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TABLE OF CONTENTS

untitled
Page de titre
Page de Copyright
Sommaire
Avant-propos
Ce que vous trouverez et ce que vous ne trouverez pas dans ce livre…
Soyez décomplexé
Une langue, ce n’est pas une technique…
Le provençal, c’est bon pour tout le monde
Et on ne vous prendra plus pour un « Parisien » !
Du provençal bio même pour les accros
Introduction
À propos de ce livre
Conventions appliquées dans ce livre
Découvrez une langue « polynomique »
Suppositions risquées
Les icônes utilisées dans ce livre
Et maintenant

La Provence à travers l’histoire

Chapitre 1 - Le provençal, c’est quoi ?


Être ou ne pas être, là est la question !
Le provençal, c’est pas du français
Le provençal c’est du latin de Ligures
M. Provençal a rendez-vous avec Mme Française
Rencontre ne signifie pas fusion
Le provençal, c’est pas de l’occitan !
Le provençal et les langues d’oc
Les temps changent… et les langues avec !
Quand des militants s’en mêlent et s’emmêlent
Les militants, souvent, ça exagère
Le provençal, c’est pas davantage un patois !
Le provençal, c’est pas non plus du japonais !
La souffrance d’une langue inconnue
Petite histoire de la Provence et du provençal
Nos ancêtres les Ligures
Viens voir un peu les Grecs !
Les quoi ? Les Gaulois ? C’est qui ?
Pas fous, les Romains !
Les invasions germaniques ? Passons…
Et le provençal est né…
Le provençal se modernise
Et le français débarque…
Une discrimination anti-provençal
Défense et promotion de la langue provençale
Le provençal dans la diversité des langues…
Les apports de l’arabe
Cousinage et mariage entre Provence et Italie
Voisinages et migrations
Apports et soutiens italiens au provençal
Il n’y a pas un provençal, mais des provençal-s
Pratiques et perception du provençal aujourd’hui
Le provençal rhodanien
Le provençal maritime et intérieur
Le provençal gavot ou alpin
Le provençal de la Drôme
Ces variétés forment un tissu continu et changeant
Le provençal, une langue en danger
Combien d’usagers du provençal ?
Quels usages du provençal aujourd’hui ?
Le rôle clé des acteurs associatifs et culturels
L’enseignement du provençal
Chapitre 2 - Invitation au voyage à travers la Provence
Les moyens de transport
Pour venir en Provence
Une blague provençale sur les gares de 1920
La Provence rhodanienne, de Montélimar à la Camargue
Le Rhône
La Drôme provençale
Orange
Le Comtat Venaissin
Le Lubéron et Avignon
Le pays d’Arles
Le pays nîmois
La Provence maritime, de Marseille à Nice
Martigues
Marseille
Aix
La Sainte-Baume et Toulon
Les Maures et l’Estérel
L’arrière-pays varois
La « Côte d’Azur »
La Provence montagnarde, de Digne à Sisteron
Les rivières
Autour de Manosque
Les Alpes provençales
Chapitre 3 - Rencontrer les Provençaux
Stéréotypes et « vido vidanto »
Les rituels de salutation
Entamer la conversation
Parler provençal…
Politesse et façons de parler en provençal
Chapitre 4 - Le temps et l’espace
Le temps qu’il fait
Le temps qui passe
Les mois de l’année
S’orienter et demander son chemin
Chapitre 5 - La vie quotidienne
Les habits ordinaires et les costumes traditionnels
Les habits des hommes
Les habits des femmes
Une journée
La maison, le quartier, le village, la ville
L’habitation
La ville et le village
La cuisine provençale
Quelques plats typiques
L’aiòli
Le pistou
Chapitre 6 - La culture provençale
Les façons de vivre provençales
Les fêtes et les jeux d’hier et d’aujourd’hui
Quelques jeux…
Musique et chants de Provence
La littérature provençale
Chapitre 7 - Un peu de grammaire et d’orthographe
Particularités de la formation des phrases
Tout est relatif
Soyez de partitif pris !
Soyons négatifs
Des verbes qui réfléchissent…
Accord des articles, des noms, des pronoms et des adjectifs
Vous êtes quel genre ?
Soyons nombreux, c’est si simple
Et sachons compter sur nous !
Montrer du doigt et de la langue
Ce qui est à moi est à toi ?
Respectons la neutralité
Tableaux de conjugaison
Des pronoms sujets optionnels
Le présent de l’indicatif
Le passé composé
L’imparfait
Le futur
Donnez des ordres
Le subjonctif
Lire, écrire et prononcer en provençal
Les écritures
Les consonnes
Les voyelles
Les voyelles nasales
L’accent tonique
Chapitre 8 - Lexique français-provençal
Attention : aides et pièges !
Liste alphabétique
A
B
C
D
E
F
G
H
I
J
L
M
N
O
P
Q
R
S
T
U
V
Annexe - Pour aller plus loin dans la découverte de la langue…
Ressources en ligne (et liens sans fin…)
Cours de provençal par correspondance
Méthodes d’initiation et d’apprentissage pour le provençal
Autre bibliographie indicative pour la découverte du provençal

1 N.B. : Nice non incluse,


Le provençal pour les Nuls
« Pour les Nuls » est une marque déposée de Wiley Publishing, Inc.
« For Dummies » est une marque déposée de Wiley Publishing, Inc.

© Éditions First-Gründ, Paris, 2011. Publié en accord avec Wiley Publishing, Inc.

Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du
client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de
tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon
prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle.
L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété
intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales.
ISBN numérique : 9782754038485
Dépôt légal : mai 2011

Éditeur : Benjamin Ducher


Mise en page : Stéphane Angot
Couverture : KN Conception
Cartographie : Magali Blanchet
Production : Emmanuelle Clément

© Éditions First-Gründ
60, rue Mazarine
75006 Paris – France
Tél. 01 45 49 60 00
Fax 01 45 49 60 01
E-mail : firstinfo@efirst.com
Internet : www.editionsfirst.fr

N.B. : L’auteur applique l’orthographe française rectifiée selon le Journal officiel de la


République française du 6 décembre 1990 et les programmes scolaires français de
2008.
LE PROVENÇAL POUR LES NULS
Sommaire

Page de titre
Page de Copyright
Avant-propos

Ce que vous trouverez et ce que vous ne trouverez pas dans ce livre…


Soyez décomplexé
Une langue, ce n’est pas une technique…
Le provençal, c’est bon pour tout le monde
Et on ne vous prendra plus pour un « Parisien » !
Du provençal bio même pour les accros
Introduction

À propos de ce livre
Conventions appliquées dans ce livre
Découvrez une langue « polynomique »
Suppositions risquées
Les icônes utilisées dans ce livre
Et maintenant
Chapitre 1 - Le provençal, c’est quoi ?

Être ou ne pas être, là est la question !

Le provençal, c’est pas du français


Le provençal c’est du latin de Ligures
M. Provençal a rendez-vous avec Mme Française
Rencontre ne signifie pas fusion
Le provençal, c’est pas de l’occitan !
Le provençal et les langues d’oc
Les temps changent… et les langues avec !
Quand des militants s’en mêlent et s’emmêlent
Les militants, souvent, ça exagère
Le provençal, c’est pas davantage un patois !
Le provençal, c’est pas non plus du japonais !
La souffrance d’une langue inconnue
Petite histoire de la Provence et du provençal

Nos ancêtres les Ligures


Viens voir un peu les Grecs !
Les quoi ? Les Gaulois ? C’est qui ?
Pas fous, les Romains !
Les invasions germaniques ? Passons…
Et le provençal est né…
Le provençal se modernise
Et le français débarque…
Une discrimination anti-provençal
Défense et promotion de la langue provençale
Le provençal dans la diversité des langues…

Les apports de l’arabe


Cousinage et mariage entre Provence et Italie
Voisinages et migrations
Apports et soutiens italiens au provençal
Il n’y a pas un provençal, mais des provençal-s
Pratiques et perception du provençal aujourd’hui

Le provençal rhodanien
Le provençal maritime et intérieur
Le provençal gavot ou alpin
Le provençal de la Drôme
Ces variétés forment un tissu continu et changeant
Le provençal, une langue en danger
Combien d’usagers du provençal ?
Quels usages du provençal aujourd’hui ?
Le rôle clé des acteurs associatifs et culturels
L’enseignement du provençal
Chapitre 2 - Invitation au voyage à travers la Provence
Les moyens de transport

Pour venir en Provence


Une blague provençale sur les gares de 1920
La Provence rhodanienne, de Montélimar à la Camargue

Le Rhône
La Drôme provençale
Orange
Le Comtat Venaissin
Le Lubéron et Avignon
Le pays d’Arles
Le pays nîmois
La Provence maritime, de Marseille à Nice

Martigues
Marseille
Aix
La Sainte-Baume et Toulon
Les Maures et l’Estérel
L’arrière-pays varois
La « Côte d’Azur »
La Provence montagnarde, de Digne à Sisteron

Les rivières
Autour de Manosque
Les Alpes provençales
Chapitre 3 - Rencontrer les Provençaux

Stéréotypes et « vido vidanto »


Les rituels de salutation
Entamer la conversation
Parler provençal…
Politesse et façons de parler en provençal
Chapitre 4 - Le temps et l’espace
Le temps qu’il fait
Le temps qui passe

Les mois de l’année


S’orienter et demander son chemin
Chapitre 5 - La vie quotidienne

Les habits ordinaires et les costumes traditionnels

Les habits des hommes


Les habits des femmes
Une journée
La maison, le quartier, le village, la ville

L’habitation
La ville et le village
La cuisine provençale

Quelques plats typiques


L’aiòli
Le pistou
Chapitre 6 - La culture provençale

Les façons de vivre provençales


Les fêtes et les jeux d’hier et d’aujourd’hui

Quelques jeux…
Musique et chants de Provence
La littérature provençale
Chapitre 7 - Un peu de grammaire et d’orthographe

Particularités de la formation des phrases

Tout est relatif


Soyez de partitif pris !
Soyons négatifs
Des verbes qui réfléchissent…
Accord des articles, des noms, des pronoms et des adjectifs

Vous êtes quel genre ?


Soyons nombreux, c’est si simple
Et sachons compter sur nous !
Montrer du doigt et de la langue
Ce qui est à moi est à toi ?
Respectons la neutralité
Tableaux de conjugaison

Des pronoms sujets optionnels


Le présent de l’indicatif
Le passé composé
L’imparfait
Le futur
Donnez des ordres
Le subjonctif
Lire, écrire et prononcer en provençal

Les écritures
Les consonnes
Les voyelles
Les voyelles nasales
L’accent tonique
Chapitre 8 - Lexique français-provençal

Attention : aides et pièges !


Liste alphabétique

A
B
C
D
E
F
G
H
I
J
L
M
N
O
P
Q
R
S
T
U
V
Annexe - Pour aller plus loin dans la découverte de la langue…

Ressources en ligne (et liens sans fin…)


Cours de provençal par correspondance
Méthodes d’initiation et d’apprentissage pour le provençal
Autre bibliographie indicative pour la découverte du provençal
AVANT-PROPOS

CE QUE VOUS TROUVEREZ ET CE QUE


VOUS NE TROUVEREZ PAS DANS CE
LIVRE…
Le provençal pour les Nuls ? Rassurez-vous, c’est une plaisanterie, une galéjade
comme on dit en Provence. Ni cet ouvrage ni cette langue ne s’adressent « aux nuls » !

D’ailleurs, personne n’est « nul » en langue(s), comme on le croit trop


souvent. Les êtres humains viennent au monde doués pour parler plusieurs
langues. Pas de quoi frimer : c’est tout naturel… Simplement, il y en a qui ont
plus de chance que d’autres et qui tombent dans le chaudron du
plurilinguisme tout petits. C’est le cas de l’immense majorité des humains et
souvent de ceux, moins favorisés, qui n’ont pas beaucoup la possibilité d’aller
à l’école et d’y apprendre des langues. Mais, pour eux, jouer avec plusieurs
langues, en apprendre de nouvelles, c’est une plaisanterie : toujours ça de
pris ! Et puis il y en a d’autres qui ont moins de chance et qui grandissent en
absorbant de fades bouillons linguistiques où ne surnage qu’un seul
ingrédient (une seule langue parlée d’une seule façon), la plupart du temps
parce que des mal intentionnés leur en ont retiré les autres parfums… Ça fait
des monolingues qui croient que le plurilinguisme est difficile (c’est sans
doute un peu plus vrai pour eux) et qui cherchent à en sortir en suivant
laborieusement des cours de langues. Mais, franchement, ne vous inquiétez
plus. Croyez-moi : vous êtes doué pour les langues.

SOYEZ DÉCOMPLEXÉ
Il va quand même falloir accepter d’abandonner quelques idées préconçues
qui risquent de faire obstacle à vos progrès. La plus répandue et la plus
fausse est de croire que le modèle de celui ou de celle qui parle « bien » (il y
en a même qui disent « parfaitement ») une langue, c’est le « monolingue
natif » (qui ne parle qu’une seule langue et depuis sa naissance) et qu’il faut
essayer de lui ressembler. Objectif inatteignable et inacceptable. C’est une
idée répandue par des monolingues, souvent ceux, favorisés, qui ont le
pouvoir d’imposer cette idée, pour placer leur minorité « au-dessus » des
multitudes plurilingues. Le seul modèle acceptable, c’est celui du plurilingue
décontracté qui se jette à l’eau sans se soucier de « parler bien » mais en se
souciant d’entrer en bonne relation avec les autres. Et les autres sont
toujours plus intéressés par ce que vous dites que par comment vous le
dites ; et ils sont presque toujours ravis des efforts que vous faites pour
parler leur langue, même à votre façon, à condition que vous le fassiez de
façon sympathique. Et s’ils font la grimace devant votre façon de parler leur
langue plutôt que d’apprécier vos efforts et ce que vous dites, rangez-les dans
la catégorie des grincheux et laissez tomber : adressez-vous à quelqu’un
d’autre ! Cela dit, il faut quand même être prudent : les langues sont aussi
des choses pour lesquelles les gens ont des attitudes très affectives et qui,
souvent, les concernent profondément. Ils peuvent être insécures,
susceptibles, militants… C’est d’ailleurs assez souvent le cas pour les usagers
de langues en situation de difficulté, comme le provençal. Nous le verrons
plus loin, mais on ne s’adresse pas en provençal à n’importe qui n’importe
quand n’importe comment : ça peut provoquer des réactions… inattendues.

UNE LANGUE, CE N’EST PAS UNE


TECHNIQUE…
Une autre mauvaise idée est de croire qu’une langue, c’est avant tout une
technique, et qu’il faut la maîtriser avant de s’en servir. Ça, ça donne vite
l’impression d’être nul. Détrompez-vous ! C’est en s’en servant qu’on
apprend les langues, en écoutant les gens parler, en parlant avec eux, en
lisant le journal ou en chantant des chansons. On n’a pas plus besoin de
grammaire avant de parler que de mécanique automobile avant de conduire
ou de solfège avant de chanter. Après, ça peut aider.

Mais ce n’est pas une condition et il faut savoir prendre ses aises avec les « règles »
pour privilégier la pratique et ce pour quoi sont faites les langues : être au monde et en
relation avec les autres. Et là, vous verrez, personne n’est nul (sauf ceux qui sont
définitivement grincheux et antipathiques, on l’a déjà dit, mais ce livre n’est pas pour
eux).

LE PROVENÇAL, C’EST BON POUR TOUT LE


MONDE
Quant au provençal, comme toute langue et toute façon de parler (y compris
ce que certains appellent « patois » ou « dialecte » ou « sabir » ou « pidgin »
ou encore « charabia déformé »), il n’est ni compliqué ni facile, ni « pour les
nuls » ni « pour les bons ».
Ah bien sûr, il y en a (et en France c’est même une idéologie officielle) qui
croient et qui disent qu’il y a des langues supérieures à d’autres (au hasard,
comme langue supérieure, le français, pardi !) et qu’il y a des langues
inférieures, voire des « parlers » qui ne sont pas vraiment des langues. Ce
sont de grosses bêtises, des bêtises graves, qui ont eu de tristes
conséquences, notamment d’empêcher des enfants de parler les langues de
leur famille (qualifiées de « patois ») et de les obliger à devenir des
monolingues dans une autre considérée comme « supérieure ». C’est ce qui
est arrivé pour beaucoup de langues de France au cours du XXe siècle. C’est
ce qui est arrivé au provençal. Mais des Provençaux, comme d’autres, ont
résisté. Parce qu’ils ne sont pas « nuls » et que leur langue ne l’est pas non
plus !
Et ceux qui ont eu la chance (j’en suis et j’en suis heureux !) de conserver leur
provençal savent toutes les possibilités, toutes les beautés, tous les plaisirs,
toutes les sociabilités que leur offre cette langue à sa manière à elle, à leur
façon à eux. Ça ne les a jamais empêchés d’être aussi des francophones, des
italophones, des tout-ce-que-vous-voudrez-ophones, parce que c’est facile
d’être plurilingue et parce que la Provence a toujours été un pays de
migrants. Alors voilà, le provençal, on vous l’offre dans ce livre. Il est à qui
veut s’en saisir pour entrer dans notre farandole, parce que ça a toujours été
comme ça, depuis que les Romains ont créé la Provence en y apportant leur
latin et pour toutes les populations venues de partout fabriquer les
Provençaux d’aujourd’hui. On vous l’offre et, surprise sur le cadeau, on vous
offre la vie à la provençale et la culture provençale qu’il apporte avec lui. Un
cadeau, ça ne se refuse pas, hein ?
ET ON NE VOUS PRENDRA PLUS POUR UN
« PARISIEN » !
Ici, vous allez donc rencontrer une langue romane, qui ressemble un peu à
l’italien, un peu à l’espagnol, un peu au catalan, un peu au français, cette
langue qui a donné ses accents chantants au français que parlent les
Provençaux, vous savez ? Je vais vous en raconter l’histoire. Et puis je vais
vous faire visiter la Provence en provençal, cette région si connue, si visitée,
si peu comprise quand on ne possède pas la clé qui ouvre au sens des noms
de lieux, du mode de vie et des façons de parler (y compris de parler le
français à la provençale). Après ça vous apprendrez à entrer en relation avec
les Provençaux, et en provençal en plus (ce que même des Provençaux ne
savent plus faire !). Et pas des stéréotypes pour touristes, façon Tartarin de
Tarascon ou films parisiens façon le Manon des sources de Claude Berri.
Vous allez faire des heureux, des envieux (et… oubliez les grincheux !). Et
puis vous apprendrez à comprendre comment on parle du temps, de l’espace,
des occupations de tous les jours, et aussi comment on fait la fête. Après
l’essentiel, la vie qui va, la fête, les bonnes recettes de la meilleure cuisine du
monde et de sa proche galaxie, on pourra passer à des choses de l’esprit,
mais sans perdre l’envie de s’amuser : musique, chants, jeux traditionnels
(non non, pas la pétanque), et bien sûr cette littérature unique au monde,
parce que c’est la seule littérature en langue non officielle qui a été
couronnée par un prix Nobel, celui de Frédéric Mistral en 1904.

DU PROVENÇAL BIO MÊME POUR LES


ACCROS
Et puis allez, pour les accros, un peu de grammaire, d’orthographe et un
lexique bilingue, mais juste ce qu’il faut, surtout pour comparer avec le
français que vous connaissez puisque ce livre est en français. Enfin, des
conseils pour vous orienter vers la suite de votre cheminement provençal…
Et tout ça dans un provençal certifié Bio (donc dans des « provençal-s »
différents d’une région de Provence à une autre, d’un milieu à l’autre, même
si j’utiliserai fréquemment celui que j’emploie spontanément et que j’ai
hérité de ma famille marseillaise et varoise). Je vous dis ça parce que,
comme pour toutes les langues régionales un peu trop abandonnées à qui
veut bien s’en occuper, on rencontre aussi ici ou là un provençal bourré de
colorants et de pesticides, qui ressemble surtout à du français avec des -o à la
fin des mots, ou qui ne ressemble à rien du tout parce que bourré de mots
inventés, de conjugaisons archaïques et de lettres superflues : bref, un
provençal OGM. Alors que les Provençaux parlent français avec l’accent
provençal et des mots provençaux, ce serait quand même nul ( !) de vous
proposer le provençal parlé avec l’accent français et des mots snobs que
certains militants pleins de bonne volonté insistent à faire passer pour du
provençal spontané (alors qu’en Provence, tout le monde fait la grimace
devant cette préparation chimique)… Mais chut, je vous en reparlerai plus
loin.

Ph. Blanchet
INTRODUCTION
Évitons les malentendus ! Ce guide n’est pas une méthode de langue à part
entière. Il n’a pas de support audiovisuel, ce qui est de nos jours la moindre
des choses pour enseigner une langue qui se parle, qui s’écoute, qui s’écrit et
qui se lit. Et n’oubliez pas que la capacité de reconnaitre et de comprendre
une langue est toujours plus grande et plus importante que celle de produire
des messages dans cette langue, la première étant la condition de la seconde.
Je vous le redis ? On comprend toujours plus de choses que ce qu’on est
capable de dire et il faut d’abord comprendre pour parler.

À PROPOS DE CE LIVRE
Ce petit livre vous propose une initiation pour vous débrouiller et créer un
lien en provençal, il vous propose une ouverture vers une autre façon, plus
intime, plus profonde, plus authentique, de rencontrer la Provence, les
Provençaux (on verra plus loin qui ils sont), leur culture et leur façon de
vivre. Ce qui n’est déjà pas si mal… Je connais des gens qui viennent en
Provence chaque année depuis… pfff, si longtemps ! et qui ont uniquement
envisagé la Provence comme un endroit où l’on parle français, sans même
prêter l’oreille ou le regard à cette autre langue qui affleure un peu partout (y
compris dans le français des Provençaux). Ils ont raté quelque chose.
L’objectif de ce livre, c’est que vous ne le ratiez pas.
Allez, venez, je vais vous accompagner… Zou, venès, vous fau
l’acoumpagnado…
Vous pouvez bien sûr utiliser ce livre à votre rythme et dans l’ordre qui vous
convient. Et si vous y tenez, vous pouvez commencer par la partie consacrée
à la grammaire et à l’orthographe, mais vous aurez remarqué qu’elle a
volontairement été placée après l’« immersion » dans la Provence, ses usages
linguistiques et ses repères culturels. La conviction généralement partagée
aujourd’hui par les spécialistes de l’enseignement-apprentissage des langues
est que c’est par la pratique en situation avant tout que cela se passe.
CONVENTIONS APPLIQUÉES DANS CE
LIVRE
Pour faciliter la navigation dans ce livre, quelques conventions ont été
établies :

Les termes en provençal sont en caractères gras pour une meilleure visualisation.
La prononciation est indiquée en italique, à la suite des mots et phrases en provençal,
en utilisant les lettres du français et leurs valeurs habituelles. Les accents aigu et grave
marquant la fermeture ou l’ouverture des voyelles. Les consonnes ont été doublées
quand il faut les prononcer et qu’une lecture « à la française » risquerait de les faire
oublier : c’est notamment le cas pour les n et m devant des consonnes : entèndre
énntènndré (entendre), escàmbi éskammbi (échange), c’est-à-dire qu’il n’y a pas en
provençal de voyelles nasales comme il y en a en français non méridional.
La traduction des termes en provençal précède ou suit précisément la prononciation.
Les syllabes accentuées (prononcées plus fortement, avec un « accent tonique ») sont
soulignées.
Attention, ce qui s’écrit en/èn ou parfois em/ èm en provençal se prononce avec un é
ou è suivis d’un -n ou parfois d’un -m : entèndre énntènndré et pas antandré
(entendre), tempouro témmpoulò et pas tampouro (saison). Et ce qui s’écrit in ou im
se prononce réellement avec un i comme dans parking ou Tim : couquin kouking
(coquin), timbre timmbré (timbre).
Une chose simple : écoutez les Provençaux parler français, ils le prononcent
comme du provençal (quand ils ont gardé leur célèbre « accent »).
N.B. : L’auteur applique l’orthographe française rectifiée selon le Journal
officiel de la République française du 6 décembre 1990 et les programmes
scolaires français de 2008.

DÉCOUVREZ UNE LANGUE


« POLYNOMIQUE »
Les variations du provençal sont nombreuses et bien identifiées par les
provençalophones, mais elles restent minimes et n’entravent presque jamais
l’intercompréhension.
Tout comme le corse, le provençal est une « langue polynomique ». Cela signifie
qu’il n’y a pas de « provençal standard », parce que ce n’est pas nécessaire et parce que
les Provençaux sont très attachés à leurs variétés locales de provençal, dont l’usage est
surtout réservé aux relations de proximité et partout accepté. Vous pouvez donc
facilement y ajouter votre propre variété de provençal ! L’orthographe du provençal
permet justement de prendre en compte ces variations.

Cela n’empêche pas que le provençal méridional en général, et notamment


celui de la région Avignon-Arles, est celui qui jouit du meilleur prestige. On
donnera ainsi ici, de façon non systématique pour ne pas alourdir l’ouvrage,
des exemples des deux grandes variétés du provençal méridional (voir carte
p. 17), celui de la vallée du Rhône (entre Montélimar, Nîmes, Arles et Apt),
celui de la Provence maritime et intérieure (entre Marseille, Manosque,
Digne et Nice1). Le provençal alpin, dit « gavot », parlé entre Sisteron, Gap,
Barcelonnette et Coni dans le Piémont italien, ne sera évoqué que de façon
ponctuelle, car il recouvre une plus petite zone, peu peuplée, où le provençal
alpin est désormais peu présent, et… parce que l’auteur connait beaucoup
mieux le provençal maritime !

N’oubliez pas que chaque langue correspond à une façon particulière de dire les
choses, d’être au monde et donc que passer d’une langue à une autre, ce n’est pas
« calquer » une façon de dire sur une autre. C’est apprendre à vivre et dire les choses
autrement.

SUPPOSITIONS RISQUÉES
Pour élaborer ce livre, nous avons dû faire certaines hypothèses sur vous et
ce que vous attendez d’un livre intitulé Le provençal pour les Nuls. Voici
quelques-unes de nos suppositions :

Vous ne connaissez que très peu le provençal ou vous l’ignorez complètement, et si


vous ne connaissez que quelques mots ou expressions, vous ne savez pas comment vous
en servir.
Vous ne recherchez pas un livre qui vous permettra de parler couramment le
provençal : vous voulez seulement connaitre quelques mots, expressions ou énoncés
pour pouvoir communiquer des informations élémentaires en provençal.
Vous voulez apprendre le provençal utilisé couramment dans la vie de tous les jours,
une vie que vous avez découverte ou que vous allez découvrir prochainement. Vous
choisirez vous-même les informations offertes par le livre, et vous déciderez non
seulement quelles parties du livre vous allez étudier, mais aussi quand, où et comment
vous allez les étudier.
Vous voulez vous amuser tout en apprenant un peu de provençal.
Si ces hypothèses s’appliquent à votre cas, vous avez trouvé le livre idéal !

LES ICÔNES UTILISÉES DANS CE LIVRE


Vous pouvez rechercher des informations particulières au cours de votre
lecture. Pour vous aider à les trouver plus facilement, les icônes suivantes
ont été mises dans la marge gauche tout au long du livre :

Cette icône signale des conseils facilitant l’apprentissage du provençal.

Cette icône signale des points de langue ou des informations qui ne sont pas
essentiels mais qu’il est utile de connaitre.

Recherchez cette icône pour trouver des informations ou des conseils sur la culture
des Provençaux, sur la façon de vous comporter avec eux ; plus généralement aussi de
mieux comprendre les rapports entre langue et société.

Vous rencontrerez cette icône pour signaler des variations régionales : expressions,
phrases, prononciations ou particularités culturelles propres à certaines régions
provençales.

ET MAINTENANT
Pour apprendre une langue, il faut se lancer et tout simplement essayer de la
pratiquer. Démarrez tout de suite (le provençal « en courant ») ! Vous pouvez
commencer à lire le début ou choisir un chapitre qui vous intéresse. Qui sait, d’ici peu de
temps, vous demanderez peut-être à un Provençal qui vous parle en français ou
(beaucoup plus rarement !) en anglais : Siéu en trin d’aprene lou prouvençau,
parlas prouvençau emé iéu siouplè ! syéw ènn tri-nn dapréné lou prouvènnsaw,
parlas prouvènnsaw émé yéou syouplè (je suis en train d’apprendre le provençal, parlez
provençal avec moi s’il vous plait !)
La Provence à travers l’histoire

Les grandes variétés du provençal


La Provence et ses hauts lieux en provençal
CHAPITRE 1
LE PROVENÇAL, C’EST QUOI ?
Dans ce chapitre :

Origines, histoire de la langue provençale


Évolutions de la langue provençale
Variété et situation actuelle

ÊTRE OU NE PAS ÊTRE, LÀ EST LA


QUESTION !
Avant d’entrer dans le détail, commençons par lever quelques ambigüités qui
courent un peu partout.

LE PROVENÇAL, C’EST PAS DU FRANÇAIS


Le provençal, ce n’est pas la même chose que le français parlé en Provence.
Parler provençal, ce n’est pas parler français avec « l’accent » (provençal,
marseillais) et des mots provençaux francisés comme boudiou, cagole,
esquicher, minot, peuchère ou zou. Bien sûr il y a des liens, des
ressemblances, des passerelles entre les deux. Mais il y a aussi et surtout de
grandes différences.

LE PROVENÇAL C’EST DU LATIN DE LIGURES


Le provençal est une langue romane apparue par transformation spontanée
du latin populaire parlé par des Ligures (et non, nos ancêtres ne sont pas les
Gaulois) dans ce coin de l’Empire romain. Les Romains l’avaient appelé la
Provincia parce que c’était leur première et plus proche province hors de la
péninsule italienne et au-delà des Alpes (en gros l’actuel sud-est
méditerranéen de la France). Le nom Provincia est devenu en ancien
provençal Provença puis en provençal moderne Prouvènço (prouvènnsò),
qui signifie « Provence ». Le nom français de la Provence a été fabriqué à
partir de l’ancien provençal Provença. Le français, quant à lui, est une langue
romane fortement transformée par les Gaulois (des Celtes) puis les Francs
(des Germaniques), qui vivaient dans ce qui est aujourd’hui la moitié nord de
la France entre la Bretagne et l’Alsace, le Massif central et la Manche. À cela
s’est ajoutée, pour le français, la volonté de créer presque artificiellement une
langue institutionnelle pour le Royaume de France, autour de Paris, en la
standardisant, en choisissant des mots rares et compliqués, en lui ajoutant
des emprunts au latin classique, etc.

M. PROVENÇAL A RENDEZ-VOUS AVEC MME


FRANÇAISE
Au cours de leur histoire, le provençal et le français ont été mis en contact
par les mouvements de populations, les aléas politiques et les changements
de frontières, le prestige de l’un et de l’autre. Surtout au Moyen Âge et à
nouveau au XIXe siècle, le français emprunte pas mal de mots au provençal,
à cause du prestige des troubadours (qui venaient d’ailleurs de tout le grand
sud de la future France) puis de l’attrait exotique de la Provence et de
Marseille entre 1850 et… aujourd’hui.

Le vocabulaire littéraire (aubade, ballade), maritime (barque, larguer),


géographique (adret, calanque), zoologique (cigale, langouste), culinaire (aïoli, calisson),
argotique (comac, esquinter), etc. est enrichi par le provençal.

En miroir, la pénétration progressive du français en Provence, d’abord à l’écrit (à


partir du XVIe siècle et surtout du XIXe) puis à l’oral (à partir du XIXe siècle et surtout
du XXe), provoque de nombreux emprunts au français en provençal. Certains sont
évidents, d’autres sont plus difficilement reconnaissables.

Et bien sûr quand les Provençaux s’approprient le français progressivement


entre 1850 et 1950, ils le parlent à leur façon, en l’imprégnant fortement de
leur première langue, le provençal : d’où « l’accent » (du français prononcé
avec les sons du provençal), un vocabulaire (de nombreux mots provençaux
plus ou moins francisés), des tournures grammaticales calquées du
provençal, une façon de parler et des règles de communication propres à la
sociabilité provençale (et plus largement méditerranéenne) elles aussi
reproduites en français.

