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Guide ERINOH : les essais de laboratoire

Conference Paper · June 2013

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Stephane Bonelli
National Research Institute of Science and Technology for Environment and Agriculture
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 Digues maritimes et fluviales de protection contre les submersions
2ème Colloque national, Aix-en-Provence, 12-14 juin 2013

Guide ERINOH : les essais de laboratoire

ERINOH Guidelines (volume 1): laboratory tests
S. Bonelli
Irstea, Aix-en-Provence, stephane.bonelli@irstea.fr

transport et dépôt. Par exemple, le seuil de Shields est

Résumé souvent considéré comme un seuil de détachement de grain
de sable, alors que c’est un seuil de capacité maximale de
Depuis 2005, il est admis que les quatre types d’érosion transport de ce grain à l’équilibre.
interne importants pour les ouvrages hydrauliques et leur
En ce qui concerne les ouvrages hydrauliques et l’érosion
fondation sont la suffusion, l’érosion de contact, l’érosion
interne, la question est ancienne et la préoccupation est
régressive et l’érosion de conduit. Cette communication
majeure. Dans le bulletin de Barrages&Réservoir édité en
rassemble quelques repères afin de mieux appréhender la
1997 pour le congrès ICOLD (Int. Congress on Larges Dams)
complexité de l’érosion interne, mais aussi de comprendre
de Florence, huit phénomènes de détachement (la boulance, la
qu’il est indispensable de réaliser, pour chaque sol, des essais
suffusion, l’érosion régressive, le débourrage, la dissolution,
de laboratoire, comme il est d’usage en mécanique des sols. Il
la dispersion, l’entraînement et l’exsolution) et deux types de
est maintenant possible de réaliser des essais d’érosion. Le
transport (transport dans un conduit, et transport dans
Guide ERINOH rassemble les informations relatives aux 16
l’espace poreux) ont été identifiés [1].
dispositifs expérimentaux associés au projet de recherche
ERINOH. Cette classification, illustrée Figure 1, est essentiellement
basée sur des observations de terrain et des raisonnements
déductifs. Les phénomènes de filtration, de dépôt et de
Abstract
colmatage, sont absents.
Since 2005, it is assumed that the four types of internal
erosion important for hydraulic structures and their
foundations are suffusion, contact erosion, backward erosion
and concentrated leak erosion. This communication helps to
better understand the complexity of internal erosion, but also
to understand that it is essential to carry out, for each soil,
laboratory tests, as is usual in soil mechanics. It is now
possible to perform erosion tests at the laboratory. The
ERINOH Guide gathers information about the 16
experimental devices associated with the ERINOH project.

Introduction FIGURE 1: LES DIVERS PHENOMENES INITIATEURS DE

Le domaine du transport sédimentaire a été fécond, depuis
plusieurs décennies, en travaux portant sur l’érosion d’un
fond mobile sous un écoulement à surface libre. Ce
phénomène est étudié par un très grand nombre de
laboratoires, relevant essentiellement de la mécanique des
fluides. Dans ces travaux, le sol est très peu considéré et, pour
l’heure, les modèles d'érosion pour des sols fins avec
cohésion sont purement empiriques. Il n’existe pas d’essai de
laboratoire opérationnel pour caractériser la sensibilité d’un
tel sol à l’érosion vis à vis des écoulements à surface libre.
Il y a de plus souvent confusion entre transport sédimentaire
et érosion: en hydraulique fluviale, l’érosion est vue comme
un gradient spatial de capacité de transport à l’état
stationnaire, soit un bilan (assez grossier) entre détachement,
L’EROSION INTERNE DANS UN BARRAGE [1]
A Aussois, lors de l’atelier international de 2005 organisé par
J.-J. Fry et R. Fell, la description a été simplifiée [2]. Quatre
types d’érosion, illustrés sur la Figure 2, ont été proposés par
R. Fell et J.-J. Fry :
- la suffusion ;
- l’érosion de contact entre deux sols ;
- l’érosion régressive ;
- l’érosion de conduit par écoulement localisé.
La recherche s’est ensuite accélérée. Le groupe européen sur
l’érosion interne (EGWIE) animé par J.-J. Fry de 2004 à
2012 a produit un Bulletin ICOLD en 2012 [3].

