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Défendre le roi la Maison militaire au

XVIIe siècle 1st Edition Rémi Masson


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ÉPOQUES
EST UNE COLLECTION
DIRIGÉE PAR
JOËL CORNETTE
DÉFENDRE LE ROI

D’Artagnan n’est pas seulement le héros d’Alexandre Dumas


dévoué à la cause du « roi de guerre », mort au combat durant le
siège de Maastricht en 1673. Le célèbre mousquetaire, garant de la
protection du souverain, exécutant direct de ses volontés (c’est lui
qui arrêta Nicolas Fouquet), appartenait à la Maison militaire de
Louis XIV, pilier de la monarchie, corps d’élite de ce « Géant du
Grand Siècle » que fut l’armée du roi de France.
Comment quelques unités vouées, à l’origine, à protéger le
souverain se sont-elles transformées en l’un des outils les plus
efficaces de l’État absolu ? Pourquoi et comment ce fer de lance de
l’armée royale participa-t-il en première ligne, lors des sièges violents
et des batailles meurtrières, à la plupart des campagnes militaires du
règne ? Comment une noblesse turbulente et indisciplinée s’est-elle
acquittée, de la guerre de Trente ans (1618-1648) à la guerre de
Succession d’Espagne (1701-1713), de « l’impôt du sang » dans une
troupe d’excellence entièrement dévouée au monarque ?
Pour répondre à ces questions et offrir une étude originale de la
Maison militaire du roi, Rémi Masson a dépouillé des sources
considérables, souvent inédites, notamment les correspondances des
secrétaires d’État de la Guerre, mais aussi de multiples manuscrits
originaux de la Bibliothèque nationale de France.
« Défendre le roi » à l’intérieur, comme à l’extérieur du royaume,
mais à quel prix ? Recrutement de soldats expérimentés, progrès de
la discipline, de l’organisation et de l’entraînement,
professionnalisation et rationalisation : la Maison du roi témoigne de
la prise en main de l’appareil militaire par le souverain et du
fonctionnement d’un absolutisme triomphant, au cœur de la cour et
des guerres de Louis XIV.

Rémi Masson est docteur en histoire de l’université Paris 1


Panthéon-Sorbonne et ancien allocataire de recherche de l’IRSEM. Il
enseigne actuellement dans le secondaire.
ILLUSTRATION DE COUVERTURE :
Adam Frans Van der Meulen, Arrivée de Louis XIV précédé des
gardes du corps en vue de l’ancien château de Versailles en 1669
(1632-1690),
Versailles, châteaux de Versailles et de Trianon (détail)
© RMN (Château de Versailles) / Gérard Blot

© 2017, CHAMP VALLON, 01350 Ceyzérieu


www.champ-vallon.com
ISBN 979-10-267-0530-7
ISSN 0298-4792
RÉMI MASSON
DÉFENDRE LE ROI
LA MAISON MILITAIRE
AU XVIIe SIÈCLE

