Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
--------------------------------------------------------------
Monseigneur et père, mes révérends Pères, mesdam e s, mes sieurs
Dans tous les pays du Proche et du Moyen Orient les chrétiens arabes
ou arabophones sont nombreux.
Au Liban ce sont d'une façon prioritaire les Maronites, en Irak les
Chaldéens, en Syrie les Grecs et les « syriaques », Suriânî, en Jordanie,
en Palestine et en Israël les Latins, en Egypte les Coptes, et à Istanbul
de nos jours bien des « Suriânî » du Tûr Abdine et de Mardine.
C'est ainsi que les Banou l-Harith, qui habitaient Nejrân, furent obligés
pour conserver leur foi, d'émigrer vers l'Irak où ils s'installèrent près de
Koufa.
Quant à l'Egypte son islamisation fut partielle mais son arabisation totale
fut imposée par les Mamelouks circassiens 7
Par la suite, à ces cinq patriarcats, furent ajoutés deux "catholicossat s",
ou « quasi patriarcats », celui des Arméniens et celui de l'Eglise de
l'Orient, soit celle « les Syriens orientaux » qui comprend aujourd'hui les
Assyriens, ou Nestoriens et les Chaldéens catholiques.
1- Les Patriarcats
d'Orient et l'histoire de la
culture arabe
Dans sa contribution à l'ouvrage l'histoire du Christianisme , Gérard
Troupeau a montré que si la diffusion de l'islam amena la diffusion de la
langue arabe, la langue du Coran, les Eglises chrétiennes, tout
spécialement celles d'Antioche, eurent un grand rôle dans
l'enrichissement de la culture arabe.
« La conquête arabe transforma cette situation en un trilinguisme. Dans
les villes le grec disparut assez tôt comme langue vernaculaire faisant
place à l'arabe au VIIIe siècle.
Dans les campagnes en revanche l'araméen subsista beaucoup plus
longtemps et ne fut remplacé que très lentement par l'arabe » . 8
2- Les Patriarcats
d'Orient et la culture
arabe de nos jours
Permettez-moi maintenant un petit témoignage personnel.
Alors que j'étais étudiant, en 1957, j'étais entré un jour à Marseille, dans
l'église maronite de Notre-Dame du Liban dont le recteur était Mgr
Joseph Hayek. J'ai assisté alors à ma première messe catholique « non
latine ». J'étais à la fois culturellement dépaysé à cause de l'étrangeté
pour moi du rite et, en même temps, pleinement chez moi du fait de la
même foi catholique. J'ignorais alors tout de l'arabe et du syriaque, mais
j'étais en pleine communion avec cette Eglise que je ne connaissais pas
encore.
C'est en 1967, à Alger, après mes études dominicaines, que j'ai vraiment
commencé, sous la conduite des Sœurs libanaises des Saints-Cœurs et
du Père Henri Tessier, l'étude la langue arabe.
J'étais alors le compagnon d'étude du frère Pierre Claverie, dominicain
lui aussi, qui devint évêque d'Oran et dont nous avons célébré cette
année le dixième anniversaire de la mort héroïque.
L'apport culturel des religieuses libanaises des Saints Cœurs en Algérie,
ne se limitait pas au petit groupe de religieux et religieuses étudiant
l'arabe, car on entendait dire que des personnalités importantes du pays
faisaient relire par les Sœurs les discours qu'ils devaient faire en arabe.
Voilà donc sept patriarches parlant l'arabe et qui sont les pères et les
chefs d'Eglises (pater et caput ecclesiae ) de millions de chrétiens qui
sont du monde arabe depuis des siècles et qui sont tous des
personnalités fort à l'aise dans la langue et la culture arabes 19.
Signalons que Beyrouth et Damas, constituent aujourd'hui comme une
«Nouvelle Antioche » puisque deux de nos Patriarches d'Antioche, le
syrien et le grec, y ont une résidence.
La langue liturgique des Grecs est le grec, celle des Syriens et des
Maronites est le syriaque occidental, celle des coptes est le copte, celle
des Chaldéens est le syriaque oriental, celle des Arméniens est
l'arménien et celle des Latins de Jérusalem est le latin. Mais pour tous
ces rites, l'arabe est une langue liturgique incontournable.
