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MÉMO C

Cycles thermodynamiques
et conversion d’énergie
P our convertir à grande échelle de la
chaleur en électricité, il faut mettre
en œuvre un cycle thermodynamique. Le
en faisant subir à un fluide (de l’eau dans
la plupart des réacteurs actuellement en
service) un cycle thermodynamique indi-
Les propriétés thermodynamiques d’un
gaz caloporteur comme l’hélium per-
mettent d’aller plus loin, et de viser une
rendement η de la conversion est tou- rect, dit de Rankine (ou de Hirn-Rankine), température d’au moins 850 °C en sor-
jours inférieur au rendement de Carnot : qui consiste en une vaporisation de l’eau tie de cœur. Pour en profiter pleinement,
Tf à pression constante au niveau de la il est théoriquement préférable d’utiliser
η =1- ---- source chaude, une détente de la vapeur un cycle direct de conversion d’énergie,
Tc
où Tc est la température de la source dans une turbine, une condensation de la le cycle de Joule-Brayton, où le fluide sor-
chaude et Tf la température de la source vapeur sortant à basse pression de la tur- tant du réacteur (ou de tout autre “chau-
froide. bine, et une compression de l’eau conden- dière”) est envoyé directement dans la
D’une manière générale, on distingue en sée afin de ramener cette eau à la pres- turbine qui entraîne l’alternateur, comme
matière de conversion d’énergie le cycle sion initiale. Dans ce schéma, le circuit c’est le cas dans les centrales électrogè-
direct, dans lequel le fluide issu de la d’eau qui circule dans le cœur (circuit pri- nes au gaz naturel et à cycle combiné ou
source chaude actionne directement le maire, voir Mémo A : Les éléments d’un encore dans un réacteur d’avion. Avec ce
dispositif utilisateur (turbo-alternateur système nucléaire) est distinct de celui qui cycle, il est même possible de porter le
par exemple) et, par opposition, le cycle effectue la conversion proprement dite rendement de production d’électricité de
indirect où le circuit caloporteur est dis- de l’énergie. Avec une température maxi- 51,5 % à 56 % en faisant passer T1 de
tinct de celui qui effectue la conversion male de vapeur de quelque 280 °C et une 850 °C à 1 000 °C.
proprement dite de l’énergie. Le cycle pression de 7 MPa, le rendement éner- En effet, depuis un demi-siècle, l’utilisa-
indirect combiné peut ajouter à ce gétique net (ratio de la puissance élec- tion du gaz naturel comme combustible
schéma une turbine à gaz et, par l’in- trique produite sur la puissance ther- a conduit au développement spectacu-
termédiaire d’un générateur de vapeur, mique dégagée par le cœur du réacteur) laire des turbines à gaz (TAG) qui peuvent
une turbine à vapeur. est de l’ordre d’un tiers pour un réacteur fonctionner à des très hautes tempéra-
Tout système construit autour d’un réac- à eau sous pression de 2e génération. tures, supérieures au millier de °C. C’est
teur nucléaire est une machine thermique Celui-ci peut passer à 36-38 % pour un ce type de conversion d’énergie qui cons-
mettant eu œuvre ces principes de la REP de 3e génération comme l’EPR, en titue, pour les réacteurs nucléaires du
thermodynamique. Comme les centrales augmentant la température, car l’équa- futur, une alternative séduisante aux tur-
thermiques classiques brûlant des com- tion de Carnot montre bien l’intérêt de bines à vapeur.
bustibles fossiles (charbon, fioul), les cen- produire de la chaleur à haute tempéra- Les cycles thermodynamiques des TAG
trales nucléaires utilisent la chaleur pro- ture pour obtenir un rendement élevé. sont très largement utilisés, qu’il s’agisse
venant d’une “chaudière”, en l’occurrence De fait, augmenter la température en des systèmes de propulsion ou des gran-
délivrée par les éléments combustibles sortie de cœur d’une centaine de degrés des centrales électrogènes à combusti-
où se déroulent les fissions. Cette cha- permet un gain en rendement de plu- ble fossile. Ces cycles, nommés cycles de
leur est transformée en énergie électrique sieurs points. Brayton (figure), consistent simplement
à aspirer et comprimer de l’air pour l’in-
jecter dans une chambre de combustion
compresseur turbine (1→2), brûler le mélange air-combusti-
ble dans la chambre de combustion (2→3),
détendre les gaz brûlés dans une turbine
puissance (3→4). À la sortie de la turbine, les gaz
mécanique
brûlés sont relâchés dans l’atmosphère
(c’est la source froide), ce cycle est donc
qualifié d’ouvert. Si la source chaude est
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un réacteur nucléaire, il devient très dif-
entrée ficile de fonctionner en cycle ouvert avec
d’air de l’air (ne serait-ce que parce qu’il faut
respecter le principe des trois barrières
de confinement entre le combustible
gaz brûlés nucléaire et l’environnement). Pour fer-
combustible
mer le cycle, il suffit d’ajouter un échan-
chambre de
geur en sortie de turbine, pour refroidir
combustion le gaz (via un échangeur vers la source
froide) avant de le ré-injecter dans le com-
Figure. presseur. La nature du gaz n’est alors
Cycle de Brayton utilisé pour une turbine à gaz à cycle ouvert. plus imposée par la combustion.
MÉMO D

