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Ohadata D-17-16

LA MÉDIATION DANS L’ESPRIT DE L’IJAMC

Par

Eric Guillaume VOUKENG


Master en Ingénierie Juridique des Entreprises et en Arbitrage
Secrétaire Permanent / Greffier de l’Institution de Justice Arbitrale, de Médiation et de
Conciliation du Cameroun (IJAMC)

Sous la collaboration de :
Maître Sébastien NGOUBEYO, Président de l’IJAMC et expert en MARC
LA MEDIATION DANS L’ESPRIT DE L’IJAMC
Par
Eric Guillaume VOUKENG
Master en Ingénierie Juridique des Entreprises et en Arbitrage
Secrétaire Permanent /Greffier de l’Institution de Justice Arbitrale, de
Médiation et de Conciliation du Cameroun (IJAMC)
Sous la Collaboration de :
Me. Sébastien NGOUBEYO
Président de l’IJAMC et expert en MARC

Les relations humaines sont loin d’être un long fleuve tranquille. Elles rencontrent
souvent des zones de turbulences et nécessitent l’intervention d’un tiers pour son
rétablissement. Traditionnellement, le juge étatique était le mieux sollicité pour la
résolution des différents litiges (Investissements, commerciaux, familiaux, etc.); mais avec
le développement des modes alternatifs de règlement des conflits notamment l’arbitrage,
la médiation, la conciliation, et bien d’autres, l’identification du tiers compétent pour la
résolution d’un litige n’est qu’une question de choix. La sollicitation de plus en plus
croissante des modes alternatifs pour la résolution des conflits est sans doute le reflet des
avantages qu’ils offrent (nous avons entre autres la confidentialité, la célérité, le choix du
droit applicable etc.) et contribue à la déjudiciarisation des procédures. On peut désormais en
dehors du juge étatique, solliciter l’office d’un arbitre, d’un médiateur ou d’un conciliateur
pour la même cause.
La Médiation bien qu’elle soit proche de la conciliation, ne doit cependant pas se
confondre à celle-ci. Elle peut se définir comme une procédure amiable de résolution de litige
par laquelle, un tiers indépendant et impartial appelé médiateur, aide les parties à
trouver elle-même une solution négociée optimale, conforme à leurs intérêts respectifs,
mettant fin à leur différend.

2
La médiation peut être légale, judiciaire ou extrajudiciaire. Elle peut également
être ad hoc lorsqu’elle est organisée en dehors d’une institution ou institutionnelle le cas
échéant.
Plusieurs Institutions pratiquent la médiation à l’instar de l’Institution de Justice
Arbitrale, de Médiation et de Conciliation en abrégé « IJAMC » « dont la vocation
est de statuer sur les litiges opposants les parties contractantes sur la base d’une
clause compromissoire insérée dans leurs conventions, d’un compromis, ou encore
d’intervenir en cas de médiation ou de conciliation sollicitée par les parties »1.
Compte tenu de l’importance des modes alternatifs dans l’assainissement du
climat des affaires2 en particulier et dans l’épanouissement des relations humaines en
générales, la création de l’IJAMC est reçue comme une bouffée d’oxygène dans la sous-
région. Bien que l’IJAMC soit créée à côté d’autres Institutions, elle a une particularité
appréciable due à sa proximité du justiciable, et à ses missions diversifiées au rang
desquelles la médiation. On se pose donc la question de savoir quelle conception l’IJAMC
fait-elle de la médiation ? Pour mieux cerner la notion de médiation, il convient d’examiner la
conception (I) et les objectifs (II) qu’en faite l’IJAMC.

I- LE CONCEPT DE MEDIATION A IJAMC


Le déroulement de la procédure de médiation devant l’IJAMC obéit scrupuleusement
aux exigences de son Règlement. Ce dernier a prévue les conditions exigibles pour être
Médiateur agrée en son sein (A) et les missions attendues (B) de celui-ci.

A- le médiateur agrée de l’IJAMC


Il est de tout évidence que les parties contractantes suite à un litige qui les oppose se
trouve distante l’une de l’autre, allant même parfois à ne plus échanger, absence de
communication, de visite, etc. L’intervention d’un tiers, est indispensable pour le
rétablissement des liens ainsi fragilisés.
La résolution des litiges est la mission principale de l’IJAMC ; il ressort de son
Règlement3 qu’elle a pour objet d’organiser et d’administrer les procédures d’arbitrage, de
médiation et de conciliation. Ainsi, le choix de la procédure conduit au choix d’un
intervenant précis. On a au sein de l’IJAMC comme intervenant : l’arbitre, le médiateur et le

1
Préambule du Règlement IJAMC
2
E.G. VOUKENG, Le rôle de l’arbitrage dans la promotion des investissements au Cameroun, Mémoire
de Master Professionnel, Université de Dschang, mars 2016, P.13.
3
Article 1 Règlement IJAMC

