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L analyse des films Quatrième édition

4th Edition Jacques Aumont Michel


Marie
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L analyse des films 4th Edition Jacques Aumont

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Dictionnaire théorique et critique du cinéma 3rd


Edition Jacques Aumont Michel Marie

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Les théories des cinéastes 2nd Edition Jacques Aumont

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edition-jacques-aumont/

L équilibre des paradoxes 1st Edition Michel Pagel

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L analyse qualitative en sciences humaines et sociales
Quatrième édition 4th Edition Pierre Paillé

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Introduction à l analyse des textes classiques


Cinquième édition 5th Edition Georges Forestier

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L énigme des pigeons du Mont Athos 1st Edition Marie-


Claire Cardinal

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Michel Foucault 4th Edition Frédéric Gros

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L existentialisme 5th Edition Jacques Colette

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jacques-colette/
Illustration de couverture : Ma Loute, Bruno Dumont, 2016
Photo : R. Arpajou / © 3B – 2016 – HD : BBQ_DFY/Aurimages
Mise en pages : Nord Compo

© Armand Colin, 2004, 2015, 2020


© Nathan, 1988 pour la 1re édition

Armand Colin est une marque de


Dunod Éditeur, 11 rue Paul-Bert, 92240 Malakoff
www.armand-colin.com

ISBN : 978-2-200-62867-3
Des mêmes auteurs chez le même éditeur
L’Image, Jacques Aumont, 4e éd., 2020.
Histoire du cinéma français, Jean-Pierre Jeancolas, actualisation de Michel Marie,
4e éd., 2019.
La Belle Histoire du cinéma français en 101 films, Michel Marie, 2018.
L’Interprétation des films, Jacques Aumont, 2017.
La Nouvelle Vague, une école artistique, Michel Marie, 4e éd., 2017.
Esthétique du film, Jacques Aumont & Michel Marie avec Alain Bergala & Marc
Vernet, 3e éd., 2016.
Dictionnaire théorique et critique du cinéma, Jacques Aumont & Michel Marie,
3e éd., 2016.
Les Théories des cinéastes, Jacques Aumont, 2e éd., 2011.
Le Cinéma et la mise en scène, Jacques Aumont, 2e éd., 2010.
Table des matières
Couverture

Page de titre

Page de Copyright

Des mêmes auteurs chez le même éditeur

Avant-propos

1 La démarche analytique

1. Analyse et autres discours sur le film

1.1 Discours sur le film, discours sur le cinéma

1.2 Analyse et critique

1.3 Analyse et théorie

2. Qui analyse les films ?

2.1 Démocratie de l’analyse

2.2 L’analyse comme pratique spécialisée

3. Effets et visées de l’analyse

3.1 La compréhension du film

3.2 L’analyse comme révélateur


3.3 Questions de théorie et de stylistique

3.4 L’analyse comme pratique propre

4. Conclusion : pour une définition de l’analyse de film

2 Objets analysables, instruments de l’analyse

1. Taille et types d’objets

1.1 Le fragment : ambiguïtés d’une notion

1.2 Séquence et segment

1.3 Le cas du film en prise continue (one take film)

1.4 L’analyse au pluriel

1.5 Image, récit, et objet de l’analyse

1.6 Taille de l’analyse

2. Instruments « techniques »

2.1 Vision, transcription, analyse

2.2 Le découpage : un outil de description

2.3 Les « outils »

2.4 La question de la citation

2.5 Le « paratexte » : instruments externes

3. La question de la description

3 L’analyse du fait narratif

1. L’histoire et ses répercussions


1.1 L’importance de l’histoire

1.2 Histoire, fiction, vraisemblable

1.3 Personnages, actions, caractères

1.4 Éthique et idéologie

2. Le récit : perspectives narratologiques et rhétoriques

2.1 Les éléments du récit : la tentative structurale

2.2 L’analyse sémantique et les types de récit

2.3 Pourquoi analyser un début de film ?

2.4 Récit en images, voix narrative, identification

2.5 La relation du film à son spectateur

2.6 La question de la fiction (et de ses marges)

2.7 Les marges de la fiction

4 Un médium visuel et sonore

1. L’analyse de l’image filmique

1.1 L’image comme analogon visuel

1.2 L’image comme détentrice de sens

1.3 Puissances de l’image

2. L’analyse de la bande sonore

2.1 La notion de bande son et ses limites

2.2 L’analyse de la musique de film


2.3 L’analyse des sons réalistes (bruits, ambiances, paroles)

2.4 Les dialogues et la question de la voix

5 Brève histoire de l’analyse

1. Les écoles de cinéma et la critique de films comme creusets


de l’analyse

1.1 Les premières analyses de cinéastes enseignants : S. M.


Eisenstein

1.2 Bazin et les fiches filmographiques des ciné-clubs

1.3 La politique des auteurs et l’analyse interprétative

2. L’analyse textuelle et l’arrêt sur image

2.1 L’analyse textuelle du film et le structuralisme

2.2 L’arrêt sur image

3. Les analystes post-structuralistes

3.1 Cinéma et psychanalyse

L’œdipe et la castration, la loi du Père : Young Mr. Lincoln (Vers sa


destinée, John Ford, 1939)

Les 400 coups et L’homme qui aimait les femmes (François Truffaut, 1959
et 1977) sous l’angle de D. W. Winnicott

La Femme au portrait (The Woman in the Window, Fritz Lang, 1944) et le


rêve du professeur Wanley

3.2 Les études de genre (gender studies)

Rear Window (Fenêtre sur cour, Alfred Hitchcock, 1954) vu par Tania
Modleski
Coming Home (Le Retour, Hal Ashby, 1978) vu par Linda Williams

La Nouvelle Vague au « masculin singulier » vue par Geneviève Sellier

3.3 L’analyse figurale

La figure de la décapitation dans L’Évangile selon saint Matthieu (Il


Vangelo Secondo Matteo, Pier Paolo Pasolini, 1964) selon Luc Vancheri

La figure de la tempête chez Jean Epstein (Le Tempestaire, 1947) vue par
Philippe Dubois

Le spectateur et la figure : la scène de la douche de Psychose (Alfred


Hitchcock, 1960) vue par Martin Lefebvre

L’Étrange créature du lac noir (Creature From the Black Lagoon,


Jack Arnold, 1954) vu par Jean-Michel Durafour

4. Autres tendances actuelles

4.1 Sociologie de la création

Le Lys de Brooklyn (A Tree Grows in Brooklyn, Elia Kazan, 1945) comme


leçon de vie, vu par Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto

Sociologie de la création au sein des studios d’Hollywood : l’exemple de


Sueurs froides (Vertigo, Alfred Hitchcock, 1958)

4.2 Analyses « culturelles »

Glauber Rocha analysé par Ismaïl Xavier

Star Wars (1977-2019), une saga vue par Laurent Jullier

4.3 Analyse de films et monographies d’auteurs

Tout Truffaut, analysé par Anne Gillain

Gravité : Billy Wilder vu par Emmanuel Burdeau

5. Les collections monographiques et l’analyse par le film

5.1 Collections monographiques


Cœur fidèle (Jean Epstein, 1923) vu par Prosper Hillairet

Les Vampires de Louis Feuillade (1915-1916) vu par Gilbert Lascault

Les collections pédagogiques

Lola Montès de Max Ophuls (1955) par Olivier Maillart

5.2 L’analyse par le film

Les Contrebandiers de Moonfleet (Fritz Lang, 1955) commenté par Alain


Bergala

L’avenir de l’analyse audiovisuelle

6 Analyse de films et histoire du cinéma

1. La nouvelle sensibilité à l’histoire depuis les années 1980

1.1 Discrédit de l’histoire et crépuscule des grandes histoires


nationales

1.2 Le retour aux sources

1.3 Mutations culturelles et patrimoine

2. L’analyse au service de l’histoire du cinéma

2.1 L’analyse de vastes corpus, vers une description des styles


historiques

Le cinéma des premiers temps

Le cinéma hollywoodien classique

Le cinéma français des années 1930

L’analyse des genres : le western, le film noir

Analyse de vastes corpus, histoire et étude de codes


2.2 L’analyse de films marquants : comment chaque époque
définit ses chefs-d’œuvre

Le cas du Mépris (Jean-Luc Godard, 1963)

3. Analyse et histoire des sociétés

3.1 Rome, ville ouverte (1945), ou Roberto Rossellini témoin


de la résistance italienne

3.2 Nuit et Brouillard (Alain Resnais, 1955),


un film dans l’histoire

3.3 Les images d’archives face à l’histoire

4. L’Histoire au service de l’analyse

4.1 Le contexte de production et de réception : l’exemple


des Aventures de Till l’espiègle (1956) de Gérard Philipe

4.2 Les analyses génétiques

Jean Renoir vu par Olivier Curchod

Jean-Luc Godard au travail vu par Alain Bergala

4.3 Le retour de l’analyse génétique

Rebecca (Alfred Hitchcock, 1940) revu par Jean-Loup Bourget

Jean-Luc Godard et l’invention du cinéma politique : Luttes en Italie et


Tout va bien vus par David Faroult

7 Portée de l’analyse

1. Les visées de l’analyse

1.1 La visée culturelle et le choix de l’objet

1.2 Analyse et théorie (suite)


2. Que vaut une analyse ?

2.1 Les critères externes

2.2 Les critères internes

2.3 Confronter des analyses

3. Les fins (et la fin) de l’analyse

3.1 La question de l’interprétation

3.2 Le plaisir de l’analyse

3.3 Analyse terminée, analyse interminable

Références bibliographiques

Index des notions

Index des films


Avant-propos

La première édition de ce livre est parue en 1988. Les études


cinématographiques, introduites à l’université une vingtaine d’années
auparavant, y avaient trouvé leur place. Les cursus étaient en voie
de devenir semblables à ceux des autres disciplines humaines et
sociales, malgré leur peu d’ancienneté et l’absence d’une
sédimentation comme celle dont bénéficiaient les études littéraires.
La définition des contenus de cet enseignement était à l’ordre du
jour. Fallait-il les aligner sur une discipline – l’histoire, l’histoire de
l’art, la sociologie, la psychologie, la sémiologie ? Fallait-il copier les
études littéraires (qui ne fonctionnent pas sur ce mode
disciplinaire) ? Fallait-il inventer, pour cet objet neuf dans l’université,
des façons de découper le champ du savoir et de l’expérience qui
reflètent sa nouveauté ? Dans ces débats, qui n’ont jamais vraiment
cessé, l’analyse de film jouait un rôle important, comme le moment
concret par excellence dans l’étude du cinéma – celui qui, disciplines
ou non, approches singulières ou non, serait toujours présent. Il
était logique de lui consacrer un livre de mise au point, qui s’efforçait
de recenser les approches importantes alors pratiquées.
Trente ans plus tard, beaucoup a changé. Les études sur le
cinéma sont devenues une composante essentielle des secteurs
« humanistes » de l’université, secteurs qui eux-mêmes se sont
largement redéfinis, au détriment d’apprentissages jadis cruciaux
tels ceux des langues anciennes. Il n’entre pas dans notre propos
d’analyser cette évolution de la discipline « études
cinématographiques », mais seulement de noter que, quels que
soient les choix opérés, il est un enseignement auquel on n’a jamais
renoncé, celui de l’analyse de film. Les raisons en sont évidentes :
c’est le moment où l’on a affaire véritablement au film, à sa matière
et à sa texture intimes, et qui permet en outre de réfléchir tant sur
sa production que sur sa réception.
Cependant, si l’analyse de films est restée une pierre angulaire des
cursus de cinéma, les discussions à son sujet ont pris une autre
tournure. À la fin des années 1980, les débats théoriques – autour
de la sémiologie du cinéma, puis du rôle que pouvait y jouer la
théorie psychanalytique – commençaient à faiblir, l’heure étant à un
net reflux de l’appétit de « grandes théories » qui avait marqué les
années 1970. De toutes parts, les critiques pleuvaient sur la
sémiologie, accusée d’abstraction, d’arbitraire et de bien d’autres
maux. L’analyse de films, née pour une bonne part à l’ombre de
cette entreprise, était aussi l’un des lieux où se déroulait cette
discussion, et nous ne pouvions qu’en rendre compte – et prendre
parti. Aussi, à côté de chapitres à l’intitulé plus neutre (« Analyse du
récit », « Analyse de l’image et du son »), notre livre en comportait-
il un consacré entièrement à l’analyse textuelle (sous un titre
révélateur : « L’analyse textuelle : un modèle controversé »), et un
autre à « Psychanalyse et analyse du film ».
Il ne s’agit pas pour nous de critiquer ce choix, qui avait ses
raisons et rendait compte autant que possible d’une situation de
transition. Mais à la fin des années 2010, la question de l’analyse ne
peut plus se poser de la même manière, puisque son domaine de
référence (les études cinématographiques) n’a plus la même
configuration. Pour aller vite, deux grandes questions se posent
aujourd’hui à ces études : 1°, doivent-elles se situer sous l’aile de
recherches plus générales (qu’elles soient ou non reconnues comme
des disciplines académiques) ? 2°, quelle place doit-on donner à ce
qu’on appelle d’un terme vague « la pratique » ? Les réponses
effectivement données sont très variables dans l’espace et dans le
temps. L’histoire – (re)devenue entre-temps la discipline reine (au
moins par ses effectifs) des sciences humaines et sociales – a fait
son apparition dans tous les cursus, et on ne peut que s’en féliciter ;
quant à l’économie, elle y a presque toujours eu une place, mais
toujours singulière. D’autres disciplines, comme l’anthropologie, la
sociologie, l’esthétique ou l’« histoire de l’art » sont parfois
représentées, mais pas toujours et pas partout. En revanche, des
approches particulières (la question du figural, les études sur le
genre), ont dans certains programmes une place importante. Bref, il
n’existe pas de consensus sur l’ancrage théorique des études de
cinéma, et cela reflète la période actuelle, où il n’existe plus de
corpus théorique dominant comme a pu l’être la sémiologie. Enfin,
s’agissant de la pratique, elle est envisagée elle aussi de manière
diverse selon les lieux, mais ce qui frappe est qu’elle n’est quasi
jamais pensée en rapport avec la réflexion abstraite ; certains
départements universitaires permettent aux étudiants de réaliser de
petits films, ou de se familiariser avec le montage, et l’accès à la
pratique de réalisation est devenu beaucoup plus simple et
abordable grâce aux nouvelles techniques numériques. Mais ces
enseignements sont donnés de manière autonome, comme s’ils
avaient leur fin en eux-mêmes – renforçant un peu plus le mythe de
la création auquel succombent tant d’étudiants.
Dans ce tableau (trop sommaire), quelle est la part de l’analyse de
films ? Elle est quasi omniprésente, nous l’avons dit, mais la
conception qu’on s’en fait est variable ; pis, elle est souvent
pratiquée sans qu’on en ait de conception bien nette : on fait de
l’analyse parce qu’il est commode pédagogiquement de regarder et
de commenter des extraits de films, mais sans trop se demander ce
que cela peut apporter en profondeur. De fait, s’il s’agit uniquement
d’ajouter quelques commentaires de films, si subtils et intéressants
soient-ils, aux commentaires existants, l’entreprise n’a pas une
grande portée intellectuelle. Nous pensons que l’analyse de film est
un moment pratique et concret, mais qu’elle prend tout son sens si
elle débouche sur une réflexion générale, dépassant le cas particulier
que l’on a analysé. Cela était évident tant que l’analyse se présentait
comme la mise en œuvre ou l’expérimentation de « grandes
théories » ; ce ne l’est plus, et l’ambition principale de cette nouvelle
édition est de le rappeler, en exposant certaines des directions dans
lesquelles l’analyse peut avoir une portée intellectuelle générale.
Pour l’essentiel, nous avons regroupé nos remarques autour de
trois grands pôles : l’étude des récits, des fictions et de leur
destinataire ; l’étude des images et des sons ; l’histoire. Dans
chacune de ces directions, nous nous efforçons d’évaluer ce qui s’est
joué durant le demi-siècle d’existence des études universitaires sur
le cinéma, depuis la phase théorique jusqu’à la phase actuelle, plus
diffuse. Notre livre comprend aussi un chapitre qui esquisse une
histoire des conceptions et des pratiques successives de l’analyse.
Enfin, les deux chapitres introductifs et le chapitre final tentent de
mettre cet ensemble en perspective, en se demandant
respectivement ce qu’est le geste analytique, à quels objets il peut
s’appliquer, et quelle est sa valeur. Nous n’avons dans cette nouvelle
version privilégié aucune approche, et nous sommes efforcés au
contraire de rester le plus objectifs qu’il nous était possible, en
tâchant de n’en oublier aucune importante.
Une chose en revanche n’a pas changé, et nous tenons à la
réaffirmer : il n’existe pas, n’a jamais existé et probablement
n’existera jamais de méthode générale qui permettrait d’analyser
n’importe quel film – et encore moins, de grille universelle que l’on
pourrait appliquer à tout film indifféremment. Cela ne veut pas dire
qu’on soit condamné à tout réinventer à chaque fois (si c’était le cas,
notre ouvrage n’aurait guère de raison d’être). Il existe en effet des
principes généraux (qui souvent sont des prescriptions
épistémologiques et méthodologiques de vaste portée, excédant le
seul cas de l’analyse de film), et aussi quelques ouvrages, nuancés
et prudents, qui donnent certains conseils d’ordre général (par
exemple Bordwell & Thompson, 1979, 2013 ; ou Jullier, 2012 et
2019). Nous ne nous priverons pas nous-mêmes, chaque fois que
possible, de souligner ces points de méthode, et de donner les
indications les plus concrètes possibles. Toutefois, ce n’est pas la
visée principale de ce livre, qui vise surtout à dire pourquoi on peut
entreprendre une analyse de film, pourquoi cela a été si souvent
entrepris depuis cinquante ans, et quelle importance cela a eu dans
la compréhension du cinéma. C’est pourquoi, plutôt que de chercher
à donner des recettes ou des conseils pour l’analyse, nous avons
choisi de surtout commenter des analyses existantes, et de tâcher
d’en recueillir les leçons.
Chapitre 1

