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L'irréligion d’Ahmadinejâd

Raffaele Mauriello

CHIISME ET RÉPUBLIQUE ISLAMIQUE D’IRAN : À LA JUMELLE

Pour simplifier à l’extrême, le chiisme repose sur une affiliation « politique » à


l’Imam ‘Ali ibn Âbi Talib et à sa descendance  1, une particulière vénération pour
l’Imam Husayn (iiie Imam, fils d’‘Ali et petit-fils du Prophète) et son combat sans
compromis contre l’injustice qui culmina en 680 dans la bataille de Kerbala et sa
mort tragique (ainsi que celle d’une grande partie de sa famille – « paradigme de
Kerbala » 2), une attente du retour du xiie Imam (ahdi) et une tradition tant savante
que culturelle représentée par les oulémas (savants religieux). Sur un plan théorique,
le chiisme est fondé une conception sacrée de la justice et de sa réalisation par le
souvenir d’‘Ali  3. En 1501, un mouvement chiite messianique porta au pouvoir la
dynastie safavide, laquelle allait régner sur l’Iran jusqu’en 1732, et le chiisme devint
religion officielle. Avec la dynastie suivante, les Qajars (1785-1925), l’Islam chiite
devint la religion d’une majorité d’Iraniens et le pilier majeur de l’identité collective
du pays. La modernité allait exploser en Iran avec la Révolution constitutionna-
liste (1906-1911), débouchant sur la nouvelle dynastie des Pahlavi (1925-1979).
Les dynasties mentionnées ont toutes mobilisé le chiisme en tant que levier insti-
tutionnel et elles ont conduit une géostratégie panchiite. Et pourtant, le chiisme
demeure largement décrit comme un mouvement oppositionnel et révolutionnaire4.
Au moins depuis l’occultation du dernier Imam, le chiisme s’est divisé entre deux
courants contradictoires  : les «  pragmatiques-révolutionnaires  » et les «  idéalistes-
quiétistes ». Le premier s’incarne dans l’establishment religieux et la marja’iyat (« gui-
dance » cléricale), le second dans les tendances du soufisme (mysticisme islamique)
et ‘Ali Shari’ati (cf. infra). La théorie du Guide suprême, du velâyat-e faqih, pouvant
être appréhendée comme une synthèse extraordinaire, mais problématique, entre les
deux courants. La grande majorité des jeunes entre vingt et trente ans qui appellent
aujourd’hui au changement sont des musulmans croyants qui n’ont pas été instruits
en profondeur de la religion par des parents complètement déçus et désorientés par
les résultats de la révolution. Nombre d’entre eux, cependant, continuent à croire

1. Sur cet important aspect de la structuration généalogique du chiisme, cf. R. Mauriello, Descendants of the Family of the
Prophet (Ahl al-Bayt) in Contemporary History : The Religious Establishment of Najaf (Iraq), Supplementi alla Rivista di Studi
Orientali (à paraître), ou plus accessible, L. Trombetta, R. Mauriello, « «Fsf» : Familles sans frontières », Limes 1/2009 : Il
buio oltre Gaza, en particulier la seconde partie.
2. Pour une bonne étude de cet événement fondateur du chiisme, cf. K. S. Aghaie, The Martyrs of Karbala, Shi’i Symbols and
Rituals in Modern Iran, Seattle, University of Washington Press, 2004.
3. Cf. R. Shah-Kazemi, Justice and Remembrance : Introducing the Spirituality of Imam ‘Al , Londres, I. B. Tauris, 2006, p. 11.
4. Cf. J. Cole, N. K. Keddie (éd.), Shi’ism and Social Protest, Yale University Press, 1986.
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ou ont tout simplement besoin de croire dans leurs idéaux  : une société juste et
prospère organisée selon la loi de l’Islam  5. La vie de cette dernière est principale-
ment organisée autour des mosquées, des congrégations, des cours hebdomadaires,
de l’enseignement du Coran (et parfois de l’arabe), du deuil (et des lamentations),
des prières quotidiennes, des nombreuses commémorations annuelles des imams et
autres personnages de l’histoire islamique (chiite), des visites aux divers sanctuaires
de la carte (géographie islamique) religieuse de l’Iran (Qom, Mashhad, etc.) et du
Moyen-Orient en général (Kazimayn, Kerbala, Najaf, Damas, La Mecque, Médine,
etc.).
Rappelons que Khomeyni lui-même fit un usage regrettable de son charisme en
invitant les gens riches à abandonner leur superflu aux pauvres et aux nécessiteux et
à contribuer de la sorte à l’avènement de l’imam caché (le dernier de la chaîne des
imams entré en occultation l’année 874 et depuis attendu par les fidèles pour sauver
le monde. Nombre d’Iraniens (et à ce qu’on a écrit le père d’Ahmadinejâd) suivirent
l’invitation d’autant qu’ils croyaient que Khomeyni était lui-même le mahdi, ou
bien qu’il était en étroit contact avec lui. Ce dernier n’avait-il pas adopté le titre de
Nâ’ib al-Imâm, de lieutenant du mahdi ? Khomeyni essaya à l’inverse de prendre le
contrôle des tendances messianiques au sein de la révolution ; il ordonna en parti-
culier de démanteler l’Hojjatiye, une société messianique qui représentait un défi
considérable pour la rationalisation (humaine) de l’utopie mahdiste dans le système
du velâyat-e faqih 6

