Vous êtes sur la page 1sur 16

Maurice Duverger (1917-)

juriste, politologue et professeur de droit français,


spécialiste du droit constitutionnel.

(1965)

“Les différents systèmes


électoraux.”
Un document produit en version numérique par Diane Brunet, bénévole,
Diane Brunet, bénévole, guide, Musée de La Pulperie, Chicoutimi
Courriel: Brunet_diane@hotmail.com
Page web dans Les Classiques des sciences sociales

Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales"


Une bibliothèque numérique fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Site web: http://classiques.uqac.ca/

Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque


Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi
Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 2

Politique d'utilisation
de la bibliothèque des Classiques

Toute reproduction et rediffusion de nos fichiers est interdite,


même avec la mention de leur provenance, sans l’autorisation for-
melle, écrite, du fondateur des Classiques des sciences sociales,
Jean-Marie Tremblay, sociologue.

Les fichiers des Classiques des sciences sociales ne peuvent


sans autorisation formelle:

- être hébergés (en fichier ou page web, en totalité ou en partie)


sur un serveur autre que celui des Classiques.
- servir de base de travail à un autre fichier modifié ensuite par
tout autre moyen (couleur, police, mise en page, extraits, support,
etc...),

Les fichiers (.html, .doc, .pdf, .rtf, .jpg, .gif) disponibles sur le site
Les Classiques des sciences sociales sont la propriété des Classi-
ques des sciences sociales, un organisme à but non lucratif com-
posé exclusivement de bénévoles.

Ils sont disponibles pour une utilisation intellectuelle et personnel-


le et, en aucun cas, commerciale. Toute utilisation à des fins com-
merciales des fichiers sur ce site est strictement interdite et toute
rediffusion est également strictement interdite.

L'accès à notre travail est libre et gratuit à tous les utilisa-


teurs. C'est notre mission.

Jean-Marie Tremblay, sociologue


Fondateur et Président-directeur général,
LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 3

Cette édition électronique a été réalisée par mon épouse, Diane Brunet, béné-
vole, guide retraitée du Musée de la Pulperie de Chicoutimi à partir de :

Maurice Duverger,

“Les différents systèmes électoraux.”

Un article publié dans L’ÉTUDE DE LA SOCIÉTÉ, Section 8:


“L’organisation politique”, pp. 307-314. Textes recueillis et présentés
par Jean-Paul Montminy. Québec : Les Presses de l’Université Laval,
1965, 517 pp.

[Autorisation formelle accordée le 4 mai 2010, par le directeur général des


Presses de l’Université Laval, M. Denis DION, de diffuser ce livre dans Les Clas-
siques des sciences sociales.]

Courriel : denis.dion@pul.ulaval.ca
PUL : http://www.pulaval.com/

Polices de caractères utilisée :

Pour le texte: Times New Roman, 14 points.


Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 12 points.

Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word


2008 pour Macintosh.

Mise en page sur papier format : LETTRE US, 8.5’’ x 11’’.

Édition numérique réalisée le 12 novembre 2013 à Chicoutimi,


Ville de Saguenay, Québec.
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 4

REMERCIEMENTS

Nous sommes infiniment reconnaissants à la direction des Presses de


l’Université Laval, notamment à M. Denis DION, directeur général,
pour la confiance qu’on nous accorde en nous autorisant le 4 mai 2010
la diffusion de ce livre, L’ÉTUDE DE LA SOCIÉTÉ, dans Les Clas-
siques des sciences sociales.

Courriel : denis.dion@pul.ulaval.ca
PUL : http://www.pulaval.com/

Jean-Marie Tremblay,
Sociologue,
Fondateur, Les Classiques des sciences sociales.
7 octobre 2013.
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 5

Maurice Duverger (1917-)


juriste, politologue et professeur de droit français,
spécialiste du droit constitutionnel.

“Les différents systèmes électoraux.”