1
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Suffusion par instabilité Erosion de contact entre
géométrique deux sols
Erosion régressive Erosion de conduit
FIGURE 2 : LES QUATRE TYPES D’EROSION INTERNE (FIGURES
EXTRAITES DE LA THESE DE R. BEGUIN, VOIR [6])
C’est dans ce cadre que les travaux du projet de recherche
ERINOH (Erosion interne dans les ouvrages hydrauliques)
ont été réalisés entre 2006 et 2012. L’un des thèmes du projet
concerne les essais de laboratoire pour l’érosion interne.
Plusieurs dispositifs expérimentaux ont été élaborés.
L’un des trois guides du projet ERINOH concerne les essais
de laboratoire [4]. Cette communication a pour but de donner
quelques repères. Pour les détails (y compris les nombreuses
sources bibliographiques), il est nécessaire de se référer aux
ouvrages afférents [5-7].
Les quatre types d’érosion interne
Les quatre types d’érosion interne de Fell et Fry sont la
suffusion, l’érosion de contact, l’érosion régressive et
l’érosion de conduit. Le dépôt et le colmatage ne sont
toujours pas considérés. Le cas de l’érosion chimique (argiles
dispersives par exemple) n’est pas traité ici, mais il n’a pas
été négligé. C’est sur cette description que la recherche
expérimentale au sein du projet ERINOH a été élaborée :
nous avons conçu des expérimentations destinées à reproduire
au laboratoire, de manière contrôlée, chacun de ces
mécanismes, en considérant considérant que la filtration (dont
le colmatage est un état ultime) est également un mécanisme,
indissociable. Ces expérimentations ne sont pas des modèles
réduits. Elles sont assimilables à des essais de laboratoire de
mécanique des sols.
La suffusion
La suffusion survient à l’intérieur du sol. C’est le
détachement des petites particules de sol et leur transport
dans les pores de la matrice granulaire sous l’action de
2
l’écoulement de l’eau interne au sol, laminaire ou laminaire
inertiel. On dit souvent qu’un sol susceptible d’être le lieu
d’une suffusion présente « une instabilité granulométrique
interne ». Un sol auto-filtrant n’est pas suffusif. Un sol peut
ne pas être auto-filtrant mais avoir une granulométrie stable
vis à vis de la suffusion. C’est ce qui explique que les critères
historiques de Sherard (1979) ou de Kenney et Lau (1985-86)
sont trop conservatifs.
Pour qu’il y ait suffusion, il faut vérifier trois critères :
- la vitesse de l’écoulement doit être suffisante pour
provoquer le détachement et le transport des particules ;
- les particules ne doivent pas remplir entièrement les vides
pour permettre un écoulement significatif, et que les
grains de taille importante forment une matrice de grains
en contact ;
- la taille des particules doit être inférieure à la taille des
vides se trouvant entre les grains de la matrice (les
constrictions) pour pouvoir migrer.
La suffusion est a priori susceptible de concerner tous les
types de sol, mais pour l’heure, seul le cas des sols granulaire
et sans cohésion intéresse le praticien. Pour ces sols, la
suffusion peut survenir pour des gradients hydrauliques
inférieurs à un (parfois inférieurs à 0,3).
C’est un phénomène très lent aux très nombreuses
conséquences possibles. Il est influencé par l’état de
contrainte du sol : il est donc susceptible de s’arrêter en
fonction de la situation, à conditions extérieures constantes.
La suffusion est un phénomène très difficile à caractériser
expérimentalement, car indissociable de la filtration, et
impliquant une hétérogénéité de l’échantillon. On peut par
exemple avoir une augmentation de la perméabilité en
moyenne, avec un colmatage par remplissage d’une très petite
zone porale qui barre l’écoulement. Pour plus de détails, se
référer à [6] et [7].