LA BIOGRAPHIE D’AHMADINEJÂD 7

Quatrième de sept enfants, Mahmûd Sabûrjhiyân est né le 28 octobre 1956 dans


le village d’Aradan, près de Garmsar, quelque 120 km au sud-est de Téhéran 8. Son
père Ahmad tenait une épicerie, puis un salon de coiffure 9 ; sa mère était connue en
tant que Sayyida Khanum, soit comme se revendiquant descendante du Prophète.
Il avait un an quand sa famille se transféra à Téhéran, changeant de nom pour « Ah-
madinejâd » pour des raisons à la fois religieuses et économiques  10 ; pour certains
analystes, ce changement de nom illustre l’enracinement dans les classes laborieuses
dévotes de marque populiste caractérisant les orientations politiques d’Ahmadine-
jâd  11. Alors que «  Sabûrjhiyân  » vient de «  peintre de cotonnades  » –  sabûr  –, à
l’époque un métier commun et humble dans l’industrie du tapis de la province

5. Cf. pour une étude de terrain de ce segment de la société iranienne et des ses positions pro-Guide, D. Thurfjell, Living
Shi’ism : Instances of Ritualisation Among Islamist Men in Contemporary Iran, Leyde, Brill, 2006.
6. Cf. A. Amanat, Apocalyptic Islam and Iranian Shi’ism, Londres, I.B. Tauris, 2009, p. 221.
7. « Biography of H.E. Dr. Ahmadi Nejad, Honourable President of Islamic Republic of Iran », president.ir, <www.president.
ir/fa/president/biography/index.htm>.
8. Cf. K. Naji, Ahmadinejad, the Secret History of Iran’s Radical Leader, Londres, I.B. Tauris, 2008, p. 3.
9. Cf. A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, Londres, New York, I. B. Tauris, 2007, p. 52.
10. Ibid., p. 51.
11. Ibid.
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d’Âbâdân (Simnan). Ahmad est l’un des noms utilisés par Mahomet et signifie « ver-
tueux » ; la combinaison avec nijad qui veut dire « race » donnant Ahmadinejâd,
« de la race de Mahomet », ou bien « de la race des vertueux » 12. Mais le choix d’Ah-
mad pourrait aussi renvoyer à un lien au père de Mahmûd, Ahmad. L’élection d’un
nom de famille « religieux » n’était en outre pas une exception. L’usage des noms de
famille fut plus généralement introduit en Iran en 1918 et devint obligatoire sous
Rezâ Shâh en 1925, nombre de noms étant assignés en fonction du métier. On peut
supposer qu’avec l’alphabétisation beaucoup de gens préférèrent se rebaptiser cultu-
rellement en fonction des références répandues dans la société et leur groupe social,
ce qui donnait chez beaucoup de gens un nom musulman. Une autre source invite
à penser que le bureau d’enregistrement ne laissait pas complètement la liberté de
choix et avait probablement suggéré Ahmad qui renvoyait à la ferveur religieuse 13.
À Téhéran, Ahmad devint forgeron et il travailla plus tard dans un magasin des
Gardiens de la révolution  14 (pour décéder en 2006 à l’âge de 82 ans)  15. Son fils
Mahmûd passa l’examen d’entrée à l’université nationale de Téhéran après avoir
achevé ses études secondaires en 1975  16. Il est censé avoir été 132e sur 400 000. Il
s’inscrivit à l’actuel Iran University of Science and Technology (IUST, à l’époque un
danishkadih, une sorte de collège à l’américaine) pour y étudier l’ingénierie civile 17.
On a peu d’informations sur ses activités avant la Révolution, mais selon certaines
sources il aurait été au Liban, en proie à l’époque à une guerre civile ouverte, et y fut
engagé dans les groupes 18. Qui plus est : il avait chez lui à Téhéran une rotative qui
lui permettait d’imprimer des tracts anti-Chah  19. La biographie officielle rapporte
que le Dr. Ahmadinejâd s’était engagé politiquement en assistant à des réunions
religieuses et politiques avant la Révolution islamique  20. La famille dut quitter la
