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Introduction 1

‫اين من‬ ّ‫بفال كردم ترجممهّ نامه‬ ‫رنج همى‬ ‫سال بسيار بردم‬

Le Livre des Rois

Introduction

Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux

Au nom du maître de vie et de sagesse, Dont nulle pensée n’est maîtresse,


Maître du renom et maître du lieu, Qui donne le pain et guide le mieux,
Maître de Saturne, de la voûte du ciel, Illuminateur de la lune, de Vénus, du soleil,
Au-dessus de la gloire et des rois il est, Peintre sublime des éléments il est.
Si de tes yeux tu ne vois point le créateur, N’aie contre tes yeux aucune rancœur, [5]
Car la pensée ne trouve vers lui sa voie, Tant il est, des noms et des lieux, au-delà,
Toute parole, qui dans ce monde passe, Toute âme et toute sagesse, il les dépasse,
Toute parole que la sagesse choisit, Ne peut voir que ce qu’elle choisit,
Personne ne peut louer son essence, Il te faut mettre la ceinture d’obéissance.
C’est lui qui soupèse l’âme et la raison, Aucune pensée ne le tient en son giron. [10]
Quel instrument, pensée ou vigueur, Pourrait jamais louer le créateur ?
Il te reste à reconnaître son existence, A renoncer à tout discours sans consistance,
Tu dois donc l’adorer, trouver le chemin Et obéir à ses commandements, avec soin.
Il est puissant celui qui le connaît, Par ce savoir, le cœur des vieillards renaît,
Mais nulle parole ne franchit ce voile, A la pensée, son existence ne se dévoile. [15]

Eloge de la raison

Voici le moment, ô sage, où nous devons Evoquer ici la valeur de la raison.


Parle et dis, de la raison, ce que tu sais, Dis à l’oreille de qui écoute, ce qui lui plaît.
La raison est, des dons divins, le meilleur, Son éloge est à la justice bien supérieur,
La raison est un guide qui te réjouira, Te prendra la main, ici et dans l’au-delà,
C’est d’elle que viennent joies et chagrins, D’elle aussi l’abondance et le besoin, [20]
Qu’elle s’obscurcisse et l’homme joyeux Jamais plus ne se verra heureux.
Ainsi parle l’homme vertueux, raisonnable, Dont les paroles sont au sage profitables :
Celui qui, la raison n’aura pas écouté Par ses propres actions aura le cœur déchiré,
Les sensés le prendront pour un fou Et sa famille l’écartera de tout.
Par elle, valeureux dans les deux mondes, Sans elle, c’est un pied dans la tombe. [25]
Réfléchis : la raison est l’œil de la vie, Sans yeux, tu n’auras plus de joie ici.
Sache que la raison fut première création, Gardienne de l’âme, elle mérite la dévotion
De tes yeux, de ta langue, de tes oreilles, C’est d’elle que viennent bien et mal pareils.
Qui pourrait l’âme et la raison célébrer ? Si je le pouvais, qui saurait m’écouter ?
Ô sage, puisque la parole n’abonde, Dis comment fut la création du monde. [30]
Tu es ce que l’auteur du monde a fait, Tu connais donc le visible et le secret.
Tiens toujours la raison comme un guide, Tu tiendras ton âme bien loin du vide,
Chez ceux qui savent, cherche ton chemin, Parcours le monde et parle à chacun
Et quand tu auras entendu les sages, Continue d’apprendre pendant tout ton âge,
Tu verras la parole, de l’arbre voisine, Tu sauras que le savoir n’y trouve pas racine. [35]
Introduction 2

