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2009/04

La fuite des cerveaux :


un enjeu nord sud ?
Illustration de cas :
les systèmes de santé

Analyses &
    Études 
Société 
Siréas asbl
Nos analyses et études, publiées dans le cadre de l’Education permanente,
sont rédigées à partir de recherches menées par le Comité de rédaction de
SIREAS sous la direction de Mauro SBOLGI, Editeur responsable. Les
questions traitées sont choisies en fonction des thèmes qui intéressent notre
public et développées avec professionnalisme tout en ayant le souci de ren-
dre les textes accessibles à l’ensemble de notre public.
Ces publications s’articulent autour de cinq thèmes
Monde et droits de l’homme
Notre société a la chance de vivre une époque où les principes des Droits de l’Homme
protègent ou devraient protégeær les citoyens contre tout abus.
Économie
La Presse autant que les publications officielles de l’Union européenne et de certains
organismes internationaux, s’expriment sur les problèmes de l’immigration et s’interrogent
sur la manière d’arrêter ce flux important.
Culture et cultures
La Belgique, dont 10% de la population est d’origine étrangère, est caractérisée, notamment,
par une importante diversité culturelle
Migrations
La réglementation en matière d’immigration change en permanence et SIREAS est
confronté à un public désorienté, qui est souvent victime d’interprétations erronées des
lois par les administrations publiques, voire de pratiques arbitraires.
Société
Il n’est pas possible de vivre dans une société, de s’y intégrer, sans en comprendre ses
multiples aspects et ses nombreux défis.

Toutes nos publications peuvent être consultées et téléchargées sur notre site 
www.sireas.be

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d’Éducation et d’Action Sociale asbl
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A
vec une population vieillissante (d’ici 2050, un tiers des européens
auront plus de 65 ans) et un taux de natalité relativement bas, les
pays industrialisés doivent faire face à de nouvelles contraintes.(1)
En effet, l’évolution de la pyramide des âges n’est pas sans conséquence
puisqu’elle engendre des besoins de santé accrus alors que le personnel de
santé, déjà insuffisant au départ, vieillit et souffre, lui aussi, du temps qui
passe.(2, 3) Les gouvernements doivent donc agir et surtout prévoir. Ainsi,
depuis des décennies, les pays du Nord misent sur les capacités des pays du
Sud à les fournir en personnel de santé. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la
proportion de médecins formés en Afrique Sub-saharienne et qui travaillent
dans les pays de l’OCDE représente environ un quart des effectifs des
médecins des pays de la coopération au développement économique. La
globalisation ne fait d’ailleurs qu’accentuer cette migration sanitaire. (4)
Mais peut-on réellement parler de planification des ressources humaines
ou ne s’agit-il là que de réponses à court terme qui, finalement, ne font que
postposer le problème ? Quel est l’impact pour les pays du Sud ? Manque
de personnel, systèmes de santé qui s’écroulent, etc. Certains parlent même
de « subsides inverses ». Selon cette théorie, les pays en développement
subsidieraient, chaque année, les pays industrialisés de 500 millions de dollars
à travers la migration de leurs professionnels de santé. (5) « La question qui
se pose avec ces migrations, est qui du pays d’origine ou d’accueil, est celui
qui perd ou celui qui gagne ? » (6)
Depuis que le phénomène de « brain drain » existe deux théories
s’opposent. Les internationalistes, d’une part, considèrent que cette
migration est un phénomène normal dans le marché actuel puisque les


compétences vont là où la rémunération et la productivité sont optimales.
L’exode des cerveaux est donc aussi bien bénéfique au Nord qu’au Sud.
Les nationalistes, d’autre part, affirment que la répartition des compétences
n’est pas équitable et se produit toujours aux dépens des pays du Sud. (6)

Du « brain drain » au « brain gain » ?

L
e terme « brain drain » est apparu pour la première fois au Royaume-
Uni dans un document de la Royal Society, document qui voulait
« stigmatiser la migration des médecins, physiciens, biologistes
britanniques partant massivement vers les Etats-Unis dans les années »
qui suivirent la seconde guerre mondiale. (6) Le terme « cerveau », quant
à lui, indique que l’on se préoccupe d’un personnel hautement qualifié
intellectuellement. Petit à petit, ce terme fut également utilisé pour
désigner la migration d’étudiants du tiers monde partis se former dans les
pays industrialisés. Plus tard, on regroupa également sous se vocable « les
personnes qui partant du Sud représentaient une qualification professionnelle
reconnue », (6) qu’elle soit intellectuelle ou non.
Ceci montre bien que le concept de « brain drain » est un concept
évolutif et qu’il est difficile d’en donner une définition, puisque celle-ci
dépend du contexte politique, économique et social. Par ailleurs, certains
auteurs affirment que la complexité de la société est telle que l’on ne peut
plus concevoir ce phénomène comme une migration à sens unique. (6)
Certains préfèrent d’ailleurs remplacer le terme de « brain drain » par
« brain gain » et se plaisent à citer l’exemple de l’Inde qui a su tirer profit de
l’exode de ses cerveaux. Par ce biais, elle s’est en effet constituée une réserve
de nationaux hautement qualifiés. Les partisans de cette théorie appuient
leurs dires en expliquant que certains migrants qualifiés voient dans leur
migration, la possibilité de contribuer à la gloire de leur pays d’origine.
Sans compter évidemment, que cette migration permet le développement et
l’échange de connaissances, d’expérience, l’amélioration du système éducatif
et qu’elle fait entre autres vivre la famille restée dans le pays d’origine. (7,5,
3) Ceci dit, une analyse plus approfondie de la littérature ternit ce tableau
idyllique. L’impact du « brain gain » sur le bien-être et sur la croissance du
pays source serait finalement beaucoup plus petit que celui attendu, et ce
pour différentes raisons. (8,9)
Tout d’abord, les personnes qui migrent sont compétentes et partent en
emportant avec elles leur savoir et en laissant un « vide » dans le système de
santé du pays d’origine, vide qui parfois ne sera jamais comblé et qui, dans
le pire des cas, peut conduire à la fermeture de certains centres de santé. (6,
10) Contrairement à ce que les défenseurs du « brain gain » laissent penser,


