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LA LANGUE ALSACIENNE

L'alsacien est une langue germanique qui se présente comme un mélange de la langue franque et de
l'alémanique ou souabe. Elle n'est pas uniforme dans les diverses parties de l'Alsace, et porte le
témoignage des différentes tribus dont s'est formée la population alsacienne.
L’ALSACIEN ET LE FRANÇAIS
L'alsacien s'est bien conservé : depuis le traité de Westphalie, malgré la présence constante des
Français, la formé n'en a pas été altérée; les mots français qui, s'y sont introduits se reconnaissent
difficilement, par suite de la facilité avec laquelle les lettres liquides ont permuté entre elles, et de la
prédilection des habitants du Bas-Rhin pour les muettes douces. Ainsi, de mériter on a fait mellédire;
de serviette, salvet; de perruque, barrik; de Jean-Baptiste, Chammebedise, etc.
L’ALSACIEN ET L’ALLEMAND
L’alsacien a notamment évolué différemment de l’allemand du fait de l’appartenance à la France dès de
17ème siècle. L’alsacien a ainsi emprunté au français tout en préservant certains archaïsmes qui ont
évolués en allemand standard. L’alsacien a également été enrichi par le yiddich apporté par les
populations juives originaires de l'Est de l'Europe. La proximité des deux langues peut également être
expliquée par le fait que la région Alsace a plusieurs fois changée de nationalité.
L’alsacien est avant tout une langue parlée. Sa fixation écrite se heurtait à l’absence d’orthographe
normée, chaque écrivain s’inventant la sienne, oscillant entre la référence à l’allemand et la
transcription quasi phonétique. Récemment, toutefois, en 2007, a été mise au point une graphie
cohérente et capable de transcrire dans une orthographe harmonisée toutes les variations franciques et
alémaniques. Il s’agit du système ORTHAL – orthographe alsacienne – élaboré par deux dialectologues
et linguistes à l’issue d’un travail en équipe qui a duré 5 ans.
LES ORIGINES
L'installation, au Vème siècle, des Alamans et des Francs, peuples germaniques venus du Nord,
entraîne la disparition de la langue gallo-romaine sauf pour quelques toponymes ou hydronymes.
Désormais, les langues en usage sont l'alémanique, ainsi que le francique. Avec le latin réservé aux
lettrés et aux clercs, ce sont les seules langues en usage durant tout le Moyen Age.
Au XVlème siècle,
une langue commune, le Hochdeutsch (allemand littéraire) est créée sous l’impulsion des chancelleries,
des imprimeurs et de Luther, traducteur de la Bible, et qui deviendra la langue standard de toute l'aire
linguistique allemande. Dès lors le Hochdeutsch s'imposera de plus en plus en Alsace comme langue
écrite, et l'alémanique et le francique, qui subsisteront jusqu’à nos jours en tant que dialectes sous le
nom d'alsacien, seront réservés avant tout à I'usage oral. 
Le XVIIème connaît en raison de la Guerre
de Trente Ans, un effondrement de la vie culturelle. Compte tenu d’une immigration originaire
principalement de la Suisse allemande qui a suivi la guerre de 30 ans, pour compenser les pertes
considérables de la population, le rapprochement linguistique et culturel avec ces zones d’immigration
s’est renforcé après cette guerre malgré l’instauration de la souveraineté française. L'annexion
progressive de l'Alsace à la France (1648 - 1681) favorise au cours du XVIllème siècle une diffusion de
la langue française limitée aux couches supérieures de la société. L'immense majorité de la population
demeure attachée à l'Elsasserditsch et au Hochdeutsch au sein de l'école et de l'église, par le livre et
dans la vie quotidienne.
Après la Révolution française
En 1789, les voyageurs français continuent à employer le mot Allemagne pour désigner l'Alsace. Une
Alsace dont les habitants acceptent d'être qualifiés d'Allemands, sans que le terme n'ait une connotation
négative. C'est à partir de la Révolution Française, en 1793-1794, que la légitimité de la langue
allemande en Alsace est mise en cause. Les Alsaciens germanophones sont considérés par certains
révolutionnaires comme des alliés des ennemis de la République. Le représentant de la Convention
Lacoste avait même proposé de faire guillotiner un quart des Alsaciens et de ne laisser en Alsace que
ceux qui avaient participé à la révolution, le reste devait être exproprié et déporté. De 1800 à 1870, on
assiste à une diffusion croissante du français, surtout après 1850. Durant le deuxième Empire, le
français tend à devenir la langue dominante dans la haute bourgeoisie. Dans les milieux populaires la
connaissance du français s’améliore chez les jeunes par l'école et le service militaire. Toutefois, elle
reste très limitée car l’école reste souvent faite en allemand, les maîtres maîtrisant eux-mêmes mal le
français et le service militaire n’étant pas généralisé. De plus, l'allemand demeure la langue des Eglises,
de la littérature populaire, de la presse, du peuple, du foyer et du sentiment.
