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Logistique de chantier :

du gros œuvre aux corps


d’état secondaires
REX SAINT-CHAMOND

janvier 1997

Auteur
Marc GIBERT, Cete de Lyon

Responsable rédaction
Christophe PERROCHEAU
Fiche technique :
REX SAINT-CHAMOND
RÉSUMÉ DE L’EXPÉRIMENTATION
Sur un projet de construction dont les choix techniques de structure étaient classiques (refends et
façades porteurs en béton banché), l’expérimentation visait à renouveler la logistique autour de
l’entreprise générale. A partir d’une meilleure prise en compte des ressources en matériel et
humaines des entreprises sous-traitantes et des approvisionnements nécessaires, l’entreprise géné-
rale a défini des outils et méthodes logistique : une installation de chantier favorisant l’achemine-
ment des matériaux et produits; la mise en place de recettes d’approvisionnement en étage et l’uti-
lisation de la grue du gros œuvre permettant l’amenée à pied d’œuvre des produits du second
œuvre tels que les menuiseries, les cloisons en carreaux de briques et les doublages.

OPÉRATION SUPPORT
L’opération est située au quartier du Creux à Saint-Chamond (Loire). Elle comprend 52 logements
neufs PLA en collectif (avec garages en sous-sol), répartis en 4 cages d’escalier (R+3).
Le coût des travaux a été de 21 millions de francs. Le chantier a été réalisé de mai 1994 à mars
1995.

PARTENAIRES DE L’EXPÉRIMENTATION
Maître d’ouvrage
OPAC de Saint-Chamond

Architectes
M. BÉRAUD, Sud Architectes -

Entreprises
Campenon Bernard Régions, entreprise générale
Gounot, cloisons
Da Costa, menuiseries extérieures
Industriel
Grégorex, menuiseries

Contact
Denis LEJARS - Campenon Bernard Régions
92, rue Alexandre Dumas
69120 VAULX-EN-VELIN
Tél : 04 72 37 45 64 - Fax : 04 78 41 82 51

ÉVALUATION DE L’EXPÉRIMENTATION
Marc GIBERT - Cete de Lyon
46, rue Saint-Théobald - BP 128
38081 L’ISLE D’ABEAU Cedex
Tél : 04 74 27 28 50 - Fax : 04 74 27 60 56
Sommaire
SYNTHÈSE DE L’ÉVALUATION p5

ANALYSE DU PROTOCOLE D’EXPÉRIMENTATION p6


Préparation du chantier p6
Phase chantier p6

DÉROULEMENT DE LA DÉMARCHE p7
Cantonnement et « chantier propre »
Accès au chantier, aires de déchargement et procédures d’approvisionement p7
Le plan d’installation de chantier p7
Les approvisionnements p7
- CBR p8
- EPC p9
- Hilaire charpentes p9
- Grégorex et Da Costa p 10
- Counot p 11
Cheminement des documents, cycles de travail et gestion des interfaces p 12
- PEO p 12
- Cycle de travail p 12
- Gestion des interfaces p 13

ÉVALUATION DE LA DÉMARCHE ET PERSPECTIVES p 14


Le levage des matériaux de second œuvre p 14
Le rôle de l’entreprise générale p 14
Les gains économiques et de délai p 16
- GBR p 16
- Gounot p 16
- Hilaire p 16
- Da Costa p 16

ANNEXES : Extraits du journal «Chantiers 2000 »


Une logistique autour de l’entreprise générale p 21
Interview : Denis LEJARS, conducteur de travaux de CBR p 23
REX Saint-Chamond

Synthèse de l’évaluation
Le déroulement de l’expérimentation est glo- plan d’installation de chantier, le planning TCE
balement conforme aux engagements pris par et les cycles prévisionnels de travail. Ensuite, le
l’équipe, même si certains thèmes envisagés conducteur de travaux a su faire respecter les
n’ont pas ou peu connu de développements prévisions, tout en assurant une flexibilité tou-
(chantier propre et amélioration des canton- jours indispensable au chantier. Il semblerait
nements). Toutefois, l’essentiel, à savoir la ges- que les entreprises de second œuvre trou-
tion des approvisionnements, a été correcte- vent dans ce pilotage renforcé une forme de
ment traité (même si la rigueur initiale du palliatif à leur carence d’encadrement.
protocole a été largement assouplie). De plus, Toutefois, le problème de l’articulation entre
des aspects importants, en corrélation avec la logique productive des fournisseurs/indus-
la question des approvisionnements, ont triels et celle du chantier ne paraît pas avoir
émergé, tels l’organisation des cycles de travail trouvé de solution durable, mais plutôt un
ou, plus largement, le rôle de l’entreprise compromis dans le cadre de cette opération.
générale. Le gain d’un mois sur le délai de chantier
interne à l’entreprise générale ne paraît
Trois axes principaux d’enseignement peuvent devoir être imputé que marginalement aux
être dégagés : thèmes expérimentés. Le gain économique
●le levage des matériaux de second œuvre ; est négligeable mais montre toutefois que
●le rôle de l’entreprise générale ; l’organisation adoptée sur ce chantier est
●les gains financiers et de délai. immédiatement viable en termes écono-
miques.
La question du levage des matériaux de
second œuvre s’est exclusivement centrée sur Cette expérimentation a été un suppor t de
l’usage de la grue du gros œuvre. Elle n’a perfectionnement et d’optimisation de pra-
concerné que les sous-traitants intervenant tiques déjà connues d’utilisation commune de
en même temps ou juste après le coulage du la grue, et de renforcement de la position de
béton. Ceci explique le retrait de l’expérimen- l’entreprise générale auprès des sous-trai-
tation de l’entreprise de plomberie et l’inté- tants. Pour sa part, la relation entre les
gration de celle de charpente. industriels et le chantier a connu une évolu-
La nouveauté sur ce chantier ne se situe pas tion, sans toutefois pouvoir conclure à sa
dans le levage des matériaux en soi, mais plu- pérennité.
tôt dans l’esprit d’ouverture avec lequel il s’est Ainsi, on retiendra que l’opération de
déroulé et qui a permis d’obtenir un grand Saint-Chamond a permis d’entrevoir l’entre-
degré d’efficacité pour les entreprises sous- prise générale comme fédératrice de logiques
traitantes. Cette façon de procéder paraît faci- productives différentes, voire antagonistes,
lement reproductible, sous réserve d’une dans un cadre de planification souple du
information adéquate du chef de chantier de projet.
gros œuvre et du maintien intégral de la
rémunération du grutier.

