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MESURES MÉCANIQUES
Un contrôle dimensionnel
en production…
oui, mais dans
une “juste mesure”
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Depuis quelques années, les appareils de mesure dimensionnelle et d’états
de surface quittent les salles climatisées de métrologie pour s’installer au
plus près de la production. Cette tendance, qui répond à des délais de pro-
duction toujours plus serrés, a été rendue possible par l’arrivée sur le mar-
ché de machines de plus en plus robustes. Les constructeurs mettent Brown & Sharpe
cependant en garde les industriels contre les risques d’une démocratisation
La mesure dimensionnelle connaît depuis quelques années une profonde mutation.Pour répondre à des délais de
excessive de la mesure. Car la “métrologie d’atelier” impose de prendre un production toujours plus serrés,elle s’installe désormais au plus près des lignes de fabrication.Mais une telle
certain nombre de précautions, et elle ne dispense pas d’une mesure en évolution n’est pas sans risques.Les constructeurs rappellent notamment que la mesure est toujours une opéra-
laboratoire. tion délicate,qui impose de prendre un certain nombre de précautions.
L
es capteurs de mesure dimen- eux sont installés en bord de ligne et réali- Pour réduire les délais d’attente entre le pré-
sionnelle, les machines de contrô- sent des contrôles par échantillonnage (ou lèvement des pièces et le résultat du contrô-
le multicote et même les capteurs prélèvement), d’autres permettent de réa- le, les industriels ont alors développé (en fai-
de vision sont depuis belle luret- liser des contrôles en ligne à 100 %. Cer- sant appel à des sous-traitants) des machines
te installés en ligne sur les installations de tains de ces équipements s’installent même spéciales capables de réaliser plusieurs points
production, souvent dans des environne- directement sur les machines-outils. de mesure simultanément (des bancs de
ments difficiles. Dans la plupart des cas, ils Pour l’utilisateur, l’intérêt est clair : inté- contrôle multicote), pouvant être utilisées
n’ont pas prétention à faire de la métrolo- grer la mesure à proximité des lignes de en bord de ligne. Le contrôle est plus rapide
gie, c’est-à-dire des mesures rigoureuses, production permet de corriger presque (chaque machine étant adaptée au type de
avec une incertitude bien définie. Les four- instantanément le process en cas de pro- pièce à contrôler), mais la solution n’est éco-
nisseurs de MMT (machines à mesurer tri- blème, et donc de répondre à des flux nomiquement viable que pour des pièces
dimensionnelles), qui ont toujours eu le de production toujours plus tendus. fabriquées en grandes séries, ou alors des
sens de la mesure, ont cherché à répondre Cette intégration en production est le fruit pièces fabriquées en séries
aux besoins de mesures en bord de ligne d’un long cheminement. Par le passé, la plu- limitées mais exigeant En bref…
précises. Et lorsqu’il y a quelques années, ils part des pièces à contrôler étaient transpor- un contrôle à 100 % avec Les appareils de contrôle
ont commencé à sortir des machines qu’ils tées dans des salles climatisées de métrologie, un nombre important de dimensionnel et d’états de
présentaient comme étant capables d’ef- à l’écart des poussières, des brouillards d’hui- points de mesure. « Ces surface gagnent en robus-
tesse et en flexibilité pour
fectuer des mesures en atelier, personne le et des vibrations de l’atelier. Il fallait alors montages sont coûteux et ne s’adapter à l’environnement
n’y croyait trop… Mais il faut se rendre à attendre que leur température se stabilise. répondent pas aux exigences de de la production
l’évidence : la tendance est bien là. Et elle Ensuite, le contrôle point à point sur les MMT flexibilité des machines instal- Le contrôle s’effectue le
ne concerne pas que les machines à mesu- prenait beaucoup de temps.A l’issue de ces lées en production », tranche plus souvent en bord de
rer tridimensionnelles. Les appareils de contrôles plus ou moins approfondis, les Serge Durand, directeur ligne, et parfois même direc-
tement sur les machines-
contrôle d’états de surface, de mesure de pièces étaient déclarées conformes (ou non) général de Brown & Sharpe outils
rectitude et les stations de contrôle dimen- par rapport aux exigences du cahier des France.Difficile, pourtant, Mais attention, cette
sionnel par vision, quittent eux aussi les charges. Mais pendant ce temps-là, la pro- de faire autrement. A “métrologie d’atelier” ne
salles climatisées de métrologie pour s’ins- duction se poursuivait. En cas de non confor- l’époque, les machines à prétend pas atteindre la
taller dans l’environnement souvent diffi- mité, une série de pièces hors normes avait mesurer tridimension- qualité d’une mesure en
cile de la production. Si la plupart d’entre déjà été fabriquée pour rien… nelles offraient toute la laboratoire climatisé
flexibilité nécessaire, mais elles n’étaient pas M. Durand (Brown & Sharpe). Il faut dire aus- la température. « Cela pourrait surprendre que
encore assez rapides pour être installées en si que lors du contrôle, le référentiel n’est l’on utilise un tel matériau.Mais l’avantage,c’est que