Un article publié dans L’ÉTUDE DE LA SOCIÉTÉ, Section 8:


“L’organisation politique”, pp. 307-314. Textes recueillis et présentés
par Jean-Paul Montminy. Québec : Les Presses de l’Université Laval,
1965, 517 pp.
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 6

[307]

Maurice Duverger (1917-)


juriste, politologue et professeur de droit français,
spécialiste du droit constitutionnel.

“Les différents systèmes électoraux.” 1

Un article publié dans L’ÉTUDE DE LA SOCIÉTÉ, Section 8:


“L’organisation politique”, pp. 307-314. Textes recueillis et présentés
par Jean-Paul Montminy. Québec : Les Presses de l’Université Laval,
1965, 517 pp.

Jusqu'aux dernières années du XIXe siècle, la question du mode de


scrutin n'a pas soulevé de grandes discussions. Le plus répandu était le
système majoritaire à un seul tour qui fonctionnait en Grande-
Bretagne et dans les Dominions britanniques, en Amérique latine, en
Suède et au Danemark. Ces deux derniers pays exceptés, le reste de
l'Europe continentale imitait le régime français, c'est-à-dire le scrutin
majoritaire à deux tours. Cependant, entre 1850 et 1900, les théori-
ciens développèrent l'idée d'un système de représentation proportion-
nelle : adopté en Belgique en 1899, en Suède en 1908, ce procédé
nouveau fut étendu à toute l'Europe continentale (sauf la France), en-
tre 1914 et 1920 ; la France elle-même s'y rallia en 1945. Mais, en de-
hors de l'Europe, la R.P. eut peu d'application ; en Europe même, un
retour vers les systèmes majoritaires s'est dessiné à partir de 1948.
Ouvert depuis un siècle, le débat entre système proportionnel et sys-
tème majoritaire n'est pas clos : il donne toujours lieu à des luttes très
vives.

1 Maurice DUVERGER, "Les différents systèmes électoraux" in Institutions


politiques et droit constitutionnel Paris, Presses Universitaires de France,
(Coll. Thémis), 1963, p. 106-115.
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 7

A) Les systèmes majoritaires. - Le caractère commun aux systè-


mes majoritaires, c'est qu'ils n'assurent qu'une représentation indirecte
et approximative des minorités. Le candidat qui arrive en tête est élu :
ceux qui le suivent sont battus. Ainsi les voix des électeurs qui se sont
portés sur ces derniers ne sont pas représentées au Parlement. Cepen-
dant, comme le parti globalement majoritaire dans l'ensemble du pays
est minoritaire dans certaines circonscriptions, les partis minoritaires à
l'échelon national ont cependant des députés au Parlement. Mais il n'y
a pas de proportion rigoureuse entre la répartition des suffrages entre
les partis et la répartition des sièges parlementaires.

1.- Système majoritaire pur et simple et système des deux tours. -


Dans le scrutin majoritaire pur et simple, le candidat qui obtient le
plus grand nombre [308] de voix est proclamé élu, quel que soit le
total des voix obtenues par ses adversaires. Dans le scrutin à deux
tours, il faut, pour être élu, obtenir la moitié des voix plus une, c'est-à-
dire la majorité absolue ; sinon, on procède à un second tour de scru-
tin, dit "scrutin de ballottage", pour lequel la majorité relative suffit
(parfois il y a même trois tours, la majorité absolue étant exigée pen-
dant les deux premiers : lois françaises de 1789 ou de 1817).
Historiquement, l'exigence d'une majorité absolue au premier tour
semble découler du droit ecclésiastique : les votes étant ainsi décomp-
tés dans les chapitres de chanoines en vertu du Concile de Latran. Le
procédé était employé dans la Curie (Sénat municipal) des Cités ro-
maines de l'Empire (cf. L. MOULIN, "Les origines religieuses des
techniques électorales et délibératives modernes", Rev. hist. politique
et const., 1953, p. 106 et suiv.).
Il a été étendu en France aux élections politiques pour le choix des
députés aux États généraux (cf. J. CADART, Le régime électoral des
États généraux de 1789 et ses origines, 1952). Appliqué ensuite par la
Restauration et la Monarchie de juillet, il fut écarté par la seconde Ré-
publique, mais rétabli par le Second Empire. Comme on l'a dit, pres-
que toute l'Europe continentale suivit cet exemple.
Pratiquement, le choix entre le tour unique et les deux tours dépend
du nombre de partis existant dans le pays. S'il y a deux grands partis
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 8

