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LE FAIT DU JOUR

L’extraordinaire aventure de
La randonneuse a survécu onze jours, seule au milieu des Pyrénées espagnoles.
Elle a bu l’eau d’un torrent et a mangé quelques feuilles, sans jamais perdre espoir.

I
NCROYABLE, miraculeux,
admirable… Les superlatifs
filtrant l’eau d’un torrent pour ne pas
tomber malade et étalant des affaires Comment
ne manquent pas pour résu-
mer l’histoire de Thérèse Bor-
sur le sol pour se faire repérer par les
sauveteurs survolant le massif. « Je la être localisé
dais. Disparue le 26 juin lors savais forte, mais là… » glisse André
d’une randonnée avec son mari et un
groupe d’amis dans les Pyrénées es-
Bordais, frappé par la résistance phy-
sique et le mental de son épouse
Q UELS sont les meilleurs
moyens pour se faire repé-
rer par un hélicoptère lorsqu’on
pagnoles, cette Bretonne de 61 ans a qu’il retrouvera cet après-midi chez
est bloqué, blessé, et que l’on a
été retrouvée vivante au fond d’un eux en Ille-et-Vilaine.
du mal à se déplacer ? Le capi-
canyon après onze jours et onze Même robuste et en bonne santé,
taine Sébastien Rigault, com-
nuits passés seule, sans vivres et par une personne a-t-elle des chances de
mandant du peloton de gendar-
des conditions climatiques rudes. surmonter une telle épreuve ? « C’est
merie de haute montagne
Secourue à l’aide d’un hélicoptère, un exploit sur un plan individuel et
(PGHM) de l’Isère, donne
cette ancienne employée d’usine a psychologique, commente un méde-
quelques conseils aux randon-
été hospitalisée, épuisée physique- cin spécialisé dans la survie en mi-
neurs et aux alpinistes : « Sou-
ment, une dent cassée, mais quasi lieu hostile. En termes physiolo-
vent les montagnards ont dans
indemne. Plus personne ne s’atten- giques, c’est moins surprenant. Dans
leur sac une couverture de sur-
dait à un tel dénouement. un tel contexte, l’essentiel est de
vie. Lorsqu’on expose ces cou-
boire l’eau nécessaire aux besoins
Patience et ingéniosité vertures au soleil, leur surface
du corps humain. » A part un pique-
dorée réfléchissante permet une
« Je n’y croyais plus, c’est inimagi- nique vite avalé puis quelques
localisation rapide depuis l’hé-
nable », souffle Marcel Bordais, le feuilles, la rescapée dit n’avoir rien
lico. Si c’est possible, on peut
mari de Thérèse, membre du groupe mangé pendant onze jours. « Tant
aussi tenter de faire un feu. Le
de marcheurs qui avait brutalement qu’on boit, ça reste surmontable. En
pilote de l’hélicoptère peut voir
constaté la disparition de la sexagé- état de stress, le sentiment de faim
la fumée. Lorsque votre télé-
naire. « C’est un record de survie », in- n’est plus le même, ce n’est plus une
phone portable ne détecte au-
siste un secouriste espagnol. Dans priorité », explique le même prati-
cun réseau et que la nuit tombe,
cette histoire extraordinaire, le cou- cien. Sauvée par sa force de carac-
vous pouvez utiliser la fonction
rage et la volonté de cette femme for- tère mais aussi grâce à la persévé-
« appareil photo » du téléphone
cent le respect. La randonneuse, qui rance des sauveteurs espagnols qui
pour émettre des flashs dans la
s’était égarée en s’éloignant impru- n’ont jamais interrompu leurs re-
pénombre. C’est efficace. »
demment de ses compagnons, n’a cherches, Thérèse Bordais a, quoi
jamais cédé au désespoir et a fait qu’il en soit, signé un sacré exploit. S. P.
preuve de patience et d’ingéniosité, Geoffroy Tomasovitch

