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Ohadata D-17-15

L E PRINCIPE DE CONFIDENTIALITÉ EN ARBITRAGE


OHADA : CAS DE L'IJAMC

Par

Safoura MABOUNE NDAM


Chef de la Division de la Promotion et de la Formation à l'IJAMC
Ingénieur juriste d'Entreprise et en Arbitrage (Expert en MARC)
Sous la collaboration de : Maître Sébastien NGOUBEYO, Expert en MARC
L’arbitrage est un mode juridictionnel et conventionnel de résolution des
différends contractuels, par un tiers commis par les parties, l’institution arbitrale ou le
juge d’appui selon le cas, qui a pour mission de trancher ‘’définitivement’’ le litige
qui lui est soumis.

Ce mode alternatif très sollicité de nos jours dans le domaine des


investissements et des affaires commerciales est un processus :

Volontaire : Les justiciables doivent consentir expressément à l'arbitrage par écrit ou


par tout moyen permettant d’en administrer la preuve, notamment par la référence
faite à un document la stipulant1.

Contrôlé : Les parties à l’arbitrage et leurs conseils peuvent exercer un contrôle sur
la procédure arbitrale (par le choix de l'arbitre, le siège, la loi sur le fond etc.)

Juridictionnel : l’arbitre ou le collège d’arbitres tranche le litige qui lui est soumis
et rend une sentence ; décision ayant autorité de la chose jugée qui s’impose aux
parties en cause.

Flexible : Les parties sont libres de choisir l'arbitre et la procédure à suivre pour
régler leur différend.

Confidentiel : L'arbitrage est généralement confidentiel. Autrement dit, toute la


procédure arbitrale est faite à huit clos dès la réception de la demande d’arbitrage
jusqu’à la sentence qui en découle. En effet une étude synoptique de ce principe
sacro-saint de l’arbitrage captera notre attention au cours de cette étude.

La confidentialité a-t-elle une valeur de principe général de l’arbitrage, ou


doit-elle être expressément stipulée par les parties ? Après avoir examiné le concept
même de la confidentialité en arbitrage, nous nous pencherons par la suite sur son
champ d’application.

1
Art. 3 de l’Acte uniforme OHADA sur l’arbitrage.

2
I. LE CONCEPT DE CONFIDENTIALITE EN ARBITRAGE

Quelle est en réalité la portée de ce principe qui malgré ses tempéraments doit être

respecté par les parties, les arbitres, l’Institution, et même les experts, etc., sous peine

de sanctions.

La portée du principe de confidentialité en matière d’arbitrage

Ce principe gouverne toute procédure arbitrale et la distingue de la procédure


devant une juridiction étatique où s’applique à l’inverse la règle de la publicité des
débats. Traditionnellement, elle est présentée comme étant l’un des traits marquant,
ou encore l’un des avantages marquants de l’arbitrage.

En effet, il va dans l’intérêt d’une entreprise que ses contentieux commerciaux


ne soient pas portés à la connaissance d’un trop large public, ni même des
concurrents, des clients et des pouvoirs publics etc. La publicité de la nature d’un
litige, né d’un contrat entre deux justiciables, relatif au défaut de fabrication pourrait
porter atteinte à l’image de cette structure et causer des conséquences graves dans ses
activités. Or l’arbitrage, justice confidentielle, sans publicité des débats ni, en
principe des sentences rendues, permettrait de radicaliser les contentieux en facilitant
les arrangements entre les parties pour, par conséquent, maintenir en état leurs
relations d’affaires et mêmes celles futures.

Les tempéraments au principe de la confidentialité en arbitrage

L’obligation de non divulgation des documents relatifs à la procédure d’arbitrage


(la sentence y compris) et de secret professionnel dont est tenue toute personne ayant
assisté à la procédure arbitrale comporte des limites. C’est le cas par exemple
lorsqu’on met l’arbitre en face de faits illicites, voire immoraux : Les litigants ne
pourront plus exiger de lui qu’il garde le silence sur ces faits, car cela pourrait faire
de lui un complice. Bien plus, il en va ainsi lorsqu’une disposition légale l’oblige à

3
révéler des informations relatives à l’arbitrage ou pour les besoins de sa défense, en
cas d’action en responsabilité engagée à son encontre.