RENCONTRE NE SIGNIFIE PAS FUSION


Malgré ces contacts assez nombreux, et bien que tous deux issus d’un latin
populaire (mais pas le même), le français et le provençal sont restés des
langues clairement différentes. Le provençal a des sons, des mots, des
tournures grammaticales, des façons de dire les choses, une orthographe,
une identité reconnue que le français n’a pas (même en Provence !). Et
réciproquement, bien sûr.

S’Y RECONNAITRE ENTRE FRANÇAIS ET PROVENÇAL,


C’EST FACILE !
Français standard :
Regarde ! Les pauvres enfants, ils ont les jambes tout écorchées d’être tombés dans les
ronces !
Français de Provence light :
Vé ! Les pauvres petites, elles ont les jambes tout écorchées d’être tombées dans les
ronces ! (vé lé pòvreu peutiteu , èleuz òng lé jan-mbeu toutékòrché dètreu tòn-mbé
dang lé ròn-nseu)
Français de Provence AOC :
Vé ! Les pauvres pitchounes, peuchère, elles ont les jambes toutes grafignées de s’être
tombées dans le roumias ! (vé lé pòvrò pitchounò, peuchèrò, èleuz òng lé jam-mbò toutò
grafinyé deu sètrò tòm-mbé dang leu roumyass) Provençal de la vallée du Rhône :
Ve ! Li pàuri pichoto, pechaire, an li cambo touto grafignado de s’èstre
toumbado dins lou roumias ! (vé li pawri pitsòtò pétsaïré ang li kammbò toutò
grafinyadò dé sèstré toummbadò ding lou roumyass)
Provençal de la côte méditerranéenne :
Ve ! Lei pàurei pichouno, pecaire, an lei gambo touto grafignado de s’èstre
toumbado dins lou roumias ! (vé léï pawréï pitchounò pékaïré ang léï gammbò
toutò grafinyadò dé sèstré toummbadò ding lou roumyass)
Une des caractéristiques marquantes qui les distinguent est ce que les linguistes
appellent dans leur dialecte la « morphologie », c’est-à-dire les marques grammaticales
des mots : masculin, féminin, pluriel, accords, mots outils, conjugaisons… Vous voulez
voir ? Lisez l’encadré précédent !

LE PROVENÇAL, C’EST PAS DE L’OCCITAN !


Vous rencontrerez parfois en Provence ou ailleurs (surtout ailleurs !), sur
Internet ou dans des livres, d’autres noms pour désigner la langue régionale
de la Provence : « langue d’oc » ou « occitan ».

Le nom « langue d’oc » est un nom littéraire donné depuis le Moyen Âge à un
ensemble linguistique du sud de la France actuelle. Son invention est attribuée à
l’écrivain italien Dante, au XIIIe siècle (qui écrivait « lingua d’oco »). Dante distinguait
trois principales langues littéraires issues du latin, par la façon dont on y disait « oui » à
l’époque (il nommait aussi de cette façon le vaste ensemble des langues d’Europe du
Nord et du centre : langue de « yo » !) : langue de « si » (en toscan, qui deviendra
l’italien), langue d’« oc » (celle des troubadours, sur une zone limitée au pourtour
méditerranéen mais jusqu’en Aragon), langue d’« oïl2 » (dans toute l’actuelle France du
Nord et du Sud-Ouest !). Comme on le voit, la géographie linguistique de Dante était
fantaisiste.

Cet usage était évidemment rare, limité à des discours littéraires et savants ;
et il l’est resté : aucun usager spontané d’une « langue d’oc » (par exemple du
provençal) ne dit parler en « langue d’oc », sauf s’il en a une culture
littéraire, savante, ou militante. Pas plus qu’un usager d’une langue « d’oïl »,
de « si » ou de « yo » !

COMMENT ON DIT « OUI » EN PROVENÇAL


En provençal, le terme le plus anciennement utilisé pour dire oui est o (prononcé ò
ouvert), qui vient de l’ancien provençal oc qui vient lui-même du latin (h)oc. Comme
quoi Dante n’avait pas complètement tort avec sa notion de langue de « oc ». Mais
l’habitude provençale est d’éviter les mots constitués d’une seule voyelle. Depuis
longtemps, on dit donc plutôt vo, vò, que o. Et comme dans la plus grande partie de la
Provence, les òsont presque tous depuis longtemps transformés en wa ou en we, on dit
plutôt voua vwa que o.
À cela s’est rajoutée l’influence du français, surtout pour les termes de politesse, et le
français « oui » ou « ouais » a été profondément adopté en provençal sous une forme
ouei wéï ou oueio weyò elle aussi renforcée par un v- qui donne le très fréquent vouei
vwéï ou voueio vwéyò. C’est cette forme vouei qui est de loin la plus fréquente, au
point d’être très utilisée même en français de Provence.

LE PROVENÇAL ET LES LANGUES D’OC


C’est parce qu’il n’y avait pas de nom pour désigner l’ensemble dit « d’oc »
(et pour cause : il n’était pas perçu comme un ensemble) que ceux qui ont
voulu le voir ainsi et en parler ont eu recours au nom bizarre inventé par
Dante, en modifiant sa portée. Ce qui justifiait et peut encore justifier la
globalisation que produit le nom « langue d’oc », c’est trois choses :

le fait qu’au Moyen Âge l’aire culturelle de l’expression littéraire des troubadours
couvrait l’ensemble du tiers sud de l’actuelle France, sous une ligne Poitiers-Valence
(elle débordait même sur l’Italie du Nord et sur la Catalogne aujourd’hui espagnole) ;
le fait que ces écrivains-chanteurs s’exprimaient dans des variétés linguistiques qui
partageaient à l’époque beaucoup de ressemblances (et aujourd’hui encore un certain
nombre) au point qu’on puisse les considérer comme une seule et même langue
(d’autant que les manuscrits qu’on en a conservés proviennent pour la plupart de deux
centres de copies – manuscrites à l’époque ! – en Provence et en Italie, où ces textes ont
été linguistiquement mélangés et unifiés par les copistes) ;
le fait de considérer qu’une langue se définit comme différente d’une autre par la
somme de certaines caractéristiques linguistiques (de prononciation, de vocabulaire, de
grammaire) qui lui sont plus ou moins propres et que, pour être viable, une langue doit
être la plus étendue, la plus grande, la plus englobante possible.

D’ailleurs, jusqu’au début du XXe siècle, c’est sous le nom de « provençal » (Eh
oui !) que tous ces parlers étaient principalement désignés par les savants et les
dictionnaires, à cause du prestige du provençal de Provence et de la Provence elle-
même, perçue comme l’héritière principale de l’ancienne « Provincia » des Romains. Au
début, on disait aussi « Limousin » parce que les troubadours les plus célèbres étaient
originaires de cette région. Le nom « langue d’oc » restait très peu diffusé. Mais du coup
le nom « provençal » était ambigu, parce qu’il désignait en même temps l’ensemble des
variétés linguistiques romanes du sud de la France (catalan compris) et la langue
régionale de la Provence en particulier.
LES TEMPS CHANGENT… ET LES LANGUES AVEC !
Avec, au XXe siècle, l’évolution des langues régionales de France, l’évolution
de la façon dont elles sont perçues et utilisées à un niveau surtout local, le
nom « provençal » a fini par se spécialiser définitivement pour désigner la
langue régionale historique de la Provence uniquement. C’est ainsi que les
Provençaux, en grande majorité, nomment leur langue régionale, et depuis
des siècles. Pour parler de l’ensemble des pratiques linguistiques
apparentées que sont le provençal, le niçois, le cévenol, le languedocien, le
gascon, le béarnais, le limousin, l’auvergnat méridional…, on a gardé
« langue d’oc », ou mieux « langues d’oc » au pluriel, parce que dans les faits
il s’agit bel et bien de langues différentes les unes des autres (c’est-à-dire
nommées, identifiées, vécues, pratiquées, massivement reconnues comme
des langues distinctes). Mais ça reste des termes abstraits, savants, militants,
peu répandus dans les populations.

Bref, en Provence, la langue s’appelle « le provençal » et si vous dites « langue


d’oc » ou « occitan », la plupart des gens ne comprendront pas de quoi vous parlez…
Peut-être de celle du capitaine, le grand ami de Tintin : la langue Haddock ? Bachi-
bouzouk ! Anthropopithèque ! Mille millions de mille sabords de tonnerre de Brest !

Ouf ! On y voit plus clair…

QUAND DES MILITANTS S’EN MÊLENT ET


S’EMMÊLENT
Enfin, plus clair… pas si vite ! Les langues régionales, les gens y sont souvent
très attachés. Elles suscitent parfois même des engagements passionnés en
réaction à l’ostracisme que leurs usagers ont subi depuis le XIXe siècle,
quand l’invention d’une France une et indivisible s’est centrée sur une langue
unique (le français, pardi !), sur le refus du plurilinguisme, sur l’humiliation
de tous ceux, majoritaires encore au XIXe, qui parlaient aussi et surtout
breton, flamand, basque, provençal, corse, picard… C’est d’ailleurs en
Provence (et en Bretagne) que les premiers mouvements de défense de
langues régionales sont nés dès le XIXe siècle. Ces réactions sont parfois très
fortes, voire extrêmes, et empruntent des chemins à leur mesure. Si, en
Provence, les actions et revendications ont en général été modérées (et
même franchement romantiques dans certains cas !), ce n’est pas toujours le
cas. Car l’occitanisme y a pris pied. Ainsi, parfois, vous lirez, ou entendrez
dire, qu’en Provence on parle « occitan », que le provençal est un dialecte
« occitan ».

L’OCCITANISME
Un mouvement revendicatif (et même parfois vindicatif) s’est développé au cours du xxe
siècle, d’abord en région Languedoc (entre Montpellier et Toulouse) pour défendre et
promouvoir l’ensemble de « la langue d’oc » (au singulier). Ce mouvement l’a alors
rebaptisée « occitan », à partir d’un mot encore plus rare retrouvé dans quelques textes
en latin médiéval pour désigner le comté de Toulouse, devenu français suite à la
croisade contre les albigeois. C’est d’ailleurs une latinisation du « lingua d’oco » de
Dante, sous la forme « lingua occitana », que l’on pourrait traduire par « langue
occitaine » ou « occitane ». Ce comté était alors désigné comme « pays de langue d’oc »,
en latin, d’où son nom ultérieur en français : le Languedoc. Considérant que son action
de promotion n’avait de chance d’aboutir qu’en unifiant une grande langue occitane qui
aurait du poids, ce mouvement aux acteurs divers a tenté d’attirer à lui les promoteurs
de toutes les langues d’oc, pour n’en faire qu’une seule, qui aurait une norme standard
unique, une orthographe commune, et un seul nom : « occitan ». Ce mouvement s’est
beaucoup inspiré de la politique de « normalisation » du catalan en Espagne. Et son
succès dans le grand Sud-Ouest, de Montpellier à Bordeaux, a diffusé largement le nom
« occitan » depuis les années cinquante, sinon auprès des populations (qui l’utilisent
peu), en tout cas auprès des médias, des décideurs, des savants…

Soyez donc prudent. En effet, le projet et le discours occitanistes sont


massivement refusés en Provence, comme dans d’autres régions
méridionales à forte identité linguistique (le Béarn, la Gascogne, le pays
niçois…) et cela de deux façons :

La première, c’est par le fait que les Provençaux n’ont tout simplement jamais adopté
ce nom ni cette vision pour leur langue, sauf quelques rares militants. La plupart des
gens en Provence ignorent ce mot ou, quand ils le connaissent, le comprennent comme
désignant la langue régionale que l’on parle vers Toulouse, ce en quoi ils ont finalement
raison dans les faits.
La deuxième c’est, justement, que la plupart des mouvements de défense et de
promotion du provençal, bien installés en Provence où ils sont très actifs depuis
longtemps, ont explicitement refusé ce qu’ils perçoivent comme une annexion
languedocienne et une grave erreur de stratégie ; et ils ont conservé au provençal son
nom, son orthographe, ses normes, ses usages. C’est du reste le cas, également, de la
plupart des décideurs, savants, acteurs culturels en Provence (et ailleurs à propos de la
Provence).

C’est surtout dans les zones dépeuplées et les grandes villes que l’on rencontre du
provençal occitanisé, à Marseille ou dans les Alpes provençales par exemple : c’est là où
la langue locale s’est le plus perdue, là où les usagers spontanés d’une langue bio ne sont
plus là ou plus assez présents, que ce provençal OGM a, du coup, le champ (presque)
libre.

LES MILITANTS, SOUVENT, ÇA EXAGÈRE


Dès la naissance de l’idée d’une « Occitanie », nation fondée sur une langue
unique dite « occitan », ont été affirmés en réponse la notion de « langues
d’oc » au pluriel (début du XXe), ainsi que l’autonomie du catalan (qui n’est
plus guère contestée), du gascon-béarnais (affirmée même plus tôt), puis du
provençal… Mais comme certains partisans de l’occitanisme sont vindicatifs
(pas tous, on y rencontre aussi des gens charmants et la plupart du temps
des gens sincères), à la fois contre le français mais aussi contre le provençal
s’il est présenté comme non occitan, ils tiennent souvent des discours très
virulents (d’ailleurs, cherchez ce qu’ils ont déjà dû écrire à propos des lignes
qui précèdent !). Ce qui provoque en retour soit des discours aussi virulents
soit au moins une sorte d’allergie à la moindre apparition du mot « occitan ».

Si vous voulez éviter une réaction très vive chez vos interlocuteurs, faites comme
tout le monde, respectez les gens d’ici en respectant leur langue, et ne vous laissez pas
abuser : pour la plupart des gens, les usagers, les savants, les acteurs culturels, les
responsables politiques, le provençal, c’est du provençal, c’est pas de l’occitan.

LE PROVENÇAL, C’EST PAS DAVANTAGE UN


PATOIS !
On entend aussi, relativement souvent, des gens parler du provençal en
l’appelant « le patois ». L’enquête sur l’histoire familiale réalisée à grande
échelle en 1999 en complément du recensement de la population a montré
que 80 % des gens qui disent le parler et 60 % de ceux qui disent que leurs
parents le parlaient l’appellent « provençal ». C’est beaucoup. Mais cela veut
dire que 20 % de ceux qui le parlent et 40 % de ceux qui l’entend(ai)ent
parler l’appellent autrement. Ils l’appellent « patois ». Pourquoi ? Pour deux
raisons principales :

Depuis la Révolution française et la politique linguistique d’uniformisation nationale


qui s’en est suivie jusqu’à aujourd’hui, le terme « patois » a été diffusé et employé pour
mépriser les langues autres que le français en France. Un patois, regardez les
dictionnaires encore aujourd’hui, c’est une sous-langue, pire qu’un « dialecte », un
baragouin grossier de gens incultes, sans écriture, sans grammaire, etc. (enfin c’est ce
qu’on prétend, bien sûr ce n’est pas vrai ; c’est une sorte de racisme). Le succès de cette
politique et de ce terme, grâce au bras armé de cette idéologie qu’a été l’école française, a
fait que beaucoup de Français s’en servent aujourd’hui pour désigner tout parler local ou
langue régionale, par distinction d’avec le français, langue « distinguée ». On a même
fait croire aux gens que les « patois » sont des déformations du français.
Le provençal échappe justement à ces définitions péjoratives puisqu’il bénéficie d’un
certain prestige, d’une longue tradition écrite et littéraire, et qu’à l’évidence il ne peut
pas provenir d’une transformation du français dont il est trop différent. Du coup, on
retrouve un peu à l’intérieur du provençal (si l’on peut dire) les mêmes tendances à
hiérarchiser les langues qu’entre le français et les langues régionales ou immigrées. On
considère que le « vrai provençal » est celui écrit par les grands écrivains et tout
spécialement ceux de Provence rhodanienne (dont la plus grande figure est Frédéric
Mistral). Celui-là serait une « vraie langue » et les provençal-s (au pluriel) parlés
seraient des « patois » par rapport à un provençal littéraire.
Bref, vous l’avez compris, pour de nombreuses raisons, le provençal n’est pas
du « patois », en tout cas pas au sens habituel ni surtout au sens péjoratif du
terme.

Cela peut choquer certains si vous parlez du provençal en disant « patois », même si
pour ceux qui utilisent ce dernier terme, le mot « patois » évoque aussi souvent un
attachement affectueux. Dans le doute, s’abstenir !
NOMMER LES LANGUES SANS NOM
Comme ailleurs en France et dans le monde, il y a des zones où la langue locale ne reçoit
pas de la part de la population une identification suffisamment forte et où elle n’a tout
simplement pas de nom. Les gens ont une « façon de parler » locale qu’ils ne nomment
pas. Dans ce cas, le terme « patois » est très usité, en France, pour combler ce manque.
Pour ce qui concerne l’aire de langue provençale, on rencontre surtout cela en très haute
Provence, région dont les habitants, montagnards, et leur parler le provençal « gavot »,
ont de tout temps fait l’objet de moquerie de la part des Provençaux de basse Provence.
Guerre de clocher et mépris du voisin aussi répandus qu’imbéciles à la surface de la
terre. Mais du coup une partie des Gavots ne considère pas vraiment ce parler comme
du « provençal » et le terme « patois » y est plus répandu qu’ailleurs en Provence.

LE PROVENÇAL, C’EST PAS NON PLUS DU


JAPONAIS !
Non, non ! Ce n’est pas une grosse galéjade marseillaise : la question se pose
vraiment. Une des plaisanteries qui court beaucoup en Provence et qu’on
raconte aussi bien en français qu’en provençal, est la suivante : un Japonais
qui a appris le provençal à l’université dans son pays vient pour la première
fois de sa vie en Provence et arrête quelqu’un dans la rue pour lui demander
un renseignement en provençal. Et le Provençal lui répond « Je suis désolé,
je parle pas le japonais ».
Car on enseigne le provençal, surtout la littérature provençale en fait,
médiévale ou moderne, dans de nombreuses universités dans le monde : ça
c’est vrai.
Car tout le monde ne parle pas provençal en Provence, ça c’est bien vrai
aussi.
Car personne ne s’attend non plus à être interpellé en provençal à
l’improviste dans la rue par un inconnu (ça ne se fait plus, on y reviendra). À
plus forte raison, personne ne s’attend à l’être par une personne supposée
venue d’Asie : c’est en général vrai là encore, mais c’est plus aléatoire : les
compétences linguistiques des gens ne dépendent pas de leur apparence
physique et les histoires de vie sont souvent plus complexes et plus
surprenantes qu’on ne le croit.
On m’a raconté des dizaines de versions de cette histoire, rendue véridique
avec des tas de détails, qui, quand, où… en me certifiant l’anecdote
authentique. Je continue à avoir du mal à y croire… Pourtant, quelque chose
de bien concret et de plus grave se cache sous ces histoires qui prêtent à
sourire. C’est le sentiment qu’ont, en France, les usagers des langues
régionales de parler des langues ignorées (au double sens du mot), des
langues qu’il faudrait cacher, des langues rendues invisibles par un
aveuglement obligatoire et accepté, des langues pas connues parce que pas
reconnues.

LA SOUFFRANCE D’UNE LANGUE INCONNUE


Il nous est probablement arrivé un jour, à nous tous les usagers du
provençal, de parler notre langue devant des gens qui ont été surpris, ou
même choqués, de nous entendre parler autre chose que du français, parler
quelque chose qui ne fait pas partie de la liste des langues « reconnues » (les
langues officielles européennes, en gros, anglais, espagnol, italien…). Comme
d’autres j’ai été plusieurs fois dans ma vie interpellé par des gens me
demandant, d’un air pas toujours sympathique : « Mais vous parlez quoi,
là ? » Je me souviens d’une fois où une Française qui arrivait de Barcelone
croyait que je parlais catalan à ma fille. Je lui indique gentiment que ça
ressemble à du catalan mais que c’est du provençal. Conclusion de la dame
qui dit à sa fille « tu as vu, c’est une petite Catalane ».
Un ami m’a raconté pour sa part qu’un jour où il buvait un coup à la terrasse
du café de son village de haute Provence, en parlant provençal avec son frère,
il a entendu à une table proche des touristes se dire « tu te rends compte ces
pauvres Portugais qui peuvent même pas rentrer chez eux en vacances ».
Ma grand-mère racontait un jour à une Parisienne, en ma présence, qu’à
Marseille, vers 1920, elle avait des voisins qui ne parlaient pas français et
qu’elle, enfant, ne leur parlait que provençal. La Parisienne ne l’a pas crue :
pour elle, Marseille a toujours été en France et on y a toujours parlé français.
L’éducation linguistique des Français est pire que lacunaire ; et ce n’est pas
de leur faute, c’est le résultat de deux cents ans d’idéologie linguistique
française inculquée par l’école. Alors le provençal n’est pas censé exister :
c’est soit du catalan, soit du portugais, soit du… japonais ! Finalement, cette
histoire n’est pas si drôle que ça…
Mais si, ça peut être drôle quand même ! Parce qu’il y a une autre motivation
à cette histoire japonaise. C’est que certains énoncés en provençal peuvent
sonner un peu comme du japonais, tel que se le représentent de façon
stéréotypée ceux, nombreux, qui ne connaissent ni le provençal ni le
japonais. Mais ne vous inquiétez pas, on n’a pas encore vendu le vignoble
provençal aux Japonais…

VOUS PARLEZ PROVENÇAL ? ALORS VOUS PARLEZ


JAPONAIS !
Voici un exemple caricatural de provençal écrit à la japonaise (amusez-vous à le lire à
voix haute) :

(toko toko) siéwaki !


kawésaki ?
Yéwaïfé nidépouda.
Dekafazaki ?
Aki vénicerkako, likilo déta.
Likilo déké ?
Akokitanka, loupakédéta !
Si on l’écrit en provençal correctement, ça donne :

(toco toco) Siéu aqui !


Quau es aqui ?
Iéu. Ai feni de pouda.
Dequé fas aqui ?
Aqui vèni cerca ‘cò, li quilò de tap.
Li quilò de que ?
Acò ‘qui tanca, lou paquet de tap !
Et ça veut dire :

(toc toc) Je suis là !


Qui est là ?
Moi. J’ai fini de tailler la vigne.
Qu’est-ce que tu fais là ?
Là je viens chercher ça, les kilos de bouchons.
Les kilos de quoi ?
Ça, appuyé là, le paquet de bouchons !
PETITE HISTOIRE DE LA PROVENCE ET DU
PROVENÇAL3

NOS ANCÊTRES LES LIGURES


Les plus anciens habitants connus de ce qui est devenu beaucoup plus tard la
Provence, ce sont les Ligures. Peuple italique qui occupait, au moins
quelques siècles avant notre ère, la zone actuelle de la Provence, des Alpes du
Sud et du nord-ouest de l’Italie, du Piémont à la Ligurie qui leur doit son
nom.

Il ne nous en reste sur le plan linguistique que des noms de lieux anciens, de
montagnes surtout, et notamment des noms de lieux et d’habitants dont une
caractéristique fréquente est d’avoir le groupe prononcé ESK, OSK ou ASK, dans leur
terminaison, comme Tarascoun, Greasco, Venasco (prononcés taraskoung,
gréaskò, vénaskò, et francisés en Tarascon, Gréasque, Venasque) ou des noms
d’habitants comme Monégasque (de Monaco, qui se dit en provençal Mounègue
prononcé munègué et en monégasque Mùnegu prononcé mounégou). Il y a aussi toute
une série de mots qui sont parvenus du ligure jusqu’au provençal en passant par le grec
et le latin, comme clapo, garrigo (klapò, garigò) qui signifient pierre plate et…
garrigue (emprunté par le français au provençal) !

VIENS VOIR UN PEU LES GRECS !


À partir de 600 av. J.-C. des Grecs de Phocée fondent des comptoirs sur la
côte ligure, comme Massalia (qui deviendra Marseille), Nikaia (qui
deviendra Nice) et leur influence rayonne sur l’arrière-pays. On ne sait quelle
fut l’ampleur de l’appropriation du grec par les Ligures, mais le nombre assez
élevé de mots provençaux venus du grec, notamment dans le vocabulaire de
la mer et de la maison, laisse supposer que la langue grecque était bien
implantée dans les villes portuaires créées par les Phocéens. On a par
exemple broumé broumé (appâts), cadaulo kadawlò (loquet), calaman
kalamang (poutre), gàngui gang-gui (filet de pêche), ganso gannsò
(nœud), gounfoun goumfoung (gond), tian tyang (plat de terre cuite).

LES QUOI ? LES GAULOIS ? C’EST QUI ?


L’État-nation « France » a élevé les Gaulois, un ensemble de peuples celtes,
au rang d’ancêtres de tous les Français pour faire croire à une très ancienne
unité de la population française. On sait maintenant que c’est en partie un
mythe, surtout pour les régions périphériques devenues françaises par les
aléas de l’Histoire, comme la Provence. Il y a bien des Celtes qui se sont
aventurés vers le sud en descendant la vallée du Rhône et les Alpes à partir
de 300 av. J.-C., mais, peu nombreux, ils se sont fondus dans la population
ligure, et ont été arrêtés par l’expansion puissante des Grecs de Marseille.

On trouve quelques noms de lieux provençaux (uniquement dans les Alpes et la


vallée du Rhône) et un peu de vocabulaire provençal, qui proviennent du gaulois. Mais
la part en est très faible et a probablement circulé dans le latin de l’Empire romain pour
arriver jusque dans la Provincia. Ce vocabulaire relève surtout du domaine végétal
comme bes bés (bouleau), verno vèrnò (aulne), broundo brounndò (brindille),
animal comme lauseto lòwzètò (alouette), vibre vibré (castor), bano banò (corne) et
agricole comme dougo dougò (talus bordant un champ), rego régò (raie, sillon),
gavèu gavèw (fagot de sarments).

PAS FOUS, LES ROMAINS !


Vers 200 av. J.-C., les Ligures s’allient à des Gaulois venus du Nord pour se
soulever contre l’occupation grecque. Les Grecs de Massalia appellent à la
rescousse les Romains, qui n’attendaient que ça pour agrandir encore leur
territoire. En moins d’un siècle, les Romains écrasent les Ligures et… piquent
la place aux Grecs. Au siècle suivant, ils s’installent en masse et font de ce
territoire une province de l’Italie, d’où son nom de Provincia (province), mot
qui deviendra Provence, comme on l’a vu. Au point qu’Arles sera la seconde
capitale de l’Empire romain et résistera à son éclatement jusqu’à 472 après
J.-C. (Rome tombe aux mains des « barbares » germaniques en 476). Les
Ligures et les Marseillais adoptent complètement la langue et la culture
latines en quelques siècles. Ils abandonnent le ligure, qui disparait, ou le
grec. Le latin va rester, lui, pour longtemps : le provençal n’est qu’une
continuation locale du latin populaire qu’on n’a donc jamais arrêté de parler
sur place jusqu’à aujourd’hui.

Environ 65 % du vocabulaire du provençal actuel vient directement du latin (1,5 %


du grec, 0,3 % du gaulois, 0,1 % du ligure ancien).

LE PROVENÇAL VIENT D’UN LATIN PARLÉ


Attention ! Aucune langue romane ne vient du latin classique. Elles viennent du latin
qu’on a longtemps appelé « vulgaire » (de vulgus, le peuple), ou mieux, populaire. Le
provençal vient d’un latin parlé par des légionnaires romains venus de toute l’Italie, qui
peuplent la Provincia, mais aussi par des Ligures, des Grecs et quelques Gaulois qui le
transforment sous l’influence de leurs langues premières. Et parlé par d’autres encore,
car la Provence, située au croisement de la Méditerranée et de la vallée du Rhône, sur la
route qui va des Alpes aux Pyrénées, est un carrefour où toujours les populations se sont
mélangées, et avec elles leurs langues.

LES INVASIONS GERMANIQUES ? PASSONS…


La Provincia n’a été que peu concernée, par des germaniques de passage, sur
le plan linguistique. À l’inverse de la Gaule qui allait devenir une France à la
langue et à la culture fortement germanisées par les Francs qui lui ont donné
son nom. Chez nous, on a eu comme visiteurs des Visigoths et autres Goths
arrivés par l’Espagne et l’Italie, quelques Burgondes arrivés par le nord, mais
ils se sont intégrés sans influencer beaucoup la société provençale naissante
ni surtout sa langue.

Il y a bien sûr des mots d’origine germanique en provençal, certains d’ailleurs


passés par le latin dès avant la chute de l’Empire, mais à peine plus de 1 % (comme en
italien). Par exemple : batèu batèw (bateau), esquino éskinò (dos), targo targò
(joute). C’est l’une des grosses différences avec le français, seule langue romane (= issue
du latin) fortement germanisée. Voilà pourquoi les autres langues romanes se
ressemblent tant (italien, espagnol, portugais, provençal, corse, catalan…) et pourquoi le
français en est si différent.
ET LE PROVENÇAL EST NÉ…
Entre le Ve et le IXe siècle, la Provence se forme comme entité historique
mouvante et le latin qu’on y parle s’y transforme progressivement en
provençal naissant, sous une forme qu’on appelle aujourd’hui « ancien
provençal » (comme quoi tout est question de point de vue !). Petit à petit, le
provençal est perçu comme différent du latin et devient une langue écrite de
grande importance. C’est en provençal (et dans l’ensemble des langues dites
« d’oc ») que se développe la poésie des troubadours, qui sera un modèle
dans toute l’Europe occidentale, du XIe au XIIIe siècle. C’est aussi en
provençal plutôt qu’en latin qu’on a alors écrit les textes administratifs et
juridiques, de façon croissante jusqu’au XVIe siècle.

Voici un exemple de provençal du début du XVe siècle, à Solliès, près de Toulon,


d’une demande adressée par les habitants à leur nouveau seigneur :

Premierament demandan los homes de Monsr Jehan gonsalini,


senhor mestre de Soliers que plassa a la siene magnificiencia de
leissar et de tenir nos en la libertat et en la maniera que nous a
trobat, embe lou castel de Beugencier […] Item que li plassa de
tenir nos continuellament dos et tres moulins d’olivas si mestier
nos ero […].
Ce qui peut se traduire comme suit :

Premièrement nous demandons, [nous] les hommes de Monseigneur Jean Gonsalini,


maître de Solliès, qu’il plaise à sa magnificence de nous laisser et de nous garder dans la
liberté et la manière où il nous a trouvés avec le château de Beaugencier […] Aussi qu’il
lui plaise de nous garder continuellement deux ou trois moulins d’olives au cas où nous
en aurions besoin […].

LE PROVENÇAL SE MODERNISE
À partir du XVe siècle, les évolutions du provençal par rapport au latin
s’accélèrent et le provençal prend son visage moderne, celui qu’on lui connait
aujourd’hui. C’est aussi ce qui le distingue de plus en plus des autres langues
« d’oc » comme le languedocien (ou occitan), le gascon ou le limousin.

Si l’on réécrit le texte ci-dessus en provençal d’aujourd’hui, on a à peu près ceci (les
mots ayant disparu sont entre crochets, les mots nouveaux en italique) :

Premieramen demandan nàutrei leis ome de Mounsegnour Jan


Gounsalìni, segnour mèstre de Souliés [que plassa] qu’agrade à [la
siene] sa magnificiènci de nous leissa e de nous teni en la liberta e
en la maniero que nous a trouva, emé lou castèu de Bouiencié […]
[Item] tambèn que li [plassa] agrade de nous teni [continuellament]
de-longo dous e tres moulin d’oulivo se mestié nous èro […].
Comme on le voit, la plupart des consonnes finales ont disparu (-s du pluriel,
-r des infinitifs, -t des participes passés, -l finaux passés à -ou, etc.), les rares
pluriels sont exprimés par des -i finaux (nàutrei = nous autres) avec un -s
uniquement pour les liaisons (leis = les), tous les -o- intérieurs passent à -
ou- et tous les -a finaux atones passent à -o (mouvement qui était déjà
entamé dans le texte du début du XVe). La langue prend une musicalité et un
visage écrit où dominent les voyelles, plus proche de l’italien ou du corse que
de l’espagnol ou du catalan.