face à face, le tour unique suffit ; s'il y a plus de deux partis, le second
tour semble indispensable, à moins d'aboutir à une représentation dé-
sordonnée, comme la Grande-Bretagne en a fait l'expérience entre
1918 et 1945. On verra cependant que le système électoral a lui-même
une action sur le nombre des partis, et que le scrutin à un seul tour
tend à coaliser tous les groupes en deux grandes formations rivales
(cf. plus loin, p. 115).

2.- Scrutin de liste ou scrutin uninominal. - Il y a suffrage unino-


minal lorsque chaque circonscription n'élit qu'un seul candidat. Au
contraire, le suffrage est plurinominal lorsque chaque circonscription
élit plusieurs candidats qui se groupent par listes (d'où le nom de scru-
tin de liste). Le premier suppose que les circonscriptions électorales
sont exiguës ; le second correspond au contraire à de grandes circons-
criptions électorales. En France, pour les élections législatives, le suf-
frage uninominal se fait dans le cadre de l'arrondissement ; le scrutin
de liste, dans celui du département.
Le choix entre scrutin de liste ou système uninominal dépend
d'abord du choix entre R.P. et régime majoritaire : la proportionnelle
ne peut fonctionner en effet que dans le cadre d'un scrutin de liste. Le
système majoritaire peut fonctionner soit avec un scrutin de liste, soit
avec un scrutin uninominal. Mais une grande différence existe alors
suivant qu'il s'agit de "listes bloquées" (on doit [309] voter pour la lis-
te entière) ou de listes comportant la possibilité de "panacher", c'est-à-
dire en fait de composer soi-même sa propre liste, en prenant des
candidats parmi celles qui se présentent. Quand le "panachage" est
admis, le scrutin de liste majoritaire fonctionne sans plus de difficultés
que le scrutin uninominal majoritaire. Au contraire le système des lis-
tes bloquées aggrave terriblement les défauts du régime majoritaire,
notamment en ce qui concerne les inégalités de représentation.
En Turquie, où le système majoritaire avec liste bloquée a fonc-
tionné de 1950 à 1960, il a fait que le parti démocrate a eu, aux élec-
tions de 1954, 93% des sièges avec 58% de suffrages, et le parti répu-
blicain 5,5% des sièges avec 35% des suffrages : dans certaines cir-
conscriptions il suffisait d'un faible écart de voix pour donner à un
parti plus de 10 députés et aucun à l'autre.
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 9

En faveur du suffrage uninominal, dans le cadre de l'arrondisse-


ment, plusieurs arguments peuvent être invoqués. Il est incontestable,
d'abord, qu'il permet une plus grande connaissance personnelle des
candidats par l'électeur, donc une meilleure appréciation par lui de
leurs mérites respectifs. D'autre part, il diminue l'influence des comi-
tés électoraux sans mandat, qui jouent un rôle prépondérant dans la
confection des listes et empiètent ainsi sur la liberté de l'électeur (sur-
tout si le "panachage" des listes est interdit). Il restreint enfin les frais
électoraux qui peuvent écarter les candidats sans fortune personnelle
ou sans liens avec un parti politique. Les adversaires du système ré-
pliquent qu'à l'intérieur de petites circonscriptions l'élection dépend
beaucoup plus des rivalités entre potentats locaux que d'une opposi-
tion d'idées et de programmes politiques : c'est un "scrutin de gladia-
teurs" (Edouard Herriot), qui ne donne pas une représentation des
grands intérêts nationaux. Par ailleurs, le cadre étroit de la circonscrip-
tion favorise la constitution de "fiefs" électoraux, attachés à un député
par les faveurs, les recommandations et les places qu'il distribue,
beaucoup plus que par les doctrines qu'il représente et l'œuvre gou-
vernementale qu'il accomplit. Cependant, quand les intérêts corpora-
tifs s'organisent en puissants groupes de pression nationaux, de petites
circonscriptions uninominales peuvent conférer aux élus une grande
indépendance à leur égard : assurés de leur réélection grâce aux liens
personnels tissés dans leur "fief", ils peuvent peut-être mieux résister.