De la création du monde

Il faut que tu saches bien en premier lieu, Quels furent les éléments des cieux,
Car Dieu a créé les choses à partir de rien, Que l’on sache qu’il en est souverain.
Il fit la matière de quatre éléments, Il les fit sans peine ni tourments,
Le premier fut en haut le feu délétère, Au milieu l’air, puis l’eau, l’obscure terre,
Dès lors que le feu en bougeant s’accrut, De sa chaleur, la sécheresse apparut, [40]
Puis, dans le calme, le froid fut créé, Qui engendra ensuite l’humidité,
Les quatre éléments se firent voir, Alors, apparut le monde transitoire,
Les éléments se mélangèrent entre eux, S’élevèrent toutes sortes d’êtres nombreux,
Puis vint la voûte à la course rapide, Et ses merveilles toujours limpides,
Les sept planètes sur les douze se plaçaient Chacun prenant la place qui lui revenait, [45]
Fortune et justice y apparurent, Les sages, comme il convient, en reçurent,
Les cieux, l’un dans l’autre, s’emboîtèrent, Leurs cours, en harmonie, commencèrent,
Mers et montagnes, plaines et coteaux, La terre fut comme un brillant joyau,
Des monts s’élevaient, des eaux coulaient, La tête des plantes vers le haut se tendait,
La terre n’avait pas de hauteur où s’asseoir, Ce n’était qu’un centre tout obscur et noir, [50]
Les étoiles là haut étaient des merveilles Qui de leurs lumières la terre balayent,
Le feu en haut, l’eau en bas eut un séjour, De la terre, le soleil fit tout le tour,
Les herbes grandirent et des arbres variés Élevèrent leur cimes, par la chance favorisés,
Ils s’étendent, c’est tout ce qu’ils peuvent, Ils ne sont point animaux qui se meuvent,
Aussi, quand ceux-ci se mirent à marcher, Ils écrasèrent les plantes sous leurs pieds, [55]
La faim, le sommeil, le repos les poussent, Ils veulent avoir une vie bien plus douce,
N’ayant d’usage ni de langue, ni de raison, Épines et broussailles sont leur alimentation,
Pour eux, bien et mal ne sont pas une fin, Leur obéissance, le créateur n’en veut point,
Il est sage, puissant et de justice féru, Il ne voit donc pas les secrets comme vertu,
Visible ou non, quelle sera la fin du monde, Il ne se trouve personne qui y réponde. [60]

De la création de l’homme

Tout ainsi accompli, l’homme est arrivé, Qui, de tous ces mystères est la clef,
Il a la tête haute, comme celle du cyprès, Il a la parole bonne, la raison aux aguets,
Il a raison, bon sens et intelligence, Les bêtes sauvages lui doivent allégeance,
Réfléchis un peu et vois avec ta raison, Si le mot homme n’a qu’une implication,
Peut-être le vois-tu comme un être insensé, Tu le vois comme un être marqué, [65]
On t’a créé à partir des deux mondes, Intermédiaire, on ne peut te confondre,
Premier de la création, mais créé le dernier, Ne te laisse pas aller aux futilités,
J’ai appris d’un sage comment il considère, Les secrets de l’auteur de l’univers,
Regarde, considère quelle sera ta fin, Quand tu agis, choisis de faire le bien,
Il te faut exercer ton corps à l’endurance, Tu dois savoir supporter la souffrance, [70]
Si tu désires échapper à tout mal, Tu dois lever la tête du piège fatal,
Veux-tu des deux mondes fuir l’infortune, Évite par tes actes du créateur la rancune,
Vois la course rapide de la voûte des cieux, Le mal en vient et le remède qui rend mieux,
Le cours du temps ne l’entame point, Douleur et affliction ne l’affectent point,
En sa marche, elle ne cherche aucun repos, Ni n’est soumise, comme nous, au chaos, [75]
Introduction 3

L’abondance et le nombre viennent d’elle, Le bien et le mal sont manifestes chez elle.