La démarche analytique

Le mot « analyse » désigne une activité intellectuelle banale,


consistant à comprendre un donné en remontant à ses éléments
constitutifs et à ses règles de constitution. On peut parler d’analyse
dans des domaines aussi divers que les mathématiques, la chimie, la
biologie, la physiologie, l’anatomie, la grammaire, la philosophie, la
stratégie, ou tout simplement la vie quotidienne. Si la baignoire fuit,
nous en trouverons la cause en vérifiant les éléments de la
plomberie, c’est-à-dire par une analyse (rudimentaire) ; si l’azalée en
pot refuse de pousser, la raison en sera plus délicate à déterminer,
mais notre attitude la plus raisonnable sera aussi d’analyser les
causes possibles ; et si nous trouvons un de nos amis insupportable,
l’analyse – quoique en l’occurrence plus aléatoire – peut encore nous
aider à savoir pourquoi.
L’analyse de film s’apparente à toutes ces pratiques analytiques,
celles des sciences de la Terre et du corps humain, celles des
disciplines abstraites ou des sciences sociales, et aussi celles du
quotidien – mais elle en diffère profondément, parce que le donné
qu’elle traite est une œuvre de l’esprit, c’est-à-dire un produit
artificiel, imaginé par des humains et destiné à d’autres humains.
Elle ressemble davantage à l’analyse du caractère difficile de notre
ami qu’à celle de la plomberie, parce qu’il s’y agit de comprendre
quelque chose qui a sa propre rationalité, extérieure à nous et a
priori inconnue. Mais analyser, c’est toujours décomposer d’une
manière significative, et la première définition de l’attitude
analytique, c’est qu’elle produit le traitement intellectuel d’un tout,
en y définissant des éléments interdépendants et en tâchant de
comprendre leurs relations.

1. Analyse et autres discours sur le film

1.1 Discours sur le film, discours sur le cinéma

Pour définir l’analyse de film et en délimiter la portée, il faut rappeler


qu’il ne revient pas au même de parler film et de parler cinéma. Ce
qu’on appelle « cinéma » recouvre un ensemble variable de
techniques, de pratiques et de produits, mais c’est toujours la
production et la diffusion d’œuvres faites d’images mouvantes et de
sons, visibles dans des conditions particulières ; en outre, ces
œuvres sont souvent considérées comme ressortissant à un art (l’art
cinématographique) ou plutôt à un moyen d’expression (le cinéma).
Un film est une manifestation unitaire de ce médium, et il n’est pas
possible d’en donner une détermination plus précise, la variété des
films existants et potentiels étant infinie – du souvenir de vacances à
la superproduction industrielle en passant par les films
indépendants, les films d’artistes, les documentaires, les films
ethnographiques, les films publicitaires et d’entreprise, les clips, etc.
Si le cinéma a connu, dans son dispositif, dans son économie et dans
ses publics, de fortes variations historiques et géographiques, tout
en gardant assez de traits constants pour rester « le cinéma », il est
impossible de dire rien de comparable d’un film, qui est toujours
infiniment particulier. L’analyse de film est donc l’analyse du
singulier : il existe des méthodes plus ou moins généralisables, des
problèmes récurrents, des formes canoniques, mais chaque œuvre
les met en jeu de manière propre ; dans l’analyse, il y a donc
toujours une part d’inattendu et d’invention ; même les analyses qui
considèrent plusieurs films (par exemple pour étudier un genre, une
période, un style) doivent se confronter à cette unicité de l’œuvre,
qui fait qu’elle peut appartenir à un ensemble mais ne se réduit
jamais aux caractères de cet ensemble (voir, sur l’exemple de
l’œuvre de Truffaut, le traitement de l’ensemble dans [Gillain, 2019]
et celui des singularités dans [Lefebvre, 2013]).
Depuis que les études sur le cinéma ont fait leur entrée à
l’université à la fin des années 1960, de nombreuses procédures
d’analyse des films ont été proposées. Toutefois l’analyse est une
activité normale et spontanée pour tout spectateur de film. Il existe
une consommation irréfléchie des œuvres de cinéma, qui se
contente d’en éprouver les effets sans les traduire en mots. Mais la
plupart du temps, même le simple spectateur n’en reste pas là. La
discussion à la sortie d’un film est une pratique banale et presque
obligée ; or même si elle en reste à des constatations superficielles,
c’est déjà un geste de réflexion sur ce qu’on a reçu, qui peut se
prolonger à travers la confrontation de points de vue divers, mettant
en avant des aspects différents du film. Dans ce domaine de
l’« analyse » spontanée, chacun est face à ses habitudes mentales,
et le désir de comprendre ce qui nous arrive est inégal – mais il n’est
jamais nul.
L’analyse cesse d’être livrée au simple bon sens quand elle se
donne une procédure. La première question est donc moins de
savoir jusqu’où peut aller l’analyse que d’où elle peut partir. Il n’y a
pas de raison a priori de cesser de compliquer une analyse, et on
peut toujours vouloir aller plus loin ; comme toutes les œuvres de
l’esprit, un film y prête, et l’une des idées que nous ne cesserons de
retrouver dans cet ouvrage est qu’un film est un réservoir
presque inépuisable de significations et d’émotions. En
revanche, il n’existe pas une infinité d’approches possibles, et celles-
ci peuvent se ramener à quelques grands types, en fonction de
partages élémentaires, reprenant des opérations mentales
reconnues depuis longtemps. On peut s’intéresser à un film pour ce
qu’il raconte (= mise en forme symbolique d’une expérience du
monde par le biais de la fiction et du document), ou pour la façon
dont il le narre et le montre (= substance et organisation du
signifiant filmique) : c’est le premier grand partage, et dans les
travaux de recherche sur le film, il a été longtemps inégal, car la
grande majorité des travaux a porté sur le second aspect (formel).
La situation est en train d’évoluer, et davantage d’analyses de
contenu sont maintenant produites (par exemple à partir de points
de vue sociologiques ou idéologiques, tel le domaine assez actif des
gender studies) ; toutefois, il est parfois difficile, dans ces
approches, de savoir si on a bien affaire à l’analyse d’un film, et pas
seulement de son scénario.
Un autre grand partage, qui recoupe le précédent mais ne le
recouvre pas, consiste à distinguer analyse intrinsèque et
analyse extrinsèque. On peut considérer un film donné, soit en
lui-même et pour lui-même, soit de points de vue plus larges – du
point de vue de l’Histoire, ou de théories psychologiques, ou de
propositions sociologiques, etc. Dans le second cas, on privilégiera
dans le film les éléments qui répondent à un questionnement,
implicite ou explicite, dont l’origine est dans la problématique
générale dont on part ; dans le premier cas, les parties constitutives
et les aspects du film seront traités plus également, et surtout, leur
détermination ne sera pas soumise à des énoncés préalables.
Toutefois cette différence de principe est parfois faible, et il existe de
nombreux cas frontière où l’on passe de l’une à l’autre position, de
manière réversible. Par exemple, lorsqu’il étudia le cinéma italien de
l’après-guerre, l’historien Pierre Sorlin émit l’hypothèse que « les
cinéastes ne voient pas la campagne, elle ne leur est pas
perceptible, ils n’arrivent à la saisir que par des traits périphériques
ou transitifs (ce qui passe à travers) », et il ajouta que « c’est cette
cécité qui intéresse l’historien des sociétés pour ce qu’elle lui
apprend du milieu productif de film dans l’Italie de 1942 » (Sorlin,
1977 – cf. ci-dessous, chap. 6). C’est là une proposition qui excède
tout film particulier, mais qui ne peut s’étayer analytiquement qu’en
relevant dans les films des indices, ressortissant au scénario comme
à l’image (et à la bande sonore), au décor comme au cadrage et au
montage, et qui tendent à étayer cette thèse. (Un problème est alors
de savoir si le chercheur a vraiment démontré sa thèse par l’analyse
de certains films, et si d’autres films qu’il n’a pas pris en
considération n’auraient pas livré d’autres conclusions.)
1.2 Analyse et critique

