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S
amedi prochain, le roi des Belges qui remontent progressivement vers la
Philippe vient célébrer les cent ans frontière belge et les rivages de la Mer
de l’arrivée du gouvernement belge du Nord, où la « course à la mer » vient
à Sainte-Adresse. Mais pas seulement. mourir à la fin d’octobre pour céder la
« Entre le 12 et la fin octobre, plus de 50 000 ré- place à la guerre de position. Dans cette
fugiés belges ont transité par la gare de Rouen », phase de près de deux mois, les Alle-
explique Jean-Pierre Popelier, auteur d’un mands ont presque toujours l’initiative,
livre sur l’exode belge, et spécialiste de les Alliés étant amenés à colmater dans
l’immigration belge en France. « En Haute- l’urgence et l’improvisation des brèches
Normandie, ce sont surtout des Flamands qui susceptibles de menacer les ports de la
trouvent refuge. » Alors que le gouvernement Manche, devenus vitaux pour mainte-
s’installe à Sainte-Adresse, les réfugiés arri- nir la liaison avec la Grande-Bretagne.
vent par train à Rouen, par bateau 21 juillet 1918, fête nationale belge. Défilé des troupes alliées, avenue des Régates.
(Collection Archives municipales du Havre)
au Havre. Les autorités sont débordées, et
délèguent aux préfets qui eux-mêmes cher- avant Noël dure, toujours plus meurtrière.
chent de l’aide auprès des maires. Du côté sont mobilisés sur place. » Les armuriers de sont installées. Sur le port sont regroupés « Quand le dimanche à l’église, on égrenait la
de la population, l’accueil n’est pas tou- Liège, mais aussi de Herstal, ont une re- tous les navires marchands et militaires bel- liste des morts au champ d’honneur, la présence
jours exemplaire. « On se méfie de ces gens nommée mondiale. En un temps record, ges qui ont échappé aux Allemands. de réfugiés était souvent mal supportée par une po-
qui parlent une langue qui sonne comme de l’al- on implante une usine de pyrotechnie sur À Rouen, c’est l’ensemble du matériel fer- pulation féminine souvent en deuil d’un pro-
lemand », assure l’historien, « et si certains cinq hectares dans le quartier de Graville roviaire qui est stocké dans la gare de che », raconte Jean-Pierre Popelier.
étaient des espions ? ». D’ailleurs, ils sont au Havre. « A la mi 1915, Le Havre est un triage. « Il va y avoir jusqu’à 7000 agents et Considérés comme des « planqués » en
« assignés » à résidence, avec interdiction centre de fabrication de matériel militaire où la 700 locomotives et belges. L’une a quitté la Bel- France, ils le seront aussi lors de leur retour
d’aller à plus de dix kilomètres de l’en- main-d’œuvre est totalement belge », détaille gique sous les tirs de mitrailleuse », assure l’au- en Belgique. « L’accueil fut souvent glacial,
droit où ils sont logés. Jean-Pierre Popelier. Mais le 11 décembre teur. voire haineux de la part des « occupés » belges. »
Mais rapidement, autorités belges réfugiées 1915, l’usine est pulvérisée par une explo- Passées la surprise et la panique, les autori- On comprend mieux alors pourquoi cer-
en France et autorités françaises vont tirer sion que l’on entend jusqu’à Rouen. On tés rendent hommage aux réfugiés. A tains ont refait leur vie en France, et pour
profit de cet afflux de main-d’œuvre quali- compte 135 morts et 1 500 blessés dans les Rouen, le boulevard Cauchoise devient le certains en Normandie.
fiée. « De nombreux dockers du port d’Anvers usines alentour, comme Schneider. Du boulevard des Belges. Pris de court, les
sont embauchés à Rouen et au Havre pour pallier coup, le site est éclaté en trois. À Graville Havrais donnent au boulevard maritime OLIVIER CASSIAU
l’absence des ouvriers partis au front ». D’au- un atelier de fabrication de munitions, à le nom du roi Albert 1er. À Paris, la station Le premier exode, la grande guerre des réfugiés
tres vont être réquisitionnés pour les usines Gainneville le site de fabrication de poudre de métro Berlin prend le nom de Liège. Le belges en France, par Jean-Pierre Popelier, 18 € aux
d’armement, dans la banlieue havraise. et à Sainte-Adresse, deux usines de matériel fameux café viennois devient café liégeois. éditions Vendemiaire.
« Ils étaient surveillés comme des militaires. Ils d’artillerie et de fabrication automobile Mais la guerre que l’on croyait gagnée