De la création du soleil

De rubis rouge est faite la voûte azurée, Non de vent, ni d’eau, ni poussière, ni fumée,
Ses luminaires font que ce firmament Ressemble à un jardin au jour du nouvel an,
Un joyau s’y trouve, qui ravit les cœurs, C’est de lui que le jour emprunte sa lueur,
Chaque matin, comme un bouclier d’or, Il surgit à l’orient, tenant haut son port, [80]
Il habille la terre d’une robe de lumière Qui sur le monde obscur se réverbère,
Et lorsque de l’orient il va vers le ponant, La nuit sombre se relève à l’orient,
Jamais l’un sur l’autre ne prend le pas, Rien n’est plus réglé que le cours de leurs pas.
Ô toi, soleil, comment se fait-il que toi Jamais tu ne veuilles briller pour moi ?

De la création de la lune

Il est une lampe dans l’obscure nuit, Ne te tourne pas, si tu peux, vers ce qui nuit, [85]
Deux jours, deux nuits, elle est sans visage, Comme si sa rotation n’avait plus d’usage,
Puis elle reparaît, jaune et toute fragile, Comme celui que le chagrin d’amour rend débile,
Et à peine l’a-t-on aperçue de loin, Qu’aussitôt on ne la voit point,
La nuit suivante, elle se voit un peu plus, Elle te baigne de lumière par-dessus,
En deux semaines, elle atteint la plénitude Et reprend alors sa première attitude, [90]
Puis chaque nuit, elle paraît plus pâle, Toujours plus proche du soleil sidéral,
C’est ainsi que le Seigneur l’a créée, Quoi qu’il arrive, ainsi elle est restée.

Éloge du prophète et de ses compagnons

La science et la religion sont tes sauveurs, Il te faut les rechercher sur l’heure,
Si tu ne veux pas que ton cœur soit triste, S’il faut que toujours au chagrin tu résistes,
Cherche ton chemin auprès du prophète, L’eau lavera les souillures qui te sont faites. [95]
Ainsi parla le maître de la révélation, Des commandements et des interdictions,
Après les prophètes, resplendit le soleil Sur Abou Bakr, plus qu’à tout autre pareil,
Puis Omar fit de l’Islam un ornement, Il para le monde comme un jardin au printemps,
Après eux, vint Osman, le charmant, Maître de modestie, maître des croyants,
Le quatrième fut Ali, l’époux de la vierge, Que le prophète mit bientôt en exergue, [100]
Disant : Moi je suis l’empire du savoir, Il en est la porte, le prophète le fit savoir.
J’affirme que cette parole est son secret, Comme si mes oreilles l’entendaient,
Sache qu’ainsi était Ali, et ses devanciers, Grâce à qui la religion se trouva renforcée,
Le prophète est un soleil, ses compagnons Sont la lune, l’un et l’autre sont la direction,
Moi-même, je suis l’esclave de sa famille, Je baise la poussière des pieds d’Ali, [105]
Je n’ai point affaire à d’autres que lui, Je ne parle à nul autre si ce n’est lui.
Le sage voit ce monde comme une mer, Le vent y soulève des vagues de colère,
Septante vaisseaux y sont, bien armés, Dont les voiles sont toutes déployées,
L’un, vaste, comme une épouse parée, Est comme l’œil d’un coq, tout orné,
Introduction 4

Mahomet s’y trouve en compagnie d’Ali, L’un et l’autre, avec sa famille, [110]
Le sage qui de loin contemple l’océan N’en voit ni le fond ni les flancs,
Il reconnaît qu’aux flots il faut céder, Qu’au naufrage nul ne peut échapper,
En son cœur, sans cesse il se dit : Avec Ali Et le prophète, dans le naufrage, j’ai deux amis,
Il me tendra la main, le maître du trône, Le maître de la bannière et de la couronne,
Le maître du fleuve de vin et de miel, De la source de lait et de l’eau naturelle, [115]
Si tu as en vue un monde différent, Près du prophète et d’Ali tiens-toi fermement,
Si du mal t’en vient, c’est mon péché, Ainsi je pense la voie que j’ai empruntée,
Ainsi suis-je né, ainsi je passerai, Car, du lion, je suis la poussière des pieds,
Si ton âme incline vers la voie de l’erreur, C’est que ton ennemi ici-bas est ton cœur,
N’est son ennemi que l’homme sans père, Et Dieu fera brûler son corps en enfer, [120]
Celui qui se repaît de la haine d’Ali, Qui donc dans le monde serait plus honni ?
Ne prends pas le monde comme un jeu, Ne perds pas la trace du bien, même un peu,
Il te faut entreprendre ce qui est bon, Quand on a des justes comme compagnons.
Mais à quoi bon continuer ce discours ? Il vaut mieux ici tourner court.

