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Chiisme et Sunnisme dans les RI

I. Né d’une différence doctrinale, le schisme entre les deux branches de l'islam est
source d’oppositions qui sont à relativiser puisque les pays musulmans coopèrent.

A. Le schisme des deux branches de l’islam naît d’une différence doctrinale

B. Il est source d’oppositions, mais ce fait peut être relativisé par la coopération des Etats

II. Néanmoins, ce schisme est source de conflits, qui pose la question de l’équilibre du
Moyen-Orient.

A. Le schisme est source de lutte d’influence au niveau régional

B. Le schisme est source de conflit à l’intérieur des Etats, et pourrait être source d’instabilité
régionale.

INTRODUCTION

Accroche :
 L’Islam représente 1,8 Mds de croyants au niveau mondial, dont 90% sont sunnites et entre 10 et
15% chiites. Ce déséquilibre de la répartition mène à des différences de puissance entre ces deux
branches de l’islam.
 L’Iran est la grande puissance chiite qui cherche a s’affirmer comme puissance régionale au
Moyen-Orient, face aux sunnites, et notamment l’Arabie Saoudite.

Cadre général :
 L’Islam représente 1,8 Mds de croyants au niveau mondial, dont 90% sont sunnites et entre 10 et
15% chiites. Ce déséquilibre de la répartition mène à des différences de puissance entre ces deux
branches de l’islam.
 L’Iran est la grande puissance chiite qui cherche a s’affirmer comme puissance régionale au
Moyen-Orient, face aux sunnites, et notamment l’Arabie Saoudite. D'importantes minorités chiites se
trouvent dans les pays sunnites.

Définitions :

- Les Chiites désignent Ali gendre et cousin de Mahomet, comme successeur au califat, au nom
des liens du sang.
- Les Sunnites choisissent Abou Bakar un compagnon du prophète, dans une logique
méritocratique et tribale.

Problématique :

  Le schisme de la religion musulmane a t’il un impact sur les relations internationales, et
notamment au Moyen-Orient ?

I. Né d’une différence doctrinale, le schisme entre les deux branches de l’islam est source
d’oppositions qui devraient pouvoir être relativisées

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A) Le schisme de l’islam naît d’une différence doctrinale

 Le schisme des deux branches de l’islam repose sur un conflit de légitimité pour la succession du
prophète:

- Après la mort de Mahomet en 632, trois califes prennent tour à tour la succession du
Prophète : Abou Bakar, Omar et Othman. Une fois ce dernier mort, en 656, c’est au tour
d’Ali, gendre du Prophète par sa fille Fatima, de revêtir la charge califale. Son pouvoir est
néanmoins contesté par le gouverneur de Damas qui l’accuse d’avoir participé à l’assassinat
d’Othman.

- Soucieux d’affirmer sa propre légitimité, il se proclame alors lui-même calife et, ce faisant,
fonde le califat omeyade de Damas. Les fils respectifs de Muawiya et d’Ali, Yazîd et Husein,
poursuivent le conflit. Vers 680, l’affrontement tourne à la faveur des Omeyyades : Husein
est capturé et décapité à Karbala, dans l’actuel Irak, où sa tombe continue de faire l’objet
d’un culte chiite.

- Suite à cet affrontement, le schisme est achevé : Les sunnites reconnaissent les trois
premiers califes (terme qui signifie « successeurs ») tandis que les chiites ne reconnaissent
comme légitimes que le quatrième calife, Ali, cousin de Mahomet ayant épousé sa fille et ses
successeurs. À l'époque ottomane et jusqu'à l'abolition du califat en 1924 par Mustapha
Kemal dit Atatürk, le sultan, chef politique de l'empire ottoman, assumait également le titre
de calife, commandeur des croyants reconnu par les sunnites.

 Le chiisme est minoritaire dans le monde :

- Les sunnites représentent 90 % des musulmans actuels. Ils sont majoritaires dans de
nombreux pays à l'intérieur du monde musulman.