capitale et aller se cacher au Golestân, une province au nord-est de Téhéran, à cause
de ces activités anti-Chah. En septembre 1980, l’armée irakienne envahit l’Iran et
Ahmadinejâd rejoignit les volontaires basiji (force affiliée au Sepâh-e pâsdârân, le
Corps des Gardiens de la révolution) 21, constitué en novembre 1979 22. En 1979, il
était délégué en chef de l’IUST aux assemblées qui rencontraient à l’occasion l’aya-
tollah Khomeyni 23 et qui servirent de base à l’ayatollah Mohammad Beheshti pour
instituer le Daftar-e Tahkim-e Vahdat (bureau du renforcement de l’unité) qui comp-

12. Ibid.
13. Cf. K. Naji, Ahmadinejad, the Secret History, op. cit., p. 5.
14. Cf. A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, op. cit., p. 53.
15. Cf. K. Naji, Ahmadinejad, the Secret History, op. cit., p. 1.
16. Ibid. p. 54 et « Biography of H.E. Dr. Ahmadi Nejad », op. cit. Cependant M. Sahimi, « An Administration Plagued by
Fraud and Curruption reports 1976  », <www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/tehranbureau/2010/03/ahmadinejad-and-his-
men-embodiments-of-fraud-and-corruption.html>.
17. Cf. M. Sahimi, « An Administration », ibid.
18. Cf. A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, op. cit., p. 54.
19. Ibid. p. 53.
20. « Biography of H. E. Dr. Ahmadi Nejad », op. cit.
21. Ibid.
22. Cf. M. Sahimi, « An Administration », op. cit.
23. Cf. A. Ehteshami, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, op. cit., p. 54.
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tait Ahmadinejâd parmi ses membres  24 ; autant de faits généralement restitués par
sa biographie officielle :« Après la victoire de la Révolution islamique, il fut un des
fondateurs et un membre de l’Association des étudiants de l’IUST 25. Il aurait pen-
dant ces années-là milité également dans les rangs d’Ansâr-e hezbollâh (activistes ra-
dicaux) » 26.À la même époque, il occupe une série de positions administratives dans
la province d’Azerbaïdjan occidental au nord-ouest de l’Iran, y compris le poste de
gouverneur des villes de Mâkû et Kho’i durant quatre ans. Il sera plus tard pendant
deux ans conseiller du gouverneur-général de la province du Kurdistan, à l’ouest de
l’Iran. En 1986, il commença un master en science à l’IUST (diplôme obtenu trois
ans après 27) et devint membre du conseil d’administration de la faculté d’ingénierie
civile, une position qu’il occupe toujours aujourd’hui  28. La même année, il allait
rejoindre le Sepâh-e pâsdârân 29 et y aurait travaillé dans le service de renseignement,
prenant une part singulière dans les opérations contre Kirkuk. Pour devenir par la
suite ingénieur dans la vie armée des pâsdârân (provinces occidentales de l’Iran)  30.
Quand fut instituée la Force Qods, il en devint l’un des officiers supérieurs  31. En
1993, on le nomma gouverneur général d’Ardebil qui faisait à l’époque partie de la
province de l’Azerbaïdjan oriental 32 (une position qu’il occupa jusqu’à ce que l’ad-
ministration Khâtami ne l’écarte en 1997 33) et il entra la même année au ministère
de la Culture et de l’Enseignement supérieur en tant que conseiller aux affaires cultu-
relles 34. C’est encore en 1997 qu’il obtint son Ph.D. en ingénierie et planification du
transport 35. Pendant ces années, il enseignait à l’université, écrivit nombre d’articles
scientifiques et entreprit des recherches dans de nombreux domaines. Il supervisait
aussi les thèses de dizaines d’étudiants en master et en Ph.D. dans les secteurs de
l’ingénierie, du transport et de la construction 36.
Aux élections municipales de 2003, la liste Abâdgarân-e Irân-e Eslâmi (bâtisseurs
de l’Iran islamique, BII) 37 emporta les 16 sièges du conseil municipal de Téhéran qui