ET LE FRANÇAIS DÉBARQUE…
À partir du XVIe siècle, la couronne de comte de Provence échoit par héritage
au roi de France (sauf Avignon et le Comtat Venaissin –en gros, l’actuel
Vaucluse –, qui restent terres du Pape). La Provence reste un état distinct et
le nouveau comte s’engage par une sorte de « constitution » à respecter cette
autonomie, ce que les gouverneurs successifs feront plus ou moins, sauf pour
lever des impôts ou placer ses armées, sa marine, sur la côte provençale. En
1789 encore, les États de Provence rappelleront qu’ils constituent une nation
à part et ne sont pas concernés par les décisions prises à Paris, mais en vain :
la Provence sera définitivement et pleinement intégrée à la France, Comtat
Venaissin compris, en 1790.
L’arrivée au XVIe siècle d’une administration en partie française à Aix,
capitale de la Provence, va amplifier un mouvement déjà perceptible :
l’adoption du français, à la place du provençal, comme langue écrite
administrative, puis progressivement comme langue de prestige pour les
élites aristocratiques et bourgeoises. Mais cela prendra deux siècles et ne
réduit en rien les autres usages du provençal, qui reste langue dominante de
l’oral et même de l’écrit littéraire jusqu’au XIXe siècle.

UNE DISCRIMINATION ANTI-PROVENÇAL


C’est avec la création de la France « une et indivisible » par la Révolution de
1789 et la mise en place progressive de sa politique autoritaire
d’uniformisation du pays, y compris sur le plan linguistique, que le français
se diffuse progressivement dans la société provençale. D’abord dans les élites
et les grandes villes, plus tard dans les campagnes et les classes populaires. Il
faudra plus d’un siècle pour que les Provençaux deviennent massivement
francophones, au début du XXe siècle à cause de l’école, de l’armée, de
l’administration, etc. Il faudra un demi-siècle de plus pour que la plupart des
enfants ne soient plus élevés qu’en français (mais un français bourré de
provençal, voir plus haut), provoquant une chute rapide et spectaculaire des
usages du provençal entre 1950 et aujourd’hui. Il faut dire que la charge
contre l’usage et les usagers des langues régionales a été violente :
humiliations, punitions, exclusions… Ma grand-mère maternelle, née en
1906 à Marseille, m’a raconté que dans son école, quand une élève était prise
à parler dans sa langue première (le provençal en général, parfois aussi une
variété italienne ou corse), elle était punie de « corvée de chiottes » avec cet
argument « puisque tu as de la merde dans la bouche, tu peux bien nettoyer
celle des autres ». On appréciera la grande humanité de ces « hussards noirs
de la République » dont le sobriquet militaire s’avère bien mérité, tout
comme celui de « primaire » pour cette école de la discrimination.

L’ÉCOLE A FAIT DES ANALPHABÈTES DANS LEUR


PROPRE LANGUE
L’une des conséquences de cette chasse au provençal très répandue (mais il y avait aussi
des gens humains et intelligents qui n’y faisaient pas la chasse) a été l’absence quasi
totale d’enseignement de la lecture et de l’écriture en provençal, langue dont la tradition
écrite est pourtant plus ancienne que celle du français. Les Provençaux n’ont été
alphabétisés qu’en français, même à l’époque où c’était encore pour eux une langue
étrangère. Ce qui fait que la plupart des Provençaux ne savent ni lire ni écrire le
provençal, langue dès lors cantonnée à des usages majoritaire-ment oraux.
Heureusement qu’une orthographe quasi phonétique a été mise au point au milieu du
xixe siècle pour en faciliter la lecture et l’écriture !

DÉFENSE ET PROMOTION DE LA LANGUE


PROVENÇALE
Car, en effet, la politique de francisation exclusive, aussi soudaine que
brutale, a aussitôt provoqué en Provence des réactions marquées. La
Provence a été, avec la Bretagne, la première province française où est né un
puissant mouvement de défense de la langue et de la culture que l’on a plus
tard appelées « régionales ». Le point marquant en a été la fondation en 1854
du célèbre Félibrige (félibridjé), nom du mouvement créé notamment par
Frédéric Mistral, dont l’œuvre littéraire tout en langue provençale lui vaudra
le prix Nobel de littérature en 1904.
Les bilingues (ou davantage) qui se succèdent de plus en plus nombreux
entre 1850 et aujourd’hui pratiquent bien sûr un mélange des langues, qui
aboutit, d’une part, à un français de Provence fortement influencé par le
provençal et un peu par l’italien (voir plus loin), et, d’autre part, à un
provençal de plus en plus influencé par le français. Ainsi, environ 25 % du
vocabulaire en provençal est aujourd’hui emprunté au français.

Certains emprunts sont très anciens et ne sont pas le résultat de ce contact intense
avec une langue dominante (comme meme ou mume mémé, meumé pour « même »).
La plupart concernent surtout des techniques non traditionnelles, des termes de
politesse et de prestige, des termes politiques et religieux, bien que dans ces domaines
des pans entiers de vocabulaire soient restés non empruntés au français. Les emprunts
au français ont aussi créé des doublons, soit synonymes, soit distingués, comme (selon
les variétés de provençal) paire païlé (père) réservé aux animaux mâles distinct de
pèro pèlò emprunté au français pour le « père de famille » ou encore isclo isklò réservé
aux ilots sur les fleuves et rivières, distinct de ilo ilò, désignant les iles sur la mer.

On entend également de plus en plus souvent des tournures grammaticales ou des


façons de dire « à la française » en provençal (notamment dans le « néoprovençal »
réappris avec beaucoup de motivation par des jeunes et utilisé dans des circonstances où
le modèle français s’impose, à la télévision par exemple). Nous verrons cela plus loin,
dans les « façons de parler ».

LE PROVENÇAL DANS LA DIVERSITÉ DES


LANGUES…
… et la diversité du provençal
Si le plurilinguisme principal qui a marqué le provençal relève du rapport à
la langue française, il ne faut pas pour autant négliger les apports d’autres
langues voisines. La Provence, on l’a dit, a toujours été une terre de contacts,
de passages et d’accueil : c’est de cela qu’elle est née et de cela qu’est née sa
langue historique principale, le provençal.

LES APPORTS DE L’ARABE


Le provençal a notamment emprunté une partie de son lexique à l’arabe,
surtout au Moyen Âge, à l’époque où les sciences, les arts et la philosophie
arabes avaient beaucoup de prestige en Occident. Ces emprunts se sont faits
soit directement soit parfois via le turc (à cause de l’Empire ottoman qui a
longtemps dominé la Méditerranée jusqu’au Maghreb) ou via des parlers
espagnols ou italiens (à cause des échanges entre marins).

Certains mots ont aussi été empruntés par le français, d’autres par l’italien et
surtout l’espagnol ou le catalan (à cause de la longue présence maure en Espagne),
d’autres uniquement par le provençal. Par exemple : argeiras ardjéïlass (genêt
épineux), cachofle katchòflé (artichaut), chifro (nom féminin) tchifrò (chiffre,
nombre, calcul), carfata karfata (calfater), damo-jano damò-djanò (bombonne),
malu4 malu (tête du fémur, articulation), merenjano mélénndjanò (aubergine),
quitran kitrang (goudron).

BIENVENUE AUX MOTS VOYAGEURS


Le provençal a aussi emprunté plus récemment des mots circulant dans toute l’Europe
et la Méditerranée, venus d’ailleurs comme cafè kafè (venu par le turc), balouard
balwar (boulevard, d’origine néerlandaise), estoco-fi éstòkòfi (stock-fish, venu par
l’anglais), zapa zapa (zapper, de l’anglais, via le français) … Il y a également en
provençal des mots venus des Alpes, comme chamous tchamouss pour désigner le
chamois (d’origine probablement savoyarde) et peut-être chin, chino tching, tchinò,
pour chien, chienne, qui ont remplacé can kang dans toute la Provence occidentale
(mot rapporté par les bergers transhumants ?).

COUSINAGE ET MARIAGE ENTRE PROVENCE ET


ITALIE
Et puisque nous voilà dans les Alpes, il y a surtout eu en provençal, des
échanges très nombreux avec les parlers italiens. « Parlers italiens » et non
« langue italienne » parce qu’il s’agit surtout de ce que les Italiens appellent,
souvent à tort d’ailleurs, des « dialectes », comme le génois, le piémontais, le
napolitain, etc. Il ne faut pas oublier que ces autres langues italiennes ont été
à peu près les seules parlées en Italie jusqu’à la fin du XIXe siècle et qu’elles y
sont encore très vivantes, même si l’italien (fondé sur le dialecte toscan) est
aujourd’hui la langue principale de toute l’Italie, État fondé en 1860.

VOISINAGES ET MIGRATIONS
Ces échanges ont eu lieu de deux façons principales. D’une part, par les
relations de voisinage : entre pêcheurs, marins, colporteurs, bergers
transhumants, voire négociants ou artistes, on se côtoie depuis toujours dans
les Alpes du Sud, dans les terres du Pape à Avignon, sur la côte et dans les
ports (n’oublions pas que la Provence est une ancienne province de Rome).
Cela a été facilité par des pratiques culturelles et des langues proches, par
des aléas territoriaux entre Provence et États italiens de certaines zones
comme la vallée de Barcelonnette, le pays niçois ou le Comtat Venaissin
(Avignon). Il y a même toute une partie montagneuse du Piémont méridional
où les populations ont une variété de provençal alpin comme langue
première.
D’autre part, la Provence a été la destination principale des grandes vagues
d’émigration italienne qui a fui la misère puis le fascisme entre 1850 et 1940.
Entre 1870 et 1930 un quart de la population de Marseille était, en
permanence et malgré les naturalisations nombreuses, de nationalité
italienne et un autre quart avait au moins un ascendant direct qui y était né.
La proportion est d’environ 15 à 20 % d’Italiens dans le reste de la Provence
en 1920, des centaines de milliers de personnes. Si l’on y ajoute la moitié des
Italiens de Tunisie venus en Provence lors de l’indépendance de ce pays en
1956, on mesure l’ampleur du phénomène et, forcément, de ses effets
linguistiques et culturels.

Même s’il est souvent difficile d’en distinguer les origines corses, il suffit de prendre
aujourd’hui un annuaire téléphonique d’un département provençal pour être frappé par
la quantité de noms d’origine italienne.

APPORTS ET SOUTIENS ITALIENS AU


PROVENÇAL
Or, ces Italiens sont très vite devenus au moins bilingues, ajoutant le
provençal à leur(s) langue(s), en tout cas jusque vers 1950, tant que le
provençal a été la principale langue en usage dans les milieux agricoles et
ouvriers. Plus tard, ils y ont ajouté le français. Ces migrants et leurs
descendants constituent aujourd’hui un nombre notable d’usagers du
provençal. Et les Provençaux « déjà là » ont vite su bricoler un provençal
« italianisé » pour faciliter la communication avec les Piémontais, Toscans et
autres Napolitains.

Environ 3,5 % du vocabulaire provençal usuel (usuel, j’insiste !) a été emprunté à


l’italien. C’est la deuxième origine d’apports extérieurs après le français (25 %). On
trouve bien sûr beaucoup plus d’emprunts en provençal marseillais et sur la côte. En
voici des exemples : ameina améïna (baisser la voile d’un bateau), chama tchama
(héler), chapacan tchapakang (voyou, littéralement ramasseur de chiens), chourmo
tchourmò (groupe de gens), facho fatchò (face, surtout dans les jurons comme facho
de coun !), gànchou ganntchou (gaffe de bateau, crochet), sànti-bèlli sannti bèli
(santon, par extension personne apathique).

L’influence italienne a aussi convergé en provençal vers la gastronomie (noms de


recettes), les proverbes, les chansons, etc.

LE PROVENÇAL EN ITALIE
Dans les hautes vallées du sud du Piémont, en Italie, le long de la frontière française qui
descend de Barcelonnette à Tende, les parlers historiques ressemblent beaucoup à du
provençal alpin, même si en général ils ne portent pas ce nom. Il est assez fréquent que
les habitants de ces montagnes identifient leur langue comme « une sorte de
provençal », car ils ont l’habitude depuis des siècles de se rendre en Provence (emplois
saisonniers, colportage) et de parler « en provençal » avec les Provençaux. En Italie ces
parlers font l’objet des mêmes débats qu’en France (langue provençale ou occitan ?). Ils
sont désormais pris en compte par la loi italienne de 1999 qui couvre les communes se
déclarant de l’une des langues minoritaires prévues par cette loi (dont l’occitan). Cela
entraîne d’ailleurs des dérives : des organismes locaux s’inventent un occitan artificiel
ou habillent en « occitan » des parlers, par exemple liguriens, pour bénéficier des
avantages de cette loi.

IL N’Y A PAS UN PROVENÇAL, MAIS DES


PROVENÇAL-S5
Comme toutes les langues, le provençal est fait de diversité. Il a changé au
cours du temps (on l’a vu ci-dessus) et continuera de se transformer, sauf si
plus personne ne le parle. Cela est notamment audible quand on compare
des usagers de deux ou trois générations d’écart. Il varie selon qu’on le parle
ou qu’on l’écrit, par exemple dans les créations littéraires, encore que son
écriture soit souvent très proche de son oralité et, justement, s’adapte à sa
variation orale. On ne le parle pas exactement de la même façon dans toutes
les familles, tous les milieux sociaux, professionnels, urbains ou ruraux,
selon les plurilinguismes de chacun, etc. On ne le parle pas non plus de la
même façon selon les lieux, où se sont constituées au fil des siècles des
régions provençales un peu différentes et des communautés de vie ayant
leurs particularités. Et bien sûr, comme partout et en toute langue, on
s’adapte à chaque situation de communication.

Cela permet précisément à chacun, lorsqu’il y a volonté d’engagement dans un


échange, de s’adapter un peu au provençal de l’autre : les différences, d’ailleurs
minimes, entre variétés et variations du provençal, n’empêchent ainsi aucunement
l’intercompréhension tout en manifestant des identités distinctes. Vous pouvez donc
apprendre et parler le provençal sans forcément vous soucier d’une « cohérence » d’une
variété. Là encore, bricolez, jetez-vous à l’eau, soyez décomplexé : il est encore plus
absurde d’être puriste en provençal que de l’être en français !

C’est que les Provençaux y tiennent, à ces provençalités locales ! Être de la


Provence du Rhône et de la Camargue, ce n’est pas du tout la même chose que d’être
gavot de la montagne, comtadin, marseillais ou provençal de la côte méditerranéenne,
etc., pardi !

Dans ce livre, j’utiliserai en alternance le provençal maritime (celui que je parle et


que j’ai acquis en famille) et le provençal rhodanien (que j’ai beaucoup rencontré). Ce
sont de loin les deux variétés les plus utilisées. Lorsque nous parlerons de lieux précis,
j’utiliserai la variété qui recouvre globalement ce lieu (pas tout fait celle de tel village ou
de telle vallée, je ne peux pas tout connaitre !), et c’est là qu’apparaitra du provençal
drômois ou du provençal alpin dit gavot.

PRATIQUES ET PERCEPTION DU
PROVENÇAL AUJOURD’HUI
C’est d’ailleurs ces marquages territoriaux qui sont les plus présents à l’esprit
des gens lorsqu’ils pensent à la diversité interne de la langue provençale et à
ses caractéristiques contemporaines les plus marquantes. D’autant qu’ils y
associent des « valeurs » identitaires : le provençal de basse Provence, au sud
d’une ligne d’Avignon à Fréjus, est perçu comme plus prestigieux que le
provençal parlé plus au nord, vers les Alpes et la Drôme provençale ; et au
sein même du provençal méridional, le cœur de référence est le pays d’Arles,
avec ses marges avignonnaises. Juste à côté, il y a aussi la région Aix-
Marseille-Toulon dont le provençal est prestigieux, mais déjà moins que
celui d’Arles-Avignon. En gros, car tout est question de point de vue, on
distingue donc plutôt les variétés suivantes.

LE PROVENÇAL RHODANIEN
C’est le provençal de la basse vallée du Rhône, sur un territoire qui s’étend
d’Orange à la Camargue, englobant Avignon, le pays d’Arles et, sur la rive
droite du fleuve en Languedoc, le pays nîmois.
C’est le provençal le plus prestigieux, perçu comme élégant, distingué. Il a été mis
en gloire par les écrivains provençaux les plus célèbres, Frédéric Mistral, Théodore
Aubanel, Joseph d’Arbaud, Max-Philippe Delavouët, etc. On le considère souvent
comme le type même du provençal littéraire (et d’ailleurs ses variantes écrites sont un
peu différentes de ses variantes parlées).

Ses caractéristiques emblématiques sont : la prononciation ts, dz de ce que l’on


prononce ailleurs tch et dj (quicha « écraser » et manja « manger » sont prononcés
kitsa, manndza et non kitcha, manndja), des pluriels -i et non en -ei (li bèlli flour li
bèli flour et non lei bèllei flour léï bèléï flour, les belles fleurs), des -o toniques et non
des diphtongues comme oua (la porto la pòrtò et non la pouarto la pwartò, la porte),
une tendance à prononcer tous les r « frottés » comme en français alors qu’ailleurs les r
entre voyelles sont légèrement roulés et proches d’un l, une tendance à prononcer
comme un -eu le -o final qu’ailleurs on articule pleinement comme ò ouvert, la voyelle -é
comme marque de la 1re personne des conjugaisons (cante, fenisse kannté, fénissé, je
chante, je finis). Et bien sûr quelques mots typiques comme chato tsatò, pour fille.

LE PROVENÇAL MARITIME ET INTÉRIEUR


C’est le provençal de la côte méditerranéenne et de l’intérieur de la Provence,
entre Marseille, Manosque, Draguignan et Cannes. Dans cette vaste zone, il
est lui-même marqué par des identités locales spécifiques, urbaines
(Marseille, Aix, Toulon) ou non (arrière-pays varois, Provence orientale à
l’est de Toulon). Il a la réputation d’être un provençal plus populaire, plus
savoureux, plus « italien ».

Ses caractéristiques emblématiques sont en plus de celles citées ci-dessus comme


différentes du provençal rhodanien (pluriels en -ei, diphtongue de la plupart des anciens
o toniques comme dans pouarto aussi prononcé pouerto ou pouorto, r proche du l
entre voyelles), une disparition quasi complète de presque toutes les consonnes finales
sauf dans les mots d’une syllabe (on dit toujou et malerou toudjou, malélou, toujours,
malheureux et non toujour, malerous toudjour, malérouss), des voyelles remarquées
dans les terminaisons des conjugaisons (par exemple, voyelle -i comme marque de la 1re
personne des conjugaisons : cànti, fenìssi kannti, fénissi, je chante, je finis).
LE PROVENÇAL GAVOT OU ALPIN
Le provençal dit « gavot » (en provençal gavot ou gavouat, gavò, gavwa)
est celui de la haute Provence montagnarde, au nord et à l’est d’une ligne
Sisteron-Castellane. Plus on monte dans les Alpes, plus ce provençal est typé,
avec au-dessus de Digne et de Gap, des formes anciennes que le provençal de
basse Provence a fait évoluer depuis des siècles. On retrouve ce type de
provençal de l’autre côté de la frontière franco-italienne, dans les hautes
vallées du Piémont méridional. Tout en étant perçu comme « une sorte de
provençal » (parfois dit « alpin »), notamment à cause des relations étroites
entretenues depuis des millénaires avec la Provence méridionale, ce
provençal est plus ou moins perçu comme n’étant pas du « vrai provençal ».
Les stéréotypes anciens ont hélas la vie dure et l’image (stupide !) du
montagnard arriéré a laissé ses traces : sa langue a l’image d’une langue
grossière et archaïque.

Ses caractéristiques emblématiques sont : le remplacement par tcha et dja du ka et


ga venu du latin et conservé au sud (charja tsardza ou tchardja et non carga, charger),
la conservation de nombreuses consonnes finales (nuech, uvèrt nüétch, uvèrtt, nuit,
hiver et non nue, ivèr), une tendance à franchement rouler les r entre voyelles, des
pluriels en -s (les bèlles filhos lés bèlés filyòs, les belles filles et non li bèlli fiho), la
disparition de nombreuses consonnes intérieures (comme maüro, sua, chantaio ma-
urò, su-a, tchanntayò, pour mûre, suer, chantée, et non maduro, susa, cantado ainsi
qu’on dit plus au sud), et notamment la voyelle -ou comme marque de la 1re personne
des conjugaisons : càntou, fenìssou kanntou, fénissou, je chante, je finis.

LE PROVENÇAL DE LA DRÔME
Le provençal parlé dans la Drôme provençale, entre Montélimar, Die et
Valréas, ressemble beaucoup au provençal d’Avignon, mais il a quelques
ressemblances avec du provençal alpin. L’annexion de cette ancienne terre
provençale par le Dauphiné (comme pour la région de Gap et d’Embrun),
lorsque cette province devient française aux XIVe et XVe siècles, a un peu
séparé cette zone linguistique du reste de la Provence. Son identité
linguistique est moins bien connue en Provence, même si les échanges
locaux ont perduré. Localement, en revanche, on se revendique provençal
haut et fort !

Ses caractéristiques emblématiques sont : comme en gavot, des prononciations en


tsa, dza et non ka, ga (charja), des chutes de consonnes intérieures, des l mouillés
(filho filyò et non fiho, fille) ; comme en rhodanien, une prononciation ts, dz de tch et
dj, la voyelle -é comme marque de la 1re personne des conjugaisons, des pluriels en -i.

CES VARIÉTÉS FORMENT UN TISSU CONTINU ET


CHANGEANT
Bien sûr il n’y a nulle part une frontière où, d’un côté, tout le monde
prononcerait d’une façon, et de l’autre, d’une autre façon. Ces différences se
répartissent progressivement, modifiées par les voies de communication (qui
font remonter vers les Alpes des formes prestigieuses du sud et qui font se
répandre au sud des formes populaires alpines), avec des changements dans
les générations, etc.

LE PAYS NIÇOIS, UN ENSEMBLE LINGUISTIQUE UN


PEU À PART
L’ancien comté de Nice, détaché de la Provence en 1388 et réuni à la France en 1860 (et
1947 pour la zone de Tende), a développé une identité linguistique à part. Bien sûr, le
niçois (ou nissart), langue de Nice même, ressemble beaucoup au provençal de Cannes
ou de Grasse. Bien sûr les parlers de la montagne niçoise ressemblent comme deux
gouttes d’eau aux parlers gavots de très haute Provence. Mais une histoire séparée a
construit une identité à part, et ce n’est pas parce que deux langues se ressemblent et
sont intercompréhensibles qu’elles constituent pour autant une seule et même langue.
Et il ne faut pas oublier que le pays niçois englobe des zones (vallée de la Roya, Tende,
Menton) dont les parlers sont plus proches des parlers liguriens (monégasque, génois)
que du provençal et même que du niçois.

LE PROVENÇAL, UNE LANGUE EN DANGER


Les conséquences de l’histoire du provençal et de la Provence se retrouvent
dans la situation du provençal aujourd’hui. La chute rapide et très
importante de la transmission familiale de la langue à partir des années
cinquante conduit à ce que la plupart des usagers du provençal aient
actuellement plus de 60 ans. Il y a bien sûr toujours des familles où l’on parle
provençal, y compris entre adultes plus jeunes et un peu aux enfants, mais
elles sont devenues rares. La transmission reste maintenue par des grands-
parents ou arrière-grands-parents (grâce au bon vieillissement de la
population !) mais elle est de plus en plus réduite. Les locuteurs spontanés
du provençal vieillissent et disparaissent. Ils sont moitié moins nombreux en
2010 qu’en 1990. On notera au passage que nombre d’entre eux sont les
immigrés italiens du début du XXe siècle ou leurs enfants… La perte du
provençal n’est pas répartie également : la désertification des Alpes
provençales, abandonnées par les jeunes, c’est aussi le départ de la langue
locale ; en basse Provence, la proportion d’usagers est plus forte dans le
Vaucluse et l’arrière-pays varois que dans la région marseillaise et sur la
côte, même si l’on compte probablement une centaine de milliers de
« provençalophones » dans la région d’Aix-Marseille.
Le provençal est classé par l’Unesco comme langue en danger de disparition.

La compétence de compréhension, elle, est plus largement présente dans la


population car si l’on n’a plus parlé directement aux enfants en provençal, on a continué
à le parler devant eux, en famille surtout. Les grands-parents ou arrière-grands-parents
jouent ainsi un rôle important et souvent ignoré.

COMBIEN D’USAGERS DU PROVENÇAL ?


On estime aujourd’hui qu’environ 10 à 15 % des Provençaux parlent encore
plus ou moins régulièrement provençal (soit 250 000 personnes), qu’autant
en ont des rudiments et le comprennent assez bien et qu’enfin environ 50 %
d’entre eux le comprennent (soit un million de personnes, incluant ceux qui
le parlent). Cela peut paraitre beaucoup, mais la région provençale
aujourd’hui intégrée dans une région administrative Provence-Alpes-Côte
d’Azur compte près de 5 millions d’habitants, dont seulement la moitié en est
originaire d’avant 1950 et peut avoir hérité du provençal puisque à partir de
ce moment, il devient beaucoup plus rare de s’approprier la langue hors d’un
milieu familial ou de grande proximité. L’attractivité de la Provence minorise
les usagers du provençal dans un flux de francophones pour la plupart venus
d’autres régions de France, ce qui rend la pratique du provençal plus
difficilement audible. Mais un héritage, ça peut se distribuer, et une langue
n’est pas faite pour finir dans un musée : tenez, on vous offre de la partager
et de la vivre avec nous.

Les « usagers symboliques » du provençal, ceux qui y sont attachés y compris tous
ceux qui ne le parlent pas ou même ne le comprennent pas, représentent entre 70 et 80
% de la population, toutes origines confondues. Toutes les enquêtes le prouvent.

QUELS USAGES DU PROVENÇAL AUJOURD’HUI ?


Les usages du provençal sont aujourd’hui concentrés sur deux types de
situation. La plus fréquente reste un usage de proximité, de connivence, au
sein d’une famille, entre amis, entre autochtones d’un même village ou
quartier, entre employés d’une petite ou moyenne entreprise, entre hommes
plus qu’entre femmes et lors d’activités traditionnelles (jeux, chasse, pêche,
fêtes locales… voire conseil municipal !). Cela explique l’attachement très fort
des Provençaux à des formes locales de provençal.
L’autre situation est celle des usages publics, démonstratifs, médiatisés d’une
langue affichée davantage comme marqueur symbolique d’une identité
culturelle que comme moyen de communication effectif. Et là, l’écrit est
fréquent. On entend et on lit ainsi du provençal à la télévision régionale (trop
peu), à la radio (idem !), dans les quotidiens régionaux (idem…), sur Internet
(bis repetita), sur des publicités, sur les panneaux de signalisation et
d’affichage public (là, beaucoup plus souvent, surtout à l’entrée et sortie des
communes), sur les plaques de noms des rues (dans certaines communes,
l’usage est généralisé ou en cours de généralisation, comme à Aix et Avignon
dans leurs centres historiques), sur des monuments (il y a eu une grande
vague de plaques commémoratives en provençal au XIXe siècle), comme
noms de boutiques ou de maisons (fréquemment), dans les bulletins des
collectivités territoriales (par exemple celui de la Région Provence-Alpes-
Côte d’Azur), parfois dans les discours politiques ou apparentés, lors de fêtes
locales, etc. Cet usage symbolique est en fort développement depuis les
années quatre-vingt, sans doute par compensation et réaction face à un
sentiment de perte et de mise en danger de la langue. Cela redonne au
provençal une légitimité que la politique linguistique et éducative française
avait fortement entamée au cours du XXe siècle.

LE RÔLE CLÉ DES ACTEURS ASSOCIATIFS ET


CULTURELS
Entre les usages « privés » et ces usages publics, se situent la chanson, le
théâtre, la littérature, dont la production n’a jamais cessé et qui touchent des
publics variés, parfois assez larges. Entre chants traditionnels et créations
modernes, entre théâtre populaire et littérature de grande qualité, les acteurs
culturels provençaux sont appuyés par un réseau associatif très dense. La
Provence (et notamment le département des Bouches-du-Rhône qui
regroupe Arles, Aix et Marseille et touche Avignon) compte à elle seule le
plus grand nombre de journaux et revues en langue régionale, d’associations
dédiées à la langue et à la culture régionales, de tout le grand sud de la
France.

Ce tissu est d’ailleurs fédéré en trois réseaux : celui du Félibrige, l’association


fondée par F. Mistral en 1854, qui couvre tous les pays d’oc mais qui est très ancré en
Provence où il est cependant en perte d’influence ; celui de l’Union provençale créée en
1981, très active et qui regroupe des dizaines d’associations y compris dans les Alpes ;
celui du Collectif Provence, créé en 1994, est aujourd’hui le plus dynamique, regroupant
des milliers de membres dont de très nombreuses associations et communes
provençales. Il y a aussi un réseau des associations Parlaren parlaréng (nous
parlerons) et un petit réseau d’associations occitanistes plutôt actives.

L’ENSEIGNEMENT DU PROVENÇAL
Enfin, il ne faut pas oublier l’enseignement. Les retrouvailles avec cette
langue qu’on était en train de perdre se font beaucoup par des adultes qui
décident d’en réactiver la pratique, ou de passer de la compréhension à
l’expression active, ou d’en débuter l’apprentissage. Les cours de provençal
sont nombreux partout en Provence dans les associations locales.
La langue est bien outillée pour son apprentissage : manuels, grammaires,
dictionnaires, supports sonores et ressources sur Internet. Il y a même maintenant un
« provençal pour les Nuls » (si ! si !). Le provençal est aussi enseigné à l’école, dans le
cadre dit d’« occitan-langue d’oc », de la maternelle à l’université mais de façon souvent
limitée.

Environ 5 % des élèves connaissent une sensibilisation ou un véritable


apprentissage comme langue vivante au collège et au lycée en Provence. Il y a une
épreuve de provençal au bac, un diplôme à l’université et des épreuves de recrutement
spécifique à divers concours de l’enseignement primaire et secondaire. En revanche, il
n’y a pas (ou presque) d’enseignement bilingue paritaire ou immersif, comme on en
trouve en Bretagne, dans le Sud-Ouest ou au Pays basque. Le rapport à la langue et les
attentes des parents n’y sont pas les mêmes.
CHAPITRE 2
INVITATION AU VOYAGE À
TRAVERS LA PROVENCE
Dans ce chapitre :

Visiter et circuler en Provence


Les trois grandes régions de Provence
La Provence6est la région de France la plus visitée, elle attire des touristes du
monde entier. C’est aussi la région de France dans laquelle s’installe chaque
année le plus grand nombre de gens. Son identité marquée, son soleil réputé,
ses paysages variés alliant mer Méditerranée et montagnes, plaine
rhodanienne et Camargue, ses villes et villages typiques, sa vie culturelle
intense, son patrimoine historique, son ambiance, en font un appel au
voyage.

Une des particularités des Provençaux est de désigner fréquemment les lieux par
des noms locaux qui ne sont pas les noms administratifs français, même en français. Il
faut dire que la francisation des noms de lieux en Provence a été une catastrophe. On va
vite s’en rendre compte et nous y reviendrons au chapitre 5.

