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Annales de pathologie (2012) 32S, S44—S45

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

SYMPOSIUM

Ciblage thérapeutique personnalisé par analyse


d’exomes夽
Personalized therapeutic targeting by exome analysis

Aude Lamy, Emilie Angot, Jean-Christophe Sabourin ∗

Département de pathologie et de génétique somatique des tumeurs, CHU de Rouen, 1, rue de


Germont, 76000 Rouen, France

Accepté pour publication le 28 août 2012


Disponible sur Internet le 11 octobre 2012

La classification des tumeurs de l’OMS définit les tumeurs humaines, d’une part, en fonction
de leur type histologique (en se basant sur la parenté morphologique de la tumeur et du
tissu sain supposé être à son origine) et, d’autre part, en fonction de l’organe dans lequel la
tumeur se développe. Plus récemment, des anomalies moléculaires « ponctuelles » (altéra-
tion d’un ou de quelques gènes) sont venues consolider les bases morphologiques de cette
classification. Les gènes dysfonctionnants dans les cellules tumorales sont schématique-
ment classés en oncogènes (hyperactifs) ou en gènes suppresseurs de tumeur (inactifs).
Il semblerait que dans la centaine d’anomalies génétiques présentes dans une cellule
tumorale, seule une dizaine soient strictement « nécessaires » à la survie et à la progres-
sion tumorale (ce sont les « driver mutations ») et que les autres (majoritaires) soient
simplement le reflet de l’instabilité génétique qui réside dans ces cellules tumorales [1].
La classification génético-morphologique de l’OMS a servi de socle à la prise
en charge des patients atteints de cancer pour guider la thérapeutique. D’autres
outils anatomocliniques, comme la classification TNM des tumeurs, les grading histo-
pronostiques, comme celui de Scarf-Bloom-Richardson dans les carcinomes du sein,
et les indices de prolifération (ki67 pour les tumeurs neuro-endocrines) sont venus
compléter au fils des années la classification histologique des tumeurs dans le
but « d’affiner » la caractérisation et surtout de rassembler les patients atteints
de tumeurs dans des groupes « pronostiques » assez homogènes, permettant une
prise en charge thérapeutique plus adaptée. Cette démarche a encore évolué
avec la caractérisation d’événements oncogéniques (« driver mutations » fondatrices)

夽 Symposium présenté le lundi 19 novembre 2012 de 14 h 30 à 16 h 30, en salle 101.


∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : jean-christophe.sabourin@chu-rouen.fr (J.-C. Sabourin).

0242-6498/$ — see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS.
http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2012.09.012
Ciblage thérapeutique personnalisé par analyse d’exomes S45

qui sont maintenant des cibles de thérapies. Le traite- en paraffine : la fragmentation générée par les techniques
ment des patients dont les mélanomes portent une mutation classiques de préparation des tissus ne semble pas être
V600 du gène BRAF par le vémurafénib [2] et l’utilisation des un frein ! Elles vont donc très certainement bouleverser la
inhibiteurs de TKi dans les adénocarcinomes pulmonaires prise en charge des patients et peuvent peut-être remettre
présentant une mutation de sensibilité de l’EGFR [3] sont en cause la prise en charge anatomopathologique classique
deux exemples de cette nouvelle approche de « médecine des tumeurs. On peut penser que pour chaque patient
personnalisée ». atteint d’une tumeur maligne, il sera possible d’en établir
Il semble cependant que nous arrivions à la limite de ces le génotype et donc d’en déduire le caractère sensibili-
approches morphologiques ou moléculaires « simples » pour sant ou résistant aux thérapies existantes et cela, peut-être
optimiser la prise en charge des patients. Les grandes avan- indépendamment de l’organe d’origine et in fine du type
cées dans le domaine de l’oncologie moléculaire permettent histologique. . .
désormais d’établir une véritable cartographie génétique
des tumeurs. Des criblages complet du génome des cancers
sont actuellement en cours grâce notamment à des consor- Déclaration d’intérêts
tiums internationaux tels que le Cancer Genome Atlas [4,5].
Certains auteurs comme Roychowdhury et al. [6] ont proposé Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
de développer une prise en charge encore plus personna- relation avec cet article.
lisée en réalisant un séquençage haut débit de la tumeur
(en moins de 30 jours à partir de la biopsie initiale !), afin
de mettre en évidence l’ensemble des altérations soma- Références
tiques présentes au sein de la tumeur et ainsi d’identifier, à
l’échelle exomique, les facteurs de sensibilité ou de résis- [1] Sjöblom T, Jones S, Wood LD, et al. The consensus coding
tance aux thérapies ciblées. sequences of human breast and colorectal cancers. Science
Vers les années 2000, beaucoup d’espoirs ont été por- 2006;314:268—74.
[2] Sosman JA, Kim KB, Schuchter L, et al. Survival in BRAF
tés par les techniques de type CGHarray et/ou puces à
V600—mutant advanced melanoma treated with vemurafenib.
ARN qui, disait-on, allaient révolutionner la cancérologie : N Engl J Med 2012;366:707—14.
cependant, peu (ou quasiment aucune) retombée clinique [3] Gridelli C, De Marinisb F, Di Maioc M, et al. Gefitinib as first-line
de ces techniques a impacté notre discipline. Cet état de treatment for patients with advanced non-small cell lung can-
fait résulte du manque de reproductibilité de ces méthodes cer with activating epidermal growth factor receptor mutation:
(surtout basées sur l’extraction d’ARNm tumoraux qui se review of the evidence. Lung Cancer 2011;71:249—57.
trouvaient dilués dans la « soupe » des autres ARNm présents [4] Stratton MR, Campbell PJ, Futreal PA. The cancer genome.
dans les tissus étudiés : tissus normaux et stroma tumo- Nature 2009;458:719—24.
ral). Des tests prédictifs et/ou pronostiques ont même été [5] The Cancer Genome Atlas Research Network. Comprehensive
basés sur ces technologies (comme le test Mammaprint® genomic characterization defines human glioblastoma genes and
core pathways. Nature 2008;455:1061—8.
qui a été validé par le Food and Drug Administration des
[6] Roychowdhury S, Iyer MK, Robinson DR, et al. Personalized onco-
États-Unis), mais peu sont aujourd’hui utilisés en routine en logy through integrative high-throughput sequencing: a pilot
Europe [7]. study. Sci Transl Med 2011;3:111—21.
Les techniques moléculaires à haut débit basées sur l’ADN [7] van’t Veer LJ, Dai H, van de Vijver MJ, et al. Gene expres-
sont certainement beaucoup plus robustes. De plus, elles sion profiling predicts clinical outcome of breast cancer. Nature
peuvent être effectuées à partir de tissus fixés et inclus 2002;415:530—6.

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