Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Jean-Daniel Boyer
Université de Strasbourg
L’accent mis sur cette distinction oublie pourtant la question du commerce colonial
qui pourrait relever à la fois du commerce intérieur et du commerce extérieur. En le prenant
en considération une autre logique de développement économique partiellement différente
pourrait se dessiner et ferait émerger une triple interaction à l’œuvre (commerce colonial –
commerce intérieur – commerce extérieur) permettant à la fois de catalyser la production de
richesses et d’asseoir la domination de la France.
1
I. La nécessité coloniale dans un cadre marqué par l’opposition entre les nations
européennes
Dès son article intitulé Colonie, paru dans l’Encyclopédie en 1751, Forbonnais la présente
comme une nécessité historique découlant du « besoin », de « l’ambition » et de l’esprit de
conquête mais aussi de l’extension du commerce. Ces différentes causes aboutissent toutes au
« transport d’un peuple, ou d’une partie d’un peuple, d’un pays à un autre », caractère qui
constitue le trait essentiel d’une colonie pour Forbonnais (Forbonnais, 1751 ; 648). Nécessité
historique et nécessité du commerce, les colonies sont également une nécessité pour la
métropole et plus précisément pour la France dans un contexte marqué par l'opposition entre
les nations européennes. Elles se présentent comme une nécessité pour catalyser la production
des richesses nationales et pour assurer la puissance économique de la métropole (1) mais
aussi pour affirmer la puissance politique et militaire de cette dernière (2). Pour ne pas
affaiblir la puissance nationale en dépeuplant partiellement la métropole, les colonies doivent
avoir recours à l’esclavage (3). Au final, les colonies apparaissent véritablement comme un
enjeu nouveau autour duquel se jouera la rivalité entre les nations européennes et plus
précisément entre la France et l’Angleterre (4).
Aux yeux de Forbonnais, les colonies ont été établies dans les nations développées pour
répondre aux besoins des consommateurs de la métropole. Telle est la justification coloniale
que nous retrouvons dans l’article « Commerce » de l’Encyclopédie de 1751, reprise dans les
Elémens du commerce en 1754.
« Les peuples intelligens qui n’ont pas trouvé dans leurs terres dequoi suppléer aux
trois especes de besoins, ont acquis des terres dans les climats propres aux denrées qui
leur manquoient ; ils y ont envoyé une partie de leurs hommes pour les cultiver, en
leur imposant la loi de consommer les productions du pays de la domination. Ces
établissemens sont appellés colonies. » (Forbonnais, 1751 ; 691)
Les colonies apparaissent ainsi comme une nécessité visant à répondre aux besoins réels,
de commodités ou de luxe des consommateurs nationaux. Elles permettent de faire face à la
rareté ou à l’inexistence de certaines productions locales. Par nature, les colonies sont donc
dans un rapport de complémentarité avec la métropole.
Les colonies contribuent en outre à catalyser les productions nationales. Selon Forbonnais,
les besoins apparaissent en effet comme le principe dynamique de l’économie. Pensés comme
des désirs de consommation, ils sont la « cause immédiate du travail et de la production »
(Forbonnais, 1767, I, 6). Pour assouvir des besoins nouveaux et obtenir les biens convoités,
tout individu doit proposer une contrepartie qui ne pourra naître que d’une production, que
d’un surplus généré. Tout besoin anime de ce fait la production c’est la raison pour laquelle
plus les besoins seront nombreux, plus les productions nationales et l’emploi seront stimulés,
plus aussi la population augmentera. Finalement, les colonies, en créant des besoins nouveaux,
engendreront la production de richesses nationales.
L’avantage que présentent les colonies est que cette apparition de besoins nouveaux
stimulant la production nationale ne se fait aucunement au détriment de la nation. Les
2
consommations nationales de produits étrangers, si elles stimulent indirectement la production
nationale ont en effet le désavantage de dégrader le solde de la balance commerciale et
d'encourager en outre le développement économique des nations étrangères. L’échange
colonial permet au contraire de stimuler les besoins et de catalyser la production nationale
sans renforcer la puissance économique de l’étranger. Il se fait donc totalement au profit de la
métropole. Le fait de posséder des colonies permet en outre de limiter les importations
étrangères en leur substituant des importations émanant des colonies ce qui évite une nouvelle
fois la dégradation du solde de la balance commerciale. Finalement, l'établissement de
colonies rend possible la continuation de l'autarcie nationale et favorise l'indépendance
nationale car il permet de ne pas dépendre d'autres Etats concurrents mais de privilégier les
relations commerciales avec des nations sans Etat. Les colonies permettent donc de répondre
à la maxime selon laquelle « un peuple doit tendre principalement à se passer du travail
industrieux des autres (…) sans forcer ces autres peuples à se passer du sien. (Forbonnais,
1796, I ; 242). En définitive, le commerce colonial permet l’extension du commerce intérieur.