Si l’analyse est une pratique répandue, il en va de même de la


critique – singulièrement en France, où la cinéphilie est depuis
longtemps passée dans les habitudes culturelles. Il n’y a pas, en
France, davantage de spécialistes du cinéma que dans la plupart des
pays riches, mais le niveau de connaissance du cinéma, et surtout la
possibilité d’y voir en permanence des films nombreux et variés (y
compris des films anciens), y sont supérieurs à ceux de la plupart
des pays. Le discours critique est certainement le discours le plus
fréquent sur des films, si l’on y inclut non seulement celui des
critiques professionnels travaillant dans des mensuels (des Cahiers
du cinéma et Positif à des magazines plus récents comme Première
ou Sofilm), celui des journalistes qui rédigent des critiques régulières
dans des hebdomadaires et des quotidiens, mais aussi de tous les
critiques occasionnels (le cinéma est aujourd’hui commenté par qui
veut, entre autres sur Internet, où il est devenu un objet social très
partagé).
Il y a d’énormes différences entre tous ces critiques en termes de
culture générale et de culture spécialisée, d’acuité perceptive,
d’exigence intellectuelle et de capacité à verbaliser les idées, mais
l’activité critique a toujours les mêmes visées principales. Critiquer
un film c’est d’une part l’expliquer, d’autre part l’évaluer, et c’est
par la proportion variable de ces deux visées que se différencient les
critiques ; dans les quotidiens et hebdomadaires, la critique est
souvent évaluative (parfois ramenée au stade le plus élémentaire :
j’aime/je n’aime pas), et rarement explicative, se contentant en
général d’être descriptive (ce qui n’est pas si mal si la description est
exacte). À ces deux visées, il faut en ajouter deux autres, qui ne
relèvent pas vraiment de la critique au sens fort du mot (tel que l’ont
illustré de grands critiques comme Walter Benjamin, Roland Barthes
ou André Bazin), mais sont importantes aussi : la critique informe,
et elle promeut. Informer, c’est donner au spectateur des éléments
utiles à la bonne appréciation du film ; mais cela peut vouloir dire
aussi choisir de parler de tel film plutôt que de tel autre (phénomène
sensible dans les comptes rendus de festivals), ce qui devient vite
une activité de promotion, fût-ce par la négative (ce dont la critique
ne parle pas a du mal à exister socialement).
La critique se partage donc entre deux grands types de fonctions :
des fonctions sociales, et des fonctions proprement analytiques. Les
premières jouent un certain rôle dans l’économie du cinéma, aux
côtés de la publicité ; cette dernière reste, de loin, l’instrument le
plus important de promotion des films, et les grosses productions
internationales assurent leur visibilité essentiellement grâce à des
campagnes publicitaires massives, entreprises des mois à l’avance,
de l’affiche dans le métro au publi-reportage sur les tournages et à
la bande-annonce sur Internet. Cependant, dès la présentation des
films dans des festivals, et encore plus à leur sortie en salle, les
répercussions critiques jouent un rôle non négligeable. Ce rôle tend
à faire de la critique un instrument grossier, brutalement quantitatif
(nombre de médias ayant parlé d’un film, longueur des comptes
rendus) et qui exacerbe le phénomène évaluatif (ainsi,
caricaturalement, dans certaines séquences télévisées où trois
critiques mettent des notes sur 10 aux sorties de la semaine et
justifient leur évaluation en 30 secondes). On est loin de tout idéal
critique, et très près de la publicité.
Ce sont les autres fonctions de la critique, celles qui s’adressent à
la réflexion plutôt qu’aux réflexes, qui peuvent être voisines de
l’analyse, et éventuellement y mener. Quoique cela ne réponde qu’à
une faible proportion des critiques effectivement publiées, on peut
imaginer qu’une critique idéale comporterait des éléments – si
possible exacts – de description du film en question (de sa fiction
comme de sa mise en forme), et sur cette base, des éléments
d’explication qui permettent de comprendre le film (c’est-à-dire,
soulignons-le, moins de comprendre l’histoire qu’il raconte que de
comprendre l’acte cinématographique qui l’a produit) ; sur cette
base, le critique pourrait donner une appréciation évaluative, pour
estimer l’intérêt de ce film par rapport au médium (ou art) cinéma.
Peu de critiques savent faire cela, ou en ont le temps, et très
souvent ce qu’on lit consiste surtout à raconter un scénario (pas
toujours exactement), en assaisonnant cette description de
remarques sur le style du film (souvent en s’abritant derrière
l’existence d’un supposé style d’auteur). Pourtant, même dans cet
état rudimentaire, la critique est un acte analytique : décrire en est
un premier stade, et, si l’on s’y applique, il peut être révélateur (voir
chap. 2, § 2). De même, si le critique met souvent en avant de façon
excessive ses propres goûts, l’analyste ne peut faire tout à fait
l’économie d’un jugement de valeur sur ce qu’il analyse ; la question
se pose par exemple dans les analyses de vastes corpus (les films de
blaxploitation, les films militants, les films sur la guerre de 14-18…),
où l’on brasse beaucoup d’œuvres très inégales. On sera amené
alors à se demander s’il faut tenir compte ou non de ces inégalités,
s’il faut en faire état et établir des différences ; la réponse n’est pas
donnée d’avance, et dépend de la visée qu’on s’est assignée.
Lorsqu’ils étudièrent le cinéma français des années 1930, Lagny et
al. (1986) choisirent un corpus composé de pas mal de « nanars » :
c’est qu’ils ne s’intéressaient que fort peu à l’évolution du langage
cinématographique ou à l’art du cinéma, et beaucoup aux
symptômes sociétaux que véhiculaient ces films banals ; le projet ne
consistait pas à réhabiliter des œuvres pour en faire de nouveaux
films de répertoire, mais à promouvoir une approche différente de
l’histoire du cinéma (voir chap. 6, § 2.1).
La critique est donc une activité très distincte de l’analyse. La
première vise une efficacité immédiate et doit réagir vite ; la
seconde a le temps pour elle, peut choisir ses objets dans l’histoire
des films et se donner le délai utile, elle vise une efficacité indirecte.
La première doit tenir compte de contraintes médiatiques et
économiques fortes ; la seconde relève d’institutions et de pratiques
davantage dégagées de telles contraintes. La première a rarement la
possibilité d’aller au bout de son entreprise (à peine une critique
publiée, il faut en écrire une autre, sur un autre film : le critique se
reprend rarement, sauf parfois à l’occasion d’une ressortie…) ; la
seconde est par définition vouée à aller le plus loin possible.
Cependant l’une et l’autre, par-delà une opposition de façade qui
tient à des jeux d’« image » et de pouvoir, restent solidairement
des entreprises intellectuelles, visant la compréhension et
l’explication, et affrontent la prise de risque que représente toute
hypothèse (en particulier interprétative, nous y reviendrons).

1.3 Analyse et théorie

Sur l’autre versant, l’analyse rencontre d’autres pratiques réflexives,


celle des entreprises théoriques ayant le film comme objet. On a
longtemps parlé de « la théorie du cinéma » – singulier abusif qui a
recouvert des projets disparates, des diverses variantes de la
sémiotique du film (sémiologie structurale, générative, sémio-
analyse, sémio-pragmatique) à celles d’une anthropologie pas
toujours clairement mise en avant (de Morin [1956] à l’anthropologie
visuelle des années 1990-2000), en passant par les nombreux
modèles psychologiques appliqués au cinéma et toutes les
approches « culturalistes » (au nombre desquelles il faut compter
celles qui ont rapproché le cinéma des autres arts et médiums de
l’image).
Il existe depuis longtemps une activité théorique intense autour
du cinéma et du phénomène filmique, mais il ne faut pas espérer
une théorie unifiée de l’un ni de l’autre. La plupart des entreprises
théoriques depuis un quart de siècle (depuis la première version du
présent ouvrage) mettent en avant leur caractère particulier, et le
fait que, en étudiant le cinématographique et/ou le filmique, elles ne
prétendent pas sortir d’une approche disciplinaire assez stricte. Il
existe désormais des sociologues qui font de la sociologie, des
historiens qui font de l’histoire, des esthéticiens qui font de
l’esthétique, avec le cinéma et avec les films, mais sans sortir de leur
visée propre. Lorsque Esquenazi (2012) étudie le film noir américain,
ce n’est pas pour en donner une énième caractérisation stylistique,
mais pour en évaluer en sociologue la signification par rapport à
l’état d’une société (chap. 6, § 2.1) ; lorsque Lindeperg (2007) écrit
sur Nuit et Brouillard (Resnais, 1955), son travail d’historienne ne
néglige pas les aspects formels du film, mais il est centré à la fois
sur l’événement historique (les camps de concentration) et l’histoire
des films consacrés à la Shoah (chap. 6, § 3) ; lorsque Didi-
Huberman (2012) analyse en philosophe et en historien d’art des
films de Pasolini et Wang Bing, c’est dans une perspective elle aussi
particulière et précise (comment figurer le peuple ?). Etc. L’heure
n’est plus à la définition de la théorie par l’objet « cinéma », comme
cela a pu être le cas aux débuts de l’enseignement universitaire du
cinéma, mais à la considération d’un objet donné (un film, l’œuvre
d’un cinéaste, une période, un genre) par des méthodes et avec des
notions relevant d’une théorie donnée.
Il est donc difficile de comparer vraiment l’activité analytique à
l’activité théorique, car cette dernière est composite, fragmentée
en spécialisations plus ou moins étroites. Le point commun est leur
ancrage institutionnel : l’une et l’autre se pratiquent presque
uniquement à l’université ou dans les instituts de recherche et
quelques écoles d’art. On peut dire aussi que les approches
théorique et analytique se ressemblent en ce qu’elles comportent
une grande part descriptive, ne visent pas à donner un modèle
général de leur objet et ont à l’horizon la possibilité d’une
explication des phénomènes, qui reste toujours partielle et
hypothétique. La principale différence réside dans le trait, déjà
souligné, de forte individualité de chaque analyse, forçant l’analyste
à plus ou moins réinventer son modèle à chaque nouvelle
analyse, tout en lui gardant la valeur d’une possible ébauche de
modèle général ou de théorie. Il arrive d’ailleurs que l’analyste
construise une théorie (ou un modèle) qui ne vaut que pour
certaines œuvres, telle Tortajada (1999) élaborant à partir de
l’œuvre de Rohmer une théorie de la séduction par l’ambiguïté, qui
caractérise à la fois le petit monde imaginaire du cinéaste et son
rapport au spectateur ; elle revendique alors un va-et-vient entre
lecture « fine et concrète » des films et abstraction du modèle.
On touche là à une question de fond de la méthodologie de
l’analyse des films : si l’analyse est singulière, quelles sont ses
procédures de validation ? Cette singularité ne risque-t-elle pas
d’être prise pour une idiosyncrasie de l’analyste ? On peut toujours
penser que celui-ci se souciera de préciser ses critères de pertinence
et de validité, mais s’ils sont à chaque fois ad hoc, cela risque d’être
peu convaincant du point de vue épistémologique. Le risque est
donc d’aboutir à un relativisme universel, et notamment à l’idée –
assez répandue – qu’il existe une infinité d’analyses possibles,
toutes aussi valables et légitimes. C’est l’un des points les plus
sensibles de la question de l’analyse ; nous y reviendrons au tout
dernier chapitre de cet ouvrage.

2. Qui analyse les films ?

2.1 Démocratie de l’analyse

Nous venons d’insister sur le caractère essentiellement


institutionnel de l’analyse de film : elle se déroule la plupart du
temps dans une institution vouée à la recherche plutôt qu’à la
pratique. Il existe dans certaines écoles de cinéma un enseignement
d’« analyse de film », mais il est en général plus proche de la
critique que de l’analyse (cela est normal, la vocation de futurs
cinéastes ou chefs opérateurs n’étant pas d’analyser des films mais
d’en produire). On pourrait dire des choses comparables de la
pratique répandue du commentaire de film. Nous le disions en
commençant, tout spectateur est un analyste en puissance, et cela
ne se manifeste nulle part aussi bien que dans les nombreux blogs
plus ou moins spécialisés. La critique d’évaluation y règne bien
souvent, le blog étant par définition un outil égotiste, et cette
pratique de la critique produit des effets davantage d’ordre ludique
que savant. Il suffit de mentionner le goût, largement partagé, pour
le relevé des goofs dans ces commentaires de films, comme si
l’auteur du commentaire voulait se poser en juge, plus compétent
que le cinéaste, et surtout, comme si tout film devait être jaugé à
l’aune d’un certain vraisemblable. Il est clair que, dans l’ensemble,
on est en général assez loin des idéaux de l’analyse de film. Mais, de
même que le numérique a amené une extraordinaire
démocratisation des instruments de filmage, Internet a amené une
telle expansion de la possibilité de critique et de commentaire que,
même si chaque performance est insatisfaisante, l’ensemble
constitue un discours global, imprécis, soumis aux modes du
moment, mais qui dessine un horizon intéressant… Au reste, il existe
des blogs de qualité, par exemple ceux d’anciens journalistes comme
Jean-Michel Frodon ou d’universitaires comme David Bordwell, et
aussi quelques très bonnes revues en ligne qui publient des critiques
de qualité égale ou supérieure à celles des revues papier1.

2.2 L’analyse comme pratique spécialisée

L’existence de l’analyse de films comme pratique socialement


reconnue n’est pas la conséquence directe de son caractère plus ou
moins banal, mais plutôt de son institutionnalisation au sein des
cursus universitaires. Acceptées comme légitimes dans le cadre
de l’université longtemps après leurs équivalents littéraires et
artistiques, les études cinématographiques ont joui d’une plus
grande liberté dans leur définition. Vers 1970, lorsqu’elles ont été
instituées en France, il n’existait aucune tradition académique à leur
sujet, et elles ne menaient à aucun concours de recrutement de
l’enseignement secondaire. Cela a autorisé leur développement dans
des directions qui auraient été impensables, disons, en littérature. Il
n’existait aucun modèle préalable, et les universités ont dû s’en
remettre pour cela aux enseignants. Or ceux-ci, d’origine très
diverse, n’avaient pas tous suivi des cursus bien définis. Cela
explique en partie que, très tôt, l’analyse de film, dans ses variantes
structuralistes alors dans l’air du temps, ait représenté une part
importante des enseignements et de la recherche universitaires –
même si beaucoup d’analyses ont aussi, dans ces premiers temps,
été faites sur le mode flou du « commentaire de texte », dans la
vieille tradition littéraire.
Cinquante ans plus tard, l’analyse est devenue une quasi-
discipline, donnant lieu à des enseignements propres, sous des noms
divers (« méthodologie de l’analyse », « analyse filmique »,
« analyse audiovisuelle »). Comme nous le verrons plus loin
(chap. 5), les premières analyses de films un peu poussées ont été
le fait, soit de cinéastes, soit de travailleurs culturels ; elles sont
désormais presque uniquement le fait de chercheurs, fussent-ils
débutants (dans le cadre d’un master, par exemple). La
manifestation la plus visible de cette institutionnalisation de l’analyse
de films est sa présence, comme épreuve obligatoire, dans divers
cursus et concours, de l’option cinéma du baccalauréat à l’agrégation
de lettres et celle d’arts plastiques et aux concours de la Fémis et de
l’ENS Louis-Lumière (Jullier, 2019).
Cela n’a pas été sans conséquences sur la définition pratique de
l’analyse. Il est difficilement concevable de proposer à des étudiants
d’effectuer, dans le temps limité d’une épreuve d’examen ou de
concours, l’analyse d’un film entier, même d’un point de vue
particulier qui restreindrait le champ d’investigation. D’où le
développement de ce qu’on appelle, d’un terme à demi impropre,
l’analyse de séquence. Il s’agit pour l’essentiel de proposer à
l’analyse un fragment de film (qui ne coïncide pas forcément avec
une séquence au sens technique) ; l’exercice peut être totalement
libre et ne prescrire aucune méthode particulière, il peut au contraire
être rendu contraignant, en imposant telle ou telle approche, voire
l’application de telle ou telle règle. En tant qu’épreuve en temps
limité, c’est un travail difficile à bien mener, et, contrairement à
certains mythes complaisants2, on n’a de chances d’y parvenir qu’au
prix d’un entraînement préalable (pratique de l’analyse, de la
critique, ou autre) et d’une bonne culture spécialisée. L’« analyse de
séquence » est devenue, comme la dictée ou la dissertation, l’un de
ces exercices à la fois vagues et rigides que sécrète l’institution
scolaire, et comme telle, elle fait l’objet d’enseignements, de travaux
pratiques et de plusieurs ouvrages.
Pour des raisons analogues, l’analyse de fragment de film est
aussi le cœur de l’enseignement de l’analyse : elle correspond assez
bien à ce qui peut être exposé devant un groupe d’étudiants, dans la
durée d’environ deux heures qui est en moyenne celle d’un cours,
d’autant qu’elle aura alors été préparée et pourra être présentée de
manière économique. On pourrait presque dire que l’analyse de film
est une branche spécialisée du métier d’enseignant « de cinéma »,
au même titre que l’histoire ou l’économie du cinéma. Toutefois il
faut bien voir que cette pseudo-discipline n’en est pas tout à fait
une, mais doit son existence à la commodité qu’offre l’exercice
analytique pour l’organisation d’épreuves de contrôle du savoir, de la
culture et des connaissances méthodologiques d’un public
d’étudiants.
Il existe quelques analystes de films dans le cadre de métiers de la
documentation (par exemple des documentalistes de l’INA, qui
doivent produire des descriptions quasi analytiques), mais l’analyste
de films professionnel est presque toujours un enseignant-chercheur
(l’accent étant mis plutôt sur l’un ou plutôt sur l’autre). Comme tous
les chercheurs, il définit largement son domaine et ses méthodes en
relation à un champ, épistémologique et aussi sociologique : à
chaque époque, il existe des procédures d’analyse privilégiées, et un
milieu professionnel et scientifique, duquel il faut être capable de se
faire entendre et reconnaître. C’est pourquoi l’analyse de films, qui
en principe peut être menée de manières très diverses, a eu en fait
une « histoire », celle de ses conceptions dominantes successives
(voir chap. 5).