3
conciliateur. Ceux-ci sont en principe désignés par les parties4, soit en dehors de la liste
arrêtée par l’IJAMC ou sur ladite liste5.
En ce qui concerne le médiateur, plusieurs conditions sont requises. « Pour jouer ce
rôle au sein de l’Institution et figurer sur la liste arrêtée par la Présidence, les
postulants doivent remplir les conditions ci-après :
- Etre de bonne moralité ;
- Jouir d’une notoriété reconnue ;
- Posséder les compétences requises ;
- Etre intègre 6».
L’IJAMC saisie de tout différend le soumet à l’étude d’un médiateur qui est
choisi en fonction de la nature du litige. Le Président de l’IJAMC peut d’office assurer la
médiation. Toute personne désignée comme médiateur devant l’IJAMC doit se conformer aux
prescriptions de son Règlement, dans le cas échéant, il peut être suspendu ou tout simplement
être rayé de la liste précitée.

B- les missions du médiateur de l’IJAMC


La soumission d’une procédure devant l’IJAMC vaut acceptation (application) de son
règlement par les parties7, de ce fait le médiateur doit conduire la procédure conformément
aux prescriptions ou à ses missions contenues dans le règlement. Le règlement IJAMC
consacre son chapitre II à la médiation et à la conciliation8. Dans ce chapitre, il ressort que le
médiateur dans une procédure sous l’égide de l’IJAMC a deux (02) principales missions à
savoir le rapprochement des parties et la création d’un environnement favorable au
dialogue.
D’une part, Pour l’exécution de sa mission, il doit tout mettre en œuvre pour
convaincre la partie défenderesse à coopérer à ladite procédure à savoir :
Ecouter avec attention la partie demanderesse et recenser ses différentes
préoccupations ;
Identifier les différents griefs contre la partie défenderesse ;
Poser des questions pour éclaircir les zones d’ombres ;
Faire une synthèse des questions à poser à la partie défenderesse etc.

4
Article 48.2 Règlement IJAMC
5
Article 48.3Règlement IJAMC
6
Article 47.2 Règlement IJAMC
7
Article 10 de l’Acte Uniforme OHADA sur le Droit de l’arbitrage et Article 44 du Règlement IJAMC
8
Confère les Articles 44 à 60 du Règlement IJAMC

4
Le médiateur étant un tiers à la procédure doit rester indépendant, neutre et impartial9.
Il doit de ce fait signer une déclaration d’indépendance, d’impartialité et de
confidentialité10 lorsqu’il est confirmé par l’Institution dès l’entame de la procédure..
Conformément au Règlement IJAMC11, « Le médiateur rapproche les parties et les aide à
rechercher dans la loyauté, la courtoisie et le souci du respect de leurs intérêts respectifs, une
solution négociée et rapide au litige qui les oppose ».
De ce qui précède, on peut noter que le médiateur n’est ni un juge, ni un arbitre, encore
moins un conciliateur, mais plutôt un « catalyseur » dont la mission est de faciliter et de
permettre les négociations pacifique entre les parties.
D’autre part le médiateur doit se comporter en diplomate. Son intervention doit
contribuer à attirer l’attention des parties sur leurs intérêts, sur leurs droits et devoirs
respectifs, à les convaincre de se rencontrer, et de dialoguer. Il doit donc de ce fait créer un
environnement favorable au dialogue.
Il revient donc au médiateur de juger l’opportunité ou la nécessité si les conditions
sont réunies d’entendre les parties séparément ou dans le cas échéant de mener un débat
contradictoire. Dans ce dernier cas, il veille à assurer un équilibre de traitement entre toutes
les parties et à faire respecter la confidentialité de la procédure.
Lorsque les débats sont contradictoires, le médiateur doit éviter les discussions vives,
renforcer l’écoute et la pondération, amener les parties à banaliser les préjugés, les prétendus,
qui les opposent en s’adressant poliment et posément à l’autre. Ne pas attendre la continuation
d’une dérive de l’une des parties avant de l’arrêter, afin de maintenir un climat détendu.

II- LES OBJECTIFS DE LA MEDIATION PERÇUS PAR L’IJAMC


La procédure de médiation s’achève par un protocole d’accord contrairement à
l’arbitrage qui prend fin par une sentence opposable aux parties. Il en ressort donc que la
procédure de médiation semble plus souple car, elle est l’affaire des parties qui peuvent ou
non adopter une solution transactionnelle (A), ce qui peut dans une certaine mesure les
permettre de maintenir leur lien contractuel (B).