La confidentialité de la sentence arbitrale peut également s’avérer fragilisée par


les principes supérieurs posés par l’ordre public de fond et procédural. En ce qui
concerne l’ordre public de fond, les obligations légales peuvent remettre en cause
cette confidentialité. Une norme légale peut par exemple imposer aux parties des
obligations d’information, de révélation, ou de transparence. En effet, tous les
documents présentés pendant l’instance arbitrale et même la sentence rendue à
l’issu de cette procédure, peuvent être divulgués s’il paraît raisonnable et justifié
que cette publication soit nécessaire afin d’établir ou de sauvegarder les droits d’une
partie à l’arbitrage à l’égard des tiers.

En cas de recours contre une sentence arbitrale, sa confidentialité est également


remise en cause. Principalement à cause de la publicité des débats devant le juge
d’appui compétent pour les recours en matière d’arbitrage2. Si les incidents de
procédure peuvent fragiliser la confidentialité de l’audience arbitrale, les recours
contre la sentence arbitrale eux, anéantissent la confidentialité de celle-ci. La
confidentialité ne saurait porter atteinte au droit de défendre ses intérêts dont dispose
toute partie en arbitrage.

LES SANCTIONS AUX MANQUEMENTS DE L’OBLIGATION DE CONFIDENTIALITE EN

ARBITRAGE

La méconnaissance de cette obligation, peut entrainer pour tous les intervenants,


la mise en œuvre de leur responsabilité civile si d’aventure, elle a causé un préjudice
au requérant.

2
On ne peut que déplorer le comportement procédurier de certaines parties, ou de leurs conseils, ainsi que
l’usage abusif des tactiques dilatoires que sont les incidents de procédure et les recours contre la sentence.

4
Relativement au Tribunal arbitral, sa condition est plus incommode. En effet, en
plus de la mise en jeu de leur responsabilité au triple plan, contractuelle3, délictuelle4,
et disciplinaire5 en fonction de la victime, ils s’exposent à leur révocation, voire
l’annulation de leur sentence auprès du juge d’appui.

II. LE CHAMP D’APPLICATION DU PRINCIPE DE CONFIDENTIALITE EN MATIERE

D’ARBITRAGE

Il convient de souligner que le champ d’application de la confidentialité varie


nécessairement en fonction de la clause de confidentialité prévue par les parties dans
leur convention d’arbitrage ou du règlement institutionnel applicable en cas
d’arbitrage institutionnel.

Selon la jurisprudence et la doctrine, l’obligation de confidentialité s’étend, en


l’absence d’exclusion conventionnelle, à toutes les opérations d’arbitrage comprenant
l’existence même de la procédure, l’audience, les documents produits lors de
l’instance arbitrale ainsi que la sentence elle-même. Le Règlement IJAMC6 va dans
ce sens lorsqu’il dispose que « la procédure arbitrale devant l’IJAMC est
confidentielle. La confidentialité couvre absolument les travaux de l’Institution
relatifs au déroulement de la procédure arbitrale, les mesures administratives prises
dans le cadre de la procédure arbitrale, les documents soumis à l’IJAMC ou établis
par elle à l’occasion des procédures diligentées.»7Il poursuit en précisant « sauf
stipulations contraires entre toutes les parties celles-ci et leurs conseils, arbitres, les
experts et toutes les personnes associées à la procédure d’arbitrage sont tenues au

3
Causée par la violation de l’une des obligations qui le lie avec les parties à travers soit la simple acceptation
de sa mission soit par le contrat de confidentialité expressément signé par les parties et lui (tribunal arbitral).
4
La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui est dépositaire soit par état, soit par
profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire doit voir sa responsabilité engagée.
5
Le centre d’arbitrage a la possibilité de sanctionner l’arbitre ou les arbitres coupables d’omission à
l’obligation de confidentialité à travers la mise en quarantaine par exemple, l’élimination de la liste des
arbitres etc.
6
Institution de Justice Arbitrale, de Médiation et de Conciliation du Cameroun.
7
Art 22.1 du Règlement IJAMC.

5
secret professionnel et au respect de la confidentialité des informations et documents
qui sont produits au cours de la procédure arbitrale. »8

La confidentialité de l’existence de la procédure d’arbitrage et de l’audience arbitrale

Toute partie à un litige soumis devant l’IJAMC, en mentionnant l’existence de


son différend avec son adversaire9, et/ou en informant le public que le litige est
10
soumis à l’arbitrage et/ou en faisant état des réclamations , a manqué à son
obligation de confidentialité.

L’obligation de confidentialité sur l’existence de l’arbitrage se retrouve également


dans certain règlement d’arbitrage, comme à l’article 75(a)i) du règlement d’arbitrage
de l’OMPI11, qui dispose « Excepté dans la mesure nécessaire pour contester
l’arbitrage en justice ou pour poursuivre l’exécution d’une sentence, une partie n’a
le droit de communiquer unilatéralement à un tiers aucune information concernant
l’arbitrage, à moins d’y être obligée par la loi ou par une autorité compétente ».