Champ Vallon
INTRODUCTION

Selon Montesquieu, la garde de Louis XIV est « aussi forte que


celle du prince devant qui tous les trônes se renversent1. ». Au
début du XVIIe siècle, les troupes de la Maison du roi ne sont
pourtant encore qu’une simple garde du souverain et de la famille
royale. Héritage médiéval, elles forment une collection de
compagnies prestigieuses à l’organisation parfois archaïque, dont les
modalités du service auprès du roi ne sont pas clairement définies.
En 1610, le constat de leur inefficacité est sans appel. En
succombant aux coups de Ravaillac, Henri IV est le deuxième roi de
France assassiné consécutivement : quelques années auparavant,
Henri III était mort quant à lui poignardé par Jacques Clément.
Toutefois, lorsque Louis XIV s’éteint à son tour, en 1715, mettant
ainsi un terme au règne le plus long qu’ait connu le royaume de
France, celle que l’on nomme désormais la Maison militaire du roi n’a
plus le même visage. À peine plus d’un siècle après la mort tragique
du premier roi Bourbon, ces troupes sont considérées par les
contemporains comme une garde domestique infaillible, mais surtout
désormais comme une véritable institution militaire où servent les
unités d’élite de l’armée. Les guerres de Louis XIV leur ont permis
d’être constamment présentes sur les champs de bataille. Certains
affrontements célèbres du règne, comme le siège de Maëstricht, le
combat de Leuze ou la bataille de Steinkerque, ont scellé leur
réputation guerrière et leur sont depuis intimement associés.
C’est effectivement avec le gouvernement personnel de Louis XIV
que la Maison militaire du roi prend son véritable essor. Elle se
transforme en une institution structurée et autonome qui regroupe
dès lors les meilleures compagnies de l’armée. Elles doivent y servir
à sa tête et fournir des officiers d’expérience, tout en continuant
d’assurer, à tour de rôle, la protection rapprochée du souverain.
Dans les unités les plus élitistes de l’armée, on y voit dès lors des
officiers de fortune côtoyer les fils de la noblesse d’épée.
Tout au long de son gouvernement personnel, le « roi de guerre2.
» s’évertue à transformer les troupes de la Maison du roi, si bien
qu’elles deviennent un rouage essentiel de la vie de cour au Louvre,
puis à Versailles. Ainsi, certaines de ces unités comme les Gardes du
corps, les Gardes françaises et les Gardes suisses sont aujourd’hui
indissociables des représentations de la garde du roi de France.
L’une d’entre elles, les mousquetaires, a même été érigée, grâce à
Alexandre Dumas, en véritable mythe national.
Afin d’évoquer la Maison militaire du roi, il convient au préalable de
s’entendre sur les termes qui la désignent, car ils sont eux-mêmes
sujets à confusion. La Maison militaire et la Maison civile
représentaient les deux grandes divisions de la Maison du roi,
administration domestique codifiée par Henri III en 1578 et
réglementée définitivement par Colbert3.. Sous Louis XIV, la Maison
civile était répartie en vingt-deux départements, dirigés par de
grands officiers de la couronne, qui jouissaient de la qualité de
commensaux, c’est-à-dire littéralement de pouvoir manger à la table
du roi. Comme l’a noté Bernard Barbiche, il est difficile de
reconstituer un organigramme succinct et rigoureux de la Maison
civile, car sa structure a sans cesse évolué au fil des siècles. On peut
toutefois évoquer ses principaux services, comme la Chambre du roi,
la Bouche du roi, la Chapelle, le Grand maître des cérémonies,
l’Écurie ou encore la Vénerie4.. La Maison « militaire » du roi
regroupe la garde personnelle du souverain jusque sous François Ier.
Celle-ci a alors presque uniquement un caractère domestique. Elle
constitue ce que l’on nomme le « guet » : un groupe d’hommes qui
monte la garde auprès du roi et ne doit jamais quitter sa personne.
Être du guet signifie donc, par extension, être de service à la cour.
La Maison militaire du roi se structure au cours du XVIIe siècle,
durant deux phases distinctes. D’abord pendant le règne de Louis
XIII et à la minorité de Louis XIV, où elle se construit de manière
empirique. Ensuite, avec le gouvernement de Louis XIV, lorsqu’elle
connaît de profondes réformes qui la transforment structurellement.
Elle devient alors un pilier des armées du roi de France.
Les compagnies de la Maison du roi sont un vieil héritage de la
monarchie française. Grégoire de Tours est le premier à évoquer une
« grosse garde » dont le roi Gontran, petit-fils de Clovis, ne se
séparait plus depuis que ses deux frères, Chilpéric, roi de Soisson, et
Sigebert, roi d’Austrasie, avaient été assassinés. Au XIIe siècle,
Philippe Auguste disposait déjà de Custodes ou Ostiarii, sentinelles
qui veillaient aux entrées des hôtels royaux5.. Lui-même institua les
« sergents à masse », en référence à leur armement. Ce sont eux
qui tinrent le pont de Bouvines le 27 juillet 1214 : Saint Louis y fit
construire une église Sainte-Catherine dont il posa la première pierre
avec deux de ses sergents. À partir de son règne, ils prirent le nom
de « sergents d’armes », ou servientes armorum6..
La plus ancienne garde véritablement organisée et destinée à la
protection des rois de France date également du règne de Saint
Louis. Il se dota en 1264 d’une unité de cinquante hommes connue
sous le nom de gardes de la porte, qui se faisaient appeler « portiers
de la garde du roi » et effectuaient leur service aux portes du logis
royal. En 1271, au début du règne de Philippe III le Hardi, ils furent
complétés par une compagnie de Gardes de la prévôté de l’hôtel de
ville : une centaine d’hommes d’armes qui jouaient un rôle de police
et veillaient à l’application des règlements à la cour7.. Recrutés
exclusivement parmi la noblesse, le roi leur confie notamment la
garde des places fortes disposées aux frontières8.. Ils sont
également les premiers astreints à un service par quartier,
puisqu’une trentaine d’entre eux sont en permanence auprès du roi,
à son logis, où ils montent la garde, armés « de pied en cap »9..
Charles VII est ensuite le premier à s’entourer d’une garde
composée d’étrangers qui ont la réputation d’être moins concernés
par les tractations politiques de la cour10.. Il crée en 1422 une
compagnie de gendarmes écossais11. à laquelle il adjoint en 1445, à
l’occasion d’une réforme de sa milice, une troupe de cent archers
écossais de la garde. Cette garde continue à s’étoffer à la fin du XVe
siècle et au cours du XVIe siècle, mais de manière assez
anarchique12.. Charles VIII lève quant à lui deux cents arbalétriers à
cheval pour l’accompagner à Naples et surtout la compagnie de Cent
Suisses, en 149613.. Louis XII les supprime rapidement et institue à
son tour une compagnie des Cent Gentilshommes pour lui servir de
garde14..
C’est avec François Ier que la garde du roi, qui change jusque-là de
composition à l’avènement de chaque nouveau souverain, connaît
une première ébauche de stabilisation. À la compagnie des archers
écossais se greffent trois compagnies d’archers à cheval français,
donnant ainsi naissance aux futurs Gardes du corps. Les Cent
Gentilshommes, augmentés et répartis en deux compagnies, sont
désormais connus sous le nom de Gentilshommes à bec de corbin.
Enfin, les Cent Suisses voient leur place à la cour de France
confirmée. Ces trois unités forment la première Maison « militaire »
du roi, puisqu’en temps de guerre elles doivent dès lors servir à la
cornette du roi, sous les ordres directs du souverain15.. Elles ne sont
toutefois engagées dans les combats que si le roi s’y trouve
personnellement.
Entre la seconde moitié du XVIe siècle et le début du XVIIe siècle, il
apparaît toutefois de nouvelles unités qui ont, quant à elles, une
véritable nature militaire, imposée par le chaos politique des guerres
de Religion. C’est d’abord l’emblématique régiment des Gardes
françaises, qui est institué en 1563, puis les prestigieuses
compagnies des Chevau-légers et des Gendarmes de la garde qui
sont adjointes à la Maison du roi par Henri IV, en 1593 et en 1609.
La garde du roi s’étoffe à nouveau avec le règne de Louis XIII, qui
crée le régiment des Gardes suisses en 1616 et les mousquetaires
du roi en 1622.
Ce n’est qu’avec Louis XIV que les unités de la Maison du roi se
structurent et s’organisent réellement. Il lui donne sa forme
définitive, en créant une seconde compagnie de mousquetaires en
1665 et celle des grenadiers à cheval en 1676. Il en exclut surtout
les unités qui n’ont pas un caractère militaire : les gardes de la porte
et ceux de la prévôté de l’Hôtel16.. Le terme de « Maison militaire »
n’apparaît qu’en 167117.. Louis XIV distingue alors sa Maison de la
gendarmerie de France, héritière des gendarmeries d’ordonnance,
qui sont elles aussi structurées à cette période18..
Pour étudier la Maison militaire du roi, le plus ancien ouvrage
imprimé à notre disposition reste le principal et le plus instructif. Il
s’agit de l’Histoire de la milice française19. du père Gabriel
Daniel20.. Cette monographie est en fait le principal instrument de
travail sur lequel se sont basés tous les travaux menés sur la Maison
militaire du roi jusqu’à aujourd’hui. On doit au père Daniel la
première tentative d’appréhension générale de la Maison militaire du
roi. Il est aussi le premier auteur à avoir rappelé son caractère
militaire, qui excluait certaines unités qui pouvaient lui être
associées.
L’étude que consacre le père Daniel à la Maison militaire du roi
demeure aujourd’hui encore la première source d’érudition sur le
sujet et cette source est incontournable dans l’historiographie,
d’autant plus qu’il est le seul historien de la Maison militaire
contemporain de Louis XIV. Il faut aussi reconnaître au père Daniel
un souci de contextualisation remarquable pour l’époque et une
méthodologie d’historien, puisque l’auteur s’évertue à citer ses
sources. Paru en 1721, son ouvrage destiné à l’instruction du jeune
Louis XV est enfin relativement épargné par le ton panégyrique qui
caractérise l’autre principale source imprimée dont nous disposons,
l’Abrégé chronologique et historique de Simon Lamoral Le Pippre de
Nœufville21.. Toutefois, comme l’a noté Samuel Gibiat, cette
monographie demeure avec celle du père Daniel la seule étude
ancienne synthétique sur la Maison militaire du roi22.. En effet, les
rares ouvrages sur le sujet, datant de la Révolution et de la
Restauration, ne sont que des reprises des deux monographies, où,
dans l’évocation de la Maison militaire du roi, transparaît la nostalgie
de la monarchie23.. Ces deux monographies d’époque sont les
seules études anciennes sérieuses sur la Maison militaire dont nous
disposons24.. Pour réunir une documentation satisfaisante, il faut
donc faire appel à d’autres sources imprimées, des mémorialistes de
la Fronde, notamment, en passant par les gazettes parisiennes,
jusqu’aux célèbres mémorialistes comme Saint-Simon25.,
Dangeau26. et Sourches27.. Ces derniers, en fins observateurs de la
cour de Louis XIV, évoquent ainsi fréquemment les relations entre le
roi et les officiers de sa Maison militaire, présents à la cour pour
effectuer leur service domestique avec la garde.
Bien qu’elle ait été un pilier de la monarchie, la Maison militaire du
roi n’a bénéficié que de peu de travaux de la part des historiens
modernistes et jamais elle n’avait fait l’objet d’une étude d’ensemble.
C’est à André Corvisier et à Jean Robert que l’on doit les premières
réflexions approfondies sur deux de ses unités : les Gardes du
corps28. et les Gardes françaises29.. Ils y étudient de manière
originale la réorganisation des compagnies sous Louis XIV, leur rôle
et leur mode de recrutement30.. Dans une perspective différente,
Guy Rowlands a quant à lui analysé les rapports de Louis XIV avec
sa haute noblesse, dans la gestion des unités de la Maison
militaire31.. On peut encore citer des travaux universitaires plus
récents32., mais ces derniers sont majoritairement tournés vers le
XVIIIe siècle33., comme la thèse de Samuel Gibiat sur les
commissaires des guerres de la Maison du roi34..
Afin d’étudier la Maison militaire dans un travail de synthèse et de
l’appréhender comme un ensemble, il convient de faire appel à
différentes traditions historiographiques, auxquelles on ne peut se
raccrocher complètement, mais dont on peut emprunter une partie
des méthodes. Délimiter les contours institutionnels de la Maison
militaire du roi est une pratique qui remonte au père Daniel. Il faut
ainsi d’abord traiter ce sujet dans la perspective d’une histoire des
institutions. Il est en effet indispensable d’identifier les différentes
unités de la Maison du roi, de s’intéresser à leur création, leur
organisation, leur évolution, en s’inscrivant dans cette tradition35.. Il
est également nécessaire de questionner le fonctionnement de la
Maison militaire en utilisant une approche sociale36., notamment en
étudiant l’évolution du rapport entre nobles et roturiers au sein des
unités de la Maison militaire37.. La dernière tradition
historiographique dont on peut s’inspirer est celle de l’histoire des
pratiques militaires38.. Il s’agit ici de voir les hommes de la Maison
du roi à l’œuvre, à la cour et au combat39.. L’étude de la Maison
militaire du roi implique enfin et surtout un travail conséquent dans
différents fonds d’archives variés et hétérogènes. La recherche, le
dépouillement et l’exploitation de ces archives ont représenté l’un
des enjeux majeurs de la thèse de doctorat dont cet ouvrage est
issu40..
Car le traitement de la Maison militaire du roi est paradoxal. Si
certaines des unités qui la composent sont célèbres, d’autres
demeurent beaucoup moins bien connues. Le XVIIe siècle est
pourtant un tournant majeur dans l’histoire de la Maison militaire du
roi. La transformation des unités de la garde en une institution
militaire appartient à un véritable projet politique, amorcé sous Louis
XIII et mis en œuvre par Louis XIV. À partir du gouvernement
personnel du « roi de guerre » les unités de la Maison militaire
doivent dès lors servir à la tête de son armée et fournir des officiers
qualifiés. Dans le même temps, elles doivent continuer d’assurer par
quartier la protection rapprochée du souverain et jouer un rôle
d’apparat à la cour. Ce que nous avons souhaité mettre en lumière,
ce sont bien les mécanismes et le processus qui ont vu un simple
amas d’unités vouées à protéger le souverain se transformer en l’un
des outils les plus efficaces dont les armées du roi ont disposé
jusqu’au milieu du XVIIIe siècle.
Comment dès lors furent établies puis organisées les premières
unités d’élite de l’armée ? La naissance de la Maison militaire du roi
est d’abord caractérisée par la brutalité des guerres de Religion mais
aussi par une violence politique qui atteint son paroxysme avec
l’assassinat d’Henri IV. Ces compagnies durent d’abord assurer la
sécurité du pouvoir royal, notamment pendant les troubles civils qui
caractérisèrent la première moitié du XVIIe siècle. En conséquence,
ces unités furent un instrument militaire au service de la raison
d’État dont usèrent Richelieu puis Mazarin pendant les périodes de
minorité royale.
La captation de sa Maison militaire est ensuite l’un des premiers
actes politiques de Louis XIV. Il s’agit donc aussi de savoir comment
la Maison du roi illustre la prise en main de l’appareil militaire par le
souverain. D’abord dans la structuration d’une garde domestique
efficace, capable de jouer un rôle de parade dans le spectacle de la
monarchie. Ensuite, comment s’y opèrent les mutations qualitatives
et quantitatives les plus importantes pour transformer ces
compagnies en une institution regroupant l’élite de l’armée. Par
ailleurs, qu’entend-on par « élite » : la Maison militaire regroupe-t-
elle une élite militaire ou sociale ? Quelles furent les modalités du
compromis qui s’établit, dans ces unités, entre la naissance et le
mérite, afin d’améliorer l’encadrement et assurer le recrutement de
soldats au mérite éprouvé ? Durant cette période, la plupart des
unités de la Maison connaissent une évolution inédite. Des soldats
roturiers qui s’étaient particulièrement distingués dans le métier des
armes, vinrent alors y côtoyer la noblesse, dans le seul but de
donner à ces troupes un avantage décisif sur les champs de bataille
d’Europe. Car les mécanismes qui ont vu un simple amas d’unités
vouées à protéger le souverain se transformer en une structure
militaire professionnelle restent à étudier.
La Maison du roi est aussi un instrument de la monarchie absolue.
La condition aristocratique de la plupart de ses officiers et leurs
fonctions auprès du roi, au Louvre, puis à Versailles, engendrent une
proximité avec le souverain qui est âprement convoitée par la cour.
Elle est encore le creuset d’un mélange social inédit. Jusque-là
réservée aux nobles et aux plus fortunés, la recherche d’hommes
éprouvés au métier des armes l’ouvre progressivement à des
roturiers moins aisés. La noblesse n’en est pourtant semble-t-il
jamais exclue. Au contraire, elle y défend toujours plus jalousement
ses prérogatives d’y obtenir les charges d’officier les plus
prestigieuses. L’évolution de cet équilibre entre la faveur royale et la
promotion de soldats méritants devait encore y être considérée.
Ces troupes témoignent de la tension entre l’honneur de la
noblesse, qui en pourvoit largement les rangs, et sa compatibilité
avec le service royal, à une époque où « l’image du guerrier s’efface
derrière celle du militaire attentif à sa carrière41. ». Cette tension
s’exprime notamment dans les duels, dont les hommes de ces
unités, en particulier chez les mousquetaires et les Gardes
françaises, sont coutumiers au XVIIe siècle. En tant que troupes de
la Maison du roi, Louis XIII et surtout Louis XIV veulent faire de ces
unités un modèle de discipline. Or, dans des compagnies aux valeurs
aristocratiques si fortes, le courage exprimé par le duel demeure un
mode d’expression caractéristique de l’identité nobiliaire. Dans une
étude de la Maison militaire comme une institution, il fallait mettre
en lumière ses rapports avec le pouvoir royal, la noblesse et l’armée.
Les officiers de la Maison militaire sont aussi confrontés aux
tensions qui naissent de la professionnalisation de l’armée du Roi-
Soleil. Comment établir sa renommée et faire la démonstration de sa
valeur individuelle dans une armée où la discipline et l’exactitude du
service sont érigées en modèles ? Comment faire preuve de
bravoure sur le champ de bataille quand la guerre de siège, au
déroulement précis et codifié, tend à s’imposer comme la forme
d’affrontement privilégiée ? D’où une interrogation sur les conditions
dans lesquelles on envisageait d’employer ces unités. Quelles
opérations militaires particulières justifiaient l’emploi de telles unités
?
Il fallait enfin poser la question de la répercussion de ces réformes
sur les champs de bataille. La réputation d’unité d’élite de la Maison
militaire de Louis XIV semble indiscutable, mais sur quoi était-elle
finalement fondée ? La Maison militaire eut une grande importance
dans la construction de l’image royale. Il s’agissait de montrer aux
yeux de tous que ces troupes avaient toujours été les piliers des
armées royales, depuis Philippe Auguste et le pont de Bouvines. Un
roi avec une garde forte serait assurément, selon ce schéma, un
grand « roi de guerre ». Cette image de la Maison militaire est le
produit de l’entreprise royale, qui consista à utiliser l’histoire de la
garde du roi pour étayer l’absolutisme. Elle construisait l’image d’une
garde fidèle au roi de France depuis des temps immémoriaux. Il
convenait donc d’étudier les faits d’armes de ces unités en allant au-
delà des récits panégyriques qui en ont été faits et de déterminer si
la Maison militaire du roi était véritablement devenue la troupe
d’élite dépeinte par le pouvoir royal.
1 Montesquieu, « Lettre XXXVII », 1713, Lettres persanes, Paris, Pourrat frères éd., 1831.
2 J. Cornette, Le Roi de guerre : essai sur la souveraineté dans la France du Grand Siècle, Paris, Payot,
1993.
3 B. Barbiche, Les Institutions de la monarchie française à l’époque moderne, XVIe-XVIIIe siècles, Paris,
PUF, 1999, p. 38.
4 Ibid., p. 39-40.
5 M. Boullier, Histoire des divers corps de la Maison militaire des Rois de France depuis leur création jusqu’à
l’année 1818, Paris, Le Normant, 1818, p. 2.
6 G. Daniel, Histoire de la milice française et des changements qui s’y sont faits depuis l’établissement de la
monarchie française dans les Gaules, jusqu’à la fin du règne de Louis le Grand, Jean-Baptiste Coignard, 1721,
2 vol., t. 2, p. 93.
7 Ces deux compagnies n’étaient cependant pas destinées à un service militaire, mais uniquement
domestique, contrairement aux sergents d’armes. Ces derniers, en effet, sont érigés en une compagnie d’une
centaine d’hommes, sous Philippe VI le Hardi, au cours de la première moitié du XIVe siècle. Leur fonction
militaire est évidente.
8 G. Daniel, Histoire de la milice française, op. cit., t. 2, p. 94.
9 Les sergents d’armes ne survivent cependant pas au règne de Jean le Bon. Lorsque celui-ci est
emprisonné en Angleterre, le dauphin Charles les supprime, ne conservant que six d’entre eux. Alors que le
royaume de France essuie les revers cinglants du début de la guerre de Cent Ans, on ne sait si la raison de
leur suppression est liée à la défiance du pouvoir royal à leur égard, ou si le prince n’avait tout simplement
plus de quoi les payer. Ibid., p. 94-96.
10 J. Chagniot, « Maison militaire du roi », dans L. Bély (dir.), Dictionnaire de l’Ancien Régime, Paris, PUF,
2002, p. 783.
11 Ils sont finalement exclus de la garde du roi en 1500.
12 Charles VI et Charles VII, par exemple, entretiennent à leur service une garde à cheval composée
d’écuyers. G. Daniel, Histoire de la milice française, op. cit., t. 2, p. 97.
13 BNF, Châtre de Cangé, Res F 163, fol. 136.
14 G. Daniel, Histoire de la milice française, op. cit., t. 2, p. 97-100.
15 J. Chagniot, « Maison militaire du roi », dans L. Bély (dir.), op. cit., p. 783.
16 Les gardes de la porte sont encore 50 au XVIIe siècle, commandés par un capitaine et quatre
lieutenants. Ils servent par quartier, en faction à l’entrée du palais. Les gardes de la prévôté de l’Hôtel sont 88
en 1715, avec à leur tête un capitaine (le grand prévôt de France), quatre lieutenants, douze exempts, un
maréchal des logis, une trompette. Ils servent eux aussi par quartier pour assurer la police autour des palais
du Louvre puis de Versailles.
17 Si désigner la garde du souverain par « Maison du roi » est commode, il faut entendre alors qu’elle est
bien distinguée de la Maison civile. Il est donc plus juste de parler des « unités de la Maison du roi » pour
désigner ces troupes jusqu’en 1671, date à partir de laquelle on peut à proprement parler de « Maison
militaire du roi ».
18 G. Daniel, op. cit., p. 115. Voir aussi R. Masson « Les réformes de la gendarmerie à l’issue de la guerre
de Sept Ans », dans H. Drévillon et A. Guinier (dir.), Les Lumières de la guerre, vol. 2. Mémoires militaires du
XVIIIe siècle conservés au service historique de la Défense (Sous-série 1 - Mémoires techniques), Paris,
Publications de la Sorbonne, 2015.
19 G. Daniel, Histoire de la milice française, op. cit. De cette histoire des armes en France, une partie
entière est réservée à la Maison militaire. Ibid., t. 2, p. 92-326.
20 Le père Daniel (1649-1728) entre chez les Jésuites le 16 septembre 1667. Il enseigne la rhétorique, la
philosophie et la théologie à Rennes, puis devient bibliothécaire dans la maison professe de son ordre à Paris.
Il reçoit alors le titre d’historiographe de France et sa vie se partage désormais entre la controverse
théologique et ses travaux historiques. Daniel publie son Histoire de France, depuis l’établissement de la
monarchie française dans les Gaules pour la première fois en 1713 (Paris, 3 volumes in-folio). Elle est rééditée
et complétée par le père Griffet entre 1755 et 1760. Daniel publie ensuite l’Histoire de la milice française en
1721. On lui attribue également les Observations critiques sur l’Histoire de France de Mézeray, éditées à Paris
chez Jean Musier, en 1700. Le père Daniel avait auparavant écrit une histoire de France, publiée avec un
certain succès et remarquée par Louis XIV, qui lui aurait ainsi demandé de continuer son travail le « regardant
comme utile ». Ibid., t.1, p. 1.
21 Moins convaincant que son modèle, l’attrait principal de l’ouvrage est de fournir un journal historique
retraçant les faits d’armes des différentes unités de la Maison militaire du roi. Le travail de Le Pippre de
Nœufville est aussi pénalisé par le caractère apologique qui est fait de ces récits et leur absence de mise en
perspective. L’auteur prétend se démarquer du père Daniel et corriger ses erreurs, mais il se contente en
réalité de reprendre la plupart des développements de l’Histoire de la milice française qui en est la principale
source. Il fournit également de nombreux éléments biographiques concernant les officiers de la Maison du roi,
mais ces notices sont peu fiables et contiennent beaucoup d’erreurs. A. Corvisier, « Les Gardes du corps de
Louis XIV », XVIIe siècle, 1959, p. 286.
22 S. Gibiat, Hiérarchies sociales et ennoblissements. Les commissaires des guerres de la Maison du roi au
XVIIIe siècle, Paris, École Nationale des Chartes, 2006, p. 34.
23 M. de La Tour, Maison militaire du Roi, Paris, Froullé, 1790 ; P.-J.-B. Boullier, Histoire des divers corps de
la Maison militaire des Rois de France…, op. cit. ; E. Titeux, Histoire de la Maison militaire du Roi, de 1814 à
1830, avec un Résumé de son Organisation et de ses campagnes sous l’ancienne Monarchie, Paris, Baudry et
cie., 1890. On citera encore le chapitre sur la Maison du roi dans l’ouvrage de Léon Mention, qui est lui aussi
une simple reprise factuelle du travail du père Daniel. L. Mention, L’Armée d’Ancien Régime, Paris, Émile
Gaillard, 1900, p. 110-135.
24 S. Gibiat, op. cit., p. 33.
25 Saint-Simon, Mémoires, édition Boislisle, Paris, Hachette et Cie, 1916.
26 Dangeau, Journal, Paris, Firmin Didot frères, 1857-1860.
27 Sourches, Mémoires du marquis de Sourches sur le règne de Louis XIV, Paris, Hachette et Cie, 1891.
28 A. Corvisier, « Les Gardes du corps de Louis XIV », art. cit., p. 265-291.
29 J. Robert, « Les Gardes-françaises sous Louis XIV », XVIIe siècle, n° 68, 1965, p. 3-36
30 Ces articles sont donc précieux par leur analyse, mais aussi par leur méthode qui, pour la première fois
dans l’historiographie de la Maison militaire du roi, livrait une étude politique et sociale sur deux de ces unités.
Citons aussi une étude de Gaston Marie, qui est surtout une présentation globale de l’évolution des troupes de
la Maison militaire du roi sous Louis XIV, sans mise en perspective générale. G. Marie, « La Maison militaire du
roi de France sous Louis XIV (de 1668 à 1715) », dans Mémoires de l’Académie des sciences, inscriptions et
belles-lettres de Toulouse, vol. 129, 1967, p. 157-188. On peut émettre la même critique à l’égard de l’ouvrage
de J. La Trollière et de R. Montmort sur la compagnie des Chevau-légers de la garde. J. La Trollière, R.
Montmort, Les Chevau-légers de la Garde du Roy, Paris, éd. S.G.A.F., 1953.
31 G. Rowlands, « Louis XIV, Aristocratic Power and the Elite Units of the French army », French History,
vol. 13, 1999, n° 3, p. 303-331. On peut citer encore les mémoires de maîtrise de François Baudequin et de
Laurence Péraire, respectivement sur les Gendarmes de la garde et les mousquetaires, mais qui traitent là
encore de ces compagnies dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. F. Baudequin, Les Officiers des gendarmes
de la garde du Roi (1602-1787), mémoire dactylographié de la 4e section de l’EPHE, 1997 ; L. Péraire, Les
Mousquetaires du Roi au XVIIIe siècle, étude institutionnelle et politique, mémoire dactylographié de
l’université de Paris IV Sorbonne, 1984.
32 Par exemple les études de Frédéric Chauviré sur la cavalerie de la Maison du roi, qui se sont interrogées
sur sa doctrine d’emploi au combat. F. Chauviré, « La Maison du Roi sous Louis XIV, une troupe d’élite »,
Revue historique des armées, n° 242, Paris, 2006, p. 114-121 ; « La Maison du Roi sous Louis XIV, une troupe
d’élite. Étude tactique », Revue historique des armées, n° 255, Paris, 2009, p. 84-94.
33 J. Chagniot, « Une panique : les Gardes Françaises à Dettingen, 27 juin 1743 », dans Revue d’Histoire
Moderne et Contemporaine, janvier-mars 1977, p. 78-95. Suivant une approche originale, Ce texte met en
question la responsabilité des Gardes françaises dans la défaite des armées du roi à la bataille de Dettingen,
en se focalisant sur les nombreuses critiques dont on accusa le régiment à l’époque. C’est également à Jean
Chagniot que l’on doit une étude approfondie des conséquences politiques et sociales du logement des Gardes
Françaises à Paris au XVIIIe siècle. J. Chagniot, Paris et l’armée au XVIIIe siècle. Étude sociale et politique,
Paris, Economica, 1985. Les Gardes suisses ont aussi fait l’objet de recherche à cette période, d’abord dans un
travail sur les Suisses au service de la France à la fin du XVIIIe siècle, question approfondie dans un colloque
quelques années plus tard. G. Hausman, « Les Suisses au service de la France, étude généalogique et
économique (1763-1792) », dans Positions des thèses de l’École nationale des chartes, Paris, 1981 ; « Les
gardes suisses et leurs familles aux XVIIe et XVIIIe » siècles en région parisienne, colloque, Rueil-Malmaison,
septembre-octobre 1988. Il faut encore mentionner les études de Jean-François Labourdette et de Gilbert
Bodinier, qui ont, quant à eux, permis de mieux connaître le recrutement des Gardes du corps à la fin du
XVIIIe siècle. J.-F. Labourdette, « La compagnie écossaise des Gardes du corps du roi au XVIIIe siècle :
recrutement et carrières », Histoire, Économie et Société, 1er trimestre 1984, p. 95-122 ; G. Bodinier, Les
Gardes du corps de Louis XVI, Paris, SHD, éd. Mémoires et Documents, 2005.
34 S. Gibiat, op. cit. Cette dernière a de surcroît le mérite de faire un premier point historiographique sur la
Maison militaire du roi.
35 Voir A. Corvisier, « Les Gardes du corps de Louis XIV », art. cit. et J. Robert, op. cit.
36 Cette approche est toutefois limitée par l’état des sources. Il est par exemple difficile de faire une
prosopographie de ces unités pour le XVIIe siècle. L’état des sources rend cette perspective impossible si l’on
veut saisir la Maison du roi dans son intégralité.
37 Sans faire une véritable prosopographie ou une véritable sociographie, on peut toutefois prendre en
compte différents facteurs sociaux et s’inspirer de travaux comme ceux de Jean Chagniot sur les Gardes
françaises à Paris et de Samuel Gibiat sur les commissaires des guerres de la Maison du roi ou encore plus
généralement d’André Corvisier sur les généraux de Louis XIV. J. Chagniot, Paris et l’armée au XVIIIe siècle,
op. cit. ; S. Gibiat, op. cit. ; A. Corvisier, Les Généraux de Louis XIV et leur origine sociale, Paris, Yvert et Cie,
1959.
38 On peut citer notamment J. Keegan, Anatomie de la bataille, Azincourt 1415, Waterloo 1815, La Somme
1916, Paris, Robert Laffont, 1993 ; O. Chaline, La Bataille de la montagne Blanche, 1620. Un mystique chez
les guerriers, Paris, Noesis, 1999 ; P. Brioist, H. Drévillon, P. Serna, Croiser le fer. Violence et culture de l’épée
dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècles), Seyssel, Champ Vallon, 2002 et plus récemment S. Audoin-
Rouzeau, Combattre. Une anthropologie historique de la guerre moderne (XIXe-XXIe siècle), Paris, Les Livres
du nouveau monde, 2008.
39 On peut par exemple étudier les pratiques et les représentations de la guerre, ainsi que leurs
articulations, en utilisant des questionnements empruntés à l’anthropologie.
40 Voir la présentation des sources à la fin de l’ouvrage.
41 H. Drévillon, « Courtilz de Sandras et les valeurs militaires de la noblesse à la fin du règne de Louis XIV
», dans Combattre, gouverner, écrire. Études réunies en l’honneur de Jean Chagniot, Paris, Economica, 2003,
p. 351-367, p. 363.
PREMIÈRE PARTIE :
La construction empirique d'une garde
CHAPITRE PREMIER:

PROTÉGER LE SOUVERAIN :
les fondations de la Maison du roi
Le 14 mai 1610, Henri IV s’apprête à se rendre à l’Arsenal pour
s’entretenir avec Sully. L’un des capitaines de ses Gardes du corps,
Pralin, insiste pour accompagner le roi, qui ne veut cependant rien
entendre. Il argüe s’être toujours passé de sa protection depuis
cinquante ans et entend bien continuer ainsi42.. Le roi sort du
Louvre dans son carrosse, en compagnie des ducs d’Épernon, de La
Force et de Montbazon. L’escorte se compose simplement de
quelques gentilshommes à cheval et de valets à pied ; l’allure lente
prise par le cortège royal leur permet de suivre aisément. Lorsque,
bloqué par une charrette de foin au carrefour de la rue Saint-Honoré
et de l’Arbre-sec, le convoi stoppe, un individu s’extirpe
soudainement de la foule, grimpe sur l’un des rayons de la roue du
carrosse et poignarde le roi à trois reprises avant d’être maîtrisé. Le
souverain est transporté en urgence au Louvre, où il succombe à ses
blessures quelques minutes après son arrivée. L’assassinat d’Henri IV
par Ravaillac est celui d’un constat : la faillite de la protection du roi.
Le contexte politique est alors particulièrement troublé. Si
l’entreprise de pacification du royaume entreprise par Henri IV a mis
un terme à près de quarante ans de guerre civile, de nombreuses
tensions demeurent43.. À l’extérieur du royaume, la rivalité
croissante avec l’Espagne menace de faire éclater une nouvelle
guerre. À l’intérieur, les catholiques acceptent difficilement le régime
de tolérance envers les protestants. Enfin, une partie de l’aristocratie
demeure insatisfaite de sa condition44.. Le geste de Ravaillac ranime
le spectre de la Ligue45..
Cet événement dramatique est pourtant à l’origine d’une prise de
conscience. Le jour même de l’attentat, Vitry, l’un des autres
capitaines des Gardes du corps, rattrape en toute hâte le dauphin.
Ce dernier est parti en promenade dans les rues de Paris en
compagnie de M. de Souvré, pour admirer les décors mis en place
pour l’entrée solennelle de la reine, prévue deux jours plus tard. Des
mesures immédiates de sécurité sont prises : des troupes,
notamment des Suisses et des compagnies du régiment des Gardes
françaises, sont placées à différentes intersections de la ville pour
prévenir les troubles qui risquent de se propager à l’annonce de la
nouvelle. Les compagnies de la Maison du roi présentes au Louvre
sont immédiatement mises à contribution par la reine pour assurer la
continuité du pouvoir. Principe fondamental de la monarchie, la loi
salique exclut en principe les femmes de l’exercice de la royauté,
mais dans la pratique la régence demeure un moment flou46.. Entre
1560 et 1563, Catherine de Médicis a exercé la régence pendant la
minorité de Charles IX. Afin d’assurer son pouvoir durant cette
transition, la reine a besoin d’un appui militaire : certaines unités de
la Maison du roi voient ainsi le jour à cette époque. En 1610, Louis
XIII n’est âgé que de neuf ans. Sa majorité est fixée à treize ans et
un jour. Pour exercer le pouvoir pendant cet intermède, Marie de
Médicis doit anticiper la réaction des princes du sang qui ne
manqueront pas de faire valoir leur prétention à la régence. Henri II
de Condé et son oncle, le comte de Soissons, sont alors les deux
seuls princes à pouvoir sérieusement faire valoir cette prétention47..
La reine bénéficie du soutien du duc de Guise, fidèle à la royauté, et
du duc d’Épernon, qui voit à travers Marie de Médicis la perspective
d’un retour au premier plan.
Dès le lendemain de l’assassinat, le règne de Louis XIII est
inauguré par un lit de justice qui fait reconnaître l’attribution de la
dignité royale au fils légitime d’Henri IV et officialise la régence de la
reine mère48.. Le jeune roi reçoit ainsi, le 16 mai, le serment de
fidélité des principaux chefs militaires et des capitaines du régiment
des Gardes françaises. Ces mesures désordonnées, dictées par
l’urgence politique, sont alors un indice frappant du manque
d’organisation des troupes de la garde. Au cours de ce premier XVIIe
siècle, la Maison du roi connaît cependant une première forme de
structuration dans un contexte de grande violence politique. Elle est
dictée par l’objective nécessité d’offrir au roi une protection enfin
efficace, alors que ses deux prédécesseurs sont morts assassinés.
Les unités de la Maison du roi deviennent alors rapidement un
instrument du pouvoir royal, qui tente d’affirmer son autorité face
aux différents groupes sociaux qui essaient de le lui contester.
LES LEÇONS D’UNE FAILLITE
La mort d’Henri IV est le point de départ des premières mesures
qui visent à organiser plus efficacement les unités chargées
d’assurer la sécurité du souverain. Les sources normatives et
narratives de l’époque témoignent ainsi d’une prise de conscience et
d’une volonté réelle de rationalisation des corps de garde en place
au Louvre. Mais ces mesures montrent aussi indirectement le
manque de complémentarité des unités de la garde à cette époque,
gérées indépendamment les unes des autres. En 1610, ces dernières
sont pourtant déjà nombreuses. La Maison du roi est composée
d’unités montées : les quatre compagnies des Gardes du corps et les
Chevau-légers de la garde, et d’unités à pied : les Gentilshommes à
bec de corbin, les Cent Suisses et les Gardes françaises.
Une collection de gardes inefficace
La Maison du roi n’est alors qu’une « collection » de gardes, dont le
service se superpose. La plupart de ces troupes sont des survivances
d’unité créées à la fin de l’époque médiévale. À ce titre, leur
équipement et leur organisation sont parfois obsolètes, comme dans
le cas des Gentilshommes à bec de corbin. La garde du roi est loin
d’être un modèle d’efficience et nécessiterait d’être structurée plus
efficacement. Dans un premier temps toutefois, l’effervescence
engendrée par l’assassinat du roi donne lieu à des mesures
exceptionnelles. Dès le 24 mai, on crée dans l’urgence une
compagnie de gardes du corps voués à la protection de la reine
régente :
« Le funeste et déplorable accident arrivé en ce royaume par le détestable
assassinat commis en la personne du feu roi notre très honoré seigneur et
père (que Dieu absolve) nous ayant causé une perte irréparable, il nous reste
espérance pour l’administration des affaires qui se pourront présentes à
l’avenir, après l’assistance divine, qu’en la sage conduite de la reine notre très
honorée dame et mère. (…) C’est pourquoi nous avons jugé qu’il était
expédient de lui bailler une compagnie d’archers pour la garde de son corps de
pareil nombre et qualité que celle des Gardes de notre corps49.. »
Les Gardes du corps du roi qui servent ici de modèle forment une
unité modeste, composée de quatre compagnies d’une centaine
d’archers, dont la plus ancienne d’entre elles, la compagnie
écossaise, a été créée par Charles VII pour le protéger lors de ses
déplacements50.. On les appelle aussi « petite garde du corps » et
ils sont alors dans l’ombre des Gentilshommes à bec de corbin, que
l’on nomme par opposition « la grande garde du corps ». Ces
derniers ont eux aussi été instaurés par Louis XI, en 1474, et
forment alors la principale unité chargée de la protection du
souverain51..
Dès leur création, les Gentilshommes à bec de corbin ne sont
quasiment composés que de nobles. En conséquence on les nomme
rapidement « compagnie de cent lances des Gentilshommes de la
Maison du roi ordonnée pour la garde de son corps52. ». Il fallait
d’ailleurs disposer de revenus considérables pour pouvoir monter et
armer les deux archers que chaque Gentilhomme devait entretenir.
Les Gentilshommes à bec de corbin tenaient leur nom de leur arme :
ils « portaient en leurs mains le Bec de Corbin53. », et un auteur
nommé Lupanus appelle leur arme « Beccum Falconis54. » ; sous
Charles IX en effet, on donne à leur hallebarde le nom de « bec de
faucon » car le fer de l’arme en a la forme55.. Ces deux compagnies
ne formaient pas qu’une garde domestique. À la guerre ils devaient
être autour du roi pendant la bataille et servaient également à
monter la garde, de jour comme de nuit, autour de son
campement56..
Seul le capitaine était propriétaire de sa charge57.. Il était alors
totalement maître de sa compagnie. Ce dernier devait nommer l’un
de ses hommes pour remplir les fonctions de lieutenant. Ce n’est
qu’en 1539 qu’il y eut un lieutenant possédant un véritable office58..
L’enseigne était comme la lieutenance une commission que le
capitaine donnait à l’un de ses soldats. Il distribuait la paye des
hommes et cumulait aussi la fonction de major. Une seconde
compagnie fut créée quelques années plus tard. On la nomma
rapidement « compagnie des Gentilshommes extraordinaires59. »,
par opposition à la première, que l’on appelait « compagnie des
Gentilshommes ordinaires60. ». Cet usage est conservé jusqu’en
1570, date à laquelle on désigna alors l’une et l’autre « compagnie
des cent Gentilshommes ordinaires61. », quoiqu’il y eût deux
compagnies de cent hommes chacune62.. À partir du règne d’Henri
III et une ordonnance de 1585, ils ne sont plus recrutés
qu’exclusivement parmi la noblesse63..
Là encore, l’évolution de cette unité de la Maison du roi était
directement liée à l’évolution du contexte politique. Les
Gentilshommes à bec de corbin connurent la décadence avec
l’accession au trône d’Henri IV, car plusieurs d’entre eux avaient pris
le parti de la Ligue64.. Après la paix de Vervins en 1598, qui mettait
fin à la guerre avec l’Espagne, le roi négligea de rétablir les
Gentilshommes pour sa garde personnelle. Il ne les supprima pas
toutefois, par considération pour ses deux capitaines, dont l’un
d’entre eux, Claude de la Trémoille, était un de ses anciens
compagnons d’armes65.. Toutefois, leur service ne se borna plus
qu’à un service de cour : ils devaient se trouver en quartier dans
l’antichambre du roi dès six heures du matin et l’accompagner au
dîner et au souper, mais là encore, cette tâche fut progressivement
remplie par les Gardes du corps66.. Il ne leur resta plus, dès lors,
qu’à marcher deux à deux devant le roi lors de cérémonies
officielles67.. La situation des Gentilshommes à bec de corbin illustre
l’état de la Maison du roi en 1610. Cette unité, appelée « la grande
garde du corps », n’est en réalité pas utilisée par le roi pour assurer
sa protection.
Des unités comme le régiment des Gardes françaises jouent alors
un rôle bien plus important dans le dispositif mis en place pour
garder le souverain. En 1610, l’unité est toutefois absente de la
capitale. La mort du roi entraîne dans le royaume un phénomène de
« Grande peur68. ». À Paris notamment, on craint rapidement que la
nouvelle plonge la capitale dans le chaos69.. Partagés entre la peur,
la colère et l’expectative, les Parisiens ont encore en mémoire le
massacre de la nuit de la Saint-Barthélemy. Ils craignent que les
milices bourgeoises, les hommes en armes et surtout les bandes de
nobles catholiques ou protestants qui quadrillent la ville la nuit
suivant l’assassinat amorcent des épisodes de violence
incontrôlables70.. Une partie de la population accuse aussi l’Espagne
d’être derrière l’acte de Ravaillac et une foule en colère se masse
devant la résidence de son ambassadeur qui doit être protégée par
une compagnie de soldats71..
Face à cette situation tendue qui suit immédiatement l’assassinat
d’Henri IV, un ordre rappelant les Gardes françaises auprès du roi est
proclamé :
« Le roi estime nécessaire qu’il entretienne encore près de sa personne, les
compagnies de pied de sa Garde, en attendant que toutes choses soient mieux
établies qu’elles ne le sont. »
Bien qu’il représente alors la plus importante unité vouée à la garde
du souverain, le régiment des Gardes françaises n’est pas en
permanence auprès du roi. Il est cependant considéré comme une
unité expérimentée, particulièrement précieuse dans ce contexte.
Dès leur création, en effet, les Gardes françaises sont contraintes
d’intervenir dans des situations politiques semblables.
Le régiment est créé en 1563, après le siège du Havre, repris aux
Anglais par Catherine de Médicis, pendant la minorité de Charles
IX72.. La reine, craignant Paris et ses parlementaires, s’appuya alors
sur les Gardes françaises pour faire déclarer son fils majeur par le
parlement de Rouen, le 27 août suivant73.. Suite à sa création, les
huguenots se plaignirent de voir le roi conserver autant de gardes
pour sa protection. Ils argumentaient que son entretien coûtait des
dépenses superflues, alors que sa meilleure garde était « le cœur de
ses sujets74. ». En réalité, conserver une garde si importante les
empêchait, selon Brantôme, de monter une opération visant à nuire
au souverain75.. Par souci de conciliation, Catherine de Médicis
voulut bien leur donner raison. Le régiment ne fut pas cassé, mais
envoyé en Picardie, où les compagnies furent mises en garnison
dans différentes villes. La réaction ne tarda pas : en septembre
1567, le prince de Condé et l’amiral de Coligny tentèrent d’enlever le
roi sur la route ralliant Meaux à Paris76.. La tentative n’échoua que
grâce à l’intervention de troupes suisses arrivées de Château-Fleury.
Ces dernières escortèrent le roi jusqu’à Paris, sous les assauts et les
caracoles de la cavalerie de Condé. La « surprise de Meaux »
marqua le début de la deuxième guerre de Religion77.. Le régiment
fut immédiatement rappelé à Paris, une fois le roi rentré. La paix soi-
disant rétablie par le traité de Saint-Germain en 1570 et concrétisée
par le mariage de Marguerite de Valois et d’Henri de Navarre, le
régiment fut cassé en 157378.. Cependant, dès que la voix des
huguenots se fit à nouveau entendre et qu’émergea le parti des «
Malcontents », Charles IX recréa, peu avant sa mort, une garde
d’infanterie composée seulement de deux compagnies. C’est Henri
III qui, une fois sur le trône, reforma le régiment au complet et
décida, en 1588, d’en faire officiellement une unité vouée à sa
garde79.. Il souhaita mettre à la tête des compagnies des officiers
de qualité, si bien que rapidement la charge de capitaine aux Gardes
françaises prit une importance considérable. Les hommes du
régiment s’aguerrirent encore davantage avec Henri IV, dans la
guerre contre la Ligue puis contre l’Espagne et la Savoie80..
Le régiment des Gardes françaises est surtout l’une des rares
troupes permanentes du royaume. Conséquemment, son contrôle
devient un enjeu de taille, comme en témoignent les différentes
tentatives du colonel-général de l’infanterie pour se l’approprier. Le
premier mestre de camp à le conduire fut Jacques-Prévôt de Charri,
qui refusa de se soumettre à François d’Andelot81., son colonel-
général de l’infanterie, au motif que seul le roi le commandait82.. Il
fut tué d’un coup d’épée sur le pont Neuf par un officier nommé
Chastellier, probablement sur l’instigation d’Andelot qui ne supportait
pas son insubordination83.. Henri III régla finalement le litige en
donnant raison à son favori et nouveau colonel-général de
l’infanterie, le duc d’Épernon84.. Le colonel-général put alors
nommer le mestre de camp du régiment. Ce pouvoir lui fut
néanmoins rapidement retiré, puisque Henri IV s’octroya cette
prérogative. Mais fidèle à sa politique de conciliation et de
réconciliation des partis, il laissa toutefois la possibilité à d’Épernon
de nommer un capitaine sur deux, lorsqu’une charge serait
vacante85..
Le colonel-général de l’infanterie française possède alors des
prérogatives considérables sur les troupes de la Maison du roi. Le
jour de l’assassinat du souverain, c’est lui qui fait rassembler les
Suisses et le régiment des Gardes françaises pour sécuriser Paris. Il
fait appeler les Chevau-légers de la garde et la compagnie de
Gendarmes assignée à la protection du dauphin86.. Les troupes de
la Maison du roi sont ainsi immédiatement mobilisées, afin de
devancer les princes du sang qui réclameraient le droit d’exercer la
régence.
Les premières tentatives de structuration
Aux Gardes françaises, des mesures sont également prises pour
améliorer l’organisation du régiment et le fidéliser au service du roi.
On s’assure notamment de payer correctement les soldats, ce qui
permet en juste retour d’être plus exigeant avec eux :
« Sa Majesté veut qu’il soit fait en sorte qu’elles soient payées tous les mois,
car outre que l’on s’en pourra beaucoup mieux assurer, c’est le moyen de les
policer et d’empêcher qu’ils ne soient à charge insupportable du pauvre
peuple, comme ils sont. (…) Et afin qu’elles soient complètes du dit nombre,
quand les dits montres se feront, les soldats seront signalés de marques et
payés à la banque, et sera écrit leurs noms et les lieux d’où ils sont, tant pour
la sureté de la personne du roi, que pour les faire châtier, si après avoir reçu
leur solde, ils s’en vont sans congé87.. »
Pour la première fois, les modalités d’un service domestique
efficace sont édictées. La moitié des compagnies est mobilisée, par
rotations, pour monter la garde au Louvre. On place différents corps
de gardes aux entrées du palais, auxquels on joint des Suisses pour
renforcer le dispositif88.. Les officiers des compagnies qui sont de
garde au Louvre doivent tous être présents pour encadrer leurs
hommes :
« Le jour qu’une compagnie sera en garde, que le capitaine se tienne sujet
au corps de garde et n’en parte point, ni son lieutenant, enseigne et sergent,
que tous les soldats aient toujours leur hausse col, que la moitié d’iceux soit
toujours placée et armée tant de nuit que de jour, principalement les
sentinelles qui seront placées deux à deux89.. »
L’autre moitié du régiment doit être logée à proximité immédiate de
Paris afin de pouvoir intervenir rapidement en cas de troubles dans
la capitale :
« Que la moitié des compagnies six mois l’an, soient logées en quelque lieu
fermé, voisin du lieu où sa Majesté sera logée, afin qu’elles n’aient tant de
liberté de s’écarter90.. »
Jusque sous Henri IV, les unités de la Maison du roi doivent
s’adapter au bon vouloir du souverain, qui peut choisir l’une ou
l’autre pour lui servir de garde rapprochée au gré de ses humeurs ou
en fonction de l’endroit où il se déplace.
Sans prérogatives clairement définies, ces unités se disputent donc
