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mercredi, 30 avril 2008

Quand l’administration se mord la queue… et le reste avec !

Il y a deux ans, je travaillais sur le dossier de l’immigration. Le sujet tel qu’on me l’a
demandé pour les colonnes du journal : « euh, tu ferais pas un truc sur l’immigration, on parle
beaucoup de cette histoire d’immigration choisie, faut qu’on fasse quelque chose, chez nous,
dans la région, des réactions… ».Voilà, démerde-toi avec ça.
Je passe donc du mode « autotracté » à celui de débilotracté et me mets immédiatement au
boulot. « Immigration choisie… réactions… »
Bon, allons-y. Demandons-nous un instant qui pourrait bien se sentir éligible aux conditions
du ministère de l’Intérieur ? Qui pourrait bien plus qu’un autre avoir LE profil de l’immigré
choisi. Le genre de cas qu’on met en exemple et en avant pour vanter les mérites d’une
nouvelle loi et assurer le peuple des louables intentions de l’administration. Voyez, j’y allais
sans parti pris (rieurs, c’est le moment).
Et bling, je tombe sur un cas super. Pardon… Et vlan, je tombe sur un cas terrible. Celui d’un
réfugié exilé du Rwanda qui vit et travaille à Lille : Eugène Rwamucyo. Un sans-papier qui
plus est qui a cette étonnante particularité de bosser au CH Calmette comme infirmier 4
étoiles. Quatre étoiles je m’explique, l’ intéressé est l’honorable porteur d’un titre de docteur
spécialisé en hygiène et santé publique. Si l’on résume donc, nous avons là un sans-papier
rwandais dont le récépissé de demande de séjour expire bientôt, qui fera bientôt l’objet d’un
arrêté de reconduite à la frontière de la part des services de l’Etat mais qui en même temps
travaille pour l’Etat, est payé par l’hôpital public. Un sans-papier fonctionnaire qui possède
même ses propres cartes de visites estampillées centre hospitalier universitaire Calmette,
email, n° de standard, courrier… tout le tralala. Dernière particularité, l’homme est soutenu
par le député du Nord UMP Thierry Lazaro qui l'accompagne parfois en préfecture pour
défendre son dossier, parle de lui à droite à gauche pour tenter de rallier des soutiens.
C’est d’ailleurs Thierry Lazaro qui m’a permis d’entrer en contact avec Eugène Rwamucyo.
On fait donc un papier qui bizarrement passera de fait tout à fait inaperçu. La Cas Rwamucyo,
bien qu'assez extraordinaire et plutôt révélateur d'une certaine absurdité de l'administrante
administration, fascine peu. Dont acte. Je range le dossier dans une armoire où s'empilent mes
autres "bides".
Mais voilà que je retombe aujourd'hui sur des dépêches AFP et des articles parus début avril
sur le génocide au Rwanda en 1994 et son gouvernement actuel qui recherche toujours
Justice, Vérité et de Vengeance. Re-bling, on parle du docteur Eugene Rwamucyo. Le Parquet
de Paris a ouvert contre lui une information judiciaire pour " génocide, complicité de
génocide, crime contre l'humanité et complicité de crime contre l'humanité". Ça en jette tout
de même. J'apprends aussi que mon anti-héros de l'immigration choisie figure sur la liste des
93 génocidaires recherchés par le Rwanda. On le soupçonne d'avoir à Butare où il dirigeait un
centre de santé prêté ses compétences de docteur émérite au service du carnage.
Quand je l'avais rencontré courant mai 2006, je m'étais contenté de lui poser des questions de
flicaillons de base : " et vous avez vos papiers ? ". Quand j'aurais dû avoir la présence d'esprit
d'oser un : " Et vous avez à un moment ou un autre participé à quelque génocide ? ". A ma
décharge, c'est vrai que ce n'est pas le genre de questions qui vous vient immédiatement à
l'esprit. Enfin, je fais mon mea culpa tout de même.
Et je le fais d'autant plus facilement qu'à mon sens, dans cette histoire, c'est bien l'Etat
français qui se retrouve le plus cocu. D'un côté, l'administration payait un ressortissant qu'elle
menaçait d'expulsion de l'autre. Dorénavant, elle paye un sans-papier praticien hospitalier
contre lequel elle ouvre une information judiciaire et qui est tout bonnement accusé d'avoir
joué à Butare les génocidaires en blouse blanche.

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