- Les chiites sont majoritaires en Irak et en Iran où c'est la religion officielle . Une minorité
chiite est également présente dans plusieurs pays à majorité sunnite comme la Syrie ou le
Liban, ou encore en Arabie Saoudite et au Yemen (d’où le conflit avec les houtistes)

 Les deux religions sont très proches mais diffèrent en certains points :

- Les deux religions reconnaissent les cinq piliers de l’islam : la profession de foi, la prière,
l’aumône, le jeûne du Ramadan, et le pèlerinage à la Mecque.

- Les deux religions reconnaissent la Mecque comme lieu saint

- Cependant les deux religions ne sont pas structurées de la même manière : le sunnisme n’est
pas unifié et comprend de nombreux courants de pensée, tandis que le chiisme est
davantage structuré avec un clergé (voir en Iran les Hayatollah). Les chiites considèrent en
effet que l’imam est l’intermédiaire entre Dieu et les hommes ; tandis qu’il est un pasteur,
homme comme les autres, chez les sunnites. La conséquence en est que chez les sunnites, il
n’y a pas de problème à ce que soient confondues les autorités religieuses et
politiques ;tandis que les chiites séparent ces deux autorités (ex : au Maroc sunnite, le roi est
commandeur des croyants, tandis qu’en Iran chiite, les Ayatollahs sont indépendants du
pouvoir exécutif.)

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B) Le schisme est source d’oppositions, mais ce fait peut être relativisé par la coopération des
pays musulmans

 Schématiquement, il y aurait un axe chiite et un axe sunnite au MO:

- On aurait d’une part un «  croissant » chiite : dont la puissance centrale est l’Iran, mais qui
repose sur les populations chiites de Syrie, d’Irak et du Liban.

- On aurait d’autre part un axe sunnite : dont la puissance centrale est l’Arabie Saoudite et qui

réunit l’Egypte, les Emirats, la Turquie (avec son histoire particulière). A noter que les pays
musulmans sur les autres continents sont tous sunnites, que soit en Afrique (malékites
principalement) ou en Asie.

 L’opposition chiite - sunnite est redevenue pertinente à partir de 1979

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- L’Iran est une puissance régionale chiite qui s’est affirmée comme telle à partir de la
révolution de 1979 : le shah est destitué en 1979 après les manifestations de 1978. Les
Gardiens de la Révolution émergent en ramenant l’ordre dans le pays.. Les membres :
Algérie, Arabie Saoudite, Autorité palestinienne, Bahreïn, Comores, Djibouti, Égypte, Émirats
arabes unis, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Mauritanie, Oman, Qatar, Somalie,
Soudan, Syrie (suspendue depuis 2011), Tunisie, Yémen

 Mais ce schisme peut être relativisé par la coopération des pays musulmans :

- La Ligue Arabe est fondée en 1945 par l’Egypte, l’Arabie Saoudite, le Liban, la Syrie, l’Irak et la
Jordanie. La finalité de cette alliance entre pays sunnites et chiites est de s’opposer à
l’Occident et notamment à Israël. A noter qu’à la suite des accords de Camp David en 1978,
l’Egypte a été exclue de la ligue car il est le premier pays arabe à reconnaître Israël.
- Les membres : Algérie, Arabie Saoudite, Autorité palestinienne, Bahreïn, Comores, Djibouti,
Égypte, Émirats arabes unis, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Maroc, Mauritanie, Oman,
Qatar, Somalie, Soudan, Syrie (suspendue depuis 2011), Tunisie, Yémen

- L’OPEP, fondée en 1960 réunit aussi pays sunnites et chiites : les cinq membres fondateurs
sont l’Arabie Saoudite, l’Iran, l’Irak, le Koweit et le Venezuela.

- L’Organisation de la Coopération Islamique crée en 1969 : réunit 57 EM, et inclut l’Iran. Elle a
pour finalité la sauvegarde des lieux saints de l’Islam au départ (communs aux chiites et
sunnites) mais ses missions se sont étendus, avec la Banque Islamique de Développement
crée en 1973.