le service du jeune roi pour s’y imposer au détriment de compagnies
rivales. Le 26 juillet 1611, la régente doit faire édicter un règlement
par Louis XIII afin de statuer sur le rôle des Cent Suisses et des
Gardes du corps qui se querellent sur la garde au logis du roi :
« [Règlement] sur le différend eu entre le colonel Gallaty, lieutenant des Cent
Suisses de la garde du corps du roi sous le duc de Bouillon, comte de la Marq
et les quatre capitaines des compagnies des Gardes du corps de sa Majesté,
pour raison du commandement des douze Suisses qui sont en garde et doivent
coucher au logis de sa Majesté, et pour éviter aux désordres et inconvénients
qui pourraient arriver à cause du dit différend s’il n’était pourvu91.. »
Ce document est le premier qui témoigne de l’arbitrage royal
concernant la hiérarchie entre les unités chargées de la protection
du souverain. Cette question deviendra par la suite un levier
fondamental dans le commandement et la gestion de la Maison du
roi92.. Surtout, le texte établit pour la première fois une
subordination claire entre différents officiers qui composent le guet :
« Le dit capitaine des Gardes du corps de sa Majesté fera entendre au
lieutenant et autres officiers qui leur commandent les intentions de sa Majesté
pour y être par eux obéi93.. »
Si les Gardes du corps jouent encore un rôle modeste auprès du
roi, ces derniers sont attachés à leurs prérogatives, notamment celle
de garder la chambre du souverain durant la nuit. C’est à eux que
l’on confie alors les clefs des appartements du roi et c’est à leur
capitaine de service qu’il incombe de juger s’il est nécessaire de
réveiller le roi94.. Le jour, cette tâche incombe surtout à la
compagnie des Cent Suisses, dont la garde du palais et plus
particulièrement des appartements royaux est la responsabilité
principale. Cette unité jouit alors d’un très grand prestige qui lui est
conféré par son ancienneté et la réputation de ses soldats, dont on
dit de leur nationalité qu’elle les rend plus réfractaires aux intrigues
de la cour95..
Les premiers contacts avec les Suisses datent vraisemblablement
de 1444. Charles VII envoya une armée commandée par le dauphin
pour porter secours au duc d’Autriche qui affrontait les troupes de
cantons suisses devant Bâle96.. Bien que victorieux, le dauphin
apprécia la valeur guerrière de ces montagnards jugés brutaux et
courageux. Il conclut ainsi un traité d’alliance le 28 octobre 1444,
que Charles VII renouvela en 1453 et qui fut confirmé une nouvelle
fois en 146397.. Louis XI ratifia à Abbeville le 27 novembre 1463
l’alliance de Charles VII. Il accorda des pensions aux cantons et fixa
la solde de 500 Suisses qui furent amenés pour la première fois à
son service à cette occasion98.. Cette compagnie était alors la seule
troupe suisse à la solde du roi de France. En 1496, la compagnie des
Cent Suisses fut officiellement créée et son commandement confié à
un capitaine français, Louis de Menthon99.. Les Cent Suisses
comptent en fait 127 hommes qui partagent leur service avec les
Gardes du corps. Ils sont chargés plus particulièrement de garder les
portes des appartements royaux100.. Dès 1595, ils obéissent à un
capitaine-colonel, dont la charge devient une des plus considérables
de la cour. La compagnie donna une telle satisfaction que son rôle et
ses privilèges furent confirmés tout au long des XVe et XVIe
siècles101.. En 1610, les Cent Suisses se voient attribuer
officiellement la garde directe du souverain :
« Le roi veut qu’il y ait douze Suisses jours et nuit près et autour de sa
Majesté, et coucheront à la salle des Gardes (…) et auront leurs hallebardes
près d’eux pour la sureté et défense de sa Majesté. Le roi veut, quand il sortira
de sa Maison que les Suisses marchent devant sa personne, s’il est en carrosse
seront à la tête des chevaux, ne laisseront entrer que les pages et les valets de
sa Majesté102.. »
La mort d’Henri IV engendre aussi l’arrivée au premier plan d’une
unité comme les Gardes du corps. Cela fait naître quelques rivalités
avec les Cent Suisses, qui sont à l’origine des premiers conflits sur
les modalités du service domestique auprès du roi. Ce
développement de la Maison du roi dans les années 1610 répond
avant tout à l’instabilité politique de l’époque. La garde du roi
connaît donc une première structuration, mais celle-ci est avant tout
empirique, dictée par l’urgence politique et reste balbutiante. Des
efforts sont faits pour rationaliser le service de plusieurs unités
auprès du souverain. Ces dernières sont toutefois insuffisantes au
regard de la relative confusion dans laquelle s’effectue le guet et
dans les attributions pas toujours claires des prérogatives de chaque
unité.
Malgré cette confusion, les troupes de la Maison du roi vont se
révéler être un atout important pour affermir l’autorité royale. La
régente va d’abord compter sur la fidélité des troupes de la garde
pour contenir les grands « malcontents ». Le jeune Louis XIII va
ensuite s’appuyer sur la Maison du roi pour s’émanciper de son
ombrageuse mère-régente et de son favori.
Défendre la régence
Alors que les princes aspirent toujours à participer au
gouvernement et à jouir, en vertu de leur naissance, d’une place
privilégiée dans l’organisation de la monarchie, Marie de Médicis
choisit d’imposer au Conseil Concino Concini103.. Nommé conseiller
d’État le 26 juillet 1610, il devient le favori de la régente qui lui
obtient plusieurs gouvernements d’importance en Picardie. La reine
lui offre surtout la charge de premier gentilhomme de la chambre du
roi, alors que sa femme, Léonarda Dori, confidente de la reine,
achète le marquisat d’Ancre104.. En 1611, Concini devient
gouverneur d’Amiens et lieutenant général de Picardie. Nommé
maréchal de France en 1613, il est devenu en quelques années le
principal représentant du roi dans le Nord du royaume105..
À défaut d’une administration efficace, le pouvoir royal a été obligé,
dès le XVe siècle, de s’appuyer sur les grands106.. Ces derniers
contrôlaient en effet des provinces entières, par les gouvernements
militaires que leur confiait le roi. Leur rôle se renforça durant la
seconde moitié du siècle suivant. Disposant d’un solide réseau de
clientèles locales, ils devinrent les courtiers du patronage royal qu’ils
représentaient auprès des élites locales107.. Ils y imposaient les
taxes, la levée des troupes, la nomination des gouverneurs de villes
et de places fortes et bien sûr le commandement militaire. Ces
grandes familles avaient tissé des liens étroits de clientèles avec ces
noblesses locales ou « noblesses secondes »108.. De plus, ces
charges de gouverneur, conférées sans limitations de temps, avaient
largement tendance à demeurer des générations dans une même
famille, par la pratique de la survivance. De la loyauté de ces grands
au pouvoir royal dépendait donc la stabilité du royaume. Or le plus
farouche opposant à Marie de Médicis fut le gouverneur de Guyenne,
Henri II de Bourbon, prince de Condé. Fils d’un cousin germain de
Henri IV, premier prince du sang, il insistait sur le caractère illégitime
de la régence, établie par le Parlement au détriment des États
généraux. Il défendait aussi l’idée selon laquelle la loi salique
s’opposait à la détention du pouvoir par une femme et réclamait la
place de lieutenant général du royaume109..
Le pouvoir acquis par Concini est l’une des raisons qui poussent
Henri II de Bourbon, prince de Condé, à la révolte. En vertu de son
statut de premier prince du sang, Condé entend bien faire appliquer
son droit naturel à conseiller le roi pendant sa minorité. Mécontent
d’être écarté par la régente, Condé quitte la cour avec les ducs de
Nevers, Longueville et de Mayenne et entre en dissidence le 13
janvier 1614. D’autres nobles, quittent à leur tour Paris pour se
retirer dans leur province formant ainsi un parti des « absents » dont
Condé devient le chef. Le 18 février, il publie un manifeste dans
lequel il dénonce sans le nommer Concini mauvais conseiller du
royaume, qu’il accuse de piller l’État et de priver la régente des
conseillers naturels incarnés par la noblesse110..
Bien que la France ne soit pas en guerre, l’activité militaire est
constante à l’intérieur du royaume. Les prises d’armes des grands et
des protestants sont alimentées par l’Espagne et l’Angleterre qui
fournissent une aide militaire. La révolte des grands exerce une
menace réelle. Condé, en particulier, peux compter sur un réseau de
clientèle étendu à de nombreuses provinces du royaume111.. Il peut
également s’appuyer sur certains ports et quelques places fortes en
Picardie et en Normandie et mobiliser près de 1 500 gentilshommes
à Paris112.. Les forces globales que Condé et les princes peuvent
lever sont parfois estimées à près de 4 000 soldats et 700 cavaliers
soit une armée équivalente à ce que peuvent lever Guise et
d’Épernon113..
Face à cette menace, la régente choisit l’apaisement, quitte à
accepter des conditions humiliantes. Parmi les nombreux avantages
acquis par les révoltés, celles-ci prévoient notamment, comme le
souhaitent les princes, la tenue d’États généraux visant à discuter de
leur participation dans la conduite de l’État114.. La révolte des
princes s’explique aussi par l’approche de la fin de la minorité du
roi115.. Souhaitant susciter l’adhésion des provinces du centre et de
l’ouest de la France, Marie de Médicis décide de les parcourir avec le
jeune souverain, afin de montrer Louis XIII à ses sujets et cimenter
ainsi leur loyauté.
En juillet 1614, les unités de la Maison du roi accompagnent donc
le roi dans ce voyage sur les bords de la Loire116.. La « guerre des
Malcontents » vient, malgré le traité de Sainte-Menehould, de
recommencer. Les unités de la Maison du roi représentent dans cette
entreprise un élément central. Encore peu nombreuses
numériquement, elles forment néanmoins un petit noyau de troupes
permanentes et relativement aguerries, ce qui représente un atout
rare pour l’époque. Le régiment des Gardes françaises est à lui seul
déjà fort de vingt compagnies de près de 200 hommes chacune117..
Toutes les villes, y compris celles dont la fidélité semble douteuse,
ouvrent leurs portes et acclament l’armée royale menée par Louis
XIII. Grâce à la solide éducation qu’il a reçue en matière d’équitation
et d’escrime, le roi peut se tenir avec assurance, malgré son jeune
âge, à cheval et en armure, incarnant ainsi la majesté royale118..
L’une des autres réussites de ce voyage est la soumission de César
de Vendôme, le turbulent demi-frère du roi qui intrigue lui aussi
contre la régente. La cour, ayant poussé jusqu’à Poitiers, revient par
Nantes, où les États de Bretagne se déclarent contre Vendôme et
demandent son remplacement. Louis XIII rentre à Paris le 16
septembre.
Le 2 octobre 1614, cinq jours après son quatorzième anniversaire,
Louis XIII est déclaré majeur. Malgré la fin officielle de la régence,
Marie de Médicis est déclarée chef du Conseil royal et continue à
exercer pleinement le pouvoir. La tenue des États généraux n’a pas
apaisé les tensions et, alors que ces derniers s’achèvent, le
Parlement s’oppose à nouveau au gouvernement de la reine. Cette
opposition au parti de la reine transparaît par exemple à travers la
remise en question des privilèges des Gardes françaises par les
magistrats, en novembre suivant. Lorsque deux soldats du régiment
se battent en duel au Pré-aux-Clercs, dans la juridiction de l’abbaye
de Saint-Germain-des-Prés, l’un est tué et l’autre arrêté119.. Par
ordre du bailli de l’abbé, le duelliste est remis entre les mains du
prévôt de l’abbé de Saint-Germain qui le détient dans les prisons de
l’abbaye. Ayant le privilège de pouvoir soumettre à une justice
particulière ses soldats120., les Gardes françaises envoient le prévôt
du régiment réclamer le prisonnier. Face au refus de l’abbé, le duc
d’Épernon détache deux compagnies pour forcer les portes de la
prison d’où le soldat est retiré. Les parlementaires s’emparent de
l’affaire et ordonnent une enquête. D’Épernon tente de faire pression
sur eux en envoyant d’autres soldats du régiment les moquer à la
sortie du parlement121.. Les magistrats donnent toutefois raison à
l’abbé de Saint-Germain122.. Face à la pression de la régente qui
souhaite voir le duc s’employer exclusivement dans la lutte contre
Condé, d’Épernon est contraint de céder et de faire amende
honorable devant le Parlement123.. Le duelliste fautif, qui aurait
légitimement dû être soumis à la justice particulière du régiment, est
finalement remis à la juridiction de l’abbaye124..
Condé, toujours plus hostile à Concini, profite à nouveau de cette
instabilité pour se révolter et stigmatiser le gouvernement de l’Italien
et de la régente. C’est dans ce contexte délétère que Louis XIII
prend à nouveau la tête de la cour pour se rendre dans le sud-ouest
du royaume, à la rencontre d’Anne d’Autriche, sa future épouse.
Comme l’année précédente, les troupes de la Maison du roi
fournissent désormais au souverain une escorte conséquente
exclusivement dédiée à sa sécurité. Louis XIII chevauche durant tout
le trajet en étant gardé de près par ses deux compagnies de
Chevau-légers et de Gendarmes de la garde125.. Il s’agit à nouveau
de traverser le royaume pour susciter l’adhésion des provinces, en
montrant au peuple le jeune roi.
En 1616, la Maison du roi connaît un renfort de taille avec la
naissance du régiment des Gardes suisses. Son origine remonte à
1567, quand Catherine de Médicis obtient des cantons une levée de
6 000 hommes qui sont nommés « Gardes suisses du roi »126.. La
création de ce régiment est en partie due à la satisfaction que
donnent les Cent Suisses et plus généralement les troupes de cette
nation recrutées depuis Louis XI. Lors de sa création, le régiment
n’est composé de deux ou trois compagnies127.. Les Gardes suisses
sont recrutées dans un canton différent pour chaque compagnie, mis
à part la compagnie Générale qui rassemble des hommes issus des
treize cantons helvétiques128.. Le régiment n’est complet qu’en
1616 et monte sa première garde au logis du roi au mois de mars de
cette année, selon le journal du maréchal de Bassompierre129.. Il a
immédiatement vocation a étoffer de manière conséquente le service
domestique de la garde royale :
« Que les douze cents Suisses fassent deux corps de garde aux deux côtés
du logis de sa Majesté, chacun de cent cinquante hommes étant en garde tant
de jour que de nuit, et qu’ils ne s’écartent nullement des dits corps de garde.
Qu’ils posent leurs sentinelles sur les avenues du dit logis ainsi qu’ils ont
accoutumé et que les dites sentinelles soient toujours armées. Que la moitié
de ceux qui seront aux corps de gardes soient aussi toujours armés tant de
nuit que de jour afin d’être plus prêts à combattre s’il en survient l’occasion. Sa
Majesté fera pourvoir au paiement de leurs états, soldes et appointements afin
qu’ils aient le moyen de faire le service qu’ils doivent et de se tenir en
l’équipage ordonné ci-dessus130.. »
Son premier commandant est le colonel Gallaty, qui a combattu
avec Henri IV à la tête d’un régiment de Suisses à Arques, en
1589131.. C’est d’ailleurs à partir de la compagnie colonelle du
régiment de Gallaty, levée en 1614, que sont créées les premières
compagnies du régiment132.. En intégrant les troupes de la Maison
du roi, l’unité tient le premier rang sur les autres unités étrangères, à
l’exception des Cent Suisses, de la compagnie écossaise des Gardes
du corps et de la compagnie des Gendarmes écossais. La compagnie
Générale doit avoir pour capitaine un Français, qui commande la
compagnie en l’absence du colonel. Tous les autres officiers et
soldats du régiment, y compris le colonel, sont suisses, alors que l’on
trouve dans les autres régiments suisses de l’armée des Allemands,
des Polonais, des Suédois ou encore des Danois133.. Les capitaines
du régiment ont par ailleurs souvent d’autres compagnies à la tête
desquelles ils ne servent pas. Ils mettent alors en place un «
capitaine-commandant » qu’ils rémunèrent.
Il y a également six anspessades par compagnie. Dans le régiment
comme chez les Gardes françaises, c’est surtout un titre honorifique
qui récompense des soldats valeureux ou des vétérans. Les «
trabans », terme qui signifiait « garde » en allemand134., sont des
hommes qui accompagnent le capitaine dans les batailles et sont
armés d’une hallebarde différente de celle des sergents : le fer est
taillé par son extrémité en lame de pertuisane. Ils sont exempts de
factions et payés un peu plus que les simples gardes. Il y a aussi
dans chaque compagnie un officier appelé « capitaine d’armes »,
dont la fonction est de veiller sur les armes de la compagnie, leur
entretien et leur distribution. Enfin, il y a pour tout le régiment deux
majors, possédant une commission de capitaine. Les Gardes suisses
portent la livrée du roi et les drapeaux du régiment sont de la livrée
du colonel. Les soldats du régiment ont enfin une totale liberté de
culte. Ils possèdent un aumônier et un ministre135.. Le colonel,
selon sa religion, paye l’un et les soldats d’une autre confession que
celle du colonel payent l’autre.
Dans le même temps, l’armée royale est envoyée dans le nord et
l’est du royaume pour faire face à la nouvelle rébellion de Condé. La
paix de Loudon, signée en mai 1616, met un terme aux
affrontements. Les conditions sont à nouveau très avantageuses
pour Condé qui obtient de nombreux avantages financiers, la
confirmation des places de sûreté de ses alliés protestants, le
gouvernement de Berry et surtout une place centrale au Conseil136..
Condé cherche toujours à écarter Concini. Ce dernier garde toutefois
la confiance de la reine et parvient finalement à faire arrêter le
prince de Condé. On fait appel aux deux régiments de Gardes de la
Maison du roi, avec l’approbation de Louis XIII, qui se satisfait
ouvertement de l’arrestation du rebelle137.. Le 1er septembre, 1616,
les Gardes françaises et suisses se rangent en bataille devant le
Louvre dès que Condé en franchit les portes138.. La Maison du roi
contribue ainsi dissuader les partisans du prince de tenter de le
libérer139.. Les régiments des Gardes françaises et suisses jouent
véritablement un rôle central dans cet événement. Plusieurs