Qu’est-ce que la modélisation


multi-physique et multi-échelle ?
L a modélisation multi-physique et
multi-échelle est une approche de
R&D relativement récente née de la
via des niveaux de description emboîtés
(la dynamique moléculaire, la dyna-
mique des dislocations). Tout le pro-
fissures, des soudures ou des supports.
La modélisation multi-physique et
multi-échelle pose donc de façon aiguë
nécessité de prendre en compte, dans blème est de lier ces différents niveaux le problème de la compatibilité et de la
la modélisation d’un système dont on de description en utilisant la bonne cohérence des codes de calcul qui cons-
cherche à prédire le comportement, tous information pour passer d’une échelle tituent les briques élémentaires de la
les phénomènes, dans la pratique cou- à l’autre sans discontinuité, de mani- description. Mais les résultats sont à la
plés entre eux, agissant sur (ou présents puler de façon modulaire ces lois de hauteur de la difficulté : dans le domaine
dans) ce système. C’est la forme la plus comportement valables à diverses des matériaux métalliques, notamment,
complète de modélisation d’un enchaî- échelles (figure). il est maintenant possible de mener une
nement de phénomènes divers et d’or- C’est donc un calcul numérique com- démarche de prévision des propriétés
dres de grandeur très différents puis- posite, selon l’échelle spatiale considé- macroscopiques en partant des “pre-
qu’il en intègre toute la connaissance, rée, qui fait “tourner” le modèle d’en- miers principes” de la physique ato-
théorique comme empirique, et ce à dif- semble. D’autant plus composite que mique et de la dynamique moléculaire
férentes échelles, dans des briques élé- les chercheurs sont amenés à “enchaî- (voir note (1) p. 79) (méthode ab initio)
mentaires qu’il s’agit d’assembler. ner” des modèles déterministes et des en passant par la description phy-
Sur le plan physique, elle prend en modèles probabilistes, soit parce qu’ils sique des microstructures. Dans le
compte les couplages entre phénomè- n’ont pas la connaissance exhaustive nucléaire, l’étude des matériaux sou-
nes élémentaires de nature différente. des mécanismes élémentaires en jeu, mis à l’irradiation illustre bien cette
Dans le domaine de la physique des soit parce que la résolution numérique approche, puisqu’il est enfin devenu
réacteurs, on couple par exemple la des équations déterministes du système possible de lancer un pont entre la
mécanique des structures, la neutro- serait difficile ou trop lourde. D’où le connaissance des défauts à l’échelle
nique et la thermohydraulique. recours à des méthodes comme celle macroscopique et la modélisation des
Ce type de modélisation vise aussi à don- de Monte Carlo, en particulier. phénomènes de création des défauts
ner une description des phénomènes à Enfin, le multi-échelle raccorde, par des ponctuels à l’échelle atomique.
différentes échelles. Dans le domaine techniques de superposition, des modè- Si la physique constitue évidemment le
de la physique des matériaux, il s’agira les numériques à des échelles diffé- premier niveau de ce type de modélisa-
par exemple de déduire les propriétés rentes. Cela permet, pour conserver tion, les deux autres sont mathématique
macroscopiques d’un matériau poly- l’exemple des matériaux, d’effectuer des et numérique, dans la mesure où il
cristallin à partir de sa description à “zooms” sur des zones particulièrement s’agit de raccorder entre eux des résul-
l’échelle la plus microscopique (l’atome), sensibles aux contraintes comme des tats de mesures ou de calculs valables
à des échelles différentes, puis de met-
tre en œuvre les algorithmes élaborés.
La modélisation multi-physique et multi-
échelle n’est donc rendue possible que
par la conjonction de deux progrès paral-
lèles : celui de la connaissance des phé-
nomènes élémentaires et celui de la
puissance de calcul informatique.
Le CEA est l’un des rares organismes dans
le monde à pouvoir développer une telle
modélisation multi-physique et multi-
échelle dans ses différents secteurs de
recherche et de développement en concen-
trant un vaste ensemble d’outils de modé-
lisation, d’expérimentation et de calcul lui
permettant à la fois de démontrer la vali-
dité des théories, la pertinence des tech-
nologies et de faire progresser les études
de composants, tant dans le domaine
nucléaire (où s’effectuent d’ailleurs des
Figure. couplages entre codes partiels CEA et
L’amélioration de la fiabilité et de la rentabilité du combustible nucléaire nécessite une
modélisation fine dudit combustible (ici du MOX). Les caractéristiques microstructurales EDF) que, par exemple, dans celui des
(porosité, taille et répartition des amas, taille de grain…) ont un impact direct sur nouvelles technologies de l’énergie.
le comportement du crayon combustible sous irradiation, et donc sur la maniabilité
du réacteur ainsi que sur la durée de vie de ce crayon.
MÉMO E