L’érosion de contact
L’érosion de contact survient à l’interface entre un sol fin et
un sol grossier. C’est le détachement des petites particules du
sol fin et leur transport dans les pores de la matrice granulaire
du sol grossier sous l’action de l’écoulement de l’eau interne
au sol grossier, laminaire ou laminaire inertiel.
Si les deux sols en contact respectent les règles de filtre, il ne
peut pas y avoir érosion de contact. Pour qu’il y ait érosion de
contact, il faut vérifier deux critères :
- la vitesse de l’écoulement doit être suffisante à l’intérieur
du sol grossier pour provoquer le détachement et le
transport des particules du sol fin ;
- la taille des particules du sol fin doit être inférieure à la
taille des vides se trouvant entre les grains de la matrice
du sol grossier (les constrictions) pour pouvoir migrer.
L’érosion de contact est a priori susceptible de concerner
tous les types de sol, mais pour l’heure, seul le cas des sols
granulaire et sans cohésion intéresse le praticien. Pour ces
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sols, l’érosion de contact peut survenir pour des gradients
hydrauliques globaux nettement inférieurs à un, et des
vitesses de Darcy de l’ordre du cm/s dans le sol grossier.
C’est un phénomène lent aux nombreuses conséquences
possibles. Il est influencé par l’état de contrainte du sol. Il est
susceptible de s’accélérer ou de s’arrêter en fonction des
situations, à conditions extérieures constantes. L’érosion de
contact est un phénomène actuellement bien reproduit au
laboratoire. Pour plus de détails, se référer à [6] et [7].
L’érosion régressive
L’érosion régressive survient à l’interface entre un sol et un
conduit en formation. Ce conduit peut être interne au sol, ou
sous une couche rigide, ou ouvert à l’air libre. C’est le
détachement des particules du sol sous l’action d’un
écoulement d’eau sortant du sol, très lent, laminaire.
L’érosion régressive est caractérisée par le fait que le
phénomène - l’évolution du conduit - se propage dans le sens
inverse de l’écoulement de l’eau. La longueur du conduit
augmente, ce qui réduit la longueur de l’écoulement interne.
Pour qu’il y ait érosion régressive, il faut vérifier une seule
condition : la vitesse de l’écoulement sortant du sol doit être
suffisante pour détacher les particules de sol et les transporter
un peu plus loin.
L’érosion régressive ne peut pas survenir dans un sol à faible
perméabilité. Elle ne concerne que les sols granulaires et sans
cohésion. Comme c’est le gradient hydraulique local (au droit
de la sortie d’eau) qui joue un rôle, l’érosion régressive peut
survenir pour des gradients hydrauliques globaux nettement
inférieurs à un. C’est un phénomène susceptible de
s’accélérer ou de s’arrêter en fonction des situations, à
différence de niveau amont/aval constante.
L’érosion régressive est un phénomène qui a été étudié
expérimentalement aux Pays-Bas (Geodelft puis Deltares).
Cette étude a permis de calibrer des modèles empiriques et
numériques. Il en résulte qu’il ne semble pas nécessaire de
programmer des essais de laboratoire à chaque fois que l’on
se pose la question de l’occurrence d’une érosion régressive :
une démarche de modélisation semble plus adaptée.
Les règles historiques de Bligh (1910) ou de Lane (1934) sont
trop conservatives, et très approximatives. La règle de
Sellmeijer (1988) est actuellement la plus opérationnelle. Le
logiciel de Deltares développé également par Sellmeijer
(2010) permet d’étudier des configurations complexes.
Pour plus de détails, se référer à [5] et [7].
L’érosion de conduit
L’érosion de conduit survient à l’interface entre un sol et un
conduit en formation. Ce conduit est interne au sol. Il relie
