jus d’orange et jette la bouteille dans le bac à recycler.
Puis j’ouvre le frigo, en sors le lait et en verse dans ma tasse. Je tends la
bouteille à Candace d’un air interrogateur et elle acquiesce de la tête. Je la
place sur le comptoir et me dirige vers la porte. Je l’ouvre pour laisser
rentrer mes chiens et ils se précipitent tous deux vers ma sœur.
— Salut, mes petits, dit-elle en prenant une voix de bébé.
Ils s’asseyent devant elle et agitent la queue, alors qu’ils attendent leur
tour. J’entends mon nom prononcé à la télévision et lève les yeux pour voir
le replay d’hier soir.
La première vidéo est celle du moment où j’ai trébuché, et je ris en voyant
comment j’ai essayé de ne pas tomber sur les fesses, avant d’échouer
misérablement. Puis la vidéo passe à un moment où je suis en train de
patiner, et rediffuse mon tir de pénalité. Je regarde l’écran quand l’image
coupe de nouveau pour montrer Zara en train d’applaudir.
— Quelle mascarade, dit Candace à côté de moi.
J’attends d’entendre ce que va dire le commentateur.
— Alors, qu’est-ce que vous en pensez, Jim ? demande l’un des
journalistes. Vous croyez que c’est le début d’une histoire d’amour ?
Jim rit.
— Je n’en ai aucune idée, mais je suis certain que tout le monde voudra
voir la rencontre entre Richards et sa famille.
— C’est certain, acquiesce l’autre journaliste.
J’éteins la télévision.
— C’est ridicule qu’on discute de ta vie amoureuse sur SportsCenter,
déplore-t-elle.
Elle se dirige vers la table et tire une chaise. Puis elle prend son sac à
main et commence à en sortir ses affaires.
— J’ai dû voir cette rediffusion cinquante fois depuis hier soir et ils
coupent toujours de toi à cette fille.
Je réfrène ma colère à cette remarque.
— Cette fille, dis-je en allant à la table, a un nom.
Je lève les yeux vers elle et ajoute :
— C’est Zara.
— Ouais, je sais. Je n’arrête pas de devoir la mentionner dans mes posts,
dit-elle.
J’attends qu’elle ait disposé toutes ses affaires. Elle a ouvert son
ordinateur portable et commencé à écrire sur le bloc-notes jaune devant
elle, quand elle relève soudain les yeux vers moi.
— Quoi ?
— Et si je t’aidais avec ça ? proposé-je. Quand ça a quelque chose à voir
avec Zara et moi, laisse-moi répondre.
— Tu n’as plus répondu à tes messages Twitter depuis que tu as ouvert
ton compte.
Elle recule contre le dossier de sa chaise et croise les bras sur sa poitrine.
— Ouais, sauf quand elle m’a proposé un rencard, là, j’ai répondu, lui
rappelé-je en prenant une gorgée de café. Ta réponse était méprisante et
impolie.
Elle hausse les épaules.
— Comment j’étais censée savoir que tu l’avais rencontrée ?
— Je l’ai rencontrée. C’est moi qui lui ai donné les billets.
La sonnette retentit.
— Cette conversation n’est pas terminée, la prévins-je.
Puis je me lève et me dirige vers la porte. Ce sont les costumes que j’ai
achetés à New York.
Je rentre dans la maison et vais chercher un couteau pour ouvrir les
cartons.
— Qu’est-ce que tu as acheté ? me demande-t-elle en tournant les yeux
vers moi.
— Deux costumes, réponds-je.
Je les sors et vois qu’il y a aussi un sac rempli de vêtements. Je le déballe
et découvre cinq jeans, des jeans très élégants, deux pulls et deux chemises.
Il y a aussi une enveloppe blanche avec mon nom dessus.
Evan
C’était un plaisir de travailler avec toi. J’ai vu ces vêtements et j’ai su
tout de suite qu’ils t’iraient bien.
Zara.
Je souris à l’idée qu’elle ait pensé à moi.
— Tu as déjà des costumes comme ceux-là accrochés dans ton placard,
remarque Candace, et ce pull, aussi.
Elle rit et ajoute :
— Je t’ai aussi acheté ce genre de jean pour Noël.
Je récupère les vêtements et les emporte dans ma chambre. Puis je prends
mon téléphone et lui envoie un message.
Evan : Douce Zara, il n’y a rien de plus agréable que de recevoir une
note gentille montrant que tu penses à moi.
J’appuie sur envoyer et emporte mon téléphone avec moi dans la cuisine.
— Elle fait du shopping pour toi, maintenant ?
— C’est quoi, le problème, exactement ? demandé-je, finalement. Qu’est-
ce qu’elle t’a fait, au juste ?
— Qu’est-ce qu’elle m’a fait ? Ce foutu tweet a fait exploser mon
téléphone. J’ai entendu dire qu’elle était immature et superficielle.
— Par qui ? lui demandé-je.
— Deux des épouses l’ont rencontrée.
Elle parle des femmes des joueurs. Elles se rassemblent toutes pour
trouver des idées de levée de fonds, et Candace a toujours fait partie de la
clique.
— Eh bien, moi, je l’ai rencontrée, elle n’est pas immature et elle est
parfaitement authentique.
Elle lève les yeux au ciel.
— Je ne vais pas me disputer avec toi pour une femme qui ne sera plus
qu’un lointain souvenir dans quatre mois, dit-elle en se rasseyant.
Maintenant, mettons-nous au travail. J’ai une réunion dans deux heures.
Je laisse couler pour l’instant, mais je sais que nous aurons de nouveau
cette conversation dans un futur proche. Durant les deux heures suivantes,
nous passons en revue les choses qu’elle veut que je fasse. Je fais une liste
de ce que je veux bien faire ou pas.
— La cérémonie de récompenses de la NHL a lieu fin juin, commence-t-
elle. Je vais réserver les chambres cette semaine. Maman et papa ont dit
qu’ils viendraient, et Chloé aussi.
— Cool, lui réponds-je.
Elle commence à remballer ses affaires.
— N’oublie pas que je pars vendredi et que je reviens la semaine suivante,
dit-elle. Je vérifierai ton compte le matin et le soir. Tu pourras te calmer un
peu avec les histoires de filles, s’il te plaît ?
— Je l’ai invitée à la soirée casino, lui apprends-je.
Elle se fige.
— Tu n’as pas fait ça, siffle-t-elle. Tu es cinglé ?
— Pourquoi ? répliqué-je. C’est une collecte de fonds. Et puis, elle n’a
pas dit qu’elle viendrait.
— Eh bien, espérons que ce ne sera pas le cas, lâche-t-elle avec un sourire
forcé. Si tu veux t’envoyer en l’air, appelle Tina, ou même Karina. Elle est
en ville et adorerait dîner avec toi.
Je repousse ma chaise de la table et elle crisse sur le sol.
— Assez, Cand.
Elle secoue la tête.
— Sers-toi un peu de ton cerveau, Evan, dit-elle, avant de sortir de la
maison en trombes.
Je lève la tête et ferme les yeux. Je compte jusqu’à dix, mais cela ne
m’aide pas vraiment. Ça m’énerve qu’elle se comporte comme ça et je n’ai
aucune idée de comment régler ça. Quand le téléphone sonne, je ne prends
même pas le temps de regarder de qui il s’agit.
— Quoi ? lancé-je sèchement en répondant.
— OK…
Dès que j’entends sa voix, je me sens plus calme.
— Et si tu me rappelais après… Ou pas. Ça me va aussi, marmonne-t-elle,
avant de raccrocher.
Je la rappelle aussitôt et elle répond :
— Oui, dit-elle, et je ne peux m’empêcher de rire.
— Je suis désolé. J’étais juste…
Je prends une profonde inspiration.
— Je n’ai pas regardé qui m’appelait.
— Tu n’as pas l’affichage du numéro ? me demande-t-elle, et j’entends
une portière claquer.
— Où es-tu ? lui demandé-je, lorsque j’entends des voitures klaxonner au
loin.
— Je viens d’arriver à mon hôtel, me répond-elle. J’appelais, en premier
lieu, pour te remercier de nouveau pour les fleurs. Et ensuite, pour te dire
que si tu veux retourner l’un des vêtements, tu peux le faire simplement en
utilisant mon nom. Il est enregistré.
— Tu n’étais pas obligée de m’envoyer tout ça, lui dis-je en allant
m’asseoir sur le canapé. Mais…
— Mais ? répète-t-elle. Je vais peut-être perdre le réseau. Je monte dans
l’ascenseur.
J’entends un « ding » et, comme prévu, l’appel coupe.
J’attends près du téléphone qu’elle me rappelle, ce qu’elle finit par faire.
— Désolée, dit-elle, essoufflée.
J’appuie sur le bouton FaceTime et entends le téléphone sonner.
— Tu essaies de m’appeler sur FaceTime ?
— Ouais, réponds-je.
Je baisse les yeux sur mon téléphone et vois le petit cercle tourner en
rond, puis elle apparaît. Son visage est face à l’écran, et un côté de ses
cheveux est coincé derrière son oreille. Elle ne porte aucun maquillage ou,
si c’est le cas, je ne le vois pas. Son sourire emplit tout l’écran.
— Salut, dit-elle doucement.
— Salut, réponds-je.
Soudain, j’ai envie de la voir.
— Il y a combien de kilomètres entre Chicago et Dallas ? demandé-je, et
elle rit.
— Je n’en ai aucune idée, répond-elle.
Elle s’assied sur son lit.
— Pourquoi ? ajoute-t-elle.
— Je me demande si je pourrais trouver un vol, expliqué-je en toute
sincérité.
— Tu es malade ? s’exclame-t-elle en riant. Tu ne peux pas venir ici
comme ça.
— Pourquoi pas ? Tu n’as pas envie de me voir ? plaisanté-je.
— Qu’est-ce que tu disais sur les vêtements ? me demande-t-elle.
— Oh, ça. J’ai vraiment aimé me dire que j’étais tellement présent dans
tes pensées que tu m’as acheté des vêtements.
Elle lève les yeux au ciel.
— À quel point c’était le chaos sur ton compte Twitter ?
Je hausse les épaules.
— Tu sais que je suis passée sur SportsCenter cinq fois, hier soir ? me dit-
elle.
Elle est couchée de côté, maintenant, et me regarde. Elle est si belle que
j’en ai le souffle coupé.
— Ma sœur m’a envoyé un message chaque fois qu’elle me voyait,
ajoute-t-elle.
— Ouais, je l’ai vu aussi, réponds-je. La question, maintenant, c’est de
savoir quel maillot tu porteras quand je viendrai en ville.
Elle pouffe de rire.
— Je ne porte pas de maillot, en général, réplique-t-elle, et je fronce les
sourcils.
— Tu as réfléchi à la soirée casino ? lui demandé-je.
— Oui, acquiesce-t-elle doucement. Tu penses que c’est une bonne idée ?
— Oui, confirmé-je sans une hésitation. Je pense que c’est la meilleure
idée que j’ai eue depuis très longtemps.
— OK, finit-elle par admettre. Je vais me réserver une chambre d’hôtel.
— Non, contré-je. J’ai trois chambres.
— Hum, hésite-t-elle. Je ne suis pas vraiment…
— OK, réserve une chambre d’hôtel, l’interromps-je.
Si c’est le seul moyen pour qu’elle vienne, alors elle peut avoir sa
chambre d’hôtel.
— J’attends un appel d’un client. Laisse-moi te rappeler, dit-elle.
Je lui adresse un hochement de tête et elle raccroche.
Je me lève du canapé et suis en train de chercher quelque chose à manger
quand mon téléphone sonne de nouveau. Je crois d’abord que c’est elle,
mais il s’agit en fait de ma mère.
— Salut, maman, dis-je, en décrochant tout en mettant un plat préparé au
micro-ondes.
— Evan, dit-elle d’un ton sec, je pensais à toi.
— Tu as vu les infos ? deviné-je avec un rire, persuadé que c’est le cas.
— Si tu me demandes si j’ai vu ton tir de pénalité d’hier soir, oui, répond-
elle. C’était un très joli tir.
Elle marque une pause, avant de remarquer :
— Elle est très belle.
Je ris.
— Tu as parlé à Candace ?
— Oui, répond-elle. Tout ça ne lui plaît pas beaucoup.
— Oui, eh bien, elle va devoir s’y habituer, répliqué-je.
— C’est juste que… commence-t-elle, avant de s’interrompre.
— Ouais, j’ai compris, maman. J’ai beaucoup de rencards. Je sais que je
suis sorti avec beaucoup de femmes. Mais… je l’aime bien.
— OK, dit-elle doucement, avant d’attendre que je continue.
— Je l’aime vraiment beaucoup, ajouté-je. C’est juste différent.
— Ta sœur ne veut pas que tu sois blessé, dit-elle dans un effort pour la
défendre.
— Moi non plus, réponds-je en levant les yeux. Mais j’ai envie
d’apprendre à la connaître.
— Dans ce cas, apprends à la connaître. Mais sois prudent.
— Je le serai, maman, lui assuré-je, avant de changer de sujet.
Nous parlons pendant environ dix minutes, puis je lui dis au revoir.
Je suis en train de nettoyer la cuisine quand le téléphone se remet à
sonner, et je me mets soudain à sourire. Elle ne fait pas que m’appeler : elle
me propose un FaceTime. Je soulève l’appareil, tout en nettoyant ma
vaisselle, et je vois son visage apparaître sur l’écran.
— Tu fais la vaisselle ? demande-t-elle.
Elle est assise au bureau et a levé son propre téléphone à la verticale.
— Oui. Je viens de finir de dîner, réponds-je.
— Je viens de commander au service d’étage. Qu’est-ce que tu as mangé
?
— Du poulet et des légumes.
— Tu as cuisiné ça toi-même ? s’étonne-t-elle, en haussant les sourcils.
— Non.
Je coupe l’eau et vais chercher un essuie-mains.
— Je me suis fait livrer. Qu’est-ce que tu as commandé ?
— Une salade de choux et du saumon grillé, dit-elle. Je vais à la salle de
sport demain matin, avant le boulot.
— Je dois être sur la glace à neuf heures. Nous avons deux matchs à
l’extérieur mardi et jeudi, mais ensuite je reviens directement pour jouer un
match vendredi.
— Où est-ce que tu vas ? m’interroge-t-elle.
— D’abord à Philly, ensuite à Boston.
— Oh, il faut absolument que tu manges un cheeseburger pour moi,
gémit-elle. Celui avec le Cheez Whiz.
Quand son repas arrive, elle ne raccroche pas. Au lieu de ça, elle mange
pendant que nous bavardons. Elle me raconte qu’elle a été virée du bus de
l’école quand elle avait six ans, parce qu’elle avait dit au chauffeur qu’il
était le plus gros crétin du monde. Ensuite, Zoé avait fait la même chose,
parce qu’elle faisait toujours comme Zara. Ses histoires me font mourir de
rire, et je l’apprécie encore plus. Elle aime farouchement sa famille et elle
se battra bec et ongles pour eux. Elle me rappelle Candace.
Quand elle dissimule son cinquième bâillement, je la regarde dans les
yeux.
— Comment as-tu fait pour devenir encore plus belle ? lui demandé-je,
alors qu’elle se couche dans le lit, illuminée par une faible lueur en arrière-
plan.
Elle baisse timidement les yeux à ces mots.
— Je ne suis pas belle, réplique-t-elle.
Sa voix est faible, presque comme si elle était embarrassée.
— Tu es tellement plus que ça, insisté-je.
Soudain, je regrette de ne pouvoir tendre la main, repousser ses cheveux
derrière son oreille et me pencher pour l’embrasser. Doucement.
— Je vais aller me coucher.
— Moi aussi, répond-elle. Fais de beaux rêves, Evan.
— Fais de beaux rêves, ma douce Zara.
Elle me regarde de nouveau avec ce sourire espiègle, avant de raccrocher.
J’éteins les lumières dans ma chambre et je m’endors avec son sourire à
l’esprit.
TREIZE

Zara

— Merci beaucoup, dit Kellie en me serrant contre elle quand la voiture


arrive pour m’emmener à l’aéroport.
Ces quatre jours ont été un vrai tourbillon d’activités, entre les essayages
et les changements de concepts. Nous avons contacté plusieurs couturiers
qui se sont mis en quatre pour concevoir les modèles dont elle avait besoin.
J’ai même récupéré un petit quelque chose au cas où j’irais à la soirée
casino avec Evan.
Tous les soirs, nous avons passé des heures et des heures au téléphone à
discuter. Il me fait rire avec les blagues les plus stupides. Il est aussi de loin
le type le plus sexy que j’aie jamais vu. Quand il était en déplacement et
qu’il m’a appelée en FaceTime, alors qu’il portait sa veste en cashmere
Burberry et son bonnet, je vous jure que de la bave a coulé au coin de la
bouche. Son menton mal rasé le rend encore plus canon. D’habitude, je suis
plus attirée par les hommes rasés de près, mais chez Evan, pour une raison
que j’ignore, ça fonctionne.
— Je veux que tu me promettes que tu iras à cette fête au casino, me dit
Kellie en me frottant le dos.
D’habitude, je ne parle jamais de ma vie privée, mais elle m’a vue sur
SportsCenter et elle m’a posé la question. Quand je lui ai raconté toute
l’histoire, elle était pliée en deux de rire.
— Même si je dois envoyer mon jet à L.A. pour te traîner à Dallas moi-
même.
Je ris et vais étreindre son mari, Brian.
— Je l’écouterais, si j’étais toi, dit-il, et je me contente de secouer la tête.
— Merci beaucoup à vous deux de m’avoir accueillie, leur dis-je en
regardant le chauffeur charger ma valise dans la voiture.
Je monte à l’arrière et envoie un message à ma sœur pour lui dire que je
suis sur le chemin du retour.
Je ne prends pas la peine de prévenir Evan, parce que je sais qu’il est
rentré à près de deux heures du matin, hier. Ils ont un match à domicile ce
soir, et ensuite, il repart pour deux autres matchs à l’extérieur. Je monte les
marches au petit trot et entre dans l’avion, adressant un sourire à l’hôtesse
de l’air, quand elle propose de prendre ma veste. Je la retire et la lui donne,
avant de m’avancer vers la table, sur laquelle se trouve une boîte blanche.
— On vous a livré ça il y a moins de deux minutes, explique-t-elle.
Je me retourne et retire le ruban noué. J’ouvre le carton et me mets à rire,
parce qu’il y a quatre cupcakes dedans. Avec une note sur le côté.
Une petite gourmandise sucrée pour ma douce Zara.
E.
Je secoue la tête et m’assieds sur le siège, avant de prendre la boîte en
photo pour la poster sur ma page Instagram.
Une petite gourmandise pour une douce Zara. Je ne le mentionne pas,
mais je sais qu’il le verra. Il passe son temps sur mon Instagram, ces
derniers jours. Il aime mes posts, il m’envoie des MP à propos de mes
photos… à toute heure du jour ou de la nuit. Probablement quand il est dans
le bus ou l’avion.
Ils ont tous l’air délicieux, mais je tends la main et en prends un au red
velvet, mon parfum préféré. Je mords dedans et je suis persuadée que c’est
le meilleur cupcake de toute ma vie. Le nappage au cream cheese est
fouetté, ce qui le rend encore plus léger.
Je suis en train de prendre ma deuxième bouchée quand je vois que Justin,
mon plus jeune frère, a commenté ma photo. J’ouvre l’application.
Personne ne t’a jamais appelée « douce » de TOUTE TA VIE.
Je ris et lui réponds.
Ça dépend juste pour qui.
Je clique sur son nom et je vois qu’il n’a posté qu’une seule photo, et je
sais que ce n’est qu’une façade. Il a un Instagram secret qui n’est pas fait
pour les membres de sa famille. Je sais aussi qu’il préfère Snapchat. Il aura
dix-huit ans dans deux mois, et à ce qu’on m’a dit, il est très doué sur la
glace, et ses activités en dehors de la patinoire lui ont valu le surnom de «
Stone, le sournois ».
Le vol passe plus vite que je m’y attendais et, d’ici à ce que j’aie fini de
lire mes e-mails et d’y répondre, l’hôtesse de l’air vient déjà m’ouvrir la
porte. Je sors et suis accueillie par Zoé, qui se tient près de sa voiture. Elle a
son téléphone à la main et ses doigts pianotent sur le clavier.
— Eh bien, eh bien, dis-je quand j’arrive à sa hauteur. Que me vaut cette
surprise ?
Elle lève les yeux et sourit.
— J’ai vu tes cupcakes sur Instagram.
Elle me fait un clin d’œil.
— Douce Zara, ajoute-t-elle en se moquant de mon surnom.
— J’en ai déjà mangé deux, lui apprends-je, et j’aimerais que ce soit un
mensonge. Le red velvet et le carrot cake.
— Oh, dit-elle.
Elle se retourne et ouvre la portière pour moi, avant de tendre les mains
pour récupérer la boîte blanche.
— Il reste quoi ?
— Du chocolat et de la vanille, je crois, réponds-je, en me déplaçant pour
qu’elle puisse monter à son tour.
— Beurk, c’est nul comme parfum.
Elle ouvre le contenant, avant de me fusiller du regard.
— Ce n’est pas drôle. C’est un cupcake au beurre de cacahuète Reese’s.
Elle sourit, puis le récupère dans la boîte avant de mordre dedans. Une
partie du nappage se retrouve sur son nez.
— C’est le meilleur truc que j’aie jamais mangé de toute ma vie, dit-elle
entre deux bouchées. C’est tellement bon.
— Ouais, l’autre est à la guimauve et au chocolat, lui dis-je.
C’est alors que mon téléphone bipe dans ma poche. C’est un message
d’Evan.
Evan : Ne regarde pas le match ce soir.
Je lève les yeux pour voir ce que fait Zoé ; elle est en train de mâcher le
cupcake, les yeux fermés.
Moi : Et pourquoi ça ?
Il répond aussitôt.
Evan : Parce que je vais être nul, et je ne veux pas que tu voies ça.
Moi : J’en doute.
Je ne lui dis pas que j’ai regardé tous les matchs qu’il a joués depuis ma
chambre d’hôtel. Je ne lui dis pas que je l’ai acclamé si fort quand il a
marqué un but, que la réception m’a appelée pour vérifier que tout allait
bien.
J’arrive chez moi et, quand j’entre dans la maison, je vois la montagne de
courrier que Zoé a récupérée pendant mon absence. Je porte la valise à
l’étage et lance une lessive. Zoé monte me rejoindre avec deux verres de
vin.
— À quelle heure est ton vol, demain ? demande-t-elle en m’en tendant
un.
— À midi, réponds-je. J’arrive à quatorze heures.
Je pose mon verre de vin et vais récupérer mon autre bagage.
— Tu restes là-bas combien de temps ? m’interroge-t-elle, en prenant son
téléphone et en se couchant sur mon lit.
— Je te jure, je croyais que je pourrais faire une petite pause après la fin
de la saison des cérémonies de récompenses, lancé-je.
Je regarde le placard et range mes affaires.
— Au lieu de ça, j’ai un planning encore plus chargé.
— Ils veulent tous acheter leurs vêtements chez La Garde-Robe de Zara,
me sourit-elle.
Durant les deux heures suivantes, je lui montre les différentes tenues que
je prends avec moi et elle en emporte deux chez elle pour « leur donner un
peu de piquant », comme elle dit. Alors que dix-neuf heures approchent, la
sonnette de la porte retentit. Nous échangeons un regard, avant de
descendre au rez-de-chaussée. L’homme à la porte tient deux pizzas à la
main.
— Une livraison pour Mlle Stone, dit-il.
Il me tend les deux boîtes, se retourne et s’éloigne.
— Je crois que ton mec essaie de se faire apprécier de toi. Tu connais le
dicton selon lequel, pour gagner le cœur d’un homme, il faut passer par son
estomac ?
Elle attrape l’une des boîtes et l’approche de son nez pour la humer.
— Je meurs de faim.
Elle entre dans le salon et j’allume la télévision, avant d’aller sur le guide.
Quand je vais sur la chaîne où est diffusé la partie, ma sœur gémit.
— Le moins qu’on puisse faire, c’est regarder son match de hockey.
Elle tourne la tête vers moi et me fusille des yeux.
— Il n’essaie pas de se faire apprécier de moi, remarque-t-elle.
Je monte le volume et je vois que le match a déjà commencé. Je prends
une part de pizza et observe l’écran. Finalement, à la troisième période, Zoé
se lève et s’étire.
— Je vais ramener la pizza chez moi, puisque tu pars demain.
Elle place les parts restantes dans la même boîte, puis jette un œil par-
dessus son épaule et me demande :
— Quand est-ce que tu seras chez toi ?
— Je ne sais pas, réponds-je sincèrement, avant de me lever. J’envisageais
d’aller à la soirée casino et de rester un jour ou deux.
Je garde les yeux fixés sur la télévision, dans un effort pour éviter son
regard.
Elle m’adresse un sourire.
— Vas-y et mets-le dans ton lit.
Je secoue la tête.
— Peut-être pas à ce point, mais je vais le voir.
— Est-ce qu’il sait ? me demande-t-elle, et je secoue la tête.
— Je veux lui faire la surprise, admets-je avec un sourire espiègle.
J’entends le présentateur prononcer son nom et, quand je lève les yeux, je
vois que l’adversaire a marqué un point.
— Quel affreux revirement de situation pour Richards, dit-il, alors que je
regarde le replay. C’est juste un horrible, horrible revirement.
On voit qu’il essaie de faire une passe à son coéquipier de ligne, que la
défense parvient à intercepter le palet et que l’autre équipe marque un point.
— C’est une erreur de débutant, et je ne crois pas qu’il soit près de la
refaire.
Le cameraman s’approche d’Evan, assis sur le banc. Il a les mains posées
devant lui et il regarde le ralenti de l’action sur l’écran. J’éteins la télévision
et raccompagne Zoé à la porte, avant de monter à l’étage.
Je ferme ma valise et prends mon téléphone. Je ne sais pas si je devrais lui
envoyer un message ou pas. Je le fais quand même.
Moi : Merci pour la pizza.
Assise sur le lit, j’attends sa réponse. J’essaie de ne pas être ébranlée
quand je vois qu’il ne me répond pas, même quand je suis certaine que le
match est terminé. Quand j’éteins finalement les lumières, il est plus d’une
heure du matin, et toujours rien.
Rien durant mon café du matin, rien alors que j’attends mon vol, et rien
quand je décolle. C’est comme s’il avait disparu de la circulation et ça me
déstabilise. Ou ça m’énerve. Je ne suis pas encore sûre. Je crois que je suis
surtout contrariée.
Alors que je suis debout à attendre que ma valise apparaisse, le téléphone
sonne enfin.
— Quoi ? lâché-je sèchement.
— Oh, là, répond-il en riant. Je suppose que tu n’as pas passé un bon vol.
— Le vol s’est très bien passé, répliqué-je.
Je ne change pas de ton, et je suis trop bornée pour m’écouter parler, alors
que je demande :
— Où étais-tu ?
— J’ai passé la journée chez T-mobile, explique-t-il. Je me suis un peu
énervé, après le match d’hier soir. Et, euh, il s’avère qu’un mur de béton est
carrément plus fort qu’un iPhone.
Quand il rit, tout mon ressentiment s’envole par la fenêtre. Je ne suis plus
en colère ou contrariée. Je suis triste de ne pas être là pour lui dire que ce
n’était qu’un match.
— C’est juste un match, dis-je doucement, tout le monde a de mauvais
matchs.
— Je sais ça, douce Zara, répond-il. C’est juste que… je n’étais pas
concentré sur le match, et j’aurais dû l’être.
— Eh bien, à quoi est-ce que tu pensais ? lui demandé-je.
Mon estomac se crispe et les battements de mon cœur accélèrent.
— Je songeais à cette douce femme aux cheveux blond vénitien et aux
yeux verts, qui a envahi toutes mes pensées, dit-il à voix basse, et je souris.
Elle m’a complètement ensorcelé et je ne sais pas quoi faire pour arranger
ça.
— Tu le lui as dit ?
Je repère ma valise, mais ne bouge pas.
— J’y songe, avoue-t-il. Mais j’ai peur qu’elle ne soit pas encore prête
pour ça.
— Oh, je ne sais pas, finis-je par dire.
Tout le stress de la journée me quitte d’un seul coup et j’ajoute :
— Je dois aller récupérer ma valise. Je te rappelle une fois arrivée à
l’hôtel.
— OK, douce Zara.
— Si j’étais toi, j’envisagerais de dire à cette fille ce que tu ressens,
plaisanté-je.
— Je vais garder ça à l’esprit, douce Zara.
Je raccroche au son de son rire.
Entre ses matchs à l’extérieur et mes clients dans des fuseaux horaires
différents, nous nous parlons peut-être deux fois. Nous échangeons
beaucoup de messages, et même si j’ai décidé d’aller à la soirée casino, que
j’ai même pris un billet et une réservation à l’hôtel, il ne m’en a plus
reparlé.
Je suis en train de fermer mon sac quand mon téléphone sonne. C’est lui.
— Allô, réponds-je.
Je tiens mon téléphone contre mon épaule pendant que je prépare mon
autre sac.
— Salut, dit-il, et je peux entendre la fatigue dans sa voix. Désolé de ne
pas avoir appelé plus tôt.
— Ce n’est rien, lui assuré-je-je en regardant le réveil. Il est dix heures du
matin, ici.
— Ouais, je suis vraiment impatient de ne plus avoir à voyager pendant
les huit jours à venir, m’avoue-t-il. À quelle heure est ton vol ?
Il ne me demande même pas si je viens ou pas.
— Onze heures. La voiture vient me chercher dans quinze minutes.
— Hum, fait-il, avant de marquer un silence. Tu as songé à venir me voir
?
— Oui, admets-je.
C’est alors que mon téléphone bipe, m’annonçant que mon chauffeur est
en bas, mais aussi qu’Evan essaie de lancer un FaceTime.
— Coucou, me salue-t-il quand mon visage emplit l’écran.
Je sais que je devrais sortir de ma chambre d’hôtel, mais je me contente
de le regarder.
— Coucou.
— Alors ?
Je l’observe, alors qu’il se tourne de côté dans son lit.
— J’atterris à seize heures, heure de chez toi, l’informé-je.
Il se redresse vivement sur son matelas, les yeux écarquillés et un sourire
énorme sur les lèvres. Toute trace de sommeil a disparu de ses traits.
— Tu viens à Dallas ? se réjouit-il.
Sa voix tremble tellement, que les chiens se mettent à aboyer et à sauter
sur le lit.
— Je viens à Dallas, acquiescé-je. Mais si je ne pars pas tout de suite, je
risque de manquer mon vol.
— Envoie-moi tous les détails par SMS, m’intime-t-il. Pourquoi tu es
assise ? Lève-toi, allez !
Je ris à ces mots et obéis. Une fois dans la voiture, je lui envoie tous les
détails par message. Il ne m’appelle pas avant le décollage et je n’ai aucun
message de lui non plus quand j’atterris. Je me lève de mon siège en
première classe et récupère ma veste en daim beige ainsi que mon sac à
main noir.
Je baisse les yeux sur ma tenue et me demande si elle est assez élégante,
assez sexy. Mon pantalon noir serré me va comme un gant, et je l’ai assorti
d’un T-shirt en soie blanc ample et au col en V, ainsi que de mes Louboutin
noires. Mes cheveux sont relâchés dans mon dos. Je sors de l’avion et suis
les panneaux pour récupérer mes bagages. Je traverse l’aéroport, tourne à
droite et grimpe sur l’escalator menant à la sortie et aux bagages.
À mi-chemin, je le vois. Il se tient là, en jean noir et T-shirt blanc. Ses
yeux scrutent l’escalator, et je les vois s’illuminer dès qu’il m’aperçoit. Je
rive mon regard au sien et, quand j’arrive enfin en bas, je m’avance vers lui.
Il a un bouquet à la main.
— Bienvenue, ma douce Zara, dit-il en me tendant les fleurs.
Je les prends et il se rapproche tellement que je peux sentir son parfum. Je
lève les yeux sur lui et attends qu’il m’embrasse enfin. Mon cœur bat fort,
mes paumes sont moites et mon estomac fait ce petit salto, alors que des
papillons volettent dedans. Je baisse les yeux sur les fleurs dans ma main,
avant de les relever sur lui. Il se rapproche alors et dépose un léger baiser
sur ma joue.
— Ma belle et douce Zara, murmure-t-il, et mon cœur se serre.
QUATORZE

Evan

Je laisse tomber mon sac et ne prends même pas la peine d’allumer les
lumières. Je sors les chiens et attends qu’ils reviennent, tout en ôtant mon
bonnet et ma veste. Quand les cabots grattent à la porte, je les laisse entrer
avant de verrouiller l’entrée.
Je me déshabille, amasse mes vêtements en tas au bout de mon lit et
gémis bruyamment en me glissant entre les draps, avant d’enfouir ma tête
dans l’oreiller. Je jette un œil au réveil : il est presque quatre heures du
matin.
Encore une fois, je me couche avec Zara à l’esprit. Je me couche en me
demandant si elle va venir à la soirée casino. Je me couche et elle me
manque. Cette semaine, alors que j’étais en déplacement et qu’elle
travaillait sur la côte Ouest, ça a été la galère pour essayer de rester en
contact, et j’étais plus que frustré. Je mets mon alarme à dix heures, pour
pouvoir l’appeler et savoir ce qu’elle fait. Demain, je trouverai le courage et
le cran de lui demander si elle va venir.
Chaque fois que son visage emplit l’écran, j’en ai le souffle coupé.
Chaque fois. Quand elle m’a dit qu’elle décollait bientôt, je lui ai enfin posé
la question que j’ai eu envie de lui demander toute la semaine, sans y
parvenir, parce que je ne voulais pas qu’elle pense que je lui mettais la
pression. Quand elle m’a dit qu’elle venait à Dallas et qu’elle atterrissait à
seize heures, j’ai failli perdre les pédales. J’étais si enthousiaste. Je suis
sorti du lit tout de suite et j’ai commencé à tout planifier.
Je suis allé dans la chambre d’amis et je me suis assuré que tout soit prêt
pour elle. Même si je ne suis pas sûr qu’elle va dormir ici, je veux que tout
soit parfait. La dernière personne qui a dormi dans cette chambre, c’était ma
mère, il y a deux mois. Le grand lit king size est au milieu de la pièce,
surmonté d’une tête de lit beige. La couette blanche est gonflée par six
oreillers alignés en deux rangées. Le plaid beige au bout du matelas repose
à moitié sur le banc juste devant.
Le lit fait face à deux fenêtres avec vue sur l’avant de la cour. J’entre dans
la salle de bains attenante et m’assure qu’il y a des serviettes propres. Je
suis tellement nerveux.
— Lilo, Stitch, appelé-je les chiens, quand quinze heures trente arrivent et
que je suis sur le point d’aller la chercher.
Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine.
— Je vais récupérer une amie, leur dis-je.
Ils s’asseyent tous les deux devant moi en agitant la queue.
— Souhaitez-moi bonne chance, ajouté-je, avant de prendre le bouquet de
roses que j’ai acheté un peu plus tôt.
Je monte dans la voiture et arrive en un temps record. Quand j’entre dans
la zone des bagages, mes paumes dégoulinent presque de sueur, tant je suis
anxieux. Mon cœur bat si vite et de manière si irrationnelle que je suis
surpris de ne pas faire de crise cardiaque. Je m’avance vers l’écran et
découvre que son avion vient tout juste d’atterrir. Je ne lui ai pas envoyé de
message pour lui dire que j’allais la récupérer. Je ne lui ai rien envoyé du
tout. Je parcours des yeux la zone de récupération des bagages et vois
environ sept personnes qui traînent dans le coin.
Debout devant l’escalator, je l’attends avec anxiété. Ma jambe se met à
trembler, tandis que je la cherche des yeux. Mes doigts tapotent les tiges des
roses que je tiens contre moi. Je repère ses chaussures avant tout le reste, et
lentement, comme si je déballais un cadeau magnifiquement emballé, elle
descend à mon niveau. Ses cheveux sont détachés et retombent dans son
dos, et je n’ai qu’une envie : enfouir mes mains dedans. Je me demande
s’ils sont aussi soyeux qu’ils en ont l’air. Je ne peux empêcher un sourire
d’étirer mes lèvres. Je ne peux empêcher mon cœur de s’emballer dans ma
poitrine, et je ne peux m’empêcher d’avoir la bouche sèche.
Nos regards se croisent et il n’existe plus personne à part elle. La pièce
pourrait être en feu que je n’aurais toujours d’yeux que pour elle. Je
m’approche lentement de l’escalator, sans jamais rompre le contact. Quand
elle en descend enfin et se retrouve devant moi, mon cœur, qui cognait à
tout rompre il y a une seconde, est désormais parfaitement calme. Je tends
la main pour lui donner les roses à longues tiges, et elle les voit finalement.
— Bienvenue, ma douce Zara.
Elle sourit timidement et prend les roses. Nos doigts se touchent et cela
provoque une nouvelle décharge, droit vers mon cœur. Elle baisse les yeux
sur les fleurs, avant de les relever vers moi, et soudain, je suis si proche
d’elle que je peux sentir son léger parfum d’agrumes. J’entends sa
respiration. Son regard croise de nouveau le mien et je n’ai qu’une seule
envie : l’embrasser.
Je me rapproche un peu plus, mais me réfrène. Je m’arrête, parce que, la
seule chose à laquelle je peux penser, c’est à la manière de me perdre dans
son baiser. Me perdre au point de la soulever dans mes bras et de partir sans
ses bagages. Au lieu de ça, je me penche et je suis certain d’entendre sa
respiration se bloquer un instant dans sa gorge, puis je l’embrasse
doucement sur la joue.
— Ma belle et douce Zara, lui murmuré-je.
J’ai envie de faire glisser mon nez contre sa joue et son cou, mais je m’en
empêche. Je plonge de nouveau mon regard dans le sien.
— Je n’arrive pas à croire que tu es ici, dis-je, et elle rit. Allons chercher
ton sac et partons d’ici.
Elle hoche la tête. Nous nous dirigeons vers le tapis roulant. Son sac est
déjà là.
— C’est le tien ? demandé-je en pointant le doigt vers la valise noire
Louis, avec une étiquette de priorité orange vif.
Elle acquiesce et je vais la récupérer avant de la faire rouler à côté de moi.
— Tu es prête ? l’interrogé-je, et elle opine de nouveau.
Nous nous dirigeons vers le parking souterrain et je la guide jusqu’à ma
BMW noire. Je déverrouille les portières et charge sa valise dans le coffre.
Elle reste à côté de moi tout du long. Je me retourne pour la regarder encore
une fois et je la vois frissonner.
— Tu as froid, douce Zara ? lui demandé-je, en lui frottant les bras de
haut en bas.
— Non, répond-elle à voix basse. Pas du tout.
Je souris de nouveau. J’ai l’impression d’être toujours en train de sourire,
face à elle. Je pose la main au bas de son dos et lui fais signe de marcher
devant moi. Quand nous arrivons devant la portière du côté passager, je
l’ouvre et attends qu’elle monte, avant de la claquer derrière elle. Lorsque
je prends le volant, elle est en train de tendre la main pour poser les fleurs
sur le siège arrière. Son T-shirt en soie blanche se moule contre sa poitrine
et j’ai un aperçu du soutien-gorge en satin qu’elle porte au-dessous. Mon
sexe se réveille soudain et je prends dix secondes complètes pour compter
dans ma tête avant de me retourner. Quand je le fais, heureusement, elle est
de nouveau assise bien droite, occupée à mettre sa ceinture.
— Alors, où est-ce que tu m’emmènes ? demande-t-elle, alors que je sors
de mon emplacement de parking.
— J’adorerais t’emmener chez moi pour te présenter à Lilo et Stitch, lui
réponds-je.
Elle les a déjà vus par FaceTime.
— Mais si tu n’es pas à l’aise avec ça, je comprendrai.
— Ça me va, répond-elle.
Je hoche la tête et prends la direction de chez moi.
— Tu vis ici depuis longtemps ? me demande-t-elle, en regardant par la
vitre.
— Depuis un an, mais avec mon contrat qui sera bientôt à renouveler, je
ne sais pas combien de temps encore je vais vivre ici.
Elle tourne la tête vers moi et appuie son dos contre la portière.
— Tu crois qu’ils pourraient ne pas le renouveler ?
— Oh, ils veulent que je signe le contrat immédiatement, lui avoué-je,
révélant une information que personne ne sait vraiment, mis à part mon
agent et moi. Mais je ne suis pas encore prêt.
— Je pense que tu devrais attendre, acquiesce-t-elle. Histoire de voir
comment tu finiras la saison.
Je ris à ces mots.
— Pour les journalistes, tu es le meilleur buteur de la ligue. Tu as un
excellent trucmuche, et tu es aussi bien placé aux classements des minutes
jouées.
— Trucmuche ? répété-je, et elle lève les yeux au ciel.
— C’est le mieux que je puisse faire, quand il s’agit de parler de sport,
répond-elle.
Je hoche la tête et continue de regarder par la fenêtre. Quand nous
arrivons finalement chez moi, j’éteins le moteur et je la vois tendre la main
vers la poignée.
— N’y pense même pas, lui lancé-je.
Puis je sors de la voiture, vais de son côté et lui ouvre la portière. Puis je
fais de même avec celle à l’arrière pour qu’elle puisse récupérer son sac à
main et ses fleurs. J’attends qu’elle ait tout pris, avant de fermer la portière
et de me diriger vers le coffre pour m’occuper de son bagage. Je fais rouler
la valise à côté de moi jusqu’à la porte d’entrée ; j’entends déjà les
aboiements.
— Ils sont tout aussi excités que moi de te voir ici, lui dis-je, et elle cogne
son épaule contre la mienne.
— C’est une remarque très délicate, M. Richards, rit-elle.
Elle tient son sac à main d’un côté et ses fleurs de l’autre, tandis que
j’ouvre la porte d’entrée.
— Assis, ordonné-je aux chiens, et ils obéissent.
Postés côte à côte, ils font claquer leur queue contre le sol en voyant qu’il
y a quelqu’un avec moi. Je me place devant elle au cas où ils lui sauteraient
dessus, mais ils ne bougent pas. Après avoir fermé la porte derrière elle, je
la laisse et m’approche des chiens, que je prends par le col.
— Voici Lilo, dis-je en lui caressant la tête. Et voici Stitch.
Je m’attendais à ce qu’elle reste où elle est et qu’elle leur dise bonjour ; ce
à quoi je ne m’attendais pas du tout, c’est à la voir poser son sac à main et
ses fleurs avant de s’approcher et de s’accroupir pour les caresser.
— Vous êtes les deux chiens les plus mignons du monde, n’est-ce pas ?
Après ça, rien ne va plus. Lilo lève la tête vers elle et lui lèche le visage,
tandis que Stitch essaie de se presser contre ses seins.
— OK, assez, dis-je, en entrant dans la maison. Dehors !
Ils obéissent et foncent tous deux dans la cour.
— Désolé, dis-je en la rejoignant. Laisse-moi te faire visiter.
Je la fais passer de pièce en pièce et lui montre tout, l’emmenant même à
l’étage pour lui montrer les deux autres chambres d’ami, la salle multimédia
et la salle de jeux.
— Mes nièces et mes neveux seraient carrément dingues dans cette pièce,
remarque-t-elle.
Je la ramène au rez-de-chaussée et lui montre la chambre d’amis, où
j’espère qu’elle dormira. Elle voit le gros vase de roses blanches sur la table
de chevet.
— C’est ici que dort ma mère quand elle passe me voir, expliqué-je. Je ne
savais pas si tu avais une réservation à l’hôtel.
Elle entre dans la pièce et hume les fleurs sur la table, avant d’aller
s’asseoir sur le lit.
— En fait, j’ai pris une chambre, oui, me dit-elle.
Puis elle retire ses chaussures et croise les jambes. Ses ongles de pieds
sont recouverts d’un vernis rose vif.
— J’ai réservé jusqu’à mardi.
Je m’appuie contre le chambranle, les mains croisées derrière mon dos
pour ne rien faire de stupide, comme l’attraper, l’étendre sur le lit et me
perdre en elle.
— Ça fait presque quatre jours.
— Ouais, répond-elle.
Son estomac gargouille et elle rit.
— J’imagine que je dois avoir faim.
— Qu’est-ce que tu as envie de manger ? lui demandé-je.
J’ai tellement peur de faire ou de dire quelque chose qui la fera fuir.
— Je suis prêt à te commander tout ce que tu veux, douce Zara.
Elle se lève, s’avance et s’arrête juste devant moi. Elle lève les mains vers
mon torse et je retiens ma respiration.
— Qu’est-ce que tu préfères, toi ? demande-t-elle.
C’est à mon tour de lui adresser un sourire espiègle.
— Je parle de nourriture, précise-t-elle en riant, sans ôter ses mains.
— Zara, murmuré-je en regardant ses mains sur mon torse. J’essaie de ne
rien faire qui risquerait de te faire fuir. J’essaie de faire en sorte que tu te
sentes à l’aise, ici, au point de ne pas vouloir aller à l’hôtel. Je fais tout ce
que je peux, là.
J’émets un sifflement, quand elle se rapproche d’un pas.
— Evan, dit-elle dans un murmure. Je n’irai nulle part.
Je lève les mains et les pose sur ses hanches.
— Je ne peux pas t’embrasser maintenant, lui avoué-je en toute honnêteté,
et elle a l’air presque triste. Je ne peux pas t’embrasser maintenant, parce
que je n’arriverai pas à m’arrêter.
J’effleure ses cheveux de mes mains, les enroule autour de mon doigt et
songe qu’ils sont plus doux que la soie.
— Je dois te nourrir.
Je regarde au fond de ses yeux verts et je vois qu’elle observe chacun de
mes mouvements.
— Je dois laisser rentrer les chiens, et ensuite, murmuré-je, ensuite, je
t’embrasserai, douce Zara.
Son regard se voile quand je prononce ces derniers mots.
— Après ça, la maison pourra bien s’écrouler autour de nous, les chiens
pourront manger le canapé et la fin du monde pourra arriver, la seule chose
que je ferai, ce sera t’embrasser.
— Je n’ai pas si faim que ça, remarque-t-elle, et je ris. Je peux manger
plus tard.
— Tu veux bien rester ici ? lui demandé-je, alors que les chiens se mettent
à aboyer. Chez moi ?
— Tu me promets que tu vas m’embrasser ? m’interroge-t-elle en tapotant
son index contre mon torse.
— Oui, réponds-je doucement.
— Alors oui, dit-elle. Je vais rester chez toi.
Elle a prononcé ces derniers mots dans un murmure.
— Maintenant, nourris-moi, pour qu’on puisse mettre ce baiser en route.
Sans avertissement, je rejette la tête en arrière et éclate de rire.
QUINZE