Les grandes familles de matériaux nucléaires


L es conditions spécifiques imputables
aux rayonnements régnant dans les
réacteurs nucléaires imposent d’avoir
gers produits par les réactions nucléaires
et qui se substituent à l’un des atomes du
réseau cristallin. La nature et le nombre
• la structure cubique à faces centrées
(nickel, aluminium, cuivre, fer haute tem-
pérature).
recours à des matériaux présentant des pro- de ces défauts dépendent à la fois du flux • la structure hexagonale (celle du zirco-
priétés particulières qui peuvent être clas- de neutrons et de leur énergie, mais ceux nium ou du titane).
sés en deux grandes catégories: les maté- qui provoquent des évolutions structura- En fonction de la température et de la com-
riaux de gainage et de structure d’une part, les notables sont, dans les réacteurs à position, le métal s’organisera en cristaux
et les matériaux combustiblesd’autre part. neutrons thermiques comme dans les élémentaires, les grains, avec différentes
Pour les uns comme pour les autres, les six réacteurs à neutrons rapides, les neu- microstructures, les phases. Leur arrange-
concepts de systèmes de quatrième géné- trons rapides. ment a une influence importante sur les
ration retenus par le Forum international Un cristal présente toujours des défauts, et propriétés des métaux, en particulier des
GEN IV exigent le plus souvent de privilé- l’irradiation peut en créer de nouveaux. Les aciers. La ferrite du fer pur, à la structure
gier des formules innovantes (tableau p.71). défauts ponctuels sont de deux types: les cubique centrée, devient une austénite, struc-
Les propriétés de résistance à la tempéra- lacunes (un atome est chassé de son empla- ture cubique à faces centrées au-delà de
ture, à la pression, à la fatigue, à la chaleur, cement dans le cristal), et les interstitiels 910 °C. La martensite est une structure
à la corrosion, souvent sous contrainte, que (un atome excédentaire se place en sur- particulière obtenue par une trempe qui la
doivent présenter d’une manière générale nombre entre les plans du réseau cristal- durcit suivie d’un revenu qui la rend moins
les matériaux impliqués dans tout process lin). fragile. La bainite est une structure inter-
industriel doivent, dans le domaine nucléaire, Les dislocations, qui délimitent une région médiaire entre la ferrite et la martensite
être pour l’essentiel maintenues malgré les où l’empilement du cristal est perturbé par également obtenue par trempe puis revenu.
effets de l’irradiation, imputables en parti- un glissement localisé affectant un plan ato- Parmi les métaux, les aciers inoxydables à
culier au flux de neutrons. L’irradiation accé- mique, constituent pour leur part des sour- forte teneur en chrome (plus de 13 %), dont
lère ou amplifie en effet des phénomènes ces et des puits pour les défauts ponctuels. la résistance à la corrosion et à l’oxydation
comme le fluage (fluage d’irradiation) ou Les lacunes peuvent se grouper sous forme est imputable à la formation d’une pellicule
en crée d’autres comme le gonflement ou d’amas lacunaires, de boucles ou de cavités, d’oxyde de chrome à leur surface, se taillent
la croissance, qui désigne une déformation les interstitiels sous celle d’amas d’inters- la part du lion. Si l’on considère que le cri-
anisotrope obtenue sous flux de neutrons ticiels ou de boucles de dislocation. Par tère d’inoxydabilité est la teneur en chrome
en l’absence de toute autre sollicitation. ailleurs, les atomes de cuivre, de manga- qui doit être supérieure à 13 %, il existe trois
Les matériaux de structure sont notam- nèse et de nickel d’un alliage d’acier de cuve, catégories principales : les ferritiques, les
ment soumis au phénomène d’activation par exemple, tendent à se rassembler en austénitiques et les austéno-ferritiques.
par bombardement par les neutrons ou d’au- amas (clusters) en durcissant l’acier. Enfin,
tres particules (photons, électrons). les joints de grain sont des défauts qui déli- Les familles d’aciers
Ceux qui entrent dans la structure des com- mitent deux cristaux d’orientation différente Les aciers ferritiques à structure cristal-
bustibles (les assemblages, les gaines ou et des facteurs de fragilisation potentiels. line cubique centrée (F17 par exemple) ont
autres plaques) sont en outre soumis à d’au- De nombreuses propriétés du métal y sont une faible concentration de carbone (0,08 à
tres contraintes. Enfin, le combustible lui- modifiées. 0,20 %) et une concentration élevée de
même est un matériau prenant par exem- Les dommages causés à ces matériaux s’ex- chrome. Ne contenant en général pas de
ple, dans les réacteurs à eau légère actuels, priment en dpa (déplacements par atome), nickel, ce sont des alliages fer/chrome ou
la forme de céramiques d’uranium et/ou n dpa signifiant que tous les atomes du maté- fer/chrome/molybdène dont la teneur en
de plutonium frittées sous forme de pas- riau ont été déplacés n fois en moyenne pen- chrome varie de 10,5 à 28 %: ils ne mani-
tilles. dant l’irradiation. festent pas un durcissement appréciable
L’irradiation neutronique peut provoquer lors de la trempe et ne se durcissent que
une modification importante des proprié- Les structures cristallines par écrouissage. Leur coefficient de dilata-
tés des matériaux. Dans les métaux et Les matériaux métalliques ont une struc- tion est faible, ils sont très résistants à l’oxy-
leurs alliages, mais aussi dans d’autres ture cristalline : ils sont constitués de la dation et adaptés aux températures élevées.
matériaux solides comme les céra- répétition périodique dans l’espace d’une Dans le nucléaire, l’acier bainitique 16MND5
miques (1), ces changements sont liés à l’é- cellule élémentaire appelée maille et cons- à bas taux de carbone et faiblement allié
volution des défauts ponctuels que cette tituée d’atomes dont le nombre et la posi- (1,5 % de manganèse, 1 % de nickel et 0,5 %
irradiation produit et aux atomes étran- tion sont précisément déterminés. La répé- de molybdène) occupe une place centrale
tition de ces structures leur confère des puisqu’il constitue le matériau de cuve des
(1) Les céramiques seront employées seules ou propriétés particulières. Trois de ces struc- REP français, choisi pour ses qualités à une
incorporées à des composites pouvant être du tures définissant la position des atomes sont température de 290 °C et soumis à une
type CerCer (céramique dans une matrice
également céramique) ou CerMet (matériau
importantes: fluence de 3·1019 n·cm-2 pour des neutrons
céramique intégré dans une matrice • la structure cubique centrée (celle à l’am- d’énergie supérieure au MeV.
métallique). S’agissant d’un combustible biante du fer, du chrome, du vanadium). Les Les aciers martensitiques, qui présentent
nucléaire, c’est un mélange intime de produits matériaux présentent généralement une une structure cristallinecubique centrée,sont
métalliques et de composés réfractaires, les
éléments fissiles étant contenus dans une seule transition en température de comportement des aciers ferritiques avec moins de 13 %
phase ou dans les deux. ductile/fragile. de chrome (9 à 12 % en général) et un maxi-
MÉMO suite E

référence pour les gaines des réacteurs des ferritiques avec une résistance au fluage
RNR à neutrons rapides. à chaud au moins égale à celle des austé-
Les austéno-ferritiques à 0, 8, 20, 32, voire nitiques. Ils constituent actuellement la solu-
50 % de ferrite présentent une bonne résis- tion de référence pour le gainage du com-
tance à la corrosion et une bonne aptitude bustible des futurs réacteurs au sodium.
au soudage, ce qui leur vaut d’être utilisés, Le matériau de gainage des réacteurs à eau
moulés, pour les tuyauteries entre cuves et ordinaire, qui a d’abord été de l’acier inoxy-
générateurs de vapeur. dable, est maintenant un alliage de zirco-
Areva NP