l’amont à l’aval. Son diamètre augmente avec l’érosion, qui
est le détachement des particules du sol. Ce détachement est
provoqué par l’écoulement d’eau dans le conduit, le plus
souvent turbulent (avec des vitesses supérieures au m/s).
3
Pour qu’il y ait érosion de conduit, il faut vérifier deux
critères :
- la vitesse de l’écoulement doit être suffisante à l’intérieur
du conduit pour provoquer le détachement et le transport
des particules du sol ;
- le conduit doit relier l’amont à l’aval.
L’érosion de conduit ne peut pas survenir dans un sol sans
cohésion. Un conduit reliant l’amont à l’aval dans un tel sol
(granulaire donc) nécessite une couche de sol suffisamment
solide au-dessus. Cette situation est plutôt assimilable au
stade ultime d’une érosion régressive et est traitée dans ce
cadre. L’érosion de conduit ne concerne que les sols cohésifs.
C’est un phénomène à la cinétique extrêmement variable, qui
va toujours s’accélérer de manière catastrophique à différence
de niveau amont/aval constante.
L’érosion de conduit est un phénomène actuellement bien
reproduit au laboratoire. Les résultats d’essai de laboratoire
permettent de calibrer un modèle empirique et numérique de
rupture par brèche d’ouvrage hydraulique. Pour plus de
détails, se référer à [6] et [7].
Les grandeurs élémentaires
Qu’est-ce qui est érodé ?
L'érosion mécanique est le détachement de matériau causé par
un écoulement de fluide. L’érosion chimique est le
détachement causé par la seule mise en contact du sol et du
fluide. La matière solide érodée peut a priori être:
- des grains de sable
- des fines (argile, limon), notamment
o des feuillets d’argile (assemblage de couches) ou des
cristallites composées d’un feuillet et d’un espace
interfeuillet ;
o des particules d’argile (assemblage de quelques
dizaines de cristallite) ;
o des agrégats de particules d’argile (assemblage de
plusieurs cristallites, ce peut éventuellement être des
flocons).
Les tailles des particules et des agrégats sont données par la
granulométrie. La taille des cristallites est donnée par
diffraction de rayons X. Il est peu pertinent de considérer que
les feuillets d’argiles puissent être isolément détachés par une
érosion mécanique ; cela est plus pertinent pour une érosion
chimique.
La vision “du premier grain érodé” n’est pas utile ici : une
approche statistique, moyenne, est plus adaptée. La notion de
seuil, qui n’est qu’un modèle, n’est pas toujours adaptée. Si
elle est nécessaire, elle n’intervient que bien plus tard, après
l’expérimentation, lors de sa modélisation.
Les forces résistantes
Pour qu’il y ait détachement, il faut que la sollicitation
hydraulique soit supérieure aux efforts résistants. Les efforts
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résistants peuvent être : naturel sera susceptible de mobiliser les trois types de forces
- le poids propre ; résistantes. Les matériaux modèles du projet sont :
- le frottement ; - trois argiles modèles
o une kaolinite Proclay ;
- les blocages géométriques (frustration) ;
o une illite ;
- les forces d’adhésion locale, de trois types : o une montmorillonite ;
o forces intermoléculaires de Wan der Waals - deux sables modèles
(interaction attractive entre dipôles électrostatiques) ; o un sable rond, d’Hostun HN 34 ;
o forces électrostatiques de Coulomb ; ces forces liées o un sable angulaire, de Fontainebleau NE 34.
aux charges superficielles peuvent être, suivant le Il est possible, en appliquant la loi des mélanges de manière
signe de ces charges, d’attraction ou de répulsion ; adaptée et à la bonne grandeur, de formuler une loi d’érosion
o liaisons chimiques pour un mélange à partir des lois d’érosion de chaque