Cette expérimentation a mis en avant un ren-


forcement du rôle de l’entreprise générale.
Concrètement, Campenon Bernard Régions
(CBR) a élaboré sans véritable concertation le
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Analyse du protocole
d’expérimentation
L’objectif de l’expérimentation est de mobili- traitants concernés par l’expérimentation),
ser la capacité logistique de l’entreprise géné- précisant les conditions de livraison, de levage,
rale pour améliorer la prise en considération de manutention et de stockage intermédiaire
des besoins logistiques des corps d’état à pied d’œuvre.
secondaires. Les points abordés sont les
suivant : Phase chantier
●cantonnements ;
●accès au chantier ; 1· L’entreprise générale s’engage à améliorer
●aires de déchargement ; les cantonnements mis à disposition du gros
●procédures d’approvisionnement ; et du second œuvre.
●cycles de travail - Gestion des interfaces ;
●politique de « chantier propre » ; 2· Les accès au chantier et aires de décharge-
●cheminement des documents. ment figureront au plan d’installation de chan-
tier et seront gérés par l’entreprise générale.
L’importance relative de ces différents points 3· Un suivi des approvisionnements de l’en-
est un des objets de l’évaluation. On peut tou- semble du second œuvre sera réalisé. Les
tefois souligner dès maintenant que ce sont menuiseries extérieures seront approvision-
les procédures d’approvisionnement qui sont nées à la grue suivant un colisage par apparte-
centrales dans cette opération (avec un ment. Les fenêtres du dernier niveau seront
thème plus large relatif au rôle de l’entreprise approvisionnées avant la pose de la char-
générale qui n’était pas explicite dans le pro- pente. Les fenêtres des autres niveaux seront
tocole d’expérimentation). approvisionnées à l’aide d’un platelage devant
les balcons.
A l’origine, l’entreprise générale Campenon Les documents suivants seront élaborés :
Bernard Régions (CBR) souhaitait impliquer ● pendant la préparation de chantier : détail du
dans l’expérimentation l’entreprise sous-trai- colisage des fenêtres, plan des platelages d’ap-
tante de cloisons, celle de plomberie, et l’in- provisionnement des fenêtres, détail du coli-
dustriel produisant des menuiseries exté- sage de la charpente, et plan d’installation du
rieures associé à une entreprise de pose. matériel de montage des matériaux de cloi-
L’expérimentation s’est révélée impossible sons ;
avec l’entreprise de plomberie. A l’inverse, ● pendant le déroulement du gros œuvre :
l’entreprise de charpente a été associée à la plan de stockage des matériaux de cloisons.
démarche.
4· Les cycles de travail et la gestion des inter-
Les principales modalités prévues par les par- faces :
tenaires de la REX sont les suivantes : ● début de la charpente après achèvement
des pointes de pignon et nettoyage du gros
Préparation du chantier œuvre ;
● pose des fenêtres après hors d’eau et
Durant cette phase, CBR mettra en place une contrôle des supports béton ;
procédure de connaissance pratique des ● montage des cloisons après achèvement et
sous-traitants. Un plan d’installation de chan- calfeutrement des gaines techniques ;
tier localisera les cantonnements, les aires de ● pose des distributions apparentes en cuivre
déchargement et de stockage, les zones des- après nettoyage par le lot cloisons ;
servies par la grue et les passerelles de récep- ● respect des cycles de travail prévus, de
tion aux étages des matériaux et produits des manière à permettre à chacun de travailler
second œuvre. Un planning détaillé d’inter- seul dans une zone donnée.
vention TCE sera également élaboré avec ges- 5· Une vigilance particulière sera portée sur la
tion d’interfaces traditionnellement délicates propreté du chantier, considérée comme un
(arases de maçonnerie pour la charpente, facteur de qualité. Des aires de déchets seront
supports de maçonnerie pour les menuiseries réparties en trois endroits pour limiter les
extérieures, calfeutrement des gaines tech- manutentions
niques avant cloisons, vérification de la distri-
bution électrique avant peinture et réalisation 6· Une procédure de validation des plans
des distributions en cuivre avant peinture). techniques est mise en place de manière à
Enfin, une procédure d’approvisionnement permettre à chaque entreprise d’intervenir
sera définie (particulièrement avec les sous- avec des plans validés.
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Déroulement de la démarche
Les thèmes de l’expérimentation peuvent lable à l’élaboration d’un plan formalisé, que
être regroupés en fonction de la proximité de l’on peut qualifier de classique et nécessaire.
leur nature et en fonction de l’importance C’est en particulier à ce moment que l’entre-
qu’ils ont pris dans le déroulement de l’opéra- prise prend conscience des implications tech-
tion. On retiendra le regroupement suivant niques et financières nées de l’impossibilité de
qui servira de fil conducteur à ce chapitre (le faire passer des engins de plus de 3,5 tonnes
rôle global de l’entreprise générale étant sur la couverture de la rivière du Gier. A l’évi-
traité dans le troisième regroupement) : dence, cette contrainte modifie l’impression
● cantonnements - « chantier propre » ; initiale de l’entreprise générale sur les condi-
● accès au chantier, aires de déchargement et tions matérielles du chantier. De plus, durant
procédures d’approvisionnement ; cette période, une vision finement planifiée
● cheminement des documents, cycles de tra- des aires de déchargement et des flux de
vail et gestion des interfaces. matériaux est développée. Par exemple, le
plan d’installation indique à l’aide d’un système
de flèches les principaux flux de matériaux.
CANTONNEMENTS ET A la fin du mois de mars, l’entreprise générale
«CHANTIER PROPRE» établit une première formalisation du plan
d’installation de chantier. Elle donne, outre le
Les cantonnements ont fait l’objet d’une choix de la grue à poste fixe, celui des aires de
attention et d’un effort particuliers de la part stockage des matériaux et des plates-formes
de CBR. Outre la salle de réunions, des ves- d’approvisionnement aux étages des maté-
tiaires pour douze personnes, des réfectoires riaux de second œuvre qui seront arrimées
pour douze personnes également et des sani- aux balcons. Ces plates-formes sont des équi-
taires ont été mis à la disposition de l’en- pements métalliques issus de son parc de
semble des ouvriers présents sur le chantier. matériel. Il est important de remarquer qu’à
Situés à quelques dizaines de mètres du chan- ce moment de l’expérimentation, l’entreprise
tier proprement dit, ils n’ont été que très peu de cloisons Gounot refuse en bloc toute solu-
utilisés par le second œuvre qui a finalement tion « collective » d’approvisionnement des
préféré les habitudes en la matière (notam- Carrobric et des doublages. Elle indique au
ment le « casse-croûte » dans un logement). contraire son besoin de disposer d’une aire
La politique de « chantier propre » n’a pas fait de stockage au pied de chaque cage, afin de
l’objet d’une expérimentation particulière, si pouvoir approvisionner ses matériaux aux
ce n’est la mise en place de trois aires de étages au moyen de son propre ascenseur de
déchets, comme prévu au protocole. façade (il s’agit d’un treuil électrique perfec-
tionné, permettant notamment de faire entrer
à l’intérieur du bâtiment les matériaux soule-
ACCÈS AU CHANTIER, vés et donc de gagner en sécurité et pénibilité
AIRES DE du travail).
DÉCHARGEMENT Le second moment important concerne la
ET PROCÉDURES formalisation du plan d’installation de chantier
qui intervient en avril 1994. Le plan est forma-
D’APPROVISIONNEMENT lisé en trois documents graphiques corres-
pondant aux phases de déroulement de chan-
Les accès au chantier et les aires de décharge-
tier n° 1 (gros œuvre en cages 3 et 4 par
ment ont été formalisés dans le plan d’installa-
lesquelles on commence le chantier), n° 2
tion de chantier. On analysera donc, dans un
(gros œuvre en cages 1 et 2 et second œuvre
premier temps, la formalisation de ce plan, les
en cages 3 et 4), n° 3 et 3 bis (second œuvre
procédures d’approvisionnement étant abor-
avant et après démontage de la grue).
dées dans un second paragraphe.
Les points remarquables de ces documents
graphiques sont les suivant :
Le plan d’installation de chantier
● Phase 1 : définition et visualisation d’élé-
On peut repérer trois périodes ou moments ments, comme la grue à poste fixe, capables
clés. d’alimenter tout le chantier, la clôture com-
La première période s’étale de la fin de l’au- plète, les aires de déchargement et de
tomne 1993 à fin mars 1994. Durant ces stockage au sol, et les plates-formes de récep-
quelques mois, CBR mène une réflexion préa- tion des matériaux de second œuvre
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(susceptibles de servir dans cette phase à règlent en général environ huit jours avant
réceptionner quelques matériaux comme des l’intervention effective de l’entreprise.
agglos).
On se trouverait donc, selon nous, dans une
● Phase 2 : CBR indique devoir redétailler les situation de planification souple (que l’on
questions des plates-formes et des lieux de pourrait aussi appeler gestion semi-controlée)
parking des camionnettes de second œuvre. Il des approvisionnements, contrastant avec
est également réaffirmé le principe du trans- l’improvisation trop souvent de règle sur les
port direct des matériaux de second œuvre chantiers.
(au moins pour les sous-traitants « expéri-
mentaux ») depuis le camion d’approvisionne- Les approvisionnements
ment jusqu’à la plate-forme d’étage. Ceci
signifie donc implicitement qu’il n’est pas
Au vu du protocole d’expérimentation, trois
donné suite au souhait de l’entreprise
sous-traitants étaient désignés pour expéri-
Gounot.
menter de nouvelles procédures : le plombier,
●Phase 3 et 3 bis : il est envisagé de repré- le menuisier extérieur et le cloisonneur. En
ciser des aspects comme le positionnement réalité, le plombier s’excluera rapidement de
du camion-grue lors du démontage de la l’expérimentation alors que le charpentier y
grue, les opérations d’enlèvement de la clô- sera finalement associé. On analysera donc
ture, et les moments prévisionnels de ferme- comment se sont concrètement déroulés les
ture des cages. L’entreprise générale prévoit approvisionnements pour chacune de ces
d’intégrer toutes ces précisions pour le mois entreprises et comment l’entreprise générale
de juin, ce qui ne sera jamais formalisé. a intégré cette question dans ses propres pré-
Néanmoins, des apports seront produits occupations.
comme on le verra ci-dessous.
La dernière période concerne l’été et l’au- CBR : la préoccupation de l’entreprise géné-
tomne 1994. Elle correspond à l’application rale est double. D’une part, il s’agit de faire en
concrète des dispositions prévues en avril, sorte que les matériaux et produits des sous-
abondées par quelques additifs à l’intention traitants arrivent au bon moment sur le chan-
du second œuvre. tier par rapport au planning général afin que
celui-ci puisse être respecté1. D’autre part,
En août 1994, une visite du chantier permet l’approvisionnement à la grue des matériaux
de constater que les zones de stockage pré- et produits de second œuvre doit être com-
vues aux phases 1 et 2 du plan d’installation patible avec le rythme prévisionnel des
de chantier sont effectivement remblayées et équipes de gros œuvre afin de garantir une
donc utilisables. Mais surtout, on peut relever partie importante de la rentabilité de l’opéra-
que l’entreprise Gounot a finalement donné tion anticipée par CBR.
son accord à CBR pour que les matériaux de
cloisons-doublages soient approvisionnés à S’agissant du premier point, on peut relever
l’étage par la grue. que c’est le conducteur de travaux de CBR
qui finalisera, au mois d’août 1994, le planning
Durant l’été, CBR fournit aux sous-traitants du second œuvre et qui déterminera du
un synoptique donnant par cage la répartition même coup les semaines (voire les jours)
des différents types de logement, afin de facili- d’approvisionnement des corps d’état secon-
ter leur prévision d’approvisionnement depuis daires. Ceci l’amènera à négocier lui-même
les plates-formes vers les logements propre- avec l’industriel de menuiseries extérieures,
ment dits. Un plan d’étage visualisant l’empla- jusqu’à l’heure précise de livraison des
1. Cette remarque est valable cement exact de la plate-forme d’approvi- fenêtres (en échange, Grégorex pourra impo-
pour l’ensemble des sionnement sera également annoncé par ser le lundi matin pour l’arrivée du camion de
sous-traitants de CBR. CBR. Enfin, en septembre 1994, l’entreprise menuiseries)2. Il en va de même pour les dou-
2. Il est à cet égard important générale indique que le plan d’installation de blages et Carrobric. Au fur et à mesure de
de remarquer que Grégorex chantier ne peut être raisonnablement plus l’avancement des travaux, c’est le conducteur
est pour ce chantier fournisseur précis sur la question des approvisionne- ou le chef de chantier de l’entreprise générale
conjoint et solidaire de ments. Il lui apparaît en effet souhaitable de qui indiquait à l’entreprise Gounot la nécessité
l’entreprise de pose Da Costa.
Ainsi CBR avait une légitimité conserver une marge de flexibilité nécessaire de prévoir la livraison d’un nouveau camion
formelle pour dialoguer avec dans un contexte de chantier où les modalités de produits de plâtre (selon un rythme bi ou
le fournisseur. d’approvisionnement du second œuvre se tri-hebdomadaire).
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Le second point est relatif à la compatibilité berie. Toutefois, pour plusieurs raisons, il est
entre la mise à disposition de la grue et l’im- rapidement apparu illusoire d’espérer une
pératif de rentabilité de CBR. La disponibilité évolution de son mode d’approvisionnement :
de la grue pour le levage des matériaux de ● EPC est une petite entreprise de 6 salariés,
second œuvre a constitué une indéniable réa- sans l’encadrement ni la disponibilité néces-
lité. Ceci est vrai pour les fenêtres aussi bien saire à une réflexion à caractère innovant. En
que pour les éléments de charpente et pour particulier, il s’est rapidement avéré que le
les doublages et Carrobric. Cette disponibilité souhait du PCA, pour une négociation sur un
n’a toutefois été possible qu’au prix de cer- mode adapté de colisage des baignoires (for-
tains aménagements. Le premier a consisté mulé à la fin de l’année 1993), ne serait pas
dans la motivation du chef de chantier, par le suivi d’effet. De même, au printemps 1994, le
conducteur de travaux, le budget d’heures de conducteur de CBR a pris conscience de la
travail des équipes de gros œuvre n’ayant pas nécessité de se préoccuper plus particulière-
été modifié par rapport à un chantier habi- ment des approvisionnements de plomberie