Une classe d’alliages particulièrement nium choisi pour sa “transparence” aux


importante dans le nucléaire est celle des neutrons dont la structure cristalline est
Virole porte-tubulure de la cuve destinée au alliages de nickel, qui ont une structure aus- hexagonale compacte à basse température
réacteur Flamanville 3 d’EDF, le premier EPR
ténitique. L’alliage 600 (Inconel 600 d’INCO), et cubique centrée à haute température. Les
devant être construit sur le sol français.
alliage de nickel (72 %), de chrome (16 %) alliages zirconium-fer-chrome les plus uti-
mum de 0,15 % de carbone qui ont subi un et de fer (8 %) de cobalt et de carbone uti- lisés sont les Zircaloy à l’étain (Zircaloy-4
recuit: ils deviennent martensitiques au sai- lisé dans les générateurs de vapeur (ainsi dans les REP, Zircaloy-2 dans les REB et
sissement dans l’air ou dans un liquide après que le 620) et les traversées de couvercle ZrNb au niobium dans les VVER) pour leur
un chauffage dans le domaine austénitique. de REP, résistant mal à la corrosion sous excellent comportement sous rayonnement
Ils subissent ensuite un adoucissement par contrainte, a été remplacé par le 690, conte- et leur aptitude au fluage à chaud.
traitement thermique. Ils peuvent contenir nant plus de chrome (30 %). Pour certaines Après avoir abaissé la teneur en étain afin
du nickel, du molybdène ainsi que d’autres pièces, l’Inconel 706, l’Inconel 718 pour les d’améliorer la tenue à la corrosion, un alliage
éléments d’addition. Ils sont magnétiques, grilles d’assemblages du combustible REP) zirconium-niobium (M5®) pour ce gainage
très rigides et résistants mais peuvent être et l’Inconel X750 avec ajout de titane et d’a- est en cours de déploiement.
fragiles aux chocs, notamment à basse tem- luminium ont été choisis pour leur résis- Parmi les matériaux nucléaires, le graphite
pérature. Ils sont largement utilisés dans tance au gonflement et leur très grande mérite une mention particulière; avec l’eau
l’industrie nucléaire (visserie, robinetterie…) résistance mécanique. Pour les générateurs lourde, il est associé aux réacteurs qui doi-
du fait de leur bonne résistance à la corro- de vapeur de réacteurs à neutrons rapides vent fonctionner à l’uranium naturel. Il est
sion associée à des caractéristiques méca- comme Superphénix, l’alliage 800 (35 % de un modérateur intéressant car il absorbe
niques élevées. nickel, 20 % de chrome et un peu moins de peu les neutrons.
Les aciers austénitiques, qui se caractéri- 50 % de fer) a été sélectionné. Les alliages Pour le RNR-G, de nouvelles céramiques et
sent par une structure cristalline cubique à 617 (Ni-Cr-Co-Mo) et 230 (Ni-Cr-W) large- de nouveaux alliages doivent être dévelop-
faces centrées, sont composés autour de 17 ment utilisés dans l’industrie chimique sont pés, à la frontière des hautes fluences. Les
à 18 % de chrome, de 8 à 12 % de nickel (qui évalués pour les RTHT à gaz. chercheurs espèrent beaucoup des maté-
accroît la résistance à la corrosion: la grande Les aciers ferritiques-martensitiques riaux réfractaires sans métal.
majorité des aciers inoxydables est austé- (aciers F/M) sont des aciers à structure Dans les combustibles à particules, les oxy-
nitique), de peu de carbone, éventuellement cubique centrée. Ils regroupent en fait la des d’uranium et de plutonium sont enve-
de molybdène, de titane ou niobium, et sur- famille des aciers martensitiques et celle loppés par plusieurs couches de pyrocar-
tout de fer. Ils présentent une ductilité et des aciers ferritiques. Ils allient un coeffi- bones et /ou de carbure de silicium isolant
une tenacité remarquables, un coefficient cient de dilatation thermique faible à une (SiC), éventuellement sous forme fibreuses
de dilatation thermique élevé et un coeffi- forte conductibilité thermique. Des aciers (SiCf). On parle alors de particules revêtues
cient de conductivité thermique plus faible martensitiques ou ferritiques avec une (Coated particles, ou CP). Si les billes de UO2
que les aciers ferritiques/martensitiques. teneur en chrome comprise entre 9 et 18% ou de MOX revêtues de SiC constituent la
Parmi les principaux (sous la désignation voient leur utilisation limitée par leur résis- référence, le ZrC pourrait offrir une alter-
américaine AISI (2) 301 à 304, 308, 316, 316L, tance au fluage plus faible que les austéni- native.
316LN, 316, 316Ti, 316Cb, 318, 321, 330, tiques. Les aciers martensitiques Fe9/12Cr Par ailleurs, les classiques pastilles frittées
347), les 304 et 316 ont eu une importance (contenant de 9 à 12 % en masse de chrome) d’oxyde d’uranium (et d’oxyde de plutonium
particulière dans le nucléaire avant d’être peuvent cependant supporter des tempé- dans les MOX) pourraient laisser la place à
abandonnés en raison de leur gonflement ratures élevées et sont en cours d’optimi- des combustibles avancés avec ou sans
excessif sous irradiation. Des dérivés (le sation pour le fluage. Par exemple, l’acier additifs de chrome afin d’essayer de s’af-
304L des structures internes et des embouts Fe9Cr1Mo au molybdène pourrait convenir franchir des problèmes posés par l’inte-
d’assemblages combustibles REP ou le pour le tube hexagonal des assemblages raction pastille gaine, liée à la tendance au
316Tiε des gaines, par exemple) constituent des RNR-Na. Sous la dénomination d’AFMA gonflement de la pastille de céramique com-
des matériaux de référence. Dans les réac- (Aciers Ferritiques-Martensitiques Avancés), bustible sous irradiation.
teurs à neutrons rapides, Ils entrent notam- ils sont particulièrement étudiés pour les Les oxydes pourraient être remplacés par
ment (acier 316L[N]) dans la fabrication des réacteurs rapides à gaz. des nitrures (compatibles avec le procédé
tubes hexagonaux (typiques des réacteurs Les aciers ferritiques et martensitiques à de traitement Purex) ou par des carbures
comme Phénix), et l’acier austénitique dispersion d’oxyde (ODS, pour Oxide sous forme, par exemple, d’alliage d’ura-
15/15Ti a été optimisé pour les aiguilles Dispersion Strenghtened) ont été dévelop- nium plutonium avec 10 % de zirconium.
de cette filière et a été la solution de pés afin d’allier la résistance au gonflement (2) Pour American Iron and Steel Institute.
Les six concepts sélectionnés par le Forum GEN IV