De la composition du Livre des Rois

Beaucoup a déjà été dit, rien ne fut omis, Je vais te dire une partie de ce qui fut dit, [125]
Tout ce que je dirai a déjà été conté, Du jardin du savoir, tout s’en est allé,
Si je ne trouve pas le fruit de l’arbre élevé, C’est que d’y monter je n’ai point la faculté,
Celui qui va sous un palmier puissant, Sera à son ombre protégé du mal violent,
Peut-être pourrai-je trouver une place Sous la branche du cyprès à l’ombre efficace,
Et grâce à ce livre des souverains illustres, Trouverai-je dans le monde quelque lustre, [130]
Ne le prends pas en mensonge, ni fable, Ne crois pas la marche du temps immuable,
A raison, se nourrit-on de ses paradigmes, Même s’il faut trouver un sens à ses énigmes.
Il y avait autrefois un vieux grimoire, Où abondaient toutes sortes d’histoires,
Dans les mains des mages dispersé, En possédait une partie chaque homme sensé,
Il y avait un chevalier, un hobereau, Brave et glorieux, instruit et beau, [135]
Grand amateur des temps lointains, Recherchant sans cesse des récits anciens,
De chaque pays, il appela un mage âgé Qui avait réuni des livres du passé,
Il les interrogea sur les rois antiques, Sur les héros célèbres et bénéfiques,
Comment le monde d’abord fut organisé, Puis si misérable jusqu’à nous arrivé,
Comment sous une bonne étoile il arriva Que chaque jour ils firent des exploits, [140]
Chacun des vénérables récita devant lui La geste des rois et les temps enfuis,
Lorsqu’il entendit ces exploits héroïques, Il fit un livre de ces histoires antiques,
Les hommes ont ainsi gardé son souvenir, Grands et petits le vénèrent à plaisir.

Le récit du poète Daqiqi

On récita un grand nombre d’histoires, Chacun récitait en lisant ce grimoire,


Tous les cœurs furent pris par ces récits, Les sages comme les justes furent ravis, [145]
Alors parut un jeune à la langue éloquente, Aux bonnes paroles, à l’âme ardente,
Il dit son projet de mettre ce livre en vers, Tous les cœurs dans la joie se trouvèrent,
Introduction 5

Ce jeune avait des amis de débauche, Sans cesse avec eux des conflits il ébauche,
Tout à coup s’abattit sur lui la mort, Sur lui se posa le casque noir du mauvais sort,
Il livra sa douce âme à la mauvaise nature, Il ne connut point du monde la joyeuse allure, [150]
Tout à coup son destin funeste s’aggrave Et il est tué de la main d’un esclave,
Il partit et laissa un livre jamais écrit Et la fortune qui l’avait éveillé se rendormit,
Ô Dieu, de ses péchés fais-lui rémission Qu’il se relève au jour de la résurrection.