Zara

Je n’ai jamais eu autant envie de quelque chose que d’être embrassée par
Evan. J’adore le fait qu’il s’efforce de ne pas précipiter les choses et j’adore
sa façon de presque marcher sur des œufs avec moi. Mais je suis ici. Je suis
ici pour lui, et lui seul.
— Il est temps de te nourrir, dit-il, en laissant retomber la mèche de
cheveux qu’il était en train de triturer entre ses doigts.
Il me prend la main et m’emmène dans la cuisine. Je traverse sa maison
et, honnêtement, c’est une vraie garçonnière. Il entre dans le salon, traverse
un couloir et ferme la barrière qui s’y trouve.
— C’est ma chambre, explique-t-il, et je souris.
— Tu ne me l’as pas montrée, le taquiné-je.
Il s’avance jusqu’à la porte de derrière, où les chiens aboient comme des
fous.
— C’est la deuxième partie de la visite, rit-il, avant de passer derrière le
comptoir de sa cuisine.
La seule touche qui montre qu’il vit ici, c’est l’autre bouquet de fleurs
roses. Je veux dire, ne vous méprenez pas, il a tout ce dont il a besoin ici,
mais ce n’est pas un foyer. Il n’y a aucune touche personnelle accrochée au
frigo ; pas de courrier posé sur le comptoir. Pas de fleurs sur le bord de la
fenêtre au-dessus de l’évier. Il ouvre un tiroir à côté du frigo et dépose
quelques menus à apporter sur le comptoir.
— De quoi tu as envie ?
Je le regarde et je fais le plus grand premier pas que j’aie jamais fait de
ma vie. Je n’ai jamais couru après un garçon. Je n’ai jamais eu envie
d’embrasser un homme à ce point, jusqu’alors. Je me moquais souvent de
mes parents, parce qu’ils s’embrassaient tout le temps, mais je comprends,
maintenant. Le besoin de toucher l’autre, le désir de le sentir vous toucher.
Je contourne le comptoir et me place à ses côtés. Mes doigts effleurent les
siens, alors que je joue avec les menus. Sans même les regarder. Si vous me
demandiez de quel genre de menus il s’agit, la seule chose que je pourrais
dire, c’est qu’il s’agissait de nourriture. En général.
— Je ne sais pas.
Je fais semblant de les parcourir et enroule mon petit doigt autour du sien
quand nos mains sont côte à côte. Je ralentis mon mouvement une fois que
nous nous touchons. Mon estomac est agité d’un soubresaut, chaque fois
qu’il m’effleure. Il baisse les yeux sur nos doigts, lorsque je déplace de
nouveau la mienne pour attraper l’autre. Je pose ma paume à côté de la
sienne, et c’est à son tour de tendre les doigts vers elle. Il me caresse la
main du petit doigt, et je ne vois même pas les mots sur le menu.
Je laisse tomber le document sur le bar et me tourne vers lui. Il me regarde
et se met dos au comptoir. Finalement, je me place juste devant lui et il
plonge les yeux dans les miens.
— Cette dernière semaine, la seule chose qui me faisait avancer, c’était de
savoir que j’allais venir te voir, lui dis-je doucement. Nos différences de
fuseau horaire complètement dingues, sans parler de nos emplois du temps
professionnels.
Je place l’une de mes mains sur son torse et ouvre la paume à plat pour
sentir son cœur battre.
— Je savais qu’à partir de vendredi, je serais avec toi.
Je prends une profonde inspiration et j’aurais vraiment aimé boire
quelques shots de tequila avant de faire ça.
— Je me fichais d’où j’allais dormir, je me fichais de ce que j’allais
porter. La seule chose dont je me souciais, c’était de te voir, avoué-je,
prononçant les derniers mots, presque dans un murmure. La seule chose
dont j’avais envie, c’était de t’embrasser. Que tu m’embrasses.
Ma main remonte le long de son torse et caresse lentement son visage. Je
me penche légèrement en avant et il baisse la tête, alors que ses yeux verts
deviennent presque noirs. Je plonge le bout de mes doigts dans sa barbe de
trois jours et ignore la sensation de picotement. Il se penche en avant et nos
nez se touchent, quand il appuie son front contre le mien.
— Douce Zara, dit-il, et je peux sentir son souffle chaud sur ma peau.
L’une de ses mains se pose sur ma hanche pour m’attirer plus près, tandis
que l’autre se porte à mon cou. La chaleur de sa paume me fait frissonner et
je sais qu’il va m’embrasser. Je patiente, tandis qu’il me fait lever le visage
vers lui, puis le moment que j’ai attendu toute ma vie arrive. Ses lèvres
touchent doucement les miennes, sa lèvre inférieure se pressant contre ma
lèvre supérieure, alors qu’il s’efforce de ne pas précipiter les choses. Je lève
mon autre main et la referme autour de ses épaules, me mettant sur la pointe
des pieds devant lui. Enfin, sa bouche se presse contre la mienne. Je crois
que je soupire, alors que mes yeux se ferment, et sa langue s’avance
lentement dans ma bouche. Il ne retire pas ses mains de ma hanche ou de
mon cou lorsqu’il émet un grognement. Sa langue s’enroule lentement
autour de la mienne et le baiser est si lent que je peux le savourer.
Je me souviendrai de ce baiser toute ma vie. C’est celui dont j’ai toujours
espéré ; celui dont mes sœurs me parlaient et que je n’avais jamais connu,
celui que toutes les petites filles rêvent de connaître. Et même si j’avais
envie de leur en parler, aucun mot ne pourrait jamais rendre justice à ce
baiser. Je déplace lentement ma tête d’un côté et de l’autre, espérant
approfondir le baiser et profiter de lui au maximum. Il relâche mes lèvres,
quand nous sommes tous deux tellement à bout de souffle qu’on ne peut
plus respirer. Nos poitrines se soulèvent avec force. Il me lâche la hanche,
mais uniquement pour repousser les cheveux de devant mon visage.
Puis il prend ma joue en coupe dans sa main.
— C’est fichu, dit-il doucement.
Il se penche de nouveau et m’embrasse tendrement. Ses baisers sont si
doux.
— Si je ne m’éloigne pas de toi tout de suite, personne ne mangera.
Mes doigts jouent avec les cheveux sur sa nuque.
— Ce plan me convient très bien.
Je l’embrasse encore et sa main glisse jusqu’à mon dos, le caresse et se
perd dans mes cheveux. Mon estomac a d’autres projets, cependant, et
choisit ce moment pour gargouiller.
— Je vais tuer mon estomac, je ne plaisante pas, dis-je entre deux baisers.
Mes yeux demeurent fermés.
— Ma douce Zara, dit-il avec un petit rire.
J’ouvre les yeux pour le voir. La douceur de son visage me pousse à me
pencher en avant pour embrasser mon menton.
— Et si tu faisais sortir les chiens pendant que je nous commande à
manger ?
— Même si je dis non, mon estomac dira oui.
Je le relâche avec réticence et, quand je me retourne, je vois les deux
chiens assis près de ses pieds.
— Vous voulez sortir avec moi, les gars ? leur proposé-je.
Stitch se lève en premier et se met à tourner en rond en agitant la queue.
— Allons-y, lancé-je, avant de me retourner et de me diriger vers la porte.
Je l’ouvre et les laisse passer devant moi. Je regarde par-dessus mon
épaule et Evan est là, les yeux fixés sur moi.
— Commande à manger, pour qu’on puisse reprendre ces embrassades.
Il secoue la tête avec un sourire.
— On se dépêche, ajouté-je en claquant dans mes mains, avant de sortir
sur sa terrasse en ciment.
Sa cour est immense et les chiens courent au loin. Je me dirige vers le
hamac suspendu tout au bord de la terrasse couverte et m’y assieds
confortablement, sans ôter mes pieds du sol. Je me laisse aller en arrière
dans le hamac et regarde les chiens se courir après. Ma main effleure mes
lèvres, où la sensation de son baiser s’attarde encore.
— La nourriture devrait être là dans vingt minutes, dit-il derrière moi.
Les chiens se précipitent vers lui à toute vitesse. Il récupère leurs bols
argentés et les remplit d’eau.
— Tenez, dit-il, avant de lever les yeux vers moi. J’espère que tu aimes la
nourriture mexicaine.
— Oui.
Je me retourne sur le hamac pour le regarder.
— Parfait, parce que c’était ce qui prenait le moins de temps à être livré.
Il se rapproche, se penche en avant et embrasse doucement mes lèvres. Il
ne met pas la langue, c’est juste un baiser, juste comme ça. Il reste près du
hamac et les chiens viennent nous rejoindre une fois qu’ils ont fini de boire.
Je me lève, uniquement pour pouvoir lui tenir la main. Une fois ma paume
contre la sienne, il porte ma main à ses lèvres. Nous ne disons rien et, quand
son téléphone sonne dans sa poche, il m’annonce que la nourriture est
arrivée.
Je retourne dans la maison, me lave les mains et me rends dans la cuisine
pour y chercher des assiettes. Je finis par les trouver et les amène à la table
au moment même où il revient avec les gros sacs.
— Tu as commandé quelle quantité de nourriture ?
— Je ne savais pas ce que tu mangeais, alors je lui ai demandé d’apporter
un peu de tout, répond-il.
Il sort la nourriture, pendant que je pars à la recherche de couverts. Je
récupère aussi deux bouteilles d’eau dans le frigo.
— Ça sent trop bon, lui dis-je en m’asseyant et en voyant qu’il a ouvert
toutes les boîtes.
— Il y a des tacos au poulet, dit-il en me les montrant du doigt. Des tacos
au poisson…
Je l’écoute m’énumérer les différents plats qu’il a commandés, pendant
que je récupère une chips et la plonge dans le queso.
— Je n’écoute rien de ce que tu dis, lui avoué-je, et il rit.
Il s’assied devant moi.
— C’est le premier repas que nous prenons seul à seule, continué-je en
prenant un taco aux crevettes.
— C’est vrai, répond-il.
Il prend un taco et le recouvre de guacamole.
— Alors, qu’est-ce qu’on va dire à tout le monde, demain ? lui demandé-
je.
Il me regarde, sourcils froncés.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Je veux dire que les gens vont nous demander si on est ensemble,
réponds-je. Le monde entier est au courant. Et maintenant on a dépassé la
première étape embarrassante du baiser.
— Il n’y avait rien d’embarrassant dans notre premier baiser, réplique-t-il.
Si tu veux, je peux te le prouver tout de suite.
J’éclate de rire.
— Calme-toi, cow-boy. Je ne dis pas que ce n’était pas un bon baiser.
Je le taquine et il se contente de me fusiller du regard.
— C’était mieux que bon. Ce que je veux dire, c’est qu’il va y avoir des
gens, sûrement des représentants de la presse, alors qu’est-ce que tu crois
qu’on devrait leur dire ?
— Je me fiche de ce qu’on leur dit, ou qu’on leur dise quoi que ce soit,
répond-il entre deux bouchées. On fera comme tu veux.
— On pourrait minimiser les choses en expliquant que je rends visite à un
ami.
Il hausse un sourcil.
— Seigneur, du calme, lancé-je. Tu dois dompter tes hormones
masculines, s’il te plaît, et m’écouter.
— Je ne suis pas sûr d’avoir envie d’entendre ce que tu veux me dire.
— Je dis juste qu’on n’a pas besoin d’entrer là-dedans et de se mettre à
jouer au hockey avec nos langues, pendant que tout le monde nous prend en
photo. On peut arriver et expliquer que je suis de passage dans le coin, et
que j’ai décidé de passer te voir.
Il se met à rire.
— Jouer au hockey avec nos langues, répète-t-il entre deux rires, et je
secoue la tête. Douce, douce Zara.
— Oh, bon Dieu, lâché-je, agacée. Est-ce qu’on peut garder profil bas
jusqu’à ce que j’aie pu en parler à ma famille ? Je veux dire, on a passé
deux jours ensemble, tout au plus.
— Ça fait deux semaines, rétorque-t-il.
— Je veux dire qu’on a passé deux jours ensemble. Pas qu’on se connaît
depuis ce temps, précisé-je.
— Je ne vais pas cacher le fait que tu es à moi, dit-il, en me regardant
droit dans les yeux.
— Premièrement, je suis une personne indépendante, répliqué-je.
Deuxièmement, on ne cache rien du tout. On est discrets, c’est tout.
Je prends une autre chips et la plonge dans la sauce, en attendant qu’il
réponde.
— C’est toi qui m’as embrassé, remarque-t-il. Tu m’as embrassé. Tu t’es
donnée à moi par ce geste.
— Oh, pour l’amour du ciel, m’exclamé-je, les yeux levés au plafond.
C’est quoi, le problème avec les joueurs de hockey ?
J’entends sa chaise crisser et le regarde s’avancer vers moi, puis repousser
ma chaise.
— Tu as fini de manger ? me demande-t-il, les yeux rivés sur les miens.
— Quoi ? murmuré-je.
— Est-ce que tu as fini de manger ? répète-t-il, et je hoche la tête.
Il se penche et me soulève littéralement dans ses bras, avant de me jeter
sur son épaule.
— Qu’est-ce que tu fiches ?! m’exclamé-je.
Les chiens deviennent complètement fous, croyant qu’il s’agit d’un jeu.
— Je vais te montrer ma chambre, et ensuite, je vais te montrer que tu es à
moi, répond-il.
Puis il ouvre la barrière et la referme derrière lui.
— Allez vous coucher, ordonne-t-il aux chiens.
Je lève les yeux vers eux et les vois assis là, à nous regarder.
— Tu veux bien me reposer ? lui demandé-je.
Il me remet lentement sur mes pieds.
— Tu as perdu la tête ? soufflé-je d’un ton mécontent.
— Lorsqu’il s’agit de toi, ma douce Zara, je perds complètement les
pédales, me dit-il à voix basse, en repoussant mes cheveux de devant mon
visage. La seule chose à laquelle je peux songer, c’est combien de temps je
pourrais te garder pour moi tout seul.
Je passe mes mains dans ses cheveux.
— Tu m’as tout à toi jusqu’à mardi.
— Eh bien, ça devrait me laisser le temps de te prouver que tu es à moi,
répond-il.
Il penche la tête au moment même où j’incline la mienne vers le haut.
Quand nos lèvres se pressent l’une contre l’autre, ce baiser est différent du
précédent. Celui-ci est tout en mains ; la mienne dans ses cheveux, la sienne
enfouie dans les miens, tandis qu’il déplace ma tête d’un côté et de l’autre
pour approfondir le baiser. Il relâche mes lèvres et je suis certaine d’oublier
tout quand il me touche.
— Je ne t’ai pas amenée ici pour autre chose qu’un baiser.
— Juste un baiser, acquiescé-je. Juste un baiser.
J’embrasse ses lèvres et l’un des chiens aboie.
— Ça va aller, pour eux ?
Il se retourne et s’avance vers la porte, ce qui me donne enfin l’occasion
d’examiner sa chambre. Son lit king size est très masculin. Les couvertures
lui donnent un côté intime, mais on sent que cette chambre appartient à un
célibataire. Je me retourne pour regarder par la fenêtre et je vois les chiens
courir dans la cour, avant de les entendre revenir. Je me tourne vers lui.
— Tu veux sortir avec eux ?
— On n’est pas obligés, répond-il en entrant dans la chambre. Tu veux te
changer ?
— En fait, j’aimerais beaucoup prendre une douche, réponds-je.
Je baisse les yeux et vois qu’il est déjà presque neuf heures.
— OK, laisse-moi te montrer ta chambre.
Il me prend la main et m’y conduit, attrapant mon sac au passage.
— Il y a des serviettes propres, dit-il.
Puis il capture mon visage dans sa main et m’embrasse de nouveau.
— Envoie-moi un message quand tu seras sortie, demande-t-il, avant de
se retourner pour partir. Ou bien tu peux venir me retrouver sur le canapé.
Il ferme la porte derrière lui et je dois m’asseoir pour permettre à mon
cœur de se calmer, avant de me relever pour aller prendre une douche.
SEIZE

Evan

Je ferme doucement la porte derrière moi et retourne dans ma chambre


pour m’asseoir sur mon lit. J’ai encore son odeur sur mes mains. J’ai déjà
embrassé des filles, mais jamais cela ne m’a ébranlé autant, que lorsque j’ai
enfin pu embrasser Zara. C’était un moment exceptionnel, hors du commun
et aussi puissant qu’un coup de poing dans les tripes.
Mon cœur accélère quand je l’imagine sous la douche. Je me lève et
déboutonne mon pantalon avant que mon sexe ne soit étranglé. J’allume ma
propre douche et la visualise dans la sienne ; je n’ai d’autre choix que de
prendre mon sexe dans mon poing pour me soulager. Quand je sors, je vous
jure que mon érection n’est toujours pas passée. J’enfile mon caleçon, puis
mon short de sport, en prenant mon temps, espérant qu’elle ne remarquera
pas ma gaule à moitié dressée. Je me passe les mains dans les cheveux, puis
je vais au salon et me fige net. Elle est assise sur le canapé, vêtue d’un haut
gris et d’un pantalon, les cheveux attachés sur la tête, mais ce n’est pas ce
qui me fait m’immobiliser. C’est le fait que Lilo soit installée d’un côté
d’elle et Stitch de l’autre, et qu’elle a les pieds coincés sous elle.
— Qu’est-ce que vous avez envie de regarder, les gars ? leur demande-t-
elle.
Lilo pose sa tête sur ses jambes, elle tient la télécommande d’une main,
tout en la caressant de l’autre. Elle doit sentir que je la regarde, parce
qu’elle lève les yeux, et les chiens ne bougent même pas.
— Coucou, sourit-elle. Ils sont autorisés à monter sur le divan ?
— Ouais, réponds-je.
Je me dirige vers le canapé et m’assieds à côté de l’animal. Beaucoup plus
loin d’elle que je le voudrais.
— Je ne connais aucune des chaînes, remarque-t-elle.
Elle me tend la télécommande et j’en profite pour l’attirer sur moi. Je la
soulève par-dessus le chien et la fais asseoir sur mes genoux. Ce n’était
peut-être pas mon geste le plus délicat, et je manque même de la faire
tomber par terre. Les toutous croient que c’est un jeu et se précipitent vers
nous, faisant glisser ses fesses de mes genoux. Ils lui grimpent dessus, mais
elle ne fait pas ce à quoi je m’attendais ; hurler et crier. Au lieu de ça, elle
lâche un gros éclat de rire quand ils lui lèchent le visage.
— À terre, leur ordonné-je, et ils sautent au sol pour venir s’asseoir juste à
côté d’elle.
Elle se tourne sur le flanc et seuls ses pieds sont encore sur mes genoux.
— Je suis censée n’embrasser que votre maître, leur murmure-t-elle. Je
suis à lui.
Elle tourne la tête vers moi et il ne me faut qu’une seconde pour la
recouvrir de mon corps. Je ne m’attendais cependant pas à ce qu’elle ouvre
les jambes pour moi et les enroule autour de ma taille, tout en levant les
mains au-dessus de sa tête. J’entrelace nos doigts et baisse ma bouche face
à la sienne. Je l’ai goûtée il n’y a pas si longtemps, mais cette nouvelle
occasion de le faire me tire un grognement. Je m’appuie sur les coudes au-
dessus d’elle et elle arque le dos vers moi. Je la lâche et m’agenouille sur le
canapé entre ses jambes. Son T-shirt se soulève, j’aperçois son ventre lisse
et baisse les yeux, fasciné. Je le caresse lentement du pouce. Sa peau est
soyeuse, douce et chaude, et je suis en transe.
J’ai envie de remonter un peu plus son T-shirt pour caresser sa peau.
— Ça chatouille, finit-elle par dire, à bout de souffle.
— Je crois qu’on devrait aller au lit, proposé-je, en descendant du canapé.
Elle se redresse sur les coudes et me regarde, les joues rouges et les lèvres
enflées à force d’avoir été embrassées.
— Est-ce qu’on va au lit ensemble ? me demande-t-elle, et je dois faire un
gros effort pour lui répondre.
— Non, dis-je en secouant la tête. J’ai dit que je voulais que tu dormes ici,
mais je ne vais pas te pousser à coucher avec moi.
— Tu ne pourras me forcer à rien du tout, réplique-t-elle, en descendant
du canapé. Mais si tu ne veux pas coucher avec moi, ce n’est pas grave.
Elle m’adresse un sourire narquois.
— Je vais laisser passer ça sans rien dire, réponds-je, parce que je ne crois
pas que tu sois prête à m’entendre te dire à quel point j’ai envie de toi.
Son regard se voile, alors que je continue :
— Je ne crois pas que tu sois prête à ce que je t’emmène dans mon lit,
parce que quand je te mettrai enfin dans ce lit…
Je m’avance vers elle, lui prends le menton et incline sa tête en arrière.
— On va y rester un bon moment.
— Un bon moment, hein ?
Elle sourit, et je dépose un léger baiser sur ses lèvres.
— Très bien, je vais dans ma chambre.
Elle se retourne et je l’observe onduler des hanches.
— Si tu changes d’avis, tu sais où me trouver.
Elle jette un œil par-dessus son épaule et ajoute :
— Je devrais t’avertir que je dors toute nue.
Je serre les poings et elle se contente de rire.
— Bonne nuit, Zara, dis-je entre mes dents serrées.
Je la regarde se diriger vers la chambre, en me saluant de la main. Puis je
relève la tête et me retourne pour rejoindre la mienne.
— Ça va être drôle, me dis-je d’un ton sarcastique.
Je repousse les couvertures du lit et me glisse sous les draps, avant
d’attraper mon téléphone.
Je lui envoie un message.
Moi : Tout va bien ?
Elle répond aussitôt.
Zara : Ce lit est si confortable.
Moi : Je suis là si tu as besoin de quoi que ce soit.
Je lui envoie le message et espère qu’elle ne me provoquera pas.
Zara : J’ai besoin de quelqu’un pour me border. ;)
Moi : Je retire ce que j’ai dit : tu n’es pas douce.
J’envoie ma réponse en souriant. Elle est bien plus que ça.
Zara : AH AH AH.
J’allume ma télévision et parcours les chaînes ; je ne sais même pas ce qui
peut passer à cette heure. Je m’arrête sur SportsCenter et observe les temps
forts des matchs de ce soir. Je tombe sur ceux du match de New York.
Je me fiche de ce que tout le monde dit ; Max et Matthew ont la meilleure
alchimie possible sur la glace, et rien qu’à les voir jouer, on se demande
pourquoi ils ont pris la décision de partir à la retraite, mais bon, ils ont tous
les deux gagné plus d’une bague de la coupe Stanley, alors pourquoi pas.
Mieux vaut partir tant qu’on est au sommet, c’est ce que je dis toujours. Je
traîne devant SportsCenter pendant trente minutes de plus, puis je réalise
que les chiens ne sont pas dans mon lit. Je sors de sous les draps et regarde
sur le canapé ; ils n’y sont pas non plus.
La porte qui donne sur l’arrière de la maison n’est pas ouverte, je me
dirige donc vers l’entrée, et je m’aperçois que celle de sa chambre est
ouverte. Plus important encore, elle est assise sur le lit à regarder la
télévision avec les deux chiens sur les draps.
— Qu’est-ce qui se passe, ici ? demandé-je, debout sur le seuil.
— J’étais assise sur le lit et j’ai entendu des reniflements à la porte.
Quand je suis allée l’ouvrir, elle était couchée devant, explique-t-elle en
caressant la tête de Lilo. Ensuite, je suis revenue sur le lit et elle m’a suivie,
et lui aussi.
Elle pointe Stitch du doigt. Il est couché, mais ses yeux sont fixés sur moi,
comme s’il s’attendait à ce que je leur dise de descendre.
— Tu veux te joindre à nous et regarder un film ? me propose-t-elle, et je
regarde l’écran. C’est La Proposition, avec Ryan Reynolds et Sandra
Bullock.
Je secoue la tête.
— Pourquoi, pourquoi est-ce que tu testes mes limites comme ça ?
J’entre dans la chambre. Les chiens restent collés contre elle, tandis
qu’elle est installée au milieu du lit.
— Ne sois pas comme ça. Je suis sûre que tu peux te comporter en parfait
gentleman.
Elle se penche en avant, replie la couverture et se pousse un peu. Les
chiens émettent un grognement et s’écartent.
— Ne t’en fais pas, je suis habillée, me rassure-t-elle.
Je vous jure, cette femme va finir par me tuer.
Je me glisse sous les couvertures à côté d’elle et Lilo se couche entre nous
deux, comme pour la protéger.
— C’est moi que tu es censée aimer, lui fais-je remarquer, et elle se
contente de baisser la tête.
Zara pose la main sur le dos de Lilo.
— Ne parle pas à ma copine comme ça, réplique-t-elle en souriant.
Je prends sa main dans la mienne et nous nous retrouvons à regarder un
film au lit ensemble. Comme si nous faisions ça depuis des années, sauf que
je la connais depuis moins d’un mois. Elle déplace ses jambes, et Lilo
bouge aussi ; elle se lève, va de l’autre côté de Zara et se couche sur elle, de
telle façon que Zara doit se rapprocher de moi. Elle rit aux éclats en faisant
cela. J’ouvre les bras et les passe autour d’elle pour l’attirer contre mon
corps. Elle lève les yeux vers les miens, et je remarque de petites taches de
rousseur sur son nez, impossibles à voir, sauf lorsque vous êtes tout près.
— Eh, murmure-t-elle.
— Eh, réponds-je, avant de me pencher pour m’emparer de nouveau de
ses lèvres.
Sa langue se glisse dans ma bouche et nous émettons tous deux un
gémissement. Nous nous allongeons et nous bécotons, alors que la
télécommande tombe au sol. Les chiens descendent du lit, et il ne reste plus
que nous. Ma bouche ne quitte pas la sienne une seule seconde. Je suis
perdu en elle, perdu dans le baiser, tellement perdu, que la télévision
s’éteint après un certain temps d’inactivité. Elle passe les jambes par-dessus
mes hanches et mon sexe se retrouve contre son entrejambe ; nos vêtements
sont la seule barrière m’empêchant encore de me glisser en elle. Mes mains
courent de ses fesses à son dos, puis à ses cheveux. Je parviens à retirer
l’élastique qui les retient et enfouis mes mains dedans. Je ne sais pas
pendant combien de temps nous nous embrassons et, si vous voulez tout
savoir, cela ne dure pas assez longtemps. Elle pose la tête sur mon épaule et
m’attire plus près d’elle. Nos poitrines sont pressées l’une contre l’autre,
nos pieds emmêlés et elle est blottie dans mes bras quand je m’endors.
Le lendemain matin, quand j’ouvre les paupières, j’ai besoin d’une
seconde pour retrouver mes repères. Je regarde à côté de moi et vois que le
lit est vide, mais que les draps sont encore chauds. Je repousse les
couvertures et me lève pour partir à la recherche de ma femme. Je n’ai pas
besoin d’aller très loin avant de l’entendre parler aux chiens.
— Où est-ce qu’il range votre nourriture ? leur demande-t-elle, alors que
j’entends des placards s’ouvrir et se fermer. Vous devez avoir faim, hein ?
Je m’arrête près du comptoir et la regarde prendre ses marques dans ma
cuisine, tandis que les deux chiens l’observent. Ils agitent tous deux la
queue.
— Oh, j’ai trouvé vos friandises, dit-elle, avant de leur en tendre une à
chacun. Ne me balancez pas.
— Trop tard, dis-je, et elle fait un bond en arrière.
— Merde, tu m’as fait peur, s’exclame-t-elle, en portant une main à son
cœur. Je n’arrive pas à trouver leur nourriture et ils meurent de faim.
J’entre dans la cuisine et la prends dans mes bras.
— Tu m’as laissé tout seul, remarqué-je.
J’enfouis mon visage dans son cou et elle penche la tête de côté pour me
donner un meilleur accès.
— Ils avaient envie de faire pipi et moi aussi, répond-elle. Va les nourrir,
pendant que je nous fais du café.
Je hoche la tête et me tourne vers les chiens.
— Allons-y, vous deux, leur lancé-je.
Ils me suivent jusque dans le garage, où je sors leur nourriture. J’ouvre la
porte pour eux, avant de retourner dans la maison.
Elle est en train de se faire un café et j’approche derrière elle pour passer
mes bras autour de sa taille, avant de déposer un baiser contre son cou,
parce qu’elle a de nouveau les cheveux noués.
— Tu sais ce qu’il te manque ? me dit-elle.
Je me contente d’émettre un grommellement.
— Un canapé confortable dehors.
— Allons en acheter un, alors, lui proposé-je, en prenant mon café.
Je lui prends la main et la guide dehors, où nous observons les chiens
courir partout. Je m’assieds sur l’un des rocking-chairs et l’étudie.
— Ouais, on a besoin d’un canapé ici.
Elle s’assied sur le rocking-chair à côté du mien et blottit ses pieds sous
elle.
— À quelle heure a lieu l’événement de ce soir ? me demande-t-elle en
buvant une gorgée de café, tout en suivant les chiens des yeux.
— Je dois être là-bas à dix-huit heures trente, réponds-je. Il y a un tapis
rouge.
Elle tourne la tête vers moi.
— Tu n’es pas obligé d’entrer avec moi, lui dis-je, mais tu le peux si tu en
as envie.
— Hum, répond-elle. Je préfère regarder depuis les coulisses.
— C’est ce que je me disais. Mais ne te fais pas d’illusions ; tout le
monde saura que tu es venue avec moi.
Elle lève les yeux au ciel. Nous passons toute la journée à nous détendre
sur le canapé, pendant que j’en achète un rond pour la terrasse. Nous avons
aussi une grosse session de pelotage, qui me laisse dur comme la pierre et
l’oblige à courir prendre une douche.
Quand je vois qu’il est presque dix-huit heures, j’enfile ma veste de
costume. C’est celle qu’elle m’a vendue et je souris en me regardant dans le
miroir. Je prends ma Rolex et l’enfile à mon poignet, avant de partir à sa
recherche.
La porte de sa chambre est fermée et je trouve Lilo couchée devant.
— Elle t’a fichue dehors ? lui demandé-je, avant de frapper doucement.
— Entre, crie-t-elle.
Je n’étais pas prêt pour le spectacle qui m’attend quand je tourne la
poignée. Elle est assise au bout du lit, sur l’une des banquettes blanches,
penchée en avant et en train d’attacher la sangle de ses hauts talons dorés.
Mais tout ce que je vois, ce sont ses jambes : incroyablement longues, fines
et douces. Elle tourne la tête vers la porte et je vois qu’elle s’est maquillée.
Pas beaucoup, juste la touche parfaite pour faire ressortir encore plus ses
yeux verts. Elle a laissé ses cheveux blond vénitien retomber en boucles
légères.
— Je suis presque prête, dit-elle.
Elle se lève et je ne peux rien faire à part la contempler, quand je vois sa
tenue complète. C’est une robe aux teintes roses et dorées, couverte de
paillettes. Les manches sont longues et serrées contre ses poignets, ce qui
fait bouffer le tissu. Elle a un col en V et la tenue semble croisée à la taille.
Le hic, c’est que le bas lui arrive à mi-cuisse et que ses jambes sont donc
entièrement exposées. Je n’ai aucune idée de ce qu’elle porte, mais ce qui
est sûr, c’est qu’elle ne sortira pas comme ça.
— Je dois juste récupérer mon sac à main, dit-elle.
Lorsqu’elle s’avance, je vois que sa jupe est moulée autour de ses jambes.
— Tu ne peux pas sortir comme ça, finis-je par lâcher, en enfonçant les
mains dans mes poches. Qu’est-ce que tu as apporté d’autre ?
— Qu’est-ce qui ne va pas avec cette tenue ? s’étonne-t-elle, en baissant
la tête.
Elle est très bien et maintenant qu’elle est face à moi, je vois qu’il s’agit
d’une robe portefeuille.
— Eh bien, premièrement, elle n’est pas assez longue.
Elle se contente de rire et je lui adresse un regard noir.
— Deuxièmement, elle n’est pas assez longue, répété-je, parce que mis à
part le problème de longueur, elle est magnifique. Troisièmement, elle n’est
pas assez longue, Zara.
Je me passe les mains dans les cheveux.
— Oh, tu portes le costume que tu as acheté chez moi, remarque-t-elle.
Elle s’approche de moi et tout ce que je vois, ce sont ses jambes et cette
foutue robe, qui lui effleure la peau. Et pour couronner le tout, elle porte des
talons aiguilles couleur or. Une sangle dorée passe sur ses doigts de pied, et
une autre autour de sa cheville.
— Tu es sublime, dit-elle en lissant la veste. On devrait y aller. On va être
en retard.
— Zara, dis-je entre mes dents serrées.
— En fait, reprend-elle, en se tournant vers moi. Est-ce qu’on peut
prendre une photo pour que je l’envoie à Zoé ?
Elle me dépasse pour se diriger vers le long miroir suspendu dans l’entrée.
Elle se tient juste devant et lève le téléphone pour prendre une photo de moi
en train de la regarder.
— Tu dois sourire, et pas faire ce regard noir, rit-elle.
Je secoue la tête.
— Est-ce que tu peux aller te changer, s’il te plaît ? lui demandé-je.
Si je dois la supplier, je le ferai sans problème.
— Ne sois pas stupide, réplique-t-elle. Et puis, je porte un short en
dessous, alors on ne peut rien voir.
Elle se tourne vers moi et incline la tête en arrière.
— J’ai vraiment envie de t’embrasser, là, tout de suite, mais j’ai mis du
gloss.
Je prends son visage entre mes mains et l’embrasse, étalant son gloss
partout. Puis je porte ma main à ses cheveux pour les ébouriffer encore
plus. Je vois de petits points rouges là où mon menton mal rasé l’a piquée.
— Y a-t-il la moindre chance pour que tu acceptes de te changer ?
demandé-je doucement.
— Aucune, répond-elle en essuyant le gloss sur ses lèvres. Mais il y a de
fortes chances pour que je te montre ce que je porte en dessous quand on
rentrera.
— Ça ne m’aide pas du tout.
Je lui prends la main et la traîne presque hors de la maison. Je me dirige
vers la portière du côté passager et l’ouvre pour elle. Elle s’arrête à côté de
moi et dépose un baiser sur ma joue.
— Eh bien, tu es séduisant, dit-elle.
Puis elle monte dans la voiture et, quand elle s’assied, sa jupe remonte
encore plus.
— Ça va être la soirée la plus longue de ma vie, dis-je.
Puis je ferme la portière et me dirige vers mon côté de la voiture.
DIX-SEPT