il n’y pas que des gens compétents qui décident de quitter leur pays à la
recherche d’un environnement plus favorable. Dès lors, l’impact et le retour
en terme de connaissances et d’éducation n’est pas toujours aussi positif que
ce que l’on pourrait supposer. (6)
De plus, beaucoup prétendent que cette migration a un effet positif en
terme d’éducation et qu’il faut dès lors investir dans ce domaine. Cependant,
cela implique des dépenses additionnelles dans un budget déjà limité. Les
gouvernements doivent donc puiser dans d’autres enveloppes et sacrifier
certains secteurs. Une ombre plane donc sur le système de santé. Certains
contre-argumenteront en disant que l’argent envoyé aux familles restées sur
place est réinjecté dans la société et donc dans les soins de santé. Mais force
est de constater, que les soins de santé ne sont pas toujours les heureux
bénéficiaires de ces fonds. (11) Résultat : la croissance économique est en
péril, les inégalités et la pauvreté encore plus présentes et le secteur des soins
de santé s’épuise. Si rien ne change, il finira par s’écrouler. (6, 4, 10)
Alors, « brain drain », « brain gain », qui dit mieux ? L’Organisation
Mondiale de la Santé, quant à elle, parle de « saignée mortelle » (2). D’autres
auteurs, moins virulents, parlent « de transfert inverse de technologie ». (7)
En effet, les bénéfices, subsides et autres que le Nord apporte au Sud sont
finalement re-transférés chez leurs expéditeurs.

Pourquoi cet exode ?

I
l existe divers types de facteurs : les facteurs qui poussent les individus
à quitter leur pays (appelés également facteurs répulsifs) et les facteurs
attractifs. Ces deux grandes catégories se subdivisent en sous-groupes :
les facteurs exogènes et endogènes. (4, 2, 10,12, 5) Certains identifient une
troisième et une quatrième catégorie de facteurs pour expliquer au mieux les
raisons de ces migrations. Il s’agit des facteurs qui poussent les individus à
rester dans leur pays d’origine (stick) et, à contrario, de ceux qui empêchent
les personnes de retourner dans leur pays d’origine (stay). (5)
Parmi les facteurs répulsifs endogènes, ceux qui reviennent le plus
souvent sont le salaire, le manque de satisfaction au travail, les risques associés
au travail. En effet si l’emploi présente beaucoup de risques, cela engendrera
chez le travailleur un sentiment d’insécurité qui pourrait le pousser à
chercher un environnement de travail plus sûr. Le manque d’opportunités
de carrière et de possibilités d’études sont également cités très régulièrement
dans la littérature. (5, 4, 8)
Les facteurs attractifs endogènes sont en général l’opposé des facteurs
répulsifs. Ainsi, parmi ceux-ci, on retrouve une plus grande rémunération,
de meilleures conditions de travail, un environnement de travail plus sain,


de meilleures opportunités de carrière, etc. Ceci dit, ce n’est pas tout.
A cela, il faut également ajouter le recrutement des institutions ou
du pays d’accueil. Certains mettent en place, au travers d’agences
spécialisées dans le recrutement international, un recrutement actif,
voire parfois même « agressif ». (5,3) Prêts à tout pour arriver à
leurs fins, ils offrent de nombreux avantages (logement, procédure
d’immigration facilitée, etc) à ces « cerveaux ».
La qualité de vie, le taux de crime, les conflits civils, la répression
politique, les guerres et le manque d’opportunité d’éducation pour
les enfants sont des facteurs répulsifs exogènes. De manière presque
systématique, il est donc facile de deviner les facteurs attractifs
exogènes (liberté politique, liberté d’expression, opportunité
éducationnelle, etc.) (5, 4,9) Les individus seront, par ailleurs, plus
tentés par des endroits où ils ont déjà de la famille et/ou des amis.
Le sentiment de loyauté, de morale envers son pays d’origine,
les récompenses, les valeurs sociales (comme l’attachement à la
famille, les liens sociaux et culturel, le patriotisme) et les barrières
à la migration (le fait de devoir apprendre une nouvelle langue, la
procédure d’immigration, d’équivalence, etc.) constituent, quant à
eux, des « stick » facteurs.
Une fois dans le pays d’accueil, certains ne désirent pas rentrer
« à la maison » de peur de briser les liens sociaux qu’ils ont créé, de
perturber l’éducation de leurs enfants, de devoir changer de mode
de vie, etc. Selon l’Organisation Internationale de la Migration,
beaucoup ne rentrent pas parce qu’ils ne connaissent tout simplement
pas les opportunités d’emploi dans leurs pays d’origine. (5,4, 9)

