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Action directe : LA TLtVISION

PAR FRANOISE GIROUD


la « cueillette » des RG
Cette fois, c'est sfir. Les policiers francais ont
mis la main sur un des hauts responsables
d'Action directe : Andre Olivier, 43 ans, artet6
es au cceur
å Lyon, le 28 mars, en cornpagnie de deux e silence oii sont tombes les otages
complices, Bernard Blanc et Joölle Crespet. franOis detenus au Liban si-
Andre Olivier se rendait å Lyon pour rendre •lence est effrayant. Que faire ?
'

unevisite clandestine å sa fille. C'eSt la section •Manifester, petitionner, clamer


Recherche de la direCtiodcentrale des Rensei- son indignation ? Cda semb- le si
gnements generaux, å Paris, qui a remont6 la vain... Declarer, comme Bernard
filiere. Andre Olivier s'etait volatilise en 1979, Kouchner å « 7 sur 7 », que les prises d'otages
des la fondation d'Action direete. Selon cer- sont des åctes de guerre auxquels ii faut repon-
tains, ii avait bascule dans le banditisme et dre par des actes de guerre car « parler atix
n'etait plus qu'un « vulgaire ,voyou ». Mais assassins, c'est »? Garder foi en de
aujourd'hui, apres la prise de Lyon, ii n'y a plus mysterieuses negociations ?
g-uere de doute : Andre Olivier etait au cceur du A partir de cette situation accablante,
dispositifd'Action directe. odieuse pour les proches,des otages, humi-
Au moment de son arrestation, ii etait en pos- liante pour chacun de nous, TF1 a realise uh
session d'un veritable arsenal (pistolets auto- document remarquable (« InfoViSion »).
matiques fusil å canon scie pistolet mitrail- Etaient d'aborcl interroges quelques FranQais
leur UZIde fabrication isradienne), mais aussi
'
qui vivent encore å Beyrouth, fis vont, vien-
de perruques, vetements; faux papiers. La nent, travaillent, mais « depnis un rnois, nous
panoplie du parfait terroriste. Mais l'element sommes tous des otages en liberte » dit l'un
le plus important de cette « cueillette », c'est la d'eux. Interrogees• ensuite, la fille cie Marcel
documentation enorme recuperee par les poli Carton, qui frit deteriue un temps avec sonP're Mary Seurat
ciers, prouvant qu'Andre Olivier a et6 associe (« J'eprouvais de la sympathie pour nds o-
aux nömbreux attentats å la bombe perpetres liers »), Jane' Kauffinann et Mary Seurat.
Par le groupe terroriste entre 1982 et 1985. Jo6lle Kauffmann a ete filmee alors qu'elle
Autre revelation la structure d'Action di- regardait la cassette video diffåee par les raVis- «
recte qui rappelle les groupes de resistants seurs de son rnari. D'abord, elle n'est paS sfire j'en ai par-dessus
sous POccupation ; des noyaux de trois ou
'
de le reconnåltre, elle pose sa main sur l'ecran Mte »
quatre personnes, qui ne se telephönent, cornme pour le toucher, puis murmure : « Si,
dit-on, jamais. C'est pourtant en telephonant å crois que c'eSt lui. Mais c'est degueulasse...
sa fille, å Lyon, qu'Andre Olivier s'est fait lui ont fait croire qu'on ne s'occupait plus tie
reperer par les kG parisiens... Serge Råtly » On sent que cettejeune fenune forte est dent. Ils ont ajoute au sentirnent d'angoisse
å cran. Qui ne le serait ? de fureur melees donf on ne peut se defaire en
M6dias : Mary Seurat, helle, lasse, amere, pane lon-
guement. Un jour, les ravisseurs de son mari
pensant
• a-uxcaptifs du Liban.
Autre chose. A du mågazine
l'ont ramene chez lui sous escorte. « C'etait « Telerama » et d?An tenne 2, vingt-deux fa-
le &te de A Z me visite surrealiste, clit-dle. II e'tait ties ner-
veux. II s'est mis å parler de l'islam åvec son
milles de Creteil ont accepte de vivre lin mois
priyees de leur te•dviseur... Allaient-elles
Vous voulez tout savoir sur la television cå- geölier. j'en ai par-clessus la s'6triper ? S'&ioler ? Si8panouir ? Une jeune
-