Des six concepts de réacteurs sélectionnés par le Forum international Génération IV en fonction de leur
capacité à répondre aux critères évoqués, trois, et à terme quatre, mettent en œuvre les neutrons rapides,
les trois autres (à terme deux) les neutrons thermiques. Deux des six systèmes utilisent d’autre part
le gaz comme caloporteur (ce sont donc des RCG, réacteurs à caloporteur gaz). Ces six concepts sont :

Le GFR
Le GFR (Gas Fast Reactor, en français RNR-G) est un réacteur à
haute température (RHT) refroidi au gaz, généralement à l’hélium, puissance
à neutrons rapides, permettant le recyclage homogène ou hété- générateur électrique
rogène des actinides tout en conservant un gain de régénération hélium
supérieur à 1. Le concept de référence est un réacteur refroidi à
l’hélium en cycle direct ou indirect avec un rendement élevé (48 %).
turbine
L’évacuation de la puissance résiduelle en cas de dépressurisa-
tion est possible en convection naturelle quelques heures après
l’accident. Le maintien d’une circulation forcée est nécessaire dans récupérateur
réacteur de chaleur
la première phase de l’accident. La puissance volumique dans le
cœur est déterminée de façon à limiter la température du com-
bustible à 1600 °C en transitoire. Le combustible, innovant, est
conçu pour retenir les produits de fission (pour une température
puits de puits de
inférieure à la limite de 1600 °C) et éviter leur relâchement en chaleur chaleur

w
situations accidentelles. Le recyclage du combustible usé est envi-
barres
sagé sur le site même du réacteur par un procédé soit pyrochi- de contrôle précooler
mique, soit hydrométallurgique. Le GFR est un concept très per-
formant en termes d’utilisation des ressources naturelles et de
minimisation des déchets à vie longue. Il se situe dans la ligne
intercooler compresseur
technologique gaz, en complément des concepts à spectre ther-
mique GT-MHR (1), PBMR (2) et VHTR.
(1) GT-MHR : Gas-Turbine Modular High Temperature Reactor.
(2) PBMR : Pebble Bed Modular Reactor.

Le SFR générateur
de vapeur
Le SFR (Sodium Fast reactor, en français RNR-Na) est un réacteur plenum froid
refroidi au sodium liquide, à neutrons rapides associé à un cycle plenum chaud turbine générateur
fermé permettant le recyclage de l’ensemble des actinides et la
barres
régénération du plutonium. Du fait de la régénération de la matière de contrôle échangeur puissance
fissile, ce type de réacteur peut fonctionner très longtemps sans de chaleur électrique
intervention sur le cœur. Deux options principales sont envisa- condenseur
gées: l’une qui, associée à un retraitement de combustible métal-
lique, conduit à un réacteur de puissance unitaire intermédiaire puits de chaleur
sodium pompe
de 150-500 MWe, l’autre, caractérisée par un retraitement Purex primaire
de combustible mixte d’oxydes (MOX), correspond à un réacteur (chaud)
pompe

w
de puissance unitaire élevée, entre 500 et 1500 MWe. Le SFR pré- pompe pompe sodium
cœur
sente de très bonnes propriétés d’utilisation des ressources natu- secondaire
relles et de gestion des actinides. Il a été évalué comme ayant de sodium
bonnes caractéristiques de sûreté. Plusieurs prototypes de SFR primaire
(froid)
existent dans le monde, dont Joyo et Monju au Japon, BN600 en
Russie et Phénix en France. Les principaux enjeux de recherche
concernent le recyclage intégral des actinides (les combustibles
comportant des actinides sont radioactifs, donc délicats à fabri-
quer), l’inspection en service (le sodium n’est pas transparent), la générateur
sûreté (des approches de sûreté passive sont à l’étude) et la réduc- tête d’échangeur
tion du coût d’investissement. Le remplacement de l’eau par du
quatre puissance
CO2 supercritique comme fluide de travail dans le système de échangeurs électrique
conversion est également à l’étude. de chaleur turbine
à tube en U
Le LFR module
récupérateur
de chaleur
le LFR (Lead Fast Reactor, en français RNR-Pb) est un réacteur réacteur
à cartouche compresseur
refroidi au plomb (ou alliage au plomb plomb-bismuth), à neu- combustible
trons rapides associé à un cycle fermé du combustible permet- amovible puits de puits de

w
chaleur chaleur
tant une utilisation optimale de l’uranium. Plusieurs systèmes module de intercooler
de référence ont été sélectionnés. Les puissances unitaires vont refroidissement compresseur
de 50-100 MWe, pour les concepts dits battery jusqu’à 1200 MWe,
incluant les concepts modulaires de 300-400 MWe. Ces concepts
ont une gestion du combustible à longue durée (10 à 30 ans). Les caloporteur
combustibles peuvent être soit métalliques, soit de type nitrure plomb liquide
réacteur
et permettent le recyclage de l’ensemble des actinides.
barres
cœur du
réacteur
Le VHTR
de contrôle le VHTR (Very High Temperature Reactor, en français RTHT)
réflecteur est un réacteur à très haute température à neutrons ther-
graphite pompe miques refroidi au gaz hélium et initialement prévu pour
fonctionner avec un cycle de combustible ouvert. Ses
points forts sont l’économie et surtout la sûreté. Son apti-
tude au développement durable est similaire à celle d’un
réacteur de troisième génération, en raison de l’utilisation
eau
d’un cycle ouvert. Il est dédié à la production d’hydrogène,
même s’il doit aussi permettre la production d’électricité
(seule ou en cogénération). La particularité du VHTR est
oxygène
son fonctionnement à très haute température (>1 000 °C)
pour fournir la chaleur nécessaire à des procédés de
réacteur