Recherche médecins, désespérément…

C
ertains pays (comme Cuba, l’Inde, les Philippines) ont
véritablement su tirer profit de ces migrations. De manière
systématique, ils forment plus de médecins qu’ils n’en ont
besoin pour les envoyer à l’étranger et profiter de leur versement.
Les sommes d’argent renvoyées par ces « médecins formés pour
l’exportation » dans leur pays d’origine favorisent le développement
de leur région natale. Ainsi au Philippines, ces versements permettent
de compenser la perte économique associée à l’émigration. De plus,
les services de santé ne pâtissent pas de cette migration puisqu’ils ont
assez de médecins. (4)
Mais ces exemples de « win-win situation » ne sont pas légion.
Beaucoup de pays d’origine sont eux-mêmes confrontés à un manque
de personnel qui ne fera que s’accentuer avec l’exode des cerveaux. De


plus, les conditions de travail de ceux qui restent sont loin d’être facilitées :
plus grande charge de travail, stress, burn-out, etc. Accès, équité, qualité et
capacité des services à répondre aux besoins de la population sont affectés.
Tout ceci peut mener à des situations déplorables comme par exemple
l’évacuation à l’étranger de malades parce que les personnes capables de leur
prise en charge ont préféré mettre leurs compétences professionnelles au
profit d’autres pays. L’enveloppe des soins de santé, déjà maigre au départ,
se voit alors amputée d’un certain montant, qui aurait pu servir à autre
chose. (4,9, 3,11)
La fuite des cerveaux a donc non seulement un impact immédiat sur les
soins de santé, mais entraine tout le système de santé dans un cercle vicieux
sur le long terme ! Avec le départ des professionnels d’expérience, et parmi
ceux-ci des professeurs, la formation ne peut pas toujours être assurée. Dans
le meilleur des cas, s’ils ont la chance d’avoir été formés, les jeunes diplômés,
une fois sur le terrain, n’ont personne pour les superviser et les conseiller. Si
les soins de santé dans certains pays ne se portent pas bien actuellement, le
futur ne s’annonce pas plus rose. (4, 5)
Ceci dit, lorsqu’on parle d’émigration, il est important de distinguer
l’émigration permanente de l’émigration temporaire. Cette dernière est,
en effet, bénéfique pour le pays d’origine puisqu’elle permet une remise à
niveau et un transfert des compétences et/ou des technologies. Seul bémol :
lorsque les compétences acquises pendant le séjour à l’étranger sont trop
spécialisées pour pouvoir être appliquées dans le pays d’origine. Celui-ci ne
sait alors par réellement tirer profit de cet exode. (5,8)
L’émigration permanente, quant à elle, présente peu d’avantages pour
le pays d’origine, mais, au contraire, implique deux types de coûts : le coût
des ressources utilisées pour former la personne qui est partie (les pays ont
d’ailleurs parfois le sentiment qu’ils financent l’éducation au profit d’autres
pays (5,13) et la valeur que cette dernière aurait apporté au service de santé.
Certaines personnes plus positives voient dans cette migration une solution
au chômage endémique. Le Ghana a d’ailleurs affirmé que si les 1500
docteurs ghanéens travaillant à l’étranger revenaient, le gouvernement ne
saurait assurer de l’emploi qu’à 200 travailleurs. (5)

Les  « vides » comblés

U
ne fois dans le pays d’accueil, ces immigrés sont, pour la plupart,
envoyés dans les zones rurales, moins attractives pour les travailleurs
locaux. Les « vides » du système sanitaire sont alors comblés.
(9) Le Canada s’insurge contre une telle pratique. Pour le gouvernement
canadien, imposer une région de travail à ces professionnels va à l’encontre
de la Charte Canadienne pour les Droits de l’Homme. Outre cette violation


des droits de l’homme, certains migrants font également parfois l’objet de
discrimination. A titre d’exemple, la Grande-Bretagne a voulu instaurer un
test HIV obligatoire pour ces travailleurs, mais heureusement différentes
organisations se sont battues contre ces mesures jugées « discriminatoires et
insultantes ». (5) D’autres sont obligés d’occuper des postes pour lesquels
ils sont surqualifiés.
Par ailleurs, l’arrivée de ces professionnels est avantageuse pour le
consommateur puisqu’elle permet un meilleur accès aux soins. De plus,
la compétition entre praticiens peut améliorer la qualité des services de
soins de santé. Néanmoins, certains considèrent que les soins dans les pays
d’origine des travailleurs sont moins bons et craignent donc pour la qualité
des soins. Certaines associations reprennent d’ailleurs ces arguments pour
essayer d’exclure les médecins étrangers. (4)