tuel.Toutefois, la synthèse de CBR montre que afin d’éviter les effets néfastes des flux tendus
la grue a été affectée au second œuvre durant en usage chez les industriels et les négociants ;
six heures, prises dans le temps normal de ● la faible distance (quelques centaines de
travail des équipes de gros œuvre et durant mètres) entre le chantier et le dépôt de l’en-
quatre-vingt heures, payées au grutier sous treprise n’a pas favorisé une réflexion sur le
le régime des heures supplémentaires mode d’approvisionnement ;
(à rapprocher d’une présence totale de la On peut également remarquer que tout au
grue sur le chantier d’environ six mois).
long de la préparation du chantier, puis en
phase d’exécution, la réflexion logistique de
Les conséquences ont été les suivantes :
l’entreprise générale s’est peu à peu concen-
● l’intensité du travail des équipes de gros
œuvre a bien été accrue, mais seulement trée sur le seul usage de la grue. Dès lors, il
pour compenser les 6 heures de non disponi- devenait clair que seuls les corps d’état secon-
bilité de la grue3. D’autres modes opératoires daires intervenant en simultanéité ou juste
ont du également être utilisés, tel le transport après le gros œuvre pouvaient être inclus
de béton par une pompe à béton.Toutefois, la dans la démarche expérimentale4. L’entreprise
gêne a été marginale au regard du nombre EPC sortira alors implicitement du champ
total d’heures de travail de gros œuvre ; d’expérimentation.
● CBR a du payer, outre les 80 heures supplé-
Hilaire charpentes : à l’inverse d’EPC, l’en-
mentaires du grutier, 40 heures supplémen-
treprise Hilaire n’était pas, à l’origine, impli-
taires à son chef d’équipe chargé de donner
quée dans la démarche.Toutefois, CBR a sou-
au grutier, après s’être assuré des aspects de
sécurité, les ordres de levage des matériaux ligné l’intérêt que pouvait trouver cette
de second œuvre (le grutier était contraint de entreprise dans le mode d’approvisionnement
travailler en aveugle) ; des éléments de charpente et de couverture.
● le début de la journée de travail a été avancé Le conducteur de l’entreprise a indiqué qu’il
d’une heure lors de la livraison des menuise- était devenu très courant que, dans le loge-
3. Que cet accroissement ries extérieures. Cet aménagement était ment collectif, la grue de l’entreprise de gros
passe par une réduction des nécessaire pour permettre le transport des œuvre approvisionne en paquets les éléments
temps morts comme le pense de charpente qu’elle dépose sur la dalle supé-
le conducteur de travaux, ou coffrages avant l’affectation de la grue au
par un rythme plus élevé second œuvre afin d’assurer le rythme habi- rieure. Il s’agit d’un travail très rapide (souvent
comme le croit le chef de tuel de travail du gros œuvre durant cette inférieur à une heure) que l’entreprise de gros
chantier. matinée. On a néanmoins constaté que la œuvre ne facture pas dans le cas de marché
grue a pu être reprise en cours de matinée en entreprise générale5. En corps d’état sépa-
4. Il est à remarquer qu’à
aucun moment on a songé par par le gros œuvre durant les temps morts du rés, le tarif varie entre 300 et 450 francs
exemple à utiliser l’ascenseur second œuvre ; HT/heure. Par référence à ce schéma, l’opéra-
comme monte-charge de ● à l’inverse, l’effet « levage des matériaux du tion de Saint-Chamond a effectivement
chantier. second œuvre » sur le travail de gros œuvre a apporté une amélioration dans la pose de la
5. Sauf naturellement à été réduit au fil du temps grâce à un appren- charpente. Les fermes ayant une longueur
considérer que ce service est tissage, et plus particulièrement dans le trans- supérieure à 14 mètres, leur pose nécessite
inclus dans la négociation fert des plates-formes d’une cage d’escalier à habituellement le recours à trois hommes : un
préalable qui s’est instaurée l’autre. à chaque extrémité et un au milieu pour assu-
entre l’entreprise générale et
son sous-traitant au moment
rer le guidage de la ferme. Selon Hilaire char-
de la signature du contrat de EPC : le protocole d’expérimentation pré- pente, il s’agit d’un travail pénible et dange-
sous-traitance. voyait la participation de l’entreprise de plom- reux. En approvisionnant une à une et à la
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grue les fermes à l’endroit exact de pose, CBR La question du jour précis de livraison
a amélioré la sécurité des charpentiers et demeure posée. Si à Saint-Chamond le
accru la productivité. Le conducteur de Hilaire conducteur de CBR a su présenter des argu-
estime en effet avoir économisé environ 1/2 ments convaincants, Grégorex fait remarquer
journée de travail à trois hommes pour que son stock ne dépasse jamais un à deux
chaque cage, soit un gain de l’ordre de six jours de livraison. Il s’ensuit que s’engager sur
jours de main d’œuvre. une date précise avec une avance de deux
semaines lui pose problème. L’industriel pré-
Grégorex et Da Costa : le fournisseur fère donc la situation habituelle où le moment
(Grégorex) et l’entreprise de pose (Da de livraison est fixé très peu de temps à
Costa) étaient conjoints et solidaires sur cette l’avance. A fortiori, Grégorex ne souhaite pas
l’opération. CBR possédait déjà une expé- s’engager systématiquement sur l’heure de
rience de travail avec Grégorex, reconnu livraison qui dépend aussi de l’optimisation de
comme apte à répondre aux attentes de ce la tournée de livraison lorsque la commande
chantier en matière d’approvisionnement. du chantier est inférieure à la capacité du
A l’inverse, Da Costa travaillait pour la pre- camion (de plus, Grégorex est propriétaire
mière fois avec CBR, mais est le poseur « pri- des semi-remorques mais sous-traite le
vilégié » de Grégorex sur la région lyonnaise. transport).
La négociation entre le conducteur de travaux Le camion de Grégorex est arrivé à 7 h
de CBR et Grégorex a permis de fixer préci- 30 mn. Les opérations de déchargement
sément la date d’arrivée des menuiseries commencent vers 9 h après la venue sur le
extérieures. Auparavant, Grégorex s’était fait chantier du conducteur de travaux de Da
communiqué les plans d’architecte et de cof- Costa. Les opérations ont mobilisé (totale-
frage. C’est à partir de ces plans que l’indus- ment ou partiellement) le chef de chantier, un
triel a établi les quantités de menuiseries chef d’équipe et le grutier de CBR, le conduc-
nécessaires par cage, niveau et type de menui- teur de travaux, deux hommes de Da Costa
serie. Ce quantitatif est produit par un logiciel et les deux chauffeurs-livreurs. Contrairement
informatique propre à Grégorex. Le lance- à ce qui était prévu, le camion ne contient
ment des fabrications a ensuite obéi aux finalement qu’environ 2/3 des menuiseries
impératifs classiques de la série industrielle nécessaires pour les cages 4 et 3. Une
(la série étant souvent de 50 pièces iden- seconde livraison sera donc nécessaire7. Les
tiques). C’est donc au moment de la palettisa- très petits éléments et les cadres de fenêtre
tion que s’est posée la question d’un colisage sont d’abord déchargés et manutentionnés
adapté aux besoins de l’opération. Au vu des jusqu’à l’intérieur du rez de chaussée, les
informations données par le quantitatif, l’in- portes-fenêtres étant stockées temporaire-
dustriel a constitué des palettes comportant ment sur le trottoir. Pendant ce temps, la grue
le nombre exact de menuiseries identiques est utilisée par le gros œuvre pour aligner les
pour une cage et un niveau donnés, une éti- banches, afin de permettre par la suite la pose
quette et une indication portée au feutre sur des ferraillages lorsque la grue sera mobilisée
le film protecteur donnant les indications de par les menuiseries.
destination. Les palettes de fenêtres sont amenées au
Cette palettisation adaptée ne concerne que transpalette sur le hayon mobile du camion
les menuiseries de petites dimensions, les puis, déchargées. A 9 h 45 mn la grue est de
grands éléments (du type porte-fenêtre) nouveau disponible pour le second œuvre
étant emballés mais non palettisés, car d’un mais la fourche prévue ne convient pas. La
poids trop élevé. Ce type de palettisation grue est alors reprise par le gros œuvre et
reste exceptionnel, Grégorex ne l’ayant effec- sera présentée de nouveau à 10 h 10 mn,
tué auparavant que dans quelques cas. C’est munie cette fois d’élingues adaptées. Compte
pourtant un service que cet industriel rend tenu de la hauteur et du positionnement du
volontiers sans surcoût6. Par contre, Grégorex bâtiment, le grutier est contraint de travailler
6. Cette attitude est facilitée
par le fait que Grégorex, qui
ne souhaite pas aller jusqu’à la palettisation de en aveugle, guidé par un chef d’équipe de
possède une scierie proche de menuiseries de type différent permettant l’ap- CBR positionné au dernier étage. Pour les
son usine, fabrique elle-même provisionnement complet d’un logement. Le étages courants de la cage 4, le grutier pro-
ses palettes à la dimension triage des menuiseries en sortie des séries de cède en deux temps : d’abord le transport de
adéquate.
fabrication industrielle lui paraît trop com- la palette depuis la rue (à l’arrière du camion)
7. Ces cages étant les plexe à réaliser. D’ailleurs, aucune demande de jusqu’au droit de la cage à approvisionner ;
premières à être construites. cette sorte ne lui a jamais été adressée. ensuite le levage et dépôt sur la plate-forme
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du premier ou du second étage. Pour le troi- tue une entreprise importante du départe-
sième et dernier étage et en l’absence à ce ment dans son corps d’état) s’est ralliée après
moment de tout élément de charpente, la quelques hésitations à l’idée de recourir à la
palette est déposée directement sur le plan- grue du gros œuvre pour l’approvisionne-
cher. Pour la cage 3, les palettes sont amenées ment des doublages et des Carrobric9.
à la grue au droit de la cage puis entreposées Pour les doublages, le fournisseur décharge les
au sol en attente du déplacement des plates- palettes par ses propres moyens (camion-
formes (le chantier n’étant pourvu que de grue). Les semi-remorques ont de cette
deux plates-formes). Sur la plate-forme, les manière déposé au total seize palettes sur
hommes de Da Costa ouvrent les palettes et une zone prévue à cet effet, située sur la cou-
manutentionnent les fenêtres dans différents verture du Gier. L’heure de livraison est déci-
lieux de stockage à l’étage. dée à partir d’un accord entre le chef d’entre-
prise ou le chef de chantier10 de Gounot et le
La fin du déchargement du camion intervient chef de chantier de CBR, accord répercuté
vers 10 h 45 mn, le levage des palettes restant ensuite sur le fournisseur et selon la disponibi-
à achever. A ce moment, apparaît un dilemme lité de celui-ci. Concrètement, le camion
dans l’utilisation de la grue, le chef de chantier déchargeait entre 17 h 30 mn et 8 h 30 mn,
de CBR se plaignant du ralentissement du pour une reprise quasi immédiate par la grue
rythme des équipes de gros œuvre du fait de du gros œuvre qui approvisionnait sur les
la relative indisponibilité de la grue (et ceci plates-formes d’étage ou sur le plancher
malgré un début de journée avancé d’une béton dans le cas du dernier étage. Le pre-
heure et sa récupération fréquente entre mier intérêt de ce mode d’approvisionnement
deux transports de menuiseries). A 11 h, il est réside dans la possibilité de faire livrer des
finalement décidé que la grue sera réservée camions entiers sans crainte de vol ni de
au gros œuvre jusqu’à 12 h 30 mn, le levage dégradation (les doublages étant immédiate-
des menuiseries reprenant ensuite. ment répartis dans les étages) et donc d’éco-
nomiser sur le coût des livraisons. Le second
Selon l’entreprise Da Costa, le mode d’appro-
est de permettre une intervention immédiate
visionnement de Saint-Chamond officialise et
des ouvriers le matin, les doublages étant à
améliore la pratique de levage à la grue des
pied d’œuvre depuis la veille au soir.
menuiseries dans les opérations de construc-
tion neuve (et plus généralement dans les Le poids élevé des palettes ne permet pas le
opérations où le gros œuvre installe une stockage des Carrobric sur la couverture du
grue). L’usage de la grue du gros œuvre est en Gier. Le camion décharge donc par ses
effet devenu fréquent. Il est rémunéré de 400 propres moyens dans la rue (comme pour les
à 500 francs HT/heure en corps d’état sépa- menuiseries et avec le même inconvénient du
rés, et il est gratuit en entreprise générale grutier aveugle au moment du levage des
(avec la même réserve que précédemment palettes), jusqu’à la démolition providentielle
quant à l’inclusion implicite de ce service dans d’un immeuble riverain du chantier qui per-
le prix de sous-traitance). Un accord avec le mettra de stocker puis de lever les Carrobric
8. Quand les menuiseries grutier (qui peut, selon nous, comporter assez dans les mêmes conditions que les doublages.
arrivent palettisées, ce qui, souvent une rémunération occulte) permet Pour les deux types de produits, les com-
selon Da Costa, est de plus en
plus fréquent. ensuite de déterminer les moments précis de mandes au fournisseur sont faites par Gounot
mobilisation de la grue. Le levage direct de la au fur et à mesure des besoins, parfois (en
9. Produit de type carreau de palette n’est pas d’un usage courant pour Da l’absence du chef de chantier de Gounot) sur
brique qui se substitue ici aux Costa qui, en général, ouvre les palettes au indication par CBR de l’épuisement à court
plaques de plâtre courantes
dans le logement social. sol8 et transfère (avant de les lever) les terme de la réserve de chantier.
menuiseries dans un casier métallique qu’elle
10. Ce chantier offre la possède. Cette opération est naturellement A l’image des autres corps d’état, ce mode
particularité d’un chef de rendue nécessaire par un colisage inadapté d’approvisionnement n’est pas nouveau mais
chantier de l’entreprise de
aux besoins d’un étage donné. Enfin, l’entre- connaît une souplesse inhabituelle. Ainsi, il est
cloisons présent durant une très rare que Gounot soit contraint, en
grande partie de son prise Da Costa estime que la plate-forme
intervention. Il semble que l’on présente un avantage de facilité et de sécurité construction neuve, de louer un camion-grue
puisse attribuer cette présence par rapport au dépôt du casier sur le balcon ou même d’utiliser son propre ascenseur de
à l’importance des prestations
d’étage. façade. Le plus souvent, c’est la grue du gros
qui ont été confiées à Gounot œuvre qui assure le levage des matériaux.
et à la brièveté du délai
d’intervention qui a nécessité Gounot : L’entreprise Gounot (qui com- Dans le cas des corps d’état séparés, la grue
une forte équipe d’exécution. prend une trentaine de personnes et consti- est louée à un tarif qui varie entre 280 et
REX Saint-Chamond