blee ? La mission Cåble yous dit tout de A å Z Quand on nous a dit qu'il ne nous restair plus femme a appris å mieux cormaitre ses enfants.
dans un guide epais et parfaitement docu- que cinq minutes, II s'est precipite dans son Quelques hommes ont trich6 et sont aNs 'Voir
mente qui vient de paraitre aux 6ditions Entre- bureau, ii a pris six bouquins d'un sociologue chez des ainis la finale de Roland-Garros, celle
prise moderne d'Edition. Bernard Schreiner, du xviie sietle parfaitement illisibles... eu de la Coupe de France, les Vingt-Quatre Heu-
le president de la mission, creee le 19 decembre l'impression qu'il partait travailler, res du Mans. Au sein de deux couples
1985, rappela en preface les enormes enjeux de Elle a toujours cm qu'elle le reVerrait vivant. l'hömme etait pösitivement intoxique ce
cette « television au pluriel ». Et puis il y a eu le comrnunique du Djihad sont toujours les hommes, curieusement Ies
Trois annees se sont ecoulees depuis que, le islamique, les photos. « A Beyrouth, 6pouses se sont felicitees d'aVoir en quelqUe
3 novembre 1982, le conseil des ministres a pour moi, il etait mort. Mais å Paris a corn- sörte recuper6 lett mari le soir et le samedi.
adopte le pian Cåble. Fin 1986, 400 000 foyers menee le doute... » Supplice raffine. Elle dit • Mais dans l'enseinble,l'experience a ete
seront raccordables, et, en 1990, « on peut en ericore : « Les enlevements, c'est la bombe sans consequence sensible. Ce qui en est res-
esperet 6,3 millions ». Un stock cle 2 620 heu- atomique dtipauvre. » A propos cl'une demar- sorti de plus clair, c'est l'ambiguYte de la rela-
res de programmes a et6 constitue pour alitnen- che aupres de l'un des ravisseurs- :• « II a tion entretenue avec- la television. Ori en a
ter les tuyaux gloutons : 117 heures de produc- agressifavec moi parce que je ne siiis pas venue besoin, on s'evade åvec elle, et en memetemps
tion originale « sortant des sentiers battus » le voir avec me e'quipe de television. Je ne on a le sentiment qu'elle vous piege ; qu'on lui
sont offertes aux reseaux avec une exclusivite faisais pas son jeu... Les mediasfont le jeu des åliene sa liberte, qu'å trop la regarder on eSt
de neuf mois. Six chaines dites thematiques, ravisseurs... » Elle est pathetique, Mary Seu- obscurement coupable. Ambignite que l'un
informations, jeunesse, fiction et musique, rat. Deuxieme partie du doctunent (apres uri des participants a exprimee ainsi apres avoir
soirees cinema, modules locaux; meteo, jeux, bavardage superfl-u) : la psychologie de l'otage. ecoute les autres egrener leurs reactions : « On
existent dejå... Dans quel etat sort-on de ce genre partiCulier de a llinpression que la television est quelque
detention ? II semble que dans tous les cas, si chose de maudit, et que le Diable est patti paria
divers soient-ils, la d6marche soit la metne fene'tre quand on vous a pris votre poste. Moi,
l'otage prend le parti de seS ravisseurs et se je revendique le droit de regarder lå television
retourne contre ceux qui ne cedent pas å letirs be'rement, quand j'en ai envie. »
demåndes. Une veritable destructuråtion de Pourquoi betement ? Un t6leviseur n'est
l'esprit s'opere. C'est le fameux « syndrorne de qu'un instrument.'Est-ii si difficile de s'en
Stockholm Tous les temoignages concor- servir avec mesure ? Le Diable a bon dos.
11 - 17 AVRIL 1986/49

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