Deux poids, deux mesures

L
es pays de l’OCDE ont signé des accords internationaux qui régulent
la migration du personnel médical. Ainsi, moyennant quelques
conditions (permis de travail, procédure à suivre, etc.), les praticiens
immigrés sont libres de travailler dans les pays de l’OCDE. Ces différentes
obligations visent à assurer la qualité et la sécurité des soins. L’octroi de
permis de travail permet également de réduire la compétition dans le pays
d’accueil et d’augmenter les revenus des médecins ressortissants du pays.
Certains pays, comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ont voulu
simplifier la procédure permettant à des immigrés de certains pays de
venir travailler chez eux. L’Union Européenne a également, à travers toute
une série d’accords, voulu faciliter l’exode et l’accueil de ces « cerveaux ».
Ainsi, le traité de Rome accordait, déjà en 1957, « le droit fondamental et
personnel de déménager et de résider librement sur le territoire d’un pays
membre » à chaque citoyen de l’Union. (4) En 1997, l’Union Européenne
a adopté la « directive des médecins » stipulant que « tout médecin de
l’UE qui a fini la formation de base dans un pays membre et qui détient
une qualification reconnue peut être automatiquement enregistré dans tout
autre état membre. » (4) Ceci dit, l’impact de la « directive des médecins »
a été minime : dans un premier temps, on a observé une augmentation de
la migration des prestataires de soins des pays de l’Union vers la Grande-
Bretagne, mais à l’heure actuelle, la directive ne semble plus influencer leurs
mouvements. Le succès limité de la directive est probablement lié au fait
que les autres pays de l’UE souffrent, eux aussi, d’un manque de personnel
médical. La difficulté de reconnaître les équivalences permet également
d’expliquer le manque d’engouement autour de la cette législation.


En 2007, la commission européenne a proposé, à l’instar de la « green
card » américaine, une carte bleue qui faciliterait l’accès à toute personne
détentrice de diplôme spécifique. Cette « blue card » ne privilégie donc
plus seulement l’accès des professionnels compétents issus de l’UE, mais
encourage la migration des compétences à l’échelle mondiale. (1) Une telle
initiative semble paradoxale lorsque l’on sait qu’à la même époque, l’Europe
renforçait le contrôle aux frontières avec l’agence Frontex et voulait transférer
le contrôle des migrations aux pays qui se trouvent au-delà des limites
européennes. Et Depuis lors, l’Europe continue sur sa lancée puisqu’elle a
adoptée la très controversée directive retour.
Il semblerait donc que les gouvernements soient prêts à modifier leurs
lignes de conduites s’ils peuvent y trouver des avantages. (14) Solutions
pour les uns, cette « carte bleue » risque néanmoins de creuser encore plus
le fossé qui s’érige entre les soins de santé dans les pays du Nord et ceux des
pays du Sud.

Zoom sur les pays d’Afrique du Sud

L
e personnel sanitaire est évidemment une composante essentielle
du système de santé. La corrélation entre qualité des soins, soins de
santé et disponibilité des professionnels de santé a été maintes fois
démontrée (5,8,12). Or les pays africains sont peut-être les plus grandes
victimes de cette carence en personnel. Un bilan approfondi de l’état des
systèmes de soin dans les pays d’Afrique du Sud révèle en effet que ceux-
ci souffrent d’un manque de personnel, d’une distribution inéquitable du
personnel disponible et de l’usure du personnel. Conséquence : 31 des pays
d’Afrique ne disposent même pas d’un docteur pour 5000 habitants. Dans
certains pays comme le Malawi, le Mozambique ou la Tanzanie, le ratio
médecin/population est assez alarmant parce qu’il est de un médecin pour
30 000 habitants, voire parfois plus. (5)
Même tendance en ce qui concerne les infirmiers puisqu’en moyenne
un infirmier africain couvre une population de 2100 individus alors que
dans les pays industrialisés ce ratio est de un infirmier pour 170 personnes.
Actuellement, au Malawi, 64 % des postes d’infirmiers sont toujours
vacants. (5,8)

 Pour plus d’informations à ce sujet, veuillez consulter le site de Human Rights Watch
(http://www.hrw.org/fr)
 Pour plus d’informations à ce sujet, veuillez consulter « L’immigration, une histoire
d’hier, d’aujourd’hui et de demain » et « Les victimes de l’Europe forteresse » ,
consultable sur le site .www ;sireas.be


Si la fuite des cerveaux permet d’expliquer en partie ces chiffres, elle n’est
cependant pas la seule responsable de ce bilan catastrophique. En effet, dans
ces pays, le personnel sanitaire se répartit entre le secteur public et le secteur
privé, entre les zones rurales et les zones urbaines et enfin, entre les soins
primaires et les soins secondaires et/ou tertiaires. De manière générale, les
professionnels ont évidemment tendance à privilégier la filière privée (76
% des spécialistes travaillent dans le secteur privé alors que ce dernier ne
répond aux besoins que de 20 % de la population), les aires urbaines et les
soins tertiaires. A cela s’ajoute encore la migration entre les pays africains.
Ainsi, au Botswana, 77 % des travailleurs étrangers compétents proviennent
d’autres états africains. Résultat : les aires rurales sont laissées à l’abandon.
Les soins de santé y sont précaires. (5, 13)
Pour éviter ce flux du public vers le privé, des zones rurales vers les zones
urbaines et des pays du Nord vers les pays du Sud, certains préconisent une
augmentation des salaires. Ceci dit cette solution est irréaliste lorsque l’on
sait que les institutions multinationales de prêts exercent déjà des pressions
sur les gouvernements pour les inciter à réduire les dépenses publiques et
sanitaires. (12)

