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Langage et société

Le parler des Sirjé de Guadeloupe, le contact arabe/créole


Praline Gay-Para

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Gay-Para Praline. Le parler des Sirjé de Guadeloupe, le contact arabe/créole. In: Langage et société, n°41, 1987. Contacts de
langues : quels modèles. pp. 71-72.

http://www.persee.fr/doc/lsoc_0181-4095_1987_num_41_1_2971

Document généré le 26/09/2015


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Le deuxième niveau qui me paraît essentiel en ce moment pour l'avenir linguistique de l'Algérie
est le contact entre les deux langues écrites : entre le français et l'arabe moderne. Les désinences
casuelles qui indiquent la fonction du mot ne figurent plus dans l'arabe moderne de la télévision
ni dans celui de n'importe quel orateur, supplanté par une détermination fonctionnelle plus fixe
de l'ordre des mots dans la phrase. (Exemples multiples).

Le rapport entre les deux langues n'est pas un rapport d'exclusion mais demeure un rapport
d'intégration. Mais sur le plan sociolinguistique si l'emploi de la langue française n'est plus
aussi valorisant qu'auparavant, on est en droit de se demander alors, pourquoi tant de jeunes
continuent à l'utiliser (même s'ils le parlent moins bien que l'arabe) pas uniquement à
l'université comme on l'a toujours déclaré, mais chez la coiffeuse, la couturière, le médecin,
etc.
En Algérie il me semble artificiel de poser que tel locuteur "connaît" mieux telle langue plutôt
que telle autre. En fait le locuteur natif se situe (et cherche à se situer) entre les deux langues
(arabe/français), selon des degrés d'appropriations lexicales, morphosyntaxiques,
phonologiques, il est confronté aux deux systèmes à la fois qu'il établit dans son usage et il
revit à tout instant ces appropriations comme un conflit pratique et également idéologique.
Cependant s'il y a conflit il n'est jamais exprimé en tant que tel. On l'évite toujours en le
contournant en le disséminant. (Exemples).

Praline GAY-PARA
Paris
Le parler des sirjf de Guadeloupe, le contact arabe/créole

Le créole est une langue qui peut en absorber d'autres, totalement différentes de celles qui ont
contribué à sa genèse. L'évolution de l'arabe en Guadeloupe illustre bien ce phénomène.
La société guadeloupéenne comprend parmi ses diverses composantes ethniques celle
communément appelée créole sirjf. Cette communauté dont l'émigration a débuté dans la
deuxième moitié du XIXème siècle, comprend des arabes originaires essentiellement du Liban
nord et de la région de Tartus en Syrie.

Cette installation s'est faite par vagues successives sans pour autant que le flux en soit jamais
arrêté.
Les sirjfde Guadeloupe ont pour principal secteur d'activité le commerce de vêtements et de
tissus, produits qu'ils vendaient à leur arrivée, comme marchands ambulants dans les
campagnes.
Parmi les émigrés, ceux arrivées dans les années 20, au lendemain de la première guerre
mondiale. Arabophones très rarement scolarisés, ils ont été amenés à acquérir la langue du pays
d'accueil, de ce contact arabe/créole est né un produit langagier où l'alternance entre les deux
langues est une constante pour peu que le locuteur ait en face de lui un interlocuteur qui a la
même situation sociolinguistique.
Cette communication aborde essentiellement le parler de ces locuteurs. Les interférences
d'ordre lexical, morphologique, phonétique ou syntaxique y sont plus ou moins marquées.
Leurs enfants, "deuxième génération", nés en Guadeloupe et scolarisés ont appris le français.
Ils ont une connaissance relativement passive de l'arabe et leur compétence en créole est celle de
tous les Antillais de leur génération.
Les petits enfants, "troisième génération" ne pratiquent plus l'arabe dont ils ne comprennent
que quelques expressions figées et expressives. Les deux langues qu'ils ont principalement à
leur actif sont le créole et le français.
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L'arabe est néanmoins régulièrement "injecté" dans la pratique langagière de la communauté


soit au contact des nouveaux arrivants, première génération à leur tour et qui parlent rarement
une autre langue que l'arabe, soit lors de séjours touristiques dans le pays d'origine.

La conséquence pratique de cette situation sociolinguistique variée est la place primordiale


qu'occupe le créole dans la communication courante au sein d'une même famille où l'arabe est
surtout résevé à la communication entre 1ère génération des années 20 et 1ère génération
récente.
Il est fréquent d'observer des jeunes, nés en Guadeloupe, faisant un effort pour apprendre
quelques expressions en arabe, langue à prestige puisqu'elle symbolise l'appartenance à une
communauté.

La valeur du créole varie elle aussi dans la conscience linguistique de ces informateurs. Si les
plus vieux ont intériorisé l'image dévalorisée du créole par rapport au français, image qu'ils
partagent avec nombre de leurs concitoyens, ceux qui viennent d'arriver donnent souvent parmi
les avantages de leur séjour en Gouadeloupe celui d'apprendre "deux langues". Dans le
discours de ces derniers, les "deux langues" sont mises sur le même pied d'égalité.

Noël J. GUEUNIER
Centre universitaire de Toliara
Université de Madagascar

Langues nationales et langues de communication internationale


dans les pays du canal de Mozambique
On examinera dans cette communication l'évolution des situations linguistiques dans les pays
riverains du canal de Mozambique: Tanzanie, Mozambique, Comores, Madagascar, depuis un
siècle environ.
Dans les dernières années du 19e siècle, une vaste zone autour du canal de Mozambique (côte
Nord du Mozambique, côte de Tanzanie et du Kenya actuels, Comores, côtes Nord-Ouest de
Madagascar) usait d'une langue de communication internationale, le swahili. Ces pays avaient
(et ont toujours) des langues maternelles diverses (les unes bantu sur la côte du continent et aux
Comores; des dialectes malgaches, donc du groupe austronésien, à Madagascar et dans
quelques points des Comores), mais le swahili était langue des relations internationales (traités),
du commerce et de la marine (routiers), et d'une certaine littérature (poèmes de cour chez rois
malgaches). C'est la situation qu'a trouvé la colonisation à ses débuts; on voit les premiers
administrateurs français des Comores passer par le swahili des lettrés plutôt que de s'adresser
directement aux langues indigènes; de même les traitants allemands de l'Ouest de Madagascar
dans les années 1870 ont des interprètes en swahili, non en malgache.
Du côté du domaine colonial français cependant, cette situation est très vite bouleversée. Aux
Comores le français prend la place du swahili dès les premières années du 20e siècle. A
Madagascar la côte Nord-Ouest se détache de l'aire culturelle swahilie, et les contacts avec la
côte africaine se distendent. La place du swahili est prise partie par le français, partie par le
malgache standard, développé à cette époque notamment comme langue des églises, mais aussi
malgré les résistences de l'appareil colonial, comme langue de l'administration subalterne.
Evolution différente dans les pays de l'Afrique de l'Est où les administrations allemande et
britannique font le choix délibéré du swahili pour l'administration et l'enseignement indigènes.
Le swahili, qui a reculé sur son aire d'expansion maritime, s'étend et intensifie son implantation
vers l'intérieur des terres.
Dans tous ces territoires les relations internationales passent désormais par la langue de
colonisation. En malgache, "parler blanc" (vazaha) c'est parler français, à Zanzibar "parler
blanc" c'est l'anglais, et le dictionnaire makhuwa (langue du Nord du Mozambique) traduit

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