24. Ses membres furent nombreux à prendre part à la prise de l’ambassade US de 1979 déclenchant la crise des otages
(1979-1981)  ; certains journaux américains ayant rapporté qu’Ahmadinejâd faisait prétendument partie des preneurs
d’otages.
25. « Biography of H. E. Dr. Ahmadi Nejad ».
26. Cf. A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, op. cit., p. 56.
27. Cf. M. Sahimi, « An Administration », op. cit.
28. Selon M. Sahimi, «  An Administration  » et A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, p.  54,
Ahmadinejâd aurait rejoint le conseil d’administration de la faculté seulement après avoir obtenu son Ph.D. en 1997. C’est
à tort qu’A. Amanat rapporte dans Apocalyptic Islam, p. 240, qu’il serait retourné à son poste à l’université technique d’Amir
Kabir (AUT) et pas à l’IUST après avoir démissionné de son poste de gouverneur, AUT, <www.aut.ac.ir>.
29. Cf. A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, op. cit., p. 55.
30. Ibid.
31. Ibid.
32. Cf. M. Sahimi, « An Administration ». A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, p. 56 donne
néanmoins Ardebil déjà établi en tant que province à part entière.
33. Cf. A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, p. 55. A. Amanat rapporte dans Apocalyptic Islam,
p. 240, que c’est Ahmadinejâd qui aurait démissionné.
34. Cf. A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, p. 56 et « Biography of H. E. Dr. Ahmadi Nejad ».
35. Selon A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, p. 52, il aurait soutenu son Ph.D. en Traffic
Management and Engineering.
36. « Biography of H. E. Dr. Ahmadi Nejad », op. cit.
37. La liste était un front de la Jamiyat-e Isârgarân-e Eslâmi (société des dévots de la révolution islamique, SFRI), fondée
officiellement en février 1997, mais dont les activités remontaient au moins à mars 1995, cf. M. Sahimi, « An Administra-
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nomma Ahmadinejâd maire de la ville. Il devenait par là aussi directeur général du