Manque de données

S
’il ne fait aucun doute que les pays d’Afrique du Sud souffrent
aujourd’hui de la fuite de leurs cerveaux, ce phénomène est encore très
probablement sous-estimé à cause des problèmes d’enregistrement
des travailleurs qui partent et qui reviennent. Un représentant de la Banque
Mondiale a d’ailleurs déclaré : « les ministres des pays africains apprennent
l’étendue de leur émigration en parcourant les données venant des pays de
destination. » (15) Ainsi, selon une étude réalisée entre 1989 et 1997, 233
609 personnes auraient quitté les pays d’Afrique du Sud pour la Nouvelle
Zélande, l’Australie, le Canada, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Les
statistiques officielles répertorient, quant à elles, seulement 82 811 migrants.
Finalement le chiffre exact importe peu puisque, dans ces pays, la perte
même d’un nombre limité de professionnels médicaux peut avoir un impact
complètement disproportionné. (5,10)
A titre d’exemple, voici néanmoins quelques chiffres représentatifs de la
situation :
• on estime qu’environ 300 infirmiers spécialisés quittent l’Afrique du Sud
chaque mois
• 10 % des médecins exerçant dans les hôpitaux canadiens ont été formés en
Afrique du Sud.

10
Pourquoi cet exode ?

A
en croire une étude réalisée dans différents pays africains, la situation
n’est pas prête de s’arranger puisque 26 à 68 % des personnes
interrogées déclarent avoir l’intention de partir. La plupart d’entre
eux sont des jeunes professionnels dont la formation a été financée par les
autorités publiques. (12)

Dans les pays les plus pauvres comme le Malawi, ce ne sont plus tellement
les facteurs attractifs (environnement plus sécurisant, possibilité de carrière,
etc) qui incitent le personnel sanitaire à se tourner vers de nouveaux
horizons, mais ce sont les facteurs répulsifs (salaires, conditions de travail,
etc.) qui les poussent à quitter leur pays d’origine. Par ailleurs, la mauvaise
gestion, le manque d’équipements, de médicaments, l’augmentation de la
prévalence du Sida (en Zambie, le personnel médical ne dispose même pas
de gants), etc. renforcent encore l’insatisfaction des travailleurs. Le départ
de ces professionnels affaiblit non seulement le système de soins mais risque
surtout de l’entraîner dans une spirale infernale. En effet, si les professionnels
quittent leur pays, la charge de travail pour ceux qui restent sera plus
conséquente. Ce qui va favoriser l’insatisfaction, le stress et l’isolement du
personnel. Finalement, le départ de ces praticiens risque de devenir, à son
tour, un facteur incitant les individus à quitter leur pays d’origine. (5)

Sans surprise, les facteurs répulsifs principaux sont évidemment la


pauvreté, l’instabilité politique et la famine.
Le facteur attractif prépondérant reste, quant à lui, lié à l’augmentation
de la demande de professionnels de santé. Ainsi, lorsque les Etats-Unis
se projettent dans l’avenir et déclarent qu’ils auront besoin d’un million
d’infirmiers supplémentaires dans 10 ans, nul ne peut nier l’impact que
cela aura sur les pays africains. La mauvaise voire carrément l’absence de
planification des besoins en ressources humains dans les pays du Nord est
donc véritablement problématique.
La situation ne risque pas de s’améliorer parce que le recrutement de
personnel étranger est moins cher que la formation de nouveaux individus.
Les pays industrialisés auront donc toujours tendance à privilégier le
recrutement international. Par ailleurs, ce dernier est facilité par un travail
actif et sans relâche d’agences spécialisées dans le recrutement international.
Une étude du collège royal d’infirmiers suggère, en effet, que sans ces agences
et leurs stratégies de recrutement, il y aurait beaucoup moins d’infirmiers
étrangers en Grande-Bretagne. (5,8)
Il est difficile de quantifier l’impact et la force des « stick » facteurs. En
effet, certains accorderont une plus grande importance que d’autres aux

11
liens familiaux, au fait de devoir trouver un nouveau logement, apprendre
une nouvelle langue, etc. Une étude sud africaine révèle que pour 12 %
des personnes interrogées, seul un changement au niveau de la politique
gouvernementale pourrait les inciter à rester. 25% de l’échantillon affirment
qu’une amélioration de la sécurité nationale constituerait un « stick » facteur.
(5)