3. Effets et visées de l’analyse


Même si, dans certaines de ses manifestations universitaires,
l’analyse peut sembler avoir sa fin en elle-même, elle ne se justifie
pleinement qu’au regard de ce qu’on peut attendre d’une analyse
bien menée (nous ne disons pas « terminée » – cf. chap. 7, § 3.3).
Comme nous l’avons rappelé, on analyse quelque chose pour mieux
en comprendre la rationalité propre. Cela peut éventuellement
déboucher sur une visée plus particulière, mais c’est là le point nodal
de toute analyse : elle est un acte intellectuel et mental, qui
s’apparente à tous les autres actes de connaissance, de pensée,
d’orientation que nous menons dans la vie. Entre analyser une
œuvre de l’esprit, analyser une situation, un problème, des résultats
d’expérience, etc., il n’y a pas de différence essentielle – mais de
grandes différences pragmatiques, ces gestes n’ayant pas la même
finalité. L’analyse de film est une analyse, et elle sert d’abord à
comprendre, mais elle traite d’un objet très particulier, qui détermine
ses visées ; ensuite, s’il s’agit de comprendre un objet singulier, il
s’agit aussi de faire avancer la connaissance en général, que ce soit
par le biais d’une théorie ou non.

3.1 La compréhension du film

L’analyse sert à comprendre, mais comprendre un film, cela peut


vouloir dire plusieurs choses. Il y a, d’abord, une compréhension
qu’on pourrait dire transitive, et qui vise ce que le film représente,
ce qu’il raconte, le monde auquel il se réfère (illus. 1 et 2). Cela
peut sembler évident, mais dans beaucoup de films récents, qui
travaillent, pour des raisons expressives ou autres, à brouiller cette
référence, il n’est pas toujours simple de reconstituer le projet
intentionnel du film. Des films comme Memento (Nolan, 2000) ou
Inception (Nolan, 2010), rendent volontairement ardu le repérage,
temporel pour le premier, topographique pour le second ; Tropical
Malady (Weerasethakul, 2000) propose deux parties, dont la
première raconte une histoire d’amour, la seconde une histoire
d’enchantement qui demande un tout autre régime de croyance et
de lecture ; un auteur comme Wong Kar-wai s’est fait une spécialité
des récits virevoltants, dans lesquels les enchaînements temporels
sont douteux voire impossibles, dans lesquels il est parfois difficile
de savoir où au juste on se trouve (voir, à propos de 2046, Bittinger
[2006]), etc. Le cinéma classique assurait davantage la certitude des
références, mais il fallait tout de même disposer du bagage culturel
voulu : il est facile de comprendre que Gene Kelly est peintre et qu’il
séjourne à Paris dans Un Américain à Paris (Minnelli, 1951), mais
pour reconnaître le décor de Monument Valley, qu’on retrouve dans
une bonne demi-douzaine de films de Ford, encore faut-il en
connaître l’existence ; de même il n’est pas évident de bien
comprendre Stromboli (Rossellini, 1949) si on n’a aucune idée des
mœurs méditerranéennes et insulaires au milieu du xxe siècle, etc.

Inception (Christopher Nolan, 2010) : Paris se replie sur lui-même.

Tropical Malady (Apichatpong Weerasethakul, 2002) : la jungle comme labyrinthe.

2046 (Wong Kar-wai, 2004) : la ville rêvée.


1 Espaces étranges ou impossibles.
Paris dans Un Américain à Paris (Vincente Minnelli, 1954).

Monument Valley dans Fort Apache (John Ford, 1948).


Stromboli (Roberto Rossellini, 1949).
2 Espaces célèbres.
Outre cette reconstitution du cadre référentiel du film, comprendre
veut dire aussi comprendre le déroulement du scénario et sa
logique. Depuis les tendances « dysnarratives » des années 1960 et
les récits volontairement compliqués du cinéma « maniériste » des
années 1980, on ne compte plus les films qui racontent une histoire
en demandant au spectateur un effort important pour la reconstituer,
voire rendent impossible de le faire jusqu’au bout. Les stratégies en
ce sens sont diverses : on peut ne pas donner assez d’informations,
donner des informations contradictoires ou ambiguës, changer
d’histoire en cours de route, et le cinéma (d’auteur et même
mainstream) n’est pas avare d’exemples de chacune. Mais même si
le récit est linéaire et les actions compréhensibles, il reste toujours,
dans un récit en images mouvantes et sonores, une part de non-dit
qui laisse du champ au spectateur pour l’interpréter. Un exemple
simple est la « fin ouverte », où le récit refuse de conclure
nettement et reste « en l’air » ; dans L’Inconnu du lac (Alain
Guiraudie, 2013), le protagoniste, amoureux d’un homme qu’il a vu
en noyer un autre au début de l’histoire, noue une relation avec lui,
et finalement le voit assassiner deux autres hommes ; il se cache
dans une forêt, mais la très longue séquence finale, de nuit, se
termine sans qu’on sache jamais s’il sera retrouvé et assassiné,
retrouvé et épargné, ou pas retrouvé. L’analyse n’a pas pour but de
répondre à ce genre de question de cohérence et de clarté du
scénario, mais elle ne peut les éviter – quitte à donner plusieurs
réponses.
Le but de l’analyse, en effet, est davantage dans une
compréhension intransitive du film : être capable, moins de
reconnaître des lieux réels ou de restituer la continuité de l’histoire
imaginaire racontée, que de saisir le déroulement du film lui-même
comme film, c’est-à-dire la manière dont une histoire donnée
est amenée à l’existence, par des choix concrets de mise en
scène, de cadrage, de montage, de lumière, de vitesse, etc. Nous y
reviendrons aux deux prochains chapitres, mais c’est là la visée
essentielle d’une analyse : elle a pour but premier de dépasser la
réception (sensorielle et intellectuelle) d’un film, pour le saisir dans
ses ressorts sémiotiques, esthétiques et idéels.

3.2 L’analyse comme révélateur

Il y a longtemps que l’on sait qu’un film, produit dans une société
donnée, en est un reflet idéologique. Le terme « idéologie »,
souvent utilisé au cours des années 1960 et 1970 dans sa définition
marxiste, est aujourd’hui un peu abandonné, après avoir été
beaucoup critiqué. De fait, c’est un terme passe-partout, dont on a
abusé et qui a par là perdu beaucoup de sa précision. Cependant, il
reste vrai que tout film, spécialement ceux qui représentent
expressément notre expérience du monde (films de fiction ou
documentaires, journaux filmés, carnets de voyage, essais
poétiques…), adopte, explicitement ou non, des points de vue
idéologiquement définis sur toutes les questions sociales,
psychologiques, politiques. Comme dans l’expérience du monde, ces
points de vue ne sont pas toujours apparents, rarement univoques,
et souvent, difficilement décidables. Pour garder l’exemple de
L’Inconnu du lac, quel est au juste le discours qu’il tient sur la
drague homosexuelle masculine et les relations éphémères qu’elle
engendre ? Les personnages ont, sur ce point, des positions très
différentes : le protagoniste y trouve son plaisir sans se poser trop
de questions, le commissaire de police trouve inhumain qu’un
homme disparaisse sans que les habitués du lieu semblent s’en être
aperçus, et le personnage d’Henri plaide pour un amour désexualisé.
Mais le film lui-même a-t-il un point de vue ? Et si oui, lequel ?
Ce genre de questions est tout sauf nouveau, et sans même
remonter jusqu’à la littérature romanesque (qui les posait déjà), cela
a longtemps été le carburant principal des débats sur le cinéma, à
l’époque où fonctionnaient de nombreux ciné-clubs, plus ou moins
marqués politiquement. Les auteurs de ce livre se souviennent bien
de tels débats, par exemple autour du film de John Ford, Les
Cavaliers (The Horse Soldiers, 1959), auquel on a pu reprocher de
montrer le comportement odieux d’un militaire yankee sans porter
de critique visible. Comme pour le film de Guiraudie et
l’homosexualité, il faut évidemment distinguer, dans le film de Ford,
ce qui appartient aux personnages, et peut sembler antipathique (le
personnage joué par John Wayne a de sa mission une conception
inhumaine, voire barbare), et ce qui est du film. Ce dernier n’a pas
une position simple, et l’analyse montrerait qu’il est au contraire très
dialectique ; il s’agirait alors d’analyser les moyens qu’un récit de la
guerre civile états-unienne peut se donner pour montrer sans fard
les horreurs de cette guerre, sans tomber dans la complaisance, et
en laissant le spectateur libre de son jugement.
L’analyse peut jouer un grand rôle sur ce terrain, pour apporter
des éléments d’appréciation précis, permettant d’échapper aux
discussions subjectives, inévitables si l’on se contente de réagir
spontanément. Il n’est pas indispensable de faire une analyse
(textuelle, figurative, sociologique ou autre) pour comprendre un
film ; mais l’analyse permet d’avoir affaire à ce film lui-même, et non
pas seulement à l’histoire qu’il raconte, à ce qu’on a pu en dire ici ou
là, au problème qu’il « illustre », etc. En une période (autour de
1970) où les débats politiques étaient vifs, une longue querelle
théorique (voir Lebel [1971] vs Comolli [1971-1972]) a opposé les
tenants d’une neutralité des formes filmiques (la forme par elle-
même ne signifie rien, une même mise en forme peut véhiculer des
contenus différents) à ceux d’un rôle idéologiquement décisif du
travail de mise en forme. Poser la question dans ces termes
généraux est voué à répéter des oppositions stériles, car il existe des
arguments en faveur de l’une et l’autre position – et c’est justement
en particularisant la question, et les réponses qu’on peut lui
apporter, que l’analyse apporte beaucoup.

3.3 Questions de théorie et de stylistique

Si l’analyse permet de relativiser et de nourrir l’appréciation du


contenu d’un film, en montrant concrètement comment celui-ci se
constitue et se présente à son destinataire, elle permet aussi de
relativiser le rôle de la forme. Nous ne voulons pas suggérer une
symétrie entre forme et contenu, couple de notions qui a longtemps
été à la base des discours sur les films, mais qui a été critiqué
décisivement par les courants théoriques des années 1960-1970. Ce
qu’on appelle le contenu d’un film, c’est d’une part l’histoire qu’il
raconte (accessible via un récit), et d’autre part un ensemble de
représentations que l’on peut associer à cette histoire, par le biais de
ce qui est montré. La forme, c’est en principe tout ce qui manifeste
sensiblement ce contenu : le récit dans son incarnation
audiovisuelle, les éléments propres de l’image et du son (couleurs,
intensités lumineuses, vitesses, densités…). Mais, comme l’avaient
déjà proposé les formalistes russes dans les années 1920, il ne faut
pas oublier que le contenu a aussi une forme propre (la « forme du
contenu ») et que la mise en forme n’est pas une simple opération
technique et sans incidence sur le sens : elle a, en un sens, un
contenu (le « contenu de la forme »).
Pour prendre un exemple simple, le contenu de La Ligne rouge
(Malick, 1998), c’est l’histoire d’un personnage qui trouve la
rédemption de manière paradoxale en participant à une guerre
particulièrement sauvage ; mais c’est aussi une réflexion sur cette
guerre (un épisode bien connu de la guerre du Pacifique, la prise,
ruineuse en vies humaines, de Guadalcanal) et inversement, sur ce
que pourrait être une société sans guerre (le « paradis terrestre » du
début, où des hommes simples vivent simplement) ; par d’autres
aspects, c’est la question du racisme (et de son absence) ; et
comme tous les films de guerre, le contenu du film passe aussi par
une mise en avant d’un groupe humain plus ou moins typique, avec
ses relations internes. C’est, plus largement, l’imaginaire de la guerre
et ce à quoi il renvoie dans notre civilisation (entre autres, pour la
guerre du Pacifique, le choc des cultures états-unienne et
japonaise), et un autre imaginaire, l’utopie d’une société humaine
accordée à la nature. Mais c’est aussi les effets de surprise et de
violence affectant le spectateur, et qui sont produits, eux, par des
décisions matérielles en termes de cadre, de durée de plans, de
raccords.