journal le plus lu de la ville, Hamshahri (le citoyen), quotidien municipal, et lança
différents périodiques affiliés au premier : le Hamshahri des quartiers distribué dans
les 22 arrondissements de Téhéran, celui des passagers, de la diplomatie, pour la
jeunesse, mensuel, sans compter les suppléments idées, étudiants 38.
L’Abâdgarân l’emporta également lors des élections au Majles (parlement) de
2004. En juin 2005, Mahmoud Ahmadinejâd démissionna de son poste de maire
de Téhéran et fut élu le 24 premier président néoconservateur  39 d’Iran après une
campagne focalisée sur le chômage, la pauvreté, l’inflation et la corruption et un pro-
gramme articulé sur les valeurs de justice et de morale islamique, de justice sociale,
d’équité, d’intégrité et de modestie ; le candidat s’était présenté comme un homme
du peuple, fier de l’aménagement spartiate de sa maison et de la simplicité de sa vie ;
il avait sillonné le pays à bord d’un minibus, parlant dans les mosquées et les salles de
prière, avec des imams de la Prière invitant par leurs prêches à voter pour lui 40. Ah-
madinejâd avait également le soutien de certains commandants du Sepâh-e pâsdârân
et basiji, de l’ayatollah Mohammad-Taqi Mesbah-Yazdi (président de l’Institut de
recherche et d’éducation imam Khomeyni à Qom, prédicateur « régulier » le ven-
dredi à l’université de Téhéran) 41 qui serait pour nombre d’observateurs le « mentor
spirituel d’Ahmadinejâd  »  42, de ses alliés BII, ainsi que du second fils du Guide
suprême, Mojtaba Khâmene’i 43 ; autant de personnages que nous allons de nouveau
rencontrer par la suite. En 2006, la propre sœur d’Ahmadinejâd, Parvin, fut élue
au conseil municipal de Téhéran  44. La même année, Mesbah-Yazdi (élu pour la
première fois en 1990) était réélu à l’Assemblée des experts en tant que représentant
de la province de Téhéran. Ahmadinejâd forma à cette époque un nouveau groupe
politique, le Rayehe-ye Khosh-e Khedmat (agréable parfum de la servitude) dont le
secrétaire général devint Mohammad ‘Ali Ramin, lequel travaillait pour Keyhân  45
(le principal journal d’Iran dont le rédacteur en chef, Hoseyn Shari’at-Madâri 46, est
nommé directement par le Guide suprême) et qui est actuellement vice-ministre de
la Guidance islamique en charge de la presse ; ce dernier fut également secrétaire de
la conférence de Téhéran sur l’Holocauste en 2006 47.

tion », op. cit. Selon d’autres sources, la SFRI aurait été instituée et placée sous les ordres directs du Guide suprême pour
s’opposer à la montée en puissance de Khâtami et à la victoire des réformateurs aux élections au Majles de février 2000, cf.
A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservatives, XV-XVI, op. cit.
38. « Biography of H. E. Dr. Ahmadi Nejad », op. cit.
39. Cf. A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservative, p. 60-61 pour les trois camps politiques post-Khâ-
tami de la littérature spécialisée : conservateurs traditionnels, réformateurs libéraux et néoconservateurs.
40. Ibid., p. 60-61.
41. Cf. M. Sahimi, « An Administration », op. cit.
42. Ibid.
43. Cf. M. Sahimi, « The Man in the Shadow : Mojtaba Khamenei », tehranbureau, <www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/
tehranbureau/2009/07/the-man-in-the-shadow-mojtaba-khamenei.html>.
44. Cf. M. Sahimi, « An Administration », op. cit.
45. Ibid.
46. Cf. pour ce personnage, <www.pbs.org/wgbh/pages/frontile/showdown/interviews/shariatmadari.html>.
47. Cf. «  Muhammad ‘Ali Râmin Mu’âvin-i Matbu’âti-yi Vizârat-i Kišvar Shud  », Radiofarda.com, <www.radiofarda.com/
content/f4_ramin_media_deputy_Iran_islamic_minister/1866517.html>.
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Ahmadinejâd fut candidat une deuxième fois en 2009. Les élections se sont
tinrent le 12 juin et le ministère de l’Intérieur annonça sa victoire le lendemain, ce
qui allait provoquer une des contestations électorales les plus dures en 30 ans de
République islamique  48. Ahmadinejâd est marié et père de trois enfants, deux fils
et une fille 49.