Voici maintenant quelques aperçus, fort brefs, non exhaustifs, cela pour
dire à nouveau l'importance de la langue arabe dans le christianisme
oriental.
Au Liban et en Syrie
Les Maronites publièrent à Alep au 11e siècle, un livre intitulé le
« Huda' », contenant des directives en manières canoniques et
liturgiques. L'arrivée des musulmans dans la région avait imposé la
langue arabe, et l'Eglise maronite adopta alors cette langue comme
langue liturgique à côte du syriaque, mais pendant des siècles l'arabe
s'écrivit en caractères syriaques, c'est le Karshûnî .
22
Le domaine liturgique :
Les rites catholiques présents au Liban et en Syrie ont édité en arabe
leurs nouveaux missels et leurs bréviaires, suivant la demande du
concile soucieux de voir toutes les liturgies faire leur aggiornamento.
Nous avons une nouvelle édition de l'Office grec melchite traduit à partir
de l'original grec. Cette traduction fut confiée à une commission
liturgique présidée par Mgr Lutfi Lahham, devenu par la suite le
patriarche Grégoire III, et elle fut publiée durant le patriarcat de S.B.
Maximos V Hakim.
Soit cinq volumes : Kitâb al-salawât al-taqsiyya 'ala madâr al-sanat, li-
kanîsat al-rûm al-malakiyyin al-kâthûlik.
Et un volume pour la Semaine Sainte al-'usbû' al-'azîm al-muqaddas .26
L'enseignement de l'Eglise
Les pères paulistes du Liban ont réalisé d'excellentes traductions arabes
des documents officiels de l'Eglise et cela souvent sous la direction du
père Hannâ al-Fâkhûrî.
Nous possédons aujourd'hui :
-En Irak
qui avait pour but de subvenir aux besoins en livres pour les écoles que
les Dominicains venaient de fonder à Mossoul et dans ses environs.
L'imprimerie se développa et édita la première Bible arabe de l'Irak ainsi
que les livres liturgiques arabes et syriaques pour les rites chaldéen et
syrien .
32
Plusieurs de ses livres ont été traduits en arabe et j'ai constaté au Caire,
à la bibliothèque de l'IDEO, qu'ils étaient souvent demandés par les
lecteurs musulmans, surtout son livre : Ahwâl al-Nasârâ fî khilâfat banî
al-'Abbâs , (Les chrétiens au temps des Abbassides)
36
-De même fut traduit en arabe son livre Mossoul chrétienne , sous le
37
Comment ne pas évouqer ici l'un des fondateurs de cette revue, le père
Pios Affas, qui vient d'être enlevé ces jours ci à Mossoul, ainsi que le
père Mazen Icho et qui sont menacés de mort et pour la libéraiton
desquels un million de dolars sont demandés41.
- En Egypte
C'est en Egypte que se trouve le plus grand nombre de chrétiens
arabophones au Proche-Orient, environ 8 millions.
Une traduction des textes du concile Vatican II a été réalisée en Egypte,
ainsi qu'une traduction du code de droit canon oriental.
Traduits aussi au Liban, ces deux documents ne font pas double emploi,
car l'arabe égyptien et l'arabe libanais ont parfois des particularités de
vocabulaire qui posent problèmes pour certains lecteurs.
En Terre Sainte
Le patriarcat latin de Jérusalem
La connaissance de la langue arabe est très remarquable parmi le
clergé et les fidèles de l'Eglise latine en Terre Sainte.
La langue arabe est une grande langue du christianisme et ceux qui ont
la joie de pouvoir pratiquer cette langue savent combien la lecture privée
ou solennelle de l'Evangile en arabe est savoureuse.
La langue arabe rend admirablement le génie littéraire des textes
évangéliques et peut aider à leur compréhension.
1 Proche Orient Chrétien , Tome 47, fasc. 1-3. Jérusalem –Beyrouth, 1997, p.8.
5 Le « soureth »
6 G. Troupeau, op cit, p. 381.
7 Cf. Georges Anawati, op, Factors and effects of arabization and islamization in
medieval Egypte and Syria, in Islam cultural change in the middle ages, Wiesbaden,
Otto Harrassowitz, 1975.