350 francs HT/heure (coût jugé très élevé par PEO : S’agissant des PEO, le protocole d’ex-
Gounot). Selon les cas, on approvisionne au périmentation prévoyait une procédure pré-
fur et à mesure de la construction sur les cise de circuit d’approbation qui s’est rapide-
planchers de chaque étage juste avant le cou- ment avérée illusoire. C’est pourquoi CBR
lage de la dalle supérieure ou sur les passe- élabore en mars 1994 un nouveau circuit
relles de sécurité des différents étages, au visant à donner en deux semaines le statut de
moment de l’intervention de l’entreprise. Bon Pour Exécution aux plans produits par les
Chaque solution présente avantages et incon- bureaux d’études. Le constat de fonctionne-
vénients. Dans le premier cas de figure, on ment que l’on peut en dresser est ambivalent.
gagne environ 50 % du coût d’approvisionne- D’une part, le processus d’approbation ne
ment dans les étages mais ce gain est contre- fonctionne pas très bien, avec de nombreux
balancé par l’avance de trésorerie qu’implique retards qui apparaissent tout au long de la
ce mode précoce d’approvisionnement. De chaîne d’approbation des plans et particuliè-
plus, il ne convient pas pour les doublages qui rement dans l’articulation insuffisamment pré-
craignent l’humidité et nécessite un plancher cisée entre l’architecte de conception et celui
en prédalle ou coulé sur des coffrages tradi- d’opération. Cette situation sera en grande
tionnels (à l’exclusion des tables coffrantes). partie corrigée à l’issue d’une réunion à l’ini-
C’est une situation à peu près inverse que l’on tiative de CBR avec toutes les personnes et
rencontre dans le second cas. organismes concernés et avec la mise en
place d’un tableau informatisé de suivi élaboré
Cependant, à Saint-Chamond, c’est la très par le conducteur de l’entreprise générale.
bonne entente entre l’entreprise de gros D’autre part, le conducteur de CBR est agréa-
œuvre et Gounot qui a créé la différence. blement surpris de constater, en comparaison
Cette coopération de qualité a permis un gain avec d’autres chantiers, un degré global élevé
qui se situe à la fois sur le coût d’approvision- d’avancement des plans d’exécution par rap-
nement et sur la productivité du travail des port à la date prévisible de début des travaux.
ouvriers de Gounot. Selon l’entreprise, Selon le conducteur de CBR, cette situation
« l’avantage est d’avoir pu se mettre d’accord s’explique par le souci des sous-traitants
sur les moments précis d’utilisation de la grue, locaux de satisfaire le maître d’ouvrage de
moments qui nous ont été utiles ». l’opération qui constitue un client régulier.
Cycles de travail : la question des cycles de
CHEMINEMENT DES travail est tout à fait importante à observer,
dans la mesure où elle a débouché sur une
DOCUMENTS, CYCLES organisation et un enchaînement des tâches
DE TRAVAIL ET GESTION de chantier performants.
DES INTERFACES Cette question recoupe tout d’abord l’élabo-
ration du planning qui a constitué la traduc-
S’agissant des documents et de leur chemine- tion de quatre soucis particuliers :
ment, on doit distinguer les fiches de sous- ● le respect du délai contractuel et si possible
traitant et le circuit d’approbation des PEO. sa réduction, malgré un retard en début de
chantier consécutif à un problème de sol non
Fiches de sous-traitant : Les fiches de résolu par l’étude préalable ;
sous-traitant ont pour objet de mieux ● le désir des sous-traitants de tendre vers une
connaître le potentiel productif des sous-trai- intervention unique, pour des raisons de pro-
tants avant le début du chantier. Pour CBR, ductivité/rentabilité, aussi longue que possible,
l’intérêt majeur de cette fiche (utilisée pour la afin de pouvoir répondre à d’éventuelles sur-
première fois à Saint Chamond) est de pou- charges temporaires sur d’autres chantiers ;
voir appréhender plus précisément les effec- ● la volonté de l’entreprise générale de tendre
tifs et les matériels de chaque sous-traitant vers l’intervention unique de chaque sous-
afin de pouvoir élaborer un planning qui soit traitant, mais sans reprendre le souhait de lon-
en véritable cohérence avec les capacités gueur d’intervention, afin de pouvoir mieux
mobilisables des entreprises. C’est donc par contrôler les équipes de travaux et éviter tout
rapport à la question du planning et des retard d’intervention comme cela se produit
cycles de travail que l’on doit considérer l’inté- trop souvent dans le cas d’interventions mor-
rêt réel de ces fiches, plutôt que par rapport à celées ;
celle des approvisionnements pour lesquels ● la mise à profit du choix des cloisons en
aucune rubrique spécifique n’est prévue. Carrobric qui permet de ne pas attendre le
REX Saint-Chamond