B) La représentation proportionnelle. - Le principe de base de la


représentation proportionnelle est qu'elle assure une représentation des
minorités dans chaque circonscription en proportion exacte des voix
obtenues. La R.P. suppose donc le scrutin de liste qui permet seul
d'attribuer des sièges à la fois à la majorité et à la minorité. Si ce prin-
cipe de la R.P. est simple, son application est, au contraire, très com-
pliquée. Deux problèmes bien distincts se posent à cet égard.
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 10

[310]

1° Il s'agit d'abord de déterminer le nombre de candidats élus dans


chaque liste en présence. Deux systèmes généraux sont possibles : le
système du quotient électoral et le système du nombre uniforme ; en-
tre les deux, on a imaginé le système du quotient national.

1) Dans le premier, on divise, dans chaque circonscription, le


nombre total de suffrages exprimés (ne pas confondre les "suffrages
exprimés" avec les "votants" et les "électeurs" ; tous les électeurs ne
sont pas des votants, car il y a des abstentions ; et certains votants
mettent dans l'urne un bulletin blanc ou nul, qui ne compte pas comme
suffrage exprimé) par le nombre de députés à élire ; le chiffre obtenu
est appelé quotient électoral. Autant de fois ce quotient électoral est
contenu dans le chiffre des suffrages obtenus par une liste, autant cel-
le-ci possède de candidats élus. (Si l'on vote par listes entières, le
"chiffre des suffrages obtenus par la liste", correspond au nombre de
bulletins de cette liste trouvés dans l'urne ; si le "panachage" est admis
- c'est-à-dire si l'on peut voter pour les candidats de listes différentes,
dans la limite du nombre des sièges à pourvoir - on prend pour base de
calcul la "moyenne de la liste" qui s'obtient en divisant par le nombre
de membres de la liste la somme des voix obtenues par chacun d'eux).
2) Dans le second système, la loi fixe à l'avance, pour l'ensemble
du territoire, le nombre de voix nécessaires pour qu'une liste puisse
avoir droit à un député. Autant de fois ce nombre - dit nombre uni-
forme - est contenu dans le chiffre des voix données à une liste, autant
celle-ci obtient de députés. Le nombre des députés d'une circonscrip-
tion n'est pas ici déterminé à l'avance.
3) Entre les deux, on peut concevoir le système du "quotient natio-
nal", qui consiste à diviser l'ensemble des suffrages exprimés dans
toutes les circonscriptions du pays par l'ensemble des députés à élire ;
le quotient national étant ainsi déterminé, on l'utilise de la même façon
que le nombre uniforme. Le défaut du procédé - qu'appliquait la loi
française d'avril 1946, que le referendum a rendue caduque - est que le
quotient national ne peut être déterminé avec précision qu'une fois
qu'on possède les résultats définitifs et incontestés des élections sur
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 11

tout le territoire national, ce qui nécessite un très long délai ; d'où


l'obligation de procéder à une répartition approximative des sièges
basée sur les résultats électoraux provisoires. C'est ajouter une com-
plication supplémentaire à un régime électoral qui n'en a pas besoin.