compagnies des deux unités sont aussi envoyées à l’hôtel de
Concini. Elles sont mises à profit pour réprimer des émeutiers qui, à
l’annonce de l’arrestation du prince, ont commencé à piller la
demeure du favori qui est désormais extrêmement impopulaire140..
L’emprisonnement de Condé entraîne un nouveau soulèvement des
grands. Le duc de Guise prend la tête de troupes royales, auxquelles
sont jointes plusieurs compagnies des Gardes françaises et suisses,
contre les princes révoltés qu’il bat à plusieurs reprises en 1616 et
1617141.. Toutefois l’arrestation du prince de Condé, revenu à la
cour sur l’assurance du duc de Guise de ne pas être inquiété, amène
ce dernier à se retirer sur ses terres. Concini, quant à lui, en profite
pour asseoir son emprise sur le gouvernement du royaume. Il fait
notamment entrer au Conseil du roi un certain Armand Jean du
Plessis, évêque de Luçon, en tant que ministre des Affaires
étrangères, le 25 novembre 1616142..
Les années 1616-1619 occupent une place charnière dans la
naissance d’un lien particulier entre le roi et les unités de sa garde.
Lors de l’arrestation de Condé, Louis XIII a pour la première fois
participé ouvertement à l’intrigue de palais visant à arrêter le prince.
Le roi aurait feint de se préparer à aller à la chasse avec lui, alors
qu’il venait lui-même de distribuer des pertuisanes à ses Gardes, en
vue de son arrestation143..
Encore incarné par la régence, le pouvoir royal tente de se
resserrer autour d’hommes de confiance. En mars 1617, à l’issue de
la troisième révolte des grands, la lieutenance générale d’Ile-de-
France, exercée jusqu’alors par l’un des rebelles, le marquis de
Cœuvres, est donnée à La Curée, le capitaine-lieutenant de la
compagnie des Chevau-légers de la garde, ancien homme de
confiance d’Henri IV144.. Pour les proches de Louis XIII et en
particulier Charles d’Albert de Luynes, qui s’impose en quelques
années comme le favori du jeune roi, cette nouvelle période de
révolte est propice à un coup de force afin de s’approprier le pouvoir.
Influencé par son entourage, Louis XIII ambitionne maintenant de
gouverner. À quinze ans, il semble que le souverain supporte de
moins en moins son infantilisation par sa mère qui lui refuse l’entrée
au Conseil145.. Luynes, qui devient son confident, encourage le
jeune roi à s’émanciper de plus en plus de l’autorité de son
ombrageuse mère et surtout de Concini. L’Italien, toujours plus
impopulaire, est devenu un symbole de despotisme dont il faut se
débarrasser.
La Maison du roi, instrument du « coup de Majesté »
Les troupes de la Maison du roi jouent un rôle central dans le
dispositif mis en place pour neutraliser Concini. Le roi aurait d’abord
semblé réfracteur à l’idée de faire assassiner le maréchal d’Ancre.
L’idée initiale proposée à Louis XIII aurait été de se saisir par
surprise de Concini, puis de le traduire rapidement devant le
Parlement. Face aux magistrats, un motif quelconque aurait été
retenu pour justifier son arrestation146.. Guichard Déageant, un des
proches de Luynes qui élabore le plan, suggère toutefois rapidement
qu’il faudra faire taire Concini s’il résiste. Selon le récit de Déageant,
si le roi est instrumentalisé par Luynes, il prend bien sa part dans le
jeu de dupes qui se joue à la cour147.. Dans cette entreprise, le
principal écueil est de ne pas éveiller les soupçons de Concini et de
ses agents. Le parti de Louis XIII décide donc de s’appuyer sur les
unités de la Maison du roi, fidèles au souverain. Il faut également
trouver un homme digne de confiance qui sera chargé de
l’arrestation. Plusieurs compagnies des Gardes françaises sont alors
avec l’armée royale qui combat les princes révoltés148.. Le roi est
ainsi privé de plusieurs officiers à qui il aurait pu confier cette
mission. Le choix se porte donc rapidement sur l’un des quatre
capitaines des Gardes du corps.
Nicolas de l’Hôpital marquis de Vitry, capitaine de la deuxième
compagnie des Gardes du corps, est un gentilhomme connu pour sa
fidélité. Sa réputation d’homme téméraire en fait un candidat
approprié. Il lui faudra en effet suffisamment d’audace pour être
capable de se saisir du maréchal d’Ancre, pendant le court laps de
temps où il sera éloigné de ses gardes, le temps de franchir l’une
des entrées du Louvre. Pour y parvenir, Vitry demande à s’entourer
de trois hommes de confiance : le baron de Persan, son ami
Fouquerolles et surtout son frère, François du Hallier, enseigne de la
compagnie des Gentilshommes à bec de corbin149.. Par souci de
sécurité, les partisans du complot semblent réticents à révéler la
nature exacte de leur mission à ces hommes de main150.. Vitry est
néanmoins depuis longtemps au courant, puisque le complot est mis
au point trois semaines à l’avance151.. Luynes et Déageant
échafaudent dans le même temps un plan pour lui permettre de fuir
avec le roi en cas d’échec du coup de force152..
Après avoir manqué une occasion de se saisir de Concini alors qu’il
rend visite à la reine le 23 avril, le plan est mis à exécution le
lendemain153.. Les troupes de la Maison du roi ont une place
importante dans le dispositif. Le parti du souverain craint toujours de
devoir fuir rapidement si l’opération échoue. En conséquence, la
compagnie des Chevau-légers est assemblée, au prétexte
d’accompagner Louis XIII à la chasse154.. Elle servira à escorter le
roi si celui-ci est contraint de s’échapper de Paris. Dans le même
temps, le corps de garde assurant normalement le service
domestique est rassemblé dans la salle basse des Suisses, afin d’être
rapidement à disposition155.. Une véritable nasse est mise en place
dans et en dehors du palais :
« Vitry et quelques autres particuliers employés dans cette affaire, avertirent
leurs plus assurés amis, gens de main et affectionnés à la personne du roi,
pour se trouver le matin environ les huit à neuf heures dans la cour du Louvre,
sur le sujet de quelque querelle qu’on leur feignait, mais c’était en de se servir
d’eux en cas qu’il fallut mener les mains, à cause que le maréchal d’Ancre était
toujours fort accompagné de gens d’exécution156.. »
Le dénommé Fourilles, qui commande l’une des compagnies des
Gardes françaises de service ce jour-là, est effectivement prévenu de
tenir ses hommes prêts en cas de problème157.. Alors que le
maréchal d’Ancre n’arrive toujours pas au Louvre, Vitry songe à
réunir ses Gardes du corps ainsi que les compagnies des Gardes
françaises et suisses présentes au Louvre, pour aller directement
arrêter Concini158..
Quand l’Italien est finalement annoncé et qu’il se sépare de son
escorte pour franchir le pont-levis du Louvre, Vitry et ses trois
hommes de main se précipitent à sa rencontre. Il est toujours
question de savoir si Vitry a jamais eu l’intention d’arrêter Concini et
si son exécution immédiate était préméditée ou non159.. Toujours
est-il que quelques instants après avoir été interpellé par les quatre
hommes, le maréchal d’Ancre s’effondre, tué par plusieurs coups de
pistolets. Ses bourreaux affirment qu’il a tenté de mettre la main à
son épée160..
L’exécution de Concini marque l’entrée en politique de la Maison du
roi. Cet événement est un élément fondateur de l’image d’unités
défendant inflexiblement l’autorité du roi. Des années plus tard,
Dangeau synthétisa cette idée dans son récit de l’exécution :
« Le lundi 24 avril 1617, le Maréchal d’Ancre entrait au Louvre pour le
Conseil. Vitry, capitaine des Gardes du corps lui demande son épée. Comme il
y portait la main, soit pour obéir, soit pour se défendre, il fut assassiné sur le
pont-levis, de trois coups de pistolets. Le roi parut aussitôt au balcon et sa
présence disait assez qu’on avait agi que par ses ordres. Il entendit les
félicitations du peuple, il aperçut l’allégresse universelle, car chacun se réjouit
de la mort de cet homme détesté161.. »
Tout est en effet résumé dans ces quelques lignes. Vitry n’a
vraisemblablement laissé aucune chance à Concini de se rendre. Il
est pourtant présenté comme ayant agi en état de légitime défense.
Le capitaine des Gardes du corps est surtout dépeint comme le
défenseur impassible de l’autorité du roi, qui est lui-même
représenté comme le père du peuple ainsi sauvé de la tyrannie du
maréchal d’Ancre. Comme l’a noté Yves-Marie Bercé, les
compagnons de Vitry ne sont toutefois pas choisis grâce à leurs
fonctions dans la Maison du roi, mais du fait de leur parenté ou
amitié avec le capitaine des Gardes du corps162.. Les troupes de la
Maison du roi permettent cependant au coup d’État de retrouver des
figures légales. Ce sont les compagnies des Gardes du corps, des
Gardes françaises ou des Gardes suisses présentes sur place qui
assurent le contrôle du Louvre, en arrêtant les ministres et les
proches de Concini163.. Les Gardes du corps jouent aussi un rôle
important dans la diffusion immédiate de la nouvelle dans les rues
de Paris. Les unités de la Maison du roi contribuent ainsi à faire de
l’orchestration de cet événement un succès pour le souverain.
L’acclamation populaire et la profanation de la sépulture de Concini
qui suit donnent une dimension coutumière à cet événement qui
conforte le coup de Majesté de Louis XIII164.. Devant l’aveu du roi
qui confirme que Vitry a agi sur son ordre, les parlementaires
admettent que « l’acte du roi justicier se suffit à lui-même165. ».
Vitry est récompensé pour son geste. Il reçoit le bâton de maréchal
de France, l’hôtel de la rue de Tournon et transmet sa charge de
capitaine des Gardes du corps à son frère et homme de main, Du
Hallier166..
La mort de Concini est également fondatrice dans l’attachement
personnel qui lie dorénavant le roi à sa garde. En effet, si les troupes
de la Maison du roi avaient jusque-là défendu indistinctement le
pouvoir royal incarné par Marie de Médicis, elles prennent désormais
uniquement le parti du roi, quitte à ce que cela soit contre la reine-
mère. À ce titre, la Maison du roi contribue aussi à l’émancipation de
Louis XIII qui s’opère, à partir de 1617, aux dépens de Marie de
Médicis. Le soir de la mort du maréchal d’Ancre, les gardes de la
reine en faction à ses appartements sont ainsi remplacés par des
Gardes du corps du roi167.. L’ambassadeur d’Espagne qui s’avance
vers les appartements de Marie de Médicis est quant à lui interpellé
par Vitry, qui lui indique qu’il faut désormais traiter avec le roi168..
Le lendemain, Louis XIII se rend seul au Conseil pour la première
fois169.. Quand le 3 mai, Marie de Médicis est contrainte de quitter
la cour, son carrosse est escorté par La Curée et ses Chevau-légers
de la garde, qui s’assurent qu’elle est bien conduite à Blois170..
Conscient de l’atout que représentent les troupes de sa Maison,
Louis XIII veille dès lors à soigneusement fidéliser ces unités à son
service. Dès le 22 mai 1617, un brevet accorde aux quatre
compagnies des Gardes du corps une augmentation annuelle de 64
181 livres pour les faire venir au « service ordinaire du roi »171..
C’est à partir de cette date que ceux-ci sont fixés définitivement à la
cour. Dès lors, les Gardes du corps et les Cent Suisses deviennent les
deux unités qui assurent la protection du roi au quotidien, faisant
office de « gardes du corps » au sens contemporain du terme. Le 4
août 1623, afin d’améliorer la protection offerte au roi, on extrait des
compagnies des Gardes du corps, dont Louis XIII ne semble pas
encore tirer un total sentiment de sécurité, dix-huit hommes chargés
de veiller au plus près du souverain :
« Le roi voulant être ci-après servi avec un meilleur ordre qu’il n’a été ci-
devant par les quatre compagnies des Gardes de son corps, a ordonné et
ordonne que désormais, il y aura en service auprès de sa Majesté, douze
Écossais de la manche, et six du corps qui serviront ainsi qu’ils ont accoutumés
et des [compagnies] françaises pendant les six semaines auxquelles ils ont été
réglé de tenir dix-sept archers de chacune des trois compagnies pour faire en
tout le nombre de 65 couchant sur la paillasse172.. »
« Les Gardes de la manche », dont le nom fait référence à cette
proximité physique avec le roi, représentent à partir de ce moment
l’une des charges les plus prisés de la Maison du roi, dont on ne
pourvoit que les Gardes du corps les plus capables173.. Les douze
premiers d’entre eux sont choisis au sein de la compagnie écossaise,
la première des quatre compagnies174..
La mort de Concini interrompt la révolte des grands. Elle fait aussi
la fortune de Luynes, qui s’approprie la plupart des titres et fonctions
de l’Italien. Luynes connaît à son tour une ascension spectaculaire.
Mais le nouveau favori engendre lui aussi de nombreux
mécontentements, notamment de la part d’anciens fidèles du roi.
Partisan d’une monarchie qui laisserait participer les grands au
gouvernement, le duc de Guise fait lui aussi preuve d’une fidélité
moindre après l’assassinat de Concini. Guise et d’Épernon, lui-même
hostile à Luynes, favorisent alors l’évasion de Marie de Médicis, qui
tente à son tour de rallier les grands contre son fils. D’Épernon est
privé de ses charges et donc de ses prérogatives sur les Gardes
françaises. Son incartade lui fait perdre la nomination des capitaines,
des lieutenants et des enseignes, ne lui laissant que le soin de
contresigner les brevets175.. Rappelé par Luynes, Richelieu joue
alors un rôle déterminant en se révélant être le principal artisan
d’une paix négociée entre Louis XIII et sa mère, entérinée par le
traité d’Angoulême signé le 30 avril 1619.
Loin d’être satisfaite, Marie de Médicis relance le conflit en s’alliant
cette fois avec les grands, menés désormais par le demi-frère du roi,
César de Vendôme, et le comte de Soissons. Ces derniers n’ont dans
un premier temps pas voulu se rapprocher de d’Épernon, mais la
rumeur de la nomination de Luynes au poste de connétable les
convainc de se joindre à leur ancien ennemi. Inversement, le roi
peut désormais compter sur le renfort de Condé qui lui est
désormais loyal. Dans ce conflit qui éclate en 1620, les troupes de la
Maison du roi, et en particulier les Gardes françaises, jouent un rôle
déterminant. Elles forment le noyau d’une armée royale réduite
depuis le licenciement des troupes. Par rapport aux hommes levés
par les grands révoltés, elles sont surtout bien plus aguerries. Les
efforts royaux se portent d’abord en Normandie. Commandée par
Créqui, Schomberg et Plessis-Praslin, l’armée royale est forte
d’environ 3 000 fantassins et 200 cavaliers, essentiellement issus
d’unités de la Maison du roi : Gardes françaises, Gardes suisses,
Chevau-légers et Gendarmes de la garde176.. Six compagnies des
Gardes françaises jouent un rôle déterminant dans la prise du
château de Caen. La compagnie de Droué en particulier perce la
contrescarpe et commence à investir la place, si bien que la garnison
assiégée finit par se mutiner et capituler177.. Forte désormais de 8
600 hommes, l’armée de Louis XIII pousse vers l’Anjou où elle
rencontre celle assemblée par les princes rebelles aux Ponts-de-Cé.
Deux fois moins nombreuse, affaiblie par les défections, celle-ci est
facilement battue dans une bataille où les Gardes françaises
commandées par Créqui parviennent non seulement à disperser
l’infanterie adverse, mais aussi à résister à la cavalerie du comte de
Saint-Aignan178..
Les unités de la Maison du roi se sont révélées être un atout
indispensable dans le processus d’affirmation de l’autorité du roi.
Fort de sa victoire, le souverain négocie en position avantageuse
avec sa mère et avec les grands. Le pardon qu’il leur accorde lui
permet de fonder avec eux une nouvelle alliance pour se retourner
cette fois contre d’autres rebelles qui prennent les armes : les
huguenots. La guerre menée contre les protestants ouvre une
nouvelle étape dans l’évolution de la Maison du roi. Car Louis XIII a
de plus en plus besoin de troupes à la fois dévouées et capables
d’intervenir efficacement dans cette entreprise de pacification. La
création des mousquetaires, qui deviennent l’une des plus
emblématiques unités de la Maison du roi, est symptomatique de
cette évolution.
LA MAISON DU ROI AU SERVICE DE LOUIS LE JUSTE
Les campagnes menées contre les protestants vont révéler en Louis
XIII la figure d’un roi de guerre. À l’occasion des troubles qui
éclatent après sa majorité, il montre un intérêt croissant pour les
questions militaires, en particulier le maniement des armes et les
manœuvres d’infanterie. Le lien privilégié qu’il tisse avec le régiment
des Gardes françaises lui permet de satisfaire sa curiosité :
« Il [le roi] voulut qu’aucun détail ne lui demeura étranger, et on le vit se
faire enseigner par Pontis, lieutenant du régiment, une nouvelle manœuvre
dont le mécanisme lui avait échappé. Bientôt, il connut une partie des gardes
par leurs noms. À plusieurs reprises, il apporta lui-même des modifications,
longuement méditées, à l’armement, à l’uniforme et au règlement de cette
belle troupe, qu’il affectionna chaque jour davantage179.. »
Ce nouveau départ pour la guerre est aussi l’occasion pour le roi de
se familiariser avec deux unités encore fortement attachées à la
figure d’Henri IV et de son règne. Ces unités sont alors les deux
seules véritables troupes de cavalerie de la Maison du roi : Les
Chevau-légers de la garde et leur compagnie sœur de Gendarmes.
Avec les Gardes françaises, elles sont les seules unités de la Maison
du roi à posséder alors une solide expérience militaire.
Le legs d’Henri IV
L’origine des Chevau-légers remonte à la création des compagnies
d’ordonnance par Charles VII, en 1445180.. Ils tiennent leur nom de
la volonté du roi de se doter d’une cavalerie plus légère et plus
mobile, en complément de sa cavalerie lourde181.. Composée à
l’origine d’une centaine d’hommes, les effectifs de cette compagnie
sont progressivement augmentés. Lors des rébellions huguenotes,
elle est composée de plus de deux cents cavaliers.
En 1592, Henri IV est capitaine d’une compagnie de chevau-légers.
Le lieutenant de cette compagnie, Gilbert Filhet de la Curée, est
alors en conflit avec un lieutenant-colonel de cavalerie nommé Le
Terrail182.. La Curée argumente qu’en tant que lieutenant d’une
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“Oh, I could not choose but go
Into the woodlands hoar.