Il renforce en outre le commerce extérieur de la nation en favorisant les excédents de sa
balance commerciale suite à l’augmentation de ses exportations. L'établissement d'une colonie
permet à la métropole « de convertir les denrées que la métropole ne peut vendre aux
étrangers en denrées de la colonie dont manquent ces étrangers » (Forbonnais, 1796, I ; 361-
362). Emerge ici une relation triangulaire entre le commerce intérieur, le commerce colonial
et le commerce extérieur. Une colonie permet d’étendre les besoins et les débouchés
nationaux, de limiter les importations de la métropole et de favoriser ses exportations. Elle est
le moyen de faire face aux inconvénients du commerce international et se présente comme
une stratégie de laquelle l’Etat ne retirera que des avantages économiques tant au niveau de
son commerce intérieur que de son commerce extérieur.
2. Les colonies : une nécessité pour affirmer la puissance de l’Etat face aux nations
étrangères
Dans cette perspective les colonies sont un moyen de résoudre la tension existant entre la
nécessité de l'extension du commerce de laquelle naîtra la croissance économique et la
nécessité d’asseoir la puissance de l'Etat. Le commerce international libre ne peut y parvenir
car il stimule aussi l'enrichissement des nations adverses. Seule la création de colonies permet
tout à la fois d'assurer la puissance de l'Etat, d'étendre son commerce sans favoriser
indirectement l'affirmation de la puissance d’Etats concurrents. Par extension, le commerce
colonial concourt donc à l'affirmation de la puissance de l’Etat puisqu’« il est évident qu’entre
divers peuples, celui dont la balance générale est constamment la plus avantageuse deviendra
le plus puissant » (Forbonnais, 1796; I, 68-69)
3
C’est aussi la raison pour laquelle il s’agit d’exclure les navires étrangers ou neutres à moins
que des situations particulières ne s’y opposent. La seule navigation que la métropole peut
laisser aux mains de la colonie est celle qui la concerne directement à savoir le « cabotage le
long des côtes de chacune » (Forbonnais, 1796, I ; 358), la navigation entre les colonies
nationales et celle existant entre la colonie et les colonies étrangères (Forbonnais, 1796, I ;
359). Mais, dans ces différents cas, la marine coloniale reste essentiellement pensée comme
dépendante et soumise aux volontés de la métropole.
Nous percevons que les écrits de Forbonnais s’inscrivent dans la lignée des analyses du
XVIIIe siècle faisant reposer « la consolidation des colonies (…) sur l’idée que ces dernières,
tant sur le plan économique que politique, peuvent profiter avant tout à la métropole, en raison
notamment de la complémentarité des relations commerciales et de l’impact du rayonnement
politique » (Clément, 2009 ; 101-102). C’est la raison pour laquelle, selon Forbonnais, il
incombe à l'Etat de fonder des colonies et d’encadrer l’émigration coloniale (Forbonnais,
1796; I, 361).
4
3. Limiter la dépopulation de la métropole : la nécessité de l’esclavage
4. L’enjeu colonial
5
hommes pour accroître la matière de leurs défrichemens et de leur industrie, jusqu'à ce
qu'elles conviennent de bonne foi de laisser entre leurs colonies un espace bien déterminé, qui
n'appartiendroit à personne » (Forbonnais, 1796 ; I, 351). Mais avant que cet équilibre ne se
dessine, les colonies seraient un espace de conflit. Les guerres entre nations européennes
auraient ainsi tendance à se transposer vers d'autres continents pour finalement aboutir à un
monde divisé entre les nations européennes et plus particulièrement entre la France et
l’Angleterre.
Au final, nous percevons que les colonies doivent devenir le nouvel objectif de la
politique économique et stratégique de la monarchie française. Elles sont pour l’Etat le moyen
d’affirmer sa puissance et ce d’autant que le système de l’Exclusif sera mis en place. Il s’agit
dès lors pour Forbonnais d’en légitimer les principes.