2° Quel que soit le système employé, il y a des restes. Supposons


une circonscription où 5 listes, A, B, C, D, E soient en présence, pour
80 000 suffrages exprimés et 5 sièges à pourvoir. A obtient 27 000
voix, B 23 000, C 15 000, D 7 600, E 7 400. Le quotient étant de 16
000 voix, A et B auront chacune un député et trois sièges resteront à
pourvoir, pour 50 000 suffrages inutilisés (la totalité des suffrages de
C, D et E, 12 000 suffrages de A et 8 000 de B). Le [311] problème de
l'utilisation des restes est le plus difficile à résoudre de tous ceux que
pose la représentation proportionnelle.
La solution la plus simple est de grouper ces restes dans le cadre
national ; en pratique, ce système coïncide avec celui du nombre uni-
forme. On additionnera les restes obtenus dans la France entière, par
toutes les listes A, par toutes les listes B, par toutes les listes C. Autant
de fois le nombre uniforme sera contenu dans le total des restes de
chaque liste, autant de fois celle-ci obtiendra de députés. Dans l'en-
semble, l'attribution des restes dans le cadre national est la solution la
plus conforme à la théorie de la R.P. ; même les partis sans importan-
ce, qui n'obtiennent dans chaque circonscription qu'une infime minori-
té, peuvent espérer obtenir des représentants, par suite de l'addition de
toutes leurs voix dans l'ensemble du pays.
Aussi préfère-t-on généralement répartir les restes dans le cadre de
chaque circonscription ; cela suppose alors qu'on a employé le procé-
dé du quotient électoral. Plusieurs modalités sont possibles ; la plus
simple est d'attribuer les sièges non pourvus à la liste qui a les plus
grands restes ; mais le système est injuste si plusieurs sièges restent à
pourvoir et il favorise les petits partis au détriment des grands. Dans
notre exemple précédent, avec le système des plus grands restes, A
aura deux sièges, et B, C et D en auront un chacune, malgré l'énorme
différence de voix obtenues. Le plus souvent, on adoptera donc le sys-
tème dit "de la plus forte moyenne" qui consiste à feindre d'attribuer
chaque siège non pourvu à chaque liste successivement et à faire alors
la moyenne des voix obtenues par les députés de chacune ; la liste qui
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 12

a la plus forte moyenne se voit attribuer effectivement le siège à pour-


voir. Ainsi, dans l'exemple précédent, on fait semblant d'attribuer suc-
cessivement le premier siège restant à la liste A, puis à la liste B, puis
à la liste C, en calculant chaque fois la moyenne obtenue. Les résultats
sont les suivants :

Aa 2 sièges pour 27 000 voix, moyenne : 13 500


B– 2 - 23 000 - 11 500
C– 1 - 15 000 - 15 000
D– 1 - 7 600 - 7 600
E– 1 - 7 400 - 7 400

La liste C ayant la plus forte moyenne, c'est à elle qu'est attribué le


3e siège. Pour le 4e, on recommence l'opération : on retrouve évi-
demment les mêmes résultats pour A, B, D et E ; seule, C a 2 sièges
pour 15 000 voix, soit une moyenne de 7 500. La liste A ayant la plus
forte moyenne, c'est elle qui reçoit le 4e siège. Pour le 5e, et dernier,
on recommence l'opération, et c'est B qui le recevra en définitive. On
voit que les résultats sont assez différents de ceux obtenus par le sys-
tème des "plus grands restes" ; celui-ci favorise les petites listes, tan-
dis que le système de la plus forte moyenne favorise les grandes.
[312]

Listes Nombre de voix Nombre de sièges Nombre de sièges à la


aux plus grands restes plus forte moyenne

A 27 000 2 2
B 23 000 1 2
C 15 000 1 1
D 7 600 1
E 7 400

La loi belge de 1899, qui applique le système de la plus forte


moyenne, réglemente de façon différente le calcul des sièges ; elle a
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 13

adopté le procédé du mathématicien Hondt, qui a l'avantage de per-


mettre de trouver par une seule opération le nombre total de sièges
revenant à la liste (sièges de quotient et sièges de reste). On divise
d'abord le chiffre des suffrages obtenus par chaque liste successive-
ment par 1, 2, 3, 4, 5, 6, etc., jusqu'à concurrence du nombre de listes.
Dans notre exemple précité, on obtient :