De la composition de ce livre

Quand de lui se détourna mon âme claire, Je vis le trône du maître de l’univers,
Pour prendre ce livre de mes mains Et le traduire en ma langue, mais en vain, [155]
J’interrogeai un grand nombre de gens, Je tremblais devant la fuite du temps,
Je craignais que ma vie ne touche à sa fin Et qu’un autre que moi en prenne le soin,
Et ce trésor pouvait se montrer infidèle, Ne trouver personne pour payer mon zèle,
L’époque était toute remplie de guerres, Faste aux demandeurs, le monde ne l’était guère,
De la sorte, quelque temps se passait, Je gardais mes intentions dans le secret, [160]
Je ne vis personne qui fût assez digne, Un compagnon qui comprenne mes signes,
Qu’y a-t-il de mieux qu’une bonne parole ? Grands et petits, tous la cajolent,
Si la parole de Dieu n’avait pas été valide, Quel prophète eût été pour nous un guide ?
J’avais dans ma ville un ami bien aimable, On aurait dit que nos corps étaient semblables,
Il me dit : Ton propos est le bienvenu, Le bien, par tes pas, s’en trouvera accru, [165]
Je t’apporterai mon livre écrit en pehlevi, Je te le donnerai, sauf si tu t’assoupis,
Tu as la jeunesse et une langue habile, Pour toi, narrer les faits héroïques est facile,
Raconte à nouveau ce livre royal, Gagne auprès des grands le fruit de ton idéal.
Lorsqu’il apporta le livre et me le donna, La tristesse de mon cœur fit place à la joie.

Éloge d’Abou Mansour, fils de Mohammad

Lorsque sur ce livre j’étendis la main, Il y avait un prince, au pouvoir certain, [170]
Il était jeune et chevalier d’origine, Sage, avisé et d’une âme qui illumine,
Maître de raison et maître de modestie, A la parole bonne et à l’éloquence gentille,
Il me dit : Qu’attends-tu de moi Pour que tu fasses entendre ta voix ?
S’il le faut, tu n’as qu’à tendre la main, Je ne laisserai faire aucun autre humain.
Il me considérait comme un fruit mûr, Du vent je ne redoutais plus l’assaut obscur, [175]
De cette basse terre, je m’élevai au ciel, Grâce à ce cœur généreux, ce noble modèle,
Pour lui, or, argent, terre ont même valoir, Grandeur a trouvé en lui sa parure et sa gloire,
Le monde entier ne valait rien à ses yeux, Il était digne de confiance et valeureux,
Il était comme un brave égaré dans la foule, Un cyprès au vent, sur le pré, qui s’écroule,
Je ne l’ai plus revu, ni mort ni vivant, Les monstres de leurs mains le tuant, [180]
Hélas, cette prestance et ce port altier, Hélas, cette taille royale et cet air princier,
Mon cœur fut pris d’un grand désespoir, J’allais tremblant, comme un saule, de désespoir,
Il est un conseil de ce prince, je le rappelle, Pour aller vers le droit, loin de la voie rebelle,
Il m’avait dit : Quand sera écrite des rois Cette geste, confie-la à d’autres rois.
En l’entendant mon cœur de joie se remplit, Mon esprit d’allégresse et de gaîté fut pris, [185]
Introduction 6

J’ai donc entrepris d’écrire ce livre, A la gloire du roi des rois qui aime vivre,
Le maître du trône, au destin heureux, Le maître de la couronne, souverain victorieux.