Une fois que les colonies ont été créées, la métropole doit s’assurer qu'elles ne
deviennent pas conquérantes faute de quoi « elles dérogeroient à leur institution » (Forbonnais,
1796 ; 342) et menaceraient la puissance de la métropole. C’est la raison pour laquelle, il
s’agit de s’opposer à toute velléité d’émancipation en faisant en sorte que leurs intérêts ne
deviennent pas opposés à ceux de l’Etat (Alimento, 2011 ; 63 citant Forbonnais, 1785 ; 9)
L’Etat a donc pour mission de subordonner les colonies. La politique coloniale visera
à mettre les colonies sous la dépendance économique de la métropole et à instaurer un
commerce subordonné (1) Cette subordination trouvera son expression dans l’instauration
d’une relation paternaliste empêchant l’émancipation des colonies (2). Il s’agira ainsi de
soumettre les territoires coloniaux (3) tout en limitant les dépenses d’administration de celles-
ci (4).
6
dans la nature de la chose, que l’on doit restraindre les arts & la culture dans une colonie, à
tels & tels objets, suivant les convenances du pays de la domination » (Forbonnais, 1751 ;
650).
7
tributaire du système productif de la métropole. Relais de commerce, elle ne pourra vendre
que les productions métropolitaines. Spécialisée dans la culture, elle restera dépendante de la
métropole car ces matières premières seront transformées en métropole. Evoquant la
production sucrière, Forbonnais réaffirme la nécessité que les raffineries soient localisées en
métropole pour permettre le développement de la navigation (Forbonnais, 1796 ; 376) et
critique l’établissement de raffineries dans les colonies (Forbonnais, 1796 ; 375). Spécialisée
dans la culture, et plus précisément dans la culture de biens nécessitant d'être manufacturés
dans la métropole, le développement économique des colonies restera à la fois limité et
tributaire des décisions de la métropole d'autant que celle-ci en contrôlera la navigation.
Après avoir rappelé la nécessité coloniale et son indispensable soumission aux intérêts
de la mère-patrie, Forbonnais va se pencher sur les caractères de la colonie idéale. Très
logiquement, il s’agit de coloniser les territoires qui présenteraient le plus de complémentarité
économique avec la métropole mais aussi ceux qui seraient les plus facilement appropriables.
8
Il est ainsi « nécessaire de conquérir les terres, d'en chasser les anciens habitans pour y en
transporter de nouveaux, ou du moins de tenir ses anciens habitans dans la dépendance, soit
par la crainte ou par intérêt » (Forbonnais, 1796, I ; 343-344). Les territoires idéaux seraient
donc ceux dans lesquels les terres ne seraient pas encore appropriées. Une telle colonisation
permettrait l'installation des colons et la rapide mise en culture des terres.
S’il s’agit de soumettre les colonies, il s'agit également de trouver la colonie la moins
coûteuse à administrer. Toute colonie génère des dépenses réalisées par l'Etat qui la fonde. Il
faut en effet qu’ « il fournisse des vaisseaux de transport, des vivres, des habillemens, des
outils et des esclaves aux premiers habitans, ou qu’il garantisse les avances qui leur seront
faites par les négocians ; que le partage des successions y soit égal entre les enfans, afin d'y
fixer un plus grand nombre d'habitans par la subdivision des fortunes » (Forbonnais, 1796, I ;
361). Il s’agit ensuite de sécuriser le territoire et les liaisons commerciales avec la métropole.
Pour limiter de telles dépenses, la colonie idéale se présente sous les traits d’une île offrant
une sécurité naturelle (Forbonnais, 1796, I ; 344). Néanmoins comme toutes colonies, elle doit
pouvoir bénéficier de la protection de la métropole. Ainsi, « quel que soit ce degré de sûreté,
il seroit insuffisant, si l'art et la prévoyance n’y ajoutoient des places fortes, des provisions
toujours abondantes d'artillerie, de munitions, soit de terre, soit de mer, et même d’ateliers
9
propres à suppléer dans le besoin aux secours de la métropole. » (Forbonnais, 1796, I ; 344-
345). Pour assurer la sécurité militaire de la colonie et faire face aux agressions extérieures, il
s'agit pour la métropole de déléguer des escadres pour éviter que les colonies ne soient
conquises par des puissances extérieures mais aussi pour favoriser le bon marché des
assurances et du fret et pour stimuler la concurrence maritime (Forbonnais, 1796, I ; 345). La
métropole doit en outre concevoir la colonie comme une place forte permettant à la fois sa
défense mais aussi capable de l’épauler en cas de guerre. Relais de commerce, les colonies
sont également considérées comme une base militaire arrière de la métropole.