L’arbitrage n’est pas seulement une justice privée mais une justice rendue en
privée. Ainsi l’audience arbitrale est privée. Elle est faite à huit-clos. Généralement
dans un lieu choisi par les parties selon leur convenance. A défaut de précision,
l’audience se déroulera au siège même prévu par l’Institution chargée d’ organiser et
d’administrer la procédure. Au cours de cette procédure, toutes les mesures
administratives prises pour son évolution et son bon déroulement doivent rester
confidentielles. C’est le cas par exemple de la confirmation ou nomination des
arbitres, du choix de l’arbitre unique ou du président du collège arbitral par le Centre,
de l’examen du projet de sentence arbitrale des prorogations de délais et même des
délibérés12 etc. Bref, il convient de relever que la confidentialité s’applique à

8
Art 22.2 du Règlement suscité.
9
Demandeur ou défendeur à la procédure engagée.
10
Dommages et intérêts par exemples.
11
Organisation mondiale de la Propriété Intellectuelle.
12
Art. 18 de l’Acte uniforme OHADA sur l’arbitrage : Cet aspect de la confidentialité est spécifique car il
concerne exclusivement les arbitres. Reconnu légalement dans l’espace OHADA et prôné par les institutions
arbitrales dans leur Règlement d’arbitrage. L'arbitre ne saurait invoquer des éléments du délibéré dans une
autre procédure sauf accord des parties ou obligation légale supérieure.

6
chacune des étapes de l’instance arbitrale, de la nomination des arbitres à la signature
de la sentence, et perdure même après le prononcé de celle-ci.

La confidentialité des documents produits lors de l’instance arbitrale

Le principe de confidentialité interdit généralement à toute partie de rendre


public un document fourni dans le cadre de la procédure arbitrale quel que soit son
origine13. Ce principe s’étend également au secret professionnel clamé par l’IJAMC
qui dispose dans ce sens que : « sauf stipulations contraire entre toutes les parties,
celles-ci et leurs conseils, les arbitres, les experts et toutes personnes14 associées à la
procédure d’arbitrage sont tenus au secret professionnel des informations et
documents qui sont produits au cours de la procédure arbitrale »15.

La confidentialité de la sentence arbitrale

La sentence arbitrale, décision rendue par le tribunal arbitral qui tranche


définitivement (partiellement ou définitivement) le litige à lui soumis, recouvre
l’ensemble des informations relatives à l’instance arbitrale. Par conséquent elle est
également couverte par l’obligation de confidentialité souscrite par les parties, les
arbitres et l’institution d’arbitrage. C’est ce que prévoit le règlement IJAMC en son
article 22.2 : « le secret professionnel et la confidentialité s’étendent dans les mêmes
conditions aux sentences arbitrales ».

En définitive, la confidentialité de l’instance arbitrale en plus d’être l’un des


principaux avantages de l’arbitrage en est également un principe. En tant que tel, elle
n’est garantie qu’en cas de déroulement normal de l’instance. La présence des
incidents de procédure et la mise en jeu des voies de recours sont de nature à remettre

13
« …les documents soumis à l’IJAMC ou établis par elle à l’occasion des procédures diligentées » Art. 22 al.1
suscité. Cet article dispose que les documents peuvent être fournis par les parties tout comme par le centre
lui-même. Dans les deux cas, l’obligation de confidentialité est obligatoire, sauf stipulations contraire.
14
En l’occurrence les centres d’arbitrage, les autorités de désignation ou encore les tiers financeurs etc.
15
Art. 22 al.2 du Règlement IJAMC.

7
en cause le principe ainsi proclamé dont la violation est sanctionnée. Toutefois
notons qu’il est généralement difficile pour la partie lésée de prouver son préjudice et
d’obtenir une réparation correcte en cas de violation de la confidentialité de la
procédure. On ne peut que prévenir ces cas et vivement recommander aux parties, si
elles le souhaitent, de prévoir expressément la confidentialité soit en renvoyant à un
règlement d’arbitrage la prévoyant soit en concluant un contrat pendant la procédure
d’arbitrage, déterminant notamment le champ d’application, l’étendue, la durée et les
sanctions éventuelles de l’obligation de confidentialité16.

16
Une clause prévoyant un montant déterminé ou facilement déterminable pour réparation du dommage
subit.

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