Éloge du sultan Mahmoud

Depuis que le créateur a créé le monde, Il n’y eut jamais tel souverain dans le monde,
Sa couronne, comme soleil on peut la voir, Grâce à lui, la terre est devenue ivoire,
On dirait : quel est ce soleil brillant, Qui sur la terre sa lumière répand ? [190]
Ô Aboulkasem, ce roi favori du destin A mis sur sa couronne un soleil divin,
Il est une parure, du levant au ponant Par sa gloire, il rend l’or abondant.
C’est alors que mon étoile s’éveilla, Dans ma tête un flot d’idées entra,
Je compris : c’était le moment de parler, C’était donc le retour des temps passés.
Avec la pensée du souverain de l’univers, Endormi, un soir, la bouche pleine de vers, [195]
J’avais le cœur lumineux dans la nuit, Les lèvres closes, mais mon cœur s’ouvrit,
Voici ce que vit mon âme en rêve : Une lampe brillante de l’eau s’élève,
Toute la terre est une obscure nuit, Mais la lampe en fait un lumineux rubis,
On y voit un désert pareil au brocart, Puis un trône de turquoise le pare,
Un souverain y siège, comme la lune, Sur sa tête, la couronne est sa fortune, [200]
Sur deux milles, son armée se meut, A sa gauche, sept cents éléphants furieux,
Devant lui, debout, un ministre distingué, Est pour le roi, du juste et de la foi le conseiller.
Je fus abasourdi devant la majesté du roi, Devant éléphants et armée je fus dans l’effroi,
Lorsque je vis le visage de ce héros, Je me mis à questionner ses vassaux :
Est-ce lune du ciel ou couronne étoilée ? Et toutes ces étoiles sont-elles son armée ? [205]
L’un dit : C’est le roi de Rome et de l’Inde, De Kanaudj jusqu’à la mer de Sinde,
L’Iran et le Touran sont ses serviteurs, Ils doivent leur vie à ses seules faveurs,
Il a ordonné le monde selon la justice Pour que sur sa tête la couronne resplendisse,
Le maître du monde, Mahmoud le Grand, Brebis et loup vont ensemble en mangeant,
Du Cachemire jusqu’à la mer de Chine, Devant lui les souverains ploient l’échine, [210]
Du berceau, le lait aux lèvres, le nourrisson Prononce d’abord de Mahmoud le nom !
Fais donc son éloge, toi qui es éloquent, Si, près de lui tu vas, le renommée cherchant,
Personne ne désobéit à ses ordonnances, Personne n’ose trahir sa confiance,
Lorsque je m’éveillai, je bondis de mon lit, Peu importait que je fusse dans l’obscure nuit,
Je prononçai l’éloge de ce souverain, Sans argent, sauf mon âme, je n’avais rien, [215]
Je me dis : A ce rêve, il y a une réponse, Car sa renommée dans le monde s’annonce,
Rends hommage à qui n’y fait pas défaut, A son destin, à sa couronne et à son sceau,
De la terre, il fit un jardin au printemps, L’air est une pluie, la terre un enchantement,
La pluie tombe de ces nuages quand il faut, Comme jardin d’Iram, le monde est aussi beau,
Tout le beau en Iran vient de sa justice, Partout les hommes sa mémoire chérissent, [220]
Dans le fêtes, c’est un ciel de fidélité, Au combat, c’est un dragon enragé,
Son corps est un éléphant, son âme, Djibril, Sa main est une pluie, son cœur les eaux du Nil,
Le sort de ceux qui par envie l’ont trompé Est vil à ses yeux comme une pièce d’un denier,
Il ne tire vanité ni du diadème ni du trésor, Ni combats, ni peines son cœur ne dévorent,
Tous ceux qui ont une bonne éducation, Qui ont de la noblesse et ont le cœur bon, [225]
Sont au roi des rois dévoués entièrement, Ont mis la ceinture de l’obéissance fermement,
Introduction 7

Chacun d’eux est roi dans son pays, Leurs noms dans tous les livres vit.
Le premier d’entre eux est son frère cadet, Aucun homme avec lui rivaliser ne saurait,
Quiconque ici-bas honore de Nasr la gloire, A l’ombre du roi du temps est sans désespoir,
Lui dont le père était Nasr ed-Dine, Son trône était dans la couronne de Parvine, [230]
Il est doué de bravoure, de raison, de vertu, Par lui, tous les nobles sont de joie revêtus,
Puis, le valeureux chef d’armée de Tous Qui au combat tous les lions repousse,
Distribue l’argent que la fortune lui donne, Ne lui demande qu’une gloire qui soit bonne,
Il est guide qui mène les créatures à Dieu, Il protège la tête du roi du mieux qu’il peut.
Que le monde ne soit pas privé de ce héros, Qu’il vive longtemps et ne parte pas trop tôt,
[235]
Toujours prospère, assis sur son trône, Sans chagrins, avec victoire que le destin donne.
Maintenant, à mon propos je reviens, A cet illustre livre des grands souverains.

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