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L’affectio societatis hante les relations entre les hommes depuis les temps immémoriaux,

depuis qu’ils ont découvert qu’il était plus profitable d’œuvrer en commun que de rester
isolés (Bermond de Vaulx (de) J.-M., Le spectre de l’affectio societatis, JCP E, I, 1994,
n° 346, p. 183). Pour distinguer la société de l’indivision, les jurisconsultes romains
exigeaient que les associés aient l’affectio societatis (Dig., 17, 2, fr. 32 cité par
Serlooten P., L’affectio societatis, une notion à revisiter, Mélanges offerts à Guyon Y.,
Dalloz 2003, p. 1007). Cette expression est aujourd’hui couramment utilisée pour
qualifier l’une des conditions de validité de la société. Dans ce sens, le législateur
OHADA consacre l’affectio societatis comme une exigence du contrat de société en
disposant à l’article 4, alinéa 2, de l’AUSCGIE que « la société commerciale est créée
dans l’intérêt commun des associés ». Étant l’élément intentionnel du contrat de société,
l’affectio societatis est une notion tout à la fois conceptuelle et fonctionnelle. Elle se
présente comme une vue de l’esprit, à travers la volonté de s’associer ou de créer une
société, et comme une communauté d’intérêts à travers la coopération des associés.

Une vue de l’esprit à travers la volonté de créer une société


L’affectio societatis c’est la volonté de s’associer au sein d’une même société mieux, de
créer une société. Elle correspond à un standard en ce qu’elle a la particularité de
répondre à des critères variables laissés à l’appréciation du juge en fonction du rôle qu’il
veut lui attribuer (Reboul N., Remarques sur une notion conceptuelle et fonctionnelle :
l’affectio societatis, Rev. sociétés 2000, n° 3 p. 425).

La réalité de l’intention de s’associer (la circulaire du 15 septembre 1977 sur l’usage de


la langue française propose de substituer l’expression « l’intention de s’associer à celle
d’affectio societatis »), la simplicité de l’expression militent en faveur d’une définition
de l’affectio societatis qui convienne à la situation particulière des sociétés
unipersonnelles (prévue à l’article 5 de l’AUSCGIE, la société unipersonnelle conçue
par le législateur comme une société à part entière, doit remplir l’ensemble des
conditions de validité de toutes les sociétés) et qui, en même temps, appliquée aux
sociétés pluripersonnelles, conserve son utilité. Il est dès lors impératif d’avoir une
conception assez large de l’intention de s’associer, de telle sorte qu’elle réponde à toutes
les hypothèses tout en conservant son intérêt pratique (Serlooten P., L’affectio societatis,
une notion à revisiter, in Mélanges offerts à Guyon Y., Dalloz, 2003, p. 1012).

À l’évidence, il faut rechercher une conception unitaire convenable pour toutes les
situations de fait. Or, ces situations sont très variables : associé animé d’une volonté de
collaboration égalitaire, associée bailleur de fonds, associé unipersonnel. C’est dire que
pour être valable, la conception unitaire ne peut être que minimaliste. En se référant au
sens littéral du terme, l’affectio societatis est la volonté de faire un contrat de société tel
que défini à l’article 4 (1) de l’AUSCGIE (« la société commerciale est créée par deux
ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d’affecter à une activité des
biens en numéraire ou en nature, ou de l’industrie, dans le but de partager le bénéfice ou
de profiter de l’économie qui peut en résulter (…) ») ou plus simplement, l’intention de
créer une société selon l’article 5 de l’AUSCGIE aux termes duquel « la société
commerciale peut être également créée (…) par une seule personne, dénommée
« associé unique », par un acte écrit ». L’affectio societatis est donc, par référence à la
définition de la société, la volonté de chaque associé de créer la société en apportant des
biens dans l’intérêt commun pour partager des bénéfices ou profiter de l’économie qui
pourra en résulter. Cette définition de l’affectio societatis correspond à toutes les
attitudes des associés, même à celle de ceux qui ne veulent faire qu’un placement
(Bermond de Vaulx (de) J.-M., Le spectre de l’affectio societatis, JCP E 1994, I, n° 11,
p. 185). Cependant, dans sa matérialisation, l’affectio societatis se révèle être plus
qu’une intention de créer une société car elle suppose la volonté de coopérer.

Une communauté d’intérêts entre associés à travers la coopération


L’affectio societatis suppose la volonté de collaborer de manière égalitaire et dans
l’intérêt commun. La préservation de cette communauté d’intérêts justifie l’interdiction
des clauses léonines, l’attribution aux associés de droits de même nature et donc
l’absence de lien de subordination, la possible sanction des abus de majorité, etc. À
notre sens, l’intérêt commun va au-delà d’une simple vue de l’esprit qui se limiterait à
l’existence de quelques dispositions légales relatives à l’exigence d’égalité entre
associés. Elle doit se traduire par des actes concrets. Ainsi, a-t-on pu écrire que
« l’intérêt commun implique un renforcement de l’obligation de bonne foi » (Hassler T.,
L’intérêt commun, RTD com. 1984, p. 630). La communauté d’intérêts rapproche les
associés et pourrait être à même de diminuer entre eux le degré d’altérité. Elle invite à
lever les barrières de la méfiance réciproque puisque les intérêts de l’un sont aussi ceux
de l’autre. Comme elle oblige le plus souvent à une collaboration effective pour assurer
le succès de l’entreprise commune, elle conduit les associés à mieux se connaître et les
incite, dans une vision optimiste, à se faire davantage confiance (Stoffel-Munck Ph.,
L’abus dans le contrat, essai d’une théorie, LGDJ, Paris, 2000, n° 252, p. 218). (Ajouter
ce qui suit en gras : L’affectio societatis implique donc la volonté manifestée par chaque
associé d’être avec les autres et de participer de manière active à la gestion de la société.
A ce titre, elle est à la fois un critère révélateur d’une société fictive (dans laquelle il n’y
a pas de volonté de collaborer de manière égalitaire, pas de vie sociale, pas de
cloisonnement entre le patrimoine de la société et celui du fondateur) et d’une société
créée de fait (dans laquelle la collaboration à l’œuvre commune se fait sur un pied
d’égalité).

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