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En vacances chez les grands-parents

Pour un enfant, séjourner chez les grands-parents durant l’été est souvent l’occasion d’un bon moment partagé. Une rencontre entre
générations idéale pour transmettre l’histoire familiale.

Brunor

L’heure des vacances a sonné pour les enfants… mais pas forcément pour leurs parents. Chaque année, environ 22%
des 5-13 ans prennent leurs quartiers d’été chez leurs grands-parents. Une période souvent attendue, et parfois un peu
redoutée: pour les uns, il s’agit d’affronter une première séparation; pour les autres, de se préparer à voir leur rythme de
vie et leur espace bouleversés par un joyeux tourbillon.

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«Mon grand-père que j’aimais beaucoup avait coutume de dire une phrase qui m’agaçait quand j’étais petite, mais que je
comprends maintenant que je suis grand-mère: “Les petits enfants nous font deux cadeaux, un quand ils arrivent, et
l’autre quand ils repartent!”» raconte en souriant Nicole Prieur, philosophe et psychanalyste (1). D’où l’intérêt de définir au
départ, avec les parents, «la durée du séjour que chacun pourra supporter», dit-elle.

Une des préoccupations majeures des grands-parents? «Trouver des activités pour les occuper! Avant 5-6 ans, le jardin,
le chien et la piscine gonflable suffisaient à leur bonheur. Maintenant, dans les semaines qui précèdent leur arrivée, je
regarde dans la presse locale les activités qui pourraient les intéresser. Si nous voulons qu’ils continuent à venir chez
nous, il ne faut pas qu’ils s’ennuient! D’ailleurs leurs parents nous encouragent aussi à leur trouver des occupations,
parce qu’ils se souviennent s’être beaucoup ennuyés chez leurs propres grands-parents!» raconte Marie-Luce, 70 ans,
qui reçoit ses deux petits-enfants en Bretagne durant l’été. «Le plaisir de les avoir est aussi dans l’anticipation: préparer
leur chambre, faire les lits, remplir le réfrigérateur pour ne pas être obligée d’être prise par des corvées dès leur arrivée…
j’essaie d’être totalement disponible pour eux.»

« Raconter le passé pour que le présent se construise mieux»


Ces vacances chez les grands-parents ne fournissent pas simplement un cadre rassurant pour les petits-enfants. «Elles
sont souvent l’occasion de rencontrer des cousins et permettent un enracinement dans la famille, même si le couple de
grands-parents est recomposé après un veuvage ou une séparation. Les séjours chez les grands-parents “font” famille, et
pour les enfants, ils sont constructifs en termes d’identité», explique Nicole Prieur.

C’est pourquoi il incombe aux grands-parents de raconter d’où vient la famille, « raconter le passé pour que le présent des
petits-enfants se construise mieux», comme l’explique le pédopsychiatre Marcel Rufo dans son livre Grands-parents à
vous de jouer, paru cette année (Éd. Anne Carrière). Dans cet ouvrage, où il puise à la fois dans ses souvenirs d’enfance
et son expérience avec les familles de ses petits patients, il témoigne que «pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on
vient». Pour preuve, la relation forte qu’il a eue avec sa grand-mère Eugénie. «Ce qu’Eugénie m’a transmis, sans jamais
me le dire, c’est que l’on peut se tirer de toutes les situations difficiles» , confie-t-il.

Pour transmettre l’histoire familiale, inutile de sortir un arbre généalogique aux innombrables ramifications. Ce passage de
témoin se fait tout naturellement, en feuilletant ensemble des albums de photos et en racontant des souvenirs que les
petits-enfants sont prompts à solliciter. La psychanalyste Françoise Dolto avait observé qu’entendre parler de la jeunesse
de papy et mamie est pour un enfant quelque chose de «magique». Les grands-parents sont aussi en première ligne pour
raconter la jeunesse des parents. «Les enfants n’imaginent pas leurs parents au même âge qu’eux. Ces histoires
éclairent les ressemblances, les différences, et posent le parent comme un guide, un référent», explique Nicole Prieur.

La transmission ne se limite pas à l’histoire familiale


Attention cependant aux propos négatifs, souligne la psychothérapeute. Mieux vaut éviter en effet de dire à son petit-fils
que son père « était vraiment nul en classe». Il est aussi plus prudent de ne pas trop insister sur d’éventuels drames. «
Sans tomber dans les lourds secrets de famille, il est inutile d’alourdir un passé qui a pu être difficile. Le risque serait que
l’enfant se sente missionné pour ‘‘réparer’’ certaines souffrances subies par son parent», précise la psychanalyste.

Les souvenirs de ces témoins d’une autre époque aident les enfants à se repérer dans la chronologie familiale, mais aussi
dans la grande Histoire: telle grand-mère raconte le couronnement d’Élisabeth II suivi en direct sur le poste de télévision
d’une voisine plus fortunée, telle autre se souvient d’une époque où le téléphone n’avait pas encore envahi les foyers et
où l’on apprenait les nouvelles urgentes par télégramme, l’«ancêtre» de Twitter…

«Ces anecdotes montrent à l’enfant qu’il y avait un temps avant lui et avant ses propres parents. Elles créent à la fois un
rapport à la famille et un rapport au temps intéressant dans notre époque de zapping.» Car la transmission ne se limite
pas à l’histoire familiale. « Les grands-parents ont un regard sur la vie différent des parents, qui sont plus dans
l’immédiateté. Ils ont un rôle pour ouvrir (les enfants) sur le monde, leur inculquer certaines valeurs », explique Nicole
Prieur.

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Pas question, d’ailleurs, de céder sur tout sous prétexte de ne pas être chargé d’un «mandat éducatif», explique le
professeur Marcel Rufo. «Tenir bon sur l’éducation, la bienséance, les principes de vie en famille fait partie de leur rôle.»
Pour Nicole Prieur, «on peut leur apprendre à dire ‘‘Merci’’, mais on ne disqualifie pas leurs parents, même si on sent qu’il
y a des lacunes». Du reste, souligne-t-elle, «le plus souvent, les choses se passent bien, et les petits-enfants se plient aux
demandes des grands-parents». Comme le remarque Marie-Luce en souriant, «c’est plutôt quand les parents sont de
retour que les choses se gâtent…».

(1) Auteur, avec Isabelle Gravillon, de Nos enfants, ces petits philosophes, paru chez Albin Michel cette année.

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DES SÉJOURS PLÉBISCITÉS PAR LES MOINS DE 13 ANS

En trente ans, la place des séjours avec ou chez les grands-parents s’est réduite, mais les moins de 13ans restent
nombreux à partir avec ou chez papy et mamie (22%). Les 14-16ans continuent aussi à partir chez leurs grands parents
en proportion non négligeable (12%).

Le jeune enfant est plus facilement confié aux ascendants directs (22% entre 5 et 7ans). Les séjours chez d’autres
membres de la famille élargie, deux fois moins fréquents qu’avec les grands-parents, interviennent plus tard. On part plus
souvent au sein de la famille élargie après 10ans.

La probabilité, pour les enfants de mère au foyer, de partir avec ou chez leurs grands-parents est réduite de 10 points
par rapport à ceux dont la mère est professionnellement active.

Source: Quelles vacances pour les enfants et les adolescents aujourd’hui? Observatoire des vacances et des loisirs des
enfants et des jeunes (OVLEJ), dossier d’étude N°163 – 2013

MARIE AUFFRET-PERICONE

http://www.la-croix.com/Famille/Parents-Enfants/Dossiers/En-vacances-chez-les-grands-parents-2013-07-09-984105

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