9 Pour une brève évocation de Bayt al Hikmat, cf. Jean-Marie Mérigoux, op, « Bayt
al-Hikmat », in « L'Irak, Bagdad et les Abbassides » in. Université dominicaine sur
internet « Domuni » http://www. stjerome.domuni.org
15 Signalons que le mot « uniate, uniates » est ignoré en Orient arabe catholique, et
comme il est souvent « péjoratif » et il est impropre à désigner des fidèles qui sont
pleinement « catholiques ».
16 Va à Ninive ! : p. 323-324.
19 Cf. le livre du père Jean Corbon :Al-'ab jân Kûrbûn, Kanîsat al-mashriq al-
arâbîyyi, (l'Eglise des Arabes), Beyrouth, 1996.
27 Jounieh, Liban, 1978 et une édition avec aussi le texte turc à Istanbul, 1991
28 Le Caire, 1990. Le rite copte, issu du rite byzantin, s'est développé en adoptant
bien des éléments de l'héritage proprement égyptien du peuple chrétien d'Égypte, en
utilisant l'ancienne langue égyptienne écrite en lettres grecques, c'est-à-dire la
langue copte, et en utilisant bien des symbolismes propres à la vallée du Nil dans
lequel il s'est développé. Ce rite est manifestement bien plus "égyptien" que le rite
byzantin qui n'avait su le devenir à l'époque où il était partout répandu dans le pays.
29 Le mot "copte" veut dire "égyptien", mot qui vient du grec : aigyptos , lequel vient
de l'égyptien ancien gou-ptah, c'est-à-dire le pays où se trouve le "temple" du dieu
"Ptah", à Memphis, au sud du Caire.
30 Et encore la chorale de la septième université chrétienne du Liban, l'université
Notre Dame fondée par le Père François Eid, précédemment supérieur des
Mariamites et actuellement évêque Maronite d'Egypte et d'Afrique. (Cf. le CD que
nous entendrons ici même, offert par son auteur, très intéressé par notre colloque).
32 Va à Ninive ! p. 449.
33 Pour les livres arabes imprimés chez les Dominicains à Mossoul cf. M.W. Albin,
« Preliminary Bibliography of Arabic Books printed by the Dominican Father in
Mosul », MIDEO, 16.
35 Cf. Jean-Marie Mérigoux, « In memoriam ; frère Jean Maurice Fiey, op, 1914-
1995 » Studia iranica, 26, Paris, 1997, 127-131.
36 Beyrouth, 1990
37 Beyrouth 1957
44 Jérusalem, 1998
45 Jérusalem, 1988.
46 Rappelons par exemple, que le journal égyptien al-ahrâm , a été fondé au XIXe
siècle par des chrétiens venus de Syrie.
ROME, Mardi 22 avril 2008 (ZENIT.org) - Faire des chrétiens et des musulmans des
partenaires actifs en Europe : tel est l'objectif de la conférence chrétienne musulmane
européenne qui se tiendra à Malines/Bruxelles (Belgique) du 20 au 23 octobre 2008.
L'organisation de cette conférence a fait l'objet d'une réunion du Comité pour les relations
avec les musulmans en Europe (CRME), qui s'est tenue du 17 au 20 avril, à Esztergom
(Hongrie).
Aux côtés des membres du CRME, fondé en 1986 par la Conférence des Eglises européennes
(KEK) et par le Conseil des conférences épiscopales d'Europe (CCEE) pour informer et
encourager les Eglises d'Europe à intensifier les relations avec les musulmans, se sont
rencontrés aussi des musulmans venus de différents pays d'Europe pour préparer ensemble le
programme de la conférence.
Les participants travailleront en groupes de travail sur les thèmes suivants : « Le rôle des
religions dans la société sécularisée »; « La religion entre institution et foi personnelle »; «
Comment chrétiens et musulmans se voient les uns les autres ? Comment promouvoir le
respect et la compréhension réciproque à travers l'éducation »; « Construire des ponts. Quels
défis doivent affronter nos communautés ? ». Le cardinal Péter Erdo, président du CCEE,
archevêque d'Esztergom-Budapest, qui a accueilli la rencontre, a souhaité, dans son discours,
un approfondissement des relations de collaboration entre croyants chrétiens et musulmans en
Europe, basé essentiellement sur le dialogue.