LA FRANCISATION RATÉE DES NOMS DE LIEUX EN


PROVENCE
C’est à partir du XIXesiècle que les noms de lieux de Provence sont francisés pour
l’établissement du cadastre et des cartes d’état-major. Excepté les noms de communes
(mais pas tous), déjà assez bien établis en français, les autres noms font l’objet
d’enquêtes orales réalisées par des militaires qui, pour la plupart, ne connaissent pas le
provençal. Les témoins, eux, ne comprennent pas les questions qu’on leur pose en
français. Et les enquêteurs bricolent des notations en français de prononciations
provençales difficiles à transcrire… Résultat :

des réponses incom - prises pour les lieux-dits qui s’appellent désormais par exemple
Justamont (juste là-haut), Surlacolle (sur la colline), Les Opies pour lis Aupiho(liz
ówpiyò = les Alpilles, nom de la chaîne de montagnes à l’horizon), Sabipas (je ne sais
pas), Mar Vivo (mer agitée), Enco de Botte (chez Botte)…
des adaptations fantaisistes comme Beau Cours pour baus court baw cour (falaise
courte), le Bau de Quatre Heures pour lou baus dei quatre auro lou baw déï
quatrawlò (la falaise des quatre vents), les Crottes pour lei croto léï kròto (les caves),
Le Vallon Sourd pour lou valoun sour lou valoung sour (le vallon sombre), Les Hoirs
pour leis ouart léïzwar (les jardins potagers)…
des transformations complètes comme la Sainte-Victoire pour lou Mount Ventùri
lou moung vénntuli (le mont des vents), l’Arc pour la rivièrelou Larlou lar… ; et le
même nom écrit de plusieurs façons différentes plus ou moins provençales ou
françaises…
Aujourd’hui , vous verrez de plus en plus de communes afficher leur nom ou celui des
rues en provençal. Parfois ce n’est hélas qu’une retraduction du nom français et non son
nom authentique en provençal.

LES MOYENS DE TRANSPORT


Le proverbe dit Qu lengo a, à Roumo va ku léng-gò a roumò va, Qui
langue, à Rome va, équivalant à peu près à « on peut toujours trouver son
chemin en parlant aux gens ». Nous voilà donc en chemin en Provence et
dans sa langue.

POUR VENIR EN PROVENCE


Poudès veni en Prouvènço ‘mé l’avioun poudèss véni én m prouvènnsò
mé laviyoung vous pouvez venir en Provence par avion (littéralement « avec
l’avion »). Le mieux est d’atterrir à Marseille-Provence, que les Provençaux
continuent d’appeler Marignano malinyanò, du nom de la commune où
l’aéroport est implanté. Mai poudès tambèn aterra à Touloun-Iero vo
à Niço maï poudèss tammbèng atéra a touloung yélò vò a nissò mais vous
pouvez aussi atterrir à Toulon-Hyères ou à Nice.

On remarque au passage qu’en provençal il existe un verbe aterra d’usage ancien,


qu’on employait pour désigner le retour à terre des marins. En français, où l’on n’avait
pas l’équivalent et où une confusion avec atterrer était possible, il a fallu inventer le
verbe atterrir, à la conjugaison plus compliquée.

Poudès tambèn veni ‘mé lou trin poudèss tammbèng véni mé lou tring
vous pouvez aussi venir par le train. D’autant que le TGV arrive maintenant à
grande vitesse jusqu’à Aix-TGV, puis à Marseille et jusqu’à Fréjus. Et
pourtant les Provençaux n’en voulaient pas d’aquéu camin de fèrri
dakéw kaminn dé fèri de cette voie ferrée qui a balafré toute la Provence de
Montélimar à Aix. À l’époque où elle était en projet, de nombreux maires ont
pris des arrêtés interdisant au TGV de traverser leur commune. Un écrivain
provençal de Maillane, René Moucadel, a même écrit une pièce de théâtre en
provençal intitulée Aquéu putan de TGV akéw putann dé té dzé vé ce
putain de TGV. La pièce a eu un franc succès.
Poudès tambèn veni ‘mé la veituro poudèss tammbèng véni mé la
véïtulò vous pouvez aussi venir en voiture : notre région a été l’une des
premières équipées en autoroutes, avec la célèbre autoroute du Soleil qui a
doublé la fameuse nationale 7 qui va de Paris à Menton en passant par Lyon,
Avignon et Aix-en-Provence. Comme dit notre proverbe, bèu camin
camino bèw kaming kaminò (littéralement « beau chemin chemine »),
c’est-à-dire sur un beau chemin, on chemine bien. Mai mèfi, aro, a passa
de modo maï mèfi alò a passa dé mòdò, mais attention, maintenant, ce
n’est plus à la mode : la veïturo empouiouno la naturo la véïtulò
émmpouyounò la natulò, la voiture pollue la nature…

En provençal rhodanien, on dit empouisouno émmpwizounò. Et partout en


Provence, on a tendance à prononcer les u non pas u mais eu surtout lorsqu’ils sont en
position tonique (celle qui est soulignée dans notre transcription) : véïteulò, nateulò
pour voiture, nature, par exemple.

UNE BLAGUE PROVENÇALE SUR LES GARES DE


1920
– Un Prouvençau de Souliés vòu ana vèire soun fiéu à Pekin en
Chino.
um prouvénnsaw dé souliéss vòw ana vèïlé soum fiéw a péking in-n tchinò
Un Provençal de Solliès veut aller voir son fils à Pékin en Chine.
– Vai à la garo de Souliés-Toucas e demando uno biheto pèr
Pekin.
vaï a la garò dé souliéss touka é démanndunò biyètò pèr péking
Il va à la gare de Solliès-Toucas et demande un billet pour Pékin.
– L’emplega li dis « Vous pouàdi faire la biheto pèr Souliés-Vilo,
pas mai ».
lémpléga li di vou pwadi faïlé la biyètò pèr souliéss vilò pamaï
L’employé lui dit « Je peux vous faire un billet pour Solliès-Ville et pas
plus ».
– Pren lou trin pèr Souliés-Vilo e aqui demando mai sa biheto pèr
Pekin.
préng lou trim pèr souliéss vilò e aki démanndò maï sa biyètò pèr péking
Il prend le train pour Solliès-Ville et là il redemande son billet pour Pékin.
– L’emplega li dis « Vous pouàdi faire la biheto pèr Touloun, pas
mai ».
lémpléga li di vous pwadi faïlé la biyètò pèr touloung pamaï
L’employé lui dit « Je peux vous faire un billet pour Toulon et pas plus ».
– Pren lou trin pèr Touloun e aqui mai demando sa biheto.
préng lou trim pèr touloung e aki maï démanndò sa biyètò
Il prend le train pour Toulon et là encore demande son billet.
– Li fan pèr Marsiho.
li fam pèr marsiyò
On le lui fait pour Marseille (littéralement « ils lui font pour Marseille »).
– A Marsiho fin finalo a sa biheto de batèu pèr Pekin.
a marsiyò fim finalasabiyètò dé batèw pèr péking À Marseille finalement il
a son billet de bateau pour Pékin.
– Lou moumen de s’entourna au siéu, vai à la garo de Pekin.
lou mouménn dé s’énntourna òw syéw vaï a la garo dé péking
Au moment de rentrer chez lui (littéralement « de retourner au sien »), il va
à la gare de Pékin.
– E dis « Vau à Souliés, em’oucò tant mi poudès fa la biheto que
pèr Marsiho ? »
é di vòw a souliéss émoukò tang mi poudèss fa la biyètò ké pèr marsiyò
Et il dit « Je vais à Solliès mais probablement vous ne pouvez me faire un
billet que pour Marseille ? »
– E lou Chinés li respouande :
é lou tchinéss li réspwanndé
Et le Chinois lui répond :
– « Ato moussu ! Pèr Souliés-Vilo, Souliés-Pont vo Souliés-
Toucas ? »
atò moussu pèr souliéss vilò souliéss pong vò souliéss touka
« Bien sûr monsieur ! Pour Solliès-Ville, Solliès-Pont ou Solliès-Toucas ? »
On aura compris qu’il y a près de Toulon trois villages qui s’appellent Solliès-
quelque chose (dont les figues sont les plus belles, les plus réputées et… les
plus chères de France). Il en existe une version avec les nombreuses gares de
l’agglomération marseillaise.

Dans ce petit texte on remarque diverses choses sur le provençal. D’abord c’est du
provençal maritime (on est près de Toulon) : les formes li, pouàdi, respouande, mi
(lui, je peux, il répond, me) seraient par exemple ié, pode, respond, me yé, pòdé,
réspong, mé en provençal rhodanien. À l’exception du mot em’oucò et de détails de
prononciation non notés par l’écriture, tout le reste serait identique en rhodanien : on
voit que les différences entre variétés du provençal sont minimes. L’expression
em’oucò, littéralement « avec ça », se dit em’acò émakò dans d’autres coins de
Provence. Elle indique une légère opposition, un genre de « mais » atténué. Elle était si
fréquente dans le parler toulonnais que les Bretons qui faisaient l’aller-retour entre les
deux grands ports militaires français Brest et Toulon ont surnommé les Provençaux les
« Moko ». On retrouve ce sobriquet dans le titre du célèbre film de Julien Duvivier avec
Jean Gabin Pépé le Moko (1937).

NE DITES JAMAIS « PACA »


La Provence historique est englobée depuis cinquante ans dans une région
administrative qui a d’abord inclus la Corse puis est devenue « Provence-Alpes-Côte
d’Azur », en regroupant aussi le pays niçois (= « côte d’Azur ») et les Hautes-Alpes
historiquement dauphinoises mais de langue et de culture provençales alpines.
Ce nom trop long, le plus long de toutes les régions de France, permet un acronyme :
PACA, qui s’est répandu largement. On a même vu apparaitre ici et là un dérivé :
pacaïen, pacaïenne !
Sachez bien que les Provençaux ont cet acronyme en horreur. Non seulement parce qu’il
efface un autre nom beaucoup plus évocateur : Provence. Mais surtout parce qu’en
provençal, il est entendu comme le mot pacan pakang qui veut dire « paysan » avec un
sens péjoratif. PACA se rattache à toute une série de mots en pac- du même acabit :
pacoulo pakoulò « bled perdu », pacoulen pakouléng « péquenot ».
Le président de la Région a d’ailleurs envisagé, sans succès, de modifier le nom de la
Région, comme on le lui demande depuis des années.

LA PROVENCE RHODANIENNE, DE
MONTÉLIMAR À LA CAMARGUE

LE RHÔNE
Le Rhône (en provençal Lou Rose lou ròzé) a toujours été une frontière au
long de l’histoire de la Provence. Avec la mer au sud, c’est sa frontière la plus
stable et la plus claire, alors que vers le nord (entre Provence et Dauphiné ou
Savoie) et vers l’est (entre Provence et Ligurie ou Piémont), les frontières ont
toujours bougé et n’ont jamais été nettes. De l’autre côté du Rhône, depuis le
Moyen Âge, c’est un autre pays : le comté de Toulouse et, très tôt, la France
(aujourd’hui la Région Languedoc, lou Lengadò lou léng-gadò). En
revanche, le Rhône a toujours été une voie de communication vers le nord,
par Lyon. De l’époque où la Provence relevait de l’Empire romain
germanique, on a longtemps gardé l’habitude d’appeler la rive gauche du
Rhône empèri émmpèli (empire) et la rive droite reiaume réyawmé
(royaume, sous-entendu « de France »). Le Rhône a beaucoup inspiré de
contes, chansons, légendes populaires et d’écrivains provençaux de langue
provençale et/ou française comme Frédéric Mistral, Joseph d’Arbaud, Max-
Philippe Delavouët, Henri Bosco…
La Provence rhodanienne commence en fait dans la Drôme provençale, vers
Montélimar. D’aqui, se davalas lou Rose daki sé davalass lou ròzé, de là,
si vous descendez le Rhône, vous rencontrerez des lieux emblématiques de la
Provence.

LA DRÔME PROVENÇALE
Le sud de la Drôme est constitué d’anciens territoires de la Provence passés
au Dauphiné (lou Dóufinat, lou dòwfina) au XVesiècle. N’en reste pas
moins que le territoire de la commune de Valréas (en provençal Vaurias,
vòwliyass) toujours rattaché à la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et au
département du Vaucluse, connue sous le surnom d’« Enclave des Papes »
car c’était une terre du Pape comme Avignon et l’ensemble du Comtat
Venaissin. Mai se regardas li païsage, li vilage, la naturo, l’èime, li
noum dis endré tambèn sus li panèu en prouvençau veirés bèn
que sias en Prouvènço maï sé régardass li pa-i-zadzé li viladzé, la
natulò, li nounn diz énndré tammbèng seu li panèw émm prouvénnsaw
véïléss bèng ké siaz émm prouvènnsò, mais si vous regardez les paysages, les
villages, la nature, l’atmosphère, les noms des lieux (aussi sur les panneaux
en provençal), vous verrez bien que vous êtes en Provence. D’ailleurs c’est ici
que l’on cultive les olives parmi les plus réputées de… Provence, tout comme
l’huile qu’on en tire : lis oulivo e l’òli de Nioun liz oulivélòli de niyoung,
les olives et l’huile de Nyons.

On remarque dans les passages en provençal ci-dessus deux choses importantes.


Quand une consonne finale sourde se trouve en liaison devant une voyelle, elle devient
sonore : sias en Prouvènço se dit syaZ émm… et non siass émm… C’est une
caractéristique typique du provençal, que les Provençaux ont d’ailleurs transférée sur
leur façon de parler français. On reconnait un usager « authentique » du provençal à
certains traits de prononciation, dont celui-ci. Mais si vous ne le faites pas, ce n’est pas
grave ! Et puis on remarque aussi que le -o final atone des mots disparait en liaison avec
une voyelle : lis oulivo e l’òli donne liz oulivélòli et pas liz oulivÒ é lòli. C’est la même
chose quand on a un -é final atone comme dans lis ome an manja lizòmammandza
(les hommes ont mangé) et non lizòmÉ ammmandza.

Dans certains cas et dans certaines variétés du provençal, c’est plutôt l’autre voyelle
qui disparait, celle du mot qui suit, par exemple dans : vèni ‘mé lou trin vèni mé lou
tring et non vén’emé lou trin (je viens en train) ou dans canto ‘no cansoun (kanntò
nò kannsoung) plutôt que canto uno cansoun (kantunòkannsoung), il/elle chante
une chanson. Mais dans tous les cas, en provençal, quand deux voyelles se suivent, on en
fait sauter une, et davantage encore quand c’est la même : Siéu na à Maussano se
prononce siéwnamòwssanò (je suis né à Maussane). L’alternative consiste, dans
certains cas, à ajouter une consonne pour séparer les deux voyelles et faciliter la
prononciation, par exemple en ajoutant un n comme dans à-n-aquéu trin
(anakéwtring, à cette vitesse) ou encore un z comme dans à-z-Ate (azaté, à Apt).
ORANGE
Juste au sud se trouve Orange, en provençal Ouranjo (oulanndzò), qui a
longtemps été une principauté indépendante gouvernée par… des
Hollandais ! Ce n’est qu’en 1713 qu’elle est rattachée à la France et en 1790
qu’elle est intégrée au nouveau département du Vaucluse. Ouranjo es
celèbro pèr soun tiatre rouman oulanndzès sélèbrò pèr sounn tyatré
roumang Orange est célèbre pour son théâtre romain e pèr èstre l’endré
lou mai caud de Franço é pèr èstré lénndré lou maï caw dé frannsò et
pour être le lieu le plus chaud de France (en température moyenne).

LES ORANGES VIENNENT D’ORANGE, COMME LA


POMME D’ADAM
On sait moins que c’est du nom de la ville d’Orange que vient en français le nom de
l’orange (le fruit, puis sa couleur) : au Moyen Âge, ces fruits remontaient de
Méditerranée en bateau et se diffusaient vers la France à partir d’Orange, d’où leur
surnom de « pommes d’Orange » puis d’oranges. En provençal les oranges s’appellent
arange alanndzé ou aràngi alanndji selon les endroits, avec un a- initial, comme en
italien (arancia) ou en espagnol (naranja), car ce mot vient de l’arabe narandj. En
français, elles s’appelleraient « aranges » si elles n’étaient pas passées par Orange.
Et c’est parce qu’au Moyen Âge le mot « pomme » désignait toutes sortes de fruits (d’où
en français par exemple « pomme d’api, pomme de pin, pomme de terre ») qu’on a
finalement traduit l’Ancien Testament en disant qu’Ève a fait manger une pomme à
Adam. Mais cette pomme était à coup sûr un autre fruit (le pommier n’existait pas au
Proche-Orient en ces temps lointains), pourquoi pas une « pomme d’orange » ?

LE COMTAT VENAISSIN
En poursuivant votre descente du Rhône vers le sud (on appelle cela en
provençal ana à desciso anadéssizò), vous ne pourrez pas ne pas voir sur
votre gauche Lou Ventour lou vénntour, en français le mont Ventoux,
surnommé Lou Gigant de Prouvènço lou dzigann dé prouvènnsò (le
Géant de Provence) avec ses 1 912 mètres d’altitude, ses cailloux, sa
couronne de neige l’hiver, son sommet spectaculaire et son espèce de vipère
unique au monde… La ville principale des montagnes du Comtat Venaissin
(en provençal la Coumta de Venisso la kounnta dé vénissò, notez le
féminin) est Carpentras (qui se prononce en provençal karpénntra).

Avignon et le Comtat Venaissin ont abrité à partir du Moyen Âge les Juifs de
Provence, chassés du comté de Provence quand le roi de France y a pris le pouvoir en
1486. Une partie d’entre eux avaient des origines dans le Languedoc voisin, dont ils
avaient déjà été chassés lorsque le comté de Toulouse était devenu français en 1271. Ils
étaient tolérés en terre papale, sous réserve d’habiter dans un quartier spécial, la
jutarié la dzutalyé (littéralement la juiverie), nom que l’on retrouve dans des rues de
diverses villes provençales, par exemple Aix, la capitale de la Provence. Regroupés dans
cette sorte de ghetto, les Juifs provençaux ont développé une variété particulière de
provençal, que les spécialistes appellent le judéo-comtadin ou judéo-provençal. Ce
provençal a disparu au cours du XIXesiècle lorsque les Juifs sont devenus des citoyens
comme les autres et que les ghettos ont été abandonnés. On n’en a que quelques traces à
travers quelques chansons dont on a retrouvé les textes écrits en alphabet hébreu et
quelques témoignages de leurs descendants installés partout en Provence. Quelques
traits de prononciation et quelques mots hébraïques provençalisés liés aux traditions
religieuses semblent en être les seules particularités.

De rares mots spécifiquement judéo-provençaux à l’origine se sont répandus


en provençal. Mais les deux prénoms les plus emblématiques de la Provence
en proviennent : Magali (magali, variante judéo-comtadine de Magdalena,
en français Madeleine) et Mirèio (milèyò, variante judéo-comtadine de
Myriam, en français Marie), prénom francisé en Mireille. C’est Frédéric
Mistral, dans son long poème Mirèio où se trouve aussi une variante de la
chanson traditionnelle dite Cansoun de Magali (kannsounn dé magali,
chanson de Magali), qui a popularisé ces prénoms en Provence dans la
seconde moitié du XIXesiècle.

LE LUBÉRON ET AVIGNON
Après le Ventoux, on arrive sur les riches plaines agricoles du Comtat
Venaissin, dont n’émerge qu’une autre montagne, Lou Leberoun lou
lébéloung ou leubéloung, le Lubéron. C’est une montagne allongée où sont
nichés des villages parmi les plus célèbres de Provence ainsi que les falaises
d’ocre de Roussillon (en provençal Roussihoun, roussiyoung) tout aussi
renommées. Comme beaucoup de beaux endroits de Provence (les Alpilles, la
côte varoise…), le Lubéron est un peu envahi par les résidences de stars…
C’est dans les plaines comtadines qu’est cultivée la plus grosse partie de la
production fruitière de France ; et c’est à Cavaillon (en provençal Cavaioun,
kavayoung) que se trouvent non seulement les plus célèbres melons de
France (li meloun de Cavaioun li mélounn dé kavayoung) mais aussi le
plus important marché en gros de fruits et légumes de France et de Provence.
Arrivarés pièi à-n-Avignoun, ciéuta di Papo arivaréss pyèï
anavinyoung syéwta di papò, vous arriverez ensuite à Avignon, cité des
Papes. À Avignon (c’est comme ça qu’on dit en Provence), vous pourrez voir :
li bàrri li bari les remparts, lou pont Sant Beneset lou pong
sammbénézé le pont d’Avignon, lou palai di Papo lou palaï di papò le
palais des Papes, lou festenau de tiatre lou fésténaw dé tyatré le festival
de théâtre (et surtout ne manquez pas le festival de théâtre provençal !).

LA FONTAINE DE VAUCLUSE… QUI N’EST PAS UNE


FONTAINE !
Non loin d’Avignon se trouve la très célèbre fontaine de Vaucluse, où Pétrarque
rencontra sa Laure. En fait ce n’est pas une fontaine, mais une source d’un type très
particulier et spectaculaire où l ’eau monte d’une arrivée souterraine comme d’un siphon
inversé. Mais alors pourquoi ce nom de « fontaine » ? Encore une mauvaise traduction
du provençal Font de Vau-Cluso, fònn dé vòwkluzò, car en provençal le mot font (ou
fouant fwang en maritime) signifie à la fois source et fontaine. Traditionnellement, les
fontaines n’amenaient d’ailleurs que de l’eau de source dans ce pays au climat sec et
riche en montagnes pleines de sources.
On remarque au passage que la Vau-Cluso (la vallée fermée) a donné son nom au
département, qui se trouve ainsi être le seul de France, avec le Morbihan (en breton « la
petite mer » = « le golfe du Morbihan »), à avoir un nom en langue régionale.

LE PAYS D’ARLES
Et puis aussitôt, c’est le pays d’Arles (en provençal Arle, arlé), le cœur
symbolique de la Provence. Voici Lis Aupiho liz ówpiyò les Alpilles,
littéralement « les petites Alpes » avec à leur sommet Li Baus li baw les
Baux (dits de Provence), à leur pied d’un côté Sant Roumié sang roumyé
Saint-Rémy et Maiano mayanò Maillane, le village de Frédéric Mistral ; de
l’autre côté la Crau la kraw la Crau, vaste plaine de galets déposés par
l’ancien lit de la Durènço la dulènnsò, la Durance, qui coule depuis la haute
Provence. Arles est célèbre pour ses arènes bâties par les Romains, où l’on
pratique toujours li courso de biòu li koursò dé byòw les courses de
taureaux à la camarguaise ou la corrida espagnole. Les taureaux sont
l’emblème de la Camargo la kamargò la Camargue, vaste zone humide
située dans le delta du Rhône, où courent aussi li chivau camargue li
tsivaw kamargué les chevaux camarguais, que montent li gardian li
gardyang les « gardiens » des troupeaux de taureaux que l’on appelle ici
uno manado unò manadò. Au bord de la mer voici Li Santo li sanntò Les
Saintes (de son nom officiel français la commune Les Saintes-Maries-de-la-
Mer), lieu de pèlerinage pour les Gitans (en provençal li boumian li
boumyang).

Toute une mythologie s’est créée autour de ce monde à part qu’est la Camargue,
dont le bref roman La Bèstio dóu Vacarés la bèstyò dów vakaréss La Bête du
Vacarès de J. d’Arbaud est le chef-d’œuvre le plus accompli.

LE PAYS NÎMOIS
On ne peut pas quitter la Provence du Rhône sans évoquer la région de
Nîmes (en provençal Nime ou parfois Nimes nimé ou niméss), qui bien
qu’historiquement languedocienne a toujours regardé vers le Rhône, la
Camargue et la Provence. Au point qu’entre Uzès, Nîmes et Lunel, on parle
traditionnellement un provençal vécu et souvent nommé comme tel. L’une
des plus célèbres chansons provençales est A la font de Nime a la fònn dé
nimé, à la fontaine de Nîmes, qu’on retrouve avec d’autres paroles dans le
reste du Languedoc. À mi-chemin entre Avignon et Nîmes se trouve le pont
du Gard, aqueduc romain très bien conservé que l’on croit très souvent situé
en Provence. C’est presque vrai, soyons accueillants pour nos frères Nîmois !

LA PROVENCE MARITIME, DE MARSEILLE


À NICE
La Provence maritime s’étend entre la Camargue et Nice, de Martigues (en
provençal Lou Martegue lou martégué) à Antibes (en provençal Antìbou
anntibou). C’est une Provence de petite et moyenne montagne qui tombe
dans la mer, de climat aride et de forêts méditerranéennes, de ports et de
villages perchés. Son arrière-pays, entre Aix, Draguignan et Grasse, fait le
lien avec la haute Provence.

MARTIGUES
Martigues doit son surnom de Veniso prouvençalo vénizò prouvénnsalò,
Venise provençale, aux canaux de son centre ancien, à cheval sur l’isthme qui
fait communiquer l’étang de Berre avec la Méditerranée.

L’ÉTANG DE BERRE, UN ÉTANG QUI N’EN EST PAS UN !


Ce que l’on nomme en français « l’étang de Berre », du nom d’une des communes qui le
bordent, est en fait un golfe, une vaste entrée d’eau de mer entre les terres. En
provençal, on l’appelle d’ailleurs la mar de Berro la mar de bèrò, la mer de Berre. La
commune qui lui donne son nom s’appelle en provençal Berro. Et non pas Berro
l’Estang comme on le voit sur ses panneaux d’entrée, retraduction erronée de son nom
officiel français, Berre-l’Étang ! On tourne en rond…

MARSEILLE
La capitale économique (et aujourd’hui administrative) de la Provence est
Marseille, en provençal Marsiho marsiyò. Ville à part, typée, cosmopolite,
populaire, attachante, virulente, Marseille est protégée par la Boueno
Maire la bwénò maïle littéralement « la Bonne Mère », nom de la Vierge
Marie en provençal, dont la statue domine toute la ville au-dessus du Vieux-
Port (en provençal lou Port-Vièi, lou pòr vyèï ).

On dit aussi la Boueno Mèro la bwénò mèlò sous l’influence du français, forte en
provençal marseillais, où l’on trouve aussi beaucoup de mots d’origine italienne et corse.

À Marseille, on est d’abord marseillais (en provençal marsihés marsiyéss),


ensuite provençal et méditerranéen, éventuellement français… L’histoire de
Marseille est pleine de son esprit frondeur contre la France, puis contre
Paris. Cette identité se manifeste à l’italienne en étant fada dóu baloun
fada dów baloung fan de football (enfin, de l’Olympique de Marseille !).
Entre Marsiho e Cassis manqués pas lei calanco, énntré
marsiyékassi mangkéss pa léï kalangkò, entre Marseille et Cassis ne
manquez pas les « calanques », ces criques de mer transparente où plongent
des falaises blanches.

AIX
La véritable capitale historique de la Provence, c’est z-Ais zaï, en français
Aix, dit « en Provence ». Dans le vieil Aix, tóuti lei carriero an soun
noum en prouvençau touti léï karyélò ang soung noung éng
prouvénnsaw, toutes les rues ont leur nom en provençal, à commencer par
la plus célèbre, lou Cous lou kouss, le Cours (dit « Mirabeau »). z-Ais vilo
d’aigo zaï vilò d’aïgò, Aix ville d’eau, qui lui doit son nom, est riche en
fontaines superbes (z-Ais vient du latin aquae sextiae, les eaux de Sextius,
du nom du Romain qui l’a fondée). En provençal, les habitants d’Aix
s’appellent d’ailleurs li Sestian li séstyang et li Sestiano li séstyanò, de
Sextius.

Le z initial ajouté en provençal au nom d’Aix vient de l’habitude de dire de-z-Ais ou


à-z-Ais (dézaï, azaï) pour dire « d’Aix, à Aix » en évitant comme on l’a vu plus haut le
contact de deux voyelles et la réduction à une seule syllabe. On dit pareillement de-z-
Ate, à-z-Ate (d’Apt, à Apt) ou, avec une autre consonne d’appui, à-n-Arle, à-n-
Avignoun. Mais on dit Apt, Arles, Avignon. Pourquoi z-Ais alors ? Probablement à
cause de la syllabe unique et… de la fréquence avec laquelle on a longtemps parlé de la
capitale où tout se passait (tribunal, parlement, comte, gouverneur…).

Le pays d’Aix est dominé par la montagne Sainte-Victoire, nom issu d’une
mauvaise adaptation (voir plus haut) du provençal lou Mount Ventùri lou
moum vénntuli, mais superbe massif qui a tant inspiré Cézanne, le peintre
aixois. Au sommet se trouve la Crous de Prouvènço la krouss dé
prouvènnsò, la Croix de Provence.
LA SAINTE-BAUME ET TOULON
En redescendant vers la mer et vers Toulon, on longe la Santo Baumo la
sanntò bawmò, la Sainte-Baume, montagne qui doit son nom à une grotte
(en provençal, uno baumo), dans laquelle se serait réfugiée Marie-
Madeleine, la disciple de Jésus-Christ, pour y finir sa vie. Du sommet à mille
mètres d’altitude, on embrasse la côte de Marseille jusqu’à Hyères.
Toulon, en provençal Touloun touloung, port militaire, marque le début de
la côte provençale au climat le plus privilégié, où poussent en plus de la vigne
et de l’olivier (la vigno e l’óulivié la vinyélówlivyé), le citronnier et le
palmier (lou citrounié e lou paumié lou sitrounyé lou pòwmyé ).

LES MAURES ET L’ESTÉREL


Après Toulon, deux massifs montagneux bordent la mer : Lei Mauro léï
maulò les Maures ; l’Esterèu, l’éstélèw l’Estérel. Aqui, la roco es plus
blanco, es roujo aki la ròkéss plu blangkò éss roudjò, là la roche n’est plus
blanche, elle est rouge. À la végétation s’ajoute lou suve lou suvé le chêne-
liège et lou castagnié lou kastanyé, le châtaignier. C’est là qu’on cultive les
célèbres marroun dóu Lu marounn dów lu, marrons du Luc, les plus
belles châtaignes de France. Au large d’Hyères se trouve un paradis sur terre,
leis ilo d’Or léïz ilò dòr les iles d’Or.
Le Var est le département le plus boisé de France métropolitaine (à
l’exception des Landes, de plantation artificielle). C’est aussi celui où sont
concentrés le plus grand nombre de sangliers, sauf à faire ombrage à nos
amis Corses, mais en Corse, ce ne sont pas des sangliers, ce sont des cochons
sauvages. Encore qu’en provençal on les appelle lei pouarc léï pwar,
littéralement « les porcs ».

MÈFI LOU FUE ! MÈFI LOU FUÉ ATTENTION AU FEU !


En Provence, chaque été, lei bouas cremon léï bwass crémoung les forêts brûlent. Le
climat très chaud et très sec, les vents puissants dont lou mistrau lou mistraw le
mistral, lei pin e sei pigno léï ping é séï pinyò les pins et leurs pommes, la garrigue,
tout acò pren fue facilamen toutakò prénm fué fassilaméng tout cela prend feu
facilement. Leis encèndi engoulisson puei de miliasso d’eitaro de bouas e de
garrigo léïs énnsènndi énngoulissoun puéï dé milyassò d’ éïtalò de bwaz é dé garigò
les incendies engloutissent alors des milliers d’hectares de forêts et de garrigues. Parfois
même, d’oustau, de bèsti, de gènt, de poumpié d ’oustaw dé bèsti dé djèng dé
poummpyé des maisons, des bêtes, des gens, de pompiers… Il faut faire très attention à
la moindre étincelle, au moindre bout de verre, aux mégots…

L’ARRIÈRE-PAYS VAROIS
Lou couar prouvençau lou kwar prouvénnsaw : « le cœur provençal ».
C’est ainsi qu’on appelle l’arrière-pays varois, qui s’étend entre Aix et
Draguignan, avec Saint-Maximin (en provençal Sant Meissimin sang
méïssiming), Brignoles (Brignolo, brinyòlo). Au nord, il englobe le plateau
de Canjuers (lou plan de Canjuès lou plann dé canndjuèss) jusqu’aux
gorges du Verdon, où commence la haute Provence. Pays de vallées, de
montagnes et de forêts, relativement protégé de l’urbanisation touristique
qui a rogné la côte, ne comptant aucune grande ville, lou couar
prouvençau a conservé ses villages typiques, sa vie rurale organisée autour
de la vigne et de l’olivier, sa culture, ses fêtes, ses traditions.

Le haut Var est l’un des bastions de la pratique du provençal avec le pays d’Arles et
les montagnes du Vaucluse. C’est là que vous entendrez le plus facilement des gens du
pays parler provençal entre eux et, peut-être, accepter de vous aider à le parler.