Au début de son analyse de ce film, Chion (2004) pose une série de questions
telles que : « Pourquoi sommes-nous nés dans le monde et sommes-nous
partie du monde, en ayant en même temps le sentiment d’avoir été exilés ?
Pourquoi la beauté obsédante du monde ne nous empêche-t-elle pas d’être
seuls et de souffrir ? [etc.] » – qui disent bien la profondeur éventuelle du
contenu d’un tel film.

L’analyse, qui consiste à « défaire » le film pour le refaire sur un


plan plus abstrait, est propice à dépasser l’opposition forme/contenu,
car ce qu’elle met au jour ressortit à l’un comme à l’autre. Mais, de
même qu’elle permet de concrétiser l’interprétation idéologique d’un
film, elle a aussi pour résultat de fonder sur une enquête précise une
caractérisation de la forme du film, par exemple en termes de style.
De même que la lecture idéologique d’un film sans analyse risque
d’être appuyée sur des présupposés implicites, sa caractérisation
stylistique spontanée a des chances de mettre en jeu soit l’idée
toujours vague d’un style d’auteur (godardien, fordien, bressonnien,
spielbergien, voire nolanien ou guiraudesque…), soit des catégories
stylistiques banales, tels l’expressionnisme, le réalisme, la modernité,
le maniérisme ou le baroque, qui ont souvent servi à évacuer les
problèmes de forme plutôt qu’à les résoudre. Par exemple, une
analyse, même sommaire, du Cabinet du docteur Caligari (Wiene,
1920) – qui passe pour être le représentant le plus pur du style
expressionniste des années 1920 – permettra de s’apercevoir que,
contrairement à une idée ancienne (voir déjà Kurtz, 1926), ce film ne
crée pas un espace par le jeu de la lumière et de l’ombre, la plupart
des effets de lumière et d’ombre y étant peints. Inversement, une
analyse comparée de plusieurs films de Spielberg (notamment E.T.
[1982], Minority Report [2002], A.I. Intelligence artificielle [2001],
mais aussi la saga des Indiana Jones) mettra en évidence
l’importance primordiale, dans ces histoires fantastiques ou
merveilleuses, des jeux de lumière, au point d’avoir presque parfois
une quasi-autonomie, un discours propre.

3.4 L’analyse comme pratique propre

L’analyse est donc un outil puissant pour atteindre à la


compréhension d’un film (en dépassant le stade de la simple
appréhension du contenu narratif), pour en mettre au jour les
présupposés idéologiques, pour apprécier sa place dans une histoire
des formes filmiques. Mais ce n’est pas forcément sa visée
principale, et l’analyse de films a connu un développement suffisant
pour qu’on puisse la pratiquer pour elle-même : elle est aujourd’hui
devenue une activité sui generis, qui se pratique le plus souvent en
terrain universitaire, mais qui a ses méthodes propres, sa littérature
classique et son épistémologie.
L’analyse de films représente une part importante des
enseignements sur le cinéma à l’université. Les pratiques sont
variables, mais l’enseignement de l’analyse n’a de portée (et même
d’existence) que s’il consiste en une pratique de l’analyse, et de
préférence, une pratique partagée. C’est par excellence l’occasion de
rappeler le mot de Gilles Deleuze : « le maître n’est pas celui qui
dit : “fais comme moi” mais : “fais avec moi” ». Cela ne signifie pas
que l’enseignement de l’analyse doive toujours viser à produire des
analyses collectives, mais toute pédagogie de l’analyse repose sur un
dialogue, ou mieux, elle met en jeu une maïeutique : l’enseignant
fait surgir des propositions, en veillant à n’avoir pas trop d’avance
dans telle analyse particulière, mais en faisant jouer sa plus grande
expérience et sa meilleure connaissance des films pour intégrer dans
une perspective d’ensemble les remarques du groupe.
Par ailleurs, une analyse, qui engage beaucoup de décisions à
divers stades, peut être aussi un travail très personnel. On peut lui
donner une forme communicable, oralement ou par écrit, et la
rendre ainsi discutable, mais elle restera une œuvre individuelle,
manifestant des choix – argumentés, mais en partie arbitraires. On
le voit bien, a contrario, dans la pratique parfois proposée de
l’analyse de groupe (e. g. dans certains centres de recherche). En
principe, on peut espérer que le travail de groupe garantit mieux
contre l’arbitraire des choix interprétatifs (les délires
d’interprétation), et qu’un certain degré de vérification y est mieux
assuré. Travailler en groupe, c’est, pour chacun des participants,
soumettre aussitôt qu’il est élaboré chaque fragment d’analyse à la
critique et à un processus de rectification. Mais cela est aussi à
double tranchant : des erreurs ou des excès peuvent être évités,
mais d’un autre côté, cette critique et vérification permanente
peuvent devenir une quasi-censure et bloquer l’inventivité
nécessaire. Nous donnerons plus loin quelques exemples
d’entreprises analytiques collectives ayant évité ce travers, et donné
lieu à publication.
L’analyse de film reste majoritairement destinée à une
publication écrite, surtout dans ses pratiques universitaires, où
écrire reste le moyen le plus sûr de communiquer des idées. Les
avantages sont certains : en écrivant, on peut structurer les idées et
les arguments de manière plus rationnelle et plus claire ; un texte
écrit est le meilleur support pour une éventuelle discussion. Mais
l’analyse écrite a aussi des inconvénients, dont le principal est la
difficulté de transformer en phrases des sensations et des idées à
propos d’images mouvantes et sonores. Nous le redirons à propos
de la description : on ne peut remplacer l’expérience de la vision
d’un film par quelque texte que ce soit, si précis et sensible soit-il.
C’est pourquoi on a souvent considéré que l’analyse était plutôt un
genre oral, dont la transcription écrite est un pis-aller. Mais l’analyse
orale a les défauts de ses qualités, entre autres son évanescence :
une fois terminée, il n’en reste qu’un souvenir, ce qui ne facilite pas
les discussions. En réalité, ces deux pratiques sont deux façons
complémentaires de pratiquer l’analyse dans des contextes
différents ; il ne manque d’ailleurs pas d’exemples d’analyses
exposées oralement avant leur publication, ou inversement, reprises
pour des présentations orales après publication.
Un aspect important de l’histoire de l’analyse de film est son
rapport au film lui-même, et à ses diverses reproductions. Les
premières analyses ont dû être faites à partir de visions répétées du
film projeté – les meilleures conditions pour voir un film, mais pas
pour y faire des repérages précis – ; la pratique a beaucoup changé
depuis l’apparition, vers 1980, des moyens de reproduction de films
accessibles au grand public. La cassette vidéo a été pendant une
quinzaine d’années un outil précieux, malgré ses défauts
(impossibilité de faire des repérages précis, qualité d’image et de
son médiocre) ; le DVD enfin a donné un accès confortable et
commode à un très grand nombre de films. Depuis quinze ans, la
plupart des analyses effectuées l’ont été à partir d’un travail sur
DVD, puis, à mesure que se développaient de nouveaux modes de
diffusion comme la VOD ou le streaming, également à partir de
copies sous forme de fichiers numériques. Cependant, un instrument
n’est qu’un instrument, et il est essentiel de ne pas oublier qu’il n’est
pas le film lui-même. Analyser un film à partir d’un DVD ou d’un
fichier téléchargé, c’est comme analyser une peinture à partir de sa
reproduction : il faut toujours, avant de terminer l’analyse, revenir
à l’original. En cinéma, la notion d’original se présente autrement –
et il y a moins de différences entre une édition en DVD et le film lui-
même depuis que celui-ci est diffusé en copies numériques –, mais
ce qui joue le rôle d’« original », ce sont les conditions de vision : le
film, c’est ce dont on a l’expérience dans une projection d’assez
grande taille, en continu, et dans une salle assez obscure pour ne
pas affecter l’image.
Enfin, il faut ajouter, aux possibilités de réalisation et de
communication de l’analyse, celle qui consiste à en faire une œuvre
audiovisuelle. La réalisation de tels produits est devenue également
bien plus facile, grâce à des logiciels de montage « grand public »,
certains très simples. Le principal intérêt de cette solution est de
permettre de citer littéralement des extraits du film qu’on analyse, ce
qui est impossible dans une publication écrite. Toutefois, il ne faut
pas surestimer l’intérêt de ce mode de présentation, qui revient le
plus souvent à fixer une fois pour toutes un exposé oral, appuyé sur
des extraits du film (et éventuellement d’autres films ou d’autres
documents, photographiques notamment). Une véritable analyse
audiovisuelle d’une œuvre audiovisuelle en serait une espèce de
remontage, qui ne se présenterait plus exactement comme un
exposé mais comme une œuvre d’art, et de cela il est très peu
d’exemples. Godard a réalisé un grand nombre d’œuvres de
montage d’extraits et de documents (notamment les Histoire(s) du
cinéma [1988-1998]), mais ce ne sont pas des analyses suivies d’un
film particulier. Dans ce domaine on peut citer un tout petit nombre
de réalisations qui ont cherché à être réellement des analyses par
l’image, et non pas seulement en image. C’est là un domaine encore
en devenir, handicapé il est vrai par le manque de moyens de
diffusion adéquats (voir chap. 5, § 5.2).

4. Conclusion : pour une définition


de l’analyse de film
De ce survol, nous retiendrons quelques principes généraux,
valables pour toute analyse de film :
1°, il n’existe pas de méthode universelle d’analyse des
films, chaque analyse est singulière et adaptée à son objet ; en
revanche l’analyse s’inscrit généralement dans une perspective
disciplinaire ou quasi disciplinaire, qu’il faut expliciter ; en
outre, elle est tenue à une certaine rationalité, et notamment au
souci de l’argumentation ;
2°, l’analyse vise à donner du sens à une œuvre à partir d’un
commentaire de certains de ses aspects ; elle est donc, en pratique,
interminable, car il restera toujours des éléments à analyser dans
un film (quitte à changer de point de vue) ; elle est aussi un acte
personnel, fondé sur l’invention de l’analyste ;
3°, l’analyse ne peut se mener à bien innocemment : on ne peut
analyser un film sans tenir compte de sa place dans l’histoire du
cinéma, ni sans savoir ce qui éventuellement a déjà été écrit à son
sujet.
Le premier principe est essentiel, et nous avons déjà insisté sur le
fait qu’il n’existe aucune méthode applicable à tout film
indifféremment. L’analyse est destinée, par sa précision, à s’opposer
aux discours impressionnistes sur les films, et à produire des
interprétations en les argumentant ; elle est toujours fondée sur des
principes assez stricts. Mais il ne faut pas espérer que ces principes
puissent se formuler sous une forme comparable à la méthode
expérimentale dans les sciences exactes. Toutes les tentatives pour
établir une grille universelle d’analyse reposent sur la même erreur
épistémologique, consistant à confondre les sciences humaines et les
sciences « dures ». La rigueur peut être la même ici et là, mais il y
aura toujours une essentielle différence, pour une raison simple :
l’analyse de film n’a pas affaire à du répétable, au sens des sciences
de la nature ; chaque analyse est nouvelle, ce qui est répétable
étant toujours partiel par rapport aux phénomènes. Cela n’empêche
pas d’imaginer des approches à portée générale – mais elles doivent
toujours être spécifiées, et parfois ajustées à l’objet qu’elles traitent.
Nous reviendrons plus loin (chap. 7, § 3) sur la question de la fin
de l’analyse, et terminerons cette entrée en matière sur un exemple,
destiné entre autres à illustrer l’idée que l’analyse n’est jamais
innocente. Film-monstre, unique par bien des traits, longtemps en
tête des listes des « meilleurs films de tous les temps »3, Citizen
Kane (Orson Welles, 1941) a aussi été l’un des films les plus
commentés de l’histoire du cinéma, au statut de classique encore
indiscuté : malgré son échec commercial, il marque le culmen du
cinéma d’auteur à Hollywood, et il est un jalon essentiel dans toute
généalogie des styles filmiques (quoiqu’il n’ait jamais été vraiment
imité). Sa richesse formelle est impressionnante : construction
narrative imbriquant divers niveaux ; mise en scène expressive et
jeu d’acteurs extraverti avouant leur origine théâtrale ; traitement
polyphonique de la bande sonore ; exagération de certains traits de
l’image (focale courte, contre-plongée, plan long, montages brefs,
très gros plans…). Il est évident qu’on n’aborde pas un film aussi
célèbre avec innocence : analyser Citizen Kane, c’est un peu comme
analyser la Joconde ou La Recherche du temps perdu : avant d’avoir
affaire à l’œuvre même, il faudra traverser d’épaisses couches de
commentaires sédimentés – mais d’autre part l’erreur (sur la place
du film dans l’histoire, sur ses propriétés) ne sera pas permise.
Cela n’empêchera pas que l’analyste doive, comme devant
n’importe quel film, s’interroger, d’abord sur l’ampleur de l’objet qu’il
va traiter : tout le film, ou seulement un morceau ? (tels
Ropars & Marie, 1980) ; ensuite, sur le type de lecture qu’il désire
pratiquer : analyse de la mise en scène et de son caractère
fortement « auteuriste » (Bazin, 1950) ; analyse des flash-back et de
la temporalité narrative (Naremore, 1978) ; analyse de type
« énonciatif » (position des diverses « voix », celles des
personnages, des narrateurs intradiégétiques et du narrateur
extradiégétique) (Chateau, 1993) ; analyse stylistique repérant les
écarts par rapport au style classique hollywoodien de 1940
(Bordwell, 1971) ; approche psychanalytique, appliquée au
personnage central (Mulvey, 2012) ou à la question du souvenir et
du fantasme (Joxe, 1993) ; étude génétique (Kael, 1971 ; Carringer,
1976 ; Berthomé & Thomas, 1992). C’est l’ensemble de ces choix
que nous allons reprendre et développer dans les chapitres suivants.
Chapitre 2

Objets analysables, instruments


de l’analyse

1. Taille et types d’objets

L’analyse de films a pour objet les films. Mais on n’analyse pas un


film pour le plaisir d’exercer son intelligence ou de prouver sa
culture ; il s’agit toujours de répondre à une question, qui peut avoir
une portée et un domaine variables ; l’objet de l’analyse, c’est
moins le film que cette question posée, à laquelle il s’agit de
répondre. C’est pourquoi l’analyse de film ne prend pas toujours la
forme de l’analyse d’un film. Analyser un film individuel est le geste
le plus naturel, puisqu’il prolonge l’attitude spontanée du spectateur
réfléchissant à ses propres réactions. Mais dès lors qu’on accepte
d’entrer dans l’analyse, c’est-à-dire dans un travail qui ne vise plus
seulement à éclairer nos émotions mais à travailler des questions
objectives, les possibilités sont plus variées, de l’analyse d’une
minute de film à celle d’un corpus de 200 films.
Or il ne revient pas au même d’analyser un film, plusieurs films ou
un fragment de film, même si cela reste toujours « de l’analyse de
film ». Ce n’est pas seulement une question de taille : une analyse
de fragment n’est pas un fragment d’analyse, et l’analyse d’une
collection de films n’est pas une collection d’analyses. Chacune de
ces entreprises doit définir sa visée et sa démarche, sur lesquelles la
taille de l’objet analysé a des répercussions ; l’analyse d’un morceau
de film ne s’attache pas aux mêmes aspects que celle d’un film
entier, a fortiori d’un ensemble de films. Par rapport à l’analyse d’un
film entier, celle d’un morceau de film est une espèce de zoom, qui
met en évidence la structure fine, et a tendance à masquer les
phénomènes plus larges ; inversement, l’analyse d’un groupe de
films est une sorte de réduction de chacun des films, qui amène à
s’intéresser de moins près à ses détails, en y cherchant des points
communs, ou comparables, avec les autres films du groupe.

