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LA SITUATION SE TEND SUR LE TERRAIN PARIS S'INQUIETE DU RWANDA

BRAECKMAN,COLETTE

Lundi 5 avril 1993

La situation se tend sur le terrain

Paris s'inquiète du Rwanda

Engagée militairement au Rwanda depuis le début de la guerre, en principe pour protéger ses
quelque 400 ressortissants la France souhaiterait confier cette responsabilité aux Nations unies,
en même temps qu'elle s'inquiète de l'avenir de ce petit pays ravagé par la guerre et menacé par
la disette. Au sein du nouveau gouvernement français en effet, le «patron» de la coopération M.
Roussin, qui a longtemps évolué dans le sillage de Jacques Chirac, a la réputation d'entretenir
des liens plus étroits avec le «pré carré» français traditionnel qu'avec les Etats d'Afrique centrale,
à fortiori s'il s'agit d'anciennes colonies belges. En outre, l'influence de M. Mitterrand sur la
politique africaine risquant de se trouver réduite, les liens personnels noués par le chef de l'Etat
français avec le président Habyarimana pourraient à l'avenir ne plus avoir la même influence.

Cette discrète volonté de dégagement explique les démarches menées par la France auprès du
secrétaire général des Nations unies devant la perspective d'une reprise des hostilités entre les
troupes gouvernementales et celles du Front patriotique.

En effet, les négociations de paix d'Arusha piétinent, notamment sur l'épineux sujet de la
dissolution des deux armées, et de leur fusion au sein d'une force unique qui ne se composerait
plus que de 13.000 hommes. Cette perspective ne sourit guère à l'armée gouvernementale, qui
s'est gonflée à 40.000 hommes, et où de nombreuses recrues, peu formées, peu disciplinées et
représentant finalement un danger pour la population n'ont guère envie de retrouver la vie civile,
même si la rigueur des combats les démoralisent. Du côté du FPR, où les officiers ont fait leurs
classes dans l'armée ougandaise, la perspective de fusion n'enthousiasme guère des hommes
qui ont reçu une formation très différente et... s'expriment souvent en anglais.

En outre, le gouvernement a proposé que le FPR fournisse un quart des effectifs de la future
armée nationale, proportion jugée insuffisante. Les récents massacres de Tutsis ont en effet
accru la méfiance entre les deux communautés, et les Tutsis du Rwanda estiment que seuls des
combattants du FPR présents dans l'armée pourront représenter une protection suffiisante en cas
d'embrasement ethnique. Cette crainte explique l'intransigeance manifestée à Arusha par le FPR,
ce qui incite la France à redouter un accroissement de la violence. Le Quai d'Orsay souligne
aussi que les rebelles n'ont toujours pas évacué les zones où ils devraient se retirer en vertu de
l'accord signé le 7 mars à Dar Es Salam. Les violations des droits de l'homme, la lenteur du
processus de démocratisation, ont suscité l'inquiétude de l'Assemblée paritaire ACP/CEE qui
s'est réunie à Gaborone (Bostwana) et a appelé les forces en présence à respecter les droits
élémentaires des populations civiles, à cesser les persécutions, les arrestations arbitraires et à
assurer assistance médicale, sanitaire et alimentaire aux personnes déplacées. L'Assemblée
appelle également les autorités rwandaises à supprimer des cartes d'identité toute référence à
l'appartenance ethnique des citoyens.

Par ailleurs, le président Habyarimana a accepté de se désaissir de son titre de président de son
parti, le MNRD, afin de se sentir plus libre lors des prochaines échéances électorales.

C. B.

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