soufflante
caloporteur
hélium
puits de
chaleur
échangeur
de chaleur
unité de production
d’hydrogène
w
hydrogène décomposition de l’eau par cycle thermochimique
(iode/soufre) ou électrolyse à haute température. Le sys-
tème de référence a une puissance unitaire de 600 MWth
et utilise l’hélium comme caloporteur. Le cœur est cons-
titué de blocs prismatiques ou de boulets.

Le SCWR
barres le SCWR (Supercritical Water Reactor, en français RESC)
de contrôle
est un réacteur refroidi à l’eau supercritique à neutrons
eau supercritique thermiques dans une 1re étape (cycle du combustible
ouvert) et à neutrons rapides dans sa configuration abou-
tie (cycle fermé pour un recyclage de l’ensemble des
actinides). Deux cycles de combustible correspondent à
turbine générateur ces deux versions. Les deux options ont un point de fonc-
puissance tionnement en eau supercritique identique : pression de
cœur électrique 25 MPa et température de sortie du cœur de 550 °C per-

réacteur
condenseur

puits de chaleur
w mettant un rendement thermodynamique de 44 %. La
puissance unitaire du système de référence est de
1 700 MWe. Le SCWR a été évalué comme ayant un poten-
tiel élevé de compétitivité économique.

pompe

Le MSR
barres
sel de Le MSR (Molten Salt Reactor, en français RSF) est un réac-
refroidissement
de contrôle teur à sels fondus (cœur liquide et cycle fermé par traite-
puissance
ment continu par pyrochimie), à neutrons thermiques et
sel générateur
réacteur électrique plus précisément épithermiques. Son originalité est la
purifié
mise en œuvre d’une solution de sels fondus servant à la
fois de combustible (liquide) et de caloporteur. La régé-
turbine nération de la matière fissile est possible avec un cycle
uranium-thorium optionnel. Le MSR intègre dans sa
récupérateur
pompe de chaleur conception un recyclage en ligne du combustible et offre
unité de retraitement sel ainsi l’opportunité de regrouper sur le même site un réac-
combustible
teur producteur d’électricité et son usine de retraitement.
bouchon froid

réservoirs de secours
pompe w
puits de
chaleur
Le sel retenu pour le concept de référence (puissance uni-
taire de 1 000 MWe) est un fluorure de sodium, de zirco-
nium et d’actinides. La modération de spectre est obte-
nue dans le cœur par la présence de blocs de graphite
traversés par le sel combustible. Le MSR comprend un
échangeur de chaleur intercooler compresseur circuit intermédiaire en sels fluorures et un circuit ter-
tiaire à eau ou hélium pour la production d’électricité.
MÉMO A

Les éléments d’un système nucléaire


U n système nucléaire est formé par
un réacteur nucléaire et le cycle du
combustible associé. Il est optimisé glo-
tissent les neutrons par diffusions élas-
tiques. Il doit être peu capturant afin de
ne pas les “gaspiller” et suffisamment
tent de réguler la population des neu-
trons et, par là même, en influant sur
sa réactivité, de maintenir la puissance
balement dans sa mise en œuvre indus- dense pour assurer un ralentissement du réacteur au niveau désiré, voire d’ar-
trielle, de la matière première au déchet. efficace. Les réacteurs à spectre ther- rêter la réaction en chaîne. Les barres,
Dans un tel système dont il est le pivot, mique (Mémo B) en ont besoin, contrai- ensemble de tiges solidaires mobiles
le réacteur est rendu apte à recycler le rement aux réacteurs à spectre rapide (appelées grappes) sont introduites plus
combustible afin de valoriser les matiè- (qui doivent en revanche compenser la ou moins profondément dans le cœur.
res fissiles (uranium, plutonium), voire faible probabilité de fissions induites par Les poisons sont, pour leur part, ajus-
fertiles (uranium, thorium) et à minimi- les neutrons rapides par une forte aug- tables en concentration dans le circuit
ser, par transmutation, la production de mentation du nombre des dits neutrons, de refroidissement.
déchets à vie longue en incinérant en afin de ralentir les neutrons après la fis- Un circuit primaire fermé et étanche con-
grande partie ses propres déchets, en sion dont ils sont issus). Ils sont ainsi tient le cœur et véhicule (au moyen de
l’occurrence les actinides mineurs (AM). amenés à la vitesse optimale pour assu- circulateurs, pompes ou compresseurs)
Certains systèmes peuvent aussi inclure rer à leur tour de nouvelles fissions. Un le caloporteur qui transfère sa chaleur à
des unités de traitement en ligne. exemple de modérateur est le graphite, un circuit secondaire via un échangeur
Le réacteur proprement dit, quelle que utilisé dès la première “pile” atomique, de chaleur qui peut être un générateur
soit la filière à laquelle il appartient en 1942 en association avec un fluide de vapeur (c’est le cas aussi bien dans
(Mémo B, Filières, générations et spec- caloporteur gazeux. un réacteur à eau sous pression que dans
Le fluide caloporteur évacue du cœur le circuit secondaire d’un réacteur à neu-
l’énergie thermique dégagée par les fis- trons rapides comme Phénix). La cuve,
sions et transporte les calories vers les récipient contenant le cœur d’un réac-
systèmes qui mettront cette énergie sous teur baigné par son fluide caloporteur,
une forme utilisable, en général l’élec- constitue, lorsqu’elle existe, la partie cen-
tricité. Le caloporteur est soit l’eau (1) dans trale de ce circuit primaire.
les “réacteurs à eau” (celle-ci y joue éga- Le circuit secondaire sort de “l’îlot
lement le rôle de modérateur), soit un nucléaire” pour faire fonctionner via une
métal liquide (sodium ou plomb), soit un turbine un turboalternateur ou alimen-
gaz (historiquement le gaz carbonique, ter un réseau de chaleur. Dans les réac-
puis l’hélium, dans les réacteurs à calo- teurs à eau lourde (1) et dans certains
porteur gaz (RCG) ou encore des sels fon- réacteurs à gaz, la chaleur est trans-
dus. Dans ce dernier cas, combustible et mise du gaz à l’eau dans des échan-
Areva NP

caloporteur forment un fluide unique, qui geurs de chaleur classiques.