II. Néanmoins ce schisme est source de conflits, ce qui pose la question de l’équilibre
géopolitique du Moyen-Orient.

A) Le schisme est source de luttes d’influence au niveau régional

 L’Iran essaie de s’affirmer comme puissance régionale centrale au Moyen-Orient :

- Pays de 80 millions d’habitants, ce n’est pas un pays arabe mais perse.

- L’Iran mène une politique d’influence régionale : il apporte ainsi une aide au Hamas
(mouvement, sunnite, de la résistance islamiste qui contrôle la bande de Gaza).

- Il appuie les mouvements chiites à Bahreï n (pays à majorité chiite dirigé par des sunnites), au
Yémen, en Afghanistan et au Pakistan.

- L'invasion américaine en Irak a donné l'opportunité à l’Iran d’intervenir davantage à Bagdad


en faisant tomber son ennemi, le régime de Saddam Hussein, en se reposant sur les chiites
irakiens.

- L’Iran a participé à sauver le régime syrien, qui l'avait soutenu contre Saddam (guerre Iran-
Irak 1980-1988) et dont il a besoin pour garantir un appui logistique robuste en faveur du
Hezbollah au Liban. L'engagement iranien en Syrie est massif : plusieurs milliers de soldats
engagés au sol, plus de 60 000 miliciens financés, soutien budgétaire de plus de 5Mds$ au
régime.

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 L’Iran cherche à obtenir l’arme nucléaire pour rivaliser avec l’axe sunnite que cherchent à
constituer les Saoudiens. :

- L’Iran a signé le TNP en 1968 : L'accord de sauvegarde entre l'Iran et l'AIEA a été conclu en
1974 et des missions d'inspection ont été menées à partir de 1992.

- À partir de 2002, des doutes sont apparus sur le caractère strictement civil du programme
nucléaire dans lequel l'Iran s'était engagé. Il en est résulté un complexe processus de
négociations/sanctions. Les mesures de sauvegarde avaient déjà été renforcées en 1997 à la
suite de la découverte du programme militaire clandestin de la Corée du Nord. Elles ont fait
l'objet d'un protocole additionnel que l'Iran a signé, mais pas ratifié. En 2006, l'Iran a déclaré
se retirer de cette coopération volontaire, en réaction à la décision du conseil de l'AIEA de
soumettre le cas du pays au conseil de sécurité des Nations unies.

- Le Joint Comprehensive Plan of Action de 2015 a été suspendu en 2019 par Trump, et est à
l’heure actuelle à nouveau en discussion du fait de Biden, mais la Russie bloque toute
avancée.

 A cette politique iranienne répond celle de l’Arabie Saoudite :

- L’Arabie Saoudite est un pays sunnite : L'Arabie saoudite prend son origine dans l'alliance,
fondée au XVIIIe siècle, entre la famille des Saoud, un clan bédouin, et l'érudit Mohammed
Ibn Abd el-Wahhab. Le wahhabisme est un islam rigoriste, qui fait une lecture littéral du
Coran.
-
- L’Arabie Saoudite est une puissance militaire régionale : Avec un budget de défense de 48
Mds $ (9 % du PIB), le pays est le premier acquéreur d'armement au monde. Malgré l'achat
de matériel ultramoderne à des pays tels que les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France,
l'armée saoudienne, forte de 150 000 hommes, souffre d'un faible niveau opérationnel (à
l'exception de l'armée de l'air).

- Le pays défend sa conception de l'islam sunnite en finançant au niveau mondial la


propagande wahhabite. L'Arabie saoudite est ainsi, par ce biais bien particulier, un
contributeur majeur à l'aide au développement, construisant dans tous les pays musulmans
mosquées et dispensaires.
- L'aide financière peut aussi avoir un volet militaire, comme durant la guerre Iran-Irak
(soutien à l'Irak), en Afghanistan ou en Bosnie (1992-1995).