« hors d’eau » comme pour les plaques de l’équipe, a permis de corriger ce problème
plâtre. pour les autres cages.
C’est dans ce contexte global que CBR éla- On remarquera aussi que le respect du prin-
bore un planning tous corps d’état par cage et cipe d’intervention unique a amené des
à la semaine, sans concertation véritable avec entreprises à effectuer des tâches inhabi-
les entreprises de second œuvre. Ce planning tuelles. C’est le cas de l’entreprise Gounot qui
a débouché sur un gain réel de délai d’un a réalisé la pose des huisseries métalliques.
mois11. Pour accomplir cette tâche (comprenant le
L’explication de ce résultat est polymorphe. traçage au sol et la pose proprement dite),
Selon l’entreprise générale, le gain (selon elle, Gounot a dû embaucher un menuisier, après
réalisé exclusivement sur le délai du second avoir utilisé la solution d’un menuisier intéri-
œuvre) est imputable à la fois aux modes maire.
d’approvisionnement qui ont permis d’appro-
visionner plus tôt les corps d’état avec des La gestion des interfaces : Ellle constituait
moyens de levage existants et d’anticiper un des thèmes de ce chantier. Le protocole
leurs travaux; à la gestion fine des interfaces et d’expérimentation prévoyait explicitement le
des durées des tâches qui a évité un dérapage traitement des interfaces suivants :
dans le temps et à l’utilisation du Carrobric ●maçonnerie (pointes de pignon)/charpente ;
permettant d’avancer le début d’intervention ●maçonnerie (supports de fenêtre)/menuise-
de l’entreprise de cloisons. Toutefois, Gounot ries extérieures ;
indique que les cloisons-doublages ont été ●chauffage (calfeutrement des gaines tech-
montés en trois mois, ce qui constituerait niques)/cloisons ;
presque un « record » pour cette entreprise. ●plomberie (distribution apparente)/cloisons
Gounot fait remarquer qu’aux moments les (nettoyage préalable).
plus intenses, quinze à vingt ouvriers ont dû Ces interfaces ont effectivement été bien
être mobilisés (l’entreprise comprenant au conduites durant le chantier (par exemple, le
total une trentaine de personnes), au détri- menuisier a été sollicité pour donner son avis
ment d’autres chantiers. sur le premier support de fenêtre) et ont
Au principe d’intervention unique, s’est ajou- pour l’essentiel donné satisfaction. On notera
tée la préoccupation d’offrir aux sous-traitants aussi que des transferts de tâches, situées pré-
l’avantage de pouvoir travailler seul dans un cisément à l’interface de deux corps d’état,
logement donné. L’intervention unique peuvent contribuer à des cycles de travail plus
semble avoir été une généralité, sinon la règle efficaces tels qu’on les a évoqués ci-dessus.
(elle n’a pu être complètement appliquée, et Ainsi, le chauffagiste a réalisé le calfeutrement
plus particulièrement au moment des fini- des gaines techniques au lieu du maçon.
tions). Elle a été rendue possible par l’autorité
du conducteur de travaux de CBR qui a su
allier sens du dialogue et de l’efficacité. Il est
clair qu’une organisation de ce type suppose
que l’enchaînement des tâches programmé
finement dans le temps au moment du plan-
ning soit complètement respecté, ce qui
implique non seulement une arrivée de l’en-
treprise au moment prévu mais aussi un
rythme de travail et donc une taille d’équipe
conforme à ce qui a été décidé et traduit dans
le planning TCE. A contrario, la preuve en a
été faite au moment de la construction de la
première cage (cage 4) où l’incohérence des
rythmes de travail du peintre et du chauffa-
giste a conduit le peintre (qui allait plus vite
que prévu) à intervenir avant le chauffagiste et
11. Par rapport au délai a débouché sur une « non-qualité » (le calfeu-
prévisionnel interne de CBR, et trement des trémies après la mise en œuvre
de quatre mois par rapport au des gouttelettes au plafond occasionnant
délai juridique de 15 mois
(avenant inclus et hors
quelques taches d’humidité). L’intervention du
intempéries). conducteur de CBR, auprès de l’entreprise de
chauffage pour exiger un renforcement de
REX Saint-Chamond

Évaluation de la démarche
et perspectives
Globalement, le déroulement de l’expérimen- camion. Ceci étant, la palettisation a démontré
tation est conforme aux engagements pris par son intérêt dès lors que la palette est dédiée à
l’équipe. Certes, certains thèmes envisagés une cage et un niveau donné. Elle permet en
n’ont pas ou peu connu de développements. effet d’éviter au menuisier extérieur d’ouvrir
C’est le cas de la politique de chantier propre au sol les palettes pour mettre les menuiseries
ou de celle de cantonnements améliorés adéquates dans des casiers métalliques qui
(malgré les efforts réels de l’entreprise géné- seront ensuite levés par la grue. Le gain de
rale sur le dernier point). Mais il est clair que productivité est ici certain (mais toutefois pas
l’essentiel, à savoir la gestion des approvision- considérable). Par ailleurs, la palettisation de
nements, a été correctement traité. De plus, menuiseries hétérogènes, pour équiper un
des aspects importants, en corrélation avec la logement donné, se heurte pour l’instant à
question des approvisionnements, ont aussi l’opposition du fournisseur qui estime trop
émergés, tels l’organisation des cycles de tra- complexe le travail de palettisation en sortie
vail ou plus largement le rôle de l’entreprise de chaîne industrielle de production sous
générale. Il reste naturellement à évaluer le cette forme (la palettisation adaptée d’élé-
caractère réellement innovant des thèmes ments identiques étant à l’inverse volontiers
expérimentés et à analyser leurs conditions acceptée par le fabricant).
matérielles d’émergence et de reproductibi- Dans le même registre, les plates-formes de
lité. Pour cela, on procédera à une évaluation réception des palettes et matériaux mises en
de la démarche en trois temps : place par CBR ont été appréciées par tous les
● le levage des matériaux de second œuvre ; sous-traitants utilisateurs. Cependant, leur
● le rôle de l’entreprise générale ; nombre était insuffisant par rapport au quan-
● les gains économiques et de délai. titatif de livraison des menuiseries extérieures.
Grégorex a en effet livré des menuiseries
pour deux cages. Dès lors, il devenait néces-
LE LEVAGE DES saire de disposer de quatre et non de deux
MATÉRIAUX DE plates-formes. De cette insuffisance quantita-
SECOND ŒUVRE tive a découlé le stockage temporaire au sol
de la moitié des palettes en attente du trans-
L’équipe s’est exclusivement centrée sur la fert des plates-formes de la cage 4 à la cage 3
question du levage des matériaux par la grue (et de même pour les cages 1 et 2).
du gros œuvre. Dès lors, il devenait clair que Pour la pose des éléments de grande lon-
les sous-traitants intervenant longtemps après gueur de la charpente, l’apport de la grue a
le démontage de la grue ne pouvaient être été indéniable. Outre une amélioration de la
concernés par l’expérimentation. Ce fut préci- sécurité et une moindre pénibilité, une écono-
sément le cas de l’entreprise de plomberie mie d’environ six jours de travail a été réali-
EPC, laquelle par ailleurs n’était pas très moti- sée. Le gain de productivité est donc ici tout à
vée pour expérimenter, sans doute en raison fait considérable.
de son manque de structure et de disponibi- Pour les cloisons-doublages, la grande quan-
lité. A l’inverse, l’entreprise de charpente tité fournie au chantier au cours d’une livrai-
Hilaire, qui à l’origine n’était pas associée à son et le choix judicieux de l’heure de trans-
l’expérimentation, a rejoint le groupe, en fert à la grue, des matériaux déposés très
cours de chantier, du fait de son implication temporairement au sol, ont apporté des gains
dans le levage des éléments de charpente par de rentabilité et de productivité.
la grue du gros œuvre. L’inclusion, certes tar-
dive, d’ascenseurs dans l’opération12 aurait pu Les différents sous-traitants interrogés ne
susciter une réflexion quant à son utilisation considèrent pourtant pas comme innovant le
provisoire comme monte-charge de chantier. levage de leurs matériaux par la grue du gros
Cela n’a pas été le cas. œuvre. Bien au contraire, c’est pratiquement
12. Les ascenseurs n’étaient
devenu la règle13 de manière officielle ou
pas réglementairement Pour les matériaux et produits soulevés par la occulte, et à titre payant ou gratuit selon les
obligatoires. Ils ont été exigés grue du gros œuvre, on peut d’abord remar- cas et les formes de marché. C’est dans l’es-
par le maître d’ouvrage alors quer les limites de la palettisation des menui- prit que les choses ont évolué positivement à
que la phase de conception series extérieures. En effet, seuls les petits élé-
était presque achevée.
Saint-Chamond. A partir d’une négociation
ments (à l’exclusion des portes-fenêtres) ont préalable au coup par coup, entre le sous-trai-
13. Tout au moins été palettisés par Grégorex puis empor tés tant et l’équipe d’encadrement de CBR, la
au plan local. immédiatement par la grue à la sortie du grue a réellement été mise à disposition du
REX Saint-Chamond