offre la possibilité de pouvoir retraiter en Un circuit tertiaire évacue la chaleur
Image virtuelle en 3D des composants continu les matières nucléaires puisque inutilisée via un condenseur vers une
et circuits d’un réacteur de type REP.
les actinides y seraient dissous. source froide (eau d’un fleuve ou de la
tres neutroniques, p. 14) comprend les Le choix d’une filière à des répercus- mer) ou air dans une tour de refroidis-
mêmes éléments principaux (du moins sions majeures sur le choix des maté- sement ou encore un autre dispositif
dans le domaine de la fission, les réac- riaux (Mémo E, Les grandes familles de thermique (par exemple pour la pro-
teurs à fusion mettant en jeu des pro- matériaux nucléaires, p. 76). Ainsi, le duction d’hydrogène).
cessus nucléaires totalement différents). cœur des réacteurs à neutrons rapides D’autres éléments n’interviennent que
Le cœur, région où sont entretenues les ne doit pas comporter d’éléments modé- dans une filière donnée, comme le pres-
réactions en chaîne, reçoit le combus- rateurs des neutrons (eau, graphite) et suriseur des réacteurs à eau sous pres-
tible qui contient les matières fissiles leur caloporteur doit être transparent à sion (REP) où la pressurisation main-
énergétiques (noyaux lourds) ainsi que ces mêmes neutrons. tient l’eau à l’état liquide en l’empêchant
des matières fertiles qui, sous l’action Des dispositifs de contrôle (d’une part des de bouillir. L’ébullition est en revanche
des neutrons, se transformeront par- barres de commande, barres de contrôle mise à profit dans les réacteurs à eau
tiellement en matières fissiles. Le com- ou barres de pilotage et d’arrêt consti- bouillante (REB), l’autre filière de réac-
bustible peut prendre différentes for- tuée de matériaux absorbeurs de neu- teurs à eau légère (REL), où l’eau du
mes (pastilles, boulets, particules) et trons [bore, cadmium…], et d’autre part circuit primaire entre en ébullition et
les éléments combustibles peuvent être des “poisons” neutroniques) permet- entraîne directement la turbine.
rassemblés en crayons, en aiguilles ou
(1) L’eau lourde, dans laquelle le deutérium tient la place de l’hydrogène de l’eau ordinaire,
en plaques, eux-mêmes réunis en a été la première forme de modérateur utilisée pour les concepts de réacteurs qui imposent de très
assemblages, ce qui est notamment le faibles absorptions des neutrons. L’eau légère s’est imposée pour les réacteurs opérationnels
cas dans les réacteurs à eau. de deuxième génération. Dans l’avenir, l’eau supercritique, dont les propriétés thermodynamiques
Le modérateur joue, lorsqu’il est néces- et de transport changent lors du passage du point critique (température de 374 °C pour
une pression supérieure à 22 MPa (221 bars, soit environ 200 fois la pression atmosphérique)
saire, un rôle essentiel. C’est un maté- pourrait être mise en œuvre afin d’améliorer le rendement de Carnot du réacteur (Mémo C,
riau formé de noyaux légers qui ralen- Cycles thermodynamiques et conversion d’énergie, p. 23).
MÉMO B

Filières, générations et spectres neutroniques


L es filières de réacteurs nucléaires cor-
respondent aux nombreuses combi-
naisons de trois éléments fondamentaux:
un caloporteur, un modérateur (lorsque
nécessaire) et un combustible, presque tou-
jours l’uranium, éventuellement mélangé
à du plutonium (voir Mémo A, Les élé-
ments d’un système nucléaire, p. 10).
De très nombreuses formules ont été expé-