Une récente enquête sociologique, souligne le communiqué, « a montré que les personnes qui
pratiquent sérieusement une religion ont un haut niveau de tolérance et de capacité de
dialogue ».
« Dans certains pays d'Europe centrale et orientale, ajoute-t-il, on vit des expériences de
cohabitation qui peuvent représenter un exemple valable pour les pays d'Europe
occidentale ». L'ordre du jour de la rencontre d'Esztergom a été l'objet d'un débat sur deux
documents en cours d'élaboration : le premier sur les manifestations de violence où est
impliqué l'aspect religieux ; le deuxième sur la formation du clergé et des agents pastoraux en
ce qui concerne les conséquences de la présence musulmane sur la vie de l'Eglise en Europe.
Ces documents seront prêts dès 2009.
Les membres du CMRE et les participants musulmans ont également parlé de la Lettre
ouverte de 138 guides religieux musulmans aux responsables des Eglises et confessions
chrétiennes du 13 octobre 2007.
Le texte, qui exprime « une volonté de dialogue sur une base spirituelle, libre de
conditionnements politiques et idéologiques », a suscité beaucoup d'intérêt, et nombreuses
sont les réponses qui ont été envoyées ou sont en cours d'élaboration.
La Conférence des Eglises européennes (KEK) est une assemblée de 125 Eglises de traditions
orthodoxe, protestante, anglicane et vieille-catholique de tous les pays d'Europe, et de 40
organisations associées.
Le statut de dhimmi
Omar, calife de 634 à 644 est le premier à affronter des colonies importantes de chrétiens et
de juifs à qui il décide d’accorder son hospitalité et sa protection.
Cette décision s’exprime sous la forme d’un contrat indéfiniment reconduit, la dhimma, à
condition que les bénéficiaires, les dhimmi respectent la domination de
l’islam.
Un contrat sous domination
Le concept de dhimma qui s’applique aux juifs et aux chrétiens stipule un comportement de
soumission envers les musulmans. Les dhimmi doivent respecter toute une série
d’interdictions : ne pas porter d’arme, ne pas chevaucher un cheval, ne pas construire de
nouveaux lieux de culte, ne pas élever la voix lors de cérémonies ou ne pas ressembler aux
musulmans dans leur habillement. Toutefois, les dhimmi conservent leurs droits internes et
peuvent toujours avoir recours à leurs tribunaux. Le droit de résidence des juifs n’était pas
limité en principe mais il reste que le séjour dans les villes saintes leur étaient interdit.
Certains juifs finissent donc par disparaître de la péninsule arabe à l’exception du Yémen.
Une étape supplémentaire est franchie lorsque les conquérants arabes s’enracinent dans leurs
conquêtes et que le contact avec les dhimmi devient permanent. Il leur est alors interdit de
construire des maisons plus hautes que celles des musulmans, de prendre des noms et des
titres arabes, d’étudier le Coran et de vendre du vin aux vrais croyants. Ils ne peuvent pas non
plus faire partie de la fonction publique, ce qui ne les empêche pas de conserver ou de
conquérir, notamment en Egypte et en Espagne, une place importante dans la haute
administration et plus particulièrement dans les finances.
L’aggravation des restrictions
Le principal tribut que doivent verser tous les dhimmi, en contrepartie de la protection et de
l’hostilité est la djizia. Il est sans doute payé en nature à l’origine mais est rapidement
transformé en capitation, ce qui suffit à démontrer l’état de subjugation auquel était soumis
celui qui était assujetti. Les persécutions des dhimmis sont rares au cours des premiers siècles
de l’islam et ce n’est qu’à partir des derniers siècles du Moyen-Age qu’un raidissement est
noté. La dhimmitude fait partie de la vie quotidienne des pays arabes jusqu’à l’époque
moderne. Les juifs semblent s’en être mieux accommodés que les chrétiens : ces derniers ont
disparu de plus d’un pays où les juifs réussissent à se maintenir comme en Afrique du Nord.
Le monde sépharade, Civilisation (volume II), sous la direction de Shmuel Trigano, Le statut
des juifs en terre d’Islam, essor et disparition de la dhimmitude par Simon Schwarzfuchs, pp
25-37 (Seuil, 2007).