LA « CÔTE D’AZUR »
L’essor du tourisme a donné à la côte méditerranéenne, de Saint-Tropez (en
provençal Sant Troupés sann troupé ou sann troupéss) jusqu’à Menton
(en mentonasque Mentan ménntang) une célébrité mondiale, sous le nom
de Côte d’Azur (qu’on ne sait pas bien dire en provençal !). La partie
provençale de cette côte s’étend jusqu’à Antibes et Vence. Quand on traverse
le fleuve Var, on arrive à Nice et dans l’ancien comté de Nice. Ici, leis Aup
cabusson dins la mar leïz aw kabussounn ding la mar les Alpes plongent
dans la mer, les montagnes sont hautes, les villages perchés plus haut, les
routes suivent des gorges et des corniches vertigineuses, le climat est encore
plus doux mais plus humide que vers Marseille. Et la côte est envahie de
palaces, de villas de luxe, de stars… Le Festival de Cannes en attire chaque
année.
C’est parce qu’on a créé en 1860 le département des Alpes-Maritimes lors du
rattachement du comté de Nice à la France qu’on a séparé les arrondissements de
Grasse et de Cannes du reste du Var et des départements provençaux. Voilà pourquoi le
fleuve Var ne coule plus dans le département qui porte son nom !

LA PROVENCE MONTAGNARDE, DE DIGNE


À SISTERON
La haute Provence (Nauto-Prouvènço nawtò prouvènnsò) se dévoile petit
à petit en remontant par la vallée de la Durance à l’ouest ou par le Chemin de
Fer de Provence qui longe le fleuve Var depuis Nice.

LES RIVIÈRES
Durènço, Ubaio e Blèuno dulènnsò ubayò e blèwnò Durance, Ubaye et
Bléone, sont les trois principaux cours d’eau dont les vallées ont permis la
circulation entre haute et basse Provence. C’est par eux que sont descendus
les Gavots quittant leurs montagnes, que sont remontées dans les Alpes les
façons de parler le provençal du sud, tout cela au détriment du provençal
alpin qui a reculé sur les hauteurs, au nord et à l’est de Sisteron et Digne,
vers Gap, Barcelonnette et Embrun.

Du Moyen Âge jusqu’à l’intégration complète de la Provence dans la France en


1790, les divisions religieuses des territoires jouaient un rôle très important. La province
ecclésiastique d’Embrun (près de Gap) couvrait toute la Provence orientale jusqu’à
Grasse et Nice, et la province d’Aix allait jusqu’à Fréjus et Gap. C’est un élément de plus
qui explique les relations linguistiques et culturelles étroites entre la région du
provençal alpin et la basse Provence.

AUTOUR DE MANOSQUE
Entre Forcalquier, Manosque et Castellane (Fourcauquié, Manosco,
Castelano fourkòwkyé, manòsko kastélanò), lou plan de Valensolo lou
plann dé valénnsòlo le plateau de Valensole s’étend au-dessus des gorges du
Verdon et du lac de Sainte-Croix (lou lau de Santo Crous lou law de
sanntò krouss). Es lou païs de la lavando èss lou payiss dé la lavanndò,
c’est le pays de la lavande et d’une Provence plus austère, celle de Giono. On
y trouve les ciels les plus purs de France, raison pour laquelle y a été installé
l’Observatoire de haute Provence, que miro leis estello ké milò léïs éstèlò
qui regarde les étoiles. On y parle un provençal méridional proche de celui
d’Aix ou de Draguignan, mais on s’y sent gavot, et comme dit le proverbe
Gavouot, l’es pas qu vouò gavwò lèsspa ku vwò Gavot, ne l’est pas qui
veut !

LES ALPES PROVENÇALES


E puèi remountarés vers Sisteroun o vers Digno, e puèi mai vers
Gap o Barcilouneto é puèï rémounntaléss vèr sistéloung ò ver dinyò é
puèï maï ver ga ò barsilounétò et puis vous remonterez vers Sisteron ou vers
Digne et puis encore vers Gap ou Barcelonnette. Et là peut-être entendrez-
vous ce provençal gavot plein de consonnes finales, de tch et de ch, et même
de r roulés… Les Alpes y sont hautes, les paysages n’ont plus de
méditerranéen que l’ensoleillement et la sécheresse (les plus forts de France
sont à Briançon), les maisons ne sont plus d’oustau cubert de téule
doustaw kubèr dé téwlé des maisons couvertes de tuiles mais de meisous
cubertos de lauvos dé meijous cubèrtòs dé lawvòs des maisons couvertes
de « lauzes », ces tuiles de pierre (hélas si souvent remplacées par de la tôle
ondulée !). On y voit même des vachos vatchòs et on y vit dans la neige
l’hiver, bovins et climats si exotiques en basse Provence !
CHAPITRE 3
RENCONTRER LES PROVENÇAUX
Dans ce chapitre :

Saluer, se présenter
Engager une conversation en provençal
Formules de politesse

STÉRÉOTYPES ET « VIDO VIDANTO »


La vido vidanto la vidò vidanntò est une expression pour dire « la vie
concrète », celle qu’on mène tous les jours, par comparaison avec lou fum
de tèsto lou funn dé tèstò les idées abstraites qu’on se fait (littéralement la
fumée de la tête).

Si vous voulez réellement rencontrer des Provençaux pour espérer découvrir leur
langue avec eux, il va falloir abandonner quelques stéréotypes, surtout qui proviennent
d’une mauvaise compréhension de leur(s) langue(s) et de leur(s) culture(s).

Nous allons voir juste après que pas mal des conventions culturelles propres
à la politesse provençale et aux règles d’usage linguistiques sont différentes
de celles des autres Français, surtout de ceux « du Nord » comme on dit en
Provence, c’est-à-dire de tous ceux qui sont au nord de la Provence,
Auvergnats, Lyonnais et Grenoblois compris !
Mais commençons par quelques stéréotypes non linguistiques. Les
Provençaux seraient (comme la plupart des Méditerranéens) des gens lents,
fainéants, peu fiables… Eh bien, sachez que les Provençaux ont effectivement
en commun avec beaucoup d’autres Méditerranéens… un rythme de
comportement rapide, une façon d’être énergique et que c’est cela qui est
valorisé dans leur culture. Ils trouvent souvent les « gens du Nord » (au sens
provençal, les Chtis en étant d’ailleurs exemptés) mous, lents, pas assez
énergiques (par comparaison, tout étant relatif !). Il suffit de regarder la
conduite automobile ou une conversation à Marseille, Alger ou Naples pour
voir de quoi il s’agit…
Il y a en provençal de nombreux mots et expressions pour se moquer des
gens peu actifs. La condamnation qui tombe le plus souvent étant que
santoun ! ké sanntoung littéralement « quel santon ! » (ce qui se dit
d’ailleurs tel quel en français de Provence), allusion à ces « petits saints »
(sens étymologique) de plâtre toujours immobiles et les pieds collés dans
leur socle.
Quant à la question de la fiabilité, elle nous amène déjà vers les pratiques
linguistiques. Une règle de politesse de base, encore plus développée au sud
de la Méditerranée, est d’être amical et accueillant pour ses interlocuteurs. Il
est grossier, en Provence et en provençal, de se montrer distant avec les gens.
Alors on leur parle comme à des amis, on les embrasse, on rit, on parle de
façon très imagée (d’où la réputation erronée d’exagération chronique)…
mais ce ne sont pas pour autant de vrais amis, de ceux qui ont le droit
d’entrer à la maison et à qui l’on peut parfois confier des sentiments moins
gais.
La maison provençale est un espace de grande intimité : les relations
« ordinaires » ont lieu dehors, sur la place publique ; et les Provençaux, sous
l’apparence d’une parole exubérante, sont des pau-parlo pòwparlò des
« parle-peu » dès lors qu’il s’agit de sentiments, d’états d’âme sensibles.
Sachez respecter cette grande pudeur, un peu fière et susceptible, et faire la
part des choses.

À partir de ce point de notre ouvrage, où je vais vous proposer beaucoup d’énoncés


en provençal, je donne d’abord la forme en provençal rhodanien et ensuite, précédé de
l’icône « Info culturelle » l’équivalent en provençal maritime (lorsqu’il y a une différence
notable uniquement). De temps en temps, vous trouverez l’équivalent en provençal alpin
et ce sera indiqué clairement.

LES RITUELS DE SALUTATION


Quand on rencontre quelqu’un que l’on connait, ce qui est forcément le cas si
l’on s’adresse à cette personne en provençal, on prend directement de ses
nouvelles :
Ve, coume vai ?
ve, koumé vaï

Ve coumo va ?
vé koumò va
Tiens, comment ça va ?

Coume vai lou biais ?


koumé vaï, lou byaï

Coumo va lou biais ?


koumò va, lou byaï
Comment ça va, la santé ?

Vai bèn ! Acò vai !


vaï bèng akò vaï
Ça va bien ! Ça va !
Fasèn ana
fazèng ana

Fèn ana !
fèng ana
On fait aller !

En provençal, on se touche ! On ne peut pas parler aux gens sans faire des gestes ni
sans maintenir le contact physiquement, par une main sur le bras, une tape sur l’épaule,
voire plus si affinités… C’est d’ailleurs surtout le cas entre personnes du même sexe (y
compris entre hommes). On a plus de retenue entre sexes différents, sauf si…

En revanche, on se serre la main quand on fait connaissance ou quand on ne


s’est pas vus depuis longtemps, mais pas tous les jours.
Entre personnes qui se connaissent bien et qui se tutoient, on peut dire :
Hòu ! Moun bèu ! Ounte vas coume acò ?
òw moum bèw ounnté vass koumakò

Hòu Moum bèu ! Mounte vas coumo‘cò ?


Hòu ! Moun bèu ! Mounte vas coumo ‘cò ?
òw moum bèw mounnté vass koumò kò
Salut (mon beau) ! Où vas-tu comme ça ?

Adiéu, ma bello !
adyéw ma bèlò
Salut, ma belle !

Les salutations Hòu et Adiéu ne s’emploient qu’avec des personnes que l’on
tutoie. Attention, adiéu veut dire bonjour. On peut y répondre par le même mot, seul
ou accompagné du prénom ou encore comme ci-dessus d’un terme affectueux.

Quand on ne connait pas encore la personne que l’on rencontre, il faut se


présenter :
Bonjour, madamo, moussu…
bòndzour madamò moussu

Bounjou madamo, moussu…


boundjou madamò moussu
Bonjour madame, monsieur…

Me dison…
mé dizoung

Mi dien…
mi dyéng
Je m’appelle…

Rèste à…
rèsté a

Rèsti à…
rèsti a

en provençal alpin Rèstou à…


rèstou a
J’habite à…

Siéu en vacanço dins lou caire pèr quàuqui jour.


syéw énm vakannsò ding lou kaïlé pèr kawki dzour
Siéu en vacanço dins lou caire pèr quàuquei jou.
syéw énm vakannsò ding lou kaïlé pèr kawquéï djou
Je suis en vacances dans le coin pour quelques jours.
On parle ici aussi de la pluie et plus souvent du beau temps :
Mais pour ça, voyez le chapitre 4 !
Pour se quitter :
Anen, zóu, ié vau !
anèng, zou, yé vòw

Anen, zóu, li vau !


anèng, zou, li vòw
Bon, allez, je m’en vais !

Chau tchaw Salut

Au revèire òw révèïlé Au revoir

Adessias adéssiass Au revoir, adieu

À bèn lèu a bèng lèw À bientôt

À deman a démang À demain

À tout aro a toutalò À tout à l’heure

Bono journado bònò dzournadò Bonne journée

bwanò djournadò Bonne journée


Bouano journado

Bono niue bònò nyeu Bonne nuit

bwanò nué Bonne nuit


bouano nue

Gramaci gramassi Merci


Tambèn pèr tu tammbèmm pèr teu À toi aussi

Tambèn pèr vous tammbèmm pèr vous À vous aussi (à une personne que l’on vouvoie)

Tambèn pèr vautre tammbèmm pèr vawtré À plusieurs personnes

Tambèn pèr vautro tammbèmm pèr vawtrò À plusieurs personnes de sexe féminin

Se touca la man
sé touka la mang
Se serrer la main

Pour les pronoms équivalant au français me, te, se, on dit dans la plus grande partie
de la Provence me, te, sé (mé té sé). Tout le long de la côte de Marseille à Fréjus, on dit
mi, ti, si. Le provençal maritime a donc les deux formes et tout le monde les comprend
bien sûr partout.

S’embrassa
sémmbrassa
Se prendre dans les bras (sans forcément un contact des lèvres)
Tè, vous fau un poutoun
tè, vou fòw um poutoung
Allez, je vous fais une bise

Traditionnellement, on ne se serre la main qu’entre hommes. Aux femmes ou entre


femmes, on fait un signe de tête et un sourire, ou la bise (deux le plus souvent), voire
plus si affinités…

ENTAMER LA CONVERSATION
Fasès escuso…
fazèz éskuzò

Fès escuso…
fèz éskuzò
Excusez-moi…

Se vous destourbe pas trop…


sé vou déstourbé pas trò

Se vous destóurbi pas tròu…


sé vou déstourbi pas tròw
Si je ne vous dérange pas…

Vous vourriéu demanda…


vou vouryéw démannda
Je voudrais vous demander…

on dit aussi vous voudriéu…


(vous voudriyéw)

Siouplè
syouplè
S’il vous plait

Ce mot emprunté au français est parfois remplacé par son calque en provençal se
vous plais sévouplaï.

PARLER PROVENÇAL…
On l’a déjà dit : ça ne se fait pas (ou plutôt, ça ne se fait plus) de parler
provençal à quelqu’un qu’on ne connait pas, car on n’est pas sûr que la
personne l’accepte ou en soit capable. Il faut donc tâcher de faire
comprendre petit à petit à la personne qu’on souhaite passer au provençal.
Pour cela, on parsème la conversation de petits bouts de provençal (dans les
salutations, à propos du temps qu’il fait…), expressions, dictons, et on voit si
la personne se prend au jeu. On rencontre alors souvent les phrases
suivantes :
Héu, sabès parla prouvençau ?
éw sabèss parla prouvénnsaw
Hé ! vous savez parler provençal ?
Iéu lou coumprene bèn mai lou parle gaire.
yéw lou koummpréné bèng maï lou parlé gaïlé
Iéu lou coumprèni bèn mai lou pàrli gaire.
yéw lou koummprèni bèng maï lou parli gaïlé

en provençal alpin : Iéu lou coumprènou bèn mai lou pàrlou gaire.
yéw lou koummprènou bèng maï lou parlou gaïlé

Moi je le comprends bien mais je le parle peu.


Es pas bèu de parla patouas.
éss pa bèw dé parla patwa
C’est pas beau de parler patois.
Lou prouvençau es pas un patouas, es uno bello lengo.
lou prouvénnsaw éss pa umm patwa éz unò bèlò léng-gò
Le provençal, c’est pas un patois, c’est une belle langue.
M’agrado lou prouvençau.
magradò lou prouvénnsaw
Ça me plait, le provençal.

En provençal, le verba ama ama (en maritime eima éïma) n’est employé qu’à
propos des gens, parfois des animaux de compagnie. Pour le reste, pour exprimer un
goût plus qu’un amour, on emploie le verbe agrada agrada (plaire). On peut bien sûr
insister sur un très grand amour pour telle ou telle chose en utilisant à sa place le verbe
ama/eima.

Nautre parlan pas lou prouvençau vertadié.


nawtré parlamm pa lou prouvénnsaw vertadyé Nous autres nous ne
parlons pas le vrai provençal.
L’a ges de marrit prouvençau.
ya dzéss dé mari prouvénnsaw
L’a gié de marrit prouvençau.
la djyé dé mari prouvénnsaw
Il n’y a pas de mauvais provençal.
Proverbes et dictons sur la langue et la parole (les lettres TL
signifient traduction littérale et FC traduction en français commun).
A coumo lou tambour de Cassis, un sòu pèr coumença e dès pèr
l’aplanta.
a koumo lou tammbour dé kassi unn sòw pèr kouménnsa é dèss pèr
l’aplannta
Il est comme le joueur de tambour de Cassis, un sou pour le faire commencer
et dix pour l’arrêter (TL) il est très bavard (FC).
Quau parlo pas parlo trop (Qu parlo pas parlo tròu)
kaw parlò pa parlò trò (ku parlò pa parlò tròw)
Qui ne parle pas parle trop (TL) ne pas parler en dit plus qu’on ne souhaite
(FC).
Ni parlo ni siblo.
ni parlò ni siblò
Ni il parle ni il siffle (TL) c’est un individu grossier (FC).
Metre ni sau ni òli.
mètré ni saw ni òli
Mettre ni sel ni huile (TL) parler crûment (FC).
Rena coume un poudaire.
réna koumumm poudaïlé
Jurer comme un tailleur de vigne (TL) jurer vertement (FC).

POLITESSE ET FAÇONS DE PARLER EN


PROVENÇAL
Pour toute langue, il y a des règles d’usage dans la communauté culturelle
qui la parle. Les façons de parler provençales, rendues célèbres par le
français parlé en Provence (par exemple dans les films de Pagnol), sont
marquées par un style direct, simple, un vocabulaire de l’action (plus de
verbes concrets que de noms abstraits), beaucoup de mises en relief, une
expression imagée et souvent humoristique (beaucoup de métaphores et de
comparaisons proverbiales ou inventées), un aspect populaire sans être
vulgaire. L’écriture du provençal s’étant mise en place sans construction
d’une norme académique, on retrouve ces façons de dire et cette expressivité
populaire jusque dans les textes des grands écrivains.
Les Provençaux ont la réputation d’exagérer, de parler beaucoup et de ne pas
être très sérieux. Cette réputation fausse est tout simplement due au fait que
les Franchimand franntchimang (mot provençal pour désigner les
« Français du Nord », c’est-à-dire d’au-dessus de Montélimar) ont mal
interprété leurs façons de dire, qu’ils ont prises au pied de la lettre.
À l’inverse, s’exprimer en provençal de façon froide, précise, abstraite ou
châtiée est une grossièreté : c’est perçu par les Provençaux comme un
snobisme distant et méprisant. C’est d’ailleurs par le même effet inverse de
mauvaise interprétation des habitudes culturelles de l’expression que les
Franchimand (dont le symbole est le Parisien !) ont en Provence la
réputation d’être des « prétentieux » et des gens « froids ».

LES GROS MOTS, C’EST TENTANT !


Quand on apprend une langue, on aime bien savoir aussitôt dire des gros mots. Voici
quelques injures et exclamations expressives en provençal (à manier avec précaution !).
Pour s’exclamer, on a le fan ! fang très correct (littéralement « fils ») et ses
compléments pas grossiers comme fan de chichourlo ! fann dé tchitchourlò
(littéralement fils de jujube !) ou fan de piè ! fann dé pyé (littéralement fils d’un sou).
Plus hard : fan de putan fann dé peutang (littéralement « fils de putain », mais
attention c’est une exclamation, pas une injure). L’exclamation la plus grossière est
facho de coun ! ! fatchò dé coung (littéralement « face de vagin ») abrégé en facho
de… ! pour l’alléger un peu (facho est un emprunt à l’italien faccia, cette exclamation
étant d’origine marseillaise). Dans le soft , il y a boudi ! boudi (littéralement « bon
Dieu ») ou couquin ! kouking (coquin) avec des compléments comme couquin de
sort koukinn dé sòr ou couquin de Diéu koukinn dé dyéw (coquin de destin, coquin
de Dieu).
Pour une injure grossière, on peut traiter un homme ou une femme de bourdiho
bourdiyò (ordure) ; une femme de vièio sartan vyèyò sartang (vieille poêle à frire) ;
un homme d’enfant de puto émmfann dé putò (fils de pute). Moins vulgaires :
marrias maryass et au féminin marriasso maryassò (mauvais-e).
Pour rejeter quelqu’un grossièrement, on peut lui dire me fas caga mé fass kaga (tu
me fais chier) ou l’envoyer ailleurs avec : vai te faire uno soupo d’esco vaï té faïlunò
soupò déskò (va te faire une soupe de vers de vase). Ou encore avec va fancoulo va
fang koulò (littéralement va te faire enculer, emprunté à l’italien). Inépuisable est la
série vai caga à… (va chier à…) que l’on complète selon les lieux, le plus passe-partout
étant vai caga à la vigno vaï kaga la vinyò (va chier dans la vigne). Pas vulgaire : tout
simplement vai te coucha vaï té koutcha (va te coucher).
Il y en a évidemment beaucoup d’autres que les Provençaux se feront un plaisir de vous
faire découvrir…
À cela s’ajoute le fait que nombre de mots dont les équivalents français sont
vulgaires sont simplement familiers en provençal, puisque les règles de la
politesse provençale exigent une apparente familiarité. En provençal (et en
français de Provence), des mots comme couioun, pissa, putan !
kouyoung pissa peutang (ou couillon, pisser, putain…) sont aussi courants
que « idiot, cracher, ça alors ! » en français d’ailleurs. Mais bien sûr tout peut
changer à l’intérieur de la société provençale. Il y a une bourgeoisie qui singe
les Parisiens (on les appelle les fiòli fyòli) et qui préfère se plier aux
habitudes et aux regards « franchimand ».
Il y a aussi l’influence de plus en plus forte de la francisation culturelle des
Provençaux par les médias, par les normes imposées, par le contact avec tous
les habitants venus d’ailleurs en France.
Il est d’ailleurs fréquent de lire dans le néoprovençal de militants de bonne
volonté des phrases compliquées directement calquées du français ampoulé
si fréquent à l’écrit.
Voici deux exemples :
« Ce véhicule constitue pour lui un investissement d’opportunité » se dira
plutôt A capita ‘no bravo chanço de si paga aquelo veituro a kapita
nò bravò tchannsò dé si paga kélò véïteulò, littéralement, il a réussi une
sacrée chance de se payer cette voiture.
J’ai lu il y a quelques années cette phrase dans un magazine provençaliste
militant :
L’urgènci de crea uno estruturo permanènto de proupousicioun e
d’acioun pèr proumòure la lengo e la culturo regiounalo dins
nosto regioun escapara de segur en degun (désolé je ne vous en donne
pas la prononciation parce que… ça m’écorche trop les oreilles !).
Il est évident que c’est un calque du français « l’urgence de créer une
structure permanente de proposition et d’action pour promouvoir la langue
et la culture régionales dans notre région n’échappera bien sûr à personne ».
En provençal bio (voire sauvage !), on dirait plutôt :
Se voulèn buta à la rodo pèr la lengo e la culturo en Prouvènço, es
clar coume l’aigo : fau lèu-lèu que s’esquichen pèr basti un biais
d’oustau que tèngue e d’ounte mandaren d’idèio e se boulegaren
(ce qui se traduirait littéralement par : Si nous voulons pousser à la roue
pour la langue et la culture en Provence, c’est clair comme l’eau : il faut vite
vite que nous nous y mettions pour construire une sorte de maison qui
tienne et d’où nous lancerons des idées et nous nous bougerons).
Et ça, je peux vous en donner une prononciation :
sé voulèmm buta la ròdo pèr la léngg é la kultulò émm prouvènnsò éss klar
koumé laïgò fòw lèw lèw ké séskitchémm pèr basti un byaï doustaw ké
tènn-gué é dounnté manndalénn didèyò é sé boulégaléng

NE DITES PAS « DIX-HUIT HEURES VINGT-DEUX »


En provençal, on exprime plutôt le ressenti que l’on a des choses que leur froide
précision. On ne dit pas « il est dix-huit heures vingt-deux », on dit es sièis ouro e
miejo syéïzoulémyédjò (six heures et demie) ou es sièis ouro e quart syéïzoulé kar
(six heures et quart) en arrondissant (au-dessus ou au-dessous selon le sentiment que
l’on a d’avoir du temps ou non). Il sera d’ailleurs très étrange de dire dès-e-vuech
ouro vinto-dous dèzévuétchoulò vinntòdous (y compris parce qu’on compte les
heures de 1 à midi et de 1 à minuit, sans jamais dépasser 11).
C’est cette façon « affective » et peu précise d’exprimer les quantités, transférée en
français de Provence, qui a conduit à croire que les Provençaux exagèrent (du point de
vue de ceux qui prennent l’expression des quantités au pied de la lettre).
CHAPITRE 4
LE TEMPS ET L’ESPACE
Dans ce chapitre :

Les saisons, la météo


Les semaines, les mois, la date
S’orienter, demander son chemin

LE TEMPS QU’IL FAIT


Oui bien sûr, en Provence, il fait toujours soleil. Ou presque… Ça n’empêche
pas les gens de parler du beau temps et du mauvais temps.
Fai bèu
faï bèw
Il fait beau.
M’ensuco aquéu soulèu !
m’énnsuk akéw soulèw
Il m’assomme ce soleil !
Fai caud
faï caw
Il fait chaud

LOU SOULÈU MI FA CANTA LOU SOULÈW MI FA


KANNTA
Cette phrase qui signifie « le soleil me fait chanter » (ici en provençal maritime) est
probablement la plus célèbre de Provence. On l’associe à la cigale, cet insecte
méditerranéen si typique qui émet un « chant » lancinant (kss kss kss kss kss…) à
condition qu’il fasse beau et chaud : tout au long des journées d’été ensoleillées. Méfiez-
vous quand même, parce qu’en provençal, on est spécialiste des répliques à tiroirs… Et si
l’on veut s’amuser, à quelqu’un qui dit lou soulèu me fai canta (ici en provençal
rhodanien), on répond e tu me fas susa é tu mé fass sasaet toi, tu me fais suer !

Fai fre
faï fré
Il fait froid
Boufo lou vènt
boufò lou vèng
Le vent souffle
M’agrado pas la plueio
magradò pa la pluèyò
Je n’aime pas la pluie
Fai un brave levant, tout aro vai plòure
faï umm bravé lévang toutalò vaï plòwré
Il fait un sacré vent d’est, il va bientôt pleuvoir
Uno raisso
unò raïssò
Une averse violente
Fai un mistrau à derraba la co is ase
faï um mistraw a déraba la kò iz azé

Fa un mistrau à derraba la coua eis ai


fa um mistraw a déraba la kwa éïz aï
Il souffle un mistral à décorner les bœufs (« à arracher la queue aux ânes »)

Plòu de farrat
plòw dé fara
Il pleut à verse (« des seaux »)
Toumbo de pèiro de moulin
toumbò dé pèïlò dé mouling
Il pleut énormément (« il tombe des pressoirs de moulins »)
Lou cèu se tapo, se destapo
lou sèw sé tapò, sé déstapò

Lou ciele si tapo, si destapo


lou syélé si tapò, si déstapò
Le ciel se couvre

Aquéli nivo marcon de chavano


akéli nivò markounn dé tsavanò

Aquélei niéu marcon de chavano


akéléï nyéw markounn dé tchavanò
Ces nuages annoncent l’orage

Tounèro e lamp van peta


tounèlélamm vamm péta
Tonnerre et éclairs vont éclater

La Provence est un pays de vent et de pluies violentes (mais brèves !) à certaines


saisons. En quantité, il y a davantage de jours de vent en Provence qu’en Bretagne et
autant de pluie…

Des vents de Provence :


lou mistrau lou mistraw, le mistral : vent du nord, nord-ouest qui apporte
le beau temps et le froid l’hiver, qui souffle fort et sans répit pendant
plusieurs jours et plusieurs nuits. Un coup de mistral est uno mistralado
unò mistraladò.
lou vènt larg lou vèng lar, le vent de mer : vent du sud qui apporte des
tempêtes d’un genre un peu tropical, qu’on appelle des largado largadò, sur
la côte.
lou levant lou lévang : le vent d’est, qui apporte la pluie sur la côte.
la cisampo la cizammpò, la bise : vent froid qui vient des Alpes, en haute
Provence.

LE TEMPS QUI PASSE


Quant es d’ouro ?
kanntésdoulò
Quelle heure est-il ? (littéralement « combien il est d’heures ? »)
Es tres ouro manco dès
ess tréz oulò mang-kò dèss
Il est trois heures moins dix
Pour en savoir davantage sur comment dire l’heure, voir l’encadré au chapitre 3
« Ne dites pas dix-huit heures vingt-deux ».

lou jour
lou dzour

lou jou
lou djou
le jour

Es uno bello journado

ez unò bèlò djournadò


C’est une belle journée

lou matin
lou mating
le matin
l’après-dina ou l’après-dinado
laprédina, laprédinadò
l’après-midi (littéralement l’après-repas du midi)
lou vèspre ou lou sero
lou vèspré, lou sélò
le soir

On dit aussi lou souar swar avec un emprunt au français fréquemment utilisé.

la niue
la nyeu

la nue
la nué
la nuit
La semano la sémanò la semaine

dilun dilung lundi

dimars dimar mardi

dimècre dimèkré mercredi

dijòu didjòw jeudi

divèndre divènndré vendredi

dissate dissaté samedi

dissato dissatò samedi

dimenche dimènntché dimanche

diminche diminntché dimanche

Dans certaines parties des Alpes, les noms des jours ne sont pas composés avec di-
(du latin dies, le jour). On a donc les noms suivants : luns, mars, mècres, jòus,
vèndres, sandes, mais on garde en général dimenge ou dimenche sous influence du
français comme langue religieuse.

LES MOIS DE L’ANNÉE

Lou mes lou méss Le mois

Janvié djanvyé Janvier

Febrié fébriyé Février

Mars mar Mars

Abriéu abriyéw Avril

Mai maï Mai


Jun djung Juin

Juliet djulié ou djuyé Juillet

Avoust avou ou avouss Août

Setèmbre setèmmbré Septembre

Óutobre ówtòbré Octobre

Nouvèmbre nouvèmmbré Novembre

Desèmbre dézèmmbré Décembre

L’annado lanadò L’année

Sian lou 25 de desèmbre 2010


siang lou vinntò sinn dé dézèmmbré dous milò dèss
On est le 25 décembre 2010
Sesoun de Prouvènço :
sézounn dé prouvènnsò
Saisons de Provence :

Lou printèms lou prinntèng le printemps

L’estiéu léstyéw l’été

L’autouno l’òwtounò l’automne

L’ivèr livèr l’hiver

en provençal alpin l’uvèrt luvèrt

S’ORIENTER ET DEMANDER SON CHEMIN


Fasès escuso moussu, me poudès ensigna ounte es lou castèu ?
fazèz éskuzò moussu, mé poudèss énnsinya ounntéss lou kastèw

Fès escuso moussu, mi poudès ensigna mounte es lou castèu ?


fèz éskuzò moussu, mi poudèss énnsinya mounnté èss lou kastèw
Excusez-moi monsieur, pouvez-vous me dire où est le château ?
Mountas tout dre après la placeto, lou castèu sara a man drecho.
mounntass tou dré aprè la placètò lou kastèw sara mann dretsò

mounnta tou dré aprè la placètò lou kastèw sala mann dretchò
Montez tout droit après la placette, le château sera sur votre droite.

Cerque lou camin de la mar.


sèrké lou kaminn dé la mar

Cèrqui lou camin de la mar.


sèrki lou kaminn dé la mar
Je cherche le chemin de la mer.

Pèr ana à…
pèr ana…
Pour aller à…
Es aqui.
ézaki
C’est ici.
Ounte ? Mounte ?
ounnté mounnté

En Provence orientale, on dit surtout ente


énnté
Où ?

La drecho vo la gaucho ?
la drétchò vò la gawtchò
La droite ou la gauche ?
Darrié o davans ?
daryé o davang
Derrière ou devant ?