III. L’idéal colonial à l’épreuve des faits : une stratégie remise en cause par les
faits
Forbonnais écrit dans un contexte marqué par la rivalité franco-anglaise. Il oscille entre
une anglophilie mettant à l’honneur la science et les pratiques du commerce anglaises et une
anglophobie craignant l’affirmation de la puissance économique britannique et par extension
sa domination politique et militaire. Pourtant, cette rivalité franco-anglaise n'est pas frontale
en matière de commerce. Les échanges franco-anglais sont en effet relativement faibles au
cours du XVIIIe siècle compte tenu du protectionnisme voire du prohibitionnisme perdurant
entre les deux pays jusqu'en 1786 (Voir Crouzet, 2008 ; 37 et sqq). La rivalité franco-anglaise
passe essentiellement par un affrontement sur les marchés extérieurs et par l’exploitation
coloniale qui fait une nouvelle fois apparaître le commerce colonial comme spécifique. Nous
souhaiterions montrer que le fait que la France soit en situation de force dans la « guerre du
sucre » explique sans doute la position de Forbonnais quant à l'idéal colonial qu’il propose (1).
10
Sur cet avantage aurait pu logiquement se construire une politique commerciale fondée sur la
réexportation de denrées coloniales couplées à l'exportation de produits agricoles ou
manufacturés français vers l'Europe du Nord, l’Espagne et le Levant qui aurait pu menacer la
puissance anglaise (2). Cependant, l'échec d'une telle spécialisation coloniale pose la question
du maintien par Forbonnais de son système (3).
Derrière l'idéal colonial de Forbonnais, il n'est pas difficile d'entrevoir les îles sucrières
de la mer des Caraïbes. Elles correspondent à la sixième catégorie de colonies définie par
Forbonnais et ont « le commerce et la culture tout à la fois pour objet ». Cette définition qui
aurait encore pu inclure d'autres colonies comme le Canada ou la Louisiane, ne recouvre
finalement que ces îles sucrières quand Forbonnais essaie de décrire leur conformation
géographique marquée par l’insularité.
La mise en exergue des colonies sucrières s’explique sans doute aussi par le fait,
qu’après 1713, la production sucrière française se développa plus rapidement que celle de son
rival anglais notamment grâce à Saint-Domingue qui représentait au milieu du siècle « 89 %
de l'espace sucrier français » (Crouzet, 2008 ; 105). L'économie des îles françaises était plus
diversifiée que celles des îles anglaises. Au sucre, s'ajoutaient notamment le café, l'indigo et le
coton. (Crouzet, 2008 ; 113). Le marché intérieur français pour ce type de produit était
pourtant assez étroit. Contrairement à l’Angleterre, qui consommait la majeure partie des
denrées coloniales de ses îles à sucre, la France « disposa[it] de considérables surplus
réexportables » (Crouzet, 2008 ; 117 et sqq). Le sucre produit par les plantations françaises
était en outre vendu moins cher (Crouzet, 2008 ; 122). Se dessinait donc au milieu du 18ème
siècle une opportunité pour le commerce français et pour le développement économique de
cette nation.
Les colonies sucrières étaient d'autant plus avantageuses que leurs productions étaient
complémentaires de celles de la métropole, qu'elles suscitaient des besoins nouveaux mais
aussi qu'elles permettaient à la France de promouvoir un commerce de réexportation vers
l'Europe du Nord. Au cours du 18ème siècle, les denrées coloniales expliquent en effet la
moitié de l’augmentation des exportations françaises vers l’Europe du Nord lesquelles ont été
particulièrement dynamiques : « elles ont été multipliées par 5,8 de 1726/30 à 1787/89 » alors
que les exportations anglaises n’y progressaient que de « 69 % de 1716/20 à 1786/90 »
(Crouzet, 2008 ; 138). Les transformations de la consommation en Europe marquées par la
diffusion du thé, du café et du cacao impliquaient également celle du sucre. La stratégie de
réexportation de production sucrière aurait ainsi pu être de nature à renverser la puissance
anglaise. Elle permettait d’accroître les excédents commerciaux français et aurait pu permettre
à la France de dominer le commerce de l’Europe du Nord. Couplée à l'affirmation des
exportations françaises vers le Levant dont les denrées coloniales ne représentaient dans ce
cas qu’une part faible, la France qui parvint à dominer le commerce méditerranéen (Crouzet,
2008 ; 235) eut également réussi à dominer le commerce occidental.