- L'Arabie saoudite fut un des rares régimes à reconnaître, en 1997, l'Afghanistan des talibans
sunnites, ce qui lui vaut aujourd'hui de tenir un rôle diplomatique majeur dans les
négociations interafghanes.

- Le Conseil de coopération du Golfe (CCG), est fondé en 1981 pour contrer l'influence
révolutionnaire iranienne. Il est dominé par Riyad, qui cherche à affirmer son leadership sur
le monde sunnite. (Volonté de former une ZLE sunnite au MO)

B) Le schisme est source de conflit à l’intérieur des Etats, et pourrait être source d’instabilité
régionale.

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 L’Iran soutient les minorités chiites au Moyen-Orient :

- Les pays sunnites dans lesquels se trouvent des minorités chiites : au Yémen (35% de chiites,
principalement au Sud), au Koweit (25%), en Syrie (15-20%) la majorité étant sunnite mais les
chiites dirigent, en Afghanistan 10%, en Turquie 15%, en Arabie saoudite 15%, au Pakistan
15%, au Quatar 10%, et aux EAU 10%.
-  Les minorités chiites sont globalement maltraitées par les Etats dirigés par des sunnites
(moindre accès au marché de l’emploi, expulsions arbitraires en A.Saoudite de travailleurs
chiites…).

- L’Iran soutient les mouvements chiites à Bahreïn (pays à majorité chiite dirigé par des
sunnites), au Yémen, en Afghanistan et au Pakistan.

- A noter que le principal conflit (quasi par proxys) entre chiites et sunnite est au Yemen : les
yéménites du Nord (sunnites) sont en guerre avec les houthistes au Sud, depuis 2014. La
guerre est toujours en cours.

 Le Etats sunnites luttent contre les minorités chiites, source de contestation de leur pouvoir :

- L’Arabie Saoudite intervient directement depuis 2015 au Yemen, notamment par un appui
aérien aux forces pro-gouvernementales contre les houtistes.
-  En 2015, Ryiad a mis en place une coalition sunnite pour intervenir au Yemen : celle-ci
réunit les EUA, le Barhein, la Jordanie, le Qatar, le Maroc, l’Egypte, le Koweit et le Soudan.
Elle a mené en 2015 l’Opération Tempête Décisive, de bombardements des rebelles
houthistes.
-  Plus les Etats sunnites sont fondamentalistes, plus les minorités chiites sont persécutées.

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 A noter que l’Etat islamique a particulièrement persécuté les chiites en Irak et en Syrie :

- A titre d’exemple, en Irak, le massacre de Tikrit en 2014 : a vu les djihadistes séparer les
soldats prisonniers chiites et sunnites, et a massacré 1700 soldats chiites.

 Les tensions confessionnelles au Moyen-Orient, doublées des enjeux de puissances régionales,


mène à une forme de « guerre froide » :

- L’Arabie Saoudite et l’Iran sont dans un conflit indirect, qui pourrait dégénérer

- A ce titre le traité sur le nucléaire iranien de 2015 doit être réactivé : en effet, le fait que
l’Iran dispose d’une dissuasion nucléaire pourrait enclencher le conflit — soit de manière
préventive, soit en réaction à cette menace.
Conclusion :
 L’opposition entre chiites (minoritaires) et sunnites n’est pas systématique, et n’empêche pas la
coopération entre pays musulmans.
 Néanmoins les minorités chiites sont maltraitées dans les pays à majorité sunnite, et sont
contestées lorsqu’elles sont au pouvoir alors que minoritaires (Syrie).
 Cette opposition confessionnelle est réactivée depuis 1979, ce qui montre qu’elle se mêle avec la
problématique des luttes d’influence régionale.
 L’enjeu plus global de cette opposition confessionnelle est de parvenir à prévenir les risques
d’escalade au MO, notamment en réinsérant l’Iran dans l’économie mondiale, tout en prévenant le
risque nucléaire.

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