LES POINTS CARDINAUX


Les quatre points cardinaux ont en provençal, traditionnellement, des noms liés à la
position du soleil :
Pour le nord, l’uba luba(du latin opacus , sans lumière).
Pour le sud, lou miejour ou miejou myédzour, miédjou (le midi, là où est le soleil au
milieu du jour).
Pour l’est, lou levant lou lévang(là où le soleil se lève).
Pour l’ouest, lou pounènt lou pounèng (là où le soleil se pose, c’est-à-dire se couche).
Les noms officiels nord, sud, est, ouest qui se sont répandus dans le monde entier à
partir d’usages germaniques sont peu utilisés en provençal, où ils posent des problèmes
d’adaptation à la prononciation à cause de leurs consonnes finales.
CHAPITRE 5
LA VIE QUOTIDIENNE
Dans ce chapitre :

Les vêtements en Provence


Une journée type en Provence
La vie de quartier, village et ville
Cuisine et gastronomie

LES HABITS ORDINAIRES ET LES


COSTUMES TRADITIONNELS
En Provence, li coustume tradiciounau li koustumé tradissyounaw les
costumes traditionnels ne sont plus portés depuis plusieurs décennies, mais
on les sort volontiers pour les fêtes traditionnelles, ou même pour des fêtes
familiales comme des mariages ou des baptêmes. Les santons de la crèche en
sont presque toujours vêtus. On les qualifie souvent de « folkloriques » mais
c’est un peu péjoratif et guère apprécié sur place. Le costume le plus célèbre
est le costume d’Arles, qui donne lieu jusqu’à aujourd’hui à une fête spéciale
à Arles, la fèsto dóu coustume la fèstò dów koustumé la fête du costume.
Les formes connues des costumes traditionnels provençaux se sont fixées au
XIXe siècle, quand elles ont cessé de se transformer pour passer du statut de
vêtements fonctionnels variés (y compris selon les milieux socio-
économiques) à celui d’emblème culturel.

LES HABITS DES HOMMES


Mais finalement, pour les hommes, les habits ou vêtements (lis àbi, li vèsti
liz abi li vèsti) ont peu changé. La plupart du temps, ils portent li braio li
brayò (le pantalon), la camiso la kamizò (la chemise), lou tricot lou trikò
(le pull-over), la vèsto la vèstò (la veste), si besoin lou mantèu lou
manntèw (le manteau), lou capèu lou kapèw (le chapeau), ainsi que li
soulié li soulyé (les chaussures). On ne le voit pas mais ils portent aussi
toujours li braieto li brayètò (le caleçon) et li causseto ou debas
kòwssètò, débass (les chaussettes).

En provençal maritime on dit plutôt la camié la kamyé pour la chemise, et bien


sûr l’article pluriel est lei et non li.

Ce qui a changé, c’est l’arrivée du T-shirt, que l’on a bien du mal à nommer
autrement en provençal. Certains disent la camiseto la kamizètò mais ça
veut surtout dire la chemisette. Finalement le mieux est sans doute de garder
leur nom franglais : es tant coumode lou T-shirt éss tang koumòde lou
ticheurt, c’est si pratique le T-shirt.
Autres innovations aux noms empruntés à l’anglais, le slip et le short. En
provençal, on nomme tout ça li braieto, qui signifie au départ caleçon (ci-
dessus). On ne porte plus guère la jargo la dzargò ou djargò, sorte de
grande cape de laine. Si les hommes portent parfois encore lou courset lou
koursé (le gilet sans manches) c’est dans un costume de ville à trois pièces et
plus dans l’habit de travail du paysan ou du pêcheur. La cravate nouée en
lavallière les jours où on se fait beau est maintenant nouée à la française ou à
l’américaine. Et leur ancienne taiolo tayòlò (large ceinture de tissu) a été
remplacée par une ceinture de cuir… Quant aux esclop éssklò (sabots)
autrefois réservés aux gens de la terre (c’est pas pratique sur un bateau !), ils
ont quasiment disparu sauf pour les amateurs de jardinage.

L’AS PAGA LOU CAPÈU ?


L’humour provençal joue beaucoup de l’ironie amicale. Amicale et à tiroirs parce qu’aux
interpellations rituelles et plaisantes, on peut toujours répondre par une formule, elle
aussi rituelle, qui révèle la connivence et désamorce le côté un peu moqueur de la
plaisanterie. La plus célèbre de toutes, encore connue même de ceux qui ne parlent pas
ou plus provençal (les pauvres !), est celle qu’on lance à quelqu’ un (plus rarement à
quelqu’une) qui arrive couvert(e) d’un chapeau inhabituel : L’as paga lou capèu ? lass
paga lou kapèw, tu l’as payé ce chapeau ? (sous-entendu : il est tellement moche qu’on a
dû te le donner, tu ne l’aurais quand même pas acheté !). La réponse rituelle rimée, que
beaucoup moins de gens connaissent, est cènt sòu camèu ! sènn sòw kamèw, cent
sous, chameau ! La formule remonte à l’époque où l’on payait en sous, et la somme en
question est supposée élevée (d’où, c’est un chapeau de luxe que tu ne peux pas
apprécier à sa juste valeur).

LES HABITS DES FEMMES


Pour les femmes, en revanche, beaucoup de choses ont changé. Autrefois,
elles portaient en Provence uno longo jupo unò lòng-gò dzupò une longue
jupe sur un pantalon servant de sous-vêtement (uno braio), uno longo
camiso unò long-gò kamizò une longue chemise (type chemise de nuit !)
avec par-dessus un corset souvent brodé servant de soutien-gorge, un caraco
et un fichu sur les épaules. Selon les régions et les saisons, un grand capèu
de paio à berigoulo ung grang kapèw de payò a la beligoulò un grand
chapeau de paille à large bord ou un bounet de telo blanco umm bounet
de télò blang-kò un bonnet de toile blanche ou encore, dans le pays d’Arles,
un simple riban ribang (ruban) noué de façon complexe autour d’un
chignon. Sur la jupe, un faudau ou faudiéu fòwdaw ou fòwdyéw (tablier).
Ce qui en faisait tout le chic, surtout chez les dames aisées, c’était la qualité
des tissus : les fameuses indiano prouvençalo inndyanò prouvénnsalò
(indiennes provençales) si colorées, et des techniques de couture comme
celle du boutis bouti (littéralement de « l’enfoncé », sorte de matelassé par
petites figures géométriques). Ajoutez à cela la beauté de la capello la
kapèlò (littéralement « la chapelle », c’est-à-dire le décolleté !) et li beloio li
bélòyò (les bijoux), et bien sûr la légendaire beauté des femmes du Sud…
Aujourd’hui les femmes s’habillent tout autrement. I’a proun tèms que
cargon de braio ya prounn tèng ké kargoun dé brayò il y a bien
longtemps qu’elles portent des pantalons, y compris de bloujin taio basso
‘mé de coursage courtet que fan vèire l’embouligo dé bloudjinn tayò
bassò mé de koursadjé kourté ké famm vèïlé lémmbouligò des jeans taille
basse avec un corsage court qui laisse voir le nombril… La raubo la rawbò
(la robe) s’est démocratisée et la gounello la gounèlò (la mini-jupe) revient
à la mode.

DIRE CE QU’IL Y A DESSOUS…


On dit braieto brayètò pour les femmes comme pour les hommes pour le sous-
vêtement que tapo lou pecat ké tapò lou péka(littéralement « qui couvre le péché », le
pubis) e tambèn lou tafanàri é tammbèng lou tafanaliet aussi le derrière. Quand il
ne couvre pas le tafanàri, ça s’appelle justement et seulement lou tapo-pecat, comme
on en voit beaucoup sur nos plages.
Lorsque le cas se présente, on est bien embêté en provençal pour nommer le soutien-
gorge (d’ailleurs en français, c’est un bel euphémisme !). Soit on le dit en français, soit
on entend des inventions parlantes et directes (de style bien provençal donc) comme
lou soustèn-nené lou soustèng néné ou lou tèn-li-teté lou tèng li tété(c’est
suffisamment transparent ou il faut vraiment que je fasse un dessin ?).

UNE JOURNÉE
La journado coumenço pèr lou dejuna.

la dzournadò kouménnsò pèr lou dédzuna


la djournadò kouménnsò pèr lou dédjuna

(en provençal alpin) La journaio coumenço pèr lou dejuna.


la dzournayò kouménnsò pèr lou dédzuna

La journée commence par le petit déjeuner.


Hòu, as bèn dourmi ?
òw ass bènn dourmi

Hòu as bèn durmi ?


òw ass bènn durmi
Alors, tu as bien dormi ?

Me fau i’ana lèu pèr travaia.


mé fòw yana lèw pèr travaya

Mi fau li ana lèu pèr travaia.


mi fòw lyana lèw pèr travaya
Il faut que je parte tôt pour travailler.

Se retrouvan à miejour e miejo pèr dina au restaurant ?


sé retrouvang a myédzour é myédzò pèr dina òw réstówlang
Si retrouvan à miejou e miejo pèr dina au restaurant ?
si retrouvang a myédjou é myédjò pèr dina òw réstówlang

On se retrouve (rendez-vous) à midi et demi pour « déjeuner » au


restaurant ?

En provençal, les noms et verbes renvoyant aux repas sont déjuna (au lever), dina
(à midi), gousta (en milieu d’après-midi), soupa (le soir). Cet usage a été transféré sur
le français de Provence, où l’on dit toujours déjeuner (au lever) et encore assez souvent
dîner à midi et souper le soir. Attention aux confusions ! Pour les éviter, les Provençaux
ont pris l’habitude de dire tout simplement « manger à midi » ou « manger le soir ».
Mais il y a des Francihot ou Francihoto frannsiyò frannsiyòtò (littéralement « les
petit(e)s Français(es) », ceux et celles qui singent les « Français » c’est-à-dire les
Parisiens) qui désormais « déjeunent » à midi… On suppose qu’ils se lèvent tard !

A quatre ouro vau querre li pichot à l’escolo.


a katroulò vòw kèré li pitsò a léskòlò

A quatre ouro vau querre lei pichoun à l’escolo.


a katroulò vòw kèré léï pitchoung a léskòlò
À quatre heures je vais chercher les enfants à l’école.

Anaren un pau proumena avans lou soupa.


analéng ummpòw prouména avang lou soupa
Nous irons nous promener avant le repas du soir.
Tu faras de croumpo en retournant à l’oustau.
teu falass dé kroummpò énn rétournang a l’oustaw
Toi tu feras des courses en rentrant à la maison.
Farian bèn uno vesprado au cinema.
falyamm bèng unò véspradò òw sinéma
On se ferait bien une soirée au cinéma.
Ve, siéu creba, me vau coucha, bono niue e fai de bèu pantai !
vé syéw kréba mé vòw koutsa bònò nyeu é faï dé bèw panntaï

Ve, siéu creba, mi vau coucha, bouano nue e fai de bèu pantai !
vé syéw kréba mi vòw koutcha bwanò nué é faï dé bèw panntaï

Oh, je suis crevé, je vais me coucher, bonne nuit et fais de beaux rêves !

LA MAISON, LE QUARTIER, LE VILLAGE,


LA VILLE

L’HABITATION
Les habitations sont différentes selon la partie de la Provence : la basse
Provence rhodanienne ou côtière, la Camargue, la haute Provence
méridionale, la très haute Provence montagnarde…
l’oustau
loustaw
la maison

Attention, mot masculin en provençal !

lou mas
lou mass ou lou ma
le « mas » (maison rurale, pays d’Arles)
la bastido
la bastidò
la « bastide » (maison rurale, côte et arrière- pays)
la granjo
la granndzò
la « grange » (maison rurale, Comtat Venaissin)
uno campagno
unò kammpanyò
une maison de campagne
lou cabanoun
lou kabanoung
le cabanon (petite maison sans confort à la campagne ou au bord de mer)
La partido de cabanoun partidò dé kabanoung (journée de repos passée
au « cabanon ») est une tradition très vivante à Marseille et sur la côte.

Il n’y a pas de terme pour désigner en provençal de façon précise ce que l’on appelle
aujourd’hui un immeuble (construction de grande taille abritant plusieurs appartements
ou locaux professionnels). Soit on emploie un calque du français : un immoble (sur le
modèle de moble, meuble) unn imòblé, soit on utilise un mot provençal courant : un
oustalas unn oustalass (littéralement « une grande maison ») qui reste un peu ambigu.
Cela dit, en provençal, le terme oustau désigne habituellement les maisons provençales
traditionnelles de ville ou de village, hautes, à trois ou quatre étages et deux ou trois
fenêtres en façade, abritant plusieurs appartements… L’immeuble, on connait donc ça
depuis des siècles en Provence ! Simplement, on ne lui donne pas de nom qui le
distinguerait particulièrement de la maison individuelle. D’ailleurs même pour son
appartement, on dit d’ordinaire moun oustau, qui finalement signifie tout lieu
d’habitation en général.

lou jardin
lou dzarding

lou djarding
le jardin

Il existe un mot particulier pour désigner le jardin potager : l’orto lòrtò (mot
féminin, ici en rhodanien, ailleurs on dit l’ouarto lwartò ou son équivalent masculin
l’ouart lwar).

la porto
la pòrtò

la pouarto
la pwartò
la porte

la fenèstro
la fénèstrò
la fenêtre
Tanco lou paro-vènt ‘mé la petugo
tang-kò lou palòvèng mé la pétugò
Bloque le volet avec le crochet
la téulisso
la téwlissò
la toiture (littéralement l’ensemble de tuiles, téule téwlé en provençal –
attention mot masculin)
Ai tres membre dins moun apartamen.
aï tréss mémmbré ding mounn partamèng
J’ai trois pièces dans mon appartement.

Membre est masculin.

Ai un oustau nòu.
aï unn oustaw nòw

(en provençal alpin) Ai uno meisou novo. aï unò meizou nòvò


J’ai une maison toute neuve.

La cousino es à coustat dóu saloun.


la kouzinéza kousta dów saloung
La cuisine est à côté du salon.
Lis escalié menon à la chambro.
liz ésskayé ménoung a la tsammbrò

Leis escalié menon à la chambro.


léïz éskalyé ménoung a la tchammbrò
L’escalier (☺ un escalié = une marche d’escalier) mène à la chambre.

li paret (féminin)
li palé

lei muraio (féminin)


léï meulayò
les murs
l’estànci
léstannsi
l’étage
lou plan-pèd
lou plamm pè
le rez-de-chaussée
de maloun
dé maloung
du carrelage (de tomettes)
la chaminèio
la tsaminèyò

la tchaminèyò
la cheminée (le foyer, le conduit, la sortie de toit)

l’armàri (masculin)
larmali
l’armoire
la taulo
la tawlò
la table
la cadiero
la kadyélò
la chaise
lou lié
lou yé

lou lyé
le lit

Sabès pas dequ’es un radassié ?


sabèss pa dékèss ung radassyé
Vous ne savez pas ce qu’est un « radassié » ?
Le mobilier provençal est bien typé. On y trouve des meubles inexistant ailleurs et
qui, en tout cas, n’ont pas de nom en français. Le plus frappant est le « radassié », sorte
de chaise en bois, paillée, à deux et parfois trois places. Son nom vient du verbe (se)
radassa radassa, se reposer mi-assis mi-allongé, en se laissant aller (ce qu’une simple
chaise ne permet pas !).

Venès au miéu.
vénèzòw myéw
Venès à moun oustau.
vénèza mounn oustaw
Venez chez moi.
Anan encò de Felipe.
anang éng-kò dé félipé
Anan acò de Felipe.
anang akò dé félipé
Anan à l’oustau de Felipe.
anang a loustaw dé félipé
Nous allons chez Philippe.

En Provence, la maison familiale est un espace intime. On n’y est pas facilement
admis. On voit les gens plutôt à l’extérieur et c’est là que l’homme méditerranéen joue
les seigneurs. Dans les villages et les quartiers villageois, on voit encore les habitants
sortir une chaise sur le trottoir devant chez eux pour y faire la causette avec les voisins,
éplucher les légumes ou lire le journal. Mais ça a presque disparu dans les grandes villes,
où les voitures et la télévision ont vidé les trottoirs de ces relations à l’ancienne.

LA VILLE ET LE VILLAGE
La Provence est un pays de vilo vilò de villes. Même les vilage viladzé ou
vilàgi viladji villages sont ici de vraies petites villes, conçus depuis des
siècles avec une structure urbaine. Il n’y a guère que dans lou vilajoun lou
viladjoung (le hameau, le tout petit village), dépendant d’un village ou d’une
ville, que l’on a vraiment un habitat rural. Les plaines de la Provence
rhodanienne connaissent un habitat dispersé où les mas isolés et villajoun
sont fréquents. Dans tout le reste de la région, les villages sont en habitat
groupé sur les hauteurs ou au bord des rivières et de la mer. Sauf que… la
multiplication des villas dans ce pays si attractif, où les résidences
secondaires sont très nombreuses, donne souvent une image de tissu semi-
urbain continu, surtout sur la côte entre Toulon et Nice où seuls les baus
baw (les falaises) et les calanques empêchent la construction (et la loi
littorale depuis peu !).
Une caractéristique des monuments provençaux est l’ouratòri loulatòli
l’oratoire, petite construction romane contenant en général une statuette
religieuse et marquant les étapes d’un chemin ou un croisement.
Ainsi, dans tout village on trouvera la glèiso la glèïzò (l’église), des plaço
de plassò (des places) et de placeto dé plassètò des petites places, des font
fòng (fontaines), et souvent même lou cous lou kous (le cours, boulevard
central servant aussi de promenade). Certains ont même des bàrri bari (des
remparts).

Pour dire l’église on dit très souvent l’egliso léglizò, mot emprunté au français.
Dans le Var, le mot local est glèio glèyò. Attention, le mot font (en maritime et gavot la
fouont, la fouant la fwòng la fwang) qui désigne la fontaine veut aussi dire la source.
Si le trottoir se dit parfois lou trepadou lou trépadou, le mot le plus usuel est lou
troutouar lou troutwar, emprunté au français.

la veituro
la véïtulò

(francisme fréquent) la vouaturo


la vwaturò
la voiture

lou balouard
lou balwar
le boulevard
la carriero
la karyèlò
la rue
la routo
la Routò
la route
la platano
la platanò
le platane

féminin en provençal

la coumuno
la koumunò
la mairie

On dit aussi lou municipe lou munissipé

Un peu partout vous trouverez : la posto la pòstò la poste, la boulenjarié


la boulénndjalyé la boulangerie, la boucharié la boutchalyé la boucherie,
la farmacìo la farmassiyò la pharmacie, lou restaurant lou restòoulang
le restaurant, lou bar ou lou cafè lou bar, lou kafè le bar, de magasin, de
boutigo dé magazing, dé boutigò des magasins. Et de plus en plus répandu
lou supermarca lou supèrmarka le supermarché ou au moins la
supereto la supélètò la supérette, cette grosse espiçarié éspissalyé
épicerie moderne. Mais le meilleur endroit pour faire ses achats « à la
provençale » reste lou marcat lou marka le marché qui se tient pèr
carriero pèr karyélò dans les rues.
Un autre haut lieu des villages et des quartiers est bien sûr lou jo de bocho
lou dzò dé bòtchò (en maritime lou jue de bocho, lou djué dé bòtchò), ce
jeu de boules dont le terrain est appelé en français le boulodrome (voir
chapitre 6).

DE L’ÉVÊCHÉ À LA PLAINE…
À Marseille, certains lieux très connus ont des noms usuels différents des noms officiels
, d’abord en provençal et en conséquence même en français. Ainsi l’hôtel de police
s’appelle l’evescat lévéska, c’est-à-dire l’évêché (son nom usuel en français), parce que
c’est l’ancien bâtiment de l’évêché de Marseille. Quant à l’évêque, il faut le chercher à la
Major (du provençal la majou la madjou ) nom (original !) de la cathédrale. De l’autre
côté du Vieux-Port, la célèbre statue qui domine la ville, Notre-Dame-de-la-Garde, porte
le nom usuel de Bonne Mère, traduction du provençal local boueno mèro bwénò mèlò,
nom usuel de la Vierge Marie. Pour finir, cas célèbre avec lequel les Marseillais jouent
beaucoup : la place Jean-Jaurès (dont la plupart des gens ignorent le nom officiel) et
tout son quartier sont appelés la Plaine, calque du provençal la plano la planò, qui
signifie le plateau (la vaste place constitue le sommet plat d’une colline). Et en plus, ce
n’est pas une « plaine » au sens du français commun !
(Voir aussi chapitre 2)

LA CUISINE PROVENÇALE
La cuisine provençale est très célèbre. Ses recettes typiques, associant
ingrédients méditerranéens et herbes aromatiques, des vins réputés, des
confiseries, etc., portent souvent des noms en provençal, plus ou moins
francisés. La plupart des pâtes et certains plats ont emprunté ou conservé un
nom italien dans cette cuisine plus proche de l’italienne que de la française.
On a déjà écrit de nombreux livres sur ce sujet et… ce n’est pas le sujet de
celui-ci ! Quelques exemples de plats typiques et les recettes tout en
provençal de deux sauces et de leurs supports favoris vous ouvriront
l’appétit.

QUELQUES PLATS TYPIQUES


Parmi les plats provençaux les plus typiques, le plus connu est sans doute
lou boui-abaisso lou bouyabaïssò la bouillabaisse, soupe et plat de
poissons, surtout fréquent sur la côte.

Attention, c’est un nom masculin en provençal.

LE PASTIS, QUEL MÉLANGE !


Comme presque partout autour de la Méditerranée, on cultive en Provence le goût pour
un alcool anisé. Ici, il s’appelle en français le pastis et c’est la boisson nationale pour
l’apéritif. C’est un mot provençal (même prononciation) qui signifie mélange. C’est en
effet une boisson où l’anis est mélangé à de la réglisse et du fenouil (en provençal,
regalisso et fenoun régali ssò, fénoung – attention regalisso est féminin). Dans
certaines versions, on y ajoute même d’autres herbes aromatiques. Mais là où ça devient
encore plus… mélangé, c’est qu’en provençal, on n’appelle pas (ou rarement) cette
boisson lou pastis, parce que pastis est surtout utilisé pour désigner… du pâté ! On dit
surtout l’anis laniss ou parfois lou pataclet lou pataklé, autre mot évoquant l’idée
d’un mélange.
Et en plus… on peut mélanger le pastis. Servi avec du sirop d’orgeat (d’amande), ça
donne uno mauresco unò mòwleskò (une mauresque) ; avec de la menthe, ça donne
un parrouquet umm parouké (un perroquet) ; et avec de la grenadine, ça donne uno
poumo d’amour unò poumò damour (une tomate).

Un peu partout on prépare en famille l’adobo ladòbo la daube provençale,


souvent avec d’óulivo dówlivò des olives. Les pèd-e-paquet pèpaké (en
français pieds-paquets) sont réputés spécialité de Marseille et de Sisteron :
ce sont des tripes de mouton farcies et des pieds de mouton, le tout en sauce
au vin et à la tomate. En Provence rhodanienne, on fait le tian tyang, mot
qui désigne au départ le récipient et par extension le gratin de légumes variés
qu’on y fait cuire au four. La bóumiano bówmyanò (en français la
bohémienne, traduction littérale) est une ratatouille sans aubergines.

L’AIÒLI
Receto de l’aiòli réssètò de layòli (en provençal maritime)
Escrachas e trissas bèn sièis à vue veno d’aiet dins un mourtié.
Boutas mai un pessu de sau. Quouro avès uno pasto fino, ajustas
un rous d’uou que souarte pas de la fre dóu frigò. Vueidas plan-
plan entre un quart e un mié litre d’òli sènso cala de vira ‘mé lou
trissoun fìn qu’aurés uno pasto que tèngue soulide.
Sarvès acò ‘mé de liéume (garoto, tartiflo), de bacalau dessalado,
tout acò bouli à l’aigo-sau, e tambèn d’uou bouli. N’a que li mèton
de cauletflòri crus, d’autre de limaçoun, de pèis blanc, de biéu…
Prenguèsse mau, l’aiòli, entamenaslou em’uno cuiero d’òli de
pistacho de terro, qu’es mai fin e que pren miés. Em’oucò,
chùtou ! Va digués pas e, degun !
Recette de l’aïoli
Pilez et mêlez 6 à 10 gousses d’ail dans un mortier. Ajoutez une pincée de sel.
Lorsque vous obtenez une pâte fine, ajoutez 1 jaune d’œuf à température
ambiante. Versez lentement de 1/4 à 1/2 litre d’huile sans cesser de tourner
avec le pilon jusqu’à obtenir une pâte très ferme.
Servez avec des légumes (carottes, pommes de terre), de la morue dessalée,
cuits au court-bouillon, et des œufs durs. Certains y mettent du chou-fleur
cru, des escargots cuits au court-bouillon, d’autres des poissons blancs, ou
encore des gros bigorneaux ; si l’aïoli prend mal, commencez-le avec une
cuillerée d’huile d’arachide qui est plus fine et prend mieux. Mais, chut ! Ne
le dites à personne !

LE PISTOU
Receto dóu pìstou réssètò dów pistou (en provençal rhodanien)
Dins un mourtié trissas prin tres veno d’aiet, vinto-dos fueio de
balicot, dos poumo d’amour pelucado (trempas-li dedins d’aigo
boulissènto pèr ajuda) e cènt gramo de parmejan. Pastrouias en ié
boutant d’aise de rajado d’òli.
Servès acò sus de pasto o dins la soupo de liéume d’estiéu que lié
dison just-e-just « soupo au pìstou ».
Bada : sigués pas tant Parisen de coumta li fueio de balicot, he ?
N’en fau un bon proun, pas mai !
Recette du pistou
Dans un mortier, pilez finement 3 gousses d’ail, 22 feuilles de basilic, 2
tomates épluchées (trempez-les dans de l’eau bouillante pour faciliter
l’épluchage) et 100 g de parmesan. Malaxez en incorporant des filets d’huile
d’olive.
Servez sur des pâtes ou dans la soupe de légumes d’été qu’on appelle
justement « soupe au pistou ».
N.B. : Ne comptez pas les feuilles de basilic, hein ? C’est un piège à
Parisiens. Il en faut beaucoup, c’est tout !
CHAPITRE 6
LA CULTURE PROVENÇALE
Dans ce chapitre :

Evénements festifs d’antan et de maintenant


Jeux, musique et autres loisirs
Une littérature connue dans le monde entier

LES FAÇONS DE VIVRE PROVENÇALES


Une culture, c’est avant tout un biais de viéure umm byaï dé vyéwlé une
façon de vivre, ou plutôt DES façons de vivre en partie partagées, en partie
variées. S’il y a des points communs dans une façon de vivre « à la
provençale » (pour ceux qui la vivent), il y a aussi des particularités (selon les
régions de Provence, selon les villes et les campagnes, selon les populations),
et des points partagés avec d’autres cultures : française, méridionale,
méditerranéenne, alpine, piémontaise, génoise, italienne, corse,
languedocienne, etc.
Une culture, c’est aussi un patrimoine historique et un ensemble de
pratiques symboliques et de sociabilité : langues bien sûr (lengo, léng-gò),
traditions (tradicioun ou tradicien, tradissyoung ou tradissyéng), jeux (
jo ou jue, dzò ou djué), fêtes (fèsto, fèstò), architecture (architeituro,
artchitéïtulò), peinture (pinturo, pinntulò), musique (musico, musikò),
littérature (literaturo, litélatulò), contes (conte, kònnté)… Nous allons en
rencontrer quelques-uns et quelques-unes.

LES FÊTES ET LES JEUX D’HIER ET


D’AUJOURD’HUI
La principale fête provençale est Nouvè nouvè ou Calèndo kalènndò
(Noël), largement laïcisée et pratiquée partout, que l’on soit croyant ou pas.
C’est un moment clé pour entendre du provençal et s’initier à une culture
provençale ancienne et toujours bien vivante.
Les fèsto calendalo fèstò kalénndalò commencent le 4 décembre, où l’on
met à germer lou blad de Santo Barbo lou bla dé sanntò barbò (le blé de
Sainte-Barbe). Elles finissent le 2 février à la candelouso la kanndélouzò
(ou candeloua kanndélwa en provençal maritime), la Chandeleur. Entre-
temps, les santoun sanntoung santons (littéralement « petits saints »)
auront peuplé la crècho krètchò (encore nommée lou belen lou béleng ou
la grùpi la grupi) de personnages provençaux. On aura fêté Noël avec le
repas de réveillon appelé lou gros soupa lou grò soupa qui n’a de gros que
les trege dessèr trédzé déssèr, les treize desserts. Certains auront suivi la
mèsso de Nouvè mèssò dé nouvé et ses chants provençaux, d’autres auront
été voir uno pastouralo unò pastoulalò, pièce de théâtre chantée racontant
Noël à la provençale et en provençal.

La période de Noël est caractérisée aussi par l’emploi très répandu d’une formule
rituelle pour quitter les gens en leur présentant un vœu. On dit à l’an que vèn… a
l’ang ké vèng, à l’année qui vient…, ce à quoi les initiés répondent e se sian pas mai,
que siguen pas mens é sé siamm pa maï ké siguémm pa méng, et si nous ne sommes
pas plus, ne soyons pas moins. Et quand un(e) initié(e) répond, c’est un signe que peut-
être il sait en dire davantage en provençal et que l’on peut essayer de poursuivre dans
cette langue.

Parmi les autres fêtes de Provence, il faut citer carnava karnava (carnaval)
où l’on brule l’effigie de Caramentran kalaménntrang ; la Sant Aloi
sanntaloï, qui donne lieu à des courses et défilés variés de chevaux et de
carreto karètò (charrettes) selon les régions de Provence ; la Sant Piarre
sammpyaré (Saint-Pierre), fête des pêcheurs partout sur la côte ; tout autour
de la Camargue, li courso de biòu li koursò dé byòw, les courses de
taureaux ; et les très nombreuses fêtes propres aux villages et aux quartiers,
que l’on appelle en provençal voto vòtò, surtout lorsqu’elles ont une origine
religieuse. C’est dans ces fêtes que l’on voit se manifester plus visiblement
des traditions provençales et des usages du provençal.

QUELQUES JEUX…
Les sports provençaux les plus populaires sont les courses de taureaux dont
on vient de parler (entre Nîmes, Avignon et la Camargue) ainsi que les joutes
nautiques appelées la targo la targò, sur la côte et sur le Rhône. De nos
jours, le plus populaire de tous est bien sûr… lou baloun lou baloung, c’est-
à-dire le football, autour de l’équipe phare pour toute la Provence qu’est
l’Olympique de Marseille.
Dans les villages et les quartiers, on joue beaucoup :

au loto (lou lotò), avec pour chaque nombre une devinette en provençal ;
aux cartes (li carto) et surtout à la beloto (qui se passe de traduction !) ;
aux boules (li bocho ou lei bocho li bòtsò, léï bòtchò).

Attention, on ne joue pas seulement à la pétanque (en provençal la petanco la


pétang-kò) qui n’est finalement qu’une forme simplifiée du véritable jeu de boules
provençal. En effet, on joue normalement à la longo a la lòng-gò (littéralement « à la
longue ») c’est-à-dire au jeu provençal traditionnel où les joueurs prennent de l’élan
pour lancer la boule beaucoup plus loin qu’à la pétanque. C’est parce qu’on a facilité le
jeu en le raccourcissant et en gardant les pieds immobiles (en provençal à pèd tanca
apètangka) qu’on a surnommé ce jeu la petanco (littéralement « la pied-stop »). Et
bien sûr, c’est la version facilitée qui a connu le succès interplanétaire que l’on connait
(hé oui, il parait qu’il y en a qui jouent aux boules en parlant provençal sur la planète
Mars7).

MUSIQUE ET CHANTS DE PROVENCE


Nous avons en Provence une longue tradition des chants de Noël, li Nouvè
li nouvè. Les plus connus (dont la cambo me fai mau la kammbò mé faï
maw j’ai mal à la jambe) sont de Saboly, qui remontent au XVIIe siècle. Les
chants extraits des pastouralo pastoulalò dont nous avons parlé à propos
des fêtes de Noël, sont bien connus aussi, surtout ceux de la plus célèbre, la
pastorale Maurel, de Marseille. Il y a bien sûr toutes sortes d’autres chants
traditionnels (pour enfants, de métiers, de marche, de fêtes…), dont les plus
célèbres sont probablement la Cansoun de Magali la kannsounn dé
magali la chanson de Magali (traditionnelle arrangée par Mistral) ; la
Mazurka souto li pin la mazurka soutò li ping la mazurka sous les pins,
de Charloun Rieu ; et la Coupo Santo la koupò sanntò la sainte coupe de
Mistral, souvent considérée comme l’hymne provençal. On chante aussi en
Provence des versions plus ou moins provençalisées de chants italiens (Bella
ciao, La Bella Polenta) ou répandus dans tout le sud de la France comme A
la Font de Nime a la fonn dé nimé (à la fontaine de Nîmes), version locale
du « Se Canto » du Sud-Ouest.