Liste A Liste B Liste C Liste D Liste E

Division par 1 27 000 23 000 15 000 7 600 7 400


- 2 13 500 11 500 7 500 3 800 2 466
- 3 9 000 7 666 5 000 2 533 2 466
- 4 6 750 5 750 3 750 1 900 1 850
- 5 5 400 4 600 4 600 1 520 1 480

On range alors des quotients obtenus dans l'ordre décroissant, jus-


qu'à concurrence du nombre de sièges à pourvoir ; le dernier est appe-
lé chiffre répartiteur ou diviseur commun :

27 000 23 000 15 000 13 500 11 500

Autant de fois le chiffre répartiteur est contenu dans le nombre de


voix d'une liste, autant celle-ci a de sièges :

27000
Liste A = = 2 sièges
11500
23000
Liste B = = 2 sièges
11500
11500
Liste C = = 1 siège
11500
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 14

[313]

La loi française du 5 octobre 1946 a appliqué un troisième système


de calcul des sièges à la plus forte moyenne, qui aboutit toujours au
même résultat pratique. Le premier siège est attribué à la liste qui
vient en tête. Ensuite pour chacun des sièges suivants, on applique la
méthode qu'on a décrite tout à l'heure pour l'attribution des sièges à la
plus forte moyenne (on feint d'attribuer chaque siège à toutes les lis-
tes, on fait la moyenne des voix ainsi obtenues; la liste qui a la plus
forte moyenne a le siège ; et ainsi de suite pour chaque siège).

3° Lorsqu'on calcule ainsi le nombre des candidats dans chaque lis-


te, il reste à préciser la personne de ces candidats. Si le panachage est
admis, il n'y a pas de difficultés ; on proclame élus ceux qui ont obte-
nu le plus grand nombre de voix. Mais si le panachage est interdit, le
problème devient plus délicat. Le procédé le plus simple est alors de
déclarer élus les candidats placés en tête de liste ; mais on aboutit à
ôter partiellement aux électeurs le choix des élus et à le transférer aux
comités électoraux qui dressent les listes. Normalement, il faudrait
admettre que l'électeur, en votant pour une liste, classe par ordre de
préférence chaque membre de cette liste. Mais le dépouillement de-
viendrait alors si compliqué qu'on préfère généralement le système dit
des "préférences" ; l'électeur vote pour une liste entière, en marquant
d'un signe distinctif un ou deux candidats (deux, généralement, pour
éviter que tous les choix ne se portent sur la tête de liste). On classe
ensuite d'après le nombre des "préférences" les membres de la liste, et
cette classification détermine la personnalité des candidats élus.
Le système ne peut fonctionner que si la liste ne comporte par elle-
même aucun ordre de présentation. Si, au contraire, un tel ordre exis-
te, les électeurs pouvant seulement le modifier, l'expérience et le rai-
sonnement coïncident pour démontrer que l'ordre de présentation ne
sera jamais modifié ; car, d'une part, beaucoup d'électeurs suivent les
consignes des partis à cet égard et, d'autre part, ceux qui modifient
l'ordre ne le font pas tous de la même façon, de sorte que l'ordre pro-
posé l'emporte toujours sur les modifications.
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 15