second œuvre. En d’autres termes, l’esprit dans le réglage des flux de matériaux alimen-
d’ouverture et de dialogue a permis au gros tant le chantier14 ; dans la taille et le rythme
œuvre de rendre un service efficace aux des équipes de second œuvre ; dans la
entreprises de second œuvre en libérant la conduite même de ces équipes (sauf pour
grue aux moments où cela était vraiment l’entreprise de cloisons qui disposait très sou-
utile, et non plus dans les seules périodes vent de son propre chef de chantier). Cet
d’inactivité ou de sous-activité de l’engin. interventionnisme accru semble avoir globale-
Toutefois, cet esprit d’ouverture n’a pas été ment été accepté par les entreprises de
aussi facile à obtenir qu’on pourrait l’imaginer. second œuvre qui, à l’évidence, manquent de
On constate en effet que la grue n’a en réalité capacités d’encadrement et de gestion des
été mobilisée que durant six heures normales chantiers15. Pour CBR, « l’autoritarisme » ren-
du grutier (le reste étant en heures supplé- forcé est devenu une nécessité, à la fois à
mentaires). En particulier, le chef de chantier cause de la baisse des prix et de la réduction
de CBR, sans doute à l’origine insuffisamment des délais de chantier. Lors de la négociation
informé par sa hiérarchie, a du être motivé en avec les fournisseurs, c’est bien le « poids »
cours de chantier par le conducteur de tra- de CBR qui a permis d’obtenir satisfaction sur
vaux. De même, on ne peut ignorer l’impact le jour et l’heure de livraison des menuiseries.
dans la rémunération globale du grutier résul- Cependant, il n’en reste pas moins qu’au tra-
tant du changement issu d’une officialisation vers de l’exemple de Saint-Chamond, on peut
de pratiques jusqu’ici parfois informelles. On constater que subsiste une divergence entre
peut en conclure que le poids des habitudes, la logique de la production industrielle et celle
mais aussi une vive appréhension de « dépas- du chantier.
ser le budget alloué », constituent, dans l’en-
treprise de gros œuvre, un obstacle à ne pas Enfin, l’entreprise générale s’est réellement
négliger lorque l’on cherche à faire évoluer les impliquée dans la mise au point et l’applica-
modalités d’usage de la grue. tion d’une organisation générale des interven-
tions qui s’apparente fortement à une organi-
sation séquentielle de chantier. En particulier,
LE RÔLE DE les principes de l’intervention en continu sur
L’ENTREPRISE le chantier et de la présence a tout moment
d’une seule entreprise dans un logement ont
GÉNÉRALE été assez largement appliqués pour être
remarqués avec intérêt par les sous-traitants.
L’expérimentation de Saint-Chamond a été le Cette organisation n’a d’ailleurs pas entraîné
support d’un renforcement du rôle de l’entre- d’allongement du délai d’exécution.
prise générale qui est particulièrement inté-
ressant à observer. Cette expérimentation aura permis de confir-
mer le rôle de l’entreprise générale comme
CBR a concrètement élaboré sans véritable fédératrice d’entreprises de second œuvre
concertation le plan d’installation de chantier, (souvent) peu structurées et affaiblies par la
ainsi que le planning tous corps d’état et les récession économique de ces dernières
cycles prévisionnels de travail. Le plan d’instal- années. Sous la réserve de cette configuration
lation de chantier constitue un document de particulière, et dans le respect d’autres sché-
planification souple, respectant la spécificité du mas (comme les groupements de PME ou les
chantier. La prévision des interventions d’en- corps d’état séparés), cette façon d’envisager
treprise s’appuie quant à elle pour partie sur la conduite des chantiers nous paraît correcte
l’exploitation des fiches de sous-traitants qui et susceptible de répondre à l’impératif de
se sont donc avérées utiles (même si l’on peut rentabilité/productivité (sous contrainte per-
regretter qu’elles ne fournissent pas de véri- sistante de souplesse dans la planification et la
tables informations sur les besoins en matière gestion du chantier).
de stockage et d’approvisionnement).
14. Pour les sous-traitants
« expérimentaux »
tout au moins. Le chantier a démarré sur la base de ces
documents ; il est essentiel de noter que l’in-
15. A l’exception de Gounot qui terventionnisme de l’entreprise générale a été
possède un encadrement de
qualité, mais se montre la règle, précisément pour faire respecter les
cependant satisfait du prévisions initiales. C’est ainsi que le conduc-
déroulement du chantier. teur de travaux est constamment intervenu
REX Saint-Chamond

LES GAINS CBR


Par rapport au document établi par l’entre-
ÉCONOMIQUES ET prise, on ne retiendra, dans les dépenses de
DE DÉLAI personnel, que les 6 250 francs correspon-
dant au temps passé par le chef d’équipe. On
Le gain de délai est d’un mois par rapport au considérera en effet que le grutier est
délai interne de l’entreprise16 et expliqué (presque) toujours chargé du levage des
entièrement, selon CBR, par les dispositions matériaux de second œuvre17 et rémunéré
particulières en matière d’approvisionnement pour cela, d’une manière ou d’une autre. C’est
du second œuvre. Il parait plus vraisemblable d’un transfert de coût dont il peut, le cas
de décomposer le gain de délai en trois élé- échéant, s’agir mais non d’une dépense affec-
ments : les approvisionnements de second table à l’expérimentation proprement dite18.
œuvre ; les produits de cloisonnement utilisés De même, on ne peut affecter l’économie de
qui ont permis une intervention du cloison- frais de personnel, de location de matériel et
neur avant que le hors d’eau ne soit réalisé; la de consommations diverses, issue de la réduc-
pression sur les délais d’intervention des tion du délai de chantier à la seule expéri-
entreprises sous-traitantes, notamment en fin mentation. Par hypothèse, on ne retiendra
de chantier. Ceci aura quelques conséquences donc que le tiers de cette économie. Il en
sur le bilan économique mais, quoi qu’il en résulte le bilan suivant : Gain : 11 100 francs
soit, le délai d’exécution nous apparaît assez Coût : 16 250 francs Résultat : - 5 150 francs.
bref, particulièrement si l’on se souvient des
difficultés imprévues de fondation et une Gounot
organisation de type séquentiel du chantier. En cohérence avec ci-dessus on ne retiendra,
L’estimation des gains apportés par le disposi- pour les sous-traitants, que les gains de main
tif d’approvisionnement du second œuvre qui d'œuvre issus de l’expérimentation, à l’exclu-
figure dans le bilan économique de CBR sion donc des gains supposés apportés par
mérite d’être précisée et complétée. On peut une mise à disposition gratuite de la grue du
tout d’abord évacuer la question des gains gros œuvre. Pour Gounot, le bilan est lié à
supposés (mais non chiffrés) des transpor- l’économie constatée sur le coût de main
teurs et du maître d’ouvrage. S’agissant des d’œuvre affectée à l’approvisionnement par
transporteurs, ces gains éventuels ne sem- rapport à celui anticipé par cette entreprise.
blent pas pouvoir être précisés, de même que Lors de son étude de prix, Gounot avait
16. Celui-ci, par opposition au
délai contractuel, étant le seul les surcoûts liés, par exemple, à la palettisation estimé le coût de main d’œuvre d’approvi-
pertinent dans le cadre de adaptée des fenêtres. Pour le maître d’ou- sionnement à 6 francs HT le m2 de Carrobric
cette évaluation.
vrage, il ne nous paraît pas non plus possible et à 3 francs HT le m2 de doublage (les quan-
de retenir l’idée souvent avancée (ce qui n’est tités étant de l’ordre de 3 300 m2 de
17. Tout au moins les
matériaux des entreprises toutefois pas le cas dans le document de Carrobric et de 510 m2 de doublage). A la
entrant dans le champ CBR) que celui-ci gagnerait autant de mois de réalisation, il s’avère que le coût moyen s’éta-
d’expérimentation de
location que de mois économisés sur le délai blit autour de 4 francs 50 HT le m2 de maté-
Saint-Chamond. riau, compte tenu précisément des modalités
de construction. On ne peut en effet dire
18. Un tel transfert étant qu’une réduction de la durée de chantier particulières d’approvisionnement et de
d’ailleurs assez improbable accroît dans les mêmes proportions la durée reprise à la grue. Dans ces conditions on peut
dans le cas de l’entreprise
de vie totale du bâtiment construit (et donc le estimer le gain de Gounot à 6 300 francs19.
générale qui le plus souvent ne
facture pas explicitement la nombre total de mois de location à perce-
location de la grue voir). En réalité, ce que gagne effectivement le Hilaire
aux sous-traitants. maître d’ouvrage se limite à l’excédent de tré- L’entreprise a économisé environ 6 jours de
sorerie engendré par une mise en location main d’œuvre. En supposant un salaire net de
19. Cette estimation est
conforme à la teneur de anticipée par rapport au début du rembour- l’ordre de 8 000 francs par mois et un cœffi-
l’entretien du 4 avril 1995 sement du PLA. Dans le cas de Saint- cient global de charge de 1.9, on obtient un
avec la personne responsable Chamond, on négligera ce gain car l’économie coût journalier de l’ordre de 725 francs. Le
du chantier. Elle est également bilan est donc un gain de 4 400 francs.
cohérente avec les propos de de temps affectable directement à l’expéri-
M. Gounot lors de la réunion mentation n’est que de quelques jours.
de synthèse du 6 avril 1995, Da Costa
celui-ci incluant dans les gains Ceci étant posé, on peut proposer une esti- L’entreprise a économisé le transfert au sol du
l’usage à titre gratuit de la
grue du gros œuvre. L’économie mation par entreprise concernée des gains et contenu des palettes dans les casiers métal-
est chiffrée en TTC car il s’agit pertes engendrées par le dispositif d’approvi- liques utilisés habituellement. A titre d’hypo-
de prix de vente. sionnement du second œuvre : thèse, on considérera que l’économie de
REX Saint-Chamond