CHANTEZ L’HYMNE PROVENÇAL


Essayez-vous au début de La Coupo Santo, seule partie que tout le monde sache ou
presque (prononciation dans le provençal rhodanien de Mistral) :

1. Prouvençau, veici la coupo


prouvénssaw véïssi
la koupò
Provençaux,
voici la coupe

2. Que vous vèn di Catalan


ké nou vènn di katalang
Qui nous vient des
Catalans

3. A-de-rèng beguen en troupo


adérèmm béguéng
énn troupò
Tour à tour buvons
ensemble

4. Lou vin pur de noste plant !


lou vimm peur dé nòsté
plang
Le vin pur de notre cru !

5. Coupo santo
koupò sanntò
Coupe sainte

6. E versanto
é vérsanntò
Et débordante

7. Vuejo à plen bord,


veudza plémm bòr
Verse à plein bord,

8. Vuejo abord
veudzabòr
Verse à flots

9. Lis estrambord
liz éstrammbòr
Les enthousiasmes

10. E l’enavans di fort !


é lénavann di fòr
Et l’énergie des forts !

Texte écrit par Frédéric Mistral pour remercier des poètes catalans qui auraient
offert une coupe à Mistral et ses amis qui les ont hébergés quand les Catalans luttaient
pour leur langue en Espagne.

Depuis le XIXe siècle, l’instrument le plus typique de la musique provençale


est lou galoubet-tambourin lou galoubé tammbouling, paire
d’instruments constituée d’un long tambourin à bourdon soutenu par le bras
gauche et d’une sorte de fifre (lou galoubet) dont on joue en même temps
de la main gauche, la droite battant la masseto massètò sur le tambourin
(ou l’inverse pour les gauchers). Le répertoire est surtout un répertoire
urbain de musique écrite et d’inspiration classique, souvent faite pour danser
(comme la célèbre farandoulo falanndoulò, farandole).
D’inspiration provençale sont de nombreuses chansons et musiques, où l’on
croise parfois du provençal, du Mireille de Gounod aux Marchés de Provence
de Bécaud et au rap marseillais… Mais c’est une tout autre histoire ! La
chanson moderne en provençal a toujours existé mais est restée rare : depuis
les 78 tours d’Andrée Trucy avant 1945 jusqu’aux groupes de raggamuffin
marseillais comme Massilia Sound System ou les Fatche d’Eux, en passant
par des chanteurs bien connus localement comme André Chiron, Plantevin,
Gui Bonnet… La production est largement suffisante pour y entendre et y
apprendre beaucoup de provençal.

LA LITTÉRATURE PROVENÇALE
Avec la littérature, on entre dans un domaine qui mériterait un ouvrage
entier (au moins !). C’est du reste le domaine d’expression provençale le plus
connu en Provence et ailleurs, étudié dans des universités du monde entier.
D’autant que certains auteurs provençaux, très célèbres pour leurs œuvres en
français, ont aussi écrit en provençal, comme Henri Bosco, Louis Brauquier,
René Char, Alphonse Daudet, Germain Nouveau… Qu’il vous suffise pour
l’instant de citer les titres des œuvres et les auteurs les plus connus pour
engager des conversations passionnantes sur le sujet :
Mirèio de Frederi Mistral
milèyò dé frédéli mistra
Mireille de Frédéric Mistral
La Bèstio dóu Vacarés de Jóusè d’Arbaud
la bèstyò dów vakaléss dé dzówzé darbau
La Bête du Vacarès de Jospeh d’Arbaud
Lei Cansoun prouvençalo de Vitou Gelu
léï kannsoung prouvénnsalò dé vitou djélu
Les Chansons provençales de Victor Gelu
Li Quatre Sèt de Carle Galtier
li katré sè dé karlé galtyé
Les Quatre Sept de Charles Galtier
Li pouèmo de Mas-Felipe Delavouet
li pouèmò dé mass félipé délavoué
Les poèmes de Max-Philippe Delavouët
CHAPITRE 7
UN PEU DE GRAMMAIRE ET
D’ORTHOGRAPHE
Dans ce chapitre :

Ordre des mots dans la phrase


Accord des articles, des noms, des pronoms et des adjectifs
Conjugaison aux temps passé, présent et futur
La prononciation
Bon, je vous l’ai promis au début de cet ouvrage, voilà le chapitre qui
explicite quelques « règles » de fonctionnement de la langue provençale,
uniquement ce qui diffère franchement du français. Mais j’espère que tout ce
que vous avez lu, compris, traduit, prononcé, jusqu’à ce chapitre, vous aura
suffisamment familiarisé, intuitivement, implicitement, pour que rien de
tout cela ou presque ne vous surprenne plus.
Et si vous avez décidé de commencer par ce chapitre, bienvenue, mais
franchement, c’est pas le plus rigolo, et pas sûr du tout que ça soit le plus
efficace. J’aurais préféré vous montrer la marche en marchant…
Et n’oubliez surtout pas de consulter le chapitre 3 sur les « façons de
parler ».

PARTICULARITÉS DE LA FORMATION DES


PHRASES

TOUT EST RELATIF


Aux différents pronoms relatifs du français (qui, que, quoi, dont, où)
correspond en provençal un seul pronom relatif qui occupe, si l’on veut,
toutes les fonctions :
La mar que briho la mar ké briyò la mer qui brille
L’oustau que voudriéu loustaw ké voudriyéw la maison que je voudrais
Acò de que parlo akò dé ké parlò ce de quoi elle parle
La coulègo que t’ai dicho la koulègò ke taï ditchò l’amie dont je t’ai parlé
L’endré que ié vau l’énndré ké yé vòw le lieu où je vais

SOYEZ DE PARTITIF PRIS !


Une particularité : l’article partitif de. En provençal, on fait la différence
entre de (prononcé dé) pour dire une quantité et dóu, de la, di (en
maritime dei déï) pour dire une « appartenance ». En français, tout cela se
dit toujours de la même façon : du, de la, des (peuchère !).
Ainsi : Donne-moi du miel se dit douno-me de mèu ; donne-moi de la
poire, douno-me de pero ; donne-moi de l’huile, douno-me d’òli ;
donne-moi des patates, douno-me de trufo ; donne-moi des poissons,
douno-me de pèis. Alors que : Le gout du miel se dit lou goust dóu
mèu ; la peau de la poire, la pèu de la pero ; le parfum de l’huile, lou
prefum de l’òli ; la couleur des patates, la coulour di trufo ; les arêtes
des poissons, lis espino di pèis.

SOYONS NÉGATIFS
En provençal, mettre un verbe à la forme négative ressemble au français, en
plus simple. Il suffit d’ajouter la négation pas pa après le verbe : es
partido/es pas partido elle est partie/elle n’est pas partie. En fait c’est
comme en français parlé, sans le « ne » qu’on nous impose à l’école. Le
provençal, c’est une langue de liberté.
Il y a juste quelques complications. Par exemple, on met pa avant les
participes présents (et non après) : en pas lou sachènt, n’a pas tengu
comte emm pa lou satchèng na pa téng-gu kònnté, en ne le sachant pas, il
n’en a pas tenu compte.

DES VERBES QUI RÉFLÉCHISSENT…


En provençal, comme en français, on fait la différence entre regarda
régarda regarder et se regarda sé régarda se regarder. Mais l’usage de la
forme verbale dite « réfléchie » est beaucoup plus répandu qu’en français.
On dit par exemple se toumba, se pensa, se ploura sé toummba sé
pénnsa sé ploula pour tomber, penser, pleurer. Histoire de compliquer les
choses, il y a des cas inverses, par exemple, proumena prouména pour se
promener.

ACCORD DES ARTICLES, DES NOMS, DES


PRONOMS ET DES ADJECTIFS

VOUS ÊTES QUEL GENRE ?


En provençal il y a deux genres grammaticaux : les noms sont toujours au
féminin ou au masculin. Le genre est souvent le même qu’en français. Mais il
y a des pièges : òli òli huile est masculin, sau saw sel est féminin. Le genre
est en général marqué par un déterminant qui s’accorde avec le nom (article,
démonstratif, etc.) : on dit aquelo boutiho cette bouteille, uno boutiho
ou la boutiho (articles indéfini et défini féminins) ; aquéu camin ce
chemin, un camin ou lou camin (articles indéfini et défini masculins).
Les adjectifs s’accordent eux aussi en genre avec le nom auquel ils se
rapportent : un bèu batèu un beau bateau, uno bello figuiero un beau
figuier (attention aux différences de genre avec le français !), lou rasin es
madur le raisin est mûr, li figo soun maduro les figues sont mûres.
Le genre des noms est aussi marqué par leur terminaison. Les finales en -e, -
ou (é, ou) sont du masculin : lou pitre, lou ràchou, la poitrine, l’avare
(N.B. : les mots en -ou sont surtout présents en provençal maritime).
Le -i est des deux genres : lou tòti l’imbécile masculin, la nòvi/lou nòvi la
mariée/le marié ; les nombreux adjectifs en -àri (ali ou ari) comme
ourdinàri ordinaire sont aussi des deux genres.
Les noms qui sont écrits avec une consonne à la fin, en général pas
prononcée (sauf pour les -s et les -n), sont presque toujours masculins : lou
nanet le nain, lou banc l’étal, mais la serp le serpent, la court la cour.

LE -O DU FÉMININ, ÉTONNANT, NON ?


En provençal, la finale en -o (en général prononcé ò, parfois un genre de een rhodanien)
est… du féminin ! C’est LA particularité du provençal, par rapport à d’autres langues
romanes, car l’ancien -a du latin et du vieux provençal est devenu un -o. C’est
l’équivalent du -e final du français. Ainsi, la femo, la femme ou la fenèstro la fenêtre.
Mirèio, c’est une fille !
Quelques exceptions : lou bioulougisto est au masculin et la sorre la sœur est au
féminin (les articles le confirment).
On forme ainsi facilement un féminin en ajoutant un - o au masculin (ou inversement) :
lou gat/la gato le chat/la chatte, lou barjacaire /la barjacairo le bavard/la
bavarde.

SOYONS NOMBREUX, C’EST SI SIMPLE


En provençal, mettre les noms au pluriel, c’est facile : ils sont invariables ! Ce
sont les déterminants qui disent le pluriel ou le singulier : la carriero/li
carriero les rues (ou lei carriero en maritime), lou cous/li cous les
cours (idem). Devant des voyelles, l’article pluriel li ou lei devient lis ou leis
(liz, léïz à cause de la liaison) : l’aigo (féminin)/lis aigo les eaux ; l’òli
(masculin)/lis òli les huiles. Le démonstratif aquéu (masculin), aquelo
(féminin) donne au pluriel aquéli et aquélis (et aquélei, aquéleis en
maritime). En provençal alpin, c’est un peu plus compliqué parce que
davantage de -s ont été conservés et parce que ça change d’un coin à l’autre
(certains ont les et lei au pluriel, d’autres ont même lous et las).
Les adjectifs, c’est quand même plus compliqué. Ils ont une marque du
pluriel (par accord avec le nom) lorsqu’ils sont juste avant le nom. À part ça,
ils sont eux aussi invariables. La marque du pluriel est alors comme pour
l’article défini : -i (et -is devant une voyelle, avec les équivalents -ei et -eis
en maritime) pour les adjectifs qui se terminent par une voyelle non
accentuée (-e ou -o), -s pour les autres adjectifs.

Hé oui, ça a l’air compliqué. C’est toujours comme ça quand on explique la


grammaire. Mais regardez de près (exemples en rhodanien), c’est beaucoup plus simple
en pratique :

Uno bello flour/de bèlli flour de belles fleurs


La grando mountagno/li gràndi mountagno les grandes montagnes
La bello aigo/li bèllis aigo (mais li grando e fóunsis aigo les grandes
et profondes eaux)
L’orre cantoun/ lis òrri cantoun les horribles coins
Un grand oustau/de grands oustau des grandes maisons (N.B. :
oustau est masculin en provençal)
Un terrible auvàri/tres terrìblis auvàri trois terribles accidents

ET SACHONS COMPTER SUR NOUS !

1 Un, uno (au féminin) ung, unò

2 Dous, dos (au féminin) douss, dòss

3 Tres trèss

4 Quatre katré

5 Cinq sing

6 Sièis syèï

7 Sèt sè

8 Vue, vuech (devant une voyelle) vœ, vœtch (vué, vuéch en maritime)

9 Nòu, nòuv (devant une voyelle) nòw, nòwv

10 Dès dèss

11 Vounge vounndzé ou vounndjé

12 Douge doudzé ou doudjé

13 Trege trèdzé ou trèdjé

14 Quatorge katòrdzé ou katòrdjé

15 Quinge kinndzé ou kinndjé

16 Sege sèdzé ou sèdjé

17 Dès-e-sèt dèzéssè
18 Dès-e-vue dèzévœ (dèzévué en maritime)

19 Dès-e-nòu dèzénòw

20 Vint ving

21 Vint-un, vint-uno (m/f) vinntung, vinntunò

Vint-e-dous/-dos (m/f) vinntédouss/-doss

vinto-dous/-dos (m/f) vinntòdouss/-doss

30 Trento trénntò

31 Trento-un trénntung

40 Quaranto kalanntò

50 Cinquanto sing-kanntò

60 Sieissanto syéïssanntò

70 Setanto sétanntò

Vuetanto vœtantò (vuétanntò en maritime)

22 Quatre-vint katréving

90 Nounanto nounanntò

100 Cènt sèng

101 Cènt-un sèng ung

80 200 Dous-cènt doussèng

300 Tres-cènt tréssèng

1 000 Milo milò

2 000 Dous-milo dousmilò

1 000 000 Un milioun un milyoung ou miyoung

1 000 000 000 Un miliard un milyar ou miyar

Attention !
dous va avec un mot masculin, dos avec un mot féminin (douas en maritime) ;
les consonnes finales de cinq, sièis, sèt et dès se prononcent uniquement devant une
voyelle (z pour le s final de sièis et dès) ;
le mot milioun a un équivalent milien milyéng en provençal maritime.

MONTRER DU DOIGT ET DE LA LANGUE


Il y a en provençal plusieurs listes d’adjectifs démonstratifs, mais je ne vous
donne que celle de aquéu car c’est de loin la plus utilisée, celle qui passe
partout :
masculin : aquéu akéw (et aquel + voyelle akél), ce/cet, celui…
féminin : aquelo akélò, cette, celle
au pluriel des deux genres (+ -s devant une voyelle comme pour les articles) :
aquéli akéli, ces, ceux, celles (et en maritime : aquélei akéléï)
Comme pronom démonstratif, le plus fréquent et presque unique est le
célébrissime acò akò (oui oui, celui de qu’es acò ?) qui signifie « cela, ce,
ça », et que l’on emploie pour faire référence à une personne sans que ce soit
péjoratif : acò es moun fraire akò èss moum fraïlé, lui c’est mon frère.

CE QUI EST À MOI EST À TOI ?


Pour les possessifs, qui fonctionnent en gros comme en français, il faut juste
faire attention à une chose : c’est le même qui sert à la 3e personne du
singulier et du pluriel (il n’y a pas d’équivalent de leur en provençal
moderne).
Ma / moun / mi (mei en maritime)
Ta / toun / ti (tei en maritime)
Sa / soun / si (sei en maritime)
Nosto / noste / nòsti (et nouasto / nouaste / nouàstei en maritime)
Vosto / voste / vòsti (et vouasto / vouaste / vouàstei en maritime)
Sa / soun / si (sei en maritime)

RESPECTONS LA NEUTRALITÉ
Il existe en provençal maritime et gavot un pronom complément neutre, ni
masculin ni féminin. Il s’agit de va (va) en maritime et de òu (òw) en gavot.
On s’en sert pour renvoyer à une chose abstraite à la place de lou, la, lei. Par
exemple, on dira : mi va fara saupre mi va fala sawpré ou en gavot m’òu
fara saupre mòw fala sapé pour « il me LE fera savoir ». Attention,
lorsqu’il se trouve après le verbe, le va devient vo : va counouisses ?
digo-vo puei ! « tu le connais, dis-le alors ! ».

TABLEAUX DE CONJUGAISON

DES PRONOMS SUJETS OPTIONNELS


Ils ne sont utilisés que pour insister ou comme compléments indirects (après
des prépositions comme emé, pèr, proche, qui signifient avec, pour, à
côté, etc.). Les pronoms sujets ne sont jamais indispensables.

iéu yéw moi

tu tu, teu toi

éu éw lui

elo élò elle

nautre naoutré nous (masculin)

nautro naoutrò nous (féminin)

vautre vaoutré vous (masculin, tutoiement pluriel)

vautro vaoutrò vous (féminin, tutoiement pluriel)

vous vou vous (de politesse, à une seule personne)

éli éli eux, elles (rhodanien)

élei éléï eux, elles (maritime)


À la 2e personne du pluriel, on distingue vautro (féminin), vautre (masculin)
quand on s’adresse à plusieurs personnes de vous marque de politesse quand on
s’adresse à une seule. Les formes vautro, vautre ont des formes longues, moins
usitées, vous-autro, vous-autre.

En provençal, la 3e personne indéfinie (français on) se forme par l’emploi du


pronom se/si : Aqui se parlo prouvençau aki sé parlò prouvénnsaw (ou, en
maritime, … si parlo…) signifie ici on parle provençal.

LE PRÉSENT DE L’INDICATIF

Verbe èstre, être

Siéu je suis

Siés tu es

Es il/elle est

Sian nous sommes

Sias vous êtes

Soun ils/elles sont

Participe passé esta, estado

L’auxiliaire èstre se conjugue avec lui-même : siéu esta, j’ai été.

Verbe avé ou agué, avoir

Ai j’ai

As tu as

A il/elle a

Avèn nous avons


Avès vous avez

An ils/elles ont

Participe passé agu, agudo


Verbe du 1er groupe parla, parler

Parle je parle (provençal !)

Parles tu parles

Parlo il/elle parle

Parlan nous parlons

Parlas vous parlez

Parlon parloung ils/elles parlent

Participe passé parla, parlado

La 1re personne, ici en -é en rhodanien, est en -i en maritime et en -ou en gavot.

Verbe du 2e groupe feni, finir

Fenisse je finis

Fenisses tu finis

Fenis il/elle finit

Fenissèn nous finissons

Fenissès vous finissez

Fenisson fénissoung ils/elles finissent

Participe passé feni, fenido

C’est l’accent tonique qui distingue le tu et le vous dans ce groupe.


La 1re personne, ici en -é en rhodanien, est en -i en maritime et en -ou en gavot.

La 3e personne, ici en rhodanien, a un -é final en maritime : fenisse.

Verbe du 3e groupe coumprene, comprendre

Coumprene je comprends

Coumprenes tu comprends

Coumpren il/elle comprend

Coumprenèn nous comprenons

Coumprenès vous comprenez

Coumprenon koummprénoung ils/elles comprennent

Participe passé coumprés, coumpreso

C’est l’accent tonique qui distingue le tu et le vous dans ce groupe.

La 1re personne, ici en -é en rhodanien, est en -i en maritime et en -ou en gavot.

LE PASSÉ COMPOSÉ
Le passé composé se forme avec un auxiliaire, soit èstre soit agué (être ou
avoir) et le participe passé du verbe. C’est souvent le même auxiliaire qu’en
français mais ne soyez pas étonné par des exceptions !

L’IMPARFAIT
èstre : ère, ères, èro, erian, erias, èron èloung

La 1re personne, ici en -é en rhodanien, est en -i en maritime et en -ou en gavot.

agué : aviéu, aviés, avié, avian, avias, avien ;


1er groupe, parla : parlave, parlaves, parlavo, parlavian, parlavias,
parlavon parlavoung.

La 1re personne, ici en -é en rhodanien, est en -i en maritime et en -ou en gavot.

2e groupe, feni : fenissiéu, fenissiés, fenissié, fenissian, fenissias,


fenissien.
3e groupe, coumprene : coumpreniéu, coumpreniés, coumprenié,
coumprenian, coumprenias, coumprenien.

LE FUTUR
On peut exprimer le futur de trois façons. La plus simple, c’est le présent
accompagné d’une précision de temps, comme en óutobre que vèn ai un
nouvèu mestié (en octobre prochain j’ai un nouveau métier). On peut
aussi employer le verbe ana (aller) au présent avec un verbe à l’infinitif,
comme vau neteja la veituro (je vais nettoyer la voiture). Il vous suffit de
savoir conjuguer ana : vau, vas, vai, anan, anas, van. Facile, hein ?
Reste le futur proprement dit dont voici les principales conjugaisons :
èstre : sarai, saras, sara, saren, sarés, saran.
agué : aurai, auras, auran, auren, aurés, auran.
1er groupe, parla : parlarai, parlaras, parlara, parlaren, parlarés,
parlaran.
2e groupe, feni : fenirai, feniras, fenira, feniren, fenirés, feniran.
3e groupe, coumprene : coumprendrai, coumprendras,
coumprendra, coumprendren, coumprendrés, coumprendran.

DONNEZ DES ORDRES


Le verbe manja (manger) donne à l’impératif affirmatif : manjo !
(mange !), manjen ! (mangeons !, et non pas manjan, nous mangeons), et
manjas ! (mangez !).
Là où ça devient raffiné c’est que l’impératif s’exprime au moyen du
subjonctif présent à la forme négative. Cela donne manjes pas, manjen
pas (manjen étant déjà la forme du subjonctif, manjés pas).
Attention à la place de l’accent tonique, car lui seul distingue manjes pas
(manndjés, tutoiement) de manjés pas (manndjés, vouvoiement).

LE SUBJONCTIF
En provençal le subjonctif est très vivant, non seulement au présent, mais
aussi au passé. L’accord d’un subjonctif passé dans une phrase au passé est
très généralement pratiqué, de façon spontanée, au contraire du français où
le subjonctif passé est devenu archaïque (et snob !) et où même le subjonctif
présent a des usages de plus en plus réduits.
Mais bon, l’emploi du subjonctif, ce sera pour plus tard… Pour l’instant, vous
n’en êtes probablement pas à faire des phrases si élaborées ?

LIRE, ÉCRIRE ET PRONONCER EN


PROVENÇAL

LES ÉCRITURES
En gros, on rencontre trois façons d’écrire le provençal. La plus spontanée
consiste à l’écrire de façon plus ou moins phonétique en adaptant
l’orthographe du français. C’est ce que font tous ceux et celles, très
majoritaires, qui n’ont jamais appris à écrire en provençal. On trouve cela
fréquemment sur les noms des maisons, des bateaux, des commerces. La
façon la plus répandue est celle qui est utilisée dans cet ouvrage. On l’appelle
orthographe provençale moderne ou orthographe mistralienne (parce que
c’est l’écrivain F. Mistral qui l’a rendue célèbre). C’est celle qu’utilisent la
grande majorité des enseignants, des écrivains, des écrits institutionnels, des
dictionnaires, grammaires, manuels… Elle est plutôt phonétique, facile à
utiliser, avec quelques petites complications ici ou là. Enfin, il y a une
orthographe concurrente à l’orthographe moderne qu’on appelle occitane ou
classique. Elle n’est que très peu utilisée en Provence, uniquement dans le
milieu militant occitaniste (voir chapitre 1). C’est une adaptation des
graphies moyenâgeuses qui vise à unifier l’ensemble des langues dites d’oc
pour en faire un occitan. Elle est difficile à utiliser sans un apprentissage
détaillé et il est difficile pour la plupart des gens de reconnaitre du provençal
une fois habillé à l’occitane (on dirait plutôt du catalan ou du portugais).

LES CONSONNES

Des exemples ? il y en a plein ce livre.


Les consonnes b, c, d, f, k, l, m, n, p, q, s, t, v, z fonctionnent comme en français. Le x
et le w ne sont pas utilisés. L’emploi du k est rarissime. Aucune consonne finale écrite
n’est prononcée en provençal rhodanien et dans presque toute la zone maritime et
intérieure (sauf celle au contact du gavot et du niçois, entre Castellane et Cannes). Ainsi
on écrit cinq (cinq), poulit (joli), round (arène), mais on prononce sing, pouli, roung.
Quand il y a deux consonnes finales, la dernière n’est pas prononcée. On écrit serp
(serpent), court (court), post (planche) mais on prononce ser, kour, pos. Seuls les -s et
-r finaux sont parfois prononcés mais ils sont aussi souvent muets, selon les variétés de
provençal méridional.

Comme on prononce davantage de consonnes finales en provençal gavot (ou alpin),


on a tendance dans ce cas à n’écrire que celles que l’on prononce, ce qui fait que
l’apparence écrite de cette variété de provençal est un peu particulière, ce qui facilite son
identification.

Les consonnes qui fonctionnent différemment qu’en français sont : ch, h, g


et j, r. Le ch écrit le son tch (ou ts en rhodanien et gavot). Le h écrit le son y
entre deux voyelles comme dans quiha kiya percher (c’est l’équivalent du ill
français). Les lettres g et j écrivent les sons dj (ou dz en rhodanien et gavot)
devant les voyelles e et i pour g et devant toutes les voyelles pour j. Le r
correspond à un r prononcé comme en français commun (en faisant frotter
l’air sur le voile du palais), sauf quand il est entre deux voyelles. Dans ce cas,
c’est un r roulé : très légèrement, au point de ressembler beaucoup à un l en
provençal méridional, plus franchement roulé en provençal gavot. Et quand
on veut indiquer qu’entre deux voyelles le r n’est pas roulé, on écrit tout
simplement rr. C’est utile parce que l’on distingue les mots de cette façon,
comme que fara ? ké fala (que fera-t-elle ?), que farrat ? ke fara (quel
seau ?). Cela dit, sous l’influence du français, on entend souvent des gens qui
ne roulent aucun r en provençal (surtout dans la région d’Avignon) et on se
comprend quand même. Donc, ne vous prenez pas la tête si vous n’y arrivez
pas !

LES VOYELLES
Les seules différences avec le français sont : l’absence totale du y, les valeurs
phonétiques de e, u et de ue. Il faut quand même se rappeler que le a et le o
sont toujours prononcés très ouverts et que le u peut toujours être prononcé
eu.
Attention, en provençal, quand deux voyelles sont collées à l’écrit, cela
signifie qu’on les prononce toutes les deux d’une seule émission de voix (se
sont des diphtongues) : ai, ei, oi, òu, oui, oua correspondent à aï, éï, òï,
òw, ouï, wa comme si c’était écrit en français aille, eille, oille, owe, ouille, oi.
Les seules exceptions sont ou pour écrire ou comme en français et le ue en
rhodanien (voir juste après).
Le e ou é correspond toujours à la prononciation é, le è à la prononciation è.
Mais que vous prononciez le e comme é fermé ou è ouvert n’a pas grande
importance, du moment que vous ne le prononcez pas eu comme en français.
Le u correspond au son u ou eu (indistinctement), sauf quand il suit une
voyelle, auquel cas il correspond à ou et forme une diphtongue comme au,
èu, òu aw, èw, òw.
Le groupe ue correspond à ué, sauf en rhodanien où il correspond à eu (ainsi
cuecho, qui signifie cuite, transcrit le kuétchò du maritime et le keutsò du
rhodanien).

LES VOYELLES NASALES


Il n’y a pas vraiment de voyelles nasales en provençal comme les an, en, in,
on du français parisien. Il y a des voyelles plus ou moins (souvent très peu)
nasalisées, toujours suivies de la prononciation effective de la consonne
nasale écrite n ou m. C’est d’ailleurs de là que vient une caractéristique
typique de l’accent provençal en français. Les notations phonétiques
adoptées dans ce livre essayent de montrer comment ça se prononce, mais
c’est un peu plus subtil et un peu plus compliqué. Si vous avez déjà l’accent
du Midi, gardez-le : c’est ça ! Accentuez-le, même. Sinon… on vous
pardonnera.

L’ACCENT TONIQUE
En provençal, l’accent tonique est important. Il donne la musique de la
langue, le rythme, contribue à l’identification des mots. On entend bien ses
effets dans la façon dont les Provençaux prononcent le français : cet accent
« chantant » avec des e maintenus partout… En provençal, il permet souvent
de distinguer des mots qui seraient identiques sans lui et qui ont des sens
différents, comme fenisses fénissèss, tu finis différent de fenissès
fénissèss, vous finissez ou resse réssé, je scie différent de resset réssé, la
sciure.
L’indication de la place de l’accent tonique est pourtant, hélas, un peu
compliquée…

Si le mot se termine par e ou o qui ne porte pas d’accent écrit, on accentue l’avant-
dernière syllabe.
Si le mot contient une avant-dernière syllabe dont la voyelle porte un accent grave
écrit, on accentue cette voyelle dans la prononciation.
Si le mot se termine par a, i, u, ou, é, è, ò ou par toute consonne prononcée ou non,
on accentue la dernière syllabe.
Il y a deux exceptions importantes :

la 2e personne du singulier des verbes (liée à la marque de politesse) :


parles parlèss tu chantes

la 3e personne du pluriel des verbes :


parlon parloung ils/elles chantent
CHAPITRE 8
LEXIQUE FRANÇAIS-PROVENÇAL
Dans ce chapitre :

L’essentiel du vocabulaire classé par ordre alphabétique

ATTENTION : AIDES ET PIÈGES !


Il y a une certaine ressemblance entre le provençal et le français, car ces deux
langues viennent toutes les deux du latin, même si elles ont eu des
trajectoires différentes (voir chapitre 1) et même si le provençal rappelle
davantage le génois, le catalan ou l’italien que le français. Du coup, une
partie des vocabulaires des deux langues se ressemble. On pourra avoir alors
l’impression parfois vraie et parfois fausse que ces mots qui se ressemblent
ont la même signification ; et que si l’on connait le mot en français, on peut
en deviner automatiquement le sens en provençal. Et pourtant, il y a des
pièges…
En voici quelques exemples :
ai âne (en provençal maritime) et non ail
arret filet et non arrêt
blaga bavarder et non plaisanter
bouchoun petite boule et non bouchon
cadèu chiot et non cadet
carriero rue et non carrière
chino chienne et non Chine
croto cave et non crotte
dina manger à midi et non manger le soir
dreissa mettre debout et non dresser
drole garçon et non drôle
enfant fils et non enfant
escabot troupeau et non escabeau
fatigado mourant(e) et non fatigué(e)
galanto charmant(e) et non galant(e)
ile lis et non ile
lèsto prêt et non leste
leva ôter et non lever
mena conduire et non mener
móussi garçonnet et non mousse (emprunt au provençal au sens de jeune
matelot)
nivo nuage et non niveau
pilo évier et non pile
pitre poitrine et non clown
poutagié rebord d’un réchaud ou d’un évier et non potager
quant combien et non quand
resquiha glisser et non resquiller (emprunt au provençal)
souna appeler et non sonner
talounado plaisanterie et non talonnade
trufo pomme de terre et non truffe
tubo ça fume et non tube
vano couverture et non vanne
etc.

LISTE ALPHABÉTIQUE
Quand le genre n’est pas le même que celui du mot français, il est indiqué par [m]
ou [f]. Quand il y a une différence entre le provençal rhodanien et le provençal
maritime-intérieur, la forme en maritime est donnée en deuxième position précédée de
l’indication [M]. Pour éviter de surcharger ce lexique, la variation n’est que suggérée de
façon réduite (voir dans le reste du livre pour plus d’information). Certaines formes
typiquement alpines sont quand même données avec l’indication [G] pour « gavot ».
Quand il y a plusieurs équivalents possibles de manière générale, ils sont donnés un
après l’autre sans indication de variété locale. Les formes masculine et féminine sont
données avec barre oblique / si nécessaire.