Les colonies américaines pouvaient également se présenter comme un débouché pour
les produits coloniaux français. Tel était le cas des mélasses françaises qui intéressaient les
américains en vue d’une distillation qui servait de monnaie d’échange dans leur commerce
11
avec les indiens, et ce malgré le Molasses Act de 1733 qui prévoyait de frapper par des droits
très lourds les importations des mélasses venant des colonies étrangères (Crouzet, 2008 ; 124).
Pour renverser la puissance anglaise, il fallait ainsi promouvoir les colonies sucrières,
y favoriser la production, en importer les matières premières pour les réexporter ensuite. Cette
stratégie aurait pu permettre d’affirmer la puissance française à la fois sur mer dans
l’Atlantique mais aussi sur le continent. Elle permettait de constituer des excédents
commerciaux mais aussi d'encourager la marine française pour finalement reprendre
l'ascendant sur les Anglais. La rivalité se jouait donc dans un premier temps dans le Pacifique
puis, dans un second, sur le continent.
Cette stratégie envisageable au début des années 1750 est cependant risquée. Le
commerce de la France avec ses colonies sucrières est en effet sans cesse menacé par les
guerres et ce d’autant que la puissance navale britannique est bien supérieure à celle de la
France. Tout conflit armé avec l’Angleterre risquait a minima d’engendrer une augmentation
du coût du transport et des assurances maritimes. Au pire, il engendrait la cessation du
commerce de la France avec ses colonies. Ces risques devaient se confirmer avec la guerre de
Sept Ans. Les colonies sucrières françaises étaient en outre des possessions suscitant la
convoitise anglaise. Une partie de l’opinion anglaise souhaitait en effet la destruction des
plantations françaises pendant la guerre de Sept Ans ou leur annexion suite à la défaite
française (Crouzet, 2008 ; 125). Le développement des productions coloniales dans ses
territoires étaient donc de nature à servir, une fois conquises, le développement économique
anglais. La spécialisation coloniale de la France aurait nécessité une marine permettant de
protéger les îles sucrières ainsi que le commerce que la métropole entretenait avec elles.
12
De manière plus générale, la volonté française de conserver ses îles à sucre et à esclaves
au détriment de ses colonies de peuplement comme en témoigne le traité de Paris de 1763
mais aussi le Traité de Versailles de 1783 se marque par un échec. Selon Frédéric Regent, « la
réunion des Etats généraux en 1789, qui débouche sur la Révolution française, est
complètement liée à cette dette colossale de la guerre de l'Indépendance américaine, due à une
stratégie de conservation des îles à sucre, autrement dit les colonies esclavagistes. » (Régent,
2007 ; 34)
Conclusion :
13
Bibliographie :
BENNOT Y., (1998), La révolution française et la fin des colonies, Paris, La Découverte,
1988
BENNOT Y., (2005), Les Lumières, l'esclavage, la colonisation, Paris, La Découverte, 2005
CLEMENT A., « Du bon et du mauvais usage des colonies : politique coloniale et pensée
économique française au XVIIIe siècle », Cahiers d’économie politique/Papers in Political
Economy, 2009/1 n°56, p. 101-127.
FLEURY, GABRIEL (1915). François Véron de Fortbonnais, Sa famille, sa vie, ses actes,
ses œuvres, 1722-1800, Mamers : Imprimerie Fleury, Le Mans : A. De Saint-Denis.
- (1753), Extrait du livre de l’esprit des loix. Chapitre par chapitre. Avec des
remarques sur quelques endroits particuliers de ce Livre, et une idée de toutes les
Critiques qui en ont été faites, Amsterdam, Arkste’e et Merkus.
- (1756), Essai sur l’admission des navires neutres dans nos colonies
14
- (1796), [1754] Elémens du Commerce, 2 tomes, Paris, Chaigneau.
REGENT F., (2007), La France et ses esclaves. De la colonisation aux abolitions (1620-1848)
Grasset et Fasquelle.
15