Zara

J’essaie de dissimuler un rire, tandis qu’il monte dans la voiture, grognon


et boudeur. La tenue est courte, mais elle est si moulante, sexy et insolente
que j’étais obligée de la porter. En plus, après la tête qu’il a faite quand il
m’a vue, je n’avais plus le choix.
— Il y aura de la nourriture, là-bas ? lui demandé-je. Je commence à avoir
faim.
— Il devrait y en avoir, répond-il, en tournant la tête vers moi.
C’est à mon tour de l’observer. Le costume noir ne lui a pas rendu justice,
quand il l’a enfilé dans la salle d’essayage. Maintenant qu’il le porte, coupé
à sa taille et parfait, avec sa chemise blanche au-dessous et les boutons de
manchette dorés, il est tellement sexy. Je baisse les yeux pour envoyer la
photo de lui avec son air renfrogné à Zoé.
Zoé : Je crois avoir déjà vu le même regard chez Matthew et Max.
— Ma sœur dit que tu es très beau, dis-je en riant à sa remarque.
Il s’engage devant le stade et se dirige vers le parking souterrain. Il passe
son badge, posé sur son tableau de bord, et les portes noires s’ouvrent. Il
descend jusqu’à l’endroit où se garent les joueurs et je vois que le parking
est presque plein. Il gare sa voiture sur sa place réservée, avec son nom
inscrit sur le mur de ciment juste devant nous. Je prends mon gloss dans
mon petit sac à main pour le réappliquer. Puis je le range et il m’ouvre la
porte, se baisse vers moi et m’embrasse.
— Je viens de remettre du gloss, le réprimandé-je avant de prendre un
mouchoir en papier pour l’essuyer de sa bouche.
— Je sais, répond-il, avant de revenir déposer un autre baiser sur mes
lèvres.
Puis il me tend la main, et je la prends pour sortir. Il presse un bouton sur
ses clefs et la voiture émet un bip. Nous nous dirigeons vers une porte
latérale noire et il me la tient ouverte. Je passe devant lui et ma main
s’échappe de la sienne.
— Oh merde, dit quelqu’un, et je lève la tête vers un type qui a l’air
d’avoir le même âge que Justin. Bon sang.
Evan vient se placer à côté de moi et le regarde.
— Comment ça va, Patterson ? lance-t-il avec un signe du menton.
— Salut, Richards, dit Patterson, sans rien ajouter.
Il est trop occupé à me fixer.
— Salut, dis-je.
Je suis sur le point de tendre la main, quand je suis tirée en arrière ; je
tourne les yeux vers Evan. Nous descendons le couloir moquetté et il dit
bonjour à plusieurs personnes, puis nous arrivons au vestiaire, où tous les
joueurs attendent.
— Salut, lance-t-il en passant la tête à l’intérieur, et j’entends un type rire.
— Oh, le match à New York va être drôlement intéressant, lance-t-il, en
donnant une tape sur le banc à côté de lui. Mec, tu vas mourir.
Je secoue la tête et lève mon sac à main devant ma bouche pour
dissimuler mon rire.
Je me penche en avant et murmure :
— Je te protégerai.
— OK, les gars, on est sur le point de faire les présentations, et ensuite il
y aura le tapis rouge, dit un homme que j’imagine être en charge des
relations presse en entrant et en nous regardant tour à tour. Mettez-vous tous
en place, s’il vous plaît.
Il tape dans ses mains et ajoute :
— Par numéro, s’il vous plaît, excepté le capitaine et son assistant.
— Tu peux l’accompagner là-bas ? lui demande Evan. Zara, voici Tristan.
Il fait un geste vers l’homme vêtu d’un costume en daim Gucci qu’on
voyait sur tous les podiums la saison dernière.
— On s’est déjà rencontrés, réponds-je en regardant Evan. Il est venu me
chercher à Jersey.
Il sourit, puis incline la tête en voyant que les journalistes nous regardent.
— Je dois y aller.
— On se voit là-bas, lui dis-je, avant d’attendre que Tristan ouvre la
marche.
Nous descendons le couloir, et je garde la tête et les yeux baissés quand
nous dépassons les journalistes. C’est sa soirée, et je ne veux pas lui faire de
l’ombre par ma présence. Tristan m’emmène jusqu’à la patinoire, qui a été
transformée en casino. Un tapis, en moquette noire, recouvre la glace et
plusieurs tables ont été disposées d’un côté. Il me guide jusqu’à l’endroit où
se forme une petite foule.
— Ce sont tous les détenteurs d’abonnements à l’année, m’explique-t-il. Il
y a aussi des gens qui ont gagné un concours et, évidemment, les magnats
du pétrole de Dallas.
Je souris en voyant quelqu’un que je reconnais.
— Excusez-moi, dis-je.
Puis je m’avance vers la femme en train de dévisager son rencard.
— Eh bien, eh bien, eh bien. Cori, dis-je, en essayant de dissimuler mon
sourire. Si ce n’est pas la femme qui a dû partir précipitamment.
Cori a débuté en tant qu’assistante de Kellie et, quand son manager s’est
fait virer, elle a pris sa place.
— Oh, merde, lâche-t-elle. Je n’avais aucune idée que tu serais ici.
Elle tourne les yeux vers son rencard et nous présente :
— Harry, voici Zara.
L’homme, vêtu d’un costume Armani de cette année, me tend la main. Ses
cheveux noirs sont coiffés en arrière, et je suis certaine qu’il pourrait être
mannequin, mais je sais de qui il s’agit.
— Vous devez être le frère de Brian, dis-je, et il sourit. Je vois la
ressemblance.
— Eh bien, au temps pour mon amour secret, dit-il avant de l’attirer
contre lui.
Je remarque alors la tenue de Cori. Elle est d’une couleur champagne et
descend très bas à l’avant, avec une jupe en accordéon. Une ceinture en
satin noire complète la tenue.
— Qu’est-ce que tu fais ici ? demande-t-elle, en portant son verre de
champagne à sa bouche. Ta famille ne joue pas pour New York ?
Je souris et baisse les yeux, mais attrape une flûte de champagne sur le
plateau d’un serveur.
— Test, un, deux, entends-je dans le haut-parleur.
Je regarde vers le projecteur, qui illumine un homme debout sur la scène.
— Oh, c’est lumineux, dit-il en riant. Je voulais prendre une seconde pour
tous vous remercier d’être venus participer à notre soirée casino annuelle.
Je regarde autour de moi pendant que l’homme parle, et je remarque
aussitôt les épouses. Elles sont toutes bien habillées et restent ensemble, à
l’écart de tous ceux qui ne font pas partie de leur groupe. J’ai vu ça très
souvent : Karrie doit supporter leurs médisances tout le temps, mais, avec
Allison et Vivienne de son côté, personne ne l’embête, et nous pouvons
toutes discuter ensemble.
— C’est un honneur pour moi de vous présenter les croupiers de ce soir,
lance l’homme.
Il commence à faire entrer les joueurs et, quand il présente Evan, je ne
peux m’empêcher de sourire tout en applaudissant discrètement. Il grimpe
les marches jusqu’à la scène et regarde vers nous, agitant la main tout en
rejoignant les autres. Le capitaine de l’équipe est le dernier à sortir.
— OK, il est temps de collecter de l’argent, lance-t-il. Les garçons seront
présents toute la soirée, et certains d’entre eux seront peut-être même vos
croupiers.
Tout le monde applaudit et Evan et ses coéquipiers viennent se mêler à la
foule. Je le regarde avancer et serrer la main de certaines personnes. Je le
vois s’approcher du « gang des épouses ». Il s’arrête et salue celle que je
suppose être la femme du capitaine. C’est presque comme regarder Le
Parrain. Je la vois rejeter la tête en arrière et rire à quelque chose qu’il lui a
dit, puis son mari les rejoint ; effectivement, c’est la femme du capitaine. Il
la prend par la taille et dit quelque chose à Evan. L’épouse appelle une
grande blonde aux cheveux décolorés, au corps légèrement botoxé, aux
lèvres gonflées et à la grosse poitrine. Elle joue les timides, et je suis
tellement prête à lever les yeux au ciel, surtout quand elle rejette ses
cheveux derrière son épaule.
— Ça va être drôle, dit Cori à côté de moi.
Elle regarde Harry et ajoute :
— Et dire que tu voulais rester à la maison.
— C’est toi qui ne voulais pas venir, réplique-t-il en riant, avant de se
pencher en avant pour murmurer, tu m’as fait signer un certain contrat.
Elle se retourne et plaque sa main sur sa bouche.
— La ferme, siffle-t-elle, et je me mets à rire.
Je ne sais pas comment, mais je sais qu’Evan est proche de moi, surtout
quand je sens sa main sur mon dos.
— Oh, bonjour, dit Cori. Harry, j’aimerais dépenser un peu de ton argent,
et ensuite je voudrais que tu m’emmènes manger un hamburger.
— Excusez-nous, dit-il, en tournant les yeux vers nous. C’était un plaisir
de te rencontrer, Zara.
Il se tourne vers Evan et ajoute :
— Et c’est toujours agréable de te voir.
Evan lui serre la main et répond :
— Merci d’être venu.
Puis il récupère une bouteille d’eau sur le plateau d’un serveur.
— Je te cherchais.
— Eh bien, tu m’as trouvée, réponds-je.
J’essaie de ne pas me laisser déstabiliser par la blonde, mais je suis
comme ça, et c’est ce qu’il se passe.
— C’est sympa, dis-je, en regardant autour de moi.
Un journaliste approche alors.
— Eh, Evan, comment allez-vous ? demande-t-il.
Je reste là, mon verre à la main, alors qu’il répond :
— Je vais bien, merci.
Sur ce, il s’éloigne.
— Tu as pris quelque chose à manger ?
— Non, je suis arrivée et j’ai vu Cori, réponds-je, tandis qu’il se
rapproche de moi. Alors je suis venue la voir.
— Eh bien, allons trouver quelque chose. Et j’ai envie de te présenter une
ou deux personnes.
Je le suis vers le cercle des femmes et je suis certaine d’être prête pour ça,
mais un seul regard de leur cheffe de file me fait comprendre que ça ne va
pas bien se terminer.
— Salut, vous deux, lance Evan.
La femme se contente de lever la tête et de le regarder ostensiblement de
haut en bas.
— Oh, regardez qui voilà, dit-elle avec un accent du Sud.
— Corey, dit Evan à l’homme. Paige, voici Zara.
Je tends la main à Paige en premier et elle la serre avec un sourire.
— Ravie de vous rencontrer.
Puis je répète le même geste avec Corey.
— On s’est déjà rencontrés une fois ou deux, dit Corey, avant de tourner
les yeux vers sa femme. Chérie, tu te souviens de Max Horton et de sa
femme, Allison ?
— De New York, c’est ça ? demande-t-elle, et il hoche la tête.
— C’est la sœur d’Allison, explique-t-il.
Je vois une expression stupéfaite se peindre sur son visage.
— Karrie est aussi votre belle-sœur ? demande-t-elle, et je souris.
— Oui, elle est mariée avec mon frère, Matthew, dis-je.
— J’ai rencontré Karrie et Allison l’année dernière, quand toutes les
épouses ont joint leurs forces pour créer un calendrier, explique-t-elle.
Attendez une seconde, vous êtes la Zara, de La Garde-Robe de Zara ?
Elle en reste bouche bée.
— C’est vous qui nous avez trouvé toutes ces tenues de couturier ?
— Oui, réponds-je. C’était bien moi.
— Je n’en avais aucune idée, dit-elle.
Ça ne m’étonne pas, suis-je tentée de grommeler entre mes dents. Mais je
ne dis rien, dans l’intérêt d’Evan, ainsi que de Karrie et d’Allison.
— Alors, qu’est-ce que vous faites à Dallas ? me demande-t-elle, tandis
que la grande blonde réapparaît.
— Oh, tu es là, dit-elle à Evan en souriant. Comme on se retrouve.
J’essaie de lever les yeux au ciel discrètement ; je peux entendre la voix
de ma mère dans ma tête. Sois gentille, Zara.
— Taylor, dit Paige en se tournant vers son amie. Voici Zara, de La
Garde-Robe de Zara.
Elle ouvre grand la bouche, stupéfaite.
— On était justement en train de regarder vos articles l’autre jour, dit
Paige.
— J’adore le look que vous avez créé pour Jessica Beckett pour les
Oscars de cette année, dit Taylor. Et votre robe est fabuleuse.
— Merci, réponds-je, avant de tourner les yeux vers Evan, qui fusille la
femme du regard.
— Alors, qu’est-ce que vous faites en ville ? me demande Taylor à son
tour.
— Je suis venue rendre visite à ce type, dis-je, en pointant Evan avec ma
main tenant le verre de champagne.
Il glisse son petit doigt autour du mien pour lier nos mains libres. À en
croire l’expression stupéfaite de leur visage, je dois faire un gros effort pour
ne pas faire le geste de laisser tomber un micro avec un « boom ».
— Je dois aller m’occuper des tables de blackjack, dit Corey. Viens avec
moi.
— C’était un plaisir de vous rencontrer, Zara, dit Paige.
Taylor se contente de sourire, esquisse un signe de tête et s’éloigne avec
eux.
— Eh bien, tous ses espoirs et ses rêves de rentrer avec toi ce soir
viennent de s’envoler, dis-je entre mes dents.
Il se contente de rire, avant de se pencher pour déposer un baiser sur mes
lèvres. Je regarde autour de nous pour voir si quelqu’un nous a aperçus.
— Profil bas, sifflé-je, et il s’éloigne, avant de tourner la tête vers moi.
— Je m’en fiche, répond-il dans un murmure. Allons manger quelque
chose. Je dois m’occuper de la table de roulette dans quinze minutes.
Il me mène à la nourriture et nous nous servons dans plusieurs plats, avant
d’aller nous asseoir à une table libre. Elle ne reste pas vide longtemps,
cependant, car certains de ses coéquipiers se joignent à nous.
— OK, il faut qu’on aille à la table de roulette.
— C’est qui, « nous » ? demandé-je, en levant les yeux vers lui, mais il se
contente de sourire.
— Tu veux que je te fasse faire le tour des lieux de nouveau ?
Il regarde autour de lui et ajoute :
— Je crois voir quelques personnes que je connais.
— Espèce de tyran, lâché-je, en me levant.
Il rit.
— Allons gagner de l’argent, ajouté-je.
— Je vais pouvoir rentrer à la maison avec toi ce soir, dit-il en souriant,
alors que nous traversons la foule côte à côte. J’ai déjà gagné.
Il me fait un clin d’œil. C’est à cet instant que je réalise que je suis
complètement dépassée par les événements. Toute cette histoire de fou
commence à faire boule de neige et je crains de ne pas survivre à sa
conclusion.
DIX-HUIT

Evan

— OK, faites vos jeux.


Je regarde les vingt-cinq personnes debout autour de la roulette. Je lève
les yeux vers Zara, qui est le centre de l’attention pour toutes les personnes
qui arrivent à la table.
— Je vais tenter ma chance avec le numéro quatre, dit-elle, en plaçant
deux jetons dessus.
Avant qu’on arrive là, elle est allée déposer cinq mille dollars à la table de
dons, et récupérer des jetons en échange. Personne ne gagne réellement
d’argent, ce soir ; la valeur de tous les jetons encaissés à la fin de la soirée
sera restituée par le propriétaire de l’équipe.
Elle a commencé avec cinq mille dollars et elle a gagné beaucoup plus
que sept mille dollars, maintenant.
— Eh bien, si tu dis quatre, je n’ai pas le choix, dit Trevor, l’homme de
cinquante ans qui n’arrête pas de se pencher pour lui murmurer à l’oreille et
qui semble mourir d’envie de la toucher.
La même image tourne en boucle dans ma tête : moi en train de lui donner
un coup de poing dans la gorge.
— Les paris sont fermés, dis-je, juste au moment où il pose ses jetons sur
la table.
Je prends la petite boule blanche et la fais tourner. Je ne la regarde même
pas, la seule chose que je vois, c’est Zara, assise à côté de lui et tenant son
sac dans sa main.
— Je suis là pour te remplacer, dit Peter, mon autre coéquipier, derrière
moi, et je tourne les yeux vers lui.
La boule finit par tomber et saute d’un chiffre à l’autre, avant d’atterrir sur
le 00.
— Le gagnant est 00, annoncé-je, et je vois que tout le monde a perdu ses
paris. Merci beaucoup d’avoir joué, les gars. Je vais passer la main à mon
pote Peter.
Je souris et contourne la table pour rejoindre Zara, qui est en train de
récupérer ses jetons.
— Ne me dis pas que tu pars déjà, lui lance Trevor, et elle se contente de
sourire.
— Eh, bébé, lui dis-je.
Je n’ai jamais utilisé ce surnom de ma vie, parce que mon père appelle
toujours ma mère comme ça. Elle se tourne vers moi et je vois une étincelle
dans ses yeux. Merde, je devrais peut-être l’appeler bébé plus souvent.
— Bye, dis-je à Trevor, avant de me tourner vers Zara pour déposer un
baiser sur sa joue. Tu t’es bien débrouillée.
Elle place les jetons dans son sac à main, qui se retrouve plein à craquer.
— Ouais, sourit-elle. On devrait tenter le blackjack.
Je lui adresse un signe de tête et prends sa main dans la sienne.
— Trevor, c’était un plaisir de vous rencontrer, dit-elle en lui souriant.
Je me détourne et l’attire à l’écart.
— Je te jure que s’il t’avait touchée une fois de plus, je lui aurais donné
un coup de poing dans la gorge, lui dis-je, et elle se contente de rire.
— Je t’en prie, cette blonde décolorée est restée collée à toi à rire comme
une folle, me rappelle-t-elle, en s’arrêtant de marcher. Dis-moi, qu’est-ce
qu’elle a dit de si drôle ?
Je l’observe et elle croise les mains sur sa poitrine, ce qui n’était pas le
geste à faire, parce qu’il presse en avant ses seins parfaits.
— Quelle blonde ? demandé-je, même si je sais très bien qu’elle parle de
Taylor.
— Jouer les imbéciles ne te va pas, Evan, réplique-t-elle, plissant les yeux
et me fusillant du regard.
— Je n’ai aucune idée de ce dont tu parles, assuré-je.
Elle se rapproche de moi.
— Je ne suis pas du genre jalouse. Pas du tout. Je ne l’ai jamais été et je
ne le serai jamais.
Elle tourne la tête de droite à gauche, avant de revenir sur moi.
— Mais si on sort ensemble, tous les deux, et que je découvre que tu vois
aussi d’autres femmes, ça ne présagera rien de bon pour toi.
Merde, ses paroles font remuer mon sexe dans mon pantalon.
— Premièrement, je ne suis pas infidèle. Je ne l’ai jamais été et je ne le
serai jamais, asséné-je, en prenant une mèche de ses cheveux pour
l’enrouler autour de mon doigt. Deuxièmement, rien de ce qu’elle a pu me
dire n’aurait pu m’atteindre, parce que tout ce que je voulais, c’était te
retrouver.
Je me rapproche très, très près d’elle, si près que nos poitrines se touchent
et elle se penche en arrière.
— Troisièmement, je comptais m’assurer que tout le monde sache que tu
étais avec moi.
Je baisse les yeux sur elle et fais glisser mes doigts sur son visage.
— Maintenant, est-ce que tu as vraiment envie de jouer au blackjack ou
est-ce que tu préfères encaisser tes gains et rentrer à la maison ?
— Ça dépend, répond-elle. Est-ce que tu vas me nourrir ?
J’incline la tête de côté et lui adresse un sourire narquois.
— Je parle de nourriture, précise-t-elle.
— Je peux aussi te nourrir avec ça, réponds-je.
Elle se penche en avant et dépose un baiser sur mon menton.
— Dans ce cas, passons par ce stand d’Esquimaux, dit-elle. Je devrais dire
au revoir à Cori et Harry.
Elle parcourt la pièce des yeux et ne les voit pas.
— Ils doivent déjà être partis.
Nous nous dirigeons vers la caisse et elle leur tend ses jetons tout en
indiquant son nom. Elle a gagné vingt-deux mille dollars en trente minutes.
Je lui prends la main pour rejoindre la sortie, saluant d’un geste les gens que
nous dépassons. Deux des fans m’arrêtent pour demander à prendre une
photo. Elle est ravie de pouvoir la prendre pour eux, et ils la remercient.
Nous arrivons finalement à l’arrière et suivons le chemin vers le parking
souterrain. Tout y est étrangement silencieux, et seul le bruit de ses talons
claquant sur le béton résonne autour de nous. Je remarque que presque
toutes les voitures sont encore là. Je me dirige vers le côté passager, appuie
sur le bouton pour déverrouiller la porte, mais ne la lui ouvre pas. Au lieu
de ça, je la fais se retourner et la pousse contre la voiture. Je place mes
mains de chaque côté de sa tête et appuie les paumes à plat de chaque côté
plutôt que de les enfouir dans ses cheveux.
— Tu as encore du gloss, dis-je.
Je vois ses iris passer d’un vert clair à un gris sombre sous mes yeux.
— Ça brille, continué-je.
Je me penche en avant et mordille sa lèvre inférieure, avant de faire
glisser ma langue dessus. Le bout de sa langue apparaît pour effleurer la
mienne.
— Ça me rend fou.
J’embrasse le coin de sa lèvre, puis sors de nouveau la langue, et elle
m’imite, essayant d’attraper la mienne.
— Je n’ai qu’une seule envie : les embrasser jusqu’à tout enlever.
Je vais de l’autre côté de ses lèvres et l’embrasse à cet endroit, mais sa
langue sort déjà de sa bouche pour rejoindre la mienne.
— Ça m’a rendu dingue toute la soirée, murmuré-je. Toute la soirée.
Finalement, j’incline la tête de côté et m’empare de ses lèvres ; elle
attrape le revers de ma veste, alors que nos bouches s’attaquent l’une
l’autre. Ma langue combat la sienne et le désir est plus fort que jamais. J’ôte
mes mains de la voiture pour maintenir son visage. Je change le sens du
baiser dans l’espoir de l’approfondir. Nos langues dansent l’une avec
l’autre. Je ne veux pas m’arrêter de l’embrasser, mais, si je ne le fais pas, je
vais finir par la prendre sur le siège arrière, et nous ne quitterons jamais ce
parking. Quand je recule enfin la tête, sa poitrine se soulève avec force et
ses mains sont encore accrochées à moi, alors qu’elle essaie de m’attirer de
nouveau vers elle.
— Mon cœur, dis-je.
Elle ouvre les yeux ; ils sont bleu-vert, maintenant.
— Je crois que j’ai encore un peu de gloss sur les lèvres, dit-elle
doucement, en essayant de poser de nouveau ses lèvres sur les miennes.
Je ris.
— Je crois que j’ai tout retiré. Maintenant, grimpe dans cette voiture que
je puisse te ramener à la maison.
Elle cligne plusieurs fois des yeux et sort de son hébétude.
— Tu es un vrai rabat-joie, Richards, lâche-t-elle.
Je recule et lui ouvre la portière.
— Un vrai rabat-joie. Je le dirai à ma sœur, ajoute-t-elle.
Je la regarde monter dans la voiture.
— Peut-être même à Karrie et Allison, continue-t-elle, en bouclant sa
ceinture. Même à ma mère.
J’éclate de rire à sa dernière remarque, et elle me fusille du regard.
— Tu n’arranges pas ton cas, là, Evan, lance-t-elle, d’un air mécontent.
Je ferme la portière et me dirige vers mon côté de la voiture. Je monte,
puis me penche et dépose un baiser sur son cou.
— Non, tu n’auras accès à aucune partie de moi, tant que tu ne m’auras
pas nourrie, dit-elle en se tournant dos contre la portière. Je veux un gros
cheeseburger huileux.
— Ça te va de manger dans un fast-food ? lui demandé-je, tout en reculant
hors de ma place de stationnement.
Je me dirige vers un petit restaurant méconnu dont tout le monde a
entendu parler et qui est toujours ouvert.
— Tu es peut-être un tout petit peu trop habillée, remarqué-je, et elle se
contente de hausser les épaules. Mais ils font les meilleurs granités.
Je vois ses yeux devenir gros comme des soucoupes.
Quand je m’engage sur le parking du petit fast-food, dix voitures y sont
déjà garées.
— Quand on vient dans la journée, des serveurs nous apportent la
nourriture directement à la voiture.
Je me gare sous l’auvent et éteins le moteur. Puis je sors et me dirige vers
sa portière, mais elle est en train de sortir quand je l’atteins.
— Qu’est-ce que je t’ai dit ? Tu dois m’attendre, lui lancé-je d’un air
renfrogné.
— Evan, je pense que je peux sortir d’une voiture sans que tu m’aides.
Elle pose la main sur ma joue et ajoute :
— En plus, je meurs de faim.
C’est la meilleure, dès qu’il s’agit de retourner la situation de façon à vous
faire oublier de quoi vous parliez au départ. Elle tend la main vers moi et je
la prends, puis je desserre un peu la cravate autour de mon cou et
déboutonne le premier bouton de ma chemise.
— Retire ta cravate, m’ordonne-t-elle.
Elle s’arrête et attend que je l’aie fait, puis me tend la main.
— Je vais la mettre dans mon sac à main.
Je la lui donne et elle la plie, avant de la placer dans son sac. Je m’avance
vers le petit bâtiment de brique marron dont les nombreuses fenêtres
donnent un aperçu de l’intérieur. Il y a une porte marron à chaque bout, et
j’attrape la poignée en laiton de la plus proche pour l’ouvrir. La sonnette au-
dessus de la porte retentit et, quand elle se referme, le panneau « ouvert »
suspendu à la fenêtre tremble.
— Deux clients, hurle quelqu’un, et je tourne la tête vers la femme.
Asseyez-vous où vous voulez, j’arrive tout de suite.
Je regarde Zara.
— Tu veux prendre une banquette ou t’asseoir au comptoir ?
Je pointe le comptoir et ses dix tabourets du doigt ; seulement trois sont
occupés. Je parcours le reste du restaurant des yeux et vois que l’une des
banquettes est libre.
— Le comptoir, ça ira très bien, répond-elle.
Elle s’avance jusqu’au fond, se glisse sur le tabouret tournant et pose son
sac à main sur le comptoir. Je m’assieds à côté d’elle, et elle attrape le menu
coincé entre la bouteille de ketchup, la salière et le poivrier.
— Qu’est-ce que tu veux prendre ? m’interroge-t-elle, quand la serveuse
arrive vers nous.
— Bienvenue, que puis-je vous servir ? demande-t-elle en récupérant son
bloc-notes dans la poche de son tablier blanc.
— Je vais prendre un double cheeseburger avec du bacon, un panier
d’onion rings, des frites et un granité, dis-je avant de me tourner vers Zara.
— Je vais prendre un cheeseburger avec du bacon, répond-elle, avant de
me demander : tu vas manger toutes tes frites ?
Je secoue la tête.
— Je vais aussi prendre un verre d’eau, s’il vous plaît.
Elle sourit à la serveuse, qui se retourne et s’éloigne.
— Je partagerai ton granité avec toi, me dit-elle en se tournant sur son
tabouret pour me faire face.
Je tourne le mien aussi et ouvre les cuisses, conservant ses jambes entre
les miennes pour empêcher quiconque de les reluquer.
La serveuse revient et dépose le verre glacé devant nous, rempli d’un
granité et d’une boule de glace qui fond lentement au milieu ; deux pailles
rouges en dépassent. Zara attrape son téléphone et prend une photo, avant
de se pencher en avant pour en boire une gorgée.
— J’aurais peut-être dû en prendre un aussi, dit-elle, avant de boire une
nouvelle lampée.
Je prends ma paille et bois à mon tour, et elle prend une photo.
— Zoé dit toujours que s’il n’y a pas de preuve photographique, ce n’est
jamais arrivé.
Je secoue la tête, puis me penche en avant pour déposer un baiser sur ses
lèvres. La nourriture arrive rapidement et, à nous deux, nous n’en laissons
pas une miette. Elle a environ quinze serviettes en papier roulées en boule à
côté d’elle, après avoir essuyé la graisse sur ses doigts.
— C’était bon, dit-elle en se levant, lorsque j’ai payé la note et remercié la
serveuse.
— N’hésitez pas à revenir, les tourtereaux, lance-t-elle avec un grand
sourire sur le visage.
Nous sortons main dans la main et je lui ouvre la portière.
— Merci, dit-elle en montant dans la voiture.
Quand je me glisse à mon tour derrière le volant, elle est penchée en
avant, et je la vois enlever ses chaussures.
— OK, il est temps de retirer ça, dit-elle. Ça fait six heures que je les
porte.
Je regarde l’horloge du tableau de bord : il est presque minuit. Je roule
jusqu’à la maison et lui adresse un regard, quand elle tend la main vers la
poignée. Elle le voit et prend une profonde inspiration.
— Oh, Seigneur, dépêche-toi, alors, ricane-t-elle.
Je sors de la voiture et j’entends déjà les chiens aboyer. Je lui ouvre la
portière et elle sort, en tenant son sac et ses chaussures suspendues par les
sangles.
Nous avançons main dans la main et je vous jure que j’ai la sensation que
ça a toujours été comme ça. J’ouvre la porte et attends qu’elle entre. Elle
salue les chiens avec des câlins et ils sont tout excités.
— Sortons un peu, les gars, dit-elle.
Elle laisse tomber ses affaires devant la porte et entre dans la maison. Je
verrouille derrière moi et la suis. Les chiens ne sont même pas venus
m’accueillir.
Elle déverrouille la porte sans cesser de leur parler pendant que je vais
vers le frigo et récupère deux bouteilles d’eau. La lumière provenant du
four projette une légère lueur dans la pièce.
— Combien de temps est-ce qu’ils restent dehors ? demande-t-elle.
Elle s’avance vers moi et je lui tends une bouteille d’eau. Je m’appuie
contre le comptoir et la regarde boire.
— Tu es magnifique, lui dis-je.
Elle me regarde et s’avance vers moi. Je me penche et dépose un baiser
dans son cou, juste à l’endroit où son cœur bat. Quand je le sens cogner
avec force, je suis heureux de voir que je ne suis pas le seul à ressentir ça.
— De loin la plus belle femme que j’aie jamais rencontrée de ma vie.
Sa main remonte le long de mon torse, jusqu’en haut de ma chemise, là où
elle est déboutonnée. Ses doigts plongent sous le col et caressent ma
clavicule.
— Je crois t’avoir promis de te montrer ce que je porte sous ma robe, dit-
elle.
Elle écarte sa main de mon torse et défait le petit bouton latéral de sa
tenue ; j’entraperçois la lanière de son soutien-gorge rose. Tout mon corps
est en alerte. Les battements de mon cœur accélèrent et mon sexe se presse
contre mon pantalon. Je regarde ses mains délicates se porter de l’autre côté
du vêtement et défaire un autre bouton. La robe est désormais suspendue
sur elle, ouverte à droite comme à gauche. Elle prend les deux pans dans sa
main et la glisse par-dessus ses épaules, tandis que je retiens mon souffle. Si
je mourais à cet instant, ma vie serait parfaite. C’est la seule chose à
laquelle je peux penser. Elle est tellement plus qu’exquise, et je ne trouve
pas les mots. Aucun ne lui rendrait justice.
Elle se tient debout devant moi, dans son soutien-gorge rose transparent,
dont les bonnets sont bordés de coutures dorées, mais sous lesquels je vois
ses petits tétons roses, tendus et durcis. Je tends la main et caresse du pouce
son sein enflé, passant de l’un à l’autre.
— Je n’ai pas les mots, lui dis-je doucement. J’essaie de trouver les mots
pour décrire ta perfection…
Mon pouce descend lentement jusqu’à son téton gauche et dessine un
cercle dessus. Elle rejette la tête en arrière et gémit doucement. Je l’attrape,
la soulève et elle enroule ses jambes autour de ma taille. Elle place ses bras
autour de mon cou et s’empare de ma bouche. Je porte aussitôt une main à
ses fesses tout en me dirigeant vers ma chambre.
DIX-NEUF

Zara

Je ne me lasserai jamais de ses baisers. Ils sont tout, pour moi. Il traverse
la maison et j’entends des aboiements.
— Les chiens, dis-je, presque en haletant.
— Il y a une trappe dans le garage, répond-il en enfouissant son visage
dans mon cou. Ils peuvent rentrer par là.
Il s’avance vers sa chambre et ferme la barrière derrière lui. Son menton
mal rasé frotte contre mon cou et me fait frissonner.
— Evan, gémis-je.
Il relâche son étreinte et je glisse sur mes pieds. Je porte les mains à sa
veste et la lui retire, la laissant tomber sur le sol à ses pieds. Mes mains
tremblent quand je les tends vers ses boutons. J’aimerais vraiment qu’on y
voie plus clair, dans sa chambre. La seule lumière provient de la lampe de
chevet et elle est faible.
— La première fois que je t’ai vu sans chemise, dis-je, pour calmer mes
nerfs, tout en retirant les boutons l’un après l’autre, j’ai dû faire demi-tour
et aller m’asseoir.
Je lève la tête vers lui : il a les yeux fixés sur mes doigts et observe le
moindre de mes mouvements. Je sors les pans de tissu de son pantalon et
termine de la déboutonner. J’effleure son torse, me penche en avant et
l’embrasse doucement tout en retirant sa chemise.
— Merde, siffle-t-il, quand mes mains se portent à sa ceinture.
Il enfouit les siennes dans mes cheveux et tire en arrière pour pouvoir
m’embrasser, sa langue se glissant dans ma bouche. Mes doigts s’agitent
frénétiquement pour déboucler sa ceinture, puis déboutonner son pantalon.
Nos halètements et nos gémissements couvrent le bruit de sa braguette.
L’une de ses mains quitte mes cheveux et descend jusqu’à mes seins. Mes
tétons deviennent douloureux, quand il les caresse à travers le tissu en
mailles.
— Evan, murmuré-je, et il penche la tête pour prendre un téton dans sa
bouche à travers le soutien-gorge.
Je dois fermer les yeux pour me concentrer sur cette nouvelle sensation.
Mon estomac est crispé, mes mains tremblent et mes doigts de pieds me
chatouillent.
— Evan, répété-je, quand il change de côté.
Je prends une profonde inspiration. Je glisse une main dans son pantalon
et je dois m’immobiliser, parce que je ne crois pas avoir déjà senti quelque
chose d’aussi dur. Mes mains s’activent sur l’élastique de son caleçon et,
quand je glisse les doigts dessous et qu’ils effleurent le bout de son sexe, il
émet un grognement. Un sexe dur, un sexe doux et un sexe que j’espère
vraiment être autorisée à sucer.
— Evan, insisté-je, et il lève les yeux vers moi. Nous n’avons jamais
vraiment discuté des préliminaires.
Il me sourit.
— Je ne pensais pas qu’on avait besoin d’en discuter, répond-il. Et puis,
c’est bien plus drôle de les faire que d’en parler.
Il m’embrasse le cou, avant de le mordiller et de le sucer.
— Beaucoup plus drôle, répète-t-il.
Il me fait reculer et l’arrière de mes genoux se cogne contre le lit.
— Tu n’es pas d’accord ?
— Si, réponds-je, excitée. C’est bien plus drôle de le faire.
Je me laisse alors tomber à genoux, mais il m’arrête et me relève.
— Evan, tu as dit qu’on pouvait le faire.
J’ai l’air d’une gamine à qui on vient d’annoncer qu’il n’y aurait pas de
goûter après l’école.
— Tu auras l’occasion de le faire, rit-il, mais je passe en premier.
Il me pousse et je tombe sur le lit, avant de me redresser en position
assise.
— Oh, ça me va aussi, dis-je.
Je regarde son sexe juste devant moi et le prends par les hanches.
— Moi d’abord, ajouté-je.
— Zara, n’y pense même pas, réplique-t-il, en écartant mes mains. Tu
passes en premier.
Il se met à genoux et j’ouvre les jambes pour lui.
— Tu passes toujours en premier.
Il lève sa main droite et suit les contours de mon sexe depuis l’extérieur.
— Couche-toi, m’ordonne-t-il, et je m’étends sur le lit, mais me maintiens
sur les coudes.
Je regarde ses yeux, tandis qu’il examine ma culotte assortie au soutien-
gorge en mailles roses transparentes et aux broderies dorées. La piste
d’atterrissage est clairement visible dessous. Il soulève l’une de mes jambes
sur son épaule, puis l’autre, et avec une lenteur douloureuse, me recouvre
de sa bouche. La chaleur et l’humidité de sa langue sur le tissu me font
rejeter la tête en arrière.
— À quel point est-ce que tu aimes cette culotte ?
Je le regarde, perplexe.
— Est-ce que je peux l’arracher ou est-ce que je dois la repousser de côté
?
La question me stupéfie, parce que je n’ai jamais été avec quelqu’un ayant
tellement envie de moi, qu’il a besoin de m’arracher ma culotte.
— OK, je vais la repousser sur le côté, mais à partir de maintenant, plus
de culotte au lit, plus jamais, dit-il.
Je peux entendre les mots et je peux les comprendre, mais rien n’a plus de
sens dans ma tête. La seule chose sur laquelle j’arrive encore à me
concentrer, ce sont ses doigts qui repoussent la culotte, puis son
grognement, juste avant que sa langue ne lèche ma fente de bas en haut.
— Putain, dit-il.
J’ouvre lentement les yeux et le regarde me dévorer comme un affamé.
Non seulement il me déguste, mais il adore ça, en plus. Il me mordille le
clitoris, puis l’aspire dans sa bouche, et mes cuisses se crispent autour de sa
tête.
— La chatte la plus douce du monde, dit-il, et je le sens insérer un doigt
en moi.
Lentement, tellement lentement que je peux tout ressentir, et c’est à mon
tour d’émettre un sifflement.
— Putain, lâché-je.
Il retire son doigt et le remplace par un autre. Il me baise comme ça en
même temps qu’il fait tourner sa langue autour de mon clitoris. Je lève les
mains et les enfouis dans ses cheveux, tandis que mes hanches se soulèvent
d’elles-mêmes.
— Je veux que tu jouisses sur ma langue, douce Zara, dit-il.
Son doigt se met à aller et venir de plus en plus vite et je mouille de plus
en plus. Je sens l’orgasme approcher, mon estomac se crispant, alors que
mon sexe commence à céder. Et soudain, exactement comme il le voulait, je
jouis sur sa langue.
— Je… gémis-je.
Je ne prends même pas la peine de finir ma phrase et chevauche la vague.
Son doigt va de plus en plus vite, alors que je commence à redescendre. Son
visage ne quitte pas mon sexe, avant que mes jambes deviennent molles sur
ses épaules. Il repose mes pieds au sol et se lève. Je le regarde ôter son
pantalon, une jambe à la fois, puis il se tient devant moi, uniquement vêtu
d’un caleçon noir Hugo Boss.
Le bout de son sexe dépasse de l’élastique et je me redresse pour le faire
s’approcher de moi. Je fais glisser son caleçon sur ses hanches et son sexe
est libéré. Je le regarde et, soudain, je me demande si un pénis peut être
qualifié de beau, parce que ce que j’ai sous les yeux est sublime. Je m’en
saisis et mes doigts ne se touchent pas. Je me penche en avant et lèche son
gland, avant de lever les yeux vers lui lorsqu’il gémit. Je place le bout de
son sexe dans ma bouche et enroule mes lèvres autour. Je le prends
profondément dans ma gorge, mes mains s’activent sur la partie que ma
bouche ne peut atteindre. Il enfonce les mains dans mes cheveux et
commence lentement à baiser ma bouche, et j’adore ça. Le pouvoir de lui
faire perdre la tête. C’est moi qui lui fais ça. Je l’avale jusqu’au fond de ma
gorge, avant de l’en laisser glisser et de lécher son membre. Tout du long,
ma main continue d’aller et venir de haut en bas.
— Ta queue est magnifique, finis-je par lui dire, en suçant son gland.
Longue.
— Je ne suis pas sûre d’apprécier que tu qualifies ma queue de
magnifique, plaisante-t-il.
J’essaie de l’engloutir en entier et échoue misérablement.
— Peut-être sexy ou virile…
Il arrête de parler, quand je forme un cercle sur le bout de son sexe avec
ma langue.
— Épaisse, continué-je, avant de l’avaler encore une fois, en prenant tout
mon temps.
Je commence à être de nouveau excitée et je suis prête à jouir une
deuxième fois. J’ai envie de fermer les jambes pour ajouter un peu de
friction. Je lève la tête vers lui et vois qu’il a les yeux fermés, alors je baisse
ma main libre et la glisse dans ma culotte. À la seconde où je touche mon
clitoris, j’émets un grognement et il ouvre les yeux.
— Ma douce Zara, dit-il, en voyant que je suis en train de me caresser.
Que se passe-t-il ?
Il retire alors sa main de mes cheveux et la porte à mes seins. Il abaisse le
bonnet de mon soutien-gorge, relève mon téton, et le pince. Je dois
m’immobiliser une seconde, avant de reprendre.
— Est-ce que tu serais la femme parfaite ? demande-t-il tout en faisant
rouler mes tétons entre son pouce et son index. Un visage parfait, des lèvres
parfaites, des seins parfaits, une chatte parfaite.
Mes mains remuent de plus en plus vite autour de son sexe et dans ma
culotte, à mesure que son sexe grossit dans ma bouche.
— Je vais jouir, dit-il.
Il essaie de retirer son sexe, mais je le serre plus fort pour l’en empêcher.
— J’y suis, lâche-t-il.
Il jouit sur ma langue et j’avale jusqu’à la moindre goutte. Il se retire et je
suis abasourdie, mais ce qu’il fait ensuite me stupéfie encore plus. Il
redescend au niveau de mon sexe.
— Je suis vraiment désolé pour ça, dit-il.
Puis il m’arrache ma culotte et me prend de nouveau dans sa bouche
jusqu’à ce que je jouisse sur sa langue pour la deuxième fois en une soirée.
Il vient ensuite se placer sur moi et sa bouche recouvre la mienne, puis il se
laisse tomber à côté de moi sur le lit. Je reste étendue là comme une nouille
toute molle.
— J’ai décroché le gros lot, annoncé-je au plafond, tandis qu’il est couché
à côté de moi, les yeux levés et une main sur le torse.
— Non, répond-il. C’est moi.
Je me tourne vers lui et il ajoute :
— Je te dois aussi une culotte.
— Tu te fiches de moi ? rétorqué-je.
Je me redresse et récupère la culotte rose déchirée.
— Je vais la faire encadrer.
Il se redresse sur un coude, le sexe à demi en berne et les abdos bandés et
parfaits. Je me dirige vers le lit, pose un genou sur le matelas, et soudain,
son sexe passe d’à moitié ramolli à complètement déchaîné.
— Tu es prêt à remettre ça ?
Il baisse les yeux sur son sexe et répond :
— Je crois que c’est un oui.
Il se lève et ajoute :
— Mais cette fois, faisons-le sous la douche.
Il n’a pas besoin de me le demander deux fois.
Lorsque nous en avons terminé, mes doigts sont fripés et je suis presque
un glaçon. Je m’enroule dans son immense peignoir en tissu-éponge et sors
de la pièce, quand je l’entends derrière moi.
— Où est-ce que tu vas, bon sang ?
Je me retourne et remarque son regard noir. Il a une serviette blanche
enroulée autour des hanches et j’aperçois les contours de son sexe, que je
viens tout juste de sucer. ENCORE. Mes yeux se fixent de nouveau sur lui
et je suis impatiente d’essayer d’autres choses.
— Zara ?
— Oui ? réponds-je en clignant des yeux.
— J’ai dit, où tu crois aller, comme ça ? répète-t-il.
Cette fois, il est juste devant moi.
— J’allais enfiler mon pyjama, réponds-je, en levant les doigts pour les
glisser le long de ses abdos.
J’ai effectué le même chemin avec ma langue il n’y a pas si longtemps.
— Non, rétorque-t-il, en dénouant la ceinture du peignoir. Tu dors nue.
Je ris.
— Et s’il y a un incendie ? lui demandé-je, alors qu’il ôte le peignoir de
mes épaules.
— On va laisser ça sur le lit.
Il le prend et le jette au bout du matelas. Puis il revient vers la tête de lit et
repousse les couvertures, avant de déposer un baiser sur mon cou.
— Monte, ma belle.
Je me glisse entre les draps et c’est comme s’enfoncer dans un nuage. Je
le regarde contourner le lit, ôter sa serviette et s’allonger près de moi. Il se
déplace au milieu du matelas et m’attire contre lui.
— Bonne nuit, douce Zara, dit-il.
Je me blottis entre ses bras et m’endors presque immédiatement.
VINGT