Le système de Hare ou du "vote unique transférable". - C'est une


proportionnelle qui écarte le scrutin de liste. L'électeur vote pour un
seul candidat, et indique ensuite ses préférences pour un ou plusieurs
autres (la circonscription comprenant plusieurs députés à élire). Dès
qu'un candidat atteint le quotient, il est proclamé élu : les suffrages
supplémentaires qu'il a obtenus sont portés au candidat préféré en 2e
ligne, etc. Le système est compliqué, mais il brise le cadre des partis
et donne à la R.P. le caractère d'un vote pour des personnes.
Il a fonctionné au Danemark pour la deuxième Chambre en 1855 ;
il s'applique en Irlande depuis 1923 ; il est préconisé en Grande-
Bretagne par la Proportional Representation Society, qui a édité à son
propos de nombreuses brochures.
[314]
Le débat sur la proportionnelle. - En Europe continentale, le débat
sur la proportionnelle est ouvert depuis la fin du XIXe siècle. La R.P.
a progressivement remplacé le scrutin majoritaire en trois vagues suc-
cessives : entre 1900 et 1914 (Belgique, Suède) ; à la fin de la guerre
de 1914-1918 (Pays-Bas, Norvège, Danemark, Suisse, Allemagne de
Weimar, Italie prémussolinienne) ; après 1945 (France, Allemagne de
Bonn, République italienne).

c) Le développement de systèmes mixtes. - De 1900 à 1945, le sys-


tème majoritaire n'a cessé de décliner au profit de la représentation
proportionnelle (pays anglo-saxons mis à part). Depuis lors, une cer-
taine réaction se dessine, qui se traduit, non par un retour au système
majoritaire, mais par l'adoption de régimes mixtes, mi-proportionnels,
mi-majoritaires. On citera, à cet égard, les systèmes allemands de la
République de Bonn, le système français de la loi du 9 mai 1951 et le
système italien.
Dans la République de Bonn, chaque électeur dispose de deux bul-
letins de vote. L'un sert à élire au scrutin uninominal à un seul tour la
moitié des députés ; il est rédigé au nom d'un candidat individuel.
L'autre est rédigé au nom d'un parti : d'après ces deuxièmes bulletins,
on calcule à la proportionnelle (système de Hondt) le nombre total des
sièges qu'aurait obtenu chaque parti sur l'ensemble des membres du
Bundestag par application de la R.P. ; on déduit alors de ce nombre
Maurice Duverger, “Les différents systèmes électoraux” (1965) 16

celui des députés déjà obtenu par le parti au moyen des votes indivi-
duels. Si ces derniers lui ont donné plus de sièges qu'il aurait dû avoir
à la proportionnelle, il les conserve : là se trouve la prime majoritaire
(elle a été faible en fait : 4,91% au profit de la C.D.U., 2,2% au profit
du S.P.D. en 1953 ; 4,2% et 2%, respectivement, en 1957).
La loi française du 9 mai 1951 (qui a fonctionné en 1951et en
1956) aboutissait à des résultats un peu analogues par des procédures
différentes. Le vote se faisait par listes, comme dans la proportionnel-
le. Mais deux ou plusieurs listes pouvaient déclarer officiellement leur
volonté de "s'apparenter" huit jours au moins avant lès élections. Si
une liste ou un groupe de listes apparentées obtenaient la majorité ab-
solue, elles recevaient tous les sièges ; ceux-ci étaient alors répartis
entre les seules listes apparentées suivant les principes de la R.P. Si
aucune liste ou aucun groupe de listes apparentées n'obtenait la majo-
rité absolue, la proportionnelle s'appliquait de façon pure et simple
entre toutes les listes apparentées ou non. Le système avait été conçu
pour favoriser les partis du centre, qui s'apparentèrent fréquemment
entre eux et pour défavoriser les partis extrêmes. R.P.F. (qui s'appa-
renta rarement) et communistes (qui ne s'apparentèrent pas du tout).
La loi italienne du 31 mars 1953 établissait un système d'apparen-
tement national : si plusieurs partis apparentés enlevaient ensemble la
moitié des suffrages plus un, ils recevaient 64,5% des sièges. En fait,
cette disposition n'a pas joué.

Fin du texte

Vous aimerez peut-être aussi