Les dernières guerres
Durant l'annexion à l'Allemagne (1871-1918) à la suite de la guerre franco-allemande de 1870 perdue
par la France, le Hochdeutsch, c'est-à-dire l'allemand standard, remplace le français dans la vie
publique. Certaines familles, appartenant pour la plupart aux couches dirigeantes, utilisent par esprit de
contradiction le français comme langue de la vie courante, confondant ainsi l'usage d'une langue et
l'appartenance nationale. Dans les couches populaires dialectophones, c'est-à-dire qui parlent le
dialecte, la connaissance de l'allemand standard progresse sensiblement. On assiste à un renouveau de
la littérature en langue allemande (Friedrich Lienhard, Rene Schickele, Ernst Stadler, etc.). En 1914,
ces classes se servent presque exclusivement du dialecte comme langue orale et de l'allemand standard
comme langue écrite. Entre 1870 et 1920, on utilise le dialecte comme « marqueur culturel » pour
distinguer les Alsaciens des immigrants allemands. A l'issue de la première guerre mondiale, la France
reprend possession de l'Alsace. Elle procède à la francisation de la vie publique. Une assimilation
linguistique pratiquée en particulier par l'école tend à réduire la connaissance de l'allemand standard et
menace à terme l'existence de l'alsacien. Pendant la seconde guerre mondiale, l'Alsace est rattachée de
1940 à 1944 à l'Allemagne nazie. Cette période est vécue par la population comme une véritable
tragédie (incorporation de force dans la Wehrmacht, camps de concentration, etc.). Durant cette
période, les mots d’origine française sont prohibés et les personnes portant des noms français doivent
les germaniser.
De 1945 à nos jours
En 1945, la spécificité linguistique de l'Alsace est mise en question. On assiste à la naissance d'un
complexe alsacien d'infériorité. L'alsacien devient I'objet d'une connotation négative. Le loyalisme
envers la France s'accompagne du renoncement à la langue maternelle. Pour la première fois dans
I'histoire de l'Alsace, l'allemand standard est exclu de l'école primaire et sa place fortement limitée dans
la presse. Il est enseigné au titre de langue étrangère dans les lycées. L'alsacien est proscrit de l'école,
les enfants sont punis quand ils le parlent dans l'enceinte de l'école. L'alsacien est alors considéré
comme un handicap scolaire et présenté comme un signe d'arriération et d'inculture. Mais il est surtout
vécu comme une honte nationale à cause de son lien avec la langue allemande. Ces tensions négatives,
auxquelles s'ajoutent les effets des changements de modes de vie (urbanisation, développement du
secteur tertiaire, pratiques culturelles, etc.) provoquent un phénomène d'autocensure au sein des
familles qui tendent à ne plus transmettre l'alsacien à leurs enfants. Ainsi, la nouvelle génération
s'exprimera beaucoup plus difficilement en alsacien et ne saura, en grande partie, plus écrire
correctement l'allemand standard, mais sa connaissance du français n'en sera pas meilleure. On a parlé
à son égard, d'une manière un peu exagérée, de génération alingue. Mais c'est aussi cette génération
qui, à la fin des années 60, commence à mettre en cause la situation linguistique. Le Cercle René
Schickele par exemple, qui revendique un enseignement bilingue, est créé en 1968. Peu à peu, cette
contestation augmente, de nouvelles organisations et périodiques sont créés, qui prennent fait et cause
pour la langue régionale. On assiste ainsi à une lente prise de conscience: I'idée que l'alsacien
représente un élément du patrimoine et un atout se répand, et I'utilité de maîtriser l'allemand standard
devient une évidence. Dans les années 70 les Conseils Généraux du Haut-Rhin et du Bas-Rhin
interviennent auprès de l'Education Nationale en faveur de l'enseignement de l'allemand á l'école
primaire. Puis, après la création des Régions, le Conseil Régional d'Alsace s'engage aux côtés des deux
Conseils généraux. En 1991, les trois collectivités alsaciennes, appuyant ainsi des initiatives privées, se
prononcent en faveur d'un enseignement bilingue précoce paritaire français-allemand, qui est
progressivement mis en place par l'Education nationale en 1992. En 1993, le Conseil Régional décide
la création d’un organisme chargé de la promotion du bilinguisme : l’Office Régional du Bilinguisme,
créé en 1994 avec le soutien également des Conseils Généraux. En 2001, cet organisme a changé de
dénomination pour s’appeler désormais "Office pour la Langue et Culture d’Alsace" et associer plus
étroitement encore langue et culture régionale.

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