Evan

Je tiens sa main sur mes genoux, ses doigts sont entremêlés avec les
miens. Je la soulève, la porte à ma bouche et l’embrasse, puis je tourne la
tête vers elle et vois qu’elle sourit. Je la conduis jusqu’à l’aéroport, et je
déteste ça. Je voulais qu’elle reste plus longtemps, mais elle ne pouvait pas.
Ces quatre derniers jours ont été les plus heureux que j’aie jamais connus.
Nous nous sommes réveillés le dimanche en tendant la main l’un vers
l’autre. Putain, j’ai tout le temps envie d’elle, et on n’a même pas encore
couché ensemble. Je ne veux pas qu’elle croie que je lui ai demandé de
venir ici pour ça.
Nous nous sommes levés, avons nourri les chiens, puis je l’ai emmenée
acheter un canapé pour la cour de derrière. Elle était au paradis quand ils
l’ont livré, cet après-midi. Un canapé rond sur lequel vous pouvez vous
étendre, livré avec un demi-parasol. Je l’ai découverte assise dessus, les
chiens juste à côté d’elle, en rentrant de la patinoire le lundi.
Nous avons préparé le dîner côte à côte, avons regardé la télévision
ensemble et nous sommes endormis ensemble, et maintenant, tout ça est
terminé.
— À quelle heure est-ce que tu atterris ?
— À quinze heures trente. Zoé vient me récupérer, répond-elle.
Je vous jure que j’ai envie de faire demi-tour.
— À quelle heure est-ce que tu dois être sur la glace ?
— Dès que je t’aurai déposée.
Je prends la sortie en direction de l’aéroport et ajoute :
— Notre match est pour ce soir et, Dieu merci, nous restons à domicile
toute la semaine.
— J’ai une semaine de dingue, répond-elle.
Je tourne la tête vers elle et imprime de nouveau son image dans ma tête.
J’en ai déjà des millions. Elle porte un jean droit bleu et déchiré, ainsi qu’un
T-shirt blanc qui sera recouvert par sa veste en cuir noire. Elle a des
Converses aux pieds, ce qui lui donne une allure sportive et chic.
— Je dois faire des portfolios pour cinq clients.
— Tu travailles depuis chez toi ou tu as besoin d’aller au boulot ?
— Non, je travaille chez moi toute la semaine, répond-elle. Je devrai juste
y aller samedi pour ajuster les robes de soirée des filles pour le gala de
départ en retraite qu’elles organisent.
Je tourne dans le parking souterrain et elle émet un son mécontent à côté
de moi.
— Tu n’es pas obligé de m’accompagner à l’intérieur.
Je me gare, puis défais ma ceinture et me penche pour l’embrasser.
— Je n’écoute que la moitié de ce que tu me demandes de faire, avoué-je,
avant d’approcher de son oreille. Sauf si tu prononces les mots « fais-moi
encore jouir. »
Elle me repousse et je remarque que ses joues ont rougi.
— La ferme. Tu m’as dit la même chose juste avant qu’on parte.
Je ris, et songe à la manière dont elle a pris mon sexe dans sa bouche juste
avant notre départ.
— Une dernière pour la route, a-t-elle dit, avec une étincelle dans les
yeux.
Je sors de la voiture et me dirige vers son côté pour lui ouvrir la portière.
Quand elle sort, je l’étreins contre moi et elle passe ses bras autour de ma
taille.
— Je ne veux pas que tu partes.
— Moi non plus, avoue-t-elle contre mon cou.
Nous restons comme ça, aussi longtemps que possible, jusqu’à ce que son
téléphone émette un bip annonçant une notification. Elle le récupère dans sa
poche.
— Mon vol est à l’heure.
Je lui adresse un signe de tête et me dirige vers le coffre pour récupérer sa
valise, pendant qu’elle prend son sac à main et sa veste sur le siège arrière.
Nous entrons dans l’aéroport en nous tenant la main, nos doigts entremêlés
lâchement. J’attends qu’elle ait fait enregistrer sa valise, puis j’avance avec
elle jusqu’à ne pas pouvoir aller plus loin. Elle se tourne vers moi et je
replace ses longs cheveux ondulés derrière ses oreilles.
— Ma douce et belle Zara.
Elle serre les mains autour de mes poignets, lorsque je prends son visage
en coupe et l’attire vers moi pour l’embrasser. Doucement, délicatement,
sur les lèvres, mais pas comme je le voudrais.
— Appelle-moi quand tu auras passé la sécurité, lui dis-je, et elle sourit.
— J’ai déjà pris l’avion, tu sais, plaisante-t-elle. Je t’appellerai quand
j’arriverai au portail d’embarquement.
— D’accord, concédé-je, avant de déposer un baiser dans son cou. Sois
sage, ma douce Zara.
Elle se détourne alors, pour s’éloigner de moi. Elle se place dans la file de
contrôle de sécurité, s’avance vers l’agent qui lui prend son billet et sa carte
d’identité. Il les scanne et, d’un coup, elle est partie. Je ressors, tête basse,
mes lèvres me picotant encore après son baiser et les mains encore chaudes
du contact de ses doigts.
Quand je reviens chez moi, les chiens aboient et me sautent dessus, et je
vois Lilo regarder derrière moi à la recherche de sa nouvelle meilleure
amie.
— Elle est partie, ma fille, lui dis-je, et je pourrais jurer qu’elle se met à
bouder.
Elle baisse la tête, puis sort de la cuisine. Zara m’appelle alors qu’elle est
en train d’embarquer et me dit qu’elle me rappellera un peu plus tard.
Je me force à faire une sieste avant le match et, quand je me lève à quinze
heures, je vois qu’elle m’a envoyé un message il y a vingt minutes pour
m’annoncer qu’elle avait atterri. Je me lève et enfile mon costume, avant de
me mettre en route pour la patinoire. J’entre dans le vestiaire et vois que
Denis est déjà là, ainsi que Corey.
— Salut, dis-je en jetant mes clefs sur l’étagère avec mon téléphone et
mon portefeuille.
— Tu es là plus tôt que d’habitude, remarque Corey.
Il porte ses vêtements d’entraînement et est en train de boire une boisson
protéinée.
— Ouais, je me suis dit que j’allais manger ici, réponds-je.
C’est alors que deux débutants entrent.
— Tu as amené ta copine à l’aéroport ? demande Corey, je me contente de
hocher la tête.
— C’est vraiment la sœur de Matthew Grant ? m’interroge Thomas, l’un
des petits nouveaux, tout en s’asseyant à sa place.
Corey essaie de dissimuler un sourire.
— Ouais, réponds-je, en ôtant ma veste.
— Mec, sans vouloir te vexer, putain ce qu’elle est sexy, continue-t-il, et
je le fusille du regard. Ses jambes ? Merde, elles sont interminables.
— Eh, Thomas, lancé-je.
Il lève les yeux vers moi tout en retirant sa cravate.
— Tu as combien de dents dans la bouche ?
— Quoi ? demande-t-il, confus. Je les ai toutes.
— Dans ce cas, à moins que tu veuilles que je te les fasse toutes cracher
par terre, je te suggère de changer de sujet.
Corey s’écroule de rire et Denis se contente de rire en silence.
— Je disais juste ça comme ça, s’empresse de préciser Thomas en levant
les mains. Ça ne voulait rien dire.
— Je comprends exactement ce que tu voulais dire, et maintenant, tu
comprends ce que, moi, je veux dire.
Je lui adresse un regard entendu et il se contente de hocher la tête, avant
de sortir de la pièce.
— Seigneur, j’ai cru qu’il allait se pisser dessus, remarque Corey. Tu
devrais y aller doucement avec lui. Il ne pensait pas à mal.
— Je me fiche de savoir à quoi il pensait, répliqué-je.
J’enfile mes vêtements d’entraînement et me dirige vers la cuisine. Mon
téléphone se met à sonner à la seconde où je m’assieds. Je regarde l’écran et
vois qu’il s’agit de Zara.
— Salut, dis-je, avec un énorme sourire sur le visage.
— Salut, répond-elle, à bout de souffle. Je viens de rentrer. La circulation
était horrible.
— Je suis à la patinoire, lui dis-je. Lilo boude et tu lui manques.
— Ooooh, ma pauvre fille.
Je peux voir clairement son sourire dans ma tête.
— Lilo est-elle la seule à qui je manque ?
— J’ai dormi sur ton oreiller durant ma sieste, avoué-je, en regardant
autour de moi pour m’assurer d’être seul.
— J’ai ramené ton T-shirt avec moi, dit-elle doucement. Celui que tu
portais hier.
Je me mets à rire.
— À quelle heure est le match de ce soir ?
— Tu n’es pas obligée de le regarder, Zara, lui assuré-je, sachant qu’elle
déteste le hockey.
J’ai mis un match à la télé, hier, quand New York jouait, et elle s’est
endormie au bout de trente secondes.
— Je sais que je ne suis pas obligée, mais je le mettrai quand même,
répond-elle.
J’entends alors Zoé hurler son nom en arrière-plan.
— OK, vas-y et entre dans la zone. Appelle-moi après le match.
— D’accord, réponds-je, avant de raccrocher.
Je pose mon téléphone et suis en train de manger, quand il émet de
nouveau un bip. Je baisse les yeux dessus. Elle m’a envoyé un message.
Zara : À chaque but que tu mettras, tu seras récompensé avec ma
bouche.
Zara : Autour de ta queue.
Je grogne intérieurement, parce que mon sexe croit que ça va arriver tout
de suite et commence à se réveiller.
Moi : Je vais devoir m’occuper de moi-même avant le match rien que
d’y penser.
Elle me répond aussitôt.
Zara : Eh bien, dans ce cas, on devrait avoir une discussion très
intéressante après le match. Tu me manques.
Je ne lui renvoie rien, parce que mon téléphone sonne et je vois que c’est
Candace.
— Allô, la salué-je. Tu es en vie ?
— Ah ah ah, balance-t-elle d’un ton sarcastique. Fais-moi confiance, si ce
n’était pas le cas, maman serait sur ton dos, en ce moment, pour te forcer à
venir me chercher.
— C’est très vrai, acquiesçé-je.
Je sais que ma mère ferait exactement ça.
— Tu viens de rentrer ? lui demandé-je, en terminant mon assiette.
— Ouais, confirme-t-elle. Je comptais venir voir le match ce soir et
amener une amie.
— D’accord. On se voit après, dis-je, avant de raccrocher.
Je m’échauffe un peu, avant de devoir m’équiper et monter sur la glace.
Quand j’arrive sur la patinoire, je vois deux fans qui m’attendent près de la
vitre et je leur jette un palet. Puis je tourne les yeux vers le capitaine de
l’autre côté de la patinoire.
— Ça va être une dure soirée, dit Corey. Ils sont sur une série de victoires
de six matchs.
— Eh bien, ça se termine ce soir, réponds-je.
Je prends un palet et le déplace d’avant en arrière avec ma crosse.
L’échauffement se termine et nous retournons dans le vestiaire. Le coach
entre et nous montre des photos de certaines actions qu’il voudrait qu’on
essaie. Je suis assis sur le banc avec ma boisson d’avant-match à la main,
tapotant la bouteille des doigts.
— Brisons cette série de victoires, les gars, lance-t-il, en frappant dans ses
mains.
Nous nous levons et nous mettons en ligne pour sortir. Nous patientons
dans le couloir, tandis que Corey nous délivre son discours habituel. Je
sautille sur mes patins, puis sangle mon casque et attends mon tour.
Je monte sur la glace et prends ma place sur la ligne bleue, puis je retire
mon casque pendant l’hymne. Après ça, je m’avance jusqu’au milieu de la
glace, tandis que les fans commencent à battre des pieds. Je patine en
cercle, ma crosse entre les mains, et entre dans la zone. Je repousse toutes
mes pensées dans un coin de ma tête et, quand l’arbitre approche avec le
palet, je me mets en position et attends qu’il le laisse tomber. Je remporte le
face-à-face et dégage la rondelle vers Denis, qui la fait remonter lentement,
tandis que nous fonçons tous les trois vers leur gardien. Il envoie le palet à
Jari et j’essaie de contourner la défense par la droite. J’arrive à rester
légèrement derrière et reviens vers la gauche, où je lui jette un regard pour
lui indiquer de me faire une passe. Dès que la rondelle frappe la lame de ma
crosse, je tire en direction du gardien. Je ne m’attends à rien, mais espère
donner à tout le monde l’occasion de faire une action de rebond. Sauf que le
palet s’envole derrière l’épaule du gardien et que d’un seul coup, après sept
secondes de jeu, ça fait un à zéro pour nous. Je patine derrière le filet et mes
coéquipiers se rassemblent autour de moi. Corey est le premier à me
rejoindre.
— On dirait que quelqu’un est gonflé à bloc, plaisante-t-il, puis nous
glissons jusqu’au banc.
Nous donnons une tape dans la main de tout le monde, puis effectuons un
changement.
Durant le restant de la période, nous nous accrochons à cette avance d’un
but, mais quand nous débutons la deuxième période, soit ils ont soif de
sang, soit c’est nous qui nous traînons les fesses, parce qu’il ne faut que
vingt-sept secondes avant qu’on se retrouve menés deux à un. Nous nous
retrouvons coincés dans notre zone plus souvent que nous le voudrions, et
éloigner le palet est aussi difficile que d’arracher une dent. Nous finissons
par réussir, mais ça ne suffit pas pour marquer le but d’égalisation.
Quand nous revenons au vestiaire, à la fin de la deuxième période, ils ont
eu vingt-et-une occasions et nous n’en avons eu que six.
— On doit se créer plus d’occasions, dit le coach. Vous devez arrêter de
vous retrouver coincés dans notre zone.
Mes équipiers se contentent de le regarder et, quand nous remontons sur
la glace pour la troisième période, le match prend un nouveau tournant.
Nous nous retrouvons coincés dans notre zone, comme d’habitude, mais,
cette fois, nous interceptons le palet et traînons nos fesses vers le gardien.
Corey entre dans la zone à deux contre un et je me lance, tirant au nez du
deuxième défenseur. Le coup rebondit sur le gardien, mais je suis juste sur
la droite, prêt pour le rebond, et je fais glisser le palet dans le coin vide du
filet.
— Un de plus, leur lancé-je, et nous patinons de nouveau vers le banc
pour le changement de ligne. Il faut qu’on en mette un de plus.
Je prends la bouteille de Gatorade et en verse dans ma bouche. En un
battement de cils, nous parvenons à marquer et prenons l’avance d’un but.
À la fin du match, nous avons mis fin à leur série de victoires. Je suis
acclamé par les spectateurs et effectue un tour de piste complet, tout en
lançant des palets dans la foule.
Je descends de la glace, j’entre dans le vestiaire dès que les journalistes
arrivent. Deux d’entre eux me posent des questions, après quoi je me
précipite sous la douche. Je regarde l’horloge et vois qu’il est presque dix
heures, une heure de plus chez elle. Je me demande si elle est couchée. Je
prends mon téléphone et lui envoie un message.
Moi : Tu es encore debout ?
Je pose mon portable et m’habille, quand elle me répond aussitôt.
Zara : Pas du tout.
Je reprends l’appareil et vais dans une pièce calme pour l’appeler. Elle
décroche tout de suite ; sa voix est endormie et, soudain, je me sens triste à
l’idée qu’elle ne sera pas chez moi à mon retour.
— Salut, superstar.
— Salut, ma belle, dis-je doucement, et je vois son sourire dans ma tête.
Tu es couché ?
Je l’imagine dans mon lit, les fois où je me suis réveillé et l’ai prise dans
mes bras.
— Oui, répond-elle, et j’entends un froissement de draps en arrière-plan.
J’ai mis une alarme au cas où je m’endormirais.
— Tu me manques, lui dis-je en toute sincérité. J’aimerais te retrouver à
mon retour chez moi ce soir.
Elle se met à rire, cela me détend.
— C’est uniquement parce que je te dois deux pipes.
— Oh, ne t’en fais pas, mon cœur. Je garde ça en tête pour la prochaine
fois.
Je l’entends bâiller et reprends :
— Et si tu allais te coucher ? Je te rappellerai demain en me levant.
— D’accord, Evan, répond-elle doucement. On se parle demain.
— Bonne nuit, ma belle, lui dis-je, avant de raccrocher.
Je retourne dans le vestiaire et vois qu’il est presque vide.
— Ta sœur te cherchait, me dit Corey tout en enfilant sa veste, et je lui
adresse un signe de tête.
Je mets mon téléphone dans ma poche et enfile ma veste à mon tour.
— Le voilà, lance ma sœur derrière moi. La star du match.
Je me retourne en souriant, mais mon sourire s’évanouit quand je vois qui
est son amie.
— Salut, lui dis-je, avant de tourner les yeux vers Sophia, mon ex-petite
amie.
Je savais qu’elles étaient copines, mais je ne savais pas qu’elles étaient si
proches.
— Salut, lance Sophia, et je hoche juste la tête.
— Tu as bien joué, dit ma sœur.
Je me contente de la regarder, en espérant qu’elle verra tout le dédain sur
mon visage.
— Merci, fis-je.
Je récupère mes clefs et demande :
— Où est-ce que vous allez, maintenant ?
Son regard passe de moi à Sophia.
— On espérait que tu nous emmènerais dîner, répond Candace, et je lui
souris.
— Désolé. Je suis crevé, je vais rentrer chez moi.
Je me retourne et sors de la pièce. Ma sœur et Sophia m’emboîtent le pas.
— Oh, allez, lance Candace.
Je me retourne et les regarde toutes les deux.
— Cand, je n’ai aucune idée de ce que tu essaies de faire, mais ça ne
marchera pas.
Non seulement je suis furieux qu’elle ait impliqué Sophia là-dedans, mais
je suis aussi en colère, parce qu’elle me met dans une situation
embarrassante.
— Sophia, c’était sympa de te revoir. Cand…
Je me tourne vers elle et finis :
— Tu peux m’appeler demain.
Sans prendre la peine d’attendre sa réponse, je me contente de tourner les
talons et de rentrer chez moi.
VINGT-ET-UN

Zara

— Je m’en occupe tout de suite, Mme Kitch, et je vous enverrai toutes


mes idées d’ici la semaine prochaine, dis-je au téléphone, tout en écrivant
les détails dans mon cahier.
— Merci beaucoup, ma chère. Kellie n’a que des éloges à faire vous
concernant.
Je souris. Si on m’avait demandé l’année dernière si je pensais que ma
liste de clients pouvait dépasser les dix noms, j’aurais ri.
Aujourd’hui, en arrivant à Nordstrom, je leur ai donné ma lettre de
démission. C’est un énorme saut dans l’inconnu et un pari sur moi-même.
J’avais le cœur lourd, mais je ne pouvais plus tenir le rythme. Ma liste de
clients a commencé avec quatre noms, composés uniquement de ma famille
et maintenant, elle en contient soixante-dix. Entre les stars d’Hollywood, les
femmes de joueurs de hockey et les magnats du pétrole, sans parler de tous
ceux qui ont lu mon nom dans les journaux, tout le monde veut quelque
chose de La Garde-Robe de Zara.
— Je vous verrai à Dallas la semaine prochaine, lui dis-je, en vérifiant
mon emploi du temps.
— Parfait. Je suis impatiente de vous rencontrer, répond-elle, et je
raccroche.
Cela fait deux semaines que j’ai quitté Dallas et je suis pressée d’y
retourner. Mon homme me manque terriblement et, même si nous nous
parlons quatre ou cinq fois par jour, rien ne vaut le fait de l’avoir près de
moi.
Hier, je me suis rendu compte que je ne sentais plus son odeur sur son T-
shirt, alors je l’ai appelé et je me suis montrée un peu affolée à ce sujet. Et
qu’est-ce qu’il a fait ? Il m’en a envoyé un autre, récemment porté, par
FedEx, pour que je puisse le sentir. Même s’il n’était pas vraiment réjoui de
faire ça, et c’est là notre seul sujet de dispute. Le fait que je ne sois pas là ;
le fait qu’il ne puisse pas venir ici. Les relations à longue distance, ça craint.
Mais bon, il y a FaceTime, alors on peut dîner ensemble quand on en a
envie, et même Lilo et Stitch se joignent à nous. Son contact me manque et
ses baisers aussi, mais, ce week-end, son équipe arrive pour le match de
l’année, et je suis tellement impatiente. Il a passé une grande partie de la
semaine sur la route, et ils terminent leur série de déplacements à New
York. Ce qu’il ne sait pas, c’est que je repars avec lui.
Je suis en train d’écrire dans mon agenda, quand la sonnette retentit. Je
descends au rez-de-chaussée ; c’est un livreur de chez FedEx. Je lui souris
et signe, avant de récupérer l’énorme boîte. Qu’est-ce qu’il m’a envoyé ? Je
grimpe dans ma chambre et la pose sur le lit. Puis je cours dans mon
bureau, récupère des ciseaux et redescends. Je fais courir mes mains à
l’endroit où il a écrit mon nom.
Je coupe le scotch en haut de la boîte, pose les ciseaux à côté de moi et
l’ouvre. J’attrape le premier objet, enveloppé de papier de soie, et, quand je
le déballe, je découvre qu’il s’agit d’une photo encadrée de Lilo et Stitch,
avec des pancartes autour du cou. Sur celui de Lilo, il est écrit « Tu me
manques » et sur celui de Stitch « reviens, s’il te plaît ». Je ris et la presse
contre mon cœur, clignant des paupières pour chasser les picotements dans
mes yeux. Je pose le cadre sur ma table de chevet, puis je sors le deuxième
présent, emballé lui aussi dans du papier de soie. Cette fois, c’est une photo
encadrée de nous deux. Elle a été prise sur son nouveau canapé extérieur. Il
est assis et je suis couchée sur son torse, la main posée au niveau de son
cœur. Une petite carte est accrochée au cadre.
J’ai cette photo à côté de mon lit et je me suis dit que tu aimerais
peut-être en avoir une copie.
Tu me manques,
E.
Je suis tentée de l’embrasser sur la photo, tellement il me manque. Au lieu
de ça, je caresse le verre avec mon doigt, puis place le cadre à côté de
l’autre et sors l’objet suivant. Il est enveloppé dans du tissu entouré d’un
ruban rose. C’est un autre maillot.
J’espérais que tu me ferais l’honneur de porter ce maillot samedi. Il
sent mon odeur !
Je suis impatient de pouvoir t’embrasser.
E.
Je le serre contre mon cœur et ris. Je sais qu’on va me mettre la pression à
cause de ça, mais ça ne va pas m’empêcher de le porter. Le prochain objet
que je sors de la boîte est lourd et, quand je l’ouvre, je me mets à rire. C’est
un bocal en cristal rond, avec un couvercle, et il est rempli de chocolats
Hersey’s kisses. Il y a une petite note à l’avant.
Quelques baisers pour quand je ne suis pas dans le coin.
Je ris et le pose juste à côté du cadre. Finalement, je sors de la boîte
l’objet que j’attendais : son T-shirt. Il en a envoyé deux, et j’en porte un à
mon nez pour le sentir. Mon estomac fait un salto et je souris, alors que les
battements de mon cœur accélèrent. Je retire celui que je porte et enfile le
sien. Je le lève de nouveau à mon nez et le hume. Puis j’attrape mon
téléphone et prends une photo de moi, couchée sur mon lit avec son T-shirt,
les photos en arrière-plan, et je la lui envoie.
Moi : Combien il reste de jours avant que je sois de nouveau dans tes
bras ?
Je ne sais pas où il est ni ce qu’il fait. Je sais qu’il devait être sur la route,
aujourd’hui, mais rien de plus. Il ne répond pas ; au lieu de ça, j’ai un appel
sur FaceTime. Je réponds aussitôt et attends que la connexion s’établisse.
— Salut, dis-je, en voyant son visage emplir l’écran. J’ai reçu ta boîte.
— Ah oui ? sourit-il.
Je remarque qu’il est en train de marcher.
— Oui, confirmé-je, en me tournant sur le ventre sans cesser de le
regarder. Où es-tu ?
— En chemin vers l’avion, explique-t-il.
Il retourne la caméra pour me montrer le jet qui l’attend.
— Notre premier arrêt est à Philadelphie, me dit-il. Ensuite, ce sera
Buffalo et enfin New York.
— Quand est-ce que tu arrives à New York ? l’interrogé-je.
Je compte les heures jusqu’à ce moment.
— Samedi matin, répond-il, ce qui me déprime. On arrive à dix-heures et
on va s’entraîner aussitôt. Après, je devrai être de retour sur la patinoire à
dix-sept heures.
Je suis sur le point de lui demander à quel moment je pourrai enfin le voir,
quand il me regarde dans les yeux.
— Ma belle, je vais devoir te rappeler.
— OK, réponds-je. Passe un bon vol.
Il sourit et me fait un clin d’œil, avant de raccrocher.
Je suis sur le point de me remettre au travail, quand j’entends la porte
d’entrée s’ouvrir et se refermer.
— Je suis là ! lance Zoé. J’apporte des cadeaux.
Je me lève et descends les marches.
— Qu’est-ce que tu portes ? me demande-t-elle.
Je baisse les yeux sur le T-shirt Adidas clairement trop grand pour moi.
— C’est celui d’Evan, expliqué-je, et elle secoue la tête. Quoi ? Il me
manque.
— Je vois ça, répond-elle, avant de me tendre un sac en papier brun. Je
t’ai apporté des bagels.
— Oh, génial.
Je les prends et sens à travers le papier qu’ils sont tout chauds.
— Ils sont frais, en plus.
— Ils sortent à peine du four, acquiesce-t-elle, tout en me suivant dans la
cuisine. J’aimerais faire griller le mien.
Elle en prend un et le met dans le grille-pain, et je fais la même chose. Je
me dirige vers le frigo et récupère un peu de cream cheese.
— Comment s’est passée ta journée ? demande-t-elle.
Elle se tient devant moi, vêtue d’un pantalon noir parfaitement repassé et
d’un chemisier en soie blanc, noué au niveau du cou. Ses sandales noires
complètent sa tenue élégante et professionnelle.
— Douce-amère, réponds-je. Mais il était temps que je laisse tomber l’un
de mes boulots.
— Il était grand temps, même, renchérit-elle. Tu dois faire le grand saut et
c’est le moment parfait pour ça.
— Les choses arrivent au moment où elles sont censées arriver, dis-je, et
elle hoche la tête.
— Quand est-ce que tu retournes à Dallas ? me demande-t-elle.
— Dimanche. J’ai réservé un vol dans l’après-midi.
— Ça veut dire que tu amènes Evan à la fête d’après-match ? demande-t-
elle.
Une étincelle brille dans ses yeux et j’imagine très bien ce qu’elle pense.
— Je ne le lui ai pas proposé, mais, s’il le veut, je l’emmènerai. Sinon, je
n’irai pas, dis-je, en récupérant les bagels qui viennent de sauter du grille-
pain.
— Tu ne rates jamais la fête d’après-match, remarque-t-elle. C’est du
sérieux, hein ?
Je hausse les épaules.
— Je l’aime bien. Genre, vraiment, vraiment bien.
Elle ne me pose aucune autre question et n’insiste pas. Elle mange son
bagel, puis va à nouveau piller mon placard, avant de partir avec une autre
tenue. Je verrouille la porte après son départ et vais prendre un bain. Quand
j’en ressors, Evan m’appelle en FaceTime au moment où je me glisse sous
les draps.
— Salut, dis-je, quand son visage apparaît sur l’écran.
Je vois qu’il a l’air fatigué.
— Salut, ma belle.
Il m’accueille avec les mêmes mots à chaque fois.
— Tu viens de rentrer ? lui demandé-je, tout en me mettant à l’aise.
Il hoche la tête.
— Donc, continué-je.
J’essaie de trouver les bons mots, quand je me rends compte qu’il
m’observe.
— Ma famille organise une fête d’après-match samedi.
— OK, fait-il, et je le vois ôter sa veste.
Il est dans sa chambre d’hôtel et il monte sur le lit.
— Je me demandais si tu aimerais y aller avec moi.
Je scrute son visage à la recherche du moindre signe d’hésitation.
— C’est à toi de voir, ma belle, murmure-t-il. On fait ce que tu veux,
quand tu veux.
— Eh bien, lui dis-je. J’ai envie que tu rencontres ma mère et mon père.
— Dans ce cas, on ira, m’assure-t-il, et son sourire emplit l’écran. Tu es
au lit ?
— Oui.
Je tourne le téléphone pour qu’il voie que je suis couchée.
— Tu portes mon T-shirt ? demande-t-il en relevant les oreillers.
— Oui, et il est couvert de ton odeur, lui réponds-je en souriant. Quatre
jours, hein ?
— Quatre jours, répète-t-il.

***
J’essaie d’abattre autant de travail que possible durant la journée pour
faire en sorte que ça passe plus vite, mais ça ne fonctionne pas. Chaque jour
est pire que le précédent et, quand vient le vendredi soir, je n’arrive
quasiment pas à dormir. Je me tourne et me retourne dans mon lit, et quand
je m’endors enfin, je me réveille quarante minutes plus tard, pour voir qu’il
n’est même pas cinq heures du matin. À sept heures, j’abandonne et
descends au rez-de-chaussée. Je suis sur le point de me faire un café, quand
j’entends quelqu’un frapper. Je baisse les yeux et constate que je ne porte
que le T-shirt d’Evan, alors je récupère une serviette dans le panier à lingue
et l’enroule autour de la partie inférieure de mon corps, avant de me diriger
vers l’entrée. On toque de nouveau, un peu plus fort, cette fois.
— J’arrive, dis-je.
Je déverrouille la porte, l’ouvre en grand et, à ma grande surprise, me
retrouve face à lui.
— Bonjour, ma belle, dit-il.
Il tient un bouquet de roses à la main, mais je m’en fiche, et je saute dans
ses bras. Il a à peine le temps d’ôter les roses du chemin avant de me
rattraper. J’enroule mes jambes autour de sa taille et enfouis mon visage
dans son cou. Je suis certaine que je suis en train de l’étrangler, mais je n’en
ai rien à faire. Il est là, devant moi, et il me tient dans ses bras, alors rien, je
dis bien rien, ne pourra me déloger de là. Il entre dans la maison et ferme la
porte derrière lui.
— Mon cœur, dit-il doucement. Je vais avoir besoin de tes lèvres.
Je m’écarte dans ses bras, les jambes nouées aux chevilles. Il a une main
sous mes fesses et l’autre, qui tient toujours les fleurs, est passée autour de
ma taille.
— Te voilà, me dit-il, et son sourire est si large que le coin de ses yeux se
plisse. Tu m’as tellement manqué.
Je suis incapable de parler, parce que j’ai une boule énorme dans la gorge,
et je sais que si je dis quoi que ce soit, je vais sûrement sangloter, tellement
je suis heureuse. Je presse mon front contre le sien et mes mains contre ses
joues ; son menton est plus mal rasé que la dernière fois. Je me penche
lentement en avant et embrasse doucement ses lèvres, si doucement que
c’est presque comme si je n’étais pas là. Il se retourne pour poser les roses
sur la table basse.
— Où est-ce que tu veux faire ça ? me demande-t-il.
— Dans mon lit, réponds-je. À l’étage.
Il grimpe les marches et je descends finalement, mais pas avant que mes
mains ne se soient acharnées sur son T-shirt, jusqu’à le faire passer au-
dessus de sa tête.
— Quand est-ce que tu es arrivé ? lui demandé-je, mais il ne répond pas.
Tout ce qu’il fait, c’est prendre mon visage entre ses mains pour
m’embrasser. Il m’embrasse jusqu’à me rendre folle. Ces trois dernières
semaines me rattrapent soudain et je n’arrête pas de l’embrasser, jusqu’à ne
plus pouvoir respirer. Je ne m’arrête pas avant d’être haletante et de me
sentir au paradis.
— Je n’ai que quelques heures devant moi, avant de devoir me rendre à la
patinoire, m’explique-t-il entre deux baisers.
Ses lèvres se pressent contre les miennes, puis mon cou, et ses mains
glissent sous mon T-shirt pour prendre mes seins en coupe ; ils sont
douloureux depuis le moment où je me suis jetée sur lui.
— Tu m’as tellement manqué, dit-il.
Il prend l’un de mes tétons dans sa bouche, et je vous jure que ça suffit
presque à me faire jouir. Je suis tellement excitée. Je porte vivement la main
à sa ceinture et, avant même que nous ayons pris conscience de ce qu’il se
passe, je suis à genoux et son sexe est enfoncé au fond de ma gorge. Nous
émettons tous deux un grognement, je ne m’arrête pas, je ne peux pas
m’arrêter, et il jouit dans ma gorge dans un rugissement.
VINGT-DEUX