Conséquences de la migration du personnel de


santé

C
ertains prétendent que la migration des professionnels de santé peut
avoir des effets bénéfiques pour le pays d’origine et encouragent dès
lors les pays en voie de développement à considérer les mouvements
de leur personnel comme un gain et non plus comme une perte. S’il est
vrai que les pays arrivent parfois à en tirer profit, cette migration engendre
néanmoins une série de coûts. Ainsi, on estime que la formation d’un
généraliste africain s’élève à 60 000 dollars US. La migration de 600 médecins
sud-africains pour la Nouvelle-Zélande représente donc un coût et une perte
considérable. (5,8)
Outre cet aspect financier, la fuite des cerveaux a également des retombées
catastrophiques sur le fonctionnement du système de santé (augmentation
de la mortalité, de la morbidité, augmentation du coût de la prise en charge
de certaines maladies parce qu’il faut en référer au niveau tertiaire, voire
envoyer le malade se faire soigner dans un autre pays, etc.). La fermeture
d’un centre de santé sud africain suite au départ de ses deux anesthésistes est
assez révélatrice de l’ampleur du problème. (10, 5)
Par ailleurs, le manque de personnel peut aussi se traduire par des
comportements contre-productifs comme l’absentéisme, les bakchichs, la
vente de médicaments normalement gratuits… La migration du personnel
de santé entraine également « la perte de la mémoire institutionnelle ». (5,13)
Or si personne n’est là pour transmettre la connaissance et passer le relais,
le travail et les erreurs sont répétés. Il n’y a aucune possibilité de pouvoir
apprendre de ses erreurs. Sans continuité, les ressources, déjà maigres au
départ, sont gaspillées.
Comme on l’a déjà expliqué ci-dessus, le départ des professeurs a un
impact considérable sur le système de santé. De plus, l’exode des personnes
compétentes est perçu par l’extérieur comme un signe d’instabilité économique
et politique. Ce qui ne facilite pas les bonnes relations économiques.
Évidemment, la migration de ces cerveaux engendre également quelques
profits pour le système de santé, mais ces derniers sont minimes en

12
comparaison des coûts financiers, matériels et humains.
Par contre, les avantages pour les migrants, une fois dans leur nouveau
pays d’accueil ne sont pas négligeables ! Ils vivent dorénavant dans
un environnement politique et économiquement stable, avec diverses
opportunités pour leurs enfants et pour leur carrière professionnelle. Souvent
également, la migration permet aux femmes d’améliorer leurs statuts. (5,
11)

Résolutions africaines

E
n 2004, l’Union Africaine a décidé de s’intéresser à la problématique
du manque de ressources humaines. Elle voulait inciter les différentes
parties prenantes et donc les différentes parties du monde à accepter
leurs responsabilités. Ce faisant, elle veut promouvoir un recrutement
éthique et rétablir un équilibre entre les pays.
Le Nouveau Plan Économique pour le Développement Africain
(NEPAD) a, quant à lui, insisté sur l’importance de constituer des bases de
données fiables. (5, 4,3, 15)
Celles-ci permettront de véritablement évaluer l’ampleur du problème
et de déterminer le personnel dont ils ont réellement besoin. Le NEPAD a
également appelé les gouvernements africains à mener des actions pour lutter
contre le SIDA (l’un des facteurs incitant les individus à fuir leur pays) et à
modifier les différents accords de commerce « qui perpétuent la tendance à
la migration ». (5)
Parallèlement à cela, la société africaine a demandé aux pays de l’OCDE
d’améliorer la prévision de leurs ressources humaines dans le domaine
sanitaire. Ils leur ont également demandé des compensations pour tous les
dommages/pertes causés. Enfin, ils réclament des accords de commerce qui
profiteraient réellement aux pays en voie de développement.

• Au niveau de la formation de personnel qualifié


Premier constat : il est nécessaire de disposer de systèmes d’informations
et de planification capables de synthétiser l’information venant du secteur
public et du secteur privé. Actuellement, ce système fait encore défaut.
(5,4,3,15)
Les formations doivent également être revues, modernisées et
adaptées à la réalité du terrain et de la conjoncture actuelle. Ainsi, le Ghana
a mis au point des formations de spécialistes plus courtes. Certains pays,
comme le Botswana, ont opté pour la délégation de tâches, permettant donc
aux médecins forts sollicités, d’être plus disponibles pour répondre aux
besoins de la population. C’est pourquoi, dans ce pays, les infirmiers ont

13
le droit de prescrire des médicaments lorsque le médecin n’est pas présent.
(5)