1.1 Le fragment : ambiguïtés d’une notion

L’analyse porte souvent sur un fragment de film. Mais cette notion


pose problème, pour deux types de raisons différents. D’une part,
elle est un peu vague, et laisse beaucoup d’incertitude sur la
manière dont ce fragment est obtenu à partir d’un tout ; il ne revient
pas au même de choisir un morceau déterminé par une unité
d’action, par des effets de « ponctuation » (fondus au noir par
exemple), par une homogénéité figurative, par une combinaison de
ces critères – ou au hasard. D’autre part, l’origine littéraire du mot,
en particulier depuis la critique romantique, lui a donné une aura
complexe, qui met en avant le fait que le fragment s’obtiendrait en
« cassant » l’œuvre, et impliquerait qu’on s’en prenne à la notion
d’œuvre elle-même. Il y a eu peu de discussions à propos de ce
terme appliqué aux films ; la plus notable a été menée dans le
contexte non de l’analyse, mais, autour de 1970, à propos du
montage et de la question du plan, au moment où paraissaient de
nouvelles traductions de textes d’Eisenstein ; en effet, celui-ci utilise
souvent un mot russe qui signifie « morceau », mais en lui donnant
un sens particulier qui a amené à le traduire par « fragment », jugé
plus expressif ; cependant c’est là une décision de traduction parmi
d’autres possibles, et il est exagéré d’en tirer, comme on a pu le
faire, des conséquences radicales, opposant le plan (ou la séquence)
au fragment. A fortiori, il n’y a jamais eu de tentative pour rapporter
sérieusement la notion de fragment filmique à sa lointaine origine
romantique (ce qui n’aurait pas été sans intérêt au plan culturel).
Bref, c’est un terme conventionnel, qu’il ne faut pas prendre à la
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American war, from an Eirish corporal, of the name of Dochart
O’Flaucherty, at Dalkeith fair, when he was at his ’prenticeship; he,
not being accustomed to malt-liquor, having got fouish and frisky—
which was not his natural disposition—over half-a-bottle of porter.
From this it will easily be seen, in the first place, that it would be with
a fecht that his master would get him off, by obliging the corporal to
take back the trepan money; in the second place, how long a date
back it is since the Eirish began to be the death of us; and in
conclusion, that my honoured faither got such a fleg as to spane him
effectually, for the space of ten years, from every drinkable stronger
than good spring-well water. Let the unwary take caution; and may
this be a wholesome lesson to all whom it may concern.
In this family history it becomes me, as an honest man, to make
passing mention of my faither’s sister, auntie Mysie, that married a
carpenter and undertaker in the town of Jedburgh; and who, in the
course of nature and industry, came to be in a prosperous and
thriving way; indeed so much so, as to be raised from the rank of a
private head of a family, and at last elected, by a majority of two
votes over a famous cow-doctor, a member of the town-council itself.
There is a good story, howsoever, connected with this business,
with which I shall make myself free to wind up this somewhat fusty
and fuzzionless chapter.
Well, ye see, some great lord,—I forget his name, but no matter,—
that had made a most tremendous sum of money, either by foul or
fair means, among the blacks in the East Indies, had returned before
he died, to lay his bones at home, as yellow as a Limerick glove, and
as rich as Dives in the New Testament. He kept flunkies with plush
small-clothes, and sky-blue coats with scarlet-velvet cuffs and
collars,—lived like a princie, and settled, as I said before, in the
neighbourhood of Jedburgh.
The body, though as brown as a toad’s back, was as pridefu’ and
full of power as auld king Nebuchadneisher; and how to exhibit all
his purple and fine linen, he aye thought and better thought, till at
last the happy determination came ower his mind like a flash of
lightning, to invite the bailies, deacons, and town-council, all in a
body, to come in and dine with him.
Save us! what a brushing of coats, such a switching of stoury
trousers, and bleaching of white cotton stockings, as took place
before the catastrophe of the feast, never before happened since
Jeddart was a burgh. Some of them that were forward, and geyan
bold in the spirit, crawed aloud for joy at being able to boast that
they had received an invitation letter to dine with a great lord; while
others, as proud as peacocks of the honour, yet not very sure as to
their being up to the trade of behaving themselves at the tables of the
great, were mostly dung stupid with not kenning what to think. A
council meeting or two was held in the gloamings, to take such a
serious business into consideration; some expressing their fears and
inward down-sinking, while others cheered them up with a fillip of
pleasant consolation. Scarcely a word of the matter for which they
were summoned together by the town-offisher—and which was about
the mending of the old bell-rope—was discussed by any of them. So,
after a sowd of toddy was swallowed, with the hopes of making them
brave men, and good soldiers of the magistracy, they all plucked up a
proud spirit, and, do or die, determined to march in a body up to the
gate, and forward to the table of his lordship.
My uncle, who had been one of the ringleaders of the chicken-
hearted, crap away up among the rest, with his new blue coat on,
shining fresh from the ironing of the goose, but keeping well among
the thick, to be as little kenspeckle as possible; for all the folk of the
town were at their doors and windows to witness the great occasion
of the town-council going away up like gentlemen of rank to take
their dinner with his lordship. That it was a terrible trial to all cannot
be for a moment denied; yet some of them behaved themselves
decently; and if we confess that others trembled in the knees, as if
they were marching to a field of battle, it was all in the course of
human nature.
Yet ye would wonder how they came on by degrees; and, to cut a
long tale short, at length found themselves in a great big room, like a
palace in a fairy tale, full of grand pictures with gold frames, and
looking-glasses like the side of a house, where they could see down to
their very shoes. For a while they were like men in a dream, perfectly
dazzled and dumfoundered; and it was five minutes before they
could either see a seat, or think of sitting down. With the reflection of
the looking-glasses, one of the bailies was so possessed within
himself that he tried to chair himself where chair was none, and
landed, not very softly, on the carpet; while another of the deacons, a
fat and dumpy man, as he was trying to make a bow, and throw out
his leg behind him, tramped on a favourite Newfoundland dog’s tail,
that, wakening out of his slumbers with a yell that made the roof
ring, played drive against my uncle, who was standing abaft, and
wheeled him like a butterflee, side foremost, against a table with a
heap o’ flowers on’t, where, in trying to kep himself, he drove his
head, like a battering ram, through a looking-glass, and bleached
back on his hands and feet on the carpet.
Seeing what had happened, they were all frightened; but his
lordship, after laughing heartily, was politer, and kent better about
manners than all that; so, bidding the flunkies hurry away with the
fragments of the china jugs and jars, they found themselves,
sweating with terror and vexation, ranged along silk settees, cracking
about the weather and other wonderfuls.
Such a dinner! The fume of it went round about their hearts like
myrrh and frankincense. The landlord took the head of the table, the
bailies the right and left of him; the deacons and councillors were
ranged along the sides like files of sodgers; and the chaplain, at the
foot, said grace. It is entirely out of the power of man to set down on
paper all that they got to eat and drink; and such was the effect of
French cookery, that they did not ken fish from flesh. Howsoever, for
all that, they laid their lugs in everything that lay before them, and
what they could not eat with forks, they supped with spoons; so it
was all to one purpose.
When the dishes were removing, each had a large blue glass bowl
full of water, and a clean calendered damask towel, put down by a
smart flunkey before him; and many of them that had not helped
themselves well to the wine while they were eating their steaks and
French frigassees, were now vexed to death on that score, imagining
that nothing remained for them but to dight their nebs and flee up.
Ignorant folk should not judge rashly, and the worthy town-
council were here in error; for their surmises, however feasible, did
the landlord wrong. In a minute they had fresh wine decanters
ranged down before them, filled with liquors of all variety of colours,
red, green, and blue; and the table was covered with dishes full of
jargonelles and pippins, raisins and almonds, shell walnuts and
plum-damases, with nutcrackers, and everything else they could
think of eating; so that after drinking “The King, and long life to
him,” and “The constitution of the country at home and abroad,” and
“Success to trade,” and “A good harvest,” and “May ne’er waur be
among us,” and “Botheration to the French,” and “Corny toes and
short shoes to the foes of old Scotland,” and so on, their tongues
began at length not to be so tacked; and the weight of their own
dignity, that had taken flight before his lordship, came back and
rested on their shoulders.
In the course of the evening, his lordship whispered to one of the
flunkies to bring in some things—they could not hear what—as the
company might like them. The wise ones thought within themselves
that the best aye comes hindmost; so in brushed a powdered valet,
with three dishes on his arm of twisted black things, just like sticks of
Gibraltar-rock, but different in the colour.
Bailie Bowie helped himself to a jargonelle, and Deacon Purves to
a wheen raisins; and my uncle, to show that he was not frightened,
and kent what he was about, helped himself to one of the long black
things, which, without much ceremony, he shoved into his mouth,
and began to. Two or three more, seeing that my uncle was up to
trap, followed his example, and chewed away like nine-year olds.
Instead of the curious-looking black thing being sweet as honey,—
for so they expected,—they soon found they had catched a Tartar; for
it had a confounded bitter tobacco taste. Manners, however, forbade
them laying it down again, more especially as his lordship, like a man
dumfoundered, was aye keeping his eye on them. So away they
chewed, and better chewed, and whammelled them round in their
mouths, first in one cheek, and then in the other, taking now and
then a mouthful of drink to wash the trash down, then chewing away
again, and syne another whammel from one cheek to the other, and
syne another mouthful, while the whole time their een were staring
in their heads like mad, and the faces they made may be imagined,
but cannot be described. His lordship gave his eyes a rub, and
thought he was dreaming, but no—there they were bodily, chewing
and whammelling, and making faces; so no wonder that, in keeping
in his laugh, he sprung a button from his waistcoat, and was like to
drop down from his chair, through the floor, in an ecstasy of
astonishment, seeing they were all growing sea-sick, and as pale as
stucco-images.
Frightened out of his wits at last, that he would be the death of the
whole council, and that more of them would poison themselves, he
took up one of the cigars,—every one knows cigars now, for they are
fashionable among the very sweeps,—which he lighted at the candle,
and commenced puffing like a tobacco-pipe.
My uncle and the rest, if they were ill before, were worse now; so
when they got to the open air, instead of growing better, they grew
sicker and sicker, till they were waggling from side to side like ships
in a storm; and, no kenning whether their heels or heads were
uppermost, went spinning round about like peeries.
“A little spark may make muckle wark.” It is perfectly wonderful
what great events spring out of trifles, or what seem to common eyes
but trifles. I do not allude to the nine days’ deadly sickness, that was
the legacy of every one that ate his cigar, but to the awful truth, that
at the next election of councillors, my poor uncle Jamie was
completely blackballed—a general spite having been taken to him in
the townhall, on account of having led the magistracy wrong, by
doing what he ought to have let alone, thereby making himself and
the rest a topic of amusement to the world at large, for many and
many a month.
Others, to be sure, it becomes me to mention, have another version
of the story, and impute the cause of his having been turned out to
the implacable wrath of old Bailie Bogie, whose best black coat,
square in the tails, that he had worn only on the Sundays for nine
years, was totally spoiled, on their way home in the dark from his
lordship’s, by a tremendous blash that my unfortunate uncle
happened, in the course of nature, to let flee in the frenzy of a deadly
upthrowing.—The Life of Mansie Wauch, Tailor in Dalkeith.
JOHN BROWN;
OR, THE HOUSE IN THE MUIR.