Evan

Rien n’aurait pu m’empêcher de la rejoindre. Je suis arrivé hier soir à une


heure du matin, mais je ne voulais pas qu’elle attende pour moi. Néanmoins
la nuit n’est pas passée assez vite, et finalement, à six heures du matin, je
suis sorti du lit et me suis dirigé vers sa maison. Je dois être sur la patinoire
à dix heures, alors techniquement, je n’ai que deux heures à passer avec
elle, mais c’est mieux que rien. Quand elle a ouvert la porte et a vu que
c’était moi, elle s’est jetée à mon cou, a enroulé ses jambes autour de ma
taille et a aussitôt fait durcir mon sexe.
Je la regarde, à genoux devant moi, et mes yeux parviennent enfin à faire
la mise au point sur elle, une fois que j’ai joui dans sa bouche. Je la soulève
et la jette littéralement sur le lit. Je n’attends même pas qu’elle ait atterri
avant de presser ma bouche contre son sexe. Je lui arrache sa culotte et en
ajoute une autre à la pile. Sa douceur me frappe aussitôt, mais ses jambes
s’enroulent ensuite autour de ma tête et elle porte une main sur mon crâne.
Ma femme en a tellement envie qu’elle soulève les hanches et chevauche
mon visage. Elle jouit en un temps record, mais je ne suis pas encore prêt à
m’arrêter, alors je la baise de nouveau avec ma langue. J’ajoute un autre
doigt et je sais que ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle jouisse
une deuxième fois. Je la doigte si fort que j’ai peur de la blesser, mais elle
fait aller ses hanches en rythme avec moi. Je me baisse vers son clitoris et le
mords, puis je l’aspire encore dans ma bouche, et elle jouit de nouveau.
— Je ne peux pas, murmure-t-elle.
Son clitoris est sensible à mes caresses, alors je grimpe sur elle, je
l’embrasse, et elle me rend mon baiser. Elle vient de jouir dans ma bouche
et j’ai encore son goût sur ma langue, mais elle s’en fiche ; elle se contente
de m’embrasser. Mon sexe est si près de se glisser en elle que je dois
reculer un peu, et je me laisse retomber à côté d’elle.
— Eh bien, c’était un sacré accueil, lâché-je, et elle tourne la tête vers
moi. Tu es si belle.
— Pourquoi tu n’es pas venu ici hier soir ? demande-t-elle.
Elle se rapproche de moi et pose sa tête sur mon torse.
— J’ai super mal dormi.
— Ouais, je me suis dit que ce ne serait pas une bonne idée de te faire
attendre toute la nuit, alors j’ai dormi à l’hôtel.
Je lui embrasse le front et ajoute :
— Pour le bien que ça m’a fait. Je te jure, j’ai dû dormir deux heures, tout
au plus.
— J’ai dormi vingt minutes, répond-elle avec un bâillement. Et si, la
prochaine fois, tu te contentais de venir directement, pour nous épargner
tous ces tracas ?
— Marché conclu, réponds-je, en lui caressant la joue avec mon pouce. Je
suis libre à partir de midi.
— Tu reviens ici, n’est-ce pas ? demande-t-elle, en se relevant sur un
coude. Tu as intérêt à dire que tu reviens ici.
Elle essaie de se lever, mais je la ramène contre moi en riant.
— Ce n’est pas drôle, insiste-t-elle. Ça fait trois semaines.
— Fais-moi confiance, ma belle. Je sais exactement combien de temps ça
fait.
J’avais un compte à rebours sur mon téléphone. Il décomptait les minutes,
et c’était un enfer. Je ne referai jamais ça, pas pour aussi longtemps. Mais je
lui en parlerai demain, quand je l’aurai suppliée de rentrer avec moi.
— Maintenant, est-ce qu’on peut simplement rester étendus l’un à côté de
l’autre, avant que je doive me lever et partir ?
— Très bien, réplique-t-elle d’un ton grognon. Mais si tu ne reviens pas
ici durant ta pause, je serais sérieusement énervée.
Elle commence de nouveau à se redresser et je la rattrape.
— Non, Evan, je ne plaisante pas.
— OK, ma belle. Est-ce qu’on peut se reposer pendant une heure, avant
que je doive partir ? lui demandé-je, en me mettant à l’aise. Je devrais
mettre une alarme.
J’attrape mon téléphone dans mon pantalon.
— Maintenant, reviens dans mes bras, lui dis-je une fois que c’est fait.
Elle rampe à côté de moi et je sens toutes les émotions accumulées durant
ces trois dernières semaines – la tension, le désir et le manque – me quitter.
Tout va bien, parce qu’elle est dans mes bras. Je me repose les yeux pendant
l’heure dont je dispose et la maintiens contre moi, sa tête contre mon torse
et sa main enroulée autour de ma taille. Quand l’alarme sonne et que je dois
partir, je suis certain de la voir bouder. Elle me raccompagne jusqu’à la
porte.
— Je t’appelle quand je serai sur le chemin du retour, lui dis-je.
Elle se contente de hocher la tête, mais baisse les yeux.
— Douce Zara, j’ai besoin de tes lèvres une dernière fois, et ensuite tu
pourras retourner te coucher.
Elle se met sur la pointe des pieds et je dépose un baiser sur ses lèvres.
— Maintenant, pars, et dépêche-toi de revenir, dit-elle.
Je descends les marches du perron et monte dans le Uber qui m’attend.
J’arrive à la patinoire en même temps que le bus. J’ai le pas léger comme
l’air et je suis impatient d’arriver sur la glace pour en finir avec ça. J’entre
dans le vestiaire des visiteurs et revêts mon équipement. L’entraînement est
calme et dure environ une heure et demie, avec l’option de passer un peu
plus de temps sur la glace si nous le voulons. Je suis le premier à quitter la
patinoire, Corey à mes côtés, et je défais mon casque.
— Attention, murmure Corey à côté de moi, et je lève la tête.
Ils sont là, les deux hommes que je m’attendais à voir, Matthew Grant et
Max Horton. En d’autres mots, le frère et le beau-frère de Zara.
— Eh, Richards, lance Matthew.
Il porte sa tenue d’entraînement, sa casquette de baseball est à l’envers sur
sa tête et ses bras sont croisés sur son torse.
— Tiens, voilà M&M, dis-je en souriant, et ils se contentent de me
regarder, impassibles. Que puis-je faire pour vous, les gars ?
— On s’est juste dit qu’on passerait te voir… commence Max, mais je
lève une main pour l’interrompre.
— Vous vous êtes dit que vous passeriez ici pour me faire assez peur, pour
que je reste loin de Zara ?
Je retire mon casque et ôte mes gants, avant de continuer :
— Désolé, les gars, mais vous pouvez me faire tout ce que vous voulez. Je
ne la laisserai pas.
— C’est vrai, ça ? lance Matthew.
— C’est vrai, acquiescé-je.
Je sens alors Corey se placer dans mon dos, suivi de la moitié de mes
coéquipiers.
— Je l’apprécie et elle m’apprécie. Restons-en là.
Max semble sur le point de m’adresser un sourire narquois, mais Matthew
s’avance et se penche vers moi.
— Si tu touches à ne serait-ce qu’un seul de ses cheveux…
— Ouais, j’ai compris, l’interromps-je. Tu l’as déjà dit. Alors, laisse-moi
te le répéter. Je l’apprécie, elle m’apprécie, et je n’irai nulle part.
Il me regarde, hésitant à insister ou laisser tomber.
— Maintenant, si tu veux bien m’excuser, ma copine m’attend.
— Elle est loin d’être ta copine, réplique-t-il, et je me contente de secouer
la tête.
— C’est là que nos opinions divergent, parce que si elle est bien quelque
chose, c’est à moi.
Je leur souris à tous deux et termine :
— À plus tard, M&M.
Puis je m’éloigne et je pousse un soupir de soulagement. Rien de bon n’en
ressortirait si nous nous battions avant le match. Mes fesses resteraient
collées à ce banc toute la soirée et mes patins resteraient secs.
— Je trouve que tu as bien géré, me dit Corey derrière moi, mais je crois
que tu viens de faire monter les enchères.
— Ouais, ça ne fait aucun doute, réponds-je, puis je m’assieds et me
déshabille.
Je prends une douche rapide, avant de rejoindre ma chambre d’hôtel, de
récupérer mes affaires et de partir. Quand je retrouve Zara, il est presque
quatorze heures. Elle est là, à m’attendre, vêtue d’un jean et d’un sweater.
— Je t’ai préparé quelque chose à manger, dit-elle, quand je relâche ses
lèvres. Ensuite, tu pourras aller faire une sieste.
— Tu viendras avec moi ? lui demandé-je, tout en la suivant dans la
cuisine.
— Mange, répond-elle.
Elle me sert des œufs, du bacon et du pain grillé. Quand j’ai terminé, je
repousse l’assiette, m’avance vers elle et la porte jusqu’au lit. J’ai envie de
la déshabiller et de lui fait toutes sortes de vilaines choses, mais j’ai
vraiment besoin de conserver mon énergie pour le match de ce soir. Je ne
prends pas la peine de lui parler de la visite de son frère et de Max. Au lieu
de ça, je m’endors avec un sourire sur le visage et en la serrant dans mes
bras.
— À quelle heure est-ce qu’on part ? me demande-t-elle depuis la salle de
bains. J’ai besoin d’encore cinq minutes.
Je me suis levé et ai pris une douche avec elle, ce qui a mis vingt minutes
de plus que je le croyais, vu qu’il y a eu des mains, des doigts et beaucoup
de langues. Elle s’empresse de sortir de la salle de bains, et je me contente
de la dévisager. Ses cheveux, qui étaient mouillés il y a vingt minutes, sont
désormais secs, ondulés et sexy. Elle porte un petit string blanc, que je vais
pouvoir ajouter à la pile de sous-vêtements détruits, et son demi-soutien-
gorge en dentelle. Elle se dirige vers le placard, et revient vêtue d’un jean
bleu, si serré qu’elle ne peut pas se pencher et d’un débardeur blanc. Le
soutien-gorge en dentelles est visible à travers son haut.
— Hors de question, lui dis-je en enfilant ma veste. Change de haut.
— Qu’est-ce que tu veux dire ? demande-t-elle, en baissant les yeux sur sa
tenue.
— Je veux dire que tu ne sortiras pas de cette maison avec ce haut,
alors…
Je m’avance vers elle et lui embrasse le nez, avant de terminer :
— Change-toi.
Elle croise les bras sur son torse et ne bouge pas.
— Sinon, quoi ?
Je me fais un plaisir de lui répondre :
— Sinon, il se retrouvera dans la pile des vêtements détruits.
Je lui souris, avant d’ajouter :
— La voiture sera là dans cinq minutes.
— Tu ne crois quand même pas que tu peux me dire ça et que je vais
t’obéir ?
Elle me fusille du regard, et je m’approche d’elle sans cesser de sourire.
— Ce serait un plaisir pour moi de déchirer ce haut.
Elle émet un son agacé et fait demi-tour pour retourner dans sa penderie.
— Pour ton information, dit-elle. Je comptais porter ton maillot par-
dessus.
Elle ressort et porte désormais une chemise sans manches resserrée au
niveau de la taille, mais qui s’évase ensuite.
— Je me change uniquement parce que je ne veux pas que tu sois en
retard. Sinon, ce serait non…
Elle prend sa veste rose, puis le maillot que je suis impatient de voir sur
elle. Voir mon nom sur elle, Seigneur, ça me rend fou.
— Douce Zara, dis-je tendrement, et son regard s’adoucit.
— Non, Evan Richards, tu ne peux pas m’ordonner de me changer pour
ensuite te montrer tendre avec moi, lâche-t-elle. Maintenant, allons-y ou tu
vas être en retard, et je ne permettrai pas qu’on me colle ça sur le dos.
Elle se retourne pour sortir de la pièce, mais je lui prends la main pour
l’attirer de nouveau vers moi.
— Tes lèvres, lui dis-je.
Elle lève les yeux au ciel, mais me donne ses lèvres. Puis nous sortons de
la maison et elle enfile sa veste, après quoi, nous nous dirigeons vers le
stade main dans la main.
Quand nous arrivons dans le parking souterrain, je sors de la voiture et lui
tends la main.
— Comment tu veux faire ça ? lui demandé-je.
Je ne sais pas trop comment procéder et ne veux pas la forcer à faire
quelque chose qu’elle ne veut pas.
Elle me tend la main et je la prends.
— Je veux entrer là-dedans avec toi, répond-elle avec un sourire. Même si
tu es l’homme le plus agaçant du monde, je suis ici avec toi.
Je glisse mes doigts entre les siens et les porte à mes lèvres. Nous
pénétrons dans le bâtiment, et je suis stupéfait de voir Matthew et Max
entrer en même temps que nous. Dès qu’ils nous voient, ils se figent.
— Salut, les garçons, lance Zara, quand nous sommes assez près d’eux.
On est en retard ?
— Oh, pour l’amour du ciel, lance Matthew, en plaquant une main sur sa
bouche. Je ne veux pas savoir pourquoi vous êtes à la bourre.
— Ce n’est pas ce que tu crois, pervers, rétorque Zara, et Max s’efforce de
dissimuler un sourire. Monsieur, ici présent, m’a forcée à changer de haut
avant qu’on arrive.
— Quoi ? murmurent Matthew et Max.
— Peu importe, répond Zara.
Puis elle me lâche la main et s’approche de Matthew.
— Toi, lance-t-elle, avant de pointer Max du doigt. Et toi. Pas de blagues
sur la glace. Compris ?
Je secoue la tête et l’attire de nouveau vers moi.
— Zara, sifflé-je. J’ai compris.
Elle se met sur la pointe des pieds et dépose un baiser rapide sur mes
lèvres.
— Bonne chance.
Elle se retourne et ajoute :
— Ne me forcez pas à mettre de la merde dans votre shampoing.
Elle les fusille du regard, avant de s’éloigner.
— Tu l’as forcée à se changer ? demande Matthew, confus.
— De vêtements ? ajoute Max.
— Ouais, réponds-je. Elle portait ce T-shirt blanc à travers lequel on
voyait son soutien-gorge, leur expliqué-je, avant de me retourner pour
partir.
J’entre dans notre vestiaire et me prépare, suivant la même routine que
d’habitude. Je fais toujours mes exercices d’échauffement avant de
m’équiper pour le patinage d’avant-match. J’entre sur la glace et fais le tour
de la piste, puis je la vois. porte un enfant, ça doit être celui de Max. Mon
cœur se serre dans ma poitrine à la vue de ma femme tenant une petite fille
dans ses bras. J’arrête presque de patiner au milieu de la glace, lorsque je
réalise soudain. Je l’aime. Je suis tombé amoureux d’elle. Elle porte mon
maillot, mais la petite fille porte celui de New York, et je patine vers le côté
où elle se trouve. Je lève mon gant et plie les doigts pour la saluer. Quand je
récupère le palet, je le lui lance et elle le rattrape pour la petite, qui sourit
d’une oreille à l’autre.
Corey me bouscule pour m’intimer de jouer l’action et, bientôt,
l’entraînement se termine. Je patine jusqu’aux vestiaires et me repasse les
exercices dans ma tête. Le coach entre et passe en revue quelques actions.
— C’est notre dernier match avant de rentrer à la maison, dit-il. Gagnons
au moins celui-là.
Nous avons subi trois défaites d’affilée sur la route. Personne n’a envie
que le compte passe à quatre. Quand nous montons sur la glace, je suis prêt.
Je traverse la piste, alors que des huées résonnent à mes oreilles.
Nous commençons au centre, et je me retrouve contre Matthew, et Corey
contre Max. Je regarde vers eux et vois qu’ils se parlent.
— Je promets de ne pas te faire de mal, ce soir, dit Matthew.
Je rejette la tête en arrière et ris.
— Je lui ai promis, ajoute-t-il.
Je secoue la tête.
— Donne tout ce que tu as, lui dis-je. Fais ton maximum.
C’est à son tour de rire et nous arrêtons de parler quand l’arbitre approche.
— Commençons, les garçons, dit-il.
Je me penche, les yeux fixés sur sa main et, à la seconde où il laisse
tomber le palet, je m’élance sur Matthew. Nous manquons tous deux notre
cible, mais je l’envoie derrière moi d’un coup de patin, hors de sa portée. Il
ne me frappe pas, même s’il anticipe tous mes mouvements de façon à ce
que, quand je pousse, il me repousse plus fort. Cela continue pendant deux
périodes, et je suis totalement épuisé, mais je n’abandonnerai pas.
Je lève les yeux vers l’écran géant et vois qu’il reste deux minutes dans la
troisième période.
— J’aimerais vraiment qu’on gagne dans le temps réglementaire, dis-je à
Corey.
Il se contente de hocher la tête et c’est au tour de notre ligne, alors je saute
par-dessus le panneau juste au moment où ils tentent une action dans la
zone neutre, avant d’être interceptés par Corey. Je me retourne pour rentrer
dans leur zone et je me retrouve à ses côtés. Nous avons désordonné leur
changement de ligne, et nous nous retrouvons avec la quatrième ligne plutôt
que contre Matthew et Max. Leur défenseur recule pendant que nous
avançons à deux ou trois. Corey me fait une passe et je le vois accélérer,
alors je lui rends la rondelle tandis qu’il patine sur le côté, avant de me
précipiter vers le but. Il me repasse le palet et je tire, heurtant le côté du
poteau. Quand il atterrit de nouveau sur ma crosse, je le redresse et le
propulse derrière la ligne de but. La lumière rouge derrière le but s’allume
et je lève la main pour pointer Corey du doigt.
— C’est grâce à toi.
Nous rejoignons le banc et donnons une tape dans la main de tout le
monde, avant de revenir au centre de la patinoire, où nous retrouvent
Matthew et Max.
— Tu as eu de la chance, dit-il, et je me contente de hausser les épaules.
— Que ce soit la chance ou autre chose, ça me va, réponds-je.
Durant les deux minutes qui suivent, un face-à-face s’engage entre nous.
Le coach fait sortir le gardien et l’un de nos jeunes joueurs parvient à faire
rentrer le palet dans le but, faisant passer le score à deux à zéro. Nous
quittons la glace et je suis nommé meilleur joueur, mais je ne fais pas le
tour de piste que j’aime effectuer à Dallas. Au lieu de ça, je me précipite au
vestiaire et me change. Toute l’équipe repart ce soir, mais je reste un peu
plus longtemps, et j’ai réservé un avion privé demain après-midi. Je me
dépêche de prendre une douche, puis je récupère mes affaires et les jette
dans le sac qui retourne à Dallas.
— Bon vol, les gars, leur lancé-je.
Ce matin, j’ai annoncé au coach que je rentrerai le lendemain, parce que
j’avais un rendez-vous personnel. Il savait très bien quel était ce problème
personnel et, tant que mes fesses sont de retour sur la glace lundi, il s’en
fiche. Je sors donc du vestiaire et pars à la recherche de ma copine.
Je la trouve debout à m’attendre avec ce que je suppose être sa mère, et à
côté d’elle, il y a son père, Cooper Stone en personne. Elle me repère en
premier et son regard s’adoucit. Je m’avance vers eux et elle reste là, un
sourire sur le visage, tandis que Cooper la tient par la taille.
— Coucou, dit-elle, en déposant un baiser sur mes lèvres. Voilà le
meilleur joueur du match.
Je secoue la tête et elle me présente ses parents.
— Maman, papa, voici Evan.
Avec un sourire éblouissant, elle ajoute :
— Evan, voici ma mère, Parker, et mon père, Cooper.
Je tends la main, d’abord à sa mère, puis à son père.
— M. et Mme Stone, c’est un plaisir de vous rencontrer.
— Je suis contente de te rencontrer enfin, dit Parker. Zara nous a dit des
choses merveilleuses à ton sujet.
— C’était un bon match, me lance Cooper. On devrait y aller, où ils vont
fermer la cuisine.
— Nous allons aller à pied jusqu’au bar. Il se trouve juste au coin de la
rue, explique Zara.
Nous suivons ses parents jusque là-bas. Cooper tient la porte ouverte pour
Parker, puis pour Zara.
Je tends la main pour lui tenir la porte et il me remercie d’un hochement
de tête, avant de suivre les filles.
Le bar est bondé et je vois Zara s’avancer dans la pièce. Je traverse la
foule bruyante, dépasse le bar et atteins finalement le fond de la salle, où je
découvre six tables avec une pancarte « réservé » dessus. Des gens sont en
train de s’y installer, j’aperçois certains joueurs, qui m’adressent un signe
du menton. L’une des tables est pleine, je repère Zoé, qui se lève et vient
nous saluer. Zara se déplace de côté pour que ses parents puissent aller se
trouver une chaise.
— Tu vas bien ? me demande Zara, et j’acquiesce.
Elle me prend la main, puis m’attire vers une table.
— Tout le monde, annonce-t-elle. Voici Evan.
Je souris à tout le monde, et fais un petit geste de la main chaque fois que
Zara nomme quelqu’un.
— Salut, monsieur deux d’affilée, lance quelqu’un, et Zara secoue la tête
en riant.
— Voici Vivienne. Tu dois ignorer tout ce qu’elle dit. Tu veux aller au bar
pour prendre quelque chose à boire ? me propose-t-elle, alors que Zoé nous
rejoint.
— Salut, me dit-elle en me prenant dans ses bras. Je suis ravie de te
revoir.
— Moi aussi.
— On va prendre quelque chose à boire, est-ce que quelqu’un veut
quelque chose ? demande Zara.
Parker demande un verre de vin blanc et Cooper un simple verre d’eau. Ils
sont assis côte à côte, mais il a une main posée sur son cou. J’ai remarqué
qu’à chaque fois que je les observe, il lui tient la main ou la touche.
Nous nous avançons vers le bar et j’attire l’attention du barman, avant de
commander de l’eau pour moi, ainsi que deux verres de vin.
— Tu es magnifique, lui dis-je.
Elle lève les yeux et sourit, puis son regard pivote de côté et son sourire
s’évanouit.
— Oh, mon Dieu, Zara, lance une voix d’homme à côté de moi. Seigneur.
Puis il tourne la tête vers moi et ouvre grand la bouche.
— Oh, bon sang, vous êtes Evan Richards.
Il me tend la main et ajoute :
— Je suis un grand fan.
Je jette un œil Zara et attends qu’elle dise quelque chose, mais elle se
contente de le fixer.
— Zara, l’appelé-je.
Elle me dévisage, avant de reporter son attention sur l’homme.
— Ed, lâche-t-elle, avant de se mettre à rire. Voici mon ex, Ed.
Elle pointe le type du doigt et j’observe l’homme qui lui a tellement brisé
le cœur, qu’elle m’a envoyé un tweet. J’ai envie de tendre la main, de serrer
la sienne et de le remercier.
— Bébé, dit une voix de femme.
Je tourne les yeux vers la femme pour qui il a dû quitter Zara. Elle est plus
petite qu’elle, a les cheveux bruns et les yeux marrons. Elles sont le jour et
la nuit, en apparence.
— Bordel de merde, lance quelqu’un derrière moi, et je vois Zoé arriver
vers nous.
Elle regarde le barman et demande :
— Lou, verse-moi cinq shots de tequila.
Puis elle se tourne vers lui.
— Salut, petite bite, dit-elle, avant de se tourner vers la fille qui
l’accompagne. Mes condoléances.
Il regarde Zoé, les lèvres pincées.
— Pourquoi ça ne me surprend pas que tu sois sur mon dos ?
Elle hausse les épaules.
— Pourquoi ça ne me surprend pas que tu te pointes ici, alors que tu sais
qu’on y vient toujours ?
Elle s’appuie sur le bar et récupère les shots que le barman vient de placer
devant elle. Elle en tend un à Zara et lance :
— Au passé !
Zara avale rapidement le shot, avant d’en prendre un autre.
Je l’observe et elle grimace en buvant le deuxième shot, avant de passer
au troisième.
— Eh bien, c’était un plaisir de vous voir, dit Ed, avant de baisser la tête
et de sortir, la fille à ses côtés.
— Oh, mon Dieu, dit Zara.
Zoé lui tend un autre shot.
— Je ne crois pas que ce soit une bonne idée, dis-je, et elle secoue la tête.
— Tu n’as aucune idée de ce qui vient d’arriver, me répond-elle. Et à mon
avis, elle non plus.
Elle indique Zara de la tête ; elle vient de terminer son cinquième shot et
me regarde. Elle commence à avoir les yeux vitreux.
Je regarde Zoé, puis Zara, avant de jeter un œil de côté, où Matthew et
Cooper viennent d’apparaître.
— C’est assez de shots, dit Matthew. Je déteste quand vous buvez, les
filles, je dois me tenir sur mes gardes toute la nuit.
Je l’ignore, lui et son courroux, et Cooper se contente de lui donner une
tape sur l’épaule, avant de tourner les yeux vers moi.
— Je pense qu’Evan a la situation en main, dit-il, en m’adressant un
sourire narquois. Ramenons le M à son autre M.
Matthew lui lance un regard noir, avant de se retourner et de s’éloigner.
— Tu t’occupes d’elle, n’est-ce pas ?
Je lui adresse un hochement de tête, avant de reporter mon regard sur
Zara.
— Tu vas bien ? lui demandé-je, et elle secoue la tête.
— Je crois que je préfère partir, répond-elle.
J’acquiesce de la tête.
— Je vais dire à tout le monde que tu t’en vas, dit Zoé.
Je prends la main de Zara et nous sortons. J’appelle un taxi, puis je tourne
les yeux vers elle et vois qu’elle vacille un peu. La porte s’ouvre derrière
elle.
— Elle a oublié sa veste, lance Zoé, et Zara se contente de pouffer de rire.
— Combien de verres elle a bus, ce soir ? lui demandé-je, et elle hausse
les épaules.
— Il est sexy, hein ? dit-elle à Zoé. Sexxxyyy.
Elle tend la main vers moi, avant de la laisser retomber, et Zoé la
maintient en équilibre. Elle lui murmure quelque chose à l’oreille et Zara
hoche la tête. Une voiture s’arrête et je prends Zara par les épaules, puis
nous avançons vers le taxi. Je monte derrière elle et donne l’adresse au
chauffeur.
— Tu vas bien ? lui demandé-je, tandis qu’elle regarde par la vitre.
— Ouaip, répond-elle. À merveille.
Je hoche la tête et regarde, moi aussi, par ma fenêtre.
— Je n’arrive pas à croire qu’il soit venu ici, dit-elle d’une voix un peu
pâteuse. Comme s’il ne savait pas que j’allais être là.
Elle n’attend pas que j’aie répondu quoi que ce soit et continue :
— C’est tellement louche.
Elle parle de son ex pendant tout le trajet, et quand je sors du taxi, mon
estomac me brûle et ma colère a atteint un niveau tel, que j’ai juste envie
que cette journée se termine. Je lui prends ses clefs des mains quand elle
rate le trou de la serrure pour la cinquième fois.
— Je m’en occupe, lui dis-je.
Je déverrouille la porte et attends qu’elle rentre. Je ferme derrière nous et,
avant même que j’aie pu allumer, elle se jette dans mes bras. Je la rattrape
avant qu’elle tombe et elle m’embrasse de manière désordonnée.
— Il faut qu’on couche ensemble, me dit-elle.
À cet instant, je prends une décision vraiment déprimante. Elle lève les
mains vers le col de ma chemise et essaie de la déboutonner. Je l’arrête,
mais elle est trop ivre pour réaliser que l’atmosphère a changé. Elle essaie
de défaire le bouton de mon pantalon et je me dirige vers l’escalier tout en
lui tenant la main, pour éviter qu’elle tombe.
— Oui, allons au lit, dit-elle. On a besoin du lit pour nous envoyer en l’air
dedans.
— Ouais, c’est pour ça qu’on monte à l’étage, lui dis-je.
Dès que j’arrive dans la chambre, elle arrache son T-shirt et reste là, dans
le même soutien-gorge que tout à l’heure.
— Déshabillons-nous, dit-elle en levant les mains en l’air, avant de se
mettre à vaciller.
Je la regarde et, dans la chambre faiblement éclairée, je sais qu’elle
conservera toujours une partie de mon cœur.
— Et si tu te couchais sur le lit ? proposé-je. Je reviens tout de suite.
Elle sourit et monte sur le lit pendant que je vais à la salle de bains et
attends jusqu’à entendre ses légers ronflements emplir la pièce.
Je reviens dans la chambre et la vois, étendue au milieu du lit, ne portant
plus qu’une jambe de pantalon et la main posée sur le ventre. Je retire son
vêtement complètement, puis la borde lentement, avant de me coucher au-
dessus des couvertures à côté d’elle. Elle est face à moi et je grave son
image dans ma tête.
VINGT-TROIS

Zara

Je sens les rayons du soleil me frapper le visage. J’essaie de déglutir, mais


j’en suis littéralement incapable. Le martèlement dans ma tête est à pleine
puissance et je pousse un grognement. À quel point est-ce que j’ai bu hier
soir ? J’entrouvre lentement une paupière et parcours la pièce du regard.
J’émets un autre grognement et ferme les yeux.
— Tiens, de l’eau et de l’ibuprofène, dit Evan.
Je tourne la tête de l’autre côté du lit. Il est assis au bord du matelas.
J’ouvre de nouveau un œil et, cette fois, concentre mon attention sur lui. Il
est là, dans son pantalon, les mains sur les genoux et les épaules affaissées.
Je ferme de nouveau ma paupière et essaie de me souvenir de ce qui s’est
passé hier soir.
— Tu te sentiras mieux, quand tu auras pris le comprimé.
Il tend la main et récupère l’eau et le médicament. Je me lève, et dois me
laisser retomber sur le lit, parce que j’ai la tête qui tourne. J’attends
quelques secondes, puis me redresse de nouveau. Il me tend la bouteille
d’eau et le comprimé. Je l’avale.
Je continue à boire jusqu’à avoir vidé la bouteille. Ma langue est pâteuse.
— Merci, dis-je en lui souriant. Il faut que je me brosse les dents.
Je roule lentement hors du lit et me dirige vers la salle de bains, où je me
lave le visage et me brosse les dents. Je me sens de nouveau à peu près
humaine, et je baisse les yeux pour voir ce que je porte. Rien, à part mon
soutien-gorge et ma culotte. Je ressors et vois qu’il est debout, les yeux
tournés vers la petite fenêtre de ma chambre.
— Je sens encore le goût de la tequila dans ma bouche.
Je me dirige vers la penderie pour récupérer mon peignoir et, quand je
ressors, je vois qu’il regarde toujours par la fenêtre.
— Evan ? l’appelé-je.
Il se retourne et je vois enfin son visage.
— Qu’est-ce qui ne va pas ?
J’oublie ma gueule de bois et mon cœur se met à accélérer.
— Je ne peux pas faire ça, me dit-il, et je ressens soudain une douleur
dans ma poitrine.
Soudain, je crois être devenue incapable de respirer.
— Quoi ? m’exclamé-je, en portant une main à mon cœur.
— Je ne peux pas être en couple avec toi, alors que tu éprouves encore des
sentiments pour ton ex.
J’essaie de donner du sens à ses mots pendant qu’il continue :
— Ça a commencé comme une blague, et je comprends.
Il secoue la tête et je le scrute. Il est vêtu d’un jean sombre et de son T-
shirt uni noir. Il a revêtu ses bottes, et je secoue la tête. Il attendait que je
me réveille pour partir.
— Mais ce n’est plus un jeu pour moi.
Je lève la main pour l’interrompre.
— Une seconde, lâché-je, avant de déglutir. Comment ça, j’ai encore des
sentiments pour mon ex ?
— Je t’ai vue, répond-il. La manière dont tu as réagi.
— La manière dont j’ai réagi ?
Je n’arrête pas de répéter ce qu’il dit, dans mes efforts pour comprendre.
— Pas une fois tu ne m’as mené à croire que tu voulais coucher avec moi,
jusqu’à ce que tu sois ivre, continue-t-il, et je comprends au ton de sa voix à
quel point cela le blesse.
— Tu crois que je me suis saoulée à cause de mon ex ? lui demandé-je, et
il me regarde sans répondre. Tu crois que je veux coucher avec toi
uniquement à cause d’Ed ?
— Eh bien, voyons les choses de cette façon. Tu vas parfaitement bien, et
à la seconde où tu le vois, tu te bourres la gueule, lâche-t-il d’une voix
tendue.
— Est-ce que tu sais pourquoi j’ai bu ces shots ? lui demandé-je, avant de
continuer sans lui laisser le temps de répondre. J’ai bu ces shots, parce que
j’ai finalement réalisé que j’étais amoureuse de toi.
Je suis en colère, soudain, et je n’attends pas qu’il réponde quoi que ce
soit avant de continuer :
— Je me disais que je t’appréciais, mais hier, j’ai compris. Ça m’a donné
l’impression d’être heurtée par une bétonnière.
Je ne m’arrête pas là et lui déballe tout.
— J’étais là, avec ma nièce, je t’ai vu, et mon cœur, je ne sais pas, il a
gonflé, lui expliqué-je. Ensuite, je suis retournée dans les loges et j’ai vu ma
mère regarder mon père, et c’était là. J’ai retenu mon souffle pendant tout le
match ; tout en buvant du vin, je me dois de l’ajouter.
Je lève les mains au ciel et ajoute :
— J’essayais de trouver le courage de te dire ce que je ressentais.
— Ma belle, dit-il, et je secoue la tête.
Des larmes coulent sur mon visage et je les balaie si vite, que c’est
comme un coup de fouet.
— J’ai regardé ton match de hockey d’hier soir, lui dis-je.
Je fais les cent pas devant lui au milieu de ma chambre tout en
continuant :
— Tout le match. J’étais en train d’acclamer du hockey. Je n’aime pas le
hockey, Evan, rappelé-je, prononçant les derniers mots dans un cri. Mais je
l’ai fait, parce que je t’aime.
— Tu m’aimes ? murmure-t-il.
— Oui, avoué-je. Je croyais aimer Ed, vraiment, mais ce n’était rien du
tout.
Je secoue la tête et termine :
— Ce n’était rien comparé à ce que je ressens quand je suis avec toi.
Son regard reste rivé au mien.
— Je ne pourrais jamais tourner le dos à ça, lui dis-je doucement. Je sais
ce que tout le monde dit en ce moment. Je comprends, maintenant. Cette
impression de ne plus pouvoir respirer quand vous n’êtes pas ensemble. Ou
quand quelqu’un te manque tellement, que tu en as mal au cœur. Toute cette
histoire d’estomac noué à force de ne pas pouvoir te toucher. Je comprends
tout, maintenant.
— Tu m’aimes ? répète-t-il dans un murmure, et je secoue la tête.
— Ouais, crétin, je t’aime, lâché-je, encore énervée. C’est pour ça que je
me suis saoulée.
— Alors, ce n’était pas parce que tu doutais de nous ? me demande-t-il.
Je vous jure, les hommes sont si stupides, parfois. La plupart du temps,
tout le temps, même.
— Le seul doute, dans ma tête, concerne le fait de savoir si tu ressens la
même chose pour moi, lui dis-je. Je n’avais aucun doute concernant Ed. Il
n’était pas sur la même longueur d’onde que toi.
— Je vais te prendre dans mes bras, m’avertit-il, et je me contente de
hocher la tête.
Il se précipite vers moi, enfouit les mains dans mes cheveux et presse sa
bouche contre la mienne, tandis que ses bras s’enroulent autour de mon cou
et que nos langues luttent l’une contre l’autre. Ses mains quittent mes
cheveux et se referment sur moi ; je saute alors dans ses bras et il me
rattrape.
— Je t’aime, murmure-t-il, quand il relâche enfin mes lèvres. Je t’aime
depuis la seconde où tu es entrée chez moi et où tu as parlé gentiment à mes
chiens.
Il presse son front contre le mien et je prends ses joues entre mes mains.
— Je n’ai pas fermé l’œil, la nuit dernière, murmure-t-il. J’ai passé tout
mon temps à t’observer.
Je ris et mon cœur est un peu moins lourd qu’il y a cinq secondes.
— Pas du tout comme un harceleur, je te rassure.
— Evan, dis-je. Je suis tellement désolée que tu aies douté de moi ou de
nous.
Je dépose un baiser sur ses lèvres.
— Tu veux bien rentrer à la maison avec moi ? me demande-t-il dans un
murmure.
— J’ai déjà acheté un billet, lui avoué-je, et il sourit.
— Bien. Prépare-toi. J’ai loué un avion et il décolle dans une heure.
Je le regarde, stupéfaite.
— Quoi ?
— L’équipe est rentrée hier soir, mais j’ai loué un avion pour aujourd’hui,
pour pouvoir passer la nuit avec toi, m’explique-t-il. Je dois être de retour
sur la glace demain matin. Je comptais te faire la cour en espérant que tu
acceptes de rentrer avec moi.
— Mon sac est déjà fait, lui dis-je. Il serait possible de partir plus tôt ?
— Laisse-moi appeler la compagnie, répond-il en me lâchant. Va
t’habiller, juste au cas où.
Je cours dans ma penderie et enfile un pantalon de yoga et un pull, le sien.
Quand j’ai terminé, il raccroche le téléphone.
— On peut partir dans quarante-cinq minutes, annonce-t-il. J’ai demandé
à ce qu’une voiture passe nous prendre, elle devrait être là dans dix minutes.
Il lève les yeux de son téléphone et voit que je porte son sweat.
— Magnifique.
Il embrasse mes lèvres et me tient la main tout en portant mon sac dans
l’autre. J’ai emballé toutes mes affaires hier après-midi, ma valise m’attend
donc déjà à la porte.
— Je vais envoyer un message à Zoé pour lui dire que je m’en vais, lui
dis-je.
Je prends mon téléphone et vois que j’ai plusieurs appels manqués de sa
part.
Je la rappelle aussitôt et elle répond dès la première sonnerie.
— Dieu merci, siffle-t-elle. Où étais-tu, bon sang ?
— Je dormais, je viens tout juste de me réveiller, lui réponds-je.
Je vois qu’Evan a ouvert la porte et est en train de sortir avec mon sac.
— Je suis en train de partir, là.
— Où est-ce que tu vas ? me demande-t-elle, et j’entends une voix
d’homme en arrière-plan.
— Qui est-ce ? l’interrogé-je.
— Un artisan, me répond-elle. Je suis rentrée hier, pour découvrir que
mon appartement était inondé. Cet idiot de chat de l’étage du dessus a
touché à quelque chose, et l’évier s’est fermé. Maintenant, j’ai une piscine
dans mon salon.
Elle marque une pause, puis murmure :
— Il a de la chance que cela n’ait pas atteint mes vêtements.
Elle prend une profonde inspiration et reprend :
— Bref, je me demandais si je pourrais m’installer chez toi pendant que tu
es absente.
— Tu n’as même pas besoin de poser la question. Tu aurais dû venir hier
soir.
Je verrouille la porte, puis me dirige vers la voiture où m’attend Evan.
— Je me suis dit que tu ne voudrais pas être dérangée, répond-elle, avec
un gloussement. Je veux tous les détails, mais ça devra attendre. Je dois y
aller pour voir combien de temps ça va prendre pour réparer les dégâts.
— D’accord. Je t’appelle demain.
Je m’arrête devant la voiture et embrasse Evan, juste parce que je peux.
— Tout va bien ? me demande-t-il.
Je hoche la tête et monte dans la voiture. Il me suit, et le chauffeur
démarre.
— Ouais, tout va bien, réponds-je en lui souriant. L’appartement de Zoé a
été inondé, alors elle va venir s’installer chez moi.
Il se penche en avant et m’embrasse tendrement.
— Si elle veut, elle peut venir s’installer chez moi, à Dallas. Combien de
temps tu pourras rester, cette fois ?
— Hum, souris-je. J’ai démissionné la semaine dernière.
— Quoi ? s’exclame-t-il, stupéfait. Pourquoi tu ne m’as rien dit ?
— Eh bien, commencé-je, j’ai officiellement décidé de travailler pour La
Garde-Robe de Zara à plein-temps, et je comptais te faire la surprise en
restant chez toi deux semaines.
Je me penche vers lui et ajoute :
— Enfin, si ça ne te dérange pas.
— Putain, lâche-t-il, avant de me faire asseoir sur ses genoux. Ne pars
pas.
Il enfouit son visage dans mon cou et l’embrasse.
Il m’embrasse durant tout le trajet en avion jusqu’à la maison et, quand
nous atterrissons enfin à Dallas, je meurs de faim.
— Tu veux qu’on prenne quelque chose en chemin ou tu veux qu’on
s’arrête quelque part ? me demande-t-il, lorsque nous grimpons dans le
pick-up qui nous attend.
— Je veux juste rentrer et voir mes bébés, réponds-je avec un clin d’œil,
et il se contente de secouer la tête.
Je regarde par la vitre pendant qu’il pianote sur son téléphone comme un
fou, et quand nous nous garons devant la maison, je n’attends pas qu’il
m’ouvre la portière. Je prends les choses en main et cours presque jusqu’à
la porte.
— Tu devrais vraiment faire installer l’ouverture automatique des portes,
lui hurlé-je, alors qu’il s’avance vers moi, l’air renfrogné.
— Tu dois toujours attendre que je t’ouvre la portière, me rappelle-t-il en
faisant rouler ma valise derrière lui et en portant mon sac.
— Contente-toi d’ouvrir la porte, répliqué-je.
Je sautille sur place.
— Lilo, appelé-je, et je l’entends pleurnicher et aboyer.
— Du calme, dit-il.
Il met la clef dans la serrure et ouvre la porte.
— Eh, mon bébé, dis-je en m’accroupissant.
Elle s’élance sur moi et me lèche le visage. Elle est si excitée, qu’elle
tourne en rond sur elle-même, avant de revenir vers moi.
— Oh, allez, mon grand, ajouté-je.
Ils se jettent tous deux sur moi, me font perdre l’équilibre et tomber sur
les fesses.
— Assez ! s’écrie Evan.
C’est alors qu’arrive un homme portant deux boîtes de pizza.
— La nourriture est arrivée, ajoute-t-il.
Il me relève, puis récupère les pizzas. Je prends la valise et nous entrons
dans la maison, les chiens sur mes talons.
— Mets ton sac dans ma chambre, cette fois.
— Vraiment ? dis-je, en regardant par-dessus mon épaule. Tu t’apprêtais à
rompre avec moi il y a moins de douze heures.
— Ouais, sourit-il. Mais tu m’aimes, alors…
Il m’embrasse dans le cou et Lilo lui aboie dessus.
— Je veux bien partager, mais elle est à moi, lui dit-il.
Je secoue la tête et me rends dans sa chambre, où je dépose mon sac avant
d’aller retrouver mon homme.
VINGT-QUATRE

Evan

Je comptais la quitter. Je comptais couper les ponts et tourner la page. Ça


aurait été dur, mais je refusais d’être un prix de consolation. Mais quand
elle avait commencé à tout déballer, mon cœur à demi brisé a gonflé si vite
et si fort que je l’ai cru sur le point d’exploser dans ma poitrine. Je l’aime
de toute mon âme. Je l’aime comme jamais je n’ai aimé personne.
À cet instant, vous découvrez la personne qui détient votre cœur, qui peut
vous détruire. Vous prenez conscience que, sans elle, vous ne seriez que la
moitié de l’homme que vous êtes censé être. Vous réalisez qu’il n’y a qu’en
sa présence que votre cœur bat normalement ; qu’il n’y a qu’avec elle que
tout ira bien.
Alors que je la regarde, debout dans ma cuisine, une bouteille d’eau à la
main, tandis qu’elle mange une part de pizza et que Lilo la suit partout, je
sais que c’est la bonne. Elle est celle que j’ai attendue toute ma vie.
— À quoi tu penses ? me demande-t-elle en s’asseyant devant moi. Que
se passe-t-il ?
— Je pense à toi, lui réponds-je en toute honnêteté. Je pense à toi ici, dans
ma cuisine avec moi.
Je bois une gorgée d’eau et ajoute :
— J’ai vraiment de la chance.
Elle incline la tête de côté.
— C’est vrai, sourit-elle en mangeant une autre bouchée de pizza. Mais tu
es sur le point de devenir encore plus chanceux.
— Vraiment ? demandé-je, en m’efforçant de ne pas sourire. On parle de
quel niveau de chance ?
C’est l’une des raisons pour lesquelles je l’aime. Elle peut être sérieuse,
jusqu’à retourner la situation et tout transformer en plaisanterie.
— Je parle d’un truc encore mieux que réussir le coup du chapeau.
Je ris, parce que je sais qu’elle n’a aucune idée de ce dont elle parle,
s’agissant de hockey.
— Eh bien, marquer trois buts dans le même match, c’est un truc assez
incroyable, lui réponds-je. J’ai eu le privilège de vivre ça quatre fois dans
ma carrière et c’est assez difficile de battre ça.
— Vraiment ? dit-elle en mâchant sa pizza. Et si je m’étends jambes
écartées sur ton lit ?
Ma gorge se serre, rien que d’y penser.
— Nue, évidemment.
J’arrête de manger. Je me contente de la regarder mordre dans sa pizza et
lécher la sauce au coin de sa bouche.
— Tout en me tripotant d’une main, ajoute-t-elle.
Mon sexe durcit, lorsque cette image se forme dans mon esprit.
— À me préparer pour toi, dit-elle.
Elle se tortille même sur sa chaise.
— Tu crois que ça pourrait être mieux que le coup du chapeau ?
— Eh bien, je vais devoir en faire l’expérience pour prendre une décision
définitive, lui réponds-je, et elle sourit. Je pense qu’il serait déraisonnable
de faire les choses à moitié.
Elle s’écarte de la table.
— Accorde-moi un peu de temps et rejoins-moi dans la chambre. Disons
vingt.
— Vingt ? répété-je. Minutes ou secondes ?
Elle rejette la tête en arrière et rit.
— Minutes. Je veux prendre une douche rapide, et ensuite je devrais être
prête.
Elle se retourne et sort de la pièce, Lilo à ses côtés.
— Lilo, allons manger, lui lancé-je.
Elle arrête de suivre Zara et me regarde, avant de tourner de nouveau les
yeux vers elle alors qu’elle tente de décider quoi faire. Elle décide de suivre
l’appel de la nourriture et revient avec moi. Je nettoie la cuisine, vais dans
le garage et nourris les chiens, puis je me rends dans la chambre d’amis
pour prendre une douche aussi. Je m’assure que tout soit verrouillé et que
les chiens aient tout ce qu’il faut, puis je reviens dans mes quartiers, vêtu
uniquement d’une serviette nouée autour de la taille.
Je ne sais pas du tout ce qui m’attend, mais, quand j’entre enfin dans la
pièce, je dois m’immobiliser le temps de reprendre mon souffle. Zara est là,
au milieu du lit. Non seulement ça, mais elle est nue, ses longues jambes
sont étirées de chaque côté du matelas et ses seins pointent vers le plafond,
prêts à être mordus. Mais mes yeux se baissent aussitôt entre ses jambes.
Elle dessine des cercles autour de son clitoris, d’une main, tout en
enfonçant deux doigts de l’autre en elle. Je retire la serviette autour de ma
taille et prends mon sexe dans mon poing. Elle doit sentir mon regard sur
elle, parce qu’elle incline la tête de côté et ouvre les yeux.
— Evan, murmure-t-elle.
Je m’avance vers elle, tandis que ses mains s’activent de plus en plus vite.
Je monte sur le lit et m’agenouille devant elle. Je porte de nouveau la main
à mon sexe et le fais aller de haut en bas dans mon poing, tout en portant
mon autre main à son téton pour le faire rouler entre mes doigts. Puis je me
penche et le suce, et soudain, je sens une moiteur chaude sur mon sexe. Je
baisse les yeux et vois qu’elle s’est déplacée pour pouvoir me goûter. Je
pousse des hanches et baise sa bouche tout en attirant de nouveau son téton
entre mes lèvres ; elle arque le dos quand je le mords. Sa gorge me prend
plus profondément et, quand je regarde plus bas, je vois que ses mains vont
de plus en plus vite. Je me déplace et lui retire mon sexe, la faisant émettre
un grognement.
— Non, tu ne seras pas le seul à t’amuser, dit-elle.
Elle se redresse et retire ses doigts de sa fente. Je les récupère et les porte
à mes lèvres pour les nettoyer.
— Je veux que tu t’asseyes sur mon visage, lui dis-je, avant de me
pencher pour prendre l’embrasser. Ensuite, tu pourras sucer ma queue.
Ses yeux se voilent de désir.
— D’accord.
Je me mets sur le dos et elle passe une jambe de chaque côté de moi. Je
suis à court de patience, alors je lui prends les hanches tout en levant ma
tête pour aspirer son sexe. Elle gémit et je pousse un grognement ; elle se
laisse tomber en avant et prend mon sexe dans sa main, puis dans sa gorge.
Nos corps prennent le dessus tant nous sommes tous deux emplis de désir.
Mes hanches se propulsent en avant et les siennes commencent à se frotter
contre mon visage.
— Oh, mon Dieu, dit-elle.
Elle ôte mon sexe de sa bouche, mais sa main continue de s’activer.
— Je suis si près, murmure-t-elle, juste avant de m’avaler derechef.
Je lèche sa fente de haut en bas, et donne un coup de langue à son clitoris.
Elle s’active de plus en plus vite et je glisse deux doigts en elle. La moiteur
de son sexe facilite le glissement d’avant en arrière, mais au bout de deux
va-et-vient, elle devient plus étroite et brûlante, et ses hanches ruent contre
ma langue. Elle relâche de nouveau mon membre et elle émet un
grognement ; je sais qu’elle est en train de jouir, parce que mes doigts sont
de plus en plus trempés et à l’étroit en elle.
— Evan, dit-elle en agitant les hanches pour suivre le rythme de mes
doigts.
J’attends que les vagues de plaisir se soient calmées, avant de la faire
rouler doucement sur le flanc. Elle reste étendue là à essayer de reprendre
son souffle. Puis elle tourne la tête, me regarde me pencher en avant et
récupérer un préservatif dans la table de chevet. J’arrache le coin du
plastique, en sors le préservatif et l’enfile sur mon sexe.
Elle ouvre les jambes pour moi, le regard encore voilé alors qu’elle se
remet de l’orgasme que je viens de lui donner avec ma bouche. Quand je
m’empare de la base de mon sexe et le place devant sa fente, elle arque
machinalement le dos. Elle repousse ma main et me guide droit vers son
ouverture. Je n’essaie même pas de l’arrêter et m’enfonce en elle jusqu’à la
garde d’un seul coup de reins. Elle rejette la tête en arrière et ferme les
yeux. Sa main est posée sur mon bas-ventre et je ne bouge pas avant qu’elle
soit prête. Elle est douillette, étroite et parfaite.
— C’est si bon, siffle-t-elle, en ouvrant plus largement les hanches, avant
d’enrouler les jambes autour des miennes.
Je baisse mon corps sur le sien et m’empare de ses lèvres, glissant ma
langue dans sa bouche tout en me retirant, avant d’aller et venir lentement
en elle. Au début, j’y vais doucement ; je prends mon temps pour profiter
des sensations au maximum. Elle enroule un bras autour de mon cou et ses
jambes étreignent mes hanches.
Je glisse une main sous elle et me penche pour lui embrasser le cou ; elle
fait courir ses doigts dans mes cheveux en haletant. J’essaie de garder le
même rythme, mais, quand son sexe commence à me serrer de plus en plus
fort, je ne peux réfréner mes mouvements. Elle lève les hanches et les
incline de manière à ce que je puisse la pénétrer plus profondément encore.
Elle glisse une main entre nous et quand je baisse les yeux entre nos corps,
je la vois jouer avec son clitoris.
— C’est ça, ma belle, lui dis-je, et elle se contente de gémir. Joue avec ce
clitoris rose.
Elle agite la tête d’un côté et de l’autre.
— Malaxe-le, continué-je, et elle obéit. Maintenant, fais de petits cercles.
Sa main obéit à tout ce que je dis et son sexe devient de plus en plus
étroit, tandis que ses hanches m’étreignent de plus en plus.
— Pince-le, ordonné-je. Fort, et ne relâche pas tant que je ne te l’aurais
pas dit.
Elle le fait et je l’empale brutalement, une fois, deux fois.
— Lâche-le et caresse-le d’un côté et de l’autre, maintenant.
Elle obéit et bascule. Elle jouit sur mon sexe, si fort que je ne peux plus
bouger en elle. Je dois rester planté jusqu’à la garde.
Elle ouvre les yeux et me regarde.
— Tu vas jouir avec moi ? me demande-t-elle d’une voix sensuelle. Fais-
moi jouir de nouveau, et jouis avec moi.
Tout mon corps est carrément prêt à tout lâcher, mais pas avant qu’elle
recommence.
— Pénètre-moi profondément, ordonne-t-elle.
Ses hanches remuent plus vite, et son majeur s’active aussi vite que ses
hanches.
— J’ai besoin de toi.
Elle me regarde et je suis prêt à lui donner tout ce qu’elle désire.
— J’ai besoin que tu jouisses avec moi.
Elle lève la main pour l’enrouler autour de mon cou tout en suivant le
rythme de mes coups de reins. Je me retire entièrement avant de la pilonner
un grand coup, plus brutalement que je le voulais, mais elle l’encaisse. Elle
encaisse chaque coup de reins.
— J’ai besoin de te sentir plus profond, dit-elle entre ses halètements.
Elle incline les hanches, repousse les jambes en arrière, et je m’enfonce
tellement que je ne peux en supporter plus. Quand elle jouit sur mon sexe
au bout du troisième coup de reins, je la laisse savourer les vagues de plaisir
puis, quand elle a presque terminé, je lâche prise. Je m’empale jusqu’à la
garde et jouis en hurlant son nom.
Lorsque je m’écroule sur le lit à côté d’elle, je crois voir des étoiles, mais
je n’en suis pas sûr. Quand je cligne des yeux, je vois des points noirs. Elle
m’embrasse l’épaule, tendrement, et mon sexe remue.
— J’ai juste besoin de deux minutes, dis-je, en essayant de reprendre mon
souffle.
Elle me lèche jusqu’à l’oreille et dit :
— J’ai envie de te chevaucher.
J’ouvre les yeux et la regarde.
— J’ai envie de te chevaucher et j’ai envie que tu me laisses faire tout ce
que j’ai envie de faire.
— Ouais, réponds-je.
— J’ai envie de jouir encore.
Elle remue les hanches et je dois la maintenir immobile.
— Je veux jouir en étant assise sur ta queue.
— Je dois changer de préservatif, lui dis-je.
Elle baisse les yeux, alors que mon sexe à demi en érection se retire
d’elle.
— Dans ce cas, je veux que tu m’emmènes sous la douche et que tu me
laisses te sucer de nouveau la queue.
Elle me sourit et je roule hors du lit.
— Je vais avoir besoin de m’hydrater, dis-je.
Je la regarde par-dessus mon épaule et la vois glisser la main entre ses
jambes. Mon sexe n’a qu’une envie : retourner en elle.
— Ne te fais pas jouir sans moi, l’avertis-je, et elle lève les yeux vers moi.
Tu jouis avec moi, ou tu ne jouis pas du tout.
— Ce n’est pas juste, réplique-t-elle d’un ton presque boudeur. Et si tu ne
peux plus… ?
— Dans ce cas, tu jouis sur mes doigts, réponds-je.
Elle referme les genoux et je sais qu’elle est complètement ivre de désir.
J’ignore le préservatif et reviens vers le lit, pour me dresser à côté.
J’écarte sa main de son clitoris, me lèche le pouce pour l’humidifier et la
caresser.
— Ma douce Zara, lui dis-je.
Je me penche en avant lorsqu’elle écarte les jambes et prends son clitoris
dans ma bouche pour l’aspirer profondément. Ses mains agrippent les draps
de chaque côté de son corps.
— Toujours aussi douce, lui dis-je.
Je mordille son clitoris et elle arque le dos.
— Belle.
Je la regarde dans les yeux, puis glisse deux doigts en elle.
— Toujours si belle.
Elle tend les mains pour étreindre mon sexe, mais je m’écarte, et elles
retombent sur le lit dans un grognement de frustration.
— Laisse-moi avoir ta queue. S’il te plaît.
— Quand tu auras joui sur mes doigts, lui réponds-je.
Je la baise avec eux et la regarde baisser les yeux sur ce que je fais. C’est
le spectacle le plus érotique que j’aie jamais vu, la façon dont elle suit mes
doigts des yeux alors qu’ils disparaissent en elle. Je penche la tête et aspire
son clitoris, plus fort, cette fois. Elle prononce mon nom dans un
halètement. Ma langue se glisse avec mes doigts et elle est à deux secondes
de l’orgasme.
— Quand tu auras joui sur mes doigts, tu pourras t’asseoir sur mon sexe
toute la nuit.
— Promis ? siffle-t-elle.
Puis elle baisse les yeux et jouit sur ma main.
— Putain.
Elle chevauche mes doigts, puis je les retire et les lèche pour les nettoyer.
Je m’attends à ce qu’elle prenne un peu de temps pour se remettre, peut-être
à ce qu’elle se lève et aille se chercher de l’eau. Ce à quoi je ne m’attends
pas, c’est la voir rouler de l’autre côté du lit et récupérer un autre préservatif
dans le tiroir.
— Allez, cow-boy, il est temps de m’emmener en balade.
Elle m’adresse un clin d’œil et, soudain, mon sexe est encore une fois dur
comme la pierre.
VINGT-CINQ