liaisons ioniques ; ce sont des liaisons chimiques constituant. Cette démarche n’a encore jamais été entreprise.
assimilables à des interactions électrostatiques de Malheureusement, elle n’est pas suffisante. Elle n’est pas
Coulomb entre des ions ; représentative de sols naturels contenant des argiles moins

liaisons covalentes, liaisons chimiques de mise en répandues (ex. palygorskite) ou des argiles interstratifiées.
commun de doublets d’électrons entre atomes. Elles Ces minéraux ne sont pas un simple mélange de particules de
tendent à être plus forte que les liaisons ioniques ; différents minéraux de base, mais constitue un minéral à part
entière : les particules sont composées d’un empilement de

liaisons hydrogène, ou Ponts hydrogènes ; ce sont
plusieurs types de couches. Par exemple, l’argile FoCa7 se
des liaisons chimiques intermoléculaires qui
compose à 80% d’un interstratifié de smectite/kaolinite
impliquent un atome d’hydrogène ; ces liaisons sont
(50/50), ce qui n’est pas assimilable à un mélange de 50% de
20 fois plus faibles que les liaisons covalentes, 10
smectite et de 50% de kaolinite. Ces interstratifiés sont
fois plus fortes que les forces de Wan der Waals.
assimilables à des agrégats de particules. Par exemple, un
Cette liste illustre la complexité du phénomène de agrégat illite / smectite peut avoir un comportement d’illite à
détachement, et lève le voile sur le travail à mener pour l’intérieur, et de smectite en périphérie.
comprendre le détachement par érosion d’un sol cohésif. Elle
Il en résulte que rechercher des formules permettant d’estimer
est cruciale pour la compréhension. Par exemple, une partie
la résistance à l’érosion à partir d’informations sur le sol est
des forces d’adhésion locale peut être liée à l’état du hydrique
d’un intérêt limité. Des essais de laboratoire sont
du sol (forces capillaires dues à la non saturation). Une autre
indispensables. Ceci est déjà bien connu en géotechnique : il
partie peut être la conséquence de liens solides et de
n’existe aucune formule opérationnelle permettant d’estimer
cimentation (composés organiques, silices, oxydes de fer).
la résistance au cisaillement d’un sol à partir d’informations
Les forces intermoléculaires varient comme 1/rn où r est la sur ce sol : les essais de laboratoire sont indispensables.
distance entre les feuillets et n=2 à 7. Les forces
électrostatiques varient comme 1/r2. Une augmentation de
densité (par compactage par ex.) provoque un rapprochement
des feuillets, donc une augmentation des forces d’attraction
intermoléculaires, mais aussi une augmentation (en valeur
absolue) des forces électrostatiques, qui sont en général
répulsives entre particules de même nature (répulsion de
double couche). En conséquence, on ne peut a priori pas
affirmer qu’une densification améliore systématiquement la
résistance à l’érosion.
De même, pour les liaisons chimiques, on sait par exemple
que l’influence du fluide libre peut-être discriminante suivant
le type d’argile : du CCl4 donne un meilleur cu que du NaCl
(50%), qui donne un meilleur cu que de l’eau pour une
Kaolinite. Le résultat est inversé pour une Smectite. Il est FIGURE 3: LES FORCES RESISTANTES EN FONCTION DE LA
possible que le même type de résultat discriminant soit obtenu DIMENSION DES PARTICULES ERODEES
pour la résistance à l’érosion.
Les sols
Nous avons considéré trois types de minéraux (Tableau 1),
avant d’étudier des mélanges. Cette démarche est
fondamentale, comme cela est illustré sur la Figure 3 : un sol