bord de ligne. plus pris sur le traditionnel “marbre” des la dilatation thermique de l’aluminium est rapide et
machines, mais directement sur la pièce à suit une progression linéaire. Contrairement aux
Faire de la “métrologie d’atelier” contrôler, grâce à un palpage préalable. machines basées sur du granit,dans lesquelles la déri-
Dès lors, les fournisseurs de MMT n’ont Pour adapter leurs machines à l’environ- ve est lente et non linéaire,il est donc facile d’appliquer
qu’une idée en tête : développer des nement de la production (variations plus un système de compensation thermique », explique
machines flexibles capables de suivre les ou moins brutales de température, pous- M. Durand (Brown & Sharpe).Ainsi, la même
cadences de la production. Et le marché leur sières, vibrations, projections d’huile…), machine n’offre pas la même précision
donne raison. « Le contrôle en bord de ligne est désor- les fournisseurs ont chacun leur “petite” volumétrique si elle est utilisée entre 18 et
mais devenu incontournable dans le milieu industriel de astuce. Du côté des variations de tempéra- 22 °C, ou entre 15 et 30 °C, mais dans les
la grande série », remarque Jean-François Ville, p.- ture, il existe déjà depuis des années des deux cas, la valeur est connue. La com-
d.g. de Hommel-Somicronic. Franck Zollinger, systèmes de compensation thermique, qui pensation logicielle “Activ” tient compte
chef de projet marketing chez Cotec, fait la prennent en compte le comportement de pour cela de la dilatation linéaire de cha-
même constatation. « De nombreux développements la machine, et souvent aussi celui de la piè- cun des axes, ainsi que de la déformation
ont été faits pour répondre aux besoins de réactivité des ce à contrôler. On distingue deux structurelle de la machine.
industriels,qui ne pouvaient plus se contenter d’attendre les approches différentes : d’un côté, les fabri- La machine à mesurer CenterMax de Zeiss
résultats des laboratoires de métrologie. Aujourd’hui,nous cants qui utilisent des matériaux dont on répond à la deuxième approche. Elle utilise
constatons que nos interlocuteurs ne sont plus des respon- peut modéliser facilement le comporte- en effet un alliage de fer et de nickel, l’invar,
sables qualité ou métrologie, mais bien des responsables ment en fonction de la température, de qui offre une très faible dilatation thermique
production ou méthodes ». l’autre ceux qui emploient de nouveaux (de l’ordre de 10-6/°C contre 11.10-6/°C
C’est ainsi que l’on voit apparaître une matériaux très peu sensibles aux variations pour un acier classique), et elle intègre dans
“métrologie d’atelier”, avec des machines thermiques. l’expression de l’incertitude un coefficient
de plus en plus robustes et rapides. « En dix Les machines à mesurer Global “Activ” de dépendant de l’écart entre la température
ans,la vitesse des machines à mesurer tridimensionnelles Brown & Sharpe, par exemple, sont basées sur réelle et 20 °C.
est passée d’un peu plus de 1 à 4 mm/s », précise un alliage d’aluminium qui se dilate avec La plupart des machines à mesurer intègrent
Werth
contrôle en ligne à 100 %. Le modèle Cen- un contrôle directement sur les machines-
terMax de Zeiss, par exemple, est doté d’un L’intégration du contrôle en production se traduit notamment par outils. « Ce que souhaite un industriel, c’est que sa
système de palettisation traversant permet- le développement de machines multicapteur qui combinent camé- machine à usiner fabrique des pièces “bonnes”, explique
tant d’intégrer directement la machine sur ra, palpeur tactile et laser. Elles s’adaptent ainsi à n’importe quel Louis Gonzalez, directeur de Renishaw. Mais
une ligne de production. type de pièces… lorsqu’il s’aperçoit qu’elles ne le sont pas grâce à une
Chez certains fournisseurs, enfin, l’intégra- MMT installée en bord de ligne,il est trop tard !».Pour
tion du contrôle en production se traduit ce Crossonneau, support logiciel et MMT pallier cet inconvénient, il n’y a qu’une solu-
par le développement de machines moins chez CE Johansson. tion : détecter le problème en cours de cycle
sophistiquées que les traditionnelles MMT en installant un contrôle sur la machine-
employées en salle de métrologie, mais plus Du contrôle outil. « On utilise une pièce étalon pour disposer en per-
petites et moins coûteuses. La machine sur les machines-outils manence d’une référence dimensionnelle et s’affranchir
Ruby de Johansson, par exemple, est « un modè- L’exigence de flexibilité se traduit aussi par le des variations de température.Lorsqu’on usine les pièces,
le d’atelier de conception assez simple,peu encombrant, développement de machines multicapteur. il n’y a alors qu’à comparer leurs cotes avec celles de la piè-
qui n’offre bien sûr pas la précision des machines haut Les machines de Werth et Mahr, par exemple, ce étalon. De la sorte, les pièces sortant de la machine-
de gamme Topaz ou Saphir,mais qui convient à l’essen- combinent caméras, lasers et palpeurs tac- outil sont forcément bonnes », précise M. Gonzalez
tiel des besoins du contrôle en production,pour un coût tiles. Et chaque capteur joue son rôle. Les (Renishaw). La mesure, qui s’appuie sur une
nettement inférieur (35 000 euros) », souligne Bri- caméras sont utilisées pour le contrôle de comparaison avec la pièce étalon, n’est pas