Zara

Je n’aurais jamais cru que le sexe pouvait être aussi drôle ni que le désir et
les envies pouvaient totalement prendre le contrôle de mon corps. Jamais,
au grand jamais, je n’aurais cru me retrouver à supplier pour ça. Pour ses
caresses, pour sa bouche, pour ses doigts et, plus important encore, pour son
sexe.
À mon réveil, mon corps est courbaturé à des endroits où je n’aurais
même pas cru ça possible, mais je repense alors à la nuit que nous venons
de vivre et au nombre de fois où je l’ai supplié. Une fois qu’il m’a laissé le
chevaucher, ce que j’ai fait avec enthousiasme, il m’a penchée en avant
dans la douche, les mains agrippées en poings dans mes cheveux, et j’ai joui
si fort que j’ai cru que mes jambes allaient céder sous moi. La nuit a été
remplie de mains et de bouches. À un moment, je me suis réveillée pour le
découvrir en train de se glisser en moi ; une autre fois, il s’est réveillé avec
son sexe dans ma bouche. Je tourne la tête vers le réveil et vois qu’il est
presque sept heures ; je sais qu’il doit être debout à huit heures.
Il est face à moi, les yeux fermés et une main posée sur son torse, qui se
soulève et s’abaisse doucement. Lentement, je plonge la main dans le tiroir
de la table de chevet et récupère un autre préservatif. J’ouvre le plastique et
prends son sexe dans ma main. Je l’entends émettre un grognement, mais
son membre est déjà en érection et prêt pour moi. J’enfile le préservatif et il
grogne de nouveau. Je n’attends pas qu’il ait ouvert les yeux avant de
passer une jambe par-dessus sa hanche et de me laisser glisser lentement sur
lui, jusqu’à le prendre en entier. Je presse les mains contre mes seins et me
pince les tétons. Il y a de petits suçons dessus, depuis la dernière fois où je
me suis retrouvée dans cette position. Il ouvre les paupières et baisse les
yeux, pour me voir me redresser, avant de m’accroupir de nouveau sur lui.
Il porte les mains à mes hanches.
— Magnifique, marmonne-t-il.
Il referme les yeux, mais, cette fois, ses pouces viennent trouver mon
clitoris.
— Tu es déjà si mouillée, dit-il, et ses paroles cochonnes ne font que
m’exciter encore plus.
Il le sait et je le sais.
— Tu veux chevaucher ma queue ? demande-t-il.
Je plaque mes mains sur son ventre et frotte mes hanches tout en les
faisant pivoter.
— Putain, lâche-t-il.
Je crispe mes parois autour de son sexe.
— Je voulais que tu te réveilles avec mon visage contre ta chatte, dit-il.
Je suis si près de l’orgasme, que je peux presque le toucher. Mon estomac
se contracte et mes doigts de pied se recourbent.
— Regarde-nous, dit-il en baissant les yeux sur mon sexe. Regarde
comme ta chatte prend ma queue.
J’observe la façon dont je le chevauche. Son sexe disparaît, et je me
dépêche de le faire réapparaître.
— Empale-toi sur mon sexe, ma belle.
Mes jambes me brûlent tandis que je m’accroupis au-dessus de lui. L’une
de mes mains rejoint son pouce et nous jouons tous deux avec mon clitoris.
Il lève son autre main et me pince le téton. Puis il écarte ma main de mon
clitoris et je gémis de frustration, parce que je suis à deux doigts de jouir. Il
presse et tord mon téton tout en pressant mon clitoris exactement en même
temps et en soulevant les hanches. Il me pince à nouveau le téton, mais,
cette fois, il le relâche, ainsi que mon clitoris. Je ne suis plus qu’une poupée
de chiffon. Il m’attrape alors par la taille, me retourne sur le dos et me baise
si fort. Quatre coups de reins suffisent ; je me soulève et lui mords le
pectoral, juste avant qu’il s’empale en moi et que nous jouissions ensemble.
— Putain de merde, siffle-t-il, et je ris. C’était tellement sexy.
Il se penche pour prendre l’un de mes tétons dans ma bouche. Il le suce un
peu et laisse une petite marque de morsure juste à côté.
— Arrête de me marquer, dis-je en le repoussant.
— Jamais, répond-il. Ça prouve que tu es à moi.
Je tourne les yeux vers lui, alors qu’il s’écarte de moi et se dirige vers les
toilettes. Puis je regarde le réveil et vois qu’il est presque sept heures et
demie, alors je sors du lit. Mes jambes me donnent l’impression que j’ai
passé quatre heures à la salle de sport.
Je me dirige vers ma valise et la vide par terre.
— Qu’est-ce que tu fais ?
Je reporte mon attention sur lui et vois qu’il est debout devant moi, nu et
le sexe à moitié en berne.
— Je récupère des vêtements, réponds-je, et il secoue la tête.
Il retourne dans sa penderie, avant de ressortir avec l’un de ses T-shirts.
— Tiens.
Il me tend le tissu gris avec le logo de son équipe sur le devant et son nom
dans le dos.
— Ça te dirait de te faire tatouer mon nom ? me demande-t-il, et je fais
signe que non.
— Ça te dirait d’aller chasser avec ma famille, déguisé en canard ?
répliqué-je, en attrapant le T-shirt pour l’enlever. Il me faut toujours une
culotte.
Ses yeux brillent d’amusement.
— Evan, les chiens vont me sauter dessus et je ne veux pas qu’ils mettent
leur bouche sur mon vagin.
— Très bien, concède-t-il tout en enfilant son short de sport. Mais assure-
toi d’en mettre une facile à arracher.
— On vient de coucher ensemble cinq fois en six heures, lui rappelé-je en
riant, puis j’enfile un shorty rose en dentelle.
— J’ai perdu le compte, répond-il. Il faut qu’on le refasse encore deux
fois d’ici à ce que je parte.
— Tu dois conserver ton énergie pour quand tu seras sur la glace,
rétorqué-je, avant de me lever et de sortir de la chambre.
Les chiens bondissent du canapé et s’avancent vers moi.
— Bonjour, mes amours, leur dis-je. Vous êtes prêts à sortir vous
promener ?
Stitch tourne sur lui-même, tandis que Lilo s’est hissée sur deux pattes
pour me lécher le visage.
— OK, dis-je.
Je vais vers la porte et leur ouvre pour qu’ils puissent se précipiter dehors.
— Laisse la porte ouverte pour qu’ils puissent rentrer, lance Evan, tout en
se dirigeant vers le garage, sûrement pour remplir leurs gamelles et faire du
café.
— Tu manges ici ou à la patinoire ? demandé-je, en élevant la voix, avant
de sursauter en voyant qu’il est déjà de retour. Seigneur.
— Je peux manger ici, répond-il.
Puis il me rejoint et passe les bras autour de moi.
— Bonjour, ma belle, dit-il en m’embrassant le cou.
— Bonjour, lui murmuré-je, et il m’embrasse sur les lèvres.
Je devrais appeler quelqu’un pour lui demander si c’est normal de
ressentir à ce point le besoin de l’escalader comme un arbre, parce que
laissez-moi vous dire que je pourrais le grimper pendant des heures. Je le
regarde s’avancer vers le frigo et en sortir quelques aliments, puis nous
préparons le petit déjeuner côte à côte. Enfin, je dois parfois me pencher
accidentellement vers lui, et il y a aussi des fois où il a besoin de glisser les
mains dans ma culotte pour insérer un doigt en moi.
— Sois sage, lui dis-je tout en battant des œufs. Pas de sexe jusqu’à ton
retour.
— C’est dans environ six heures, répond-il d’un air mécontent.
Je nous sers des œufs à tous les deux, en remplissant plus son assiette que
la mienne. Je coupe des avocats frais et lui prépare ses deux tranches de
pain grillé.
— Quel est le programme pour aujourd’hui ? lui demandé-je en posant
l’assiette sur la table quand je sens sa présence derrière moi.
— J’ai un entraînement de dix heures à midi et ensuite, je vais
généralement à la salle de sport jusqu’à treize heures trente, donc je devrais
être rentré à quatorze heures, m’explique-t-il, en s’asseyant à côté de moi.
— OK, parfait.
Je lève les yeux vers l’horloge et vois qu’il est un peu plus de neuf heures.
— J’aurai terminé mon boulot avant que tu sois rentré.
— Tu veux qu’on sorte manger quelque part, ce soir ? me propose-t-il, et
je secoue la tête.
— Non, réponds-je. Je veux qu’on s’étende tous les deux dehors, sur mon
canapé.
Il hoche la tête avec un grand sourire.
— Et après, je veux rentrer et prendre un bain, ajouté-je.
— Ça me paraît être un bon plan.
Il ramasse son assiette et la rince à l’évier avant de la placer dans le lave-
vaisselle.
— Laisse. Je nettoierai. Va te préparer, lui dis-je.
Il s’avance vers moi et se penche en avant. Il dépose un baiser sur mes
lèvres, puis se détourne pour aller se préparer, avant de sortir de la maison
en courant dix minutes plus tard. Me laissant presque haletante derrière lui.
— Ne te touche pas pendant mon absence, m’avertit-il avec un clin d’œil
avant de partir.
— Connard, lancé-je à la porte close.
Je nettoie la cuisine et vais récupérer mon téléphone. J’ouvre FaceTime et
décide qu’une discussion de groupe s’impose. Alors j’ouvre mon
application et commence à ajouter des gens. Zoé est la première à répondre.
— Salut, lui dis-je. J’ajoute quelques personnes à la conversation, vu que
je n’ai pas envie de répéter cette histoire sept fois.
Elle hoche la tête, et je la vois lire l’écran de l’ordinateur devant elle.
Karrie est la deuxième à répondre.
— Eh bien, eh bien, eh bien, dit-elle avec un sourire.
— Elle ajoute des gens, alors chante « tu es une sacrée traînée » quand
tout le monde aura décroché, dit Zoé avec un sourire narquois, tout en
soulevant son café.
— Vivienne et Allison sont ici, dit Karrie.
Elles répondent quand même sur leur propre téléphone et Karrie leur
demande :
— Pourquoi est-ce que vous répondez ?
— Parce que je veux voir à quel point elle a grimpé aux rideaux, répond
Vivienne, dont le visage emplit l’écran. Elle a pris du bon temps. Regardez-
moi ces joues.
Je plaque les mains sur les fautives.
— Ses yeux sont encore embrumés par les orgasmes, continue-t-elle.
— Bon sang, lance Allison. Elle a raison.
— OK, les interrompt sèchement Zoé. Laissez-la parler.
Tout le monde se tait et me regarde.
— Je crois que je suis nymphomane, lâché-je.
Zoé écarquille les yeux, Karrie ouvre grand la bouche, Allison pince les
lèvres pour retenir un sourire et Vivienne se contente de rejeter la tête en
arrière et d’éclater de rire.
— Elle est très bien baisée, dit-elle, en claquant sa paume sur la table.
— Je vous jure, on l’a fait cinq fois, et j’ai dû avoir dix orgasmes, leur
dis-je. Et dès qu’on avait terminé, j’en avais de nouveau envie.
— Mince alors, lâche Zoé. Est-ce qu’il a un frère ?
— Sérieux. Ce matin, je me suis réveillée et la première chose que j’ai
faite, c’est lui grimper dessus, dis-je, en secouant la tête. Il dormait, je lui ai
enfilé un préservatif et je l’ai chevauché.
— Seigneur, dit Zoé. Je crois que je n’en ai jamais eu autant envie.
— Dans ce cas, c’est qu’on ne s’occupe pas assez bien de toi, réplique
Allison, nous stupéfiant toutes. Max est toujours d’attaque.
Je grimace, alors que Zoé s’exclame :
— Beeeuurk.
— Quoi ? Elle a le droit de parler d’Evan et de ses virées à Pilon Ville,
mais pas moi ?
— Oui, parce qu’elle n’est pas mariée avec lui, réplique Zoé. Je n’ai pas à
m’asseoir à table à côté de lui en me demandant si tu l’as sauté avant notre
repas du dimanche.
— La réponse est oui, répond Allison en tirant la langue. Quand il est à la
maison, nous faisons l’amour au moins une fois par jour.
— Pareil, lance Karrie, et je lève une main pour les interrompre.
— Tu ne peux pas nous parler de ça, parce que c’est notre frère. Et, est-ce
qu’il n’approche pas de cet âge auquel il risque d’avoir une crise cardiaque
s’il le fait trop souvent ?
Karrie lève les yeux au ciel.
— Si seulement, putain.
Zoé, Allison et moi grimaçons, alors que Vivienne sourit.
— L’autre jour, je rentrais de la salle de sport, j’étais en sueur et je puais,
et il m’a regardée et a dit « Tu as envie ? ».
— Il y a forcément un âge limite, insisté-je.
— Pas ici, répond Allison. Loin de là, même.
— Bref, est-ce qu’on peut se concentrer sur moi, pour une fois ? repris-je.
Qu’est-ce que je fais ?
— Tu baises, répond Vivienne en riant. Tu le sautes et tu le sautes, encore
et encore et encore.
Elle nous regarde tour à tour et rappelle :
— Je n’ai plus eu de relation sexuelle depuis cinq mois.
C’est à notre tour de la dévisager, stupéfaites.
— J’étais occupée.
— Menteuse, lâche Karrie.
Vivienne la fusille du regard. Mais ce n’est pas d’elle qu’on parle.
— Et si tu te contentais de profiter ? propose Allison.
— Il dit que je n’ai pas le droit de me toucher s’il n’est pas là et il a laissé
tellement de marques sur moi que je vais devoir porter des cols roulés
pendant toute la semaine, leur avoué-je et elles se mettent toutes à rire.
— Je me souviens qu’une fois, j’ai laissé un suçon sur la bite de Max, et
que Matthew l’a vu, nous raconte Allison en riant. Il ne savait pas que
c’était moi et, quand il l’a découvert, il a vomi.
— Matthew n’a le droit d’en laisser qu’à des endroits où les enfants ne
peuvent les voir, explique Karrie. Donc, en bref, je ne peux pas me balader
seins nus.
— Pourquoi est-ce que tous ces hommes veulent absolument marquer
leurs femmes ? s’interroge Zoé. C’est un peu trop.
Le reste de la conversation se passe tranquillement. Je leur avoue que je
l’aime et Zoé est la seule à ne pas être surprise. Quand nous nous quittons
finalement, il est presque midi. Je retourne dans sa chambre et déballe mes
affaires. J’accroche ce qui doit l’être, mais laisse les vêtements pliés dans le
bagage près du mur. Je récupère un pantalon de yoga et un haut, puis je vais
prendre une douche. Je sors ensuite mon ordinateur portable et un bloc-
notes et fais de la table de la cuisine mon espace de travail.
Je suis tellement concentrée dans l’organisation de mon emploi du temps
et le fait de répondre à un tas d’e-mails que je n’entends même pas la porte
d’entrée s’ouvrir et se refermer. Je lève les yeux vers l’horloge et vois qu’il
n’est que treize heures trente. Je me lève, contourne le comptoir et me fige
et me retrouvant face à face avec une blonde. Les battements de mon cœur
accélèrent.
— Qu’est-ce que vous fichez ici, putain ? me demande-t-elle.
Je baisse les yeux de côté et vois que Lilo est assise à côté de moi.
— Je n’arrive pas à croire qu’il vous ait amenée ici.
— Excusez-moi, dis-je, une fois que j’ai enfin retrouvé l’usage de la
parole. Qui êtes-vous ?
— Moi, mon cœur ? réplique-t-elle d’un ton sarcastique. Je suis celle qui
est censée être ici, plutôt que toi.
Voilà donc ce que ça fait d’être quelqu’un de mature. De ne pas perdre son
sang-froid et de s’accorder une seconde pour réfléchir.
— Ça ne répond pas à ma question, réponds-je, en croisant les mains
devant ma poitrine. Qui êtes-vous ?
— Je suis Candace. La sœur d’Evan.
Elle lève les yeux au ciel et je me contente de la regarder.
— Je vous jure, il faut toujours qu’il pense avec sa queue.
Ces paroles, sortant de sa bouche, me font quelque chose. Je ne vais pas
mentir, elles font même vraiment mal.
— Maintenant que vous m’avez expliqué qui vous êtes, vous pourriez
peut-être me dire pourquoi vous êtes ici, reprends-je, avant de regarder
autour de moi. Ce n’est pas chez vous.
Elle m’adresse un regard meurtrier.
— Enfin, ajouté-je, à moins que vous ne soyez venue récupérer quelque
chose.
— C’est le jour de notre rendez-vous hebdomadaire, siffle-t-elle.
Seigneur, vous êtes vraiment une flèche, hein ?
Je commence à en avoir assez, mon dos se raidit, alors que je m’apprête à
jeter par la fenêtre le peu de maturité que je possède.
— J’imagine que vos rendez-vous hebdomadaires ne sont pas aussi
importants que vous le pensiez, vu qu’il ne m’a même pas dit que vous
passeriez.
Elle se met à rire.
— Tu ne crois pas vraiment qu’il t’apprécie, n’est-ce pas ? me demande-t-
elle, avant de continuer sans attendre ma réponse. Je veux dire, tout ça, c’est
juste de la publicité. Il mise sur un gros contrat et tu apportes cette touche
de douceur.
Je me trompais. Les mots qu’elle a prononcés tout à l’heure n’étaient rien
comparés à ceux-là, qui me font l’effet d’un coup de poignard. Je n’ai pas le
temps de dire quoi que ce soit, parce que c’est alors que la porte s’ouvre et
se referme. Evan apparaît et observe le spectacle devant lui. Son sourire
s’évanouit quand il voit l’expression de mon visage. Je suis à deux doigts
de jeter quelque chose à travers la pièce.
— Qu’est-ce qui se passe, bordel ? demande-t-il, son regard rivé au mien.
— J’étais juste en train de lui dire… commence Candace.
Mais j’en ai assez entendu, alors je l’interromps :
— Oui, elle était en train de m’expliquer que je ne suis pas très maligne,
que tu ne penses toujours qu’avec ta queue et, voyons voir, que cette
histoire entre nous…
Je nous pointe tour à tour du doigt, tout en continuant :
— Ce n’est qu’un coup de pub.
Je le regarde, puis tourne les yeux vers Candace, qui déglutit.
— Est-ce que j’ai oublié quelque chose ?
— Candace, siffle-t-il.
— Je vais sortir un peu, leur dis-je en secouant la tête.
Elle se contente de lever les yeux au ciel.
Je prends mon téléphone, ouvre la porte et les chiens me suivent dehors.
Je me dirige vers le canapé au milieu de la cour pour m’y asseoir, une
unique larme roulant sur ma joue. Lilo monte sur le canapé avec moi puis
pose sa tête sur mes jambes, tandis que Stitch s’assied devant le canapé,
face à la porte.
— Eh bien, c’était un moment sympa, me dis-je, parce que les chiens ne
peuvent pas me comprendre. Vous voyez, l’ancienne Zara lui aurait dit
d’aller se faire foutre et l’aurait jetée de la maison.
Lilo lève les yeux vers moi.
— Mais la Zara mature, qui l’aime et qui ne veut pas que sa famille me
déteste, vient de recevoir un coup dans le vagin.
Elle incline la tête de côté.
— Ouais, moi aussi, j’aimais bien l’ancienne Zara.
Je lui souris et lui caresse la tête.
— Elle aurait eu un plan B, juste au cas où, leur affirmé-je, avant d’ouvrir
mon application American Airlines.
VINGT-SIX

Evan

Je claque la porte derrière moi avec un sourire sur le visage, sachant que,
dans cinq secondes, mes lèvres seront collées aux siennes. C’est alors que je
vois la scène devant moi. Zara m’informe de ce dont elles viennent de
discuter, puis tourne les talons. Je la regarde sortir de la maison avec les
chiens, et je compte jusqu’à dix avant de me concentrer sur ma frangine.
Cette journée a commencé de manière incroyable, mais elle est rapidement
en train de se transformer en désastre. Je me tourne vers ma sœur, retire ma
casquette de baseball et la jette sur le canapé.
— Candace, lâché-je entre mes dents serrées. J’espère vraiment que ce
qu’elle vient de dire n’est pas vrai.
— Oh, je t’en prie, réplique Candace. Tu ne vas pas me dire que cette
histoire signifie vraiment quelque chose pour toi.
— Je vais oublier que tu as dit ça.
Je tourne enfin le dos à la fenêtre pour regarder ma sœur.
— Tu viens chez moi, lancé-je en élevant légèrement la voix, alors que je
perds ce qu’il me restait de patience. Et tu prononces des paroles ignobles
envers une femme que tu ne connais même pas.
— Oh, je connais les filles comme elle, rétorque-t-elle.
Elle voit alors l’expression de mon visage et s’interrompt.
— Les filles comme elle ? répété-je. Tu veux dire les femmes intelligentes
et indépendantes ?
— Je veux dire une groupie de patinoire. Dieu seul sait combien de
joueurs de hockey elle a déjà…
Je lève une main pour la faire taire.
— Il vaut mieux t’arrêter là, avant que tu dises quelque chose qui
tournerait très mal pour nous deux, m’exclamé-je. Si tu lui manques encore
de respect…
— Lui manquer de respect, répète-t-elle d’un ton railleur.
— Ne me force pas à choisir entre elle et toi, l’avertis-je en secouant la
tête. J’ai appelé maman aujourd’hui. Je lui ai dit qu’elle devait venir la
rencontrer ce week-end.
Elle ne répond rien, se contente de me regarder, bouche bée.
— Je l’aime, Can, lui avoué-je, répétant ce que j’ai dit à ma mère. Ça a
commencé complètement par hasard, mais je suis tombé amoureux d’elle.
— Tu ne peux pas être sérieux, finit-elle par dire.
— Si ce n’était pas complètement dingue, je lui demanderais de
m’épouser dès aujourd’hui. Si ce n’était pas complètement dingue, je la
supplierais de passer le restant de ses jours avec moi.
Je prends une profonde inspiration et ajoute :
— Je suis sérieux à ce point, Candace.
Je ne sais pas à quoi je m’attendais, mais ce n’était certainement pas à ce
qu’elle se détourne et sorte de la maison, avant de claquer la porte derrière
elle. Je sors mon téléphone et appelle ma mère, qui répond dès la première
sonnerie.
— Deux fois dans la même journée, lance-t-elle en riant.
— Je voulais te tenir au courant, dis-je.
Ma voix est plus sèche que je le voulais, et ma mère cesse de rire.
— Je viens de tomber sur une confrontation entre Candace et Zara.
— Oh Seigneur, lâche ma mère.
— Maman, si je dois choisir, je choisirai Zara. Candace est venue chez
nous et a dit des choses que je ne peux même pas te répéter.
— Je vais l’appeler, me dit-elle. Tu sais qu’elle essaie juste de te protéger.
— Je sais, réponds-je en me dirigeant vers la porte. Mais j’essaie juste de
protéger Zara.
— Va t’assurer qu’elle va bien, et ensuite rappelle-moi pour que je puisse
la rencontrer. Laisse-moi parler à Candace.
Je pose mon téléphone sur la table à côté des affaires de Zara et ne peux
m’empêcher de sourire, en les voyant mélangées aux miennes. J’ouvre la
porte et me dirige vers son canapé. Elle est sur son téléphone et, quand je
me rapproche, Stitch se redresse et me regarde. Je suis même certain
d’entendre Lilo me grogner dessus.
— Salut, dis-je.
Je m’approche, me penche et dépose un baiser sur ses lèvres. Elle me le
rend, ce qui est presque une victoire.
— Qu’est-ce que tu fais ? demandé-je, en m’asseyant à côté d’elle.
Je passe les bras autour d’elle et l’attire contre moi. Je regarde son
téléphone et vois qu’elle est sur l’application American Airlines.
— Qu’est-ce que c’est que ça ?
— Je regardais juste les vols, répond-elle d’une voix douce, que je ne l’ai
jamais entendue employer.
Je me retourne sur le canapé, mais elle ne lève toujours pas la tête. Je
tends la main, lui soulève le visage et l’observe attentivement ; je
m’aperçois alors qu’elle pleure.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demandé-je en la serrant contre moi. Parle-moi.
Je m’écarte pour pouvoir fixer son regard, mais elle évite toujours de le
croiser.
— C’est stupide, dit-elle doucement tout en essuyant son nez avec son
pull.
— Rien n’est stupide, ma douce Zara.
Je lui relève à nouveau le menton et demande :
— S’il te plaît, dis-moi pourquoi tu pleures.
— Ce qu’elle a dit, Evan, commence-t-elle, clignant des yeux pour
balayer une larme. C’était dur et je suis restée là sans rien faire.
Elle hausse les épaules et reprend :
— L’ancienne Zara lui aurait donné un coup de poing dans la gorge, lui
aurait arraché son sac et serait partie. Après avoir démoli sa voiture en
reculant dedans cinq fois.
— Candace a dépassé les bornes, admets-je. À cent pour cent, et je lui ai
dit que c’était inacceptable.
— Je ne la connais même pas, dit-elle. Je ne l’ai jamais rencontrée de ma
vie. Elle a dit que j’étais un coup de pub.
— J’ai quitté l’entraînement avec trente minutes d’avance et la première
chose que j’ai faite, c’est appeler ma mère, lui avoué-je.
Elle écarquille un peu les yeux à ces mots.
— Ils prennent l’avion jusqu’ici vendredi soir pour assister au match.
— J’irai dormir à l’hôtel, dit-elle en se redressant.
— Il faudra me passer sur le corps. Tu dors là où je suis, répliqué-je. Je
l’ai appelée, parce que je veux qu’elle te rencontre.
Je prends son visage entre mes mains et continue :
— Je veux qu’elle voie à quel point tu es merveilleuse, et comme nous
sommes heureux ensemble. Je veux juste…
Je m’interromps, m’efforçant de trouver les bons mots.
— Je veux qu’elle te rencontre, parce que je suis éperdument amoureux
de toi, et que je veux que tout le monde le sache.
— Mais… commence-t-elle.
— Pas de mais, la coupé-je. Est-ce que tu m’aimes ?
Elle hoche la tête.
— Qu’est-ce que tu aurais fait si c’était à moi que c’était arrivé ?
— Qu’est-ce que tu veux dire ? demande-t-elle, en inclinant légèrement la
tête.
— Si tu étais entrée dans la pièce et avais vu Matthew ici, et qu’il avait dit
des trucs stupides sans savoir de quoi il parlait ?
— Je mettrais de la crème épilatoire dans son shampoing et de la poudre à
gratter dans ses patins, répond-elle sans hésitation.
— Seigneur, ris-je, sachant qu’elle en serait sûrement capable.
— Il y a trois ans, il m’a énervée à propos de je ne sais même plus quoi, et
on a mis de la super-glue sur sa crosse de hockey.
Je ris sans pouvoir m’arrêter.
— On a encore la crosse, avec les gants collés dessus.
— Je suis tellement désolé qu’elle t’ait fait du mal, lui dis-je, et elle se
contente de hausser les épaules. Je ne veux plus jamais être la source de tes
larmes. Je veux être celui qui les balaie.
Elle me sourit.
— Oh, tu es doué.
Je me penche en avant et dépose un baiser sur sa joue, là où coulent ses
larmes.
— Je suis désolée d’avoir douté de toi, murmure-t-elle, en levant les yeux
vers moi. Je suis désolée d’avoir douté de nous.
— J’aimerais vraiment me racheter auprès de toi.
Je descends du canapé et tends la main vers elle, avant de la soulever et de
la jeter sur mon épaule. Son rire emplit toute la cour et rend les chiens tout
excités.
— Ce n’est pas comme ça qu’on commence les préliminaires, rit-elle.
Je lui donne une tape sur les fesses.
— OK, c’est un bon début, dit-elle.
Je rentre dans la maison et les chiens me suivent. Je ferme la barrière
devant la chambre et Lilo émet un petit gémissement. J’entre dans la pièce
et vois que sa valise est ouverte près du mur.
Je la dépose sur ses pieds et elle repousse ses cheveux de devant son
visage.
— Pourquoi tu n’as pas encore déballé tes affaires ? lui demandé-je en me
dirigeant vers la valise.
— Je l’ai fait, me répond-elle. J’ai accroché ce qui avait besoin de l’être.
— Et ça, alors ? demandé-je en indiquant du doigt la valise.
Elle hausse les épaules.
— Je comptais les ranger dans la chambre d’ami, mais je ne savais pas si
je devais vider des affaires, explique-t-elle en s’asseyant sur le lit.
— La chambre d’ami ? répété-je, confus. Quoi ?
— Je peux les laisser là, ajoute-t-elle en pointant le doigt vers la valise, et
je déteste cette idée.
Je me dirige vers ma commode, ouvre un tiroir et le vide.
— C’est pour toi, dis-je, en emportant tous mes vêtements dans ma
penderie pour les laisser tomber au sol.
Je ressors et fais la même chose avec trois autres tiroirs.
— Il y a assez de place ?
— Tu es fou ? s’écrie-t-elle. Maintenant, je vais devoir plier tous tes
vêtements. Tu aurais pu simplement me demander de partager ta commode.
— Range tes vêtements dans les tiroirs, lui ordonné-je.
Je suis presque tenté de récupérer tout le contenu de sa valise pour le
fourrer là-dedans.
Elle se lève du lit et s’avance vers moi.
— Je croyais que tu avais l’intention de te racheter ? me rappelle-t-elle.
Elle passe son T-shirt par-dessus sa tête et reste là, en soutien-gorge.
— Je crois que tu as dit…
— Je sais ce que j’ai dit.
Je tends la main et l’attire à moi, avant de glisser ma langue contre la
sienne. Mon corps relâche toute la tension que j’ai ressentie quand je l’ai
vue pleurer, quand j’ai vu qu’elle essayait de partir.
— Tu m’as manqué, lui dis-je, en lui embrassant le cou, avant de déposer
des baisers jusqu’au renflement de ses seins.
Je vois mes petites marques rouges qui dépassent de sous le soutien-gorge
blanc et les effleure du doigt.
— Je ne sais pas pourquoi ça me plaît autant, dis-je, de voir ma marque
sur toi.
— Il faut qu’on en parle, répond-elle, et je lève les yeux vers elle. Tu ne
peux pas en laisser partout comme ça.
Je hausse les sourcils et la dévisage.
— Je travaille dans la mode, alors il va m’être difficile de ne pas porter
certaines tenues parce que je suis marquée.
— Quel genre de tenue est-ce que tu portes, pour que les suçons que je
fais sur toi soient visibles ? lui demandé-je. Et quelle importance ?
— C’est important pour moi, répond-elle. Et si on faisait un compromis ?
Je me penche et suce une autre partie de sa peau, jusqu’à ce qu’elle soit
rouge.
— Je t’écoute, lui dis-je, avant de me concentrer sur son autre sein pour y
laisser la même marque.
— Une par semaine, propose-t-elle.
Sa voix se fait plus grave quand je déplace le bonnet de son soutien-gorge
pour faire ressortir son téton, que je prends dans ma bouche.
— Une par semaine, répète-t-elle, avant de s’interrompre, et je sens ses
mains plonger dans mon pantalon et enserrer mon sexe.
Nous ne parlons plus, après ça, mais quand j’en ai finalement terminé
avec elle, elle arbore d’autres marques rouges, et je ne m’en repens même
pas.
Quand nous finissons par sortir du lit, il fait noir dehors et nous nous
levons uniquement parce que les chiens doivent manger. Je la regarde
ranger ses affaires, pendant que je commande de la nourriture sur mon iPad.
— Je vais aller nourrir les chiens, lui annoncé-je en m’avançant vers ma
penderie pour prendre un short.
Quand j’en sors, elle est pliée en deux devant sa valise.
— Quelle vue sublime, lui lancé-je.
Elle regarde par-dessus son épaule et ses cheveux tombent devant son
visage. Je vois une étincelle briller dans ses yeux et elle ouvre les jambes un
tout petit peu plus.
— Il faut que je mange, et ensuite je te prendrai exactement dans cette
position.
— Des promesses, toujours des promesses.
Elle rit alors que je sors, après lui avoir mordu la fesse.
— Allons vous chercher à manger, lancé-je aux chiens, couchés sur le
canapé.
Je prends mon téléphone et vois que j’ai raté deux messages de ma mère.
Maman : J’ai parlé à ta sœur.
Maman : J’espère qu’elle va m’écouter.
Il y en a aussi un de ma sœur :
Candace : Il faut qu’on discute du restant de la saison. Je ne ferai pas
ça chez toi si elle y est.
Je secoue la tête et réponds :
Moi : Ça veut dire que tu démissionnes ?
Je ne la laisserai pas se comporter comme une enfant pourrie gâtée.
Il ne lui faut pas longtemps pour répondre :
Candace : J’imagine que c’est à toi de décider de ça.
Moi : Candace, demain, chez moi à onze heures. Si tu n’es pas là, ça
voudra dire que tu ne veux plus travailler pour moi.
J’éteins le téléphone et me rends au garage. Les lumières et la télévision
sont allumées dans le salon.
— Il faut qu’on passe en revue certains détails, dit-elle en sortant de la
cuisine pour me rejoindre au salon.
Je vois qu’elle porte un short et l’un de mes T-shirts.
— Lesquels, ma belle ?
Je change de chaîne et m’arrête sur le match de New York.
— Il faut qu’on étudie nos emplois du temps, explique-t-elle. Je serai là
jusqu’à lundi, je pense, ou mardi, mais ensuite, je devrai retourner à
Chicago.
— Mais après Chicago, tu reviens ici, n’est-ce pas ?
Elle se contente de hausser les épaules.
— Je ne crois pas qu’il y ait vraiment de raison que je sois ici si tu n’y es
pas, répond-elle.
Elle s’assied sur le canapé et Lilo s’empresse de venir se coucher à côté
d’elle.
— Salut, ma belle, dit-elle en lui caressant la tête. Il faut qu’on te trouve
un collier un peu plus bling-bling.
Lilo agite la queue et donne des coups sourds sur le canapé.
— Alors, qu’est-ce que tu vas faire ? demandé-je, en venant m’asseoir à
côté d’elle.
— Eh bien, on peut étudier nos emplois du temps et voir ça, répond-elle
en me regardant. Je veux dire, la saison est presque terminée, je crois, n’est-
ce pas ?
— Dans deux semaines, réponds-je. Après ça, ce seront les finales.
— Je dois assister au gala de départ en retraite de Max et Matthew le deux
juillet, me dit-elle, un sourire étirant ses lèvres. Tu veux être mon rencard ?
Je hoche la tête, craignant de dire quelque chose qui la fera fuir.
— Mes parents leur offrent une escapade surprise dans leur maison de
Mexico.
— Dis-moi où et je nous réserverai une maison, dis-je en regardant la télé.
— C’est ridicule. On a déjà une maison.
— Ma belle, réponds-je. On ne s’installera pas dans la même maison que
tes parents.
— Et pourquoi pas ? réplique-t-elle avec colère.
— Parce qu’on couche ensemble, et pas qu’un peu, remarqué-je. Tout le
temps. Je n’ai pas l’intention que ça change.
Elle me fusille du regard.
— Si le sexe ordinaire avec toi est aussi fulgurant, tu imagines le sexe en
vacances ? demandé-je.
Je rejette la tête en arrière et ferme les yeux, alors que mon sexe s’éveille
enfin. Je sens un oreiller me heurter le visage.
— Qui a dit que nous coucherions encore ensemble d’ici là ? demande-t-
elle, avant de tourner la tête vers la télévision.
— Je dis qu’on couchera encore plus ensemble qu’en ce moment.
Elle semble sur le point de protester, mais c’est alors que la sonnette
retentit.
— Oh, la nourriture est arrivée.
— Votre papa se prend pour un petit malin, dit-elle aux chiens. Eh bien, il
n’aura pas de pipe ce soir.
Je rejette la tête en arrière et ris, sachant très bien qu’elle apprécie ça
autant que moi.
VINGT-SEPT

Zara

— Je suis rentré, lance-t-il depuis la porte, et je sors.


Il est parti pour la patinoire ce matin en disant qu’il avait une course à
faire ensuite. Ses parents arrivent demain et je ne vais pas mentir, je suis
complètement angoissée. Sa sœur est passée le lendemain de notre
affrontement et je suis partie avant qu’elle n’arrive. J’ai inventé une excuse
bidon selon laquelle je devais rejoindre un client. Je suis monté dans la
voiture et je suis allée au Starbucks pour travailler depuis là-bas.
— J’espère que tu m’as rapporté à manger, lui dis-je.
Je me fige en voyant qui est derrière lui.
— Zoé ! m’exclamé-je avec enthousiasme en courant vers elle. Tu es là.
— Eh bien, répond-elle, en s’écartant d’entre mes bras. Je ne pouvais pas
te laisser être jetée en pâture aux loups sans moi.
Elle se tourne vers Evan et ajoute :
— Non pas que ta famille soit une meute de loups.
Je secoue la tête. Evan vient se placer à mes côtés et m’embrasse.
— Tu as bien fait, murmuré-je dans son oreille, quand il me prend dans
ses bras.
J’en profite pour le sentir. Oui, je le sens, parce que c’est mon truc. C’est
mon homme, alors je peux faire ce que je veux.
— Alors c’est ici que tu vis, dit Zoé en regardant autour d’elle.
Les chiens se précipitent vers elle, puis Lilo recule un peu et se demande
ce qui se passe. Finalement, elle vient se placer à mes côtés.
— Voici ma fifille, Lilo, la présenté-je.
Je me penche pour l’embrasser et elle me lèche le visage.
— Et voici Stitch.
Il se demande encore vers laquelle de nous aller.
— Je vais emporter tes affaires dans la chambre d’ami, dit Evan à Zoé. Je
vais t’installer à l’étage pour que tu aies un peu d’intimité.
Zoé se contente de hocher la tête et attend qu’il soit monté avec sa valise.
— Tu as trouvé un très bon parti, dit-elle, et je l’étreins.
Elle m’a tellement manquée, mais je ne voulais rien dire devant eux.
Même si nous ne vivons pas ensemble, nous ne passons jamais plus de deux
jours sans nous voir, sauf quand je suis en déplacement.
— Je n’arrive toujours pas à croire que tu es ici, lui dis-je. Allons dehors.
Je me retourne et la guide dans la cour. Elle porte un jean et un pull sous
une veste légère.
— Ce ne sont pas mes vêtements ?
— Hum, si, répond-elle, comme si c’était évident. Je vis chez toi. Tu ne
t’attendais quand même pas à ce que je me retienne de fouiller dans tes
placards ?
Je secoue la tête et me dirige vers le canapé que j’ai fait acheter à Evan.
— Regarde-moi ce terrain, dit Zoé.
Je suis sûre qu’elle évalue mentalement la propriété pour déterminer à
combien elle pourrait se vendre.
— Il vaut au moins trois millions, peut-être même quatre et demi, si on
peut bâtir une oasis en plein air.
— Comment se fait-il que tu sois venue ? lui demandé-je.
Je m’assieds, replie mes jambes sous moi et elle fait la même chose à
côté, avant de se tourner face à moi. Certains disent que nous sommes
identiques quand on ne nous connaît pas, mais les yeux de Zoé sont plus
verts que les miens. Elle a aussi une fossette juste à l’endroit où elle a une
tache de rousseur.
— Eh bien, après que tu m’as appelée depuis le Starbucks, j’ai pensé à
passer te rendre visite, et puis Evan m’a appelée et m’a demandé si je
voulais venir, explique Zoé.
Lilo saute sur le canapé et s’assied à côté de moi, la tête posée sur mes
genoux.
— Je n’ai même pas eu besoin d’y réfléchir.
— Je suis si nerveuse à l’idée de rencontrer ses parents, lui avoué-je, et
elle sourit.
— Maman et papa viennent aussi, dit-elle, et j’écarquille les yeux.
— Quoi ? lâché-je dans un murmure.
— Eh bien, maman s’inquiétait pour toi, commence Zoé. Et tu sais
comment est papa dès qu’il s’agit de maman.
Je hoche la tête. Mon père aime ma mère, cela ne fait pas le moindre
doute. Il la chérit de toute son âme. Si elle est triste, il la rend heureuse ; si
elle est inquiète, il remue ciel et terre pour s’assurer qu’elle ne le soit plus.
— Donc, papa veut l’apaiser en l’amenant ici, pour qu’elle voie par elle-
même que tu vas bien.
— Je dois le dire à Evan, dis-je en faisant mine de me lever.
— Papa l’a déjà appelé pour tout organiser, m’apprend Zoé, et je me
contente de la dévisager. Il voulait juste s’assurer qu’Evan ne soit pas pris
au dépourvu par leur arrivée. Alors Evan a loué un gîte pour eux et ses
parents, pour qu’ils puissent se rencontrer et apprendre à se connaître.
— Mais je commence à peine à sortir avec lui, lui rappelé-je. C’est
complètement dingue. Ce n’est pas un peu tôt pour que nos parents se
rencontrent ?
— Oh, petite idiote, rit Zoé en secouant la tête. C’est le bon.
Je la dévisage sans rien dire.
— C’est le bon et ton cœur le sait, ajoute-t-elle. Ta tête, pas encore tout à
fait.
— C’est trop tôt.
Je ne sais pas si je lui parle à elle ou à moi-même.
— Je ne le connais que depuis un mois.
— Quelle importance depuis combien de temps tu le connais ? Quand on
sait, on sait, répond Zoé. Aucune notice, aucun manuel ne dit quand tu peux
ou ne peux pas tomber amoureuse.
— Tout ça me semble juste un peu précipité, lui dis-je.
Elle hausse les épaules.
— Quand ça arrive, ça arrive. Personne ne peut contrôler ça.
Je sais qu’elle a raison.
— Tu dois juste l’admettre et faire avec.
Je lève les yeux au ciel.
— Ne prends pas cette voix pleine de sagesse.
Elle rit, et c’est alors que je vois la porte d’entrée s’ouvrir et Evan se
diriger vers nous.
— Ça ne vous dérange pas que je me joigne à vous ? demande-t-il. Vous
voulez un peu de temps entre sœurs ?
— Mes parents vont venir ? demandé-je.
Je l’ai beaucoup étudié, ces deux derniers jours. J’ai mémorisé son
expression quand il sourit, quand il ricane, quand je le fais jouir, et je
remarque la façon dont ses yeux brillent quand je lui pose cette question.
— Où est-ce qu’ils vont s’installer ?
— Je leur ai dit qu’ils pouvaient venir ici, explique-t-il, en s’asseyant à
côté de moi et en déposant un baiser dans mon cou. Mais ta mère ne voulait
pas me gêner, alors je leur ai loué une maison à deux pâtés de maisons d’ici.
— Et nous avons un déjeuner de famille dimanche, lui rappelé-je aussi.
— C’est le moment idéal, répond-il, en m’attirant contre lui. Je comptais
commander la nourriture, mais ma mère a pété un câble.
— Je ne sais pas faire la cuisine, dis-je.
Mon cœur se met à battre plus fort, et je me lève.
— Enfin si, je sais cuisiner, mais je ne peux pas faire la cuisine pour ta
mère, lâché-je en commençant à me tordre les mains.
— Et c’est parti, lance Zoé.
Evan tourne les yeux vers elle, l’air inquiet.
— C’est sa voix de fille qui panique, précise-t-elle.
— Pourquoi ? demande-t-il.
Oui, c’est une question stupide.
— Pourquoi ? m’écrié-je d’une voix aiguë.
— Tu n’aurais pas dû dire quoi que ce soit, lui dit Zoé.
— Pourquoi ? Parce que, pour gagner le cœur d’un homme, il faut passer
par son estomac.
— Ce n’est pas vrai, réplique Zoé en secouant la tête. Généralement, ça
passe par ton vagin.
Je plaque les mains sur ma tête et regarde Evan, qui est sur le point de se
mettre à rire, mais se reprend en voyant l’expression de mon visage.
— C’est pour ça qu’on ne peut pas organiser ce déjeuner.
— Ma belle, dit-il doucement. Ma mère se fiche que tu saches faire la
cuisine pour moi.
— Conneries, répliqué-je en levant les mains au ciel. Elle voudra
quelqu’un qui peut prendre soin de toi.
— Je suis certaine qu’il peut prendre soin de lui-même, remarque Zoé,
ajoutant son grain de sel, même si je n’ai pas du tout envie d’entendre son
avis à cet instant.
— Je prends soin de moi-même, acquiesce Evan en regardant Zoé.
Cette dernière lève les mains comme pour dire « tu vois ? »
— Ce n’est pas ce que je veux dire, réponds-je, en me mettant à faire les
cent pas. Ce que je veux dire, c’est que je dois pouvoir prendre soin de toi si
tu es malade.
— Beurk, lâche Zoé. S’il est malade, quitte cette maison.
— La ferme, Zoé ! lui lancé-je. Toutes les mères veulent être sûres qu’on
prendra soin de leur fils. Elle voudra savoir que je peux faire la cuisine pour
toi quand tu es malade.
— Qu’est-ce qui te prend ? s’étonne Zoé. On est en 2019. Je suis sûre
qu’il peut se commander sa propre foutue soupe.
Je regarde Evan se lever et s’approcher de moi pour prendre ma main
dans la sienne.
— Ma belle, murmure-t-il d’une voix apaisante. Ma mère n’en a rien à
faire que tu saches cuisiner. La seule chose dont elle se soucie, c’est de
savoir que tu m’aimes, que tu resteras à mes côtés quoi qu’il arrive, et que
je te traite comme tu le mérites.
— Je t’aime, oui, acquiescé-je, et Zoé applaudit.
— Oooh, c’est trop mignon.
Je me retourne et la fusille du regard.
— Mes sœurs ne savent pas faire la cuisine, me dit-il. Et puis ce n’est pas
toi qui vas te retrouver sur la sellette.
J’incline la tête d’un air interrogateur et il continue :
— Ton père sera assis là pour s’assurer que je te traite bien. Aucun père
n’a envie d’être assis à une table avec un homme qui couche avec sa fille.
Je ris.
— Max le fait.
— Je sais, mais c’est Mad Max, répond-il, et je m’avance vers lui. Je veux
juste qu’il sache que tu es à l’aise, ici.
— Je suis plus qu’à l’aise. Et puis, je rentrerai à la maison de temps en
temps.
— Attendez une seconde, nous interrompt à nouveau Zoé. Est-ce que tu
emménages ici ?
— Pas vraiment, réponds-je, et je vois l’expression du visage d’Evan.
Quand il sera ici, j’y serai aussi, mais, quand il sera en déplacement, je
rentrerai à la maison.
— Et pour l’été ? demande Zoé. Toute ta vie est à New York.
Je secoue la tête et réfléchis à ce qu’elle vient de dire. Quand on aime
quelqu’un, on aime quelqu’un, il n’y a pas de calendrier ou de manuel ; il
n’y a que ce que l’on ressent.
— Pas toute ma vie.
— Seigneur, je me demande si je pourrais emménager chez toi.
Elle lève les yeux et se tapote les lèvres.
— Ce serait tellement bien d’avoir des voisins.
— Tu sais que si tu emménages chez moi, je récupérerai mes vêtements,
lui apprends-je.
— Pourquoi tu ferais ça ?
Je secoue la tête.
— Ce serait méchant, ajoute-t-elle.
— Tu as envie de manger ? me demande Evan.
Je hoche la tête, avant de tourner les yeux vers Zoé.
— J’ai envie de manger les hamburgers les plus gras du monde.
— Il en existe une autre sorte ? demande-t-elle en se levant.
Nous rentrons pour verrouiller la porte, puis je l’emmène visiter ma
nouvelle ville.

