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Les jeunes étudiants, qui ont hâte d’exalter leur « maturité », se disent réalistes et non
idéalistes. Ils croient vraiment avoir atteint le summum de la maturité en optant pour le
principe qui dit : « ca a toujours été comme ca, nous n’y pouvons rien ». Examinons cette
phrase de plus près. Ca a toujours été comme ca ? Il y a toujours une première fois. Nous
n’y pouvons rien ? Nous n’y pouvons rien ou nous pouvons peu ? Tout d’abord, « rien » et
« peu » ne sont pas synonymes. Puis, ce n’est pas parce que notre action ne va pas
changer le monde entier et ne connaitra pas de gloire universelle que nous devons nous en
abstenir. C’est comme si un petit enfant mourant de faim vous demandait à manger et vous
refusez de lui donner quoique ce soit sous prétexte que dans tous les cas, que vous l’aidiez
ou pas, il y aurait toujours la famine en Afrique. C’est ce qui se passe couramment, mais
certes de façon moins évidente. Dans certaines situations, notre inaction et manque
d’initiative sont intolérables. L’essentiel ne réside pas dans l’importance du résultat mais
dans l’importance de notre effort. Nous ne pouvons affirmer que telle chose est impossible
avant d’avoir nous-mêmes agi et accompli notre devoir. Ne pas agir parce que le résultat
risque de ne pas nous satisfaire, ne signifie pas pour autant que nous sommes réalistes mais
plutôt révèle un caractère lâche et hypocrite. Cette « folie de grandeur des résultats » nous
paralyse et fait de nous des observateurs passifs d’une réalité morbide.
Comment donc un jeune étudiant peut-il aider son pays aujourd’hui ? Tout d’abord en ôtant
le masque du réalisme hypocrite. Ce qu’il faut savoir c’est que le réalisme ne s’oppose pas
radicalement à l’idéalisme. Il ne s’agit pas d’idéologies pour choisir l’une des deux. La
sagesse consiste à savoir distinguer la place de chacune et son utilité. En étant idéalistes
dans la pensée, nous arrivons à comparer la réalité avec nos convictions. La remise en cause
de la situation actuelle serait alors possible. Nées alors une ambition d’agir et une volonté
de changement. Le cas inverse aurait obligatoirement empêché tout mouvement de
réforme et une soumission à la réalité. Toutefois, s’il nous est utile d’être idéalistes dans
notre réflexion, le réalisme, quant aux moyens d’agir, est aussi important. Il ne s’agit pas
d’être des penseurs idéalistes qui ne font que rêver et espérer, ou d’autres qui dépensent
leur énergie et perdent leur temps gratuitement, en raison du manque de réalisme dans la
façon de mener leur projet. Etre pragmatique et réaliste est essentiel lorsque l’on mène un
projet concret afin d’optimiser les résultats, mais se cacher derrière le pragmatisme et le
réalisme afin d’en faire des prétextes pour ne pas agir, produit les effets contraires de ces
principes qui se veulent avant tout utilitaristes. Dans le cas des étudiants libanais, ce qui
pourrait y avoir de plus inutile est l’inaction. Pourtant, l’action ne doit pas être ou
extraordinaire ou ne pas être du tout. Un modeste engagement de la part de chacun dans
l’exercice de la véritable citoyenneté, qui contrairement aux idées reçues ne consiste pas
simplement à exercer ses droits politiques mais inclut tout combat mené en vue d’une amélioration de la société,
est déjà un acte utile. Un acte peu utile ou révolutionnaire ? Quelle importance ! C’est d’ailleurs aux circonstances
de le décider. Quant à nous, quel que soit le résultat, nous aurions la conscience tranquille d’avoir rempli notre
devoir.