John Brown, the Ayr, or as he was more commonly designated by


the neighbours, the Religious, Carrier, had been absent, during the
month of January (1685), from his home in the neighbourhood of
Muirkirk, for several days. The weather, in the meantime, had
become extremely stormy, and a very considerable fall of snow had
taken place. His only daughter, a girl of about eleven years of age,
had frequently, during the afternoon of Saturday, looked out from
the cottage door into the drift, in order to report to her mother, who
was occupied with the nursing of an infant brother, the anxious
occurrences of the evening. “Help,” too, the domestic cur, had not
remained an uninterested spectator of the general anxiety, but by
several fruitless and silent excursions into the night, had given
indisputable testimony that the object of his search had not yet
neared the solitary shieling. It was a long, and a wild road, lying over
an almost trackless muir, along which John Brown had to come; and
the cart track, which even in better weather, and with the advantage
of more daylight, might easily be mistaken, had undoubtedly, ere
this, become invisible. Besides, John had long been a marked bird,
having rendered himself obnoxious to the “powers that were,” by his
adherence to the Sanquhar declaration, his attending field-
preachings, or as they were termed “conventicles,” his harbouring of
persecuted ministers, and, above all, by a moral, a sober, and a
proverbially devout and religious conduct.
In an age when immorality was held to be synonymous with
loyalty, and irreligion with non-resistance and passive obedience, it
was exceedingly dangerous to wear such a character, and,
accordingly, there had not been wanting information to the prejudice
of this quiet and godly man. Clavers, who, ever since the affair of
Drumclog, had discovered more of the merciless and revengeful
despot than of the veteran or hero, had marked his name, according
to report, in his black list; and when once Clavers had taken his
resolution and his measures, the Lord have mercy upon those against
whom these were pointed! He seldom hesitated in carrying his plans
into effect, although his path lay over the trampled and lacerated
feelings of humanity. Omens, too, of an unfriendly and evil-boding
import, had not been wanting in the cottage of John to increase the
alarm. The cat had mewed suspiciously, had appeared restless, and
had continued to glare in hideous indication from beneath the
kitchen bed. The death-watch, which had not been noticed since the
decease of the gudeman’s mother, was again, in the breathless pause
of listening suspense, heard to chick distinctly; and the cock, instead
of crowing, as on ordinary occasions, immediately before day-dawn,
had originated a sudden and alarming flap of his wings, succeeded by
a fearful scream, long before the usual bedtime.
It was a gloomy crisis; and after a considerable time spent in dark
and despairing reflection, the evening lamp was at last trimmed, and
the peat fire repaired into something approaching to a cheerful
flame. But all would not do; for whilst the soul within is disquieted
and in suspense, all external means and appliances are inadequate to
procure comfort, or impart even an air of cheerfulness. At last Help
suddenly lifted his head from the hearth, shook his ears, sprung to
his feet, and with something betwixt a growl and a bark, rushed
towards the door, at which the yird drift was now entering copiously.
It was, however, a false alarm. The cow had moved beyond the
“hallan,” or the mice had come into sudden contact, and squeaked
behind the rafters. John, too, it was reasoned betwixt mother and
daughter, was always so regular and pointed in his arrivals, and this
being Saturday night, it was not a little or an insignificant
obstruction that could have prevented him from being home, in due
time, at least, for family worship. His cart, in fact, had usually been
pitched up, with the trams supported against the peat-stack, by two
o’clock in the afternoon; and the evening of his arrival from his
weekly excursion to Ayr was always an occasion of affectionate
intercourse, and more than ordinary interest. Whilst his disconsolate
wife, therefore, turned her eyes towards her husband’s chair, and to
the family Bible, which lay in a “bole” within reach of his hand, and
at the same time listened to the howling and intermitting gusts of the
storm, she could not avoid—it was not in nature that she should—
contrasting her present with her former situation; thus imparting
even to objects of the most kindly and comforting association, all the
livid and darkening hues of her disconsolate mind. But there is a
depth and a reach in true and genuine piety, which the plummet of
sorrow may never measure. True religion sinks into the heart as the
refreshing dew does into the chinks and the crevices of the dry and
parched soil; and the very fissures of affliction, the cleavings of the
soul, present a more ready and inviting, as well as efficient access, to
the softening influence of piety.
This poor woman began gradually to think less of danger, and
more of God—to consider as a set-off against all her fruitless
uneasiness, the vigilance and benevolence of that powerful Being, to
whom, and to whose will, the elements, in all their combinations and
relations, are subservient; and having quieted her younger child in
the cradle, and intimated her intention by a signal to her daughter,
she proceeded to take down the family Bible, and to read out in a
soft, and subdued, but most devout and impressive voice, the
following lines:—
I waited for the Lord my God,
And patiently did bear;
At length to me he did incline
My voice and cry to hear.

These two solitary worshippers of Him whose eyes are on the just,
and whose ear is open to their cry, had proceeded to the beginning of
the fourth verse of this psalm, and were actually employed in singing
with an increased and increasing degree of fervour and devotion, the
following trustful and consolatory expressions—
O blessed is the man whose trust
Upon the Lord relies,

when the symphony of another and a well-known voice was felt to be


present, and they became at once assured that the beloved object of
their solicitude had joined them, unseen and unperceived, in the
worship. This was felt by all to be as it ought to have been; nor did
the natural and instinctive desire to accommodate the weary and
snow-covered traveller with such conveniences and appliances as his
present condition manifestly demanded, prevent the psalm-singing
from going on, and the service from being finished with all suitable
decency. Having thus, in the first instance, rendered thanks unto
God, and blessed and magnified that mercy which pervades, and
directs, and over-rules every agent in nature, no time was lost in
attending to the secondary objects of inquiry and manifestation, and
the kind heart overflowed, whilst the tongue and the hand were
busied in “answer meet” and in “accommodation suitable.”
In all the wide range of Scotland’s muirs and mountains, straths
and glens, there was not to be found this evening a happier family
than that over which John Brown, the religious carrier, now
presided. The affectionate inquiries and solicitous attentions of his
wife,—of his partner trusty and tried, not only under the cares and
duties of life, but in the faith, in the bonds of the covenant, and in all
the similarity of sentiment and apprehension upon religious
subjects, without which no matrimonial union can possibly ensure
happiness,—were deeply felt and fully appreciated. They two had sat
together in the “Torwood,” listening to the free and fearless accents
of excommunication, as they rolled in dire and in blasting destiny
from the half-inspired lips of the learned and intrepid Mr Donald
Cargill. They had, at the risk of their lives, harboured for a season,
and enjoyed the comfortable communion and fellowship of Mr
Richard Cameron, immediately previous to his death in the
unfortunate rencounter at “Airsmoss.” They had followed into and
out the shire of Ayr, the zealous and eloquent Mr John King, and that
even in spite of the interdict of council, and after that a price had
been set upon the preacher’s head. Their oldest child had been
baptised by a Presbyterian and ejected minister under night, and in
the midst of a wreath of snow, and the youngest was still awaiting the
arrival of an approven servant of God, to receive the same sanctified
ordinance. And if at times a darker thought passed suddenly across
the disc of their sunny hearts, and if the cause of a poor persecuted
remnant, the interests of a reformed, and suffering, and bleeding
church, supervened in cloud upon the general quietude and
acquiescence of their souls, this was instantly relieved and dispersed
by a deeper, and more sanctified and more trustful tone of feeling;
whilst amidst the twilight beams of prophecy, and the invigorating
exercise of faith, the heart was disciplined and habituated into hope,
and reliance, and assurance. And if at times the halloo, and the yells,
and the clatter of persecution, were heard upon the hill-side, or up
the glen, where the Covenanters’ Cave was discovered, and five
honest men were butchered under a sunny morning, and in cold
blood,—and if the voice of Clavers, or of his immediate deputy in the
work of bloody oppression, “Red Rob,” came occasionally in the
accents of vindictive exclamation, upon the breeze of evening; yet
hitherto the humble “Cottage in the Muir” had escaped notice, and
the tread and tramp of man and horse had passed mercifully, and
almost miraculously by. The general current of events closed in upon
such occasional sources of agitation and alarm, leaving the house in
the muir in possession of all that domestic happiness, and even
quietude, which its retirement and its inmates were calculated to
ensure and to participate.
Early next morning the cottage of John Brown was surrounded by
a troop of dragoons, with Clavers at their head. John, who had
probably a presentiment of what might happen, urged his wife and
daughter to remain within doors, insisting that as the soldiers were,
in all likelihood, in search of some other individual, he should soon
be able to dismiss them. By this time the noise, occasioned by the
trampling and neighing of horses, commingled with the hoarse and
husky laugh and vociferations of the dragoons, had brought John,
half-dressed and in his night-cap, to the door. Clavers immediately
accosted him by name; and in a manner peculiar to himself, intended
for something betwixt the expression of fun and irony, he proceeded
to make inquiries respecting one “Samuel Aitkin, a godly man, and a
minister of the word, one outrageously addicted to prayer, and
occasionally found with the sword of the flesh in one hand, and that
of the spirit in the other, disseminating sedition, and propagating
disloyalty among his Majesty’s lieges.”
John admitted at once that the worthy person referred to was not
unknown to him, asserting, however, at the same time, that of his
present residence or place of hiding he was not free to speak. “No
doubt, no doubt,” rejoined the questioner, “you, to be sure, know
nothing!—how should you, all innocence and ignorance as you are?
But here is a little chip of the old block, which may probably recollect
better, and save us the trouble of blowing out her father’s brains, just
by way of making him remember a little more accurately.” “You, my
little farthing rush-light,” continued “Red Rob,”[2] alighting from his
horse, and seizing the girl rudely, and with prodigious force by the
wrists,—“you remember an old man with a long beard and a bald
head, who was here a few days ago, baptizing your sister, and giving
many good advices to father and mother, and who is now within a
few miles of this house, just up in a nice snug cave in the glen there,
to which you can readily and instantly conduct us, you know?” The
girl looked first at her mother, who had now advanced into the
doorway, then at her father, and latterly drooped her head, and
continued to preserve a complete silence.
2. “Red Rob,” the “Bothwell,” probably, of “Old Mortality,” was, in fact, the
right hand man of Clavers on all occasions, and has caused himself long to be
remembered amidst the peasantry of the West of Scotland, not only by the
dragoon’s red cloak, which he wore, but still more by his hands, crimsoned in the
blood of his countrymen!
“And so,” continued the questioner, “you are dumb; you cannot
speak; your tongue is a little obstinate or so, and you must not tell
family secrets. But what think you, my little chick, of speaking with
your fingers, of having a pat and a proper and a pertinent answer just
ready, my love, at your finger ends, as one may say. As the Lord lives,
and as my soul lives, but this will make a dainty nosegay” (displaying
a thumbikin or fingerscrew) “for my sweet little Covenanter; and
then” (applying the instrument of torture, meanwhile, and adjusting
it to the thumb) “you will have no manner of trouble whatever in
recollecting yourself; it will just come to you like the lug of a stoup,
and don’t knit your brows so” (for the pain had become insufferable);
“then we shall have you quite chatty and amusing, I warrant.” The
mother, who could stand this no longer, rushed upon the brutal
executioner, and with expostulations, threats, and the most
impassioned entreaties, endeavoured to relax the questioner’s twist.
“Can you, mistress, recollect anything of this man we are in quest
of?” resumed Clavers, haughtily. “It may save us both some trouble,
and your daughter a continuance and increase of her present
suffering, if you will just have the politeness to make us acquainted
with what you happen to know upon the subject.” The poor woman
seemed for an instant to hesitate; and her daughter looked most
piteously and distractedly into her countenance, as if expectant and
desirous of respite, through her mother’s compliance. “Woman!”
exclaimed the husband, in a tone of indignant surprise, “hast thou so
soon forgot thy God? And shall the fear of anything which man can
do induce thee to betray innocent blood?” He said no more; but he
had said enough, for from that instant the whole tone of his wife’s
feelings was changed, and her soul was wound up as if by the hand of
Omnipotence, into resolution and daring. “Bravo!” exclaimed the
arch persecutor, “Bravo! old Canticles; thou word’st it well; and so
you three pretty innocents have laid your holy heads together, and
you have resolved to die, should it so please God and us, with a secret
in your breast, and a lie in your mouth, like the rest of your psalm-
singing, hypocritical, canting sect, rather than discover gude Mr
Aitken!—pious Mr Aitken!—worthy Mr Aitken! But we shall try what
light this little telescope of mine will afford upon the subject,”
pointing at the same time to a carabine or holster pistol, which hung
suspended from the saddle of his horse. “This cold frosty morning,”
continued Clavers, “requires that one should be employed, were it for
no other purpose than just to gain heat by the exercise. And so, old
pragmatical, in order that you may not catch cold, by so early an
exposure to the keen air, we will take the liberty,” (hereupon the
whole troop gathered round, and presented muskets), “for the
benefit of society, and for the honour and safety of the King, never to
speak of the glory of God and the good of souls,—simply and
unceremoniously, and in the neatest and most expeditious manner
imaginable, to blow out your brains.” John Brown dropped down
instantly, and as it were instinctively, upon his knees, whilst his wife
stood by in seeming composure, and his daughter had happily
become insensible to all external objects and transactions whatever.
“What!” exclaimed Clavers, “and so you must pray too, to be sure,
and we shall have a last speech and a dying testimony lifted up in the
presence of peat-stack and clay walls and snow wreaths; but as these
are pretty staunch and confirmed loyalists, I do not care though we
entrust you with five minutes of devotional exercise, provided you
steer clear of King, Council, and Richard Cameron,—so proceed,
good John, but be short and pithy. My lambs are not accustomed to
long prayers, nor will they readily soften under the pathetic whining
of your devotions.” But in this last surmise Clavers was for once
mistaken; for the prayer of this poor and uneducated man ascended
that morning in expressions at once so earnest, so devout, and so
overpoweringly pathetic, that deep silence succeeded at last to oaths
and ribaldry; and as the following concluding sentences were
pronounced, there were evident marks of better and relenting
feelings:—“And now, gude Lord,” continued this death-doomed and
truly Christian sufferer, “since Thou hast nae mair use for Thy
servant in this world, and since it is Thy good and rightful pleasure
that I should serve Thee better and love Thee more elsewhere, I leave
this puir widow woman, with the helpless and fatherless children,
upon Thy hands. We have been happy in each other here, and now
that we are to part for awhile, we maun e’en look forward to a more
perfect and enduring happiness hereafter. As for the puir blindfolded
and infatuated creatures, the present ministers of Thy will, Lord,
reclaim them from the error and the evil of their courses ere it be too
late; and may they who have sat in judgment and in oppression in
this lonely place, and on this blessed morning, and upon a puir weak
defenceless fellow-creature, find that mercy at last from Thee which
they have this day refused to Thy unworthy but faithful servant.”
“Now, Isbel,” continued this defenceless and amiable martyr, “the
time is come at last, of which, you know, I told you on that day when
first I proposed to unite hand and heart with yours; and are you
willing, for the love of God and His rightful authority, to part with me
thus?” To which the poor woman replied with perfect composure,
“The Lord gave, and He taketh away. I have had a sweet loan of you,
my dear John, and I can part with you for His sake, as freely as ever I
parted with a mouthful of meat to the hungry, or a night’s lodging to
the weary and benighted traveller.” So saying, she approached her
still kneeling and blindfolded husband, clasped him round the neck,
kissed and embraced him closely, and then lifting up her person into
an attitude of determined endurance, and eyeing from head to foot
every soldier who stood with his carabine levelled, she retired slowly
and firmly to the spot which she had formerly occupied. “Come,
come, let’s have no more of this whining work,” interrupted Clavers
suddenly. “Soldiers! do your duty.” But the words fell upon a circle of
statues; and though they all stood with their muskets presented,
there was not a finger which had power to draw the fatal trigger.
Then ensued an awful pause, through which a “God Almighty bless
your tender hearts,” was heard coming from the lips of the now
agitated and almost distracted wife. But Clavers was not in the habit
of giving his orders twice, or of expostulating with disobedience. So,
extracting a pistol from the holster of his saddle, he primed and
cocked it, and then walking firmly and slowly up through the circle
close to the ear of his victim.
There was a momentary murmur of discontent and of
disapprobation amongst the men as they looked upon the change
which a single awful instant had effected; and even “Red Rob,”
though a Covenanting slug still stuck smarting by in his shoulder,
had the hardihood to mutter, loud enough to be heard, “By God, this
is too bad!” The widow of John Brown gave one, and but one shriek
of horror as the fatal engine exploded; and then, addressing herself
leisurely, as if to the discharge of some ordinary domestic duty, she
began to unfold a napkin from her neck. “What think ye, good
woman, of your bonny man now?” vociferated Clavers, returning, at
the same time, the pistol, with a plunge, into the holster from which
it had been extracted. “I had always good reason,” replied the woman
firmly and deliberately, “to think weel o’ him, and I think mair o’ him
now than ever. But how will Graham of Claverhouse account to God
and man for this morning’s work?” continued the respondent firmly.
“To man,” answered the ruffian, “I can be answerable; and as to God,
I will take Him in my own hands.” He then marched off, and left her
with the corpse. She spread the napkin leisurely upon the snow,
gathered up the scattered fragments of her husband’s head, covered
his body with a plaid, and sitting down with her youngest and yet
unbaptised infant, wept bitterly.
The cottage, and the kail-yard, and the peat-stack, and the whole
little establishment of John Brown, the religious carrier, have long
disappeared from the heath and the muir; but the little spot, within
one of the windings of the burn, where the “House in the Muir”
stood, is still green amidst surrounding heath; and in the very centre
of that spot there lies a slab, or flat stone, now almost covered over
with grass, upon which, with a little clearing away of the moss from
the faded characters, the following rude but expressive lines may still
be read:—
Clavers might murder godly Brown,
But could not rob him of his crown;
Here in this place from earth he took departure,
Now he has got the garland of the martyr.
Blackwood’s Magazine, 1822.
TRADITIONS OF THE OLD TOLBOOTH OF
EDINBURGH.