9
Article 49.1 Règlement IJAMC
10
Article 59 Règlement IJAMC
11
Article 50 Règlement IJAMC

5
A- obtention d’une solution transactionnelle entres les parties

La procédure de médiation vise à obtenir auprès des parties une solution générée et
durable mettant fin au différend et, satisfaisant leurs intérêts. Ladite procédure est encadrée
dans un délai précis. La durée d’une procédure de médiation devant l’IJAMC est fixée à deux
(02) mois12 à compter de la première réunion organisée par le Secrétariat. Le règlement
IJAMC prévoit des possibilités susceptibles de mettre fin à une procédure de médiation à
savoir :
- « L’accord de transaction signé entre les parties, du médiateur (…) ;
- Une déclaration écrite du médiateur (…) constatant l’échec de la procédure envisagée ;
- Une déclaration écrite d’une partie mettant fin à la procédure entreprise.
Cette procédure s’achève également si les parties ne payent pas les provisions pour
honoraires de l’intervenant et les frais selon les barèmes de l’IJAMC et dans les délais par
elle fixés »13.
Il ressort de toute évidence de ce qui précède que le médiateur tiers aux litiges, et
partie prenante à la procédure de sa résolution n’a aucune décision aussi soit-elle
contraignante à prendre envers les parties. C’est d’ailleurs ce qui justifie sa position de
témoin14 des discussions et non de juge comme c’est le cas en arbitrage : « Si une entente
intervient entre les parties sur l’ensemble ou une partie du différend, le médiateur (…) en
formule les termes et demande aux parties de signer l’accord. Le médiateur
(…) signe aussi l’accord à titre de témoin ».
Bien que le procès-verbal de médiation soit une émanation des parties en litiges, sa
mise en œuvre ne souffre guère, car la partie la plus diligente peut demander à la juridiction
compétente d’homologuer ladite transaction afin de lui conférer une force exécutoire. Ceci
s’explique par le fait que l’accord ou le procès-verbal signé par les parties est un contrat de
transaction au sens des obligations civils et commerciales. Cet accord lie les parties et met fin
au litige.
La solution transactionnelle, résultat d’une procédure de médiation montre à suffisance
une certaine entente, une harmonie de concession réciproque des droits et obligations par
chacune des parties lors de la procédure susceptible de maintenir leur relation.

12
Article 57 Règlement IJAMC
13
Article 57.2 Règlement IJAMC
14
Article 58 Règlement IJAMC

6
B- Probable sauvegarde des futures relations
La médiation est une procédure conventionnelle et amiable. Dans une certaine mesure,
elle est préalable15 à toute procédure juridictionnelle. Ainsi, la convention ou la clause de
médiation prévoit parfois qu’à défaut d’accord entre les parties à l’issue de la négociation, le
litige sera tranché par voie d’arbitrage16. C’est ce que les américains désignent par
l’expression « med/arb »17.
Ce privilège accordé à la médiation, mode amiable pour la résolution d’un conflit
contractuel en défaveur des modes juridictionnels révèle du fait de l’atmosphère qui règne
dans les relations contractuelles suite à une procédure litigieuse et juridictionnelle.
En effet, le souci de l’IJAMC d’organiser et d’administrer les procédures de médiation
va d’une part soutenir la maxime « mieux vaut un mauvais arrangement qu’un bon procès »,
mais aussi d’autres part et ceci indirectement par le souci de maintenir ou de renforcer, de
consolider les liens ou les relations d’affaires malgré la survenance d’un litige.
Ainsi, la conduite d’une procédure de médiation sous l’égide de l’IJAMC peut
recueillir plusieurs avantages dans les relations futures des litigants.
D’abord, le choix même de la médiation IJAMC emporte la volonté des parties à
trouver elle-même une solution à leur litige.
Ensuite, le choix d’une institution emporte le choix de son règlement tel que prévu par
l’article 10 de l’Acte uniforme OHADA sur le droit de l’arbitrage. Les parties en choisissent
l’IJAMC pour la résolution de leur litige, s’engagent de ce fait à collaborer de bonne foi avec
le médiateur18 et à ne pas entamer en cours du processus une procédure juridictionnelle
relative au même litige.
Bien plus, la nature confidentielle de la procédure de médiation sous l’égide de
l’IJAMC ne permet pas aux parties de mettre au grand jour l’objet de leurs litiges qui peut
dans certains cas découler juste d’un malentendu.
Enfin, le recours à la médiation traduit la volonté délibérée des parties de collaborer et
peut être, un facteur de rétablissement du socle des relations d’affaires.
En somme, le désir de collaboration des litigants s’exprime tant au niveau du choix de
la médiation IJAMC, au niveau de la procédure proprement dite, qu’au niveau de son issu. Ce
qui prédire d’ailleurs un probable maintien de leur future relation.

15
Voir annexe N° 3 du Règlement IJAMC
16
Article 56.2 du Règlement IJAMC
17
Jacques El-HAKIM, les Modes Alternatifs de Règlement des Conflits dans le droit des contrats, RIDC, 1997 P. 350
18
Article 56.1du Règlement IJAMC

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