“Into the blithe and breathing air,


Into the solemn wood,
Solemn and silent everywhere!
Nature with folded arms seem’d there,
Kneeling at her evening prayer!
Like one in prayer I stood.

“Before me rose an avenue


Of tall and sombrous pines;
Abroad their fanlike branches grew,
And where the sunshine darted through,
Spread a vapour soft and blue.
In long and sloping lines.

“And falling on my weary brain,


Like a fast falling shower,
The dreams of youth came back again;
Low lispings of the summer rain,
Dropping on the ripen’d grain,
As once upon the flower.”

He told her of his happy progress, from that first dawning of hope to the full
joy of steadfast faith. He ran over the history of the past year, in which from
day to day he had looked forward to this meeting; and he told with what joy
he had slowly added coin to coin, until he had saved a sufficient sum to
carry him home. Then, when he had finished, the sister and brother mingled
their thanksgivings and happiness together, and Christian’s heart swelled
full and overbrimming: she could have seated herself upon the floor, like
Ailie, and poured out her joy as artlessly. But it is Halbert’s turn now to ask
questions. When will little Mary be home? how long she stays. Halbert
wearies to see his little sister, but he is bidden remember that she is not little
now, and Christian sighs, and the dark cloud, that she fears is hanging over
Mary’s fate, throws somewhat of its premonitory gloom upon her heart and
face. Halbert, unnoticing this, is going about the room, almost like a boy,
looking lovingly at its well-remembered corners, and at the chairs and
tables, at the books, and last his eye falls on a card lying in a little basket,
and he starts as if he had encountered a serpent, and his eye flashes as he
suddenly cries out, almost sternly, as he lifts it and reads the name.
“Christian, what is this—what means this? Mr. Walter Forsyth a visitor
of yours; it cannot be. Tell me, Christian, what does it mean?”
“It is Mr. Forsyth’s card,” said Christian gravely; “an acquaintance, I am
afraid I must say a friend of ours. Indeed, Halbert, now that you are home
with us again, this is my only grief. I fear we shall have to give our little
Mary into his keeping, and he is not worthy of her.”
Halbert is calmed by his long trial, but his natural impetuosity is not
entirely overcome, and he starts up in sudden excitement and disorder.
“Walter Forsyth the husband of my sister Mary! Walter Forsyth, the infidel,
the profligate; better, Christian, better a thousand times, that we should lay
her head in the grave, great trial as that would be, and much agony as it
would cause us all, than permit her to unite herself with such a reptile.”
“Halbert,” said Christian, “the name misleads you; this cannot be the
man—the Forsyth who wrought you so much unhappiness and harm, and
has caused us all such great grief and sorrow; he must be much older, and
altogether a different person. This one is not even a scoffer, at least so far as
I have seen.”
“Christian,” cried Halbert vehemently, “I feel assured it is the same. Do
not tell me what he pretends to be, if he has any end to serve he can be
anything, and put on the seeming of an angel of light even. I tell you,
Christian, that I am sure, quite sure, that it is he. I met him as I came here,
and I shuddered as I saw him, and even felt myself shrinking back lest his
clothes should touch me; but little did I suspect that he was about to bring
more grief upon us. Does Mary, do you think, care for him?”
Christian could not but tell him her fears; but she said also that Mary had
always avoided speaking to her on the subject. What could they do? What
should be done to save Mary? Halbert, in his impatience, would have gone
to seek her out at once, and have pointed out to her the character of her
lover; but Christian only mournfully shook her head, such a plan was most
likely to do harm and not good.
“You must be calm, Halbert,” she said, “this impetuosity will be
injurious—we must save Mary by gentler means, she is far too like yourself
to be told in this outspoken manner—the shock would kill her.”
But old Ailie is stealing the door of the room open timidly, to break in on
the first hour of Christian’s joy, and when she entered she did it with a look
of sober cheerfulness, widely different from her late joyful frenzy.
“Miss Mary came in a while since,” she said, “and ran straight up to her
own room, without speaking, or waiting till I telled her of Mr. Halbert’s
home coming, and she looked pale and ill like; would you not go up, Miss
Christian, and see?”
The Melvilles are Ailie’s own children, and she has a mother’s care of
them in all their troubles, bodily or mental. So at her bidding Christian rose
and went softly to Mary’s room: the door was closed, but she opened it
gently, and standing hidden by the curtains of Mary’s bed, was witness to
the wild burst of passionate sorrow and disappointed affection in which
Mary’s breaking heart gushed forth, when she found herself once more
alone. Herself unseen, Christian saw the scalding tears welling out from her
gentle sister’s dim and swollen eyes, she saw the convulsive motions of her
lithe and graceful figure, as she rocked herself to and fro, as if to ease or
still the burning grief within: and she heard her broken murmurs.
“Had he but died before I knew this, I would have mourned for him all
my life, even as Christian mourns, but now—but now!—such as he is”—
and her burst of sobbing checked the voice of her sorrow. A moment after
she started up and dashed the tears from her eyes, with some vehemence.
“Should I not rather thank God that I have been saved from uniting myself
with a godless man—with my poor brother’s seducer?” and she sank on her
knees by the bedside. Poor Mary’s grief was too great for silent
supplications, and Christian stood entranced, as that prayer, broken by many
a gush of weeping, rose through the stillness of the quiet room. She had
never, she thought, heard such eloquence before of supplicating sorrow, had
never seen the omnipotence of truth and faith till then; gradually they
seemed to subdue and overcome the wildness of that first grief, gradually
attuned that sweet young sobbing, struggling voice, to sweetest resignation,
and ere Christian echoed the solemn “Amen,” Mary had given thanks for
her deliverance, though still natural tears, not to be repressed, broke in on
her thanksgiving, and silent weeping followed her ended prayer. But when
she bent her head upon her hands again, Christian’s kind arm was around
her, Christian’s tears were mingled with her own, Christian’s lips were
pressed to her wet cheek in tender sympathy, and the voice of Christian, like
a comforter, whispered,
“I know all, Mary, I know all; may God strengthen you, my dear sister—
you have done nobly, and as you should have done; may God bless you,
dearest Mary.”
And Mary’s head, as in her old childish sorrows, nestles on Christian’s
bosom, and Mary’s heart is relieved of half its heavy and bitter load. Poor
Mary! the days of childhood have indeed come back again, and, as the
violence of the struggle wears away, she weeps herself to sleep, for sorrow
has worn out the strength of her delicate frame, already exhausted by the
varied and contending emotions of the day, and now the tears slide slowly
from beneath her closed eyelids even in her sleep.
But Halbert is at the door anxiously begging for admittance, and
Christian leads him in to look at little Mary’s sleep. It was a child’s face, the
last time he looked upon it, a happy girlish face, where mirth and quick
intelligence rivalled each other in bringing out its expressive power; he sees
it now, a woman’s, worn with the first and sorest struggle that its loving
nature could sustain, and a kind of reverence mingled with his warm
affection as he bent over his sleeping sister; he had yielded to temptations,
oh, how much weaker, since his heart was not enlisted on the tempter’s
side; he had made shipwreck of his faith and of his peace, for years,
fascinated by attractions a thousand times less potent than those which this
girl, her slight figure still trembling with her late emotions, still weeping in
her sleep, had withstood and overcome; and Halbert bent his head, humility
mingling with his rejoicing. Had he only been as steadfast as Mary, how
much sorrow and suffering would they all have been saved.
They have left the room awhile with quiet footsteps, and there is much
gladness in those two hearts, though trembling still mingles with their joy;
for, if Christian fears the effect of this terrible shock on Mary’s health, at
least she is delivered; there is great happiness in that certainty, she has
found out Forsyth’s true character, though it passes all their guessing and
conjectures to tell how.
And now Halbert is asking about his father, and James and Robert, and
expressing his fears as to how they will receive him, the truant son. His
brothers will be rejoiced; but Christian shakes her head half doubtful, half
smiling, when Halbert, “and my father”—she cannot say, but an hour or two
more will bring that to the proof.
“Do you know, Christian, I feel myself like one of the broken men of the
old ballads, and I am in doubt, in perplexity, and fear, about this meeting.”
“If you are broken, if your ship has been cast ashore, we will get it
mended again,” said Christian, with more of humour and lightheartedness
than she had either felt or used for many a day. “But no more of that,
Halbert, just now. Tell me, will you go to see James to-night?”
“No, I can’t; it would be unseemly besides.”
Halbert will not leave his sister the first night of his return, and Christian
feels relieved; after a pause, he continues:
“How do you like Elizabeth now, Christian; are James and she happy
together?”
“I have no doubt they are,” said Christian, evasively; “why should they
not be?”
“But you don’t like her.”
“I never said so, Halbert.”
“Well, that’s true enough; but I inferred it.”
“Nay, you must make no inferences. Elizabeth can be very pleasant and
lovable; if she is not always so, it is but because she does not choose to
exercise her powers of pleasing.”
“So she can be lovable when she likes. But it was she, was it not, that
introduced Mary to Forsyth?” said Halbert, his brow darkening.
“You must forgive her that, Halbert; she was not aware of his character
when she received him as her cousin’s friend,” and Christian looked
distressed and uneasy, and continued; “and Halbert, you must not cherish a
vindictive feeling even against Forsyth, bad as he is, and great as is the
mischief he did you; promise me that, Halbert, promise me, now.”
“Well, I do promise you; I could not, if I would; and I now pity him
much more than hate him.”
They sat together conversing, till the shadows began to lengthen, when
Christian, compelled by domestic cares and preparations for the evening,
left her new found brother for a time.
CHAPTER IV.