4
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Les mécanismes élémentaires
La définition de l’érosion est intimement liée à l’échelle
choisie pour traiter la question associée. Les grandes échelles
de temps et d’espace relèvent de la géomorphologie, où la
démarche est naturaliste : observation et compréhension. A
l’échelle du bassin versant ou de la description locale du
cours d’eau, c’est l’hydraulique qui prime, avec une
description de type transport solide moyennant détachement,
transport et dépôt. A l’échelle de l’ouvrage hydraulique, la
mécanique des sols et la mécanique des fluides sont
intimement couplés. Il est donc naturel qu’apparaissent les
essais de laboratoire, d’usage courant en mécanique des sols.
Pour bien comprendre ce qui est discriminant parmi les quatre
types d’érosion interne, il est intéressant de voir comment se
déclinent les deux types élémentaires d’érosion et les trois
mécanismes élémentaires associés.
Les deux types élémentaires d’érosion à l’échelle d’un
ouvrage ou d’une expérimentation de laboratoire de type
« mécanique des sols » sont :
- l’érosion interface ;
- l’érosion de volume.
Nous préférons érosion d’interface, car elle est plus générale
que la dénomination érosion de surface qui peut prêter à
confusion (surface= « à la surface » donc « à la surface de
l’ouvrage »). Le Tableau 2 propose une classification des
différents types d'érosion d'interface en fonction de la
direction de l'écoulement par rapport à l’interface
sol/écoulement, et en fonction du type d'écoulement (la
sollicitation hydraulique). Cette classification met en
perspective les quatre types d’érosion interne de Fell et Fry,
par rapport à d’autres types d’érosion rencontrés en milieu
naturel, notamment.
Nous regroupons sous le terme érosion de volume la
suffusion et la filtration. Ce sont deux mécanismes distincts,
mais indissociables expérimentalement : lorsque l’on étudie
l’un de ces mécanismes, l’autre est toujours susceptible
d’apparaître. Dans un cas, les particules fines sont détachées
de la matrice granulaire par l’écoulement d’eau et
transportées à travers celle-ci. Dans l’autre cas, les particules
fines transportées se déposent sur la matrice granulaire. Ceci
est illustré sur la Figure 4.
Les trois mécanismes élémentaires relatifs à l’érosion sont :
- le détachement ;
- le transport ;
- l’attachement.
Le Tableau 3 propose un positionnement des quatre type
d’érosion de Fell et Fry en fonction des trois mécanismes
élémentaires relatifs à l’érosion, et des deux types
élémentaires d’érosion. Ce tableau offre un nouvel angle pour
analyser l’érosion interne. Citons deux exemples.
5
L’érosion de contact combine a priori phénomènes de surface
et de volume : l’érosion est à l’interface entre le sol érodé et
l’écoulement interstitiel, mais les particules érodées sont
ensuite filtrées (transport et attachement) par la matrice
granulaire. L’érosion de contact ne préjuge pas de ce qui se
passe ultérieurement au sein de la matrice granulaire. Si ces
particules se collent à la matrice, puis sont à nouveau
détachées (relargage), il faudra alors parler de suffusion.
Un autre exemple illustratif est l’enchaînement
suffusion/érosion régressive. Le premier phénomène est de
volume, le second est d’interface (c’est l’interface qui est
régressive, de l’aval vers l’amont). Ces deux phénomènes ont
été constatés sur une même expérimentation, à la presse
triaxiale.
suffusion (détachement et
filtration (transport et dépôt)
transport)
FIGURE 4 : PHENOMENES DE VOLUME, EROSION ET FILTRATION
Les dispositifs expérimentaux
Quels sont les appareillages disponibles ?
Au niveau international, les seules normes que nous
connaissons concernant les essais d'érosion sont les normes
ASTM (USA) relative au Crumb Test (ASTM D6572-06)et
au Pin Hole Test (ASTM D4647-93(2006)) pour les sols
dispersifs, et la norme relative au Jet Erosion Test pour
l’érosion d’affouillement (ASTM D5852-00(2007)). Il est
donc nécessaire d’accompagner les dispositifs expérimentaux
que nous avons élaborés de recommandations. C’est l’objet
du Guide ERINOH qui concerne les essais de laboratoire [4].
Pendant les 6 ans du projet ERINOH, ce sont 16
appareillages de laboratoire qui ont été conçus, construits, et
mis au point. Certains ont même permis de quantifier la
résistance à l’érosion de sols réels d’ouvrages hydrauliques
existants, avec des échantillons remaniés, et même avec des
échantillons intacts.
Seule l’érosion régressive n’a pas fait l’objet de recherches et
développements au cours du projet ERINOH, mais elle été
étudié expérimentalement aux Pays-Bas (Geodelft puis
Deltares). Il ne semble pas nécessaire de réaliser des essais de
laboratoire spécifiques: une démarche de modélisation semble
plus adaptée.
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TABLEAU 1 : LES TROIS TYPES DE MINERAUX LES PLUS REPANDUS DANS LES ARGILES

Minéraux Kaolinite Illite Smectite

Représentation de Mitchell
(1976)

30 feuillets 10 feuillets 10 feuillets

Cristallite élémentaire
1 feuillet=2 couches 1 feuillet=3 couches 1 feuillet=3 couches
Liaisons entre feuillets :
- intermoléculaires - forces de Wan de Waalls - forces de Wan de Waalls - forces de Wan de Waalls
- électrostatiques - charges de signes opposés - charges de même signe - charges de signes opposés
- chimiques - liaison hydrogène - ion Potassium - échanges de cations
Liaison très forte Liaison faible Liaison très faible
essentiellement de type liaison avec des forces de Van de Waals avec des forces de Van de Waals
hydrogène entre les feuillets. et la présence de contre ions et la présence de contre ions
potassium K+ déshydratés entre positifs hydratés échangeables
les feuillets entre les feuillets
Surface d’échange 5 à 20 m2/g 120 m2/g 800 m2/g
Influence chimique de l’eau Faible Visible Très importante