***
— À quelle heure est-ce que tes parents arrivent ? demandé-je à Evan,
lorsqu’il sort de la salle de bains.
Je suis assise au milieu du lit, dans mon caraco blanc et ma culotte
assortie. Mes cheveux sont humides après la douche que nous venons de
prendre ensemble. La serviette autour de sa taille laisse entrevoir son sexe à
demi en érection, qui était dans ma bouche il y a encore un instant.
— Pourquoi tu es habillée ? me demande-t-il, confus.
— Je ne suis pas habillée. Je suis en pyjama, réponds-je en baissant les
yeux.
— Tu connais les règles, me dit-il en montant sur le lit, nu. Pas de
vêtements quand nous dormons.
— Je ne dors pas nue dans la maison quand tes parents sont là, répliqué-
je. Et il n’y aura pas de sexe non plus.
Il hausse les sourcils.
— Pourquoi ?
— Parce qu’ils croient déjà qu’on couche ensemble, réponds-je en me
glissant sous les draps.
Il relève mon corsage et rétorque :
— Je suis sûr qu’ils savent que nous couchons ensemble, ils ne font pas
que le croire.
Il prend l’un de mes tétons dans sa bouche et mes pensées commencent à
s’embrouiller.
— C’est justement ce que je veux dire. Je ne veux pas qu’ils me regardent
et se demandent si je viens de sauter leur fils avant de m’asseoir à la table.
— C’est vrai que tu es rayonnante après que je t’ai sautée, remarque-t-il,
en prenant mon autre téton dans sa bouche. Je ne peux pas passer trois jours
sans t’avoir.
— Si, tu peux, répliqué-je.
Il me pousse sur le lit et j’ouvre les jambes sur lui.
— Enfin, il reste toujours la nuit.
— Ouais, répond-il avec un sourire narquois, en se baissant sur mon
corps.
— Je veux dire, si on fait l’amour avant d’aller se coucher, personne ne
verra mon visage.
Je réfléchis un peu, mais pas trop, parce que sa bouche se pose sur mon
sexe, que sa langue repousse ma culotte de côté pour pouvoir lécher mon
clitoris. Je gémis doucement.
— On devra être très, très silencieux, dis-je dans un murmure.
— Tu peux être silencieuse ? me demande-t-il.
Je baisse les yeux et le regarde me dévorer, regarde sa langue disparaître
en moi.
— On pourrait faire un essai maintenant, et on verra, proposé-je.
J’ouvre les jambes plus largement, porte la main à sa tête et essaie de
frotter mon sexe contre son visage. Nous couchons ensemble plusieurs fois
par jour, et parfois, je me réveille pour le trouver en train de se glisser en
moi au beau milieu de la nuit. Ou bien c’est lui qui se réveille pour me voir
soit lui tailler une pipe, soit le chevaucher. Quoi qu’il en soit, tout le monde
y est gagnant. Nous passons le restant de la nuit à découvrir à quel point
nous pouvons être silencieux.
VINGT-HUIT

Evan

— Qu’est-ce que tu dis de ça ? me demande de nouveau Zara en sortant


de la penderie.
Cette fois, elle porte un jean noir et un T-shirt blanc avec une écharpe de
la même couleur que mon maillot.
— C’est beaucoup mieux, lui réponds-je.
La tenue qu’elle a enfilée avant celle-là était composée d’un pantalon
blanc et d’un T-shirt noir semi-transparent. Il était hors de question qu’elle
porte ça.
— Je préfère toujours l’autre, remarque-t-elle en retournant dans la
penderie.
— Tu ne quitteras pas la maison dans cette tenue, lui lancé-je.
J’entends le rire de Zoé résonner quelque part dans la maison à ces mots.
Sa présence ici m’a ouvert les yeux ; je savais qu’elles étaient proches et
qu’il y avait un lien fort entre elles, mais je n’avais aucune idée jusqu’à quel
point. Elles terminent les phrases l’une de l’autre et elles savent ce que
l’autre pense, rien qu’en un regard.
— Qu’est-ce qui n’allait pas avec cette tenue ? demande-t-elle, en croisant
les bras sur sa poitrine. Elle était sympa.
— Je voyais ton soutien-gorge, lui réponds-je, avant d’attraper ma
ceinture pour l’enfiler.
— Oh, je crois que j’en ai une autre.
Elle pivote et retourne dans le placard. Je sais qu’elle est super nerveuse à
l’idée de rencontrer mes parents, et je suis tout aussi nerveux à l’idée de
rencontrer de nouveau les siens. Je suis aussi anxieux à propos de Candace.
Quand elle est passée l’autre jour, elle a affiché un sourire narquois en
découvrant que Zara n’était pas là. Je ne sais pas ce qu’elle a cru, mais elle
a ensuite vu sa veste sur la chaise de la cuisine. Ma mère m’a dit qu’elle
serait au déjeuner de dimanche et qu’elle se tiendrait à carreau. D’habitude,
je me fiche de ce qu’elle fait, mais, si elle déconne avec Zara, ça tournera
en confrontation et personne n’a envie de voir ça.
— Que dis-tu de ça ?
Je lève les yeux et vois qu’elle porte désormais un jean noir et un haut
noir et rose pêche, ample et croisé sur le devant.
— C’est pas mal non plus, lui réponds-je.
Elle secoue la tête et sort de la chambre en appelant sa sœur. Je regarde
Lilo, couchée sur le lit.
— Qui d’autre a hâte qu’on soit lundi ?
Je prends ma veste de costume et l’enfile.
— Zoé a dit que je ressemblais à une institutrice avec ça, lâche-t-elle en
revenant dans la chambre, et je m’avance vers elle.
— Ma belle, détends-toi. Tout va bien se passer, dis-je dans un effort pour
la calmer. Je dois aller à la patinoire.
Elle hoche la tête.
— Et s’ils me détestaient ? demande-t-elle doucement, et je sais
exactement ce qu’elle ressent. Je veux dire, ta sœur ne m’avait jamais
rencontrée et elle me déteste. Et si elle l’avait dit à ta mère ?
— Ma belle, répété-je en replaçant ses cheveux derrière son oreille. Ma
mère ne va pas te détester, et je parierais tout mon argent qu’une fois que
Candace aura appris à te connaître, tout s’arrangera.
— C’est juste que… commence-t-elle, et sa voix se brise. Je ne veux pas
que tu te retrouves tiraillé entre nous deux.
— Ce n’est pas le cas, lui assuré-je.
Je sais que je n’en ai rien à faire, qu’ils l’apprécient ou pas. Je n’aimerais
rien plus que de savoir que ma mère l’adore, mais, dans le pire des cas, je
ne la laisserai jamais partir.
— Maintenant, va enfiler ce que tu as envie de porter.
Elle sourit et j’ajoute :
— Sauf la première tenue. Ensuite, on pourra y aller.
— Je t’aime, dit-elle, et je l’embrasse sur les lèvres. Je dois aller me
changer.
Elle passe les cinq minutes suivantes à enfiler une autre tenue et, au
moment de partir, elle porte un jean bleu, un T-shirt blanc et une veste en
cuir. Ses bottines noires à hauts talons rendent ses jambes encore plus
longues.
— OK, je suis prête, dit-elle.
Elle enroule une écharpe autour de son cou et, en sortant de la chambre,
nous trouvons Zoé assise sur le canapé.
— Enfin. Je commençais à transpirer, dit-elle en se levant, et j’émets un
grognement intérieur.
Elle porte un jean bleu serré, plus léger que celui de Zara, mais son T-shirt
est blanc et retombe sur une épaule.
— Il est à moi, ce T-shirt, remarque Zara.
— Plus maintenant, réponds-je, en me dirigeant vers la porte d’entrée.
— Il ne va plus me rester aucun vêtement, soupire Zara d’un ton
mécontent.
— Et je vais me retrouver avec une toute nouvelle garde-robe. Je l’aime
bien, dit Zoé.
Je m’avance vers le pick-up et ouvre d’abord la portière de Zara, puis
celle de Zoé.
— Il fait ça tout le temps ?
— Oui, répond-elle, puis elle m’embrasse avant de monter dans la voiture.
— Si tu te lasses d’elle un jour, dit Zoé, en montant dans la voiture, on
peut toujours sortir ensemble.
Elle me fait un clin d’œil et je referme sa portière.
Ces deux filles sont complètement folles. Je grimpe dans la voiture et les
entends rire.
— Je ne ferais que sortir avec lui, affirme Zoé à Zara, qui lui adresse un
regard noir. Je ne coucherais pas avec lui.
— Zoé, siffle-t-elle.
— Quoi ? Même s’il peut faire ça cinq fois par nuit, je ne franchirais pas
cette limite, assure-t-elle.
Je tourne les yeux vers Zara, stupéfait.
— Tu lui as parlé de ça ?
— Mec, lance Zoé depuis le siège arrière. Je pourrais mettre ta photo sur
un panneau publicitaire de Times Square.
— Elle en serait sûrement capable, ajoute Zara.
Je garde le silence en roulant vers la patinoire. Une fois que je me suis
garé, je sors et contourne le pick-up. Zoé descend et se retrouve entre moi et
Zara.
— Tu es tellement chevaleresque, remarque-t-elle avant de s’écarter du
passage.
Je la fusille du regard, puis je vais ouvrir la portière pour Zara.
— Evan, j’aurais pu ouvrir ma portière toute seule, grommelle Zara.
Je lui prends la main et me dirige vers la porte, quand mon téléphone émet
un bip. Je baisse les yeux et vois que j’ai un message de ma mère.
Maman : On t’attend à l’intérieur.
— Mes parents sont arrivés, leur dis-je.
Zara presse une main sur son ventre.
— Je crois que je vais vomir, dit-elle, ce qui pousse sa sœur se rapproche
d’elle.
J’ouvre la porte qui mène aux vestiaires et nous descendons le couloir au
sol de moquette rouge.
— Bordel de merde, elles sont deux, entends-je dire quelqu’un..
Quand je me retourne, je ne vois personne.
Je sors sur le stade, où je sais que mes parents m’attendent toujours. Je
souris en voyant ma mère, qui porte un jean et l’un de mes maillots.
— Le voilà, lance mon père.
Ma mère tourne les yeux vers moi et me sourit. Ses yeux s’arrondissent
quand elle voit Zara.
— Oh, mon Dieu, murmure-t-elle.
— Maman, dis-je.
Je l’étreins et lâche la main de Zara. Elle la serre si fort, que j’ai peur
qu’elle finisse par devenir bleue. Mon père se tient derrière ma mère, une
main posée sur son épaule.
— Papa, dis-je.
Il me salue d’un signe de tête, un sourire rayonnant sur le visage.
— Voici Zara, continué-je, avant de lui prendre la main pour l’embrasser.
Et voici sa sœur jumelle, Zoé.
Je prends une profonde inspiration et ajoute :
— Voici ma mère, Jackie, et mon père, Patrick.
— Monsieur et madame Richards, dit Zara en tendant la main pour serrer
celle de ma mère. C’est un vrai plaisir de vous rencontrer enfin.
Ma mère tend la main et l’étreint.
— Elle est si belle, dit-elle, et je peux voir des larmes dans ses yeux
quand elle regarde Zara. Vous êtes si belle.
— Jackie, dit mon père, ne la fait pas fuir.
Zara rit et Zoé prend la parole :
— Elle ne prend pas la fuite aussi facilement. J’essaie de me débarrasser
d’elle depuis qu’on est in utero.
Je secoue la tête et suis sur le point de dire quelque chose, quand j’entends
parler de l’autre côté du couloir. Je lève le cou et je n’entends que Zara.
— Oh, mon Dieu, murmure-t-elle, en tournant les yeux vers le couloir.
Il s’agit de Cooper et Parker, Matthew et Karrie, et Max et Allison. Zara
se tourne vers Zoé.
— Tu étais au courant ?
Zoé me fait signe que non. Ils se dirigent vers nous, presque comme une
volée d’oiseaux en formation, avec Cooper et Parker devant et Max et
Matthew de chaque côté avec leurs femmes.
— Eh bien, eh bien, eh bien, lance Matthew.
Karrie lui donne un coup de coude et il tourne les yeux vers elle.
— Sois sage, dit Karrie, avant de sourire.
— Mon cœur, dit Cooper, en s’avançant pour étreindre sa fille.
Je ne lâche pas la main de Zara. Elle la serre même plus fort.
— Qu’est-ce que vous faites tous ici ? demande Zara, quand sa mère vient
la prendre dans ses bras.
Je tourne les yeux vers mon père, qui regarde la scène, le dos droit.
— On avait quatre jours de relâche et je me suis dit, pourquoi ne pas venir
à Dallas, explique Matthew.
Je l’observe alors qu’il tourne les yeux vers mon père, puis ma mère.
— Excusez-nous, dit Parker en souriant et en se dirigeant vers ma mère.
Vous devez être la mère d’Evan.
Je ne sais pas à quoi s’attendait ma mère, mais je suis certain que ce
n’était pas à ce que Parker la prenne dans ses bras.
— Vous avez élevé un vrai gentleman, lui dit-elle, et le visage de ma mère
se met à rayonner de fierté. Et je vois qu’il est aussi séduisant que son père.
— Excusez ma femme, dit Cooper, en l’écartant avant qu’elle ait pu
étreindre mon père, ce qui me donne envie de rire.
Je crois que mon père aurait fait la même chose, et je suis certain que moi
aussi.
— Monsieur Richards, dit-il en tendant la main, et mon père sourit avant
de la serrer. Je suis le père de Zara.
— Monsieur Stone, répond mon père, en maintenant sa main dans la
sienne. C’est un plaisir de vous rencontrer.
Si vous avez déjà patiné ou si vous avez regardé ne serait-ce qu’un match
de hockey dans votre vie, et même si ce n’est pas le cas, vous savez qui est
Cooper Stone.
— Je dois aller me préparer, murmuré-je à Zara, qui se contente de hocher
la tête.
Je me penche et l’embrasse sur les lèvres, sans me soucier que sa famille
soit là. Elle est à moi, maintenant, alors ils feraient mieux de s’y habituer.
Parce que je n’irai nulle part.
— Patine fort, me dit-elle, et les garçons pouffent de rire.
Elle les fusille du regard.
— J’ai entendu papa te dire ça plein de fois, se défend-elle.
— Ouais, quand j’avais dix ans, répond Matthew, et je me contente de
secouer la tête.
— On se voit à la fin du match, dis-je.
Je reporte ensuite mon attention sur Matthew et Max.
— M&M, vous voulez visiter un vestiaire de gagnant ? plaisanté-je, et ils
m’adressent un regard noir. Ce n’est pas moi qui le dis.
Je regarde Cooper, qui sourit, et ajoute :
— Ce sont les statistiques.
— Je peux venir aussi ? demande ce dernier, et je hoche la tête.
— Eh bien, dans ce cas, je ne reste pas avec les femmes, lance mon père,
et nous nous dirigeons tous vers les vestiaires.
Mon père et Cooper marchent derrière nous, tandis que Matthew et Max
se placent de chaque côté de moi.
— Alors, les gars, vous n’aviez rien de mieux à faire que de parcourir tout
ce chemin jusqu’à Dallas, juste pour regarder un match de hockey ? leur
demandé-je.
Nous entrons dans le couloir et je me tourne vers eux. Je regarde par-
dessus mon épaule et vois que Cooper a déjà été reconnu et est en train de
serrer des mains.
— Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? déclare Matthew. Je vis pour ça.
— Je suis juste venu parce que ça me permettait de passer le week-end
seul avec ma femme, répond Max en haussant les épaules.
— C’est dégoûtant. Elle est toujours ma sœur, lui lance Matthew dans un
sifflement.
— Ton autre sœur vit avec lui, rappelle Max, en me pointant du doigt.
— Ça vous arrive de ne pas vous disputer, tous les deux ? leur demandé-
je.
— Non, répondent Matthew et Max en même temps.
— Alors, pourquoi cette envie soudaine de venir à Dallas ? répété-je.
Arrêtez votre baratin, vous voulez bien ?
— Zara a appelé ma mère et elle était presque en larmes à l’idée de
rencontrer ta mère en présence de ta sœur.
— Elle était en larmes ? murmuré-je. Elle ne me l’a pas dit.
— C’est comme ça que les femmes gèrent les choses, m’explique Max.
Tu es toujours le dernier à savoir.
— On est venus pour lui montrer qu’on assure ses arrières, explique
Matthew, et je le fusille du regard.
— C’est moi qui assure ses arrières, répliqué-je, et il lève les mains dans
un geste défensif.
— Détends-toi, lance-t-il. Je connais cette sensation de vouloir tuer tous
ceux qui croient connaître ta femme mieux que toi.
— Oh, je m’en souviens, répond Max, appuyé contre le mur. C’est ce qui
est arrivé à mon mariage.
— Tu t’es enfui avec ma sœur, lui rétorque sèchement Matthew. Pas cool.
— Je ne m’excuserai jamais pour ça, répond Max en souriant. C’était le
meilleur jour de ma vie.
— Je l’aime, leur dis-je à tous les deux, et ils tournent les yeux vers moi.
Je lui ai dit que je l’aimais, mais je ne lui ai pas encore dit qu’elle était la
bonne, parce que je ne veux pas la faire fuir. Mais je n’irai nulle part.
Je regarde autour de moi, avant de reporter mon attention sur eux.
— Elle est à moi. Il n’y a aucune autre façon de l’exprimer.
— Qu’est-ce que tu vas faire s’agissant de ton contrat, l’année prochaine ?
me demande Matthew, et je ne lui réponds pas. Tu sais qu’elle est très
proche de sa famille. Sa jumelle vit à New York, et ces deux-là ne pourront
pas être séparées longtemps.
— Je ne prendrai aucune décision sans elle, leur assuré-je en toute
honnêteté. Je ne signerai aucun contrat sans qu’elle l’ait approuvé.
Matthew tourne la tête vers Max et ils échangent un regard.
— À quel point c’est sérieux, cette histoire avec ta sœur ? me demande
Max. Je dis ça comme ça, mais si tu pousses l’une de ces filles dos au mur,
c’est presque comme si tu t’en prenais à elles toutes.
— Ma sœur s’inquiète pour moi, expliqué-je. Exactement comme vous
avec Zara.
Ils hochent la tête.
— Je dois aller me préparer, ajouté-je, avant de me détourner.
— Patine fort, lance Matthew en riant, et je lui fais un doigt d’honneur
par-dessus mon épaule.
Quand j’arrive enfin dans le vestiaire, tout le monde est en pleine
discussion.
— Ça va aller ? me demande Corey.
— Je me sens mieux que jamais, acquiescé-je.
J’ôte ma veste et répète :
— Mieux que jamais.
VINGT-NEUF

Zara

C’est exactement comme quand je suis à la maison. Je suis assise dans les
gradins avec mes copines, mon père, qui observe la moindre petite action,
mais cette fois, Matthew et Max sont là aussi. Patrick et Cooper sont assis
côte à côte et discutent de je ne sais quoi, se cachant tous deux la bouche
derrière la main. Juste au cas où les caméras repéreraient mon père et
essaieraient de lire sur ses lèvres. C’est comme s’il possédait toutes sortes
de secrets. Ils l’ont vraiment montré sur le grand écran quand le match a
commencé, et tout le monde s’est retourné pour applaudir et se lever. Il a
été reconnu à la minute où on s’est dirigés vers la loge, tout comme
Matthew et Max. Mais rien n’est comparable à mon père.
— Que penses-tu qu’on devrait préparer, demain ? me demande Jackie, la
mère d’Evan, et je tourne la tête vers elle.
Je suis assise sur une chaise, Jackie d’un côté de moi et ma mère de
l’autre, sirotant le même verre de vin depuis qu’on est arrivés. Mes nerfs
sont à vif et, chaque fois que la porte s’ouvre, je m’attends à ce qu’il
s’agisse de sa sœur.
Zoé est assise derrière moi avec Karrie et Allison et elles sont en train de
se marrer.
J’imagine que si j’étais libérée de mes enfants pour le week-end, j’en
profiterais aussi. Karrie m’a dit qu’ils étaient avec Doug, et la sœur de Max,
Denise, s’occupe des siens.
— Je ne sais pas cuisiner, avoué-je d’une voix faible.
Zoé sent aussitôt ma nervosité et ma mère pose une main sur la mienne.
— Je ne sais pas faire la cuisine, répété-je en regardant Jackie. J’ai essayé
d’apprendre, vraiment, mais…
Je dois cligner des yeux pour repousser mes larmes.
— Et je sais que je ne suis pas la personne idéale que vous voudriez pour
votre fils.
— Oh, mon Dieu, c’est parti, lance Zoé derrière moi.
Allison et Karrie se penchent toutes deux vers moi et m’étreignent
l’épaule.
— Je peux apprendre, assuré-je, les yeux fixés sur mes mains.
Puis je relève les yeux vers Jackie et reprends :
— J’apprendrai pour lui et je prendrai soin de lui s’il tombe malade.
— C’est presque comme si elle avait une diarrhée par la bouche,
remarque Zoé, et je me retourne pour la fusiller du regard.
— Tu dois arrêter ça, me dit-elle, ou tu vas te rendre malade.
— Je l’aime, dis-je en tournant de nouveau les yeux vers Jackie. Genre, je
l’aime vraiment.
— Oh, ma chérie, dit ma mère en plaçant un bras autour de moi.
Je ne me suis jamais sentie aussi effrayée de toute ma vie, alors que
j’attends que Jackie dise quelque chose.
— Seras-tu là pour lui tenir la main dans les moments difficiles ? me
demande-t-elle, et je hoche la tête. Seras-tu prête à aller là où sa vie le
mènera ?
— Sans même un regard en arrière, réponds-je.
— Prendre soin de quelqu’un signifie plus que simplement lui faire la
cuisine, dit Jackie en prenant ma main dans la sienne. Je ne savais pas
vraiment cuisiner non plus quand on s’est mariés et, eh bien, il y a eu une
période d’apprentissage. Je me souviens qu’une fois, je me suis dit que ce
serait une bonne idée de faire un pain de viande et je l’ai fait griller plutôt
que de le cuire au four.
Elle secoue la tête en riant.
— C’était le bon vieux temps. L’important, c’est d’être là quand tout va
bien, mais aussi quand tout va mal et que tu dois mobiliser toute ta volonté
pour ne pas essayer de réparer la situation toi-même.
Elle se penche en avant et ajoute :
— Parce que les hommes ne comprennent pas toujours.
— C’est vrai, intervient Karrie derrière moi.
— Avant de le rencontrer, je sortais avec quelqu’un, commencé-je à
expliquer.
Je sais que je ne devrais pas en parler, mais elle doit le savoir.
— Je croyais l’aimer. Vraiment.
Je regarde ma mère, qui me sourit et m’encourage d’un signe de tête.
— Mais ensuite, il a rompu avec moi, et j’ai cru que c’était la fin du
monde. Je croyais que je n’arriverais jamais à aller de l’avant.
Je cligne des yeux pour balayer mes larmes et continue :
— Je sais, maintenant, que je ne l’aimais pas.
Une larme s’échappe de ma paupière et Zoé me passe un mouchoir en
papier, que ma mère me tient.
— La raison pour laquelle je le sais, c’est parce que je suis allée de
l’avant. Bien sûr, ça m’a fait mal, mais j’ai réussi à continuer de respirer.
J’ai réussi à continuer de vivre ma vie.
La foule émet un hoquet et je lève la tête pour voir que quelqu’un est à
terre sur la glace. Je ne sais pas qui c’est, je vois seulement qu’il porte du
vert. Je bondis de ma chaise et mon père tourne les yeux vers moi.
— Ce n’est pas lui, chérie, me dit-il avec un sourire.
Je me rassieds, rassemble mon courage et termine :
— Je le sais, parce qu’à chaque jour passé sans lui, j’ai senti une pression
grandir dans ma poitrine. Un poids que je n’arrivais pas à comprendre, et
puis, finalement, j’étais de nouveau dans ses bras et le poids avait disparu.
Je pouvais de nouveau respirer.
Je regarde ma mère et dis :
— Je comprends. Je comprends ce dont toi et papa parliez. La façon dont
papa boudait quand tu partais en week-end au spa entre filles.
— Je ne crois pas qu’il boudait, dit ma mère.
— Il lançait un chronomètre sur son téléphone en entrant l’heure à
laquelle tu devais rentrer, intervient Zoé derrière moi.
— Tu te souviens de la fois où il a fait un graphique des heures sur le
frigo, et qu’à chaque heure qui passait, il barrait un chiffre ? se remémore
Allison en riant.
— Je suis là, dit quelqu’un derrière moi.
Je tourne la tête et vois qu’il s’agit de Candace, accompagnée d’une autre
fille. Elle nous repère et ouvre grand la bouche en apercevant Zoé, Allison
et Karrie.
Matthew et Max se retournent, puis échangent un regard, avant de
remarquer la fille derrière Candace.
— Qu’est-ce que c’est que ça ? entends-je dire Patrick, puis Jackie se
lève.
— Candace, lance cette dernière entre ses dents serrées. À quoi est-ce que
tu pensais, bon sang ?
— Je ne pensais pas… commence-t-elle, et je me lève.
— Tu ne pensais pas que j’aurais qui que ce soit pour m’épauler, dis-je
d’une voix douce. Tu croyais que je serais une cible facile.
Jackie me regarde, avant de tourner les yeux vers Patrick.
— Bonjour, ravie de vous rencontrer. Je suis Zara.
La blonde derrière elle tend la main et je l’examine de haut en bas. Nous
sommes le jour et la nuit, toutes les deux.
— Sophia, se présente-t-elle, et mon estomac se noue.
Elle tourne les yeux vers Candace, puis vers Jackie.
— Je crois que je vais y aller…
— Ce serait une bonne idée, répond Jackie.
Puis elle baisse les yeux sur moi et ajoute :
— Je suis désolée.
Je hausse les épaules.
— Vous n’avez aucune raison de l’être. C’est moi qui vais rentrer à la
maison avec lui, ce soir.
Je croise les bras sur ma poitrine et sens ma famille dans mon dos.
— En fait, j’aurais dû la remercier.
Puis je regarde tout le monde tour à tour et lance :
— Tout le monde, voici Candace. Et voici ma famille.
Je souris et elle se contente de leur adresser un signe de tête.
— Si vous voulez bien nous excuser, dit Jackie, j’ai besoin d’un moment
seule à seule avec ma fille.
Elle se retourne et lui prend le bras, puis elles sortent de la loge. Je suis
sur le point de dire quelque chose à Patrick, mais je n’en ai pas l’occasion,
parce que tout le stade devient dingue et que tout le monde bondit sur ses
pieds. Je regarde vers la glace et vois qu’Evan patine en cercles en levant sa
crosse en l’air.
— Wouhou ! lance Patrick en applaudissant.
Ils regardent tous le ralenti, et même Matthew et Max sont d’accord pour
dire que c’était une belle action.
— J’ai besoin d’un verre, dis-je aux filles autour de moi.
— Je crois que quelqu’un a besoin d’un bon coup de pied dans le vagin,
lance Zoé.
Je secoue la tête.
— C’est comme ça. Rien ne pourra arranger cette situation, leur dis-je.
Puis je me dirige vers le bar et me verse un shot de tequila.
Je le prends entre mes mains tremblantes et le vide, avant de le reposer sur
le comptoir. Je ferme les yeux et laisse le liquide me brûler.
— Ce qu’on ne ferait pas par amour, dit Jackie derrière moi, et je tourne la
tête vers elle.
Elle est en train d’essuyer une larme sous son œil.
— Je suis vraiment désolée qu’elle ait fait ça.
— Ce n’est pas votre faute, la rassuré-je.
— C’est vraiment quelqu’un de sympa, essaie-t-elle de me dire en se
tordant les mains.
— Je n’en doute pas, réponds-je.
Je n’ai pas l’intention de la placer au milieu de tout ça.
— Il ne lui pardonnera jamais ça, me dit Jackie. Elle marchait déjà sur la
corde raide.
— Dans ce cas, nous ne lui dirons pas, réponds-je en souriant. Il n’a pas
besoin de savoir que c’est arrivé.
— Tu l’aimes, dit Jackie. Ce que tu viens de faire. Prendre ta douleur et ta
contrariété et la repousser de côté pour qu’il n’ait pas à savoir.
Elle s’approche de moi et me serre dans ses bras.
— Cela prouve que tu es inestimable.
— Je l’espère vraiment, lui murmuré-je.
Puis je me tourne vers ma mère, qui me regarde, avec mon père juste
derrière elle.
— Quel est le plat préféré d’Evan ? lui demandé-je.
— Je crois que ce doit être le bœuf Stroganoff, répond-elle.
Je tourne les yeux vers ma mère.
— Vous voulez bien me montrer comment en faire un, pour que je puisse
en préparer pour lui ? demandé-je à Jackie, qui sourit. Je veux dire, je ne le
cuisinerai pas, mais je vous observerai et je prendrai des notes.
— Oh, Dieu merci, lance Zoé.
— Et si nous nous retrouvions tous chez Evan à midi, pour pouvoir tous
apporter notre aide ? propose ma mère.
Jackie hoche la tête.
— Ça m’a l’air d’être un excellent plan.
Le reste du match se passe sans incident notable. L’équipe finit par gagner
quatre à un, et nous restons tous dans la loge à bavarder. Puis la porte
s’ouvre, je lève les yeux et vois Evan entrer. Il a l’air tellement contrarié
que personne ne dit rien et que toutes les discussions s’arrêtent. Il parcourt
la pièce des yeux et les pose finalement sur moi.
— Tu vas bien ? demande-t-il, en venant se placer devant moi.
Je suis encore assise sur le siège.
— Quoi ? demandé-je, stupéfaite. Bien sûr que je vais bien.
Je lui souris, mais son expression reste sévère.
— Que se passe-t-il ?
— Candace m’a envoyé un message, explique-t-il, les dents serrées, avant
de se tourner vers ses parents. Elle n’aurait jamais dû faire ça.
— Eh, l’appelé-je, et il tourne la tête vers moi. Ce n’est pas si grave.
Je me lève et me place face à lui, avant d’ajouter :
— Et si nous emmenions notre buteur manger, maintenant ?
— Je meurs de faim, lance Matthew, avant de tourner les yeux vers Evan.
C’était un bon match.
— Merci, grommelle-t-il.
Tout le monde rassemble ses affaires, lorsqu’il ajoute :
— Partez devant. On vous rejoint.
Tout le monde sort et nous restons seuls. Il prend mon visage en coupe et
m’embrasse.
— Tu vas bien ?
— Oui, réponds-je, en m’efforçant de ne pas m’apitoyer sur moi-même.
D’accord, sa sœur me déteste, et alors ?
— Elle comptait te prendre par surprise, dit-il, et je baisse les yeux, ne me
faisant pas confiance pour rester impassible.
Je ne crois pas pouvoir masquer la blessure que je ressens.
— Elle a dit qu’elle n’avait pas réfléchi, ajoute-t-il.
— S’il te plaît, n’en fait pas toute une histoire, murmuré-je.
— C’est toute une histoire, réplique-t-il en haussant la voix. C’est une
histoire très grave. Tu étais nerveuse à l’idée de rencontrer ma mère et mon
père, et voilà qu’elle amène mon ex-petite amie.
Il baisse les yeux et ajoute :
— Je suis sorti avec elle un mois.
Je secoue la tête.
— Honnêtement, je m’en fiche. Sincèrement.
Je lui adresse alors un regard étonné et ajoute :
— Waouh, ce doit être ce qu’on ressent quand on est mature, et tout ça.
Je me mets à rire.
— Je veux dire, l’ancienne Zara aurait versé du sucre dans son réservoir
d’essence, dis-je en me tenant le ventre. Mais maintenant, je veux juste ne
pas perdre de temps avec ça.
— Je t’aime, me dit-il.
— Je sais, lui réponds-je. Tout le monde va venir demain et ta mère va
m’apprendre à cuisiner du bœuf Stroganoff.
Il sourit et je passe les mains autour de son cou.
— Je vais essayer d’apprendre.
Il enroule les bras autour de moi et m’attire contre lui, avant de poser son
front contre le mien.
— Je suis désolé qu’elle ait fait ça.
— Est-ce que tu m’aimes ? lui demandé-je.
— De tout mon cœur, répond-il.
— Dans ce cas, au final, c’est moi qui ai gagné, remarqué-je, avant d’aller
chercher mon manteau. Maintenant, est-ce qu’on peut aller manger, s’il te
plaît ? J’étais si nerveuse que je n’ai rien avalé et j’ai bu un shot de tequila.
Il me prend les mains et nous sortons de la loge pour rejoindre nos
familles qui nous attendent.