L’ISLAM CHIITE DANS LA BIOGRAPHIE D’AHMADINEJÂD

La biographie d’Ahmadinejâd est très utile parce qu’elle fournit des éléments
qu’on ne peut récuser. Depuis l’adolescence, le président poursuit une carrière poli-
tique et secondairement universitaire ; il n’a pas eu de formation religieuse. Les récits
de sa vie sont pleins de lieux communs et de velléité charismatique qu’on pourrait
retrouver chez presque tous les personnages de l’establishment politique iranien (à
l ‘exception significative de l’ayatollah milliardaire ‘Ali-Akbar Hâshemi-Rafsanjâni
lequel ne fut pas défait fortuitement en 2005 par le maire de Téhéran). Les données
de cette biographie suggèrent qu’il ne s’est associé à des personnages religieux qu’en
fonction de la politique et qu’il n’a jamais partagé d’expériences avec quelque per-
sonnage connu du chiisme que ce soit ; de même qu’il n’a jamais suivi les enseigne-
ments de ces personnages et ne leur est à ce que l’on sache pas apparenté par alliance.
Ce qui compte pour lui, c’est le militantisme social et politique, c’est-à-dire l’idéo-
logie révolutionnaire qui a accouché de la République islamique d’Iran, qui a donné
à une grande majorité d’Iraniens une chance de poursuivre gratuitement des études
universitaires, qui a permis aux mahrumin (déshérités) de jouer leurs atouts sur la
scène sociale et politique. C’est d’ailleurs aussi ce que suggère (involontairement ?)
la biographie présentée sur son site officiel, <www.president.ir> 50.
Il y a peu d’information sur la vie d’Ahmadinejâd et en matière religieuse ce sont
à peu près tous les topoi du fidèle chiite type de la République islamique qui font
retour. On nous raconte que le président continue à rentrer au village se recueillir
sur la tombe d’un oncle enterré dans le cimetière local 51, que ses parents expliquent
sa préoccupation à l’égard des pauvres et de l’écart économique qui se creuse entre
la campagne et les villes par sa propre familiarité avec la zone, laquelle est caractéri-
sée par une fragile économie d’élevage, et par le fait qu’il a « goûté » lui-même à la
pauvreté. Ces mêmes raisons qui expliquent pourquoi il continue de mener une vie
simple : pas de sofas, mais seulement des coussins et des couvertures dans sa maison

48. Sur ces événements, cf. R. Mauriello, « La democrazia iraniana alla prova della piazza », Limes 4/2009, La rivolta d’Iran
nella sfida Obama-Israele, et en version abrégée, « Il voto e le proteste : la grande prova della democrazia iraniana », Lime-
sonline (<www.temi.repubblica.it/limes/il-voto-e-le-proteste-la-grande-prova-della-democrazia-iraniana/5093 ?h=0>).
49. « Biography of H. E. Dr. Ahmadi Nejad », op. cit.
50. Les trois versions en persan, en anglais et en arabe sont identiques et aucune d’entre elles ne renvoie aux conceptions
religieuses d’Ahmandinejâd, ni même à la religion !
51. Cf. A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservative, op. cit., p. 52.
L'irréligion d'Ahmadinejâd 95

de Téhéran 52. Mieux : il refuse d’être le commensal de personnes qui ne paient pas


la zakât (l’aumône annuelle en faveur des pauvres)  53. Rien d’étonnant à ce qu’on
retrouve de tels topoi en ce qui concerne l’enfance du président : dès son plus jeune
âge, Ahmadinejâd avait toujours envie de réciter le Coran et il le faisait avec talent ;
l’une de ses cousines rapporte même qu’il aimait assister à l’enseignement religieux,
mais qu’on l’en chassait parce que trop jeune, dix ou onze ans, mais qu’il insistait,
disant qu’il savait son Coran  54. Un cousin du président raconte par contre que la
famille du président était réputée dans le voisinage pour organiser des séances de
lecture du Coran : son père qui ne savait pas bien lire et écrire connaissait bien son
Coran et il organisait toujours des séances d’enseignement pendant le Ramadan  55,
une information qui contredit évidemment le récit d’un Ahmadinejâd interdit d’en-
seignement.
En tant que maire de Téhéran, Ahmadinejâd a transformé les centres culturels
en centres religieux 56, en particulier durant le mois de Ramadan où ils sont utilisés
comme salles de prière  57 ; il a exigé des ascenseurs séparés pour les hommes et les
femmes dans les bureaux de la municipalité 58 ; il a proposé d’enterrer les dépouilles
des soldats tombés pendant la guerre Iran-Irak dans les plus grands squares 59. Mais
la campagne présidentielle d’Ahmadinejâd de 2005 était largement focalisée sur « ses
origines et son standing de vie modestes », ainsi que sur une « volonté d’éradiquer la
corruption et de maximiser la rente pétrolière » 60.
Si on admet avec quelques-uns des spécialistes –  et, plus significativement,
Ahamdinejâd lui-même – que l’Islam, entendu comme religion où dîn wa dawla (la
foi et l’État 61) sont étroitement associés, voire même imbriqués, il est de fait loisible
de tirer argument religieux des politiques du président.
Mais la Constitution iranienne, tout comme donc les nombreux groupes tant
dans l’appareil d’État que l’establishment religieux, ont veillé à l’élaboration d’une
division extrêmement complexe des pouvoirs ; nous serions confrontés à un sérieux
défi à vouloir que les idées religieuses du président découlent des politiques de la
Révolution islamique. Prenons pour exemples les trois cas d’espèce que sont le hijab,
les femmes, Israël et l’Holocauste :
- Hijab  62 : il est incontestablement imposé par la République islamique d’Iran
(et selon certains de fait un pilier idéologique de cette république). Or, Ahmadinejâd