personnel est du même ordre que le temps visionnement et, même parfois, dans la direc-
total passé par le grutier au levage des tion des équipes de travaux de second
palettes de menuiseries extérieures, soit œuvre. Cette évolution était rendue prévisible
8 heures au même coût que celui de l’entre- par la nécessaire recherche de gains d’effica-
prise de charpente. Le résultat est alors un cité et par la raréfaction, voire la disparition
gain de 725 francs. pour les entreprises les plus petites, de l’enca-
drement opérationnel dans le second œuvre.
Le résultat global, d’un gain de 6 275 francs, En d’autres termes, il apparaît que l’entreprise
est négligeable rapporté au coût de la générale ne se contente plus, par rapport au
construction hors foncier et honoraires second œuvre, de gérer le projet global, mais
(0,03% de ce coût). Néanmoins, il montre que tente d’assurer une articulation entre cette
ce mode d’approvisionnement dégage un gain gestion de projet et la gestion de production
dès la première expérimentation. Une écono- propre aux entreprises de second œuvre20.
mie supérieure peut être envisagée pour les Cette attitude n’est pas, semble-t-il, rejetée
chantiers ultérieurs, dès lors que cette façon par les entreprises sous-traitantes qui, au delà
d’approvisionner sera intégrée par les sous- d’une apparente « mise sous tutelle », com-
traitants dans leur manière d’aborder le prennent, en termes de productivité et de
chantier. rentabilité, l’avantage qu’elles peuvent en reti-
rer (au-delà parfois d’un discours purement
Finalement, l’opération expérimentale de formel).
Saint-Chamond n’apparaît pas comme inno- Par contre, l’articulation entre la logique de
vante, au sens strict du terme, mais présente chantier et la logique productive de l’industriel
l’indéniable intérêt de perfectionner des pra- ne semble pas avoir trouvé de véritable solu-
tiques d’usage commun de la grue du gros tion au travers de cette expérimentation. Il
œuvre, et, plus globalement, de faire appa- apparaît en effet que la ponctualité obtenue
raître un rôle renforcé de l’entreprise par CBR, dans la livraison des menuiseries
générale. extérieures, est considérée comme une
exception par le fournisseur. Plus générale-
Le prêt ou la location de la grue par le gros ment, on peut même considérer que cette
œuvre aux entreprises de second œuvre est articulation risque de souffrir de la tendance
devenu une réalité assez répandue. L’intérêt actuelle, chez les industriels, à l’externalisation
de l’expérimentation de Saint-Chamond est du transport-livraison qui ajoute un maillon à
de l’avoir complètement officialisée, en l’ins- la chaîne d’intérêts économiques divergents
taurant comme une préoccupation de la et surtout de la généralisation de la produc-
direction de l’entreprise générale. Dès lors, le tion industrielle en flux tendus. On sait main-
dialogue a pu s’engager entre les hommes de tenant que ces derniers créent souvent un
chantier des différentes entreprises permet- effet de domination du donneur d’ordres vers
tant d’exploiter au mieux cette solution logis- l’entreprise sous-traitante. On peut donc pen-
tique au plan de la productivité du travail. La ser que cet effet va se produire (et même se
reproductibilité de la démarche (du moins produit déjà) dans la relation industrie-
dans un contexte identique de sous-traitants chantier. L’effort de rationalisation de la pro-
20. Par gestion de projet on « fédérés » autour d’une importante entre- duction de chantier engagé par l’entreprise
entend ici la gestion de
l’opération (aussi bien en
prise générale) paraît ne pas poser de pro- générale n’étant pas encore allé jusqu’à son
phase de conception pour ce blèmes particuliers, à la condition que le gru- terme, il est actuellement encore difficile de
qui concerne l’entreprise qu’en tier puisse continuer à percevoir la même déterminer sous quelle forme ce rapport
phase de réalisation) et par rémunération que lors des pratiques anté- industrie/chantier évoluera.
gestion de production,
l’articulation des besoins du
rieures et que le chef de chantier, par une
chantier avec les ressources de meilleure information initiale et par un budget La REX de Saint-Chamond aura permis d’en-
l’entreprise (humaines, temps adéquat, n’ait plus l’impression que le trevoir l’entreprise générale comme fédéra-
relationnelles et matérielles). levage officiel des matériaux de second trice de logiques productives différentes, voire
Ceci n’inclue toutefois pas ou
peu l’intervention de
œuvre se fait au détriment de sa propre per- antagonistes, dans un cadre de planification
l’entreprise générale dans les formance de chantier. souple du projet.
choix techniques, pour lesquels
on commence par ailleurs à Le rôle renforcé de l’entreprise générale est
voir émerger quelques formes
d’interventionnisme chez des
clairement apparu à Saint-Chamond, particu-
industriels ou des négociants lièrement dans la définition des cycles et des
importants. rythmes de travail, dans le processus d’appro-
ANNEXES
REX Saint-Chamond

Une logistique autour


de l’entreprise générale
Article extrait du journal La logistique constitue un des axes principaux UNE LOGISTIQUE
«Chantiers 2000 » du programme CHANTIER 2000. Pour cer-
numéro 2 - Février 1996 tains, elle relèverait d’un « bon sens » évident. LIMITÉE À LA GRUE
Oui, mais alors pourquoi tant de difficultés
dans la reconnaissance des besoins d’autrui, La réflexion logistique de l’entreprise générale
tant en matière d’approvisionnement ou de a essentiellement porté sur l’usage de la grue
gestion des interfaces ? Le thème est large, et sur l’installation de recettes d’approvision-
complexe. Il nécessite une forte concertation nement à chaque étage et pour chaque cage.
entre tous les intervenants dès l’amont du De ce fait, seuls les sous-traitants intervenant
chantier. « Plus facile à dire qu’à faire » ... sur- habituellement juste après le démontage de
tout lorsqu’il s’agit de rompre avec les habi- la grue ont été associés à l’expérimentation :
tudes. Et pourtant, il est raisonnable de penser charpentier, menuisier extérieur et cloison-
que si l’entreprise générale se préoccupait de neur.
la productivité de ses sous-traitants, au travers
d’une organisation intégrée, elle pourrait elle- Pour les matériaux et produits soulevés par la
même accroître ses gains de productivité. grue du gros œuvre, la palettisation a démon-
tré son intérêt dès lors que la palette est
La REX de Saint-Chamond visait justement à dédiée à une cage et un niveau donné. De
organiser la logistique de chantier autour de même, les plates-formes de réception des
l’entreprise générale. Celle-ci devait mettre à palettes et matériaux ont été appréciés par
disposition des corps d’état secondaires sa les sous-traitants. Cependant, ils ne considè-
capacité logistique, en termes de moyens rent pas comme novateur l’utilisation de la
matériels et de planification, afin de mieux grue du gros œuvre. D’après le CETE de
répondre à leurs besoins en matière de flux Lyon, « c’est pratiquement devenu la règle de
de produits et d’information. manière officielle ou occulte, et à titre payant ou
gratuit selon le cas et les formes de marché ». Il
semble que ce soit plutôt l’esprit d’ouverture
UN PLANNING qui a régné entre les sous-traitants et le chef
TRÈS PHASÉ de chantier qui ait favorisé une réelle mise à
disposition de la grue sur ce chantier.
D’après Marc Gibert (CETE de Lyon), suiveur-
évaluateur de la démarche, « l e planning de ce
chantier constituait la traduction de quatre sou- LE CONDUCTEUR
cis particuliers : le respect du délai contractuel et DE TRAVAUX HOMME-
si possible sa réduction; le souhait des sous-trai- ORCHESTRE DE LA
tants d’avoir une intervention unique pour des
raisons de productivité ; la volonté de l’entreprise LOGISTIQUE
générale de tendre vers l’intervention unique afin
de mieux pouvoir contrôler les équipes de tra- Le rôle du conducteur de travaux est de nou-
vaux; profiter du choix des cloisons en carreaux veau apparu fondamental dans la démarche
de briques qui permet de ne pas attendre le logistique. Il est constamment intervenu dans
« hors-d’eau » comme pour les plaques de le réglage des flux de matériaux alimentant le
plâtre ». chantier ; dans la taille et le rythme des
équipes de second œuvre et dans la conduite
Concrètement, l’entreprise générale a élaboré de ces équipes. Il a aussi mené les discussions
le plan d’installation de chantier et le planning avec les fournisseurs, pour permettre des
tous corps d’état par cage. Elle a fourni aux livraison à la date prévue.Ainsi les menuiseries
sous-traitants un synoptique donnant par extérieures ont été livrées sur la base d’un
cage la répartition des différents types de quantitatif élaboré par GREGOREX (indus-
logement afin de faciliter leur prévision d’ap- triel-fournisseur des menuiseries), à partir des
provisionnement, depuis les plates-formes plans d’architecte. Sur la base des informa-
vers les logements proprement dits. Au prin- tions du quantitatif, les palettes constituées
cipe d’intervention unique, s’est ajoutée la comportaient le nombre exact de menuise-
préoccupation d’offrir aux corps d’état l’avan- ries identiques pour une cage et un niveau
tage de pouvoir travailler seuls dans un loge- donné. L’industriel n’a pas souhaité aller jus-
ment donné. qu’à la palettisation de menuiseries de type
REX Saint-Chamond

différent permettant l’approvisionnement D’après Marc Gibert, « cette expérimentation


complet d’un logement. « L’exemple de Saint- a été un support de perfectionnement et d’opti-
Chamond montre qu’il subsiste une divergence misation de pratiques déjà connues d’utilisation
entre la logique de production industrielle et celle commune de la grue et de renforcement de la
du chantier » commente Marc Gibert. position de l’entreprise générale auprès des
Pourtant, comme l’avait souligné Patrick sous-traitants. Elle a permis d’entrevoir l’entre-
Martin lors du colloque « Les chantiers de prise générale comme fédératrice de logiques
demain », « dès lors qu’un entrepreneur dotera productives différentes, voire antagonistes, dans
ses chantiers d’une logistique efficace, il bénéfi- un cadre de planification du projet ».
ciera des apports logistiques des industriels qui Cette REX démontre également les limites
en démultiplieront les effets. C’est une mise en d’une organisation logistique «sur le chantier»
synergie entre deux milieux, et ce sera très struc- dans un système traditionnel (refends por-
turant pour les chantiers ». teurs), aussi bien en terme d’évolution de l’or-
donnancement des interventions (forte
contrainte de l’organisation du gros œuvre sur
BILAN le second œuvre) que d’amenée à pied
d’œuvre des matériaux des corps d’état.
Pour Campenon Bernard Régions, « on assiste Cela traduit les limites du mode de rationali-
à un renforcement du rôle de l’entreprise géné- sation actuel pensé par l’entreprise générale, à
rale qui viendrait compenser les dysfonctionne- partir des objectifs du gros œuvre, dans un
ments dûs à un manque de structure d’encadre- cadre de partenariats éphémères avec les
ment pour certains corps d’état ». Comme à sous-traitants.
Gières, l’importance du conducteur de tra-
vaux est apparue fondamentale dans la ges-
tion de la logistique. Mais, jusqu’où peut aller
son rôle dans les relations avec les fournis-
seurs des sous-traitants ? On peut regretter
que la préparation de chantier n’est pas fait
l’objet d’une véritable concertation permet-
tant une meilleure appréhension des besoins
logistiques de chaque entreprise. La mise en
commun de la grue s’est montrée efficace
mais soumise à certaines conditions (rémuné-
ration du grutier, meilleure information initiale,
budget temps adéquat pour que le gros
œuvre n’ait pas l’impression d’être « lésé » par
le levage des matériaux de second œuvre).
Si l’opération de Saint-Chamond n’a pas
accouché de procédures réellement inno-
vantes (plate-formes de réception, grue), elle
a toutefois permis de formaliser un cer tain
nombre d’entre-elles, habituellement prati-
quées de manière diffuse et non-organisée.
REX Saint-Chamond

«La pression économique fait que


chacun s’organise suivant ses propres besoins»
Interview extraite du journal Denis LEJARS, Directeur de travaux de Campenon Bernard Régions, pense qu’il est actuellement
«Chantiers 2000 » difficile d’évaluer tous les gains économiques liés à la logistique. Toutefois, cette démarche permet
numéro 2 - Février 1996 d’obtenir des gains de délais et de bonnes relations avec les sous-traitants concourant à une
meilleure qualité du produit.