TABLEAU 2 : CLASSIFICATION DES DIFFERENTS TYPES D'EROSION D'INTERFACE EN FONCTION DE LA DIRECTION DE L'ECOULEMENT PAR
RAPPORT A L’INTERFACE ET DU TYPE D'ECOULEMENT (LA SOLLICITATION)

Sollicitation hydraulique sur l’interface

Ecoulement Ecoulement Ecoulement
à surface libre libre en charge interstitiel

Ecoulement
tangentiel
à
l’interface
hydraulique fluviale renard hydraulique, piping erosion érosion de contact
hydraulique torrentielle érosion par écoulement localisé dans
transport sédimentaire une fissure ou un trou
érosion par surverse ou déferlement sinkholes

Ecoulement
normal
à
l’interface
fluidization seepage erosion érosion de contact
érosion régressive bore-holes
piping erosion, sinkholes sand production

6
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TABLEAU 3 : LES MECANISMES ELEMENTAIRES DE L’EROSION INTERNE POUR L’EROSION D’INTERFACE ET DE VOLUME

Détachement Transport Attachement

Erosion régressive
Détachement de matière solide à la surface du sol Transport de la matière solide par
Phénomènes érodé sous l’action d’un écoulement d’eau à l’écoulement d’eau dans le Dépôt hors du conduit dû au
à l’interface l’interface, éventuellement chargée en matière solide conduit poids propre
Erosion par écoulement de conduit

Erosion de contact
Dépôt par poids propre
Suffusion
Blocage géométrique
Phénomènes Transport de la matière solide par Attraction physico-chimique
de volume Détachement de matière solide à l’intérieur du sol l’écoulement d’eau dans l’espace Peut conduire au colmatage
sous l’action d’un écoulement d’eau interne, poral
éventuellement chargée en matière solide
Filtration

TABLEAU 4 : LES DISPOSITIFS EXPERIMENTAUX DISPONIBLES EN FRANCE EN 2013

Nom de l'essai Référents des laboratoires de recherche Laboratoire

1 New Crumb Test C. Chevalier, P. Reiffsteck Ifsttar Paris
2 Filtration Test A. Benamar, H. Wang LOMC du Havre
3 Filtration Test E. Vincens, L. Wu, B. Nana Nzouapet, S. Bernat-Minana LTDS de Lyon
4 Suffusion Filtration Erosion Test N. Saiyouri, J.-P. Regoin Gem Nantes
5 Erosion et Blocage J.-C. Dupla et J. Canou Cermes Paris
6 Triaxial Suffusion Erosion Test D. Marot, H.H. Nguyen, F. Bendahmane Gem St Nazaire
7 Œdometer Suffusion Erosion Test D. Marot, Y. Sail, L. Sibille Gem St Nazaire
8 Centrifuge Suffusion Erosion Test D. Marot, L. Thorel, V.D. Le Gem St Nazaire
9 Contact Erosion Test R. Beguin, Y.-F. Faure LTHE Grenoble
10 Contact Erosion Test P. Philippe Irstea Aix-en-Provence
11 Hole Erosion Test N. Benahmed, S. Bonelli Irstea Aix-en-Provence
12 Hole Erosion Test C. Chevalier, P. Reiffsteck Ifsttar Paris
13 Mobile Jet Test C. Chevalier, P. Reiffsteck Ifsttar Paris
14 Jet Erosion Test S. Bonelli Irstea Aix-en-Provence
15 Jet Erosion Test D. Marot Gem St Nazaire
16 Erosion Function Apparatus A. Bennabi Estpbi Paris

Ces 16 appareillages sont explicités dans le Tableau 4 et conduit, érosion de surface ;

détaillés dans le Guide ERINOH : chaque appareillage fait - 2. Classe GTR concernée par l’essai ;
l’objet d’une fiche de 4 pages. - 3. Chiffrages (Consommables, durée, …) ;
- 4. Etat de la technique
Chaque fiche rassemble les informations suivantes sur le
o Type d’éprouvette
dispositif :
o Type de procédure
- 1. Identification du dispositif
o Type de prestation possible
o description, coordonnées, … ;
o Type de matériel et logiciel
o Processus étudié : dispersivité, filtration, suffusion,
o Type de résultat fourni
érosion de contact, érosion régressive, érosion de