***
— Chut, murmure-t-il en se glissant en moi par-derrière.
Ses mains agrippent mes hanches pour les relever.
— Il est presque sept heures, ajoute-t-il Je garde les yeux clos
Une dernière fois, plaide-t-il.
J’enfouis mon visage dans l’oreiller pendant qu’il me baise.
Il va très lentement, et j’essaie de suivre le rythme de ses coups de reins,
mais il m’arrête.
— Pas encore, ma belle, me dit-il.
Je glisse une main sous moi. Ma poitrine est encore couchée sur le lit et
seules mes hanches sont surélevées ; mon doigt trouve mon clitoris, qui est
déjà mouillé. Je sais qu’il a joué avec moi avant de me pénétrer, je l’ai senti
légèrement.
— Es-tu en train de jouer avec ton clitoris, ma belle ? me demande-t-il,
toujours dans un murmure.
— Hmm, marmonné-je, tout en dessinant des cercles lents avec mon
doigt.
Nous avons déjà fait ça trois fois depuis notre retour à la maison. Nous
avons toujours besoin l’un de l’autre.
— Putain, siffle-t-il. Vas-y, ma belle.
Je connais ce ton ; il attend que je me lâche avant de faire pareil, alors je
me caresse plus vite.
— Tu y es, dit-il. Je sens ta chatte se resserrer.
Il n’a pas tort ; je ferme les yeux et j’y suis. Je lâche prise et lui aussi. Il
s’écroule à côté de moi.
— Je ne voulais pas te réveiller, dit-il. Mais tu as émis un son.
Je ris et lui demande :
— Quel son ?
— Un petit soupir.
Je le regarde se lever et entrer dans la salle de bains.
— Tu veux dire que j’ai respiré ? demandé-je en riant lorsqu’il ressort. Tu
sais que je prends la pilule, n’est-ce pas ?
Il m’attrape et m’attire à lui.
— On n’est pas vraiment obligés d’utiliser des préservatifs, ajouté-je.
— Ma belle, dit-il.
Nous entendons alors les chiens aboyer, puis la porte de derrière s’ouvre.
— J’imagine que ma mère est réveillée, me dit-il.
Je repense au dîner que nous avons partagé. Personne n’a abordé le sujet
de Candace. Mais c’était amusant de manger avec tout le monde, de
discuter et de rire, et Jackie nous a même raconté qu’Evan avait une carte à
collectionner à l’effigie de mon père. Il est devenu tout rouge.
Je rejette les couvertures et essaie de me lever, mais il m’attire de nouveau
à lui.
— Où est-ce que tu vas ?
— Ta mère est debout, lui dis-je d’un ton sifflant, tandis qu’il m’embrasse
dans le cou. Je vais me lever et aller voir si elle a besoin de quelque chose.
— Elle n’a besoin de rien, dit-il contre mon cou. Moi, j’ai besoin de
quelque chose.
Et il presse son sexe contre mon dos.
— Tu as eu ce dont tu avais besoin, et maintenant ta mère est réveillée,
alors les chances pour que tu l’obtiennes encore sont proches de zéro.
Je le repousse et vais dans la penderie pour enfiler un pantalon de yoga et
un haut.
— Et si tu te reposais et que je venais te réveiller un peu plus tard ?
— Je n’aime pas dormir sans toi, réplique-t-il d’un ton contrarié.
Je me penche et dépose un baiser sur ses lèvres.
— Ne sois pas puéril.
Je sors de la chambre, le laissant sur le lit, alors que ses yeux se referment.
— Bonjour, murmuré-je.
Je regarde dans la cuisine et y trouve Jackie, qui porte plus ou moins la
même chose que moi.
— Oh, je suis vraiment désolée. Je t’ai réveillée ? demande-t-elle en
souriant.
Je secoue la tête et me dirige vers la porte, que j’ouvre pour laisser enter
les chiens.
— Bonjour, ma fifille, dis-je en caressant Lilo. Tu as mangé ?
— J’allais justement m’en occuper, dit Jackie.
— Je vais le faire. Venez, tous les deux, allons vous chercher quelque
chose à manger.
Je vais dans le garage et remplis leur gamelle, avant de revenir dans la
cuisine.
— Je ne sais pas comment tu prends ton café, dit Jackie en me tendant une
tasse de café noir.
— Merci, lui dis-je avant d’aller au frigo pour prendre du lait. Pourquoi
êtes-vous levée si tôt ?
— Je comptais aller au supermarché avant que tout le monde ne soit
debout, m’explique-t-elle. Pour récupérer ce dont on aura besoin pour
aujourd’hui.
— Je vais venir avec vous, lui dis-je.
Elle sourit, pendant que j’écris une liste de course. Nous sortons de la
maison et revenons juste au moment où Zoé descend les marches.
— Comment vous faites pour être déjà levées ? dit-elle en se frottant les
yeux. Il est à peine dix heures.
— On est allées chercher la nourriture pour le déjeuner, expliqué-je, et
elle hausse les épaules. Il reste des sacs dans la voiture.
Je lui tends les sacs que je tiens dans ma main et retourne en chercher
d’autres.
— Evan va être furieux en apprenant que tu as porté un sac toute seule, dit
Zoé, tandis je pose le dernier sur le comptoir, au milieu de l’îlot. Et quand
on parle du loup…
Elle tourne la tête vers Evan, qui entre dans la cuisine en se frottant les
yeux.
— Evan, ta femme a soulevé ces sacs toute seule.
— Pourquoi tu ne m’as pas réveillé ? demande-t-il.
Il m’étreint par-derrière et enfouit son visage dans mon cou.
— J’aurais sorti les provisions de la voiture.
— Parce que tu dormais, réponds-je. Tu veux du café ?
— Ouais, murmure-t-il.
Je le lui apporte et son père entre dans la cuisine alors que nous sommes
en train de préparer les ingrédients. Je suis assise sur un tabouret et fais une
liste de ce la mère d’Evan prépare. Je suis tellement concentrée, que je ne
remarque même pas quand la porte d’entrée s’ouvre et se referme. Quand je
lève la tête, je vois Candace entrer dans la maison.
— Salut, lance-t-elle à tout le monde. Maman m’a dit que nous préparions
le déjeuner à midi.
Elle observe autour d’elle et je vois bien qu’elle est mal à l’aise.
— J’espère que ça ne dérange pas que je sois venue.
Zoé émet un « pff » derrière sa tasse de café et je lui adresse un regard,
mais Candace continue :
— Je peux te parler ?
Je tourne la tête vers Evan, qui la dévisage d’un air mauvais.
— Bien sûr, lui réponds-je. Et si on sortait ?
Je descends de mon tabouret et Zoé se lève aussi.
— Ça ira, lui dis-je, et elle se rassied.
Je sors et Candace me suit. Quand je jette un œil derrière elle, je vois
qu’Evan est là aussi.
— Tu n’as pas besoin de venir.
— Hors de question que je vous laisse seules toutes les deux, siffle-t-il.
Les chiens le suivent dehors.
— Alors, qu’est-ce que tu voulais dire, Cand ? lui demande-t-il.
— Je voulais m’excuser pour hier, répond-elle doucement, en se tordant
les mains. J’ai dépassé les bornes et je n’aurais jamais dû l’amener avec
moi.
— Ça, tu peux le dire, rétorque Evan, et je le regarde en secouant la tête.
— Evan, lui dis-je, et il tourne les yeux vers moi. Est-ce que tu veux bien
lui laisser une chance de s’expliquer ?
— Lui laisser une chance ? répète-t-il. Ça fait deux fois qu’elle te fait ça.
Il n’y en aura pas de troisième.
— Il a raison, dit Candace. Il n’y aura pas de troisième fois.
Elle regarde son frère, avant de tourner les yeux vers moi.
— Je ne sais pas ce qui m’a pris.
— Moi, si, lui dis-je. Tu étais la seule femme dans sa vie et tu t’es dit que
j’allais venir tout chambouler.
Je prends une profonde inspiration et continue :
— La garce en chef.
Elle se met à rire.
— Je ne veux pas prendre ta place ou te marcher sur les pieds, assuré-je.
— Fais-moi confiance, je le sais, finit-elle par dire. Tout le monde m’a
passé un savon, hier. Même Chloé, et elle est la plus calme de nous tous. Je
sais que je me suis comportée comme une vraie garce, mais je te jure…
— Tu t’es comportée comme une garce, c’est vrai, l’interromps-je. Et ce
que tu as fait était blessant.
Je déglutis, avant de continuer :
— Et je ne l’accepterai pas plus longtemps. Si tu n’es pas capable de te
retrouver dans la même pièce que moi sans te contenir, alors…
— Je peux me contenir, m’assure-t-elle, avant de tourner les yeux vers
Evan. Je te le jure, donne-moi une dernière chance.
— Il n’y en aura plus d’autres, après ça, l’avertis-je. Et si tu fais des
histoires aujourd’hui, alors que ma famille est présente, je ne réponds pas
de ce qu’il se passera.
— Marché conclu, accepte-t-elle. Une dernière chance.
— On devrait rentrer. Votre mère a les nerfs en pelote. Elle est venue à la
porte sept fois.
Je me tourne vers Candace et demande :
— Tu as déjà pris un café ?
— Pas encore. Je suis venue aussitôt levée, me rétorque-t-elle.
— Alors je vais t’en préparer un.
Et nous rentrons dans la maison. Je n’avais pas tort, quand j’ai dit que
Jackie avait les nerfs en pelote. Elle est assise devant l’îlot et Patrick se tient
à côté d’elle.
— Faisons un café à Candace.
TRENTE

Evan

— La voiture sera là dans dix minutes, hurlé-je en direction de la salle de


bains tout en enfilant ma veste.
Nous sommes de retour à New York depuis trois semaines. La saison s’est
terminée par un face-à-face avec Washington, contre lesquels nous avons
perdu cinq matchs.
— Je suis presque prête ! me répond-elle de l’autre côté de la porte.
Quand elle sort enfin, je me fige et la regarde. Ses cheveux sont noués sur
le côté et elle est plus maquillée que d’habitude.
— Je n’ai plus qu’à enfiler la robe et je serai prête.
Elle se précipite dans sa penderie et quand elle en ressort, j’observe sa
tenue.
— Tu peux remonter la fermeture ? demande-t-elle avec un sourire.
Je m’avance vers elle et remonte la fermeture dans son dos, avant de lui
embrasser le cou.
Elle se retourne et lisse sa robe.
— Comment tu me trouves ? veut-elle savoir.
Je l’observe, debout devant moi, dans une robe de soirée rose et dorée qui
descend jusqu’à ses pieds. Le maillage autour des jambes en donne un
aperçu, dans un effet cache-cache.
— Tu es sublime, lui dis-je. Comme toujours.
— Tes affaires sont prêtes ? s’inquiète-t-elle, et je hoche la tête.
Nous sommes en route pour la fête de départ en retraite de Matthew et
Max. Il y a eu tellement de contretemps durant notre déjeuner chez moi. Les
oignons ont carbonisé parce que maman était en train de parler et que Zara
prenait des notes et, quand elles s’en sont rendu compte, il était trop tard.
Alors elles ont recommencé et, cette fois, tout s’est bien passé, jusqu’à ce
qu’elles ajoutent la crème, avant de se rendre compte que la plaque était
allumée par erreur ; tout avait brûlé dans la poêle. Ensuite, à force de
bavarder, elles avaient oublié les pâtes dans la casserole, ou plutôt les deux
croyaient que l’autre s’en occupait, et il s’est avéré qu’aucune des deux ne
le faisait. Toute l’eau s’était évaporée. Je suis surpris qu’on n’ait pas fini par
devoir appeler les pompiers. Mais au final, nous nous sommes tous
retrouvés à table pour manger une pizza et, quand j’ai regardé autour de
moi, j’ai su que c’était mon futur. Je dois juste lui poser la question qui me
brûlait les lèvres. Mes parents seront là aussi, ce soir, ainsi que Candace, qui
a fait un revirement à 360 degrés ; maintenant, quand Zara est à Dallas,
elles sont inséparables, toutes les deux.
— Tout est prêt, réponds-je.
Mes valises pour Mexico sont devant la porte.
— Mes parents ont dit qu’ils nous rejoindraient là-bas.
— Oh vraiment, ça va être tellement bien, dit-elle. Ils vont rester dormir
chez nous ?
— Putain, non, répliqué-je. Je n’aime pas te baiser quand tu es
silencieuse.
Elle me fusille du regard.
— Tu ferais mieux de faire attention à ce que tu dis, dit-elle, et je sais
qu’elle ment.
Notre vie sexuelle n’a pas du tout ralenti. En fait, elle est plus active que
jamais.
— Comment vont Lilo et Stitch ? me demande-t-elle.
— Ils allaient bien quand je les ai déposés, et on pourra toujours se
connecter pour voir comment ils vont.
C’est un autre détail : Lilo et Stitch sont venus avec nous à New York.
— Lilo ne va pas être contente quand elle reviendra, remarque Zara en
enfilant une chaussure, puis l’autre. La dernière fois, elle a mangé ma
Louboutin rose.
Je ris et reçois une notification m’annonçant que la voiture est arrivée.
Nous sortons de la maison et j’ouvre sa portière, puis nous nous dirigeons
vers le lieu du gala.
— Il va y avoir beaucoup de monde ? lui demandé-je.
— Connaissant Karrie et Allison, répond-elle en tournant la tête vers moi,
énormément.
Je dépose un baiser sur sa main et elle ne se trompe pas. Quand nous
arrivons à l’hôtel et que nous entrons, nous nous retrouvons dans un
véritable jeu de « qui est-ce ? ». Je parcours les lieux du regard et vois que
même A-Rod et Jennifer Lopez sont là. Nous entrons dans une salle
immense, avec des photos illustrant la carrière de Matthew et Max
suspendues partout.
— La voilà, dit Zoé.
Je tourne la tête et vois qu’elle porte presque la même couleur que Zara,
sauf que sa robe a une fente sur le côté qui laisse entrevoir une longue
jambe. Elle s’avance et embrasse Zara, avant de m’étreindre.
Je regarde autour de moi et vois que Matthew et Max se trouvent presque
au milieu de la salle avec Allison et Karrie à leur côté.
— Salut, lance quelqu’un.
Je sens une tape sur mon épaule et lève les yeux pour me retrouver face à
Cooper.
— C’est incroyable, non ?
Je prends une flûte de champagne sur le plateau d’un serveur.
— C’est incroyable, acquiescé-je.
— Matthew est atterré, continue-t-il doucement. Il croyait que ce serait un
petit rassemblement. Tu aurais dû voir son visage quand il est entré.
Ces dernières semaines, je me suis beaucoup rapproché de Matthew et
Max. Nous sommes même allés faire du golf ensemble et personne n’a tenté
de me tuer.
— Si je peux avoir votre attention, lance quelqu’un, puis un projecteur
s’allume.
— Waouh, c’est éblouissant, dit un homme que je reconnais comme étant
le père de Karrie, Doug.
Il est le propriétaire de l’équipe, ainsi que de tout un tas d’entreprises
médiatiques.
— Si vous voulez bien s’asseoir, dit-il.
Tout le monde prend sa place et s’installe enfin. Il est debout sur la scène,
devant les cinq tables qui ont été installées.
Je suis Zara et vois que mes parents sont déjà assis à une grande table
ronde devant la scène. Je me penche pour embrasser ma mère, puis étreins
l’épaule de mon père, qui me fait un salut de la tête. Zara se laisse tomber à
côté de ma mère et cette dernière s’extasie sur elle, comme d’habitude.
— Au nom de Cooney Communication, je voudrais vous remercier d’être
venus ce soir, pour rendre hommage à notre capitaine et à notre capitaine
assistant, alors qu’ils raccrochent leurs patins.
Tout le monde les applaudit.
— Il y a très longtemps, commence-t-il, avant de se mettre à rire quand le
visage de Matthew apparaît sur l’écran à côté de la scène. Cette petite
crapule ! J’ai tenté ma chance avec cet homme que tout le monde avait rayé
de sa liste.
Je regarde Matthew, qui a les yeux posés sur Karrie. Elle lui sourit et
l’embrasse.
— Je t’aime, lui dit-elle.
— Non seulement il a fait prendre un tournant à l’équipe, mais il est aussi
devenu mon beau-fils, raconte Doug, d’une voix pleine de fierté. Que ce
soit sur la glace ou en dehors, il se voue à cent pour cent à tout ce qu’il fait.
Je l’ai vu s’égratigner sur la glace et se retrouver avec cinq points de suture
sur le visage, sans que cela l’empêche d’organiser une tea party pour ses
filles le lendemain.
Tout le monde rit, sauf Matthew, qui secoue la tête.
— Je savais qu’un jour, ce moment arriverait, mais je sais aussi que les
Stingers ne seraient pas ce qu’ils sont sans lui.
Il sourit, alors que tout le monde applaudit.
— C’est un grand honneur pour moi d’annoncer aujourd’hui, durant sa
fête de départ en retraite, qu’il vient de signer avec les Stingers de New
York pour devenir leur nouveau manager général.
Il y a des hoquets, puis des applaudissements.
— Je crois qu’il a lui-même quelques annonces à faire.
— Oh, bon Dieu, lâche Zoé. Je vous jure que si elle est encore enceinte, je
vais mourir.
Karrie la regarde et lui fait un doigt d’honneur.
Matthew monte sur la scène et serre la main de Doug, avant de le prendre
dans ses bras tout en échangeant quelques mots avec lui.
Puis il s’approche du micro.
— Merci beaucoup pour cette introduction, dit-il en regardant Doug, qui
lui adresse un signe de tête. Ce qu’il n’a pas dit, c’est qu’il était aussi
présent à cette tea party.
Doug rit à gorge déployée avec tout le reste de l’assistance.
— Je ne sais même pas par où commencer, continue-t-il, avant de
regarder Karrie. Avant d’accepter ce poste, je savais que je ne pourrais pas
le faire, sans le soutien de ma femme et de mes enfants.
Karrie lui adresse un hochement.
— Je savais aussi que je ne pourrais pas y arriver sans mon acolyte.
Tout le monde se tourne vers Max.
— Ce…
Je suis certain qu’il va dire « ce salopard », mais, au lieu de ça, il
continue :
— Ce mec. On n’est pas vraiment partis du bon pied, tous les deux.
Max bascule la nuque en arrière et rit.
— On s’est lancés dans le plus grand concours de pisse du monde.
Toute la foule éclate de rire et Matthew se penche plus près du micro pour
ajouter :
— J’ai gagné.
— Dans ses rêves, lance Max.
— Mais j’ai fini par l’apprécier, peu à peu, et j’ai commencé à lui faire
confiance sur la glace et en dehors. Vous saviez qu’il était sorti avec ma
sœur juste sous mon nez ?
Il pointe Max du doigt et ce dernier attire Allison contre lui pour
l’embrasser.
— Elle reste toujours ma sœur.
Oh, la foule rugit de rire, et je suis sûr que ces deux-là pourraient former
un duo comique.
— Bref, accélérons de quelques années, et ajoutons quelques enfants à
tout ça, et il est devenu un membre de la famille, tout simplement. C’est
exactement ce que représentent les Stingers. Une famille.
Tout le monde applaudit. Je tourne la tête vers Cooper, qui est tellement
rayonnant de fierté qu’elle émane de lui par tous les pores.
— Donc, en tant que nouveau manager général des Stingers, je savais que,
pour bien faire ce boulot, j’avais besoin de lui à mes côtés. C’est pourquoi
je suis ravi de vous présenter le nouvel agent de recrutement des Stingers de
New York.
Tout le monde applaudit et Max se lève pour monter à son tour sur la
scène, où ils échangent une accolade fraternelle.
— Tu veux dire quelques mots ? lui demande Matthew, et il secoue la tête.
OK, avant qu’on commence cette fête, il reste une dernière grosse annonce
à faire.
Tout le monde se regarde autour de la table, pour voir si quelqu’un sait de
quoi il parle.
— Je t’aime, dis-je en passant un bras autour de l’épaule de Zara, tout en
caressant son bras nu du pouce. De toute mon âme, je t’aime.
Elle me regarde et incline la tête de côté.
— Puisque nous prenons tous les deux notre retraite, continue Matthew,
nous savons qu’il va falloir trouver deux excellents joueurs pour remplir la
place énorme que nous laissons. Et nous avons conscience que nous devons
voir grand.
Il se penche vers le micro et continue :
— C’est pourquoi, après de nombreux échanges, nous nous sommes
finalement mis d’accord sur la personne qui enfilerait l’une de ces paires de
patins. Mesdames et messieurs, je suis ravi de vous annoncer que plus tôt
dans la journée, et suivant ma première décision en tant que manager
général des Stingers de New York, nous avons signé Evan Richards dans
l’équipe.
Je regarde le visage de Zara, lorsqu’elle se tourne vers moi et je vois des
larmes dans ses yeux. Elle se met à sangloter.
— Tu as fait ça pour moi ? me demande-t-elle, en plaquant une main sur
sa bouche pour retenir les sanglots.
— Non, je l’ai fait pour nous, réponds-je.
Je ne peux lui en dire plus, parce que tout le monde se lève autour de la
table. Je me penche et l’embrasse sur les lèvres, avant de me mettre debout.
Je me dirige vers mon père et le serre dans mes bras, avant de me tourner
vers ma mère, qui sanglote aussi. Puis je m’avance vers la scène, mais
Cooper m’arrête et m’adresse un large sourire.
— Bienvenue dans la famille, fils, dit-il en m’étreignant, et je le remercie
d’un signe de tête.
Je monte sur l’estrade, où Matthew et Max montrent mon nouveau
maillot.
— Ne crois pas que je ne t’ai pas vu embrasser ma sœur, dit Matthew.
Je secoue la tête.
— Ça va être une bonne année, dit-il en me serrant la main.
Je reste là, entre eux, le maillot dans la main. Matthew termine son
discours, et je lui accorde une minute de plus avant de descendre de la
scène. Zara est assise avec nos mères et pleure en silence, ce qui me rend
fou.
Je serre la main de Doug, avant de me diriger vers Zara. Elle se lève et se
jette dans mes bras. Elle porte une main à ma joue.
— Je suis désolé de ne pas te l’avoir dit, dis-je en souriant, avant
d’essuyer l’une de ses larmes avec mon pouce. Je voulais te faire la
surprise.
— Tu as fait tout ça pour moi ? me demande-t-elle, et je secoue de
nouveau la tête.
— J’ai fait ça pour nous, répété-je. Pour moi, pour toi, pour Lilo et Stitch
et pour nos enfants.
— Nos enfants ? s’étonne-t-elle.
Je fais alors mon deuxième grand saut dans l’inconnu de la journée et me
mets à genoux au milieu de tout le monde, ma famille et la sienne.
Zoé est la première à émettre un hoquet de surprise, puis tous les yeux se
rivent sur nous.
— Zara Stone, regarde ta page Twitter, lui demandé-je.
Elle regarde autour d’elle.
— Que quelqu’un me donne un téléphone ! s’écrie-t-elle.
Ma sœur s’avance en souriant et lui tend le sien. Elle a sûrement planifié
ce que je lui ai demandé de faire. Zara baisse les yeux sur l’écran et
sanglote.
@ZaraStone, veux-tu changer de nom et devenir @ZaraRichards ?
— Ce qui a commencé par un simple tweet est devenu la meilleure chose
qui me soit jamais arrivée, lui dis-je.
Je vois que nos mères se sont prises dans les bras l’une de l’autre, alors
que je continue :
— Je ne veux pas que tu sois simplement ma petite amie. Je veux que tu
sois ma femme, et la mère de mes enfants. Je veux vouer le restant de ma
vie à te rendre heureuse.
Je prends la boîte noire que j’ai récupérée aujourd’hui après avoir signé le
contrat.
— Veux-tu devenir ma femme ?
— Oui, répond-elle en hochant la tête.
Toute la foule nous acclame et, quand je regarde autour de moi, je vois
que nous sommes sur tous les écrans. Elle s’approche de moi et prend mon
visage entre ses mains.
— Oui, je veux t’épouser.
Et ici, au milieu de cinq cents personnes, elle accepte de devenir ma
femme. Je glisse l’anneau en diamants rose doré de cinq carats à son doigt
et scelle cela d’un baiser, et ce n’est pas qu’un bisou sur les lèvres, je scelle
notre alliance de façon à ce que tout le monde comprenne qu’elle est à moi.
— Mec, c’est toujours ma sœur, dit Matthew derrière moi, et nous rions
tous deux.
— Ça doit être la chose la plus dingue qui me soit jamais arrivée, dit-elle.
— Ma belle, ce n’est que le début de notre histoire de dingue !
ÉPILOGUE

Zara

— Il faut que tu t’en ailles, murmuré-je quand il s’écroule finalement sur


moi. Tout le monde sera bientôt arrivé et ça porte malheur que tu sois là.
— Ça porte malheur de commencer la journée sans t’avoir dans mes bras,
répond-il contre mon cou et je me retourne dans ses bras.
— Pourquoi avons-nous accepté ce mariage énorme, d’ailleurs ?
— Hum, parce que ta mère a dit qu’elle te tuerait, et qu’ensuite mon père
a appuyé cette motion, lui rappelé-je.
Cette conversation a eu lieu aux alentours de Noël, après notre
emménagement dans notre nouvelle maison.
Après avoir accepté l’offre proposée par l’équipe de New York, la
première chose qu’il a voulu faire a été de nous acheter une maison.
Compte tenu de l’inondation chez Zoé qui l’obligeait à vivre avec nous,
nous trouver un autre endroit où vivre était devenu sa mission. Mais il en
avait aussi une autre : rester proche de ma famille. Le seul problème avec
ça, c’est qu’il n’y avait aucune maison à vendre dans le coin. Jusqu’à ce
qu’un jour, on en trouve une, qui n’était pas du tout dans notre secteur de
prédilection, mais il se fichait que cette maison ait dix chambres ou qu’on
ait besoin d’un caddie de golf pour traverser la cour.
Je voulais contribuer à l’achat, mais ça m’a juste valu un long regard en
coin, et peu importe à quel point je m’en suis plainte à tout le monde, ils se
sont contentés de secouer la tête.
— C’est mon devoir de prendre soin de toi et de te procurer tout ce dont
tu as besoin, n’arrêtait-il pas de dire.
Le conseil de ma mère a vraiment craint :
— Choisis tes combats, m’a-t-elle dit.
Je ne savais pas vraiment ce que ça voulait dire, mais je savais qu’un jour,
je devrais trouver un combat pour lequel me battre.
La Garde-Robe de Zara était devenu un sujet de discussion privilégié, en
ville. Depuis que j’avais habillé sept des stars aux derniers Oscars, les
couturiers faisaient la queue pour travailler avec moi. J’avais plus de travail
que de temps et, même si j’étais très demandée, je m’occupais toujours de
mon emploi du temps moi-même. Je planifiais mes déplacements quand je
savais qu’Evan serait sur les routes, et quand il était à la maison, j’y étais
aussi. Je savais que je ne voulais pas qu’on soit séparés plus que nécessaire,
la décision était donc facile à prendre. N’est-ce pas ?
— Tu dois partir, répété-je, sans le lâcher ni même m’écarter de lui. S’ils
te découvrent ici…
— Alors ils me découvriront ici, m’interrompt-il.
Je souris et ferme les yeux, me prélassant dans ses bras. J’aimerais
pouvoir dire que nous ne nous sommes pas bien adaptés au fait de vivre
ensemble. J’aimerais pouvoir dire que l’étincelle de nos débuts a faibli.
J’aimerais pouvoir dire qu’après plus d’un an ensemble, c’est devenu la
routine entre nous, mais ce n’est pas le cas. C’est tellement plus que ça. Il y
a une connexion entre nous, d’un genre que je n’aurais jamais pensé avoir
avec quiconque d’autre que Zoé.
— Oh, mon Dieu, s’écrie Zoé depuis le seuil. Je croyais qu’on t’avait dit
de ne pas venir ici.
Plutôt que de prendre un air coupable, il se contente de la regarder et
demande :
— Ça t’arrive de frapper ?
— Je frappe quand je sais que tu es à la maison, réplique-t-elle en croisant
les bras sur sa poitrine. Je ne frappe pas quand je dors juste au bout du
couloir et que tu n’es pas censé être ici.
— Je vis ici, lui rappelle-t-il en essayant de dissimuler son sourire.
Il y a un lien spécial entre lui et Zoé, et c’est vraiment précieux pour moi.
Je ne savais même pas que j’en avais besoin. Ils ont tous deux mes intérêts
à cœur, ils s’allient toujours quand ils savent que c’est ce qu’il y a de mieux
pour moi, et ils s’aiment tous les deux beaucoup.
— Je suis sûre que tu peux supporter de passer vingt-quatre heures sans
elle, Evan, dit-elle en secouant la tête. Je ne dirai à personne que tu es là.
Puis elle se retourne et sort de la chambre.
— Mais je ne le nierai pas non plus, ajoute-t-elle, avant de refermer la
porte.
— On devrait se lever, dis-je en regardant le réveil et en voyant qu’il est
presque huit heures. Les gens qui vont s’occuper de mes cheveux et de mon
maquillage arrivent à huit heures et demie.
— Très bien, répond-il finalement.
Il s’écarte de moi en roulant sur le lit, se lève et enfile son short laissé près
de son côté du lit. Quelqu’un frappe un léger coup à la porte et je lui adresse
un sourire.
— Entrez, lancé-je.
Je suis stupéfaite de voir nos deux mères entrer dans la chambre. Dès
qu’elles voient Evan, leurs sourires s’effacent de leurs visages.
— Je t’avais dit que ça portait malheur, lui hurle sa mère. J’ai dit à ton
père de te surveiller.
— Maman, répond-il, et ma mère pince les lèvres pour retenir un sourire.
Je sais ce que tu m’as dit, mais je ne vais pas passer la nuit sans Zara à
cause d’un conte de bonne femme.
Jackie se tourne vers ma mère, qui se contente de hausser les épaules.
— Je suis déjà soulagée qu’il ne l’ait pas simplement jetée sur son épaule
pour s’enfuir avec elle.
— Est-ce qu’un jour on oubliera cette histoire ? demande Allison depuis
le couloir.
— Non, répond Karrie à côté d’elle, tandis qu’elles entrent toutes deux
dans la pièce. Eh bien, quelle surprise !
— Tu es rayonnante, ce matin dis donc, me taquine Allison, et je plaque
les mains sur mes joues.
— Où est-il ? crie Matthew depuis le rez-de-chaussée, avant de monter les
marches en courant.
Evan me jette son T-shirt pour remplacer la couverture. Je l’enfile et lève
les yeux vers les mères, qui échangent un regard, avant de s’apercevoir
qu’Allison et Karrie s’efforcent de ne pas rire.
— Mec, sérieux, on t’a laissé à onze heures et tu avais pour consigne
d’aller te coucher.
— C’est ce que j’ai fait, répond Evan. Mais dans mon propre lit.
— Où est Zoé ? demande Matthew.
Celle-ci entre alors dans la pièce avec un cocktail mimosa, suivie de
Vivienne.
— Je suis là, dit-elle en s’avançant vers le lit pour me tendre le verre.
Pourquoi ce serait ma faute ?
— Tu étais censée t’assurer qu’il ne rentre pas ici, lui dit Matthew en
plaquant les mains sur ses hanches.
— Eh bien, on dirait bien que quelqu’un ne devrait pas porter de blanc,
aujourd’hui, remarque Vivienne en levant son verre et en souriant.
— Il est là ? appelle mon père au loin.
Je tourne les yeux vers Evan, qui ne sourcille même pas en voyant toute
notre famille dans notre chambre.
— Fils, lance mon père en passant la tête dans la chambre.
Il remarque alors ma mère, sourit et l’embrasse.
— Tu ne peux pas être ici, dit-il ensuite à Evan.
— Bien sûr que si, rétorque Evan. Premièrement, cette maison est la
mienne et, deuxièmement, elle est ici.
Il me pointe du doigt, avant d’ajouter :
— Là où elle est, je suis aussi.
— Eh bien, je ne peux pas argumenter avec cette logique, répond mon
père, et Matthew hoche la tête.
— Maintenant que cette question est réglée…
Evan se penche et m’embrasse, avant d’ajouter :
— Je t’aime.
Il traverse la foule qui s’est formée à l’entrée de notre chambre. Il
embrasse sa mère, puis la mienne sur la joue, puis sort torse nu, parce que je
porte son T-shirt.
— Lève-toi et va te laver, me lance Allison. On sera en bas à boire un
coup.
Je secoue la tête, alors que tout le monde, sauf Zoé, sort de la chambre.
— Tu as besoin de quelque chose ?
— Tiens-moi la main, réponds-je.
Elle m’adresse un signe de tête et je sors du lit pour me rendre à la salle
de bains, où j’ouvre le petit test et fais pipi sur le bâton. Puis je ressors.
— Trois minutes, lui dis-je, avant de retourner sur le lit.
J’ai les mains qui tremblent.
— Je devrais vraiment boire quelque chose.
— Tiens, ton virgin mimosa, me dit-elle. C’est dégueu, d’ailleurs.
— C’est du jus d’orange, réponds-je.
— Je sais, mais, quand on appelle ça un mimosa, je m’attends à ce que ça
pétille. Le fait que ce ne soit pas le cas rend ça dégueu.
Elle me tient la main.
— Est-ce qu’il sait que tu as du retard ?
— Non, réponds-je, en secouant la tête. Même moi, je ne savais pas,
jusqu’à hier soir, quand j’ai fait tomber ma boîte de tampons.
Hier soir, juste avant notre départ pour la répétition du dîner, j’ai fait une
mini crise de nerfs après avoir bousculé ma boîte de tampons. J’ai couru
dans mon bureau et j’ai vérifié le calendrier, pour réaliser que j’avais neuf
jours de retard. Mais je me suis dit que ça devait être à cause du stress, alors
la première personne que j’ai appelée, c’est Zoé, et je l’ai suppliée de me
procurer un test.
— Qu’est-ce que vous fichez encore ici, les filles ? demande Allison,
avant de se figer à mi-chemin de la pièce. Qu’est-ce qui s’est passé ?
J’essaie de me reprendre et de ne pas lui laisser voir que je suis en
panique totale.
— Rien, réponds-je, avant de plaquer une main sur ma bouche pour
retenir un sanglot.
— Elle est juste très heureuse de se marier, essaie d’expliquer Zoé.
Mais Allison ne bouge pas et je n’ai pas le temps de dire quoi que ce soit,
parce qu’Evan déboule dans la pièce au même moment.
— J’ai oublié… commence-t-il, avant de s’interrompre en voyant les
larmes qui coulent sur mes joues. Qu’est-ce qui s’est passé ? Qu’est-ce qui
ne va pas ?
Il nous regarde tour à tour et vient s’agenouiller devant moi.
— Ma belle, dit-il, avant de tourner les yeux vers Zoé pour qu’elle l’aide à
comprendre.
Je n’entends pas Karrie revenir dans la chambre ni nos mères.
— Tu as changé d’avis ? demande-t-il, en prenant mes mains dans les
siennes. On n’est pas obligés de se marier.
Il porte mes mains à sa bouche et continue :
— On n’est pas du tout obligés de se marier.
— Ce n’est pas pour ça que je pleure, lui assuré-je, en voyant l’inquiétude
sur son visage.
Je me lève et lui tends la main.
— Tu veux bien venir avec moi ?
Il hoche la tête et je regarde nos mères, qui se tiennent la main et ont des
larmes dans les yeux.
— Le mariage est toujours d’actualité, leur dis-je.
Puis j’entre dans l’énorme salle de bains.
— Assieds-toi.
Il s’assied sur le petit siège que j’ai installé dans la pièce.
— Ma belle, dit-il d’une voix presque brisée. Je ne sais pas combien de
temps encore je vais supporter ça.
Je me dirige vers le comptoir et récupère le test sans le regarder.
— J’ai du retard, lui expliqué-je dans un murmure.
Il me regarde d’un air confus.
— Mes règles, précisé-je, et ces deux mots lui font ouvrir grand les yeux.
Je ne le savais pas avant-hier soir, et… j’ai fait une mini crise de panique et
forcé Zoé à m’acheter un test.
— Tu es… ? demande-t-il.
Je m’avance vers lui et viens me placer entre ses jambes. Il porte les
mains à mes hanches et lève les yeux vers moi.
— Je n’ai pas encore regardé, réponds-je, avant de lui tendre le test.
Il le retourne vers lui et nous baissons tous deux les yeux vers le mot écrit
au milieu.
Enceinte.
Je fixe ce mot du regard et les larmes montent. Nous n’avons jamais
planifié d’avoir un enfant. Quand je suis tombée malade le mois dernier, on
m’a dit que ma pilule ne fonctionnerait plus, tant que je prendrais les
antibiotiques, alors nous avions été un peu plus prudents ; nous n’aurions
jamais cru que ça pourrait arriver si facilement. Je porte la main à mon
ventre, tandis qu’il en approche sa bouche.
— Ma belle, murmure-t-il, avant d’embrasser mon ventre.
Puis il relève mon T-shirt et m’embrasse de nouveau.
— Je t’aime.
Je porte les mains à ses cheveux, les caresse doucement et il lève les yeux
vers moi.
— On va avoir un bébé, me murmure-t-il.
J’acquiesce, des larmes coulant en cascade sur mon visage. Il colle son
oreille contre mon ventre.
— Je me demande si je peux entendre les battements de son cœur.
Lui seul peut me faire pleurer et rire en même temps.
— Vous allez rester encore longtemps là-dedans ? entends-je dire Zoé de
l’autre côté de la porte.
— Qu’est-ce que tu veux leur dire ? me demande-t-il.
Je hausse les épaules.
— Tu sais que Zoé va sûrement le savoir.
Je hoche la tête.
— Bon sang, elle va probablement partager l’expérience de ta grossesse et
toutes tes douleurs.
Il se lève, prend mon visage dans ses mains et m’embrasse sur les lèvres.
— Je t’aime de tout mon être, de tout mon cœur et de toute mon âme.
— Il y a intérêt à ce que ce ne soient pas tes vœux, plaisanté-je.
J’entends désormais des voix d’hommes dans la chambre.
— Il faut qu’on sorte ou je crois qu’ils vont enfoncer la porte.
— Comment ça, elle pleurait ? Pourquoi est-ce qu’elle pleurait ? s’énerve
mon père, d’une voix de plus en plus aiguë.
Je déverrouille la porte et l’ouvre. Devant moi, dans notre chambre, se
trouvent toutes les personnes qui comptent pour nous. Mon père a pris ma
mère dans ses bras et essaie de la réconforter. Patrick fait la même chose
avec Jackie, mais Candace est désormais à leurs côtés. Matthew et Max
sont derrière Karrie et Allison. Vivienne et Zoé sont toutes deux assises sur
le lit et Vivienne a passé un bras autour des épaules de ma sœur.
Je reste immobile à côté de l’homme qui a répondu à une proposition de
rencard hasardeuse et complètement dingue sur Twitter, qui m’apporte mon
café, qui me tient la portière ouverte, qui m’envoie des fleurs sans raison
particulière, qui s’est emparé non pas d’une moitié de mon cœur, mais de
son intégralité. L’homme aux côtés de qui je veux vieillir, avec qui je veux
avoir des bébés, et de qui je veux pouvoir me plaindre. Il passe un bras
autour de mon épaule et m’attire contre lui, avant de m’embrasser le front.
J’enroule un bras autour de sa taille.
— Je sais que c’est dingue, commencé-je, et un rire se mêle aux larmes,
mais nous allons avoir un bébé.
Tout le monde émet un hoquet de stupéfaction. Zoé bondit sur ses pieds et
vient me serrer dans ses bras. Puis tous les autres viennent nous rejoindre.
— Eh bien, est-ce qu’elle va quand même porter la robe blanche ?
demande Vivienne depuis le lit.
Elle boit une gorgée de mon mimosa et grimace.
— C’est dégoûtant. C’est juste du jus d’orange.
D’un coup, tout le monde éclate de rire dans la pièce. La seule chose qui
ne change pas, c’est qu’Evan reste à mes côtés. Même quand les personnes
chargées de ma coiffure et de mon maquillage arrivent. Le seul moment où
il part, c’est quand je dois enfiler ma robe de mariage.
Trente minutes plus tard, je marche jusqu’à l’autel au bras de mon père,
vers l’homme qui fera tout ce qui est en son pouvoir pour prendre soin de
moi.
— Je n’aurais jamais cru voir le jour où je t’accompagnerais jusqu’à
l’autel, me murmure mon père à l’oreille, alors que nous avançons
lentement en souriant aux gens que nous dépassons. Tu te souviens de ce
que tu as fait au premier garçon qui a dit qu’il t’aimait bien ?
Je tourne les yeux vers lui et secoue la tête.
— Tu lui as donné un coup de pied dans les couilles.
— Oh, c’est vrai, me remémoré-je. Mais pour ma défense, c’est toi qui
m’avais dit de faire ça.
— Ouais, rit-il. Ne le dis jamais à ta mère.
Nous arrivons finalement devant l’autel, et il ne me lâche pas le bras.
— Qui donne cette femme en mariage ?
— Sa famille, répond-il, avant de tourner la tête vers Evan. Bienvenue
dans la famille, fils.
Puis, aussi simplement que ça, il me remet à l’homme de mes rêves.

Matthew

Trois mois plus tard…

— L’avion atterrira dans cinq minutes, Monsieur Grant, me dit l’hôtesse


de l’air avant de rejoindre son siège.
Je tourne les yeux vers la fenêtre. Rien d’autre que de la verdure, mais à
quoi d’autre pourrait-on s’attendre ? C’est l’Arizona. L’avion touche le sol
en douceur et je déboucle ma ceinture pour me lever, avant de descendre les
manches de ma chemise. J’enfile des lunettes d’aviateur et récupère le sac à
dos en cuir que Karrie m’a acheté l’année dernière, quand il a été enfin
annoncé que je serais le manager général des Stingers de New York. J’ai
désormais toute une saison à mon actif et, même si ça me fait du mal de
l’admettre, nous n’avons pas été à la hauteur. Il serait inutile d’essayer
d’enjoliver ça, parce que c’est la vérité. Ce n’était pas notre saison. Mais les
pièces du puzzle commencent à se mettre en place et c’est l’une des raisons
pour lesquelles je suis ici, en Arizona.
Mon dernier transfert. Certains disent que c’est un suicide de manager
général, mais je vois ça autrement. Quand la porte de l’avion s’ouvre,
l’escalier se déploie et je sors, alors que la chaleur me frappe au visage. Il
fait déjà une chaleur étouffante et il n’est que onze heures. Je descends les
quatre marches en direction du SUV noir qui m’attend. Le chauffeur sort de
la voiture.
— Monsieur Grant ? dit-il, avant de m’adresser un salut de la tête. C’est
un plaisir de vous rencontrer.
Il ouvre la portière noire et je monte dans le véhicule élégant. Je sors mon
téléphone et envoie un message à Karrie pour l’informer que je suis arrivé.
Je ne resterai pas longtemps, mais, quand je rentrerai à la maison, il sera
tard.
Je regarde dehors et observe les palmiers que nous dépassons, tandis que
nous roulons sur l’autoroute. Je vérifie mes e-mails ; la saison commence
très bientôt, il est temps de se remettre au cœur de l’action et cette année, je
vise la coupe.
Nous nous engageons sur le parking du centre de rétablissement Silver
Spring et la voiture s’immobilise sous l’auvent. J’en sors et regarde autour
de moi. Ça ressemble presque à un hôtel, mais je sais que ce n’en est pas
un.
Je me dirige vers la porte d’entrée et suis accueilli par la fille de la
réception, qui me sourit.
— Bienvenu au centre de rétablissement Silver Spring, comment puis-je
vous aider ?
— Bonjour, je suis Matthew Grant, et je suis ici pour récupérer Viktor
Petrov, réponds-je.
Elle acquiesce d’un signe de tête.
— Il est dans la salle d’attente, m’informe-t-elle en se levant de son
bureau. Si vous voulez bien me suivre.
Elle me mène jusqu’à une porte et scanne sa carte pour l’ouvrir. Nous
descendons un couloir tout en fenêtres et illuminé par les rayons du soleil.
Ça ressemble vraiment à un spa ; elle tourne à l’angle du couloir et entre
dans une salle immense, avec une télévision sur chaque mur, chacune sur
une chaîne différente. Il y a une causeuse et deux chaises devant chaque
télévision. Je parcours la pièce des yeux et remarque deux personnes
assises. Un type seul regarde la chaîne sportive, et je sais sans le moindre
doute qui est en train de regarder cette émission.
Je me dirige vers lui et l’observe. Merde, il a dû passer beaucoup de temps
à la salle de sport, depuis qu’il est ici. Il fait bien treize kilos de plus et il est
assurément plus large qu’en mai. Il a l’air plutôt en bonne santé. Il
m’aperçoit et se retourne ; je remarque que ses cheveux sont plus longs que
d’habitude.
— Eh bien, regardez un peu ça. J’ai droit au traitement VIP.
Il sourit et se lève pour me tendre la main.
— Je me suis dit que j’allais te raccompagner chez toi, réponds-je, et il
hoche la tête.
Il récupère le sac que je remarque seulement maintenant, posé au sol à
côté de lui.
— Tu as récupéré ton autorisation de sortie ? demandé-je, et il opine du
chef de nouveau. Dans ce cas, mettons-nous en route. L’avion nous attend.
Il me suit dehors et salue la réceptionniste. Il lui adresse un petit clin d’œil
avant de partir et la femme pousse un soupir lorsqu’il passe la porte. Nous
roulons en silence jusqu’à l’avion et, une fois que nous sommes montés
dedans, il vient s’asseoir sur le siège face à moi. L’hôtesse de l’air s’avance
vers nous et nous demande si nous voulons quelque chose à boire.
— De l’eau, s’il vous plaît, lui demande Viktor.
Même si je sais qu’il est américain et a grandi en Russie, je m’attendais à
ce qu’il ait un accent russe, mais ce n’est pas le cas ; ou il est à peine
discernable. Je commande la même chose et attends qu’elle ait apporté les
boissons et que l’avion ait décollé pour débuter le rendez-vous.
— Je parie que tu demandes pourquoi je t’ai signé chez nous ? demandé-
je.
Il me fixe de ses yeux bleu foncé.
— Je sais pourquoi tu m’as signé, répond-il. Tu serais un idiot de ne pas le
faire.
Je me mets à rire.
— Tu as une très haute opinion de toi-même.
Il se contente de hausser les épaules.
— Mais je ne peux ignorer le fait que quand tu fais quelque chose, tu le
fais à fond.
— C’est pour ça que tu m’as signé, dit-il en buvant une gorgée d’eau.
— Tu as raison, mais je ne t’ai pas signé pour ces emmerdes que tu t’es
attirées ces deux dernières années, ajouté-je, en venant au fait. Écoute, j’ai
traversé une mauvaise passe, moi aussi. Putain, ma carrière était non-
existante quand je suis rentré la queue entre les jambes, mais j’ai bénéficié
d’une deuxième chance.
Je l’observe avec attention et ajoute :
— Une chance énorme et, maintenant, je te donne la tienne.
Il ne répond rien et je ne lui laisse pas l’opportunité de le faire.
— Nous te ferons des tests d’urine toutes les semaines jusqu’à ce que j’aie
décidé que ça suffit. Si tu n’aimes pas les termes du contrat, tu peux partir
tout de suite.
Il m’adresse un regard noir, mais ne dit toujours rien.
— On va t’installer dans le loft de Max pendant un mois, le temps que tu
retombes sur tes pieds.
— Je dois trouver un agent immobilier, dit-il. Toutes mes affaires
attendent d’être envoyées depuis L.A.
— J’ai déjà un coup d’avance sur toi. Ma sœur, Zoé, te retrouvera demain
après-midi, expliqué-je. Elle est la meilleure dans son domaine et s’il y a
une maison disponible, elle le saura.
Il hoche à nouveau la tête sans dire un mot. Il ne dit plus rien de tout le
vol. Il mange, cependant ; il mange tout ce qu’on met devant lui.
Quand les roues touchent finalement la piste, je tourne les yeux vers lui.
— Bienvenue chez toi, Viktor. Bienvenue à New York.

Vous aimerez peut-être aussi