M. Brigaud/ EDF Médiathèque


rimentées depuis les débuts de l’ère
nucléaire industrielle dans les années 1950,
et seulement un petit nombre d’entre elles
ont été sélectionnées pour les différentes
générations de réacteurs opérationnels
électrogènes.
On appelle ainsi filière une voie possible de
Les quatre tranches REP de la centrale EDF d’Avoine, près de Chinon, appartiennent à la deuxième
réalisation de réacteurs nucléaires capa- génération de réacteurs nucléaires.
bles de fonctionner dans des conditions de
sécurité et de rentabilité satisfaisantes, pour des réacteurs de recherche), suivant est transférée du cœur à des échangeurs
définie essentiellement par la nature du qu’on laisse les neutrons qui s’échap- de chaleur par de l’eau maintenue sous une
combustible, l’énergie des neutrons impli- pent directement lors de la fission conser- pression élevée dans le circuit primaire.
qués dans la réaction en chaîne, la nature ver leur vitesse de quelque 20000 km à la Avec les REB (réacteurs à eau bouillante)
du modérateur et celle du caloporteur. seconde ou qu’on les ralentit afin de les met- dans lesquels l’ébullition de l’eau se fait
Elle mérite ce nom dans la mesure où elle tre en équilibre thermique (les thermaliser) directement dans le cœur, les REP cons-
est à l’origine d’une série de réacteurs avec la matière dans laquelle ils diffusent. tituent la grande famille des réacteurs à
présentant une continuité technologique. Le spectre neutronique, distribution en éner- eau légère (REL) dans lesquels l’eau ordi-
Se rattachent plus ou moins directement gie de la population des neutrons présents naire joue à la fois le rôle de caloporteur
à telle ou telle filière les réacteurs de dans le cœur d’un réacteur, est ainsi le spec- et de modérateur.
recherche et d’essais, rarement construits tre thermique dans la quasi-totalité des La mise en œuvre du spectre rapide est,
en série. réacteurs en service dans le monde, notam- actuellement, limitée à un petit nombre de
Ces filières sont classées en deux grandes ment en France, dans les 58 REP (réacteurs réacteurs à vocation essentiellement expé-
familles, selon le spectre neutronique choisi: à eau sous pression) du parc EDF. Dans ces rimentale, comme Phénix en France, Monju
thermique ou rapide (une plage recouvrant réacteurs fonctionnant à l’uranium enrichi et Joyo au Japon ou BOR-60 en Russie. Dans
en partie les deux domaines est possible et éventuellement au plutonium, la chaleur ces RNR(réacteurs à neutrons rapides) sans
MÉMO suite B
modérateur, la majorité des fissions sont pro- La deuxième génération est celle des réac- qui propose également un réacteur à eau
duites par des neutrons présentant des éner- teurs, actuellement en service, entrés en bouillante, le SWR 1000 et qui s’est récem-
gies du même ordre de grandeur que celle fonctionnement entre les années 70 à 90. ment rapproché du Japonais Mitsubishi Heavy
qu’ils possèdent lors de leur production par Exclusivement à vocation électrogène, la plu- Industries. Elle comporte aussi les AP1000
fission. Quelques réacteurs de ce type ont été part (87 % du parc mondial) sont des réac- et AP600 de Westinghouse, société dont
réalisés avec une vocation de production teurs à eau, à l’exception notable des AGR Toshiba a pris le contrôle, l’ESBWR et l’ABWR
industrielle (Superphénix en France, BN 600 (Advanced Gas Reactor) britanniques. Leur II de General Electric, qui s’associe à Hitachi,
en Russie) ou étudiés dans cette optique (prin- combustible standard est formé de pastilles les ACR canadiens et l’AES 92 russe, ainsi
cipalement EFR au niveau européen dans les frittées d’oxyde d’uranium enrichi aux envi- que des projets de petits réacteurs intégrés.
années 80-90, BN 800 en Russie, CEFR en rons de 4 % en uranium 235, empilées dans Les projets de réacteurs à haute tempéra-
Chine et PFBR en Inde). des tubes étanches (crayons) qui, réunis en ture modulaires du type GT-MHR (projet
Les réacteurs électrogènes sont regroupés faisceaux, forment des assemblages. Les international) ou PBMR (du Sud-Africain
en quatre générations. La première géné- PWR (REP en français) dominent le marché, Eskom) appartiennent à la troisième mais
ration comprend les réacteurs, développés représentant 3 réacteurs nucléaires sur 5 peuvent préfigurer des réacteurs de qua-
dans les années 50/70, qui ont permis le dans le monde. En font partie les différents trième génération.
décollage de la production électronucléaire “paliers” de réacteurs REP réalisés en France La quatrième génération en cours d’étude,
dans les différents pays développés, en par- pour EDF par Framatome (aujourd’hui Areva attendue vers 2040 sur un plan industriel,
ticulier de la filière UNGG (Uranium Naturel NP). Les réacteurs russes de la série VVER pourrait théoriquement faire appel à l’un ou
Graphite Gaz) modérés au graphite et refroi- 1000 sont comparables aux REP occiden- l’autre des six concepts retenus par le Forum
dis au gaz carbonique en France, de la filière taux. Bien que moins nombreux que les REP, international Génération IV (voir l’encadré de
Magnox au Royaume-Uni et, aux États-Unis, les BWR (Boiling Water Reactor) ou REB Les enjeux d’une production durable d’énergie,
le premier réacteur terrestre (1) à eau sous (réacteurs à eau bouillante) se trouvent p.6). En dehors de l’utilisation électrogène, les
pression (PWR, Pressurized Water Reactor) notamment aux États-Unis, au Japon ou en réacteurs de cette génération pourraient être
construit à Shippingport. Allemagne. Enfin les réacteurs à uranium aptes à la cogénérationd’électricité et de cha-
Bien que comparable par certains côtés à naturel de type Candu, de conception cana- leur, voire présenter pour certains d’entre eux
des réacteurs de première génération, la dienne, et leurs équivalents indiens se main- une vocation exclusivement calogène, en vue
filière soviétique RBMK (celle des réacteurs tiennent activement. Ce sont également des d’obtenir, soit une chaleur “basse tempéra-
de Tchernobyl) est classée dans la seconde réacteurs à eau sous pression, mais utilisant ture” (vers 200 °C) pour le chauffage urbain,
génération du fait en particulier de sa période l’eau lourde (D2O) comme modérateur et calo- soit une chaleur “moyenne température” (entre
de mise en service. Les RBMK, modérés porteur d’où le nom PHWR (Pressurised 500 et 800 °C) pour des applications indus-
au graphite et refroidis à l’eau ordinaire Heavy Water Reactor) donné à cette filière. trielles dont le dessalement d’eau de mer n’est
bouillante dans des tubes de force, ont été La troisième génération correspond à des qu’une possibilité parmi d’autres, soit encore
définitivement disqualifiés par l’accident de installations qui commencent à être mises une chaleur “haute – voire très haute – tem-
Tchernobyl en 1986. en chantier en vue d’une mise en service à pérature” (entre 1000 et 1200 °C), pour des
(1) Aux États-Unis comme en France, les premiers
partir de 2010 environ. Elle comprend en par- applications spécifiques comme la production
réacteurs à eau sous pression ont été des réacteurs ticulier l’EPR franco-allemand conçu par d’hydrogène, la gazéification de la biomasse
destinés à la propulsion navale (sous-marins). Areva NP (Framatome et Siemens à l’origine), ou le craquage d’hydrocarbures.

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