Rétention du personnel
En interne, toute une série de mesures (service obligatoire dans les zones
rurales, augmentation salariales, etc.) ont été adoptées pour essayer de
rétablir une distribution équitable du personnel.
Afin d’essayer de tirer avantage de l’exode de ses cerveaux, l’Afrique du
Sud a établi des réseaux pour connecter les Sud-Africains vivant à l’étranger
avec leurs compatriotes restés « au pays ». Ensemble, ils peuvent développer
des projets de collaboration bénéfiques pour le pays. (5)L’Organisation
Internationale pour la Migration, quant à elle, facilite le retour des expatriés
dans leur pays d’origine.
A l’heure actuelle, plusieurs chefs d’Etats africains seraient d’avis
d’interdire ce flux de personnel. Les défenseurs de cette idée comparent
le recrutement des agences internationales avec le pillage des richesses
nationales durant la période coloniale. (5) Le Malawi, moins radical, a décidé
de traiter le problème autrement et à opté pour un système de formation à
deux vitesses. Les étudiants peuvent choisir entre un programme avancé ou
basique. Ce choix n’est pas sans conséquence parce que les étudiants ayant
choisi la filière libre ne sont pas assez qualifiés pour être recrutés à l’étranger.
(8).
Pour faire face à ce flux migratoire aux dépens des Pays en voie de
développement, certains prônent une coopération Sud-Sud en termes de
ressources humaines. Ils réclament également un code de conduite obligeant
les pays du Commonwealth à respecter certaines conditions de recrutement.
Il n’est, en effet, pas possible de juguler la fuite de cerveaux sans l’appui des
pays développés. (5, 12) L’association médicale d’Afrique du Sud, quant
à elle, revendique le droit des professionnels de santé de choisir leur lieu de
travail.
En définitive, le phénomène de « brain drain » relève des droits de
l’homme et soulève une série de questions morales. Quel droit privilégier :
le droit individuel de chaque être humain de vivre où il veut et de mener une
vie décente (quitte à perturber un système de santé) ou le droit à la santé
pour tous ? (16, 15)

Brain drain : Un phénomène….des solutions

L
a littérature consultée nous permet de dresser une sorte d’inventaire
de solutions ou de résolutions à prendre pour endiguer le phénomène
de l’exode des cerveaux. Ainsi plusieurs auteurs insistent sur

14
l’importance d’avoir une base de données fiable qui, au travers d’indicateurs
cohérents et représentatifs de la réalité, permettrait de faire un bilan de la
situation réelle. Cette analyse doit s’accompagner d’une évaluation coûts-
bénéfices de la perte et des gains issus de la migration et d’une analyse des
parties prenantes. Après avoir fait cela, les autorités publiques pourront
alors prendre les mesures adéquates. (3, 5, 15)
Certains préconisent des accords bilatéraux ou multilatéraux entre les
différents pays pour assurer une meilleure transparence de cette migration.
(3, 9) Ceci dit, pour l’Organisation Mondiale de la Santé se pose alors la
question de la « possibilité pour un pays de gérer une multiplicité d’accords
bilatéraux. De plus, (elle) ne voit pas dans quelle mesure un accord bilatéral
conclu entre deux gouvernements pourrait porter sur le mouvement d’agents
sanitaires n’appartenant pas au secteur public. » (2) En attendant, une chose
est sûre : « la distribution géographique de la force de travail de santé ne peut
se faire de manière isolée » (9) Le problème de la fuite des cerveaux du Sud vers
le Nord ne peut pas se résoudre si seuls les Pays en voie de développement
s’en préoccupent. La « fuite des cerveaux » se « conçoit dans le contexte de
la mondialisation » (4) et est l’affaire de tous les pays. (5,4, 11, 2, 3) Pour
réduire les impacts négatifs de la migration internationale des travailleurs
de santé, il faut développer des coopérations entre les pays d’origine et les
pays d’accueils mais aussi des coopérations avec les institutions financières
internationales. (16)
Pour agir efficacement contre ce problème, il faut adopter une vision holiste
qui prenne en considération tous les déterminants qui agissent sur le flux des
cerveaux. Il ne faut donc pas seulement que les pays sources renforcent leur
système de santé (même si c’est une étape nécessaire). Ils doivent surtout
(et peut-être même avant toute chose) lutter contre l’instabilité politique et
économique qui règne sur leur territoire. Rappelons en effet, que ces deux
éléments sont les premiers déclencheurs de la migration. (3, 4, 15, 5) De
leurs côté, les pays industrialisés doivent mieux prévoir et planifier leurs
ressources humaines. Ils doivent développer des incitants pour que leurs
médecins nationaux travaillent et restent dans les zones rurales. (3, 13, 15)
En effet, la migration des professionnels de santé continuera tant que les
pays du Nord seront en carence et qu’il y aura une demande de leur part. (4,
5). On est alors en droit de se demander si la carte bleue européenne ne va
pas encore accentuer le problème. Seul l’avenir nous le dira.
Plusieurs pays du Nord ont eu une prise de conscience à propos de leur
responsabilité de la situation dans les pays du Sud. Ainsi, le département de la
santé de Grande-Bretagne a proposé un code de conduite sur le recrutement
international « pour promouvoir les meilleures conditions et décourager
toute pratique inappropriée qui pourrait endommager le système de santé des