52 jours dans l’enfer de la Guyane « Le moral est essentiel


pour Loïc et Guilhem en 2007 dans ce type de situation »
JEAN-PIERRE HERRY, médecin spécialisé
L
’EXPÉRIENCE extrême endu-
rée par Thérèse Bordais, qui a
survécu onze jours, perdue en montagne, dans un milieu très
pleine montagne, sans nourriture, et Chamonix hostile avec de la neige. Elle n’a
avec des vêtements légers, rappelle (Haute-Savoie) donc pas souffert de températures
DE NOTRE CORRESPONDANT très basses. Et puis, elle a su aussi
une mésaventure terrible survenue
en 2007 à deux Français. Cette an- se mettre à l’abri des intempéries.
née-là, deux trentenaires ont passé
malgré eux cinquante-deux jours
L E DOCTEUR Jean-Pierre
Herry, médecin de l’Ecole na-
tionale de ski et d’alpinisme (Ensa) « A 61 ans,
épouvantables dans la forêt guya-
naise. Loïc Pillois et Guilhem Nayral
de Chamonix, est un spécialiste de on est plus résistant,
la médecine de montagne et des
avaient entamé une randonnée de conditions extrêmes.
plus rustique »
70 km. Ils devaient rejoindre en deux
Etes-vous surpris L’âge compte-t-il ?
semaines un petit village au cœur de
par la résistance de cette
la forêt guyanaise qu’ils connais- Cette randonneuse a 61 ans. A cet
randonneuse qui a tenu
saient déjà. En bonne condition phy- âge-là, on est plus résistant, plus
onze jours en montagne
sique, mais sans carte suffisamment rustique que des gens plus jeunes.
avant d’être secourue ?
détaillée, ni téléphone, ni GPS, les C’est un élément favorisant dans
deux hommes stoppent après une I Dr Herry. Je ne suis qu’à moitié la survie. On est moins sensible au
dizaine de jours de marche en se étonné. Je ne parlerai donc pas de stress, aux agressions extérieures.
rendant compte que leur stock de miracle. Cette randonneuse ne
s’est pas grièvement blessée dans Le mental est-il également
nourriture est insuffisant. déterminant ?
sa chute. Elle ne se trouvait pas
Mygales et serpents non plus en haute altitude. Et dans Le moral est essentiel dans ce
en guise de repas la mesure où l’on peut boire, on genre de situation. Il faut savoir ré-
Installés dans un bivouac pendant peut résister assez longtemps. Or, sister, ne pas paniquer, ne pas se
trois semaines, ils attendent en vain on sait que cette femme a bu de laisser aller. Continuer à y croire
les secours. Invisibles du ciel dans l’eau qui coulait dans le canyon où malgré les jours qui passent.
elle était bloquée. Et quand on ne
une forêt hyperdense, dont certains bouge pas, on n’a pas beaucoup Avez-vous été confronté
arbres s’élèvent à 40 m, probable- de dépenses énergétiques. On a à des cas similaires
ment frôlés par les nombreux secou- suffisamment de réserves pour durant votre carrière ?
ristes qui sillonnent la forêt pour les SAÜL (GUYANE), 5 AVRIL 2007. Loïc Pillois avait rallié seul Saül, surmonter une telle épreuve sans J’ai vu des alpinistes tenir huit
retrouver, les deux amis finissent par laissant Guilhem, trop affaibli, en arrière. Il y avait retrouvé le père (à apport alimentaire. On a d’ailleurs jours en haute montagne, au fond
reprendre leur marche. Cinquante- gauche) de son ami. (AFP/9e RIMA.) vu des gens faire la grève de la faim d’une crevasse, dans des condi-
deux jours après leur départ, Loïc pendant un mois et survivre. tions bien plus hostiles puisqu’ils
Pillois tombe à genoux devant un kilomètres pour aller chercher les se- jungle avec un sentiment de culpabi- Les conditions climatiques étaient entourés de glace avec des
couple en quad, à l’aérodrome de cours. Comme Thérèse Bordais, les lité. Ils s’en veulent d’avoir tant in- jouent-elles un rôle températures très basses. Ce sont
Saül qu’il a gagné seul, après l’aban- deux amis se sont hydratés et lavés quiété leurs proches, mais ont tou- important ? des facteurs aggravants. Et pour-
don des recherches. Son ami Guil- dans une rivière. Ils se sont nourris jours nié avoir fait preuve tant, ils s’en sont sortis.
hem, à bout de forces, amaigri de de coléoptères, de serpents, de tor- Il ne faut pas qu’il fasse trop froid
d’amateurisme ou de négligence ou trop chaud. Mais cette randon- Propos recueillis par
25 kg, victime d’une intoxication ali- tues et de mygales. dans la préparation de leur expédi- neuse ne se trouvait pas en haute Serge Pueyo
mentaire, l’a laissé faire les derniers Les deux hommes ont quitté la tion. Paul Larrouturou

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2 VENDREDI 10 JUILLET 2009

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