Bear a lily in thy hand;


Gates of brass cannot withstand
One touch of that magic wand.

Bear through sorrow, wrong and ruth,


In thy heart the dew of youth,
On thy lips the smile of truth.—Longfellow.

HE day wore away, and now the evening darkened fast, and old
Ailie’s beaming face, illuminated by the lights she carries,
interrupts brother and sister, again seated in the cheerful fire-light,
which, ere the candles are set upon the table, has filled the room
with such a pleasant flickering half-gloom, half-radiance. And there, too, is
Mr. Melville’s knock, which never varies, at the door. Halbert knows it as
well as Christian, and grows pale and involuntarily glides into a corner—as
he had done of old when he had transgressed—but Christian has met her
father at the door, and whispered that there is a stranger newly arrived in the
room. It fortunately so happens to-night that Mr. Melville has come home
more complacent and willing to be pleased than he has done for many a
day. Some speculation suggested by James, and agreed to with sundry
prudent demurring by the heads of the house, has turned out most
successfully, and Mr. Melville has taken the credit of James’s foresight and
energy all to himself, and is marvellously pleased therewith. “A stranger,
aye, Christian, and who is this stranger?” he says most graciously, as he
divests himself of his outer wrappings; but Christian has no voice to answer
just then, and so he pushes open the half-shut door, and looks curiously
about the room; his son stands before him, his eyes cast down, his cheeks
flushed, his heart beating.
“Halbert!”
The human part of Mr. Melville’s nature melts for the moment, the
surprise is pleasurable; but he soon grows stern again.
“Where have you been, sir? what have you been doing? and why have
you never written to your sister?”
Halbert’s trial has taught him meekness, and his answers are in words
which turn away wrath, and his father turns round to seek his easy-chair on
the most sheltered and cosiest side of the glowing fire.
“Humph!” he says; “well, since you are home, I suppose it’s no use
making any more enquiries now, but what do you intend to do?”
Halbert looks astonished; it is a question he is not prepared to answer; he
feels that he ought not and cannot ask his father to enable him to carry out
the plan he has been dreaming of for the past twelve months, and he is
silent.
“There is plenty of time for answering that, father,” said Christian
briskly; “we can consult about that afterwards, when we have all recovered
ourselves a little from this surprise which Halbert has given us; and here
comes Robert.”
Robert came merrily into the room as Christian spoke, and not alone, he
had a companion with him whom he brought forward to introduce to
Christian, when his eye caught his brother. What! are we going to have old
Ailie’s extravagances over again. Poor Robert’s laugh is hysterical as he
tumbles over half a dozen chairs, and lays hold of Halbert, and his shout
electrifies the whole household, wakening poor sleeping Mary in her lonely
chamber. “Halbert! Halbert”—Robert is a fine fellow for all his
thoughtlessness, and is almost weeping over his recovered brother, and
Halbert’s newly acquired composure has forsaken him again, and he sobs
and grasps Robert’s hands, and thanks God in his heart. This is truly a
prodigal’s welcome, which Halbert feels he deserves not.
Robert’s companion hangs back bashfully, unwilling to break in upon,
lest he mar this scene of heartfelt family joy, which a good brother like
himself fully appreciates; but Christian’s kind and watchful eye is upon
him, and has marked him, and she comes forward to relieve him from the
awkward position in which he is placed, Marked him! yes, but what a
startled agitated look it is with which she regards him, and seems to peruse
every lineament of his countenance with eager earnestness. What can it be
that comes thus in the way of Christian’s considerate courtesy, and makes
her retire again and gaze and wonder? What a resemblance! and Christian’s
heart beats quick. But Robert has at length recollected himself, and now
brings the young man forward and introduces him as his friend Charles
Hamilton. Christian returns his greeting, but starts again and exchanges a
hurried glance with Halbert, who also looks wonderingly on the stranger.
Christian soon leaves the room, she has Mary to seek after, and attend to;
but as she passes Halbert’s chair, she bends over it and whispers in his ear,
and her voice trembles the while,—
“Is not the resemblance most striking—and the name?”
“It is most extraordinary,” answered Halbert aloud, gazing again on the
mild ingenuous face of the stranger. Christian glided away.
“What is most extraordinary, Halbert?” asked Robert, with a slight
impatience in his tone.
“Oh, nothing; at least only Mr. Hamilton’s great resemblance to an old
friend of ours long since dead.”
The young man looked towards him and smiled. Can that picture still be
hanging in its old place in Christian’s room?
Our poor Mary has slept long and calmly, and when Robert’s shout
awoke her, she started up in astonishment. She was lying in the dark room
alone, with silence round about her, and her pillow was wet with tears.
Mary raised herself in her bed, and throwing back the disordered hair which
hung about her face tried to collect her bewildered thoughts. The memory
of her grief has left her for the moment, and she is wondering what the
sound could be that came indistinctly to her ears; it sounded, she fancied,
very like “Halbert.” Who could be speaking of him, and as she repeats his
name the full knowledge of what has passed, all the momentous events and
misery of this day come upon her like a dream. Poor Mary! a heavy sigh
breaks from her parted lips, and she presses her hand over her painful eyes.
She does not see the approaching light which steals into the little room; she
does not hear the light footstep of its gentle bearer, but she feels the kind
pressure of Christian’s arm, and most readily and thankfully rests her head
on Christian’s supporting shoulder.
“I have news to tell you,” whispers Christian, “which you will be glad of
and smile at, though you are sighing now. You remember Halbert, Mary?”
Remember him! but Mary’s only answer is a sigh. Halbert’s name has
terrible associations for her to-night; she has remembered him and his
fortunes so well and clearly this day.
“Mary, Halbert has come home, will you rouse yourself to see him?”
“Come home, Halbert come home!” and the poor girl lifted up her head.
“Forgive me, Christian, forgive me, but I have done very wrong, and I am
very, very unhappy;” and the tears flowed on Christian’s neck again more
freely than before.
“You have done nobly, dear Mary—only rouse yourself, shake off this
grief; you have done well, and God will give you strength. Let me bathe
your temples—you will soon be better now,” said Christian, parting the
long dishevelled hair, and wiping away the still streaming tears. “That man
is not worthy one tear from you, Mary: be thankful rather, dearest, for your
deliverance from his cunning and his wiles.”
A deep blush flitted over Mary’s tear-stained face, as she raised herself
and began with Christian’s tender assistance to remove the traces of her
grief. Christian wondered as she saw her begin to move about the little
room again; there was a still composure gathering about her gentle features,
which the elder sister, accustomed to think of Mary as still little more than a
child, could only marvel at in silence. Her eyes were almost stern in their
calmness, and her voice was firmer than Christian could have believed
possible as she turned to speak.
“Yes, Christian, I am thankful—thankful beyond anything I can say; but
do not ask me about anything just now,” she continued, hurriedly, as
Christian looked up to her as if about to speak. “I will tell you all
afterwards, but not to-night—not to-night, dear Christian.”
“Would you not like to see Halbert, Mary?” said Christian, taking the
cold hands of her sister in her own. “Do you care or wish to see Halbert
now, Mary?”
“Yes, yes,” was the answer, and Mary’s eye assumed a kinder and more
natural glow. “I forgot, tell him to come here Christian, I would rather see
him, I cannot meet him down stairs.”
Halbert was speedily summoned, and when his step paused at the door,
Mary ran forward to meet him with pleasure in her eyes. True, Halbert’s
tone of affectionate sympathy brought the remembrance of that scene of the
morning, and with it the tears to Mary’s eyes; but Christian rejoiced to see
how gently they fell, and hoped that the sorest and bitterest part of the
struggle was past; and so it was, for Mary went down with untrembling step
and entered the room where her father, brother, and the stranger sat with a
sweet and settled calmness, which allayed all Christian’s fears.
It seemed now that however strange the stranger was to Christian, he
was no stranger to Mary Melville. Mr. Charles Hamilton was in truth well
known to Mary—yea, that Robert looked arch and intelligent, and his
young friend blushed as he rose to greet her on her entrance. This
acquaintanceship was soon explained, Mary had met him several times at
Mrs. James’s parties, and the casual mention which Robert and Mary had
made of him among the host of Elizabeth’s visitors had not been sufficiently
marked to attract the attention of Christian, engrossed as she was then with
such great anxiety regarding poor Mary’s unfortunate attachment.
Charles Hamilton’s qualities of head and heart were much too large for
Mrs. James Melville, and, accordingly, though she received him as a guest,
and was even glad to do so, from his social position and prospects—she
regarded him with much the same feeling which prompted her attacks on
Christian, and having noticed what poor Mary was too much occupied to
notice, the bashful attention with which the young man hovered about her
fair sister-in-law, Mrs. James had decided upon entirely crushing his hopes
by exhibiting to him this evening, at her party, the crowning triumph of her
friend Forsyth. Poor Mrs. James! how completely she had over-reached and
outwitted herself. That evening found her accomplished friend the rejected
—rejected with scorn and loathing, too—of simple Mary Melville, in no
humour for contributing to the amusement of her guests, and Charles
Hamilton in a far fairer way of success than even he himself had ever
dreamt of, for Christian’s eyes are bent on him from time to time, and there
is wonder blended with kindness in her frequent glances on his face, and
her pleasant voice has an unconscious tone of affection in it as she speaks to
him, as though she were addressing a younger brother. But the time has
come when they must prepare for Mrs. James’s party; Christian will not go,
Mary will not go, how could she? Halbert will not go, and the young
stranger’s face grows suddenly clouded, and he moves uneasily on his chair,
and at last rises reluctantly. Mr. Melville and Robert must go for a time at
least, to excuse the others that remain at home, and tell James of Halbert’s
return, and Charles Hamilton in vain hunts through every recess of his
inventive powers to find some reason that will excuse him for sitting down
again. But all fail, he can find nothing to offer as an excuse; he is intruding
on the family this night, sacred as it is—the evening of the wanderer’s
return—and when he may suppose they all so much desire to be alone; and
so he must take his leave, however loth and reluctant so to do. But while so
perplexed and disappointed Christian takes him aside, Christian bids him sit
down and speak to her a moment when Robert and his father have gone
away, and he does so gladly. Mary wonders what Christian can have to say
to him, a stranger to her till the last hour, and looks over, with interest every
moment increasing, towards the corner where they are seated side by side,
and so does Halbert too; but there is no astonishment in his face, though
there is compassionate affection beaming from his eyes. Their conversation
seems to be most interesting to both, and the look of sad recollection on
Christian’s gentle face seems to have been communicated to the more
animated features of her companion, and at length he suddenly starts and
clasps her hand.
“Christian Melville!” he exclaims, “Oh that my mother were here!”
The tears stand in Christian’s eyes—some chord of old recollection has
been touched more powerfully than usual, and Christian’s cheeks are wet,
and her eyes cast down for a moment. Mary can only gaze in astonishment,
and before she recovers herself Christian has led the young man forward to
them, and then she hurries from the room, while Halbert extends his hand to
him cordially. What is the meaning of this? both the young men join in
explanations, but Charles Hamilton’s voice is broken, half with the
recollection of his dead brother, and half with the pleasure of discovering
such a tie already existing with Mary’s family. Yes, Charles’s brother was
the original of that saint-like portrait which hangs within reach of the
glories of sunset on the wall of Christian’s room. The grave where Christian
had buried her youthful hopes was the grave of William Hamilton, and that
one name made the young man kindred to them all; and when Christian
after a time came down stairs again, she found him seated between Halbert
and Mary as though he had been familiar with that fireside circle all his
days, and was indeed a brother.
It was a happy night that to the group in this bright room, a night of great
cheerfulness and pleasant communion, just heightened by the saddening
tinge which memory gave it, and Mary, our sweet Mary, marvels at herself,
and is half disappointed that there is so little of romance in the fading of her
sorrow; but marvel as she likes, the unwitting smile plays on her lips again,
and you could scarce believe that those clear eyes have shed so many tears
to-day. She feels easier and happier even, now the weight of concealment,
which disturbed and distressed her in Christian’s presence of late, is
removed from the spirit; and she is the same open, single-minded,
ingenuous girl as heretofore; the secret consciousness that it was not right to
yield to Forsyth’s fascinating powers is gone now, and Mary Melville is
herself once more, aye, more herself than she has been for months past,
notwithstanding the bitter suffering of that very day. God has graciously
tempered the fierceness of his wind to the tender and trembling lamb, and
Christian’s confidence is restored, and she feels sure that time will make
Mary’s heart as light as ever, and efface from her memory the image of that
evil man, and blot out the traces of this day’s agony; and a smile flits over
Christian’s cheerful face as she fancies the substitution of another image in
the precious entablature of Mary’s heart. Who can tell but Charles Hamilton
may gain a right to the name of brother, which she already hesitates not to
accord, better than his present claim, precious to her mind as it is.
Mrs. James Melville’s party is sadly shorn of its lustre this year, when
we compare it with its last predecessor, only a short twelvemonth since; and
already, in spite of all the attractions of gossip, music, and flirtation, her
guests are beginning to yawn and look weary. Mrs. James was never so
annoyed in her life, all seems this night to have gone wrong. Her very
husband had deserted her—she had seen him fly down stairs three steps at a
time, and skim away through the cold street towards his father’s house.
Mrs. James was enraged to be left alone at such a time for any Halbert of
them all.
“A nice fuss was made about him, as much nonsense when he went
away as if there wasn’t another in the whole country, and now when he
thought fit and had come home——”
Mrs. James could not finish the sentence, for spite and vexation
overmastered her. Forsyth was not there, her chief attraction; Mary was not
there, and even Christian’s absence, little as she liked her, was another
source of annoyance; and this flying off of James was the finishing stroke.
We hardly think, however, that even Mrs. James would not have melted had
she seen her husband in the middle of yon cheerful group, with his beaming
joyous face, shaking Halbert’s hands over and over again, to the imminent
danger of bone and joint. We really think she could not but have helped
him.
There was a voice of thanksgiving in Mr. Melville’s house that night, of
thanksgiving which told in its earnest acknowledgment of many mercies;
thanksgiving whose voice was broken by the sobbings of one and
accompanied by the happy tears of all, for Halbert led their devotions, and
when his earnest tones rose up among them there was not a dry cheek in the
kneeling family, not James, though it might be thought his heart was
alienated from the overflowing affection of home, by the remembrance of
his own; not Charles Hamilton, permitted, nay requested, to stay, for who so
well as Halbert could give thanks for that double deliverance.
There are dreams to-night hovering with drowsy wing about the
dwelling, dreams which alight on Charles Hamilton’s young head as he
hastens home, his heart full of the last scene of the evening, and his voice
repeating—