CHANTIERS 2000 : Sur cette opération, CHANTIERS 2000 : Quelles ont été les
vous aviez fait un effort particulier sur les procédures mises en place pour l’accès au
cantonnements. Il s’avère qu’ils ont été peu chantier et les aires de déchargement ?
été utilisés par les sous-traitants. Pourquoi ? D.L. : Nous avons prévu des procédures pré-
D.L. : Nous avions mis en place de « magni- cises avec des zones de stockage. Cela nous a
fiques » cantonnements qui ont été effective- permis d’obtenir une organisation rationnelle,
ment mal utilisés. Cela tient à plusieurs rai- en particulier au niveau du stockage des
sons : la distance avec le chantier (quelques plaques de plâtres qui sont volumineuses.
dizaines de mètres) et le fait que les locaux Ainsi, nous avons pu décharger rapidement
restent ouverts avec tous les problèmes de les camions avec une reprise par la grue dès
vols qui s’y rattachent. Chaque sous-traitant que celle-ci était libre. Par ailleurs, une aire
arrive à des heures diverses et il n’est pas pos- supplémentaire, accessible aux camions, s’est
sible de mettre en place un système de clés. Ils libérée en cours de chantier. Ainsi, nous avons
préfèrent donc laisser leurs affaires sur le eu la possibilité d’approvisionner les bâtiments
chantier. Sur ces petites opérations, avec un facilement. Pour le plan d’installation, nous
effectif réduit et diffus dans le temps, il n’est avons essayé de différencier les périodes du
pas possible de les astreindre à une discipline chantier. Il est évident qu’il évoluait en fonc-
aussi stricte que sur des gros chantiers. tion de l’avancement du gros œuvre. Nous
avons monté les cages 4 et 3 dans un premier
CHANTIERS 2000 : Vous aviez également temps. Cela nous a permis, pendant que l’on
mis l’accent sur la propreté du chantier. montait la cage 1 et 2, de mettre la grue à dis-
D.L. : Nous avons juste cherché à avoir un position pour le montage de la charpente,
chantier en permanence nettoyé. Nous avons l’approvisionnement des plaques de plâtre et
géré ce problème autant par les interfaces des fenêtres. Il faut avouer que les contraintes
d’entreprises en faisant en sorte qu’il y ait une de site n’étaient pas très importantes, ce qui a
intervention unique dans chaque logement de largement favorisé la circulation des camions
façon à ce qu’elles le laissent propre à la fin de et permis d’obtenir des aires de stockage
leur intervention, que par la mise à disposition assez importantes.
de bennes vidées régulièrement.
CHANTIERS 2000 : L’entreprise Gounot a
CHANTIERS 2000 : La circulation des refusé dans un premier temps toute solution
documents semble vous avoir posé quelques collective d’approvisionnement des Carrobric
problèmes. et des doublages. Pourquoi ?
D.L. : La maîtrise d’œuvre n’arrive pas à saisir D.L. : L’approvisionnement nécessitait cinq
tout l’intérêt de valider l’ouvrage à construire personnes et l’entreprise n’était pas certaine
avant le démarrage. A titre d’exemple, nous de pouvoir disposer de la grue. Elle désirait
sommes obligés de refaire les plans d’exécu- donc approvisionner par ses propres moyens,
tion de béton armé parce qu’ils ne sont pas en stockant en pied de cage et faire venir soit
précis tant au niveau de l’arrêt de coulage, du des grues mobiles soit des monte-charges en
ferraillage ou des détails d’exécution. Ces façade. Il a fallu décharger quelques camions
données sont pourtant vitales pour le dérou- avec reprise par la grue pour leur prouver que
lement du chantier. Tous ces plans doivent notre démarche était efficace.
être définis et validés. Or, décider un maître
d’œuvre à prendre en compte les validations CHANTIERS 2000 : Le planning TCE a été
de plans s’avère une opération très compli- élaboré sans véritable concertation avec les
quée soit parce qu’il ne veut pas engager sa corps d’état secondaires. Pourquoi ?
responsabilité, soit par manque de compé- D.L. : La pression économique fait que cha-
tence technique. Le circuit d’approbation des cun s’organise suivant ses propres besoins. Il
documents est fondamental et devrait être le est assez rare que l’intérêt individuel recoupe
fruit d’une concertation commune, au travers l’intérêt commun. Les critères que les corps
du domaine de compétences de chacun. d’état nous fournissent sont basés sur les
REX Saint-Chamond

contraintes de leurs entreprises et non sur R+10, vous pouvez effectuer des mises en
celles du chantier. C’est pourquoi nous route prématurées d’ascenseurs... La
sommes directifs. démarche s’est donc concentrée sur la phase
de disponibilité de la grue. Nous avions déjà
CHANTIERS 2000 : Les corps d’état tenté des expériences de ce type, mais au
secondaires ont-ils été associés aux réunions coup par coup et de façon improvisée.
de préparation de chantier ? L’expérimentation nous a permis de structu-
D.L. : Complètement. Néanmoins, nous rer cette démarche. Ce qui a favorisé cette
avons été directifs parce qu’ils ne connaissent optimisation, c’est une préparation précise de
pas réellement leurs besoins en matière d’ap- leur travail, à partir de fiches descriptives, par
provisionnement. Ils travaillent de manière les sous-traitants. Nous n’avons rien inventé
empirique et sont dubitatifs lorsqu’on leur mais nous avons optimisé la démarche et
propose une façon différente de faire. A titre nous nous sommes donnés les moyens de la
d’exemple, le menuisier n’a vraiment compris respecter. Ca peut paraître simple, mais si
ce qu’était une recette à matériaux que lors- vous n’anticipez pas sur la neutralisation de la
qu’il l’a vue fonctionner concrètement. Les grue, vous vous retrouvez rapidement dans
corps d’état sont capables de faire une pro- une situation désorganisée.
jection d’organisation logistique, mais unique-
ment sur leurs propres besoins. Ils connaissent CHANTIERS 2000 : La démarche logistique
par contre des difficultés à les définir (en induit-elle une vision différente de la
matière de levage par exemple) à partir du conduite de travaux ?
moment où ce ne sont pas eux qui les maîtri- D.L. : Tout à fait. Elle oblige le conducteur à
sent complètement. Il leur manque une vision avoir une vision très en amont du chantier et
globale du chantier et les solutions qu’ils ima- à définir les paramètres financiers qui se ratta-
ginent sont fermées; elles ne prennent jamais chent à la mise en place d’une telle organisa-
en compte les besoins des autres. Il est exact tion. Une analyse économique immédiate ne
qu’à leur niveau ils détiennent des solutions, démontre pas l’intérêt de prévoir une telle
mais je ne suis pas certain qu’elle soient effi- organisation puisque, de toute façon, les sous-
caces en termes de rentabilité et d’efficacité traitants se débrouilleront pour acheminer
globales. leurs matériaux. Ce qui joue fortement, c’est
que nos relations avec eux sont bien
CHANTIERS 2000 : L’entreprise de plom- meilleures et que si ça se pérennise, ils en
berie initialement prévue dans la démarche tiendront compte dans leurs coûts d’approvi-
logistique en a été écartée. Pourquoi ? sionnement. Mais il est vrai qu’on a plutôt ten-
D.L. : Le plombier approvisionne au coup par dance à réagir sur le coup, uniquement par
coup à un stade relativement avancé du chan- rapport à des éléments financiers du chantier
tier. Les cloisons sont déjà fermées et la grue en cours. Comme le gain n’est pas évident,
démontée depuis longtemps. D’autre part, il nous finissons par nous organiser à nouveau
monte une baignoire par jour et il nous a en fonction de nos propres besoins. Le volant
semblé inutile d’établir une procédure d’ap- d’activité est actuellement insuffisant pour
provisionnement qu’il n’aurait pu pérenniser pérenniser des relations de partenariat et, par
par la suite. Nous avions imaginé à une cer- conséquent, pour apprécier à terme les gains
taine époque de faire un colisage du matériel financiers d’une telle organisation. Malgré tout,
de chaque logement (baignoire, lavabo, lorsque nous travaillons en entreprise géné-
WC...). Nous avons abandonné cette solution rale, nous tentons de reproduire une telle
parce qu’elle nécessitait d’approvisionner très organisation parce que c’est notre intérêt.
tôt et qu’il en résultait un encombrement au Nous obtenons des gains de délais et de
niveau des logements. De plus, il aurait fallu un bonnes relations avec nos sous-traitants qui
colisage qui évite tout risque de chocs et de amènent à une meilleure qualité du produit.
vols. Le bilan financier de la REX de Saint-
Chamond n’est pas positif pour nous mais
CHANTIERS 2000 : La démarche logis- nous ne pouvons pas mesurer ce que ça nous
aurait coûté si l’opération s’était mal passée.
tique a essentiellement porté sur l’usage de la
Par contre, l’opération a permis d’obtenir un
grue.Vous n’avez pas imaginé d’autres solu- gain de délais et une réception sans réserves.
tions ?
D.L. : Sur des immeubles à R+4, il est difficile
d’imaginer autre chose. Sur des bâtiments à

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