By Robert Chambers, LL.D.

Chapter I.
Whosoever is fortunate enough to have seen Edinburgh previous
to the year 1817—when as yet the greater part of its pristine character
was entire, and before the stupendous grandeur, and dense old-
fashioned substantiality, which originally distinguished it, had been
swept away by the united efforts of fire and foolery—must remember
the Old Tolbooth. At the north-west corner of St Giles’s Church, and
almost in the very centre of a crowded street, stood this tall, narrow,
antique, and gloomy-looking pile, with its black stancheoned
windows opening through its dingy walls, like the apertures of a
hearse, and having its western gable penetrated by sundry
suspicious-looking holes, which occasionally served—horresco
referens—for the projection of the gallows. The fabric was four
stories high, and might occupy an area of fifty feet by thirty. At the
west end there was a low projection of little more than one story,
surmounted by a railed platform, which served for executions. This,
as well as other parts of the building, contained shops.
On the north side, there remained the marks of what had once
been a sort of bridge communicating between the Tolbooth and the
houses immediately opposite. This part of the building got the name
of the “Purses,” on account of its having been the place where, in
former times, on the King’s birthday, the magistrates delivered
donations of as many pence as the King was years old to the same
number of beggars or “blue-gowns.” There was a very dark room on
this side, which was latterly used as a guard-house by the right
venerable military police of Edinburgh, but which had formerly been
the fashionable silk-shop of the father of the celebrated Francis
Horner. At the east end there was nothing remarkable, except an iron
box, attached to the wall, for the reception of small donations in
behalf of the poor prisoners, over which was a painted board,
containing some quotations from Scripture. In the lower flat of the
south and sunny side, besides a shop, there was a den for the
accommodation of the outer door-keeper, and where it was necessary
to apply when admission was required, and the old gray-haired man
was not found at the door. The main door was at the bottom of the
great turret or turnpike stair, which projected from the south-east
corner. It was a small but very strong door, full of large headed nails,
and having an enormous lock, with a flap to conceal the keyhole,
which could itself be locked, but was generally left open.
One important feature in the externals of the Tolbooth was, that
about one third of the building, including the turnpike, was of ashlar
work—that is, smooth freestone—while the rest seemed of coarser
and more modern construction, besides having a turnpike about the
centre, without a door at the bottom. The floors of the “west end,” as
it was always called, were somewhat above the level of those in the
“east end,” and in recent times the purposes of these different
quarters was quite distinct—the former containing the debtors, and
the latter the criminals. As the “east end” contained the hall in which
the Scottish Parliament formerly met, we may safely suppose it to
have been the oldest part of the building—an hypothesis which
derives additional credit from the various appearance of the two
quarters—the one having been apparently designed for a more noble
purpose than the other. The eastern division must have been of vast
antiquity, as James the Third fenced a Parliament in it, and the
magistrates of Edinburgh let the lower flat for booths or shops, so
early as the year 1480.
On passing the outer door, where the rioters of 1736 thundered
with their sledge-hammers, and finally burnt down all that
interposed between them and their prey, the keeper instantly
involved the entrant in darkness by reclosing the gloomy portal. A
flight of about twenty steps then led to an inner door, which, being
duly knocked, was opened by a bottle-nosed personage denominated
“Peter,” who, like his sainted namesake, always carried two or three
large keys. You then entered “the hall,” which, being free to all the
prisoners except those of the “east end,” was usually filled with a
crowd of shabby-looking, but very merry loungers. This being also
the chapel of the jail, contained an old pulpit of singular fashion,—
such a pulpit as one could imagine John Knox to have preached
from; which, indeed, he was traditionally said to have actually done.
At the right-hand side of the pulpit was a door leading up the large
turnpike to the apartments occupied by the criminals, one of which
was of plate-iron. This door was always shut, except when food was
taken up to the prisoners.
On the north side of the hall was the “Captain’s Room,” a small
place like a counting-room, but adorned with two fearful old muskets
and a sword, together with the sheath of a bayonet, and one or two
bandeliers, alike understood to hang there for the defence of the jail.
On the west end of the hall hung a board, on which—the production,
probably, of some insolvent poetaster—were inscribed the following
emphatic lines:—
A prison is a house of care,
A place where none can thrive,
A touchstone true to try a friend,
A grave for men alive—
Sometimes a place of right,
Sometimes a place of wrong,
Sometimes a place for jades and thieves,
And honest men among.

The historical recollections connected with “the hall” ought not to


be passed over. Here Mary delivered what Lindsay and other old
historians call her “painted orations.” Here Murray wheedled, and
Morton frowned. This was the scene of Charles’s ill-omened attempts
to revoke the possessions of the Church; and here, when his
commissioner, Nithsdale, was deputed to urge that measure, did the
Presbyterian nobles prepare to set active violence in opposition to
the claims of right and the royal will. On that occasion, old Belhaven,
under pretence of infirmity, took hold of his neighbour, the Earl of
Dumfries, with one hand, while with the other he grasped a dagger
beneath his clothes, ready, in case the act of revocation were passed,
to plunge it into his bosom.
From the hall a lobby extended to the bottom of the central
staircase already mentioned, which led to the different apartments—
about twelve in number—appropriated to the use of the debtors. This
stair was narrow, spiral, and steep—three bad qualities, which the
stranger found but imperfectly obviated by the use of a greasy rope
that served by way of balustrade. This nasty convenience was not
rendered one whit more comfortable by the intelligence, usually
communicated by some of the inmates, that it had hanged a man! In
the apartments to which this stair led, there was nothing remarkable,
except that in one of them part of the wall seemed badly plastered.
This was the temporary covering of the square hole through which
the gallows-tree was planted. We remember communing with a
person who lodged in this room at the time of an execution. He had
had the curiosity, in the impossibility of seeing the execution, to try if
he could feel it. At the time when he heard the psalms and other
devotions of the culprit concluded, and when he knew, from the
awful silence of the crowd, that the signal was just about to be given,
he sat down upon the end of the beam, and soon after distinctly felt
the motion occasioned by the fall of the unfortunate person, and
thus, as it were, played at “see-saw” with the criminal.
The annals of crime are of greater value than is generally
supposed. Criminals form an interesting portion of mankind. They
are entirely different from us—divided from us by a pale which we
will not, dare not overleap, but from the safe side of which we may
survey, with curious eyes, the strange proceedings which go on
beyond. They are interesting, often, on account of their courage—on
account of their having dared something which we timorously and
anxiously avoid. A murderer or a robber is quite as remarkable a
person, for this reason, as a soldier who has braved some flesh-
shaking danger. He must have given way to some excessive passion;
and all who have ever been transported beyond the bounds of reason
by the violence of any passion whatever, are entitled to the wonder, if
not the admiration, of the rest of the species. Among the inmates of
the Old Tolbooth, some of whom had inhabited it for many years,
there were preserved a few legendary particulars respecting
criminals of distinction, who had formerly been within its walls.
Some of these I have been fortunate enough to pick up.
One of the most distinguished traits in the character of the Old
Tolbooth was, that it had no power of retention over people of
quality. It had something like that faculty which Falstaff attributes to
the lion and himself—of knowing men who ought to be respected on
account of their rank. Almost every criminal of more than the
ordinary rank ever yet confined in it, somehow or other contrived to
get free. An insane peer, who, about the time of the Union,
assassinated a schoolmaster that had married a girl to whom he had
paid improper addresses, escaped while under sentence of death. We
are uncertain whether the following curious fact relates to that
nobleman, or to some other titled offender. It was contrived that the
prisoner should be conveyed out of the Tolbooth in a trunk, and
carried by a porter to Leith, where some sailors were to be ready with
a boat to take him aboard a vessel about to leave Scotland. The plot
succeeded so far as the escape from jail was concerned, but was
knocked on the head by an unlucky and most ridiculous
contretemps. It so happened that the porter, in arranging the trunk
upon his back, placed the end which corresponded with the feet of
the prisoner uppermost. The head of the unfortunate nobleman was
therefore pressed against the lower end of the box, and had to
sustain the weight of the whole body. The posture was the most
uneasy imaginable. Yet life was preferable to ease. He permitted
himself to be taken away. The porter trudged along the Krames with
the trunk, quite unconscious of its contents, and soon reached the
High Street, which he also traversed. On reaching the Netherbow, he
met an acquaintance, who asked him where he was going with that
large burden. To Leith, was the answer. The other enquired if the job
was good enough to afford a potation before proceeding farther upon
so long a journey. This being replied to in the affirmative, and the
carrier of the box feeling in his throat the philosophy of his friend’s
enquiry, it was agreed that they should adjourn to a neighbouring
tavern. Meanwhile, the third party, whose inclinations had not been
consulted in this arrangement, felt in his neck the agony of ten
thousand decapitations, and almost wished that it were at once well
over with him in the Grassmarket. But his agonies were not destined
to be of long duration. The porter, in depositing him upon the
causeway, happened to make the end of the trunk come down with
such precipitation, that, unable to bear it any longer, the prisoner
fairly roared out, and immediately after fainted. The consternation of
the porter, on hearing a noise from his burden, was of course
excessive; but he soon acquired presence of mind enough to conceive
the occasion. He proceeded to unloose and to burst open the trunk,
when the hapless nobleman was discovered in a state of insensibility;
and as a crowd collected immediately, and the City Guard were not
long in coming forward, there was of course no farther chance of
escape. The prisoner did not revive from his swoon till he had been
safely deposited in his old quarters. But, if we recollect aright, he
eventually escaped in another way.
Of Porteous, whose crime—if crime existed—was so sufficiently
atoned for by the mode of his death, an anecdote which has the
additional merit of being connected with the Old Tolbooth, may here
be acceptable. One day, some years before his trial, as he was walking
up Liberton’s Wynd, he encountered one of the numerous hens,
which, along with swine, then haunted the streets of the Scottish
capital. For some reason which has not been recorded, he struck this
hen with his cane, so that it immediately died. The affair caused the
neighbours to gather round, and it was universally thought that the
case was peculiarly hard, inasmuch as the bird was a “clocker,” and
left behind it a numerous brood of orphan chickens. Before the
captain had left the spot, the proprietrix of the hen, an old woman
who lived in the upper flat of a house close by, looked over her
window, and poured down upon the slayer’s head a whole “gardeloo”
of obloquy and reproach, saying, among other things, that “she
wished he might have as many witnesses present at his hinder-end as
there were feathers in that hen.”[3]
3. It is but charity to suppose Porteous might, in this case, be only
endeavouring to introduce a better system of street police than had formerly
prevailed. It is not many years since the magistrates of a southern burgh drew
down the unqualified wrath of all the good women there by attempting to
confiscate and remove the filth which had been privileged to grace the causeway
from time immemorial.
Porteous went away, not unaffected, as it would appear, by these
idle words. On the night destined to be his last on earth, he told the
story of the hen to the friends who then met in the jail to celebrate
his reprieve from the execution which was to have taken place that
day; and the prophetess of Liberton’s Wynd was honoured with

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