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 Digues maritimes et fluviales de protection contre les submersions
2ème Colloque national, Aix-en-Provence, 12-14 juin 2013
o Type d’antériorité
o Niveaux de qualification requis (préparation,
réalisation, interprétation)
- 5. Informations techniques
o Historique, description de l’essai
o Modalités de confection des éprouvettes
o Préparation de l’essai
o Réalisation de l’essai
o Interprétation de l’essai
Que faut-il mesurer ?
Les paramètres importants à mesurer ou à contrôler sur
chaque matériau sont les suivants :
- les paramètres géotechniques du sol
o granulométrie
o valeur de bleu
o limite de plasticité, de liquidité, indice de plasticité
o densité à l’OPN
o teneur en eau à l’OPN
o perméabilité à l’OPN
o cohésion non drainée à l’OPN
- les paramètres physico-chimiques du sol
o potentiel hydrogène
o conductivité électrique (sol saturé)
o pourcentage du sodium échangeable
o ratio d’adsorption de sodium (sol saturé)
o capacité d’échange cationique
- les paramètres physico-chimiques de l’eau d’érosion
o potentiel hydrogène
o conductivité électrique
o pourcentage du sodium échangeable
o ratio d’adsorption de sodium
o matières totales dissoutes
La classification des sols à l’érosion est l’une des questions
centrales, or nous aurions justement besoin de connaître cette
classification pour dimensionner les expérimentations. On ne
pourra par exemple pas étudier l’érosion d’un sable argileux
et d’une argile sableuse avec le même dispositif : il faudra en
concevoir plusieurs, même pour un seul type d’érosion.
On peut toutefois proposer une liste générique des grandeurs
à mesurer sur un essai d’érosion, pendant le déroulement de
l’expérimentation et en fonction du temps :
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- la température de l’eau d’érosion
- la température de l’échantillon de sol
- la température du laboratoire
- le débit d’eau d’érosion
- la pression de l’eau en entrée
- la pression de l’eau en sortie
- la masse érodée, ou la concentration de masse érodée dans
l’eau (en mesurant la turbidité par exemple)
- l’état de contrainte dans lequel se trouve l’échantillon
Conclusion
Le Guide ERINOH rassemble les informations relatives aux
16 dispositifs expérimentaux associés au projet de recherche
ERINOH (2006-2012). Il est accompagné de plusieurs
ouvrages qui détaillent l’état de l’art, et expose les résultats
les plus récents, en termes de modélisation notamment.
L’évolution est de rendre des dispositifs opérationnels, et de
les considérer comme un essai de mécanique des sols, dans un
cadre de diagnostic géotechnique.
Remerciements
Le thème « Essais de laboratoire » du projet ERINOH (2006-
2008) a été soutenu par l’ANR (Programme PGCU). Le
projet ERINOH (2006-2012) a été coordonné par l’IREX.
Références
[1] Fry J.J. (coord.) (1997). L’érosion interne : typologie, détection et
réparation, Barrages & Réservoirs, n°6, 126 p.
[2] Fell R., Fry J.-J. (coord.) (2007). Internal Erosion of Dams and Their
Foundations, Taylor & Francis, London.
[3] ICOLD, Assessment of the risk of internal erosion of water retaining
structures: dams, dykes and levees, bulletin paru en 2012 à approuver
par ICOLD en 2013.
[4] Chevalier C. et Bonelli S. (coord.), Guide ERINOH des essais de
laboratoire, Press des Ponts et Chaussée, 150 p., à paraître fin 2013.
[5] Bonelli S. (coord.) (2011). Erosion of geomaterials - Spécial Issue,
European Journal of Environmental and Civil Engineering, Vol. 15,
n°8, 128 p.
[6] Bonelli S. (coord.) (2012), Erosion des géomatériaux, Traité Mim,
Herms Edt, 382 p.
[7] Bonelli S. (coord.) (2013), Erosion in geomechanics applied to dams
and levees, Wiley/ISTE edt, 416 p.