“In dwellings of the righteous


Is heard the melody
Of joy and health: the Lord’s right hand
Doth ever valiantly;”—

dreams which enter Halbert Melville’s long shut chamber, welcoming its
old dreamer back again—dreams which float about Christian’s resting-place
—above the fair head laid on Christian’s shoulder, calm as in the happy
days of childhood; sweet, hopeful, cheering dreams, that open up long
vistas of indistinct and dazzling brightness, all the brighter for their glad
uncertainty before their eyes, and fill the hearts which tremble in their joy
with a sweet assurance that calms their fears into peace. Even Ailie
dreamed, and her visions were of a gay complexion, fitting the nature of her
doings through this eventful day, and had various anticipations of bridal
finery floating through them. Nay, the very wind which whistled past Mr.
Melville’s roof-tree had a language of its own, and admirable gleesome
chuckle, which said plain as words could speak that happy as this night had
been beneath it, there would be merrier, happier doings here next new
year’s day.
CHRISTIAN MELVILLE.

EPOCH V.

Sweet is the sunshine lacing with its light,


The parting storm-cloud after day of sadness;
That ere the even darkens into night
O’erflows the world with glory and with gladness;
But sweeter is the flood of pleasantness,
That breaks at noonday through the clouds of morning,
While yet the long glad hours have power to bless,
And the earth brightens ’neath its warm adorning
Of scattered sunbeams. So their fate excels
In blessedness, upon whose noonday story
The heavenly sunshine of God’s favour dwells,
While yet their tongues are strong to speak His glory;
And blessed they, O Lord! who, saved and free,
Stretch out compassionate hands to draw men near to thee!

CHAPTER I.
They thicken on our path,
These silent witness years;
A solemn tenantry, that still land hath
Wherein were spent our bygone smiles and tears;
Graven on their secret tablets silently,
Stand deed, and thought, and word,
Beyond the touch of change or soft decay,
’Stablished perpetually before the Lord!
* * * * *
Season of labour, time of hope and fear,
Kind to our households let thy varyings be;
With thee we give a sigh to the Old year,
And do rejoice us in the New with thee.—Y.S.P.

EN years have passed away, and again it is a fireside scene that


we have to depict, and a fireside conversation we have to
chronicle. The room we now stand in is large and pleasant, and
bright with the radiance of merry faces—faces of every age and
size, but all marvellously alike in features, as in happiness, from the grave
seniors down to the crowing baby, through all the gradations of stature and
sobriety that crowd around that well-spread table. The assembly is too
large, and the children too near each other in age to allow you to think them
all members of one household; and two fathers half checked, half
encouraged the merry crowd, and two mothers took sweet counsel together,
praising each other’s little ones, and exchanging domestic experiences with
each other. We must try and find in these merry faces the traits of those we
have known before. Let us see whom we have before us. A man of goodly
presence is the elder; grave, it seems, habitually, but with a smile that is like
a sunbeam, and which has an electrical effect in the saddest house it beams
in; and many, many houses of sorrow does it see, and many mourners are
cheered by the words of hope and comfort that flow from these
sympathising lips; for you will see, if you look at his apparel, and mark his
manner, that he holds a high vocation, no less than a labourer about that
glorious vine which has the Eternal Father for its husbandman; a labourer,
one who, like the bee, seeks honey from every flower, and from his pulpit,
and standing by beds of suffering, and in the dark, close, and fœtid haunts
of sin, seeks to have souls for his hire as the labour of his life and the joy of
his existence. No mere Sabbath day worker in his pulpit, but one that never
tires, that is always ready, and almost always with his harness on his back;
like a good knight of the olden time, prompt to succour the distressed. The
lady too, who sits beside him, has about her a gentle dignity that is akin to
his; but with her blooming cheek and bright eye we can boast no old
acquaintance, though when she lays her white hand on his arm and calls
him “Halbert,” we are half ashamed to say so much of Halbert Melville’s
wife.
But on the other side of the fire sits a younger lady, with a calm air of
matronly self-possession, which almost sets our memory at defiance; it is
true that her face looks so youthful in its eloquent expressiveness that, but
for that copy of it that shines at her knee, through the fair straggling locks
of a little merry girl, you might fancy her still the Mary of ten years ago; but
in the silent depths of her dark eyes sits such serene and assured happiness,
at once so calm, and deep, and full, as makes one sure this cannot be the
disconsolate inhabitant of yon dim chamber, weeping in her sleep in the
first agony of womanly woe. Yet so it is, and lightly have these ten swift
years—long, oh, how long and dreary to many—flown over her, effacing so
entirely everything but the remembrance of those passages in her history
from her mind, that when she looks back now upon that troubled time, she
half smiles, half blushes for her old self, and reckons of her brief but
agonising trial, as sick men recall to their memories the terrible dreams of
some delirious fever fit. For Mary Melville has found entire and perfect
kindred in the heart of one whom then she little recked of and cared not for,
and she wonders now how she, ever the object of Charles Hamilton’s warm
and full affection, could have overlooked his nobler qualities, and preferred
instead Forsyth’s deceptive and hollow brilliancy, and the glitter of well-
displayed accomplishments, which threw the blushing youth into the shade.
And the blushing youth of our last chapter blushes no longer when he
speaks to Mary, nor has his bashfulness been seen, Halbert says, for nine
long years and more; never since one bright autumn evening, when Mary
and he surprised Christian in her solitude by the whispered communication
of an important agreement come to between them, and which was carried
into effect, ratified and sealed, on the following new year’s day, fulfilling,
in the most joyous manner, old Ailie’s dream. At this transaction Halbert’s
presence was indispensable, albeit he was again, after Christian’s kind
persuasions and James’s spirited remonstrances had shamed their father into
liberality, finishing the long forsaken studies so disastrously interrupted of
old, with a vigour and ardour that was unquenchable. True, he did not come
to James’s wedding when it took place; but Christian, and Mary, and
Charles Hamilton were each and all immovable in their demands; they
could not do without Halbert, and so he was present at the ceremony,
exciting Charles’s wrathful contradiction, and Christian and Mary’s
curiosity, by hinting merrily of another Mary, whose presence would throw
the bride of to-day into the shade, though no one at that blithe bridal looked
on Mary Melville with more affectionate admiration than her brother
Halbert. And lo! when the time of Halbert’s study and probations was over,
and Providence had so ordered that the place of his ministry should be the
same as that of his birth, and the dwelling-place still of his nearest and
dearest kindred, then came about another bridal, and the name of Mary
Melville was resuscitated, though Mrs. Charles Hamilton’s proud husband
would never allow that the old bearer of the name was equalled by the new.
But there is no rivalship between the sisters—sisters in affection as much
as in name—and the children, whose fair heads have sprung up like flowers
beside and about them, are like one family in their cordial intercourse. But
where is Christian? Our enquiry is echoed by half-a-dozen merry voices.
“Where can Aunt Christian be?” There will be no need to ask the question a
moment hence, if indeed we can discern our old friend through the pyramid
of children that are clustering about her; the little girl that stood by Mary’s
knee has left for Aunt Christian, and now stands on a chair beside her, with
her round arms about her neck, and her rosy face beaming on her shoulders;
the sturdy boy who leant on Halbert’s chair has left that place of honour for
Aunt Christian, and he stands proudly at her right hand as prime minister,
helping at the distribution of the great basketful of new year’s dainties—for
this is again the first night of another year—which she has brought to
gladden these youthful hearts. The whole host of her nephews and nieces,
absorbed a moment since in their various amusements, have left them all for
Aunt Christian, and are gathered about her, one clinging round her waist
and one hanging at either arm, greatly impeding the action of her gift-
dispensing hand. Sure enough here is Christian, how blithe! how happy!
Time has dealt gently with her, and though he has drawn a thread of silver
through the rich dark abundance of her plainly braided hair, there is not one
in this room that would not start up in indignant surprise, if you said that
Christian was either looking or growing old.
“Nay, nay,” said Halbert, not long ago, when some indifferent friend of
the family suggested this, “Christian will never grow old. When years come
upon her, she will glide away like a streamlet into a river, but she will not
fade. Christian’s spirit will always be young.”
And so it is; her soft clear voice stills all that little childish hubbub in a
moment. The very baby stays its scream of joy, as if it too would listen to
Aunt Christian, and little Mary on her shoulder, and strong Halbert at her
right hand, and every separate individual of their respective hosts of
brothers and sisters would dare in single-handed valour any full-grown
Goliath that would presume to interrupt the expression of Aunt Christian’s
pleasure, pleasant as it always is. It is a great day this, with these two united
families. A day of childish jubilee to the younger members, and of joyful
commemoration to the older, for Halbert looks back with glistening eyes,
and rejoices in the union of ten years ago, a beginning of happy, laborious
years to him; and Mary remembers her early trial, and thanks God most
earnestly for deliverance, and participates with her husband in the happier
recollections of their marriage day; and the other Mary, with generous
affection, sympathises with each and all; and Christian? Christian’s heart,
open at all times to generous impulses, seems to have its sluices of
overpouring and constant love thrown wide open for the free passage of its
swelling tides, each new year’s night, and if you heard her fervent
thanksgiving when she kneels before God alone, you would think that flood
of blessings had been all poured out upon her, not that its fulness had
flowed upon her friends, but that she herself was the individual recipient of
every separate gift. For Christian identifies herself with those dear ones so
entirely, that she looks upon their happiness as a peculiar blessing bestowed
upon herself. Christian has, however, now seated herself in the empty chair
waiting for her—jealously kept for her, indeed—at the brightest corner of
the cheerful fireside, and taking a little namesake of her own, a grave,
serious, thoughtful child, who has begun to lisp wisdom already with her
infant tongue, upon her knee, she joins in the conversation which her
entrance, and still more her equitable distribution of the basket of good
things had interrupted.
“Father,” questioned Halbert Melville, second bearer of the name, “do
you keep new year’s day because it is new year’s day?”
“Why do you ask, Halbert?” said his mother, smiling, as she drew the
boy towards her.
“Because, Mamma, nobody else cares about it here; and I’ve heard Aunt
Christian say how foolish it was for people to keep their birthdays, as if
they were glad that time was going away from them, people that don’t use
their time well either,” moralised Halbert, looking earnestly in his mother’s
face, “and isn’t new year’s day just the same as a birthday and—” the boy
hesitated and seemed unwilling or unable to say more.
“And what, Halbert,” said Christian, as the boy paused and looked down,
“and what—what was it you were going to say?”
“I don’t know, Aunt Christian,” hesitated Halbert, “I don’t know whether
it’s right or not, but shouldn’t we be rather sorry when the new year comes,
than glad that the old year has ended?”
“And why sorry, Halbert?” said his father, who had hitherto been
listening in silence, “why do you think we should be sorry?”
“Because, father,” said Halbert, quickly, raising his eyes, “because you
said in your sermon last Sabbath, that when once a year was gone, if we had
not spent it well, it was entirely lost for ever, for we could never bring a
minute back again.”
“And therefore you think we should be sorry, do you, Halbert?” rejoined
his father.
“Yes, father,” was the answer, and again young Halbert’s face was cast
down, “for you say often that nobody spends their time well, or as right as
they should do.”
The elder Halbert did not answer, but he took little Christian, who had
been gazing with her large eloquent eyes at every one that spoke in turn,
and had attended diligently and earnestly to the unusual conversation, upon
her aunt’s knees. “Well, little one, do you think we should be sorry when
the new year comes?”
“I think we should be both sorry and glad, papa,” was the prompt
answer.
“Well, Christian, Halbert has told us why we should be sorry; now do
you tell us what it is we should be glad for.”
There was a murmur among a little knot at a corner of the table, and a
half-suppressed laugh before Christian had time to answer her father’s
question.
“Who is that? what is it that makes you so merry?” said Halbert, smiling
and shaking his head at the merry urchins, who were congregated in a
group.
“It’s only our Halbert, uncle, it’s only our Halbert,” whispered little
Mary Hamilton, deprecatingly.
“Well, Mary, we are impartial to-night, so we must hear what our
Halbert has to say; come here, sir.”
And Halbert Hamilton, the wildest little rogue that ever kept nursery in
an uproar, or overcame nurse’s patience, or conquered her heart by his feats
of merry mischief, half hid himself below the table in pretended fear and
dismay at his uncle’s summons, and did not stir.
“Come, Halbert,” said Mary, his mother, as Charles drew his incorrigible
son into the middle of the little circle, “what did you say over there?”
Halbert the third looked down and blushed, and then laughed outright.
“He only said we should be glad when the new year comes, because we
have plenty of fun,” interposed Mary Melville, her wild cousin’s constant
defender and apologist.
“Quite right, my boy,” said the elder Halbert, laying his hand kindly on
the boy’s head, “the coming of plenty of fun is a very good and proper thing
to be glad for; but sit you down now, and let us hear what little Christian
has to say.” And Halbert sat down at his uncle’s feet to listen.
“Well now, Christian, what should we be glad for? Is it because there is
plenty of fun, as Halbert says?”
“No, papa,” said the little, grave girl, seriously, shaking her head
solemnly, “no, it is not that. I think it’s because we have another to be good
and do right in. Isn’t that it, Aunt Christian?”
And the little girl looked over to her aunt inquiringly, to see if her
childish conclusion was a correct one.
“Just so, my dear,” was Aunt Christian’s answer, as Halbert patted the
child’s soft cheek, and then permitted her to make her way over to her
accustomed seat.
The children were gathered now about their parents’ knees, and even
wild Halbert Hamilton was silent and attentive. “Yes, children,” said the
kind father and uncle, as he looked round upon them, “yes, children, there is
a better reason for being glad than even having plenty of fun. There is a new

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