15
pays. » (5) Ce code énumère toute une série de recommandations éthiques
et de procédures de recrutement. Il contient également une liste des pays
les plus pauvres qui ne devraient pas faire l’objet de recrutement. Si ce code
représente une belle avancée en matière de recrutement responsable, il n’a
cependant aucune valeur légale et obligatoire. De plus, certains s’insurgent
contre l’idée qu’on puisse refuser de recruter quelqu’un de compétent
simplement parce qu’il n’a pas la bonne nationalité. (16, 5,17) Par ailleurs,
ce code a une portée limitée parce que la plupart des infirmiers venant des
pays en voie de développement sont recrutés de manière détournée par des
agences privées. (5,2). Les mêmes reproches sont faits au code pratique du
Commonwealth pour le recrutement international. Ce code, visant à assurer
un équilibre entre les besoins des pays sources et des pays d’accueils, prône,
entre autres, la transparence des activités de recrutement, l’interdiction
de recruter des travailleurs qui ont des obligations envers leurs pays et la
mutualité des bénéfices. Mais une fois de plus, ce document manque de
consistance puisqu’il n’a aucune valeur juridique. (4,10) En 2005, plusieurs
pays ont approuvé la déclaration de Londres selon laquelle « tous les pays
doivent (notamment) s’efforcer d’atteindre l’autosuffisance de leur force de
travail de soins de santé, sans générer de conséquences défavorables pour
d’autres pays. » (3) Ces différentes tentatives, même si elles manquent
encore aujourd’hui de véritable poids politique, ont le mérite d’exister. Cela
laisse la porte ouverte pour un avenir meilleur en espérant que tous les pays
assumeront un jour leur part de responsabilité.
La littérature regorge de propositions pour essayer de limiter les impacts
négatifs de la migration du personnel sanitaire des pays du Sud. Ainsi,
plusieurs analystes proposent un système de compensation pour ces pays.
Selon la Banque Mondiale, la pauvreté en Ouganda, au Bangladesh et au
Ghana a diminué de 5 à 11,6 % grâce à ces compensations. (8). Cependant
beaucoup de pays ne sont pas d’accords de rembourser les pays d’origine,
argumentant que les travailleurs viennent de leur plein gré. Il ne s’agit, dès
lors, pas de  « vol ». (3) Une augmentation des salaires ne serait pas non
plus réaliste. Tout d’abord parce que les organisations internationales font
déjà pression pour limiter les dépenses dans le secteur de la santé. Ensuite,
parce de toute façon, les salaires ne seront jamais assez élevés pour arriver à
concurrencer les pays industrialisés. (5, 8)
D’autres parlent de réformes éducationnelles incluant des nouvelles
technologies, des formations plus courtes, un financement gouvernemental
moyennant un service obligatoire dans les zones rurales. (9,5 ) Tous ne
sont pas d’accords avec ce dernier point parce qu’ils le trouvent injustes et
discriminatoire vis-à-vis des femmes pour qui il est parfois plus compliqué
d’accepter un emploi dans des endroits retirés. (9)

16
Par ailleurs, il faudrait encourager les programmes internationaux
d’échange pour une période limitée dans le temps. Ainsi, à l’instar de
l’émigration temporaire, les pays d’origine pourraient profiter des
compétences acquises à l’étranger. (4)
Certains encouragent la délégation des compétences. Dans plusieurs pays,
comme le Botswana ou encore le Laos, le rôle de l’auxiliaire de santé et du
travailleur communautaire a, en effet, permis d’alléger le travail du médecin
tout en répondant aux besoins de l’ensemble de la population. Néanmoins,
certains craignent que cela ne donne naissance à une force médicale moins
bien entraînée.(9) D’autres associent la mise en place de ces travailleurs
moins qualifiés à une mesure discriminatoire, laissant dans les pays en voie
de développement les travailleurs moins qualifiés dont les pays occidentaux
n’auraient pas voulu. (3)
La littérature propose de mettre en place uns série de mesures pour
inciter les migrants à revenir dans leur pays. Parmi celles-ci, on trouve
la reconnaissance des compétences acquises à l’étranger, la possibilité
de combiner activité professionnelle dans le public et dans le privé (17),
etc. Délivrer un permis de travail qui ne soit pas renouvelable ou encore
restreindre la migration de professionnels de santé venant de certains pays
sous-desservis sont des propositions qui ne font pas l’unanimité puisque
qu’elles sont contraires aux droits de l’homme. (8, 11, 3) Ceci dit, la fuite des
cerveaux soulève une série de questions morales. Quel droit privilégier : le
droit individuel de chaque être humain de vivre où il veut et de mener une
vie décente (quitte à perturber un système de santé) ou le droit à la santé
pour tous ? (16, 15)

Conclusion

L
a fuite des cerveaux peut-elle être stoppée ? A cette question, M.
Rowson répond par la négative. (10) Néanmoins, à défaut de pouvoir
arrêter cet exode, on peut toujours le gérer et tenter d’en diminuer les
conséquences négatives dans le pays d’origine. S’il n’existe pas de solution
miracle, la « voie de la guérison » passe certainement par une meilleure
planification des ressources humaines occidentales et par des choix politiques
sur le long terme. Ce, aussi bien au Nord qu’au Sud. En effet, si les pays en
voie de développement arrivent à calmer les tensions politiques et améliorer
leur situation économique, leurs travailleurs seront moins tentés d’aller voir
si l’herbe est plus verte ailleurs. Ceci ne se fera pas sans l’aide internationale
et prendra certainement du temps. Mais n’oublions pas que Rome ne s’est
pas construite en un jour…
. Le numerus clausus en Belgique est, par exemple, un mauvais exemple de planification des
ressources humaines. Celui-ci ne fait qu’accentuer la pénurie de personnel médical.

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