A
à, à, de
abeille, abiho
abîmer, esquinta
abri, sousto [f]
accident, auvàri
acheter, croumpa
accueillir, aculi
Afrique, Africo
agneau, agnèu
agriculteur, païsan
aider, ajuda
ail, aiet
aimer, eima
aîné(e), einat/einado
Aix, z-Ais
Algérie, Argerìo
algue, augo
allée, lèio
aller, ana
allez !, zou !
alors que, mentre que
alors, alor
Alpes, Aup
amande, amelo, [M] amendo
amandier, amelié, [M] amendié
ami(e), ami/amigo, coulègo [m & f]
amour, amour
ancêtre, àvi
âne, ase, [M] ai
année, annado
anniversaire, anniversàri
annonce, anóunci [m]
août, avoust, aoust
appareil, besougno [f]
appeler, souna
apprendre, aprene, aprèndre
après, après
après-midi, après-dina [m], après-dinado [f]
arbre, aubre
argent, argènt, sòu
arménien(ne), armenian/armeniano
armoire, armàri [m]
arracher, derraba
arrêter, arresta
arriver, arriva
asseoir, asseta
assiette, sieto
atelier, ataié
attendre, espera
attrapper, aganta
au revoir, au revèire
aube, aubo
aubergine, merinjano
aujourd’hui, vuei, [M] encuei
aussi, tambèn
automne, autouno [f]
autoroute, autorouto
avancer, avança
avec, emé
averse, raisso
Avignon, Avignoun
avoir, avé, agué
avril, abriéu

B
bagarre, batèsto, garrouio
bal, balèti
balader (se), barrula
balai, escoubo [f]
balance, balanço
balançoire, balançaire [m]
balayer, escouba
ballon, baloun
bandit, brigand
banquier, banquié
bar-tabac, bar-taba
bateau, batèu
batteuse, batuso
bavarder, barjaca
bazar, pàti
beau temps, bèu tèms
beau/belle, bèu/bello
beaucoup, forço, [M & G] fouaço
bébé, nistoun
bêche, luchet, lichet
belle-mère, bello-maire, bello-mèro
belote, beloto
benjamin, cago-nis, caganis
bernique, arrapèdo
bête, bèsti
beurre, burre, [M] buèrri
bibliothèque, biblioutèco
bien, bèn
bienveillance, benvoulènci
bienvenue, benvengudo
bijou, beloio
bille, biho
bise, poutoun [m]
blanc/blanche, blanc/blanco, [G] blanc/blancho
blé de Sainte-Barbe, blad de Santo Barbo
blé, blad
bleu(e), blu/bluio
boire, béure, buoure
bois (forêt, matière), bos, [M & G] bouas
bol, bolo [f]
bon(ne), bon/bono, [M] bouan/bouano
bonbon, sucrèu, bono [f]
bonjour, bonjour, [M] bounjou
botte, boto
bouche, bouco
boucher, bouchié
boucher, tapa
bouger, boulega, [G] bouleja
bouillabaisse, boui-abaisso [m]
boulanger, boulengié, fournié
boulangerie, boulenjarié
boule (à jouer), bocho
boule, boulo
bouteille, boutiho
bras, bras
brebis, fedo
brise, auro
brume, nèblo
bureau, burèu
but (pétanque), bouchoun

C
ça alors !, aquelo tubo !
ça, acò
cadeau, presènt
cahier, caié
calamar, tóuteno [f]
calcul, carcu, chifro [f]
camarade, coulègo [m & f]
Camargue, Camargo
camionnette, camiouneto
canapé, radassié
canicule, calourasso, [G] chalourasso
carnaval, carnava
cartable, saco
carte, carto
casser, roumpre, peta
casserole, oulo
ceinture, centuro, taiolo
celui/celle, aquéu/aquelo
cent, cènt
cerise, ceriso, [M] cerieio, [M] grafien [m]
chacun(e), cadun/caduno
chaise, cadiero, [G] chèiro
chambre, chambro
chamois, chamous
champ, champ
chanter, canta, [G] chanta
chapeau, capèu, [G] chapèu
charcutier, car-saladié, charcutié
charnu(e), poupu/poupudo
charrette, carreto, [G] charreto
charrue, charruio, araire [m]
chasse-neige, coucho-nèu
château, castèu, [G] chastèu
chaud(e), caud/caudo, [G] chaut/chaudo
chauffeur, menaire
chaussette, dabasset [m]
chaussure, soulié [m]
chemin, camin, [G] chamin
chemise, camiso, [M] camié, [G] chamiso
chercher (prendre), querre
chercher (rechercher), cerca, [G] cercha
cheval, chivau, [M oriental] cavau, [G] chavau
cheveu, péu, chivu
cheville, caviho, [G] chaviho
chèvre, cabro, [G] chabro
chez, acò de, à l’oustau de
chien, chin, [M oriental] can
chiffre, chifro [f]
chocolat, choucoulat, chicoulat
choisir, chausi
chose, causo, [M] cauvo, [G] chauvo
ciel, cèu, ciel, [M] ciele
cigale, cigalo
cinéma, cinema
cinq, cinq
cinquante, cinquanto
clé, clau
client(e), cliènt/cliènto
clientèle, pratico
clignoter, parpeleja
clôture (barrière), cledo
coiffer, couifa
coiffeuse, couifuso
coin, caire
col, còu
collant, bas, debas
colline, colo, [M] coualo
combien, quant
commencer, coumença
comment, coume, [M & G] coumo
Comores, Coumoro
Comtat Venaissin, Coumtat de Venisso [f]
conduire, mena
congre, fielas
connaitre, counèisse, [M] counouisse [G] counouishe
construire, basti
coq, gau, [G] jau
coquillages, couquihage, cruvelu [pluriel]
corde, cordo, [M & G] couardo
Corse, Corso
costume, coustume, àbi
côte (maritime), coustiero
côte (montée), costo, [M & G] couasto
côté, coustat, caire
coton, coutoun
cou, còu, [M & G] couale
coucher, coucha
coude, couide
couleur, coulour
coup, cop, [M] còup
cour, court
courant, courrènt
courgette, cougourdeto
courir, courre
course, courso
cousin(e), cousin/cousino
couteau, coutèu
coûter, cousta
couvrir, curbi, tapa
crabe (petit), favouio [f]
crâner, faire d’esbroufe
cravate, gravato
crayon, creioun
crépuscule, calabrun
crever, creba
crier, crida
crique, calanco
croc-en-jambe, gambeto [f]
crochet, crouchet, [M] gànchou
croire, crèire
cube, cube
cuillère, cuièro, cuié [m]
cuisine, cousino, [M] couïno, cousino
cuisinier, cousinié, [M] couïnié, cousinié
cuisinière, cousiniero, [M] couïniero, cousiniero
cuisse, cueisso
culture en terrasses, restanco
cyprès, ciprés

D
d’abord, proumié
dans, dins
danseuse, dansarello
daube, adobo
Dauphiné, Dóufinat
de, de, à
dé, dat
débrouiller (se), s’adouba
décembre, desèmbre
déjeuner (midi), dina
demander, demanda
dent, dènt, [pour les enfants] ratouno
depuis, despièi, [M] despuei
déranger, destourba
dernier(ère), darrié/darriero, darnié/darniero
dérober, rauba
derrière, darrié, darnié
descendre, davala, descèndre
dès que, tre que
dessin, dessin
dessous, dessouto
dessus, dessus
deux, dous [m]/dos [f], [M & G] douas [f]
devant, davans
devinette, devinaio
devoir, déure, duoure
diable, diable
dictionnaire, diciounàri
Dieu, Diéu
dimanche, dimenche, [M] diminche
dîner (soir), soupa
dînette, tarraieto
dispute, garrouio
dix, dès
dix-huit, dès-e-vue
dix-neuf, dès-e-nòu
dix-sept, dès-e-sèt
doigt, det
donc, dounc, puei
donner, douna, baia
dormir, dourmi, [M] durmi
dos, esquino [f]
douze, douge
dragon, drac, dragoun
droit(e), dre/drecho
Drôme, Droumo
Durance, Durènço

E
eau, aigo
éclair, lamp, uiau
école, escolo
écouter, escouta
écrire, escriéure
écriture, escrituro
écrivain, escrivan
écurie, estable [m]
église, glèiso, egliso, [M] glèio, egliso
élève, escoulan/escoulano
emmener, mena
employé(e), emplega/emplegado
encore, encaro, mai
enfants, pichot, [M] pichoun, [M jeunes enfants] móussi
enlever, leva
enseignant(e), ensignaire/ensignarello
entendre, entèndre, ausi, [M] entèndre, auvi
entre, entre
entrée, intrado, [G] intraio
entrer, intra
épaule, espalo
épée, espaso
épicier, espicié
équipé, atrenca
erreur (grosse), àrri [m]
escalier, escalié [pluriel]
escargot, cacalaus, [M] cacalauvo [f], limaçoun
espace, espàci
Espagne, Espagno
essayer, assaja, [G] assaia
étalage, banc, taulié
été, estiéu
étoile, estello
étranger(ère) (inconnu), estrangié/estrangiero
étranger(ère) (autre pays), fourestié/fourestiero
être, èstre
étude, estùdi [m]
Europe, Éuropo, Uropo
évier, lavabo, pielo [f], pilo [f]
extraterrestre, estra-terrèstre

F
façon, biais [m]
faire partir, coucha
falaise, baus
farandole, farandoulo
fée, fado
femme, femo, fumo, [M] fremo, frumo
fenêtre, fenèstro
ferme (agricole), bastido, mas [m], [G] bastié
fermeture, barraduro
fermier(ère), bastidan/bastdano, meinagié/ meinagiero
fesse, gauto dóu quiéou
fête des Mères, fèsto di Maire, [M] … dei Maire
fête nationale, fèsto naciounalo
fête religieuse, voto
feu, fiò, [M] fue
feux de Saint-Jean, fiò de Sant Jan, [M] fue de…
février, febrié
fiancé(e), nòvi [m & f]
ficher, garça
fichu (foulard), fichu
fifre, galoubet
figue, figo
filet, arret
fille, fiho
filleul(e), fihòu/fiholo
fils, fiéu, enfant
finir, feni, fini
fleur, flour
foin, fen
fois, cop, [M] còup
fonctionnaire, founciounàri
fontaine, font, [M] fouont, fouant
football, foutobalo, baloun
Forcalquier, Fourcauquié
forêt, bos, [M & G] bouas
fort(e), fort/forto, [M & G] fouart/fouarto
fourchette, fourqueto, [G] fourcheto
frais, frès
français(e), francés, franceso
France, Franço
frère, fraire, frèro
froid(e), fre/frejo
fromage, froumage, froumàgi
fruits, frucho [f singulier]
fumer, tuba, fuma

G
gagner, gagna
galet, code, [M] còdou
garçon, drole, pichot, [M] pichoun
gare, garo
gâteau, pastissarié [f]
gel, gèu
gendarmes, gendarmo
gendre, bèu-fiéu
gêne, crento
généreux(euse), generous/generouso, [M] generous/generoua
génois(e), ginouvés/ginouvéso
genou, ginoui, ginous
gens, gènt
gentil(ille), brave/bravo
géographie, geougrafìo
gilet, courset
goudronnée, enquitranado, [G] enquitranaio
goûter (un aliment), tasta
goûter (n. m.), gousta
gouvernement, gouvèr
grammaire, gramatico
grand-mère, grand-maire, grand [f]
grand-père, grand-paire, grand [m]
grand(e), grand/grando
grange, feniero
gratin, tian
grec/grecque, gregau/gregalo, [M] grègou/ grego
gros/grosse, gros/grosso
gym, ginastico

H
habiller, abiha, vesti
haie, baragno
haricot, faiòu
haut (en), damount, adaut
haut(e), aut/auto, naut/nauto
Haute-Provence, Gavoutino, Nauto-Prouvènço
hélas, pecaire, pechaire
herbe, erbo
héros, erò
heureux(euse), urous/urouso, [M] urous/uroua
histoire, istòri
hiver, ivèr, [G] uvèrt
homme, ome
hôpital, espitau
horloge, reloge, relògi [m]
huile, òli [m]
huit, vue
hurler, brama

I
ici, eici
il était une fois…, un cop èro…, [M] un còup èro…
il faut, fau, [G] chau
île, ilo, isclo
imbécile, bedigas/bedigasso, couioun/couiouno
immeuble, oustalas
index (doigt), det dóu signe
industrie, endustrìo
informaticien(ne), enfourmatician/ enfourmaticiano
ingénieur(e), engeniour/engeniouro
inviter, counvida, envita
Italie, Itàli, Italìo
italien(ne), italian/italiano

J
jamais, jamai
jambe, cambo, [M] gambo, [G] jambo
jambon, cambajoun
janvier, janvié
jardin, jardin
jaune, jaune/jauno
jean, bloujin
jeudi, dijòu
jeu électronique, jo eleitrouni, [M] jue eleitrounique
jeune, jouine/jouino, [M] jouèine/jouèino, [G] jouve/jouvo
je vous en prie, vous n’en prègui
joli(e), poulit/poulido
joue, gauto
jouer, jouga, [M] juga
jour, jour, [M] jour, jou, [G] jour, jout
jour de l’an, jour de an
journaliste, journalisto
joutes nautiques, targo [f singulier]
juillet, juliet, juiet
juin, jun
jupe, jupo
jusque, jusco, finco, [M] jusco, fìncou

L
là, aqui
laine, lano
lait, la
langue, lengo
Languedoc, Lengadò
lapin, lapin
lavande, lavando
laver, lava
lécher, lipa
lecture, leituro
légume, liéume
lentement, plan
lettre, letro
lever, leva, dreissa
liberté, liberta
libraire, libraire
lire, legi
lit, lié
littérature, literaturo
livre, libre
long/longue, long/longo
longtemps, longtèms, loungtèms, de-longo
lorsque, quouro
loup, loup
Lubéron, Leberoun
lundi, dilun
lune, luno
lyonnaise, liouneso

M
maçon, maçoun, muraire
madame, mesdames, madamo, midamo
mademoiselle, madamisello, damisello
magasin, boutigo
maghrébin(e), maugrabin/maugrabino
mai, mai
main, man
maintenant, aro
mairie, municipe [m], coumuno
mais, mai
maître/maîtresse, mèstre/mestrèsso
maître nageur, mèstre-nedaire
maîtrise, gàubi [m]
mal, mau
malade, malaut/malauto
malin/maligne, finocho/finocho, [M] finòchou/- ocho
maman, ma, mama
manège, viro-viro
manger, manja
manteau, mantèu
marchande, marchando
marché, marcat
marcher, camina, marcha, [G] chamina
mardi, dimars
Mardi gras, Caramentran
mariage, maridage, maridàgi
marier, marida
Maroc, Marò
marraine, meirino
mars, mars
Marseille, Marsiho
maths, matematico
matin, matin
Maure et Esterel, Mauro e Esterèu
mauvais(e), marrit/marrido
méchant(e), michant/michanto, marrias/ marriasso
médecin, dóutour/dóutouresso
Méditerranée, Mieterrano, Mediterragno
meilleur(e), meiour/meiouro, [M] meiou/ meiouro
melon, meloun
mémé, mamie, mamet, mameto
même, meme/memo, mume/mumo
mer, mar
merci, gramaci, merci
mercredi, dimècre
mère, maire, mèro
mettre, metre, bouta
meuble, moble
midi, miejour, [M] miejou
miel, mèu
mieux, miés
milieu, mitan
militaire, sourdat
mille, milo
milliard, miliard
million, milien
mini-jupe, gounello
miraud, calu
mistral, mistrau
moins, mens
mois, mes
moitié, mita
mollasson, santoun, sànti-bèlli
mollet (jambe), boutèu
mollo !, d’aise !
monde, mounde
monnaie, mounedo
monsieur, messieurs, moussu, missiés
monstre, moustre, [M] mouastre
montagnard, gavot, [M & G] gavouot, gavouat
montagne, mountagno
montée, mountado, [G] mountaio
monter, mounta
montre, mostro, [M & G] mouastro
moquer (se), se trufa, [M] si trufa
morceau, moussèu
mot, mot
moulin à huile, moulin d’òli
mourir, mouri
mouton, moutoun
mur, muraio [f], paret
mûr(e), madur/maduro, [G] maür/maüro
murette, mureto
musique, musico

N
narine, narro
neige (la), nèu
neige (il), nèvo
neuf (chiffre), nòu
neuf/neuve, nòu/novo
nez, nas
nid, nis, [M] niéu
Noël, Nouvè, Calèndo, [G] Chalèndos
nœud, ganso
noir(e), negre/negro
non (familier), noun
non (poli), nàni
novembre, nouvèmbre
nuage, nivo, [M] niéu
nuit, niue, [M] nue

O
octobre, óutobre
œil, iue, [M & G] uei
offrir, pourgi
oignon, cèbo [f]
oiseau, aucèu
olive, óulivo
olivier, óulivié
oncle, ouncle
ongle, ounglo [f]
onze, vounge
or (nom), or
orage, chavano [f]
orange (couleur), aranja/aranjado
orange (fruit), arange [m], aràngi [m]
oratoire, ouratòri
ordinateur, ourdinatour
oreille, auriho
orteil, artèu
où, ounte, mounte
oublier, óublida, [G] eissublia
oui, o, vo, vouei
oursin, óussin
ouvrier, oubrié
ouvrir, durbi, [M] dorbi, dourbi
P
pain, pan
paire, parèu [m]
panier, coufin
pantalon, braio [f]
pantoufle, pantouflo
papa, pa, papa
papillon, parpaioun
Pâques, Pasco
par, pèr
parasol, paro-soulèu
parc, pargue
parce que, perqué
parfois, de-cop, [M] de còup
parler, parla
parrain, peirin
pas beaucoup, gaire
pas vrai ?, parai ?
passer, passa
pastis, anis, pataclet
pâtes, pasto
patron(ne), patroun/patrouno
pauvre, paure/pauro
payer, paga, [G] paia
pays niçois, Coumtat de Niço [f]
paysage, païsage, païsàgi
paysan(ne), païsan/païsano
pêche (fruit), pessègue [m]
pêcheur, pescaire, pescadou
peindre, pinta
peinture, pinturo
pendant que, dóu tèms que, entanto que
penser, pensa
Pentecôte, Pandecousto
pépé, papy, papet
perdre, perdre
père, paire, pèro
pétanque, petanco
petit déjeuner, dejuna
petit(e), pichoto/pichoto, [M] pichoun/ pichouno
peu, pau, gaire
phare, faro
pharmacien(ne), farmacian/farmaciano
pied, pèd
pieds-paquets, pèd-paquet
Piémont, Piemount
piémontais(e), piémountés/piemounteso
pin, pin
pire, pège, [M] piègi
place, plaço
plage, plajo
plaire, agrada
plaisanterie, talounado, galejado
platane, platano [f]
plein(e), plen/pleno
pleurer, ploura, se ploura
pleut (il), plòu
pluie, plueio
plus, plus, mai
plutôt, pulèu
poêle, sartan
poignet, pougnet
pointe, pouncho
poire, pero
poison, pouisoun [f], [M] pouioun [f]
poisson de mer, pèis
poisson de rivière, peissoun
poissonnière, peissouniero
poissons (petits), peissaio [f singulier]
poitrine, pitre [m]
police, pouliço
policier(ière), poulicié/pouliciero
pomme, poumo
pomme de terre, trufo, tartiflo
pompiers, poumpié
pont, pont, [M & G] pouant
porc, porc, [M & G] pouarc
port, port
porte, porto, [M & G] pouarto
porter, pourta
possible, poussible/poussiblo
pouce, gros det, póuce
poule, galino, [G] jalino, poulo
poulpe, pourpre
poupée, titèi, titèio
pour, pèr
pourquoi, perqué
pourtant, pamens
pouvoir, poudé, pousqué
pré, prat
précipiter (se), se rounsa
premier mai, fèsto dóu travai
prendre, prene, prèndre
préparer, alesti, prepara
près, proche, pròchi
prince/princesse, prince/princesso
printemps, printèms, primo [f]
procession, roumavage, roumavàgi, roumiage
professeur(e), proufessour/proufessouro
promenade, proumenado, passejado, [G]
proumenaio
prononciation, prounounciacioun, [M]
prounounciacien
provençal(e), prouvençau/prouvençalo
Provence, Prouvènço
publicité, reclamo
puisque, bord que
puits, pous
pull, tricot

Q
quand, quand, quouro
quai, quèi
quarante, quaranto
quatorze, quatorge
quatre, quatre
quatre-vingt, vuetanto, vuechanto, quatre-vint
quatre-vingt-dix, nounanto
qui (interr.), quau, [M] qu
qui (relatif), que
quincaillerie, quincaio
quinze, quinge
quoi, que, dequé

R
raisin, rasin, [M] rin
rascasse, rascasso
rat, gàrri
râteau, rastèu
rater, caga
récolte, recordo, recloto, [M & G] recouardo
regarder, regarda, aluca
région, regioun
reine, rèino
remercier, remarcia, gramacia
remonte-pente, tiro-quiéou
rencontrer, rescountra
rendre, rèndre
renseignement, rensignamen
répondre, respondre, [M & G] respouandre
ressentir, senti
retraite aux flambeaux, pegoulado
retraité (e), retira/retirado
réussir, capita, ruissi
réveiller, reviha, dereviha
réveillon, veillée, vihado
rêver, pantaia
Rhône, Rose
riche, riche/richo
rire, rire
rivière, ribiero
robe, raubo
robinet, grifoun
roche, roco, [G] rocho
rocher, roucas
roi, rèi
romarin, roumanin, [M] roumaniéu
rond-point, rountoundo
rouge, rouge/roujo
route, routo
rue, carriero, [G] charriero
ruisseau, valat

S
sable, sablo [f]
Saint-Éloi, Sant Aloi
Sainte-Estelle, Santo-Estello
saison, sesoun
salade, ensalado
salle à manger, salo pèr manja
salle de bains, gabinet de teleto
salon, sejour
salut ! (au revoir), adessias !, chau !
salut ! (bonjour), adiéu !, hòu !
samedi, dissate
sans, sènso, sèns
santé (en bonne), gaiard/gaiardo
santon, santoun
sapin, sapin
sarcloir, eissadoun
sauce, sausso
savoir, saupre, [M] saché, sapé
science, sciènci
sec/sèche, se/seco
sécheresse, secaresso
secrétaire, secretàri
seize, sege
sel, sau
semaine, semano
sentier, draio [f]
sentir (odeur), nifla
sentir (ressentir), senti, sènte
sept, sèt
septembre, setèmbre
serpent, serp [f]
serrer, esquicha
serrer la main, touca la man
serveuse, servicialo
serviette, servieto, touaioun [m]
seule, soulet/souleto
short, braieto [f pluriel]
si (autant), tant
si (condition), se
s’il vous plait, se vous plais, siouplè
six, sièis
slip, caleçon, braieto [f pluriel]
sœur, sorre, [M & G] souarre
soir, vèspre, sero [m & f], souar
soixante, sieissanto
soixante-dix, setanto
sol, sòu
soleil, soulèu, [G] sourèu
sommet, cimo
sorcière, masco
sortir, sourti
soudain, tout d’un tèms
souffrir, soufri, pati
soupe, soupo
source, font, [M & G] fouant
sous, souto
souvenir, remembranço [f], souveni
souvent, souvènt
stade, estàdi
stylo, estilò
suivre, segui, suivre
supermarché, supermarcat
sur, sus, dessus
sûr(e), segur/seguro, [M] segu/seguro

T
table, taulo
tableau, tablèu
tablier, faudau, faudiéu
tante, tanto
tata, tatie, tata
tâter, chaspa
taureau, bœuf, biòu, [M] tau, buou
téléphone, telefone, telefono
télévision, telé
tenir, teni
tenture, tibanèu [m]
terre, terro
tête, tèsto
thym, ferigoulo, farigoulo [f]
tirée, estirado, [G] estiraio
toilettes, pàti [m]
toit, téulisso [f]
tomate, poumo d’amour
tomber, toumba, se toumba
tomber (bien), bèn encapa
tonneau, bouto [f]
tonnerre, tounèro
tordre, torse, [M] touarse
tôt, lèu
toucher, touca, [G] toucha
toujours, toujour, sèmpre, [M] toujou, de-longo, sèmpre
Toulon, Touloun
touriste, touristo [m & f]
tournée, virado, [G] viraio
tourner, tourna, vira
Toussaint, Toussant
tout à l’heure (futur), tout aro
tout à l’heure (passé), tout escas
tracteur, tratour
tradition, tradicioun, [M] tradicien
train, trin
tranche, lesco
transhumance, amountagnage, amountagnàgi [m]
transporter, carreja
travail, obro [f], travai
travailler, travaia
travers (à), au travès, de-tras
travers (de), de bescànti
treize desserts, trege dessert
treize, trege
trente, trento
trois, tres
tromper, engana, troumpa
trop, trop, [M] tròu
troupeau, troupèu, escabot, [M & G] escabouat
trouver, trouva
Tunisie, Tunisìo
U
un/une, un/uno
usine, fabrico

V
vache, vaco, [G] vacho
vague, erso
vallée, valado, valèio
vendanges, vendèmi, [M] vendùmi, endùmi
vendeur(euse), vendèire/venduso
vendre, vèndre
vendredi, divèndre
vent, vènt
vent d’est, levant
ventre, vèntre
verre, vèire
versant, pèndo [f]
versant nord ou sud, uba ou adré
vert(e), vèrd/vèrdo
veste, vèsto
vétérinaire, veterinàri
viande, viando
vie, vido
vieux/vieille, vièi/vièio
vigne, vigno
village, vilage, vilàgi
vin, vin
vingt, vint
vingt-deux, vinto-dous
vingt-et-un, vint-un
vingt-trois, vinto-tres
violet(ette), vióulet/vióuleto
virage, recouide, tournant
visage, caro [f], fàci [f]
vite, vite
vivre, viéure
vocabulaire, voucabulàri
voilà, vaqui
voir, vèire
voisin(e), vesin/vesino
voiture, veituro
volet, contro-vènt
voleur, voulur, raubaire
vouloir, voulé, vougué
voyou, maufatan
vrai/vraie, verai/veraio
ANNEXE
POUR ALLER PLUS LOIN DANS LA DÉCOUVERTE DE LA
LANGUE…

RESSOURCES EN LIGNE (ET LIENS SANS


FIN…)
Nombreuses ressources et livres en ligne sur la langue provençale sur :
http://www.lexilogos.com/provencal_langue_dictionnaires.htm

Le portail de la langue et de la culture provençales :


http://prouvenco.presso.free.fr/

Revue culturelle Li Nouvello de Prouvènço, site avec cours du soir de provençal dans
toute la région :
http://www.nouvello.com

Revue culturelle et éditions Prouvènço Aro :


http://www.prouvenco-aro.com

Centre de documentation provençale (le plus important de Provence) :


http://www.documprovence.com

Bibliothèque virtuelle de langue d’oc (nombreux livres en provençal en ligne) :


http://www.up.univ-mrs.fr/tresoc/

Médiathèque provençale (centre de documentation sur l’oralité) :


http://www.coloc-asso.com/

Documents audio et vidéo en provençal sur :


http://polyglotte.org/blog/romane/provencal/

Programmes en provençal sur France 3 Méditerranée :


http://mediterranee.france3.fr/emissions/55261867-fr.php
et
http://provence-
alpes.france3.fr/vaqui/index.php ?page=article&numsite=626&id_article=16478&id_r
ubrique=6644

Émissions en provençal sur Télé Mistral :


http://www.telemistral.com/television/vod ?task=allvideoslist

Association des enseignants de provençal :


http://prouvencauescolo.free.fr/

Association Prouvençau lengo vivo :


http://prouvencaulengovivo.free.fr/

Association Collectif Prouvènço :


http://www.collectifprovence.com/

Association varoise pour l’enseignement du provençal : http://avep.monsite-orange.fr/


Initiation au provençal en ligne :
http://loucaramentrant.free.fr/cours/

Cours de provençal en ligne :


http://prouvencaulengovivo.free.fr/cours-index.html

Chansons et musiques de Provence :


http://www.zictrad.free.fr/Provence/Cours/chanteurs-compositeurs-musiciens.htm

Études sur la situation sociolinguistique du provençal :


http://www.prefics.org/SociolingProvence.html

COURS DE PROVENÇAL PAR


CORRESPONDANCE
L’Astrado prouvençalo, 13, les Fauvettes, 13130 Berre-l’Étang.

MÉTHODES D’INITIATION ET
D’APPRENTISSAGE POUR LE PROVENÇAL
Ariès A., Lou prouvençau à l’oustau, Escandihado Aubagnenco, 1971 [méthode audio-
visuelle de provençal].
Barthélemy-Vigouroux, A. et Martin, G., Manuel pratique de provençal contemporain
(avec CD), Édisud, 2000 (en graphie occitane).
Bigonnet, V., Calamel, S. et Blanchet, Ph., Le provençal de poche, Assimil, 2005.
Blanchet, Ph., Parlons provençal ! Langue et culture, L’Harmattan, 1999 (avec K7
audio).
Blanchet, Ph. et Gasquet-Cyrus, M., Le marseillais de poche, Assimil, 2004.
Blanchet, Ph., Parle-moi provençal / Parlo-me prouvençau, Méthode Assimil
complète avec livret complet de 260 p. et 2 CD, 2010.
Simian-Seisson, N., et collaborateurs, Camin de lengo, Lou Prouvençau à l’Escolo,
2003 (activités pédagogiques pour l’apprentissage du provençal pour les enfants, 3
niveaux).
Vouland P., Se parlaves prouvençau ?, Manuel de provençal 1er niveau, Nice, CRDP,
1986.
Vouland P., Parlèsses clar !, manuel de provençal 2e niveau, Nice, CRDP, 1988.

AUTRE BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE


POUR LA DÉCOUVERTE DU PROVENÇAL
Bayle L., Grammaire provençale, Toulon, L’Astrado, 1975 (nombreuses rééditions).
Bayle L., Les Verbes provençaux et leur conjugaison, L’Astrado, 1986 (nombreuses
rééditions).
Bayle L. et Courty M., Histoire abrégée de la littérature provençale moderne,
L’Astrado, 1995.
Blanchet, Ph., Le provençal, essai de description sociolinguistique et différentielle,
Peeters, 1992.
Blanchet, Ph., Parlo que pinto ! Petit vocabulaire français-provençal, L’Astrado, 1997,
réédition 1999 [pour enfants].
Blanchet, Ph., Mon premier dictionnaire français-provençal en images, Gisserot, 1999
[pour enfants].
Blanchet, Ph., Zou boulégan ! Expressions familières de Marseille et de Provence,
Bonneton, 2000.
Blanchet, Ph., Langues, cultures et identités régionales en Provence. La Métaphore de
l’aïoli, L’Harmattan, 2002.
Blanchet, Ph., Dictionnaire fondamental français-provençal, Gisserot-Éducation,
2002.
Blanchet, Ph., Petit dictionnaire des lieux-dits en Provence, Librairie Contemporaine,
2003.
Coupier, J., Dictionnaire français-provençal, Édisud, 1 512 p. (60 000 entrées), 1995,
réédition Collectif Provence 2009 (Grand prix littéraire de Provence 1996 et Meilleur
dictionnaire de provençal moderne selon la bibliographie internationale des linguistes
The Year’s work in modern languages studies 1997).
Coupier, J., Petit dictionnaire français-provençal, Édisud, 1998, 360 p. (18 000
entrées, issu du précédent).
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l’Escolo, 1987.
Tennevin J.-P., Essai sur le style de la langue provençale, Lou Prouvençau à l’Escolo,
1987.
1
N.B. : Nice non incluse, car on y parle le niçois, ou nissart, langue proche mais distincte
du provençal méridional.
2
C’est le mot qui est devenu « oui » en français moderne.
3
Voir carte p. 16.
4
Mot peu usité, mais l’adjectif amaluga (f. -ado) amaluga/amalugadò (qui a mal aux
os) ou le verbe desmaluga désmaluga (démettre une articulation) sont usuels.
5
Voir carte p. 17.
6
Voir carte p. 18.
7
« La planète Mars » est l’un des surnoms de Marseille.

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