52. Ibid.
53. Ibid.
54. Ibid., p. 53. Ceci alors que j’ai par moi-même constaté à Téhéran que les meilleurs étudiants (les plus pieux) y ensei-
gnent le Coran et la lecture de l’arabe aux plus jeunes, qui peuvent avoir sept ou huit ans.
55. Cf. K. Naji, Ahmadinejad, the Secret History, op. cit., p. 4.
56. Cf. M. Sahimi, « An Administration » et A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservative, p. 56.
57. Cf. A. Ehteshami, M. Zweiri, Iran and the Rise of Its Neoconservative, ibid.
58. Cf. M. Sahimi, « An Administration », op. cit.
59. Ibid. et A. Ehteshami, M. Zweri, Iran and the Rise of Its Neoconservative, ibid.
60. Cf. M. Sahimi, « An Administration », op. cit.
61. Pour ce complexe « hendiadys », cf. B. Scarcia Amoretti, Il mondo musulmano, quindici secoli di storia, Rome, Carocci,
1998, p. 19-29.
62. Cf. J. Cole, «  Tehran Police Chief Cracks down on Women with Sun Tans  », Informed Comment, <www.juancole.
com/2010/04/tehran-police-chief-cracks-down-on-women-with-sun-tans.html>.
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a ouvertement affirmé qu’il ne fait pas partie de ses préoccupations et même que
« le gouvernement n’est pas concerné par cette question et ne s’ingère pas dans cette
affaire... Pour nous, il y a quelque chose d’insultant à ce qu’un homme et une femme
qui se promènent dans la rue soient interrogés quant à la nature de leur relation.
Personne n’est habilité à poser ce genre de questions » 63. Une position dont on a
pu faire correctement remarquer qu’elle était en contradiction avec la lutte contre
le bad hejab (mauvais hijab) menée par la police sur le terrain ; mais de toute façon,
les forces de sécurité dépendent constitutionnellement du Guide suprême, ‘Ali Khâ-
mene’i, pas du gouvernement.
- Femmes : le gouvernement de second mandat d’Ahmadinejâd inclut Marziah
Vahid-Dastjerdi à la Santé et première femme ministre en République islamique
d’Iran 64 – après avoir présenté sans succès les candidatures de deux autres femmes,
Fatima Ajurlu et Soussan Keshavarz, aux postes respectifs de la Sécurité sociale et
de l’Éducation  65. Le 15 novembre 2009 la femme d’Ahmadinejâd, Azam al-Sadât
Farahi, participa à un sommet des premières dames du Mouvement des non-alignés
organisé par la Food and Agriculture Organization (FAO, Rome)  66 ; ceci peut-être
en réaction au rôle et à l’influence immenses de l’épouse de Mir-Hoseyn Moussavi
durant les élections de 2009, mais c’était en tout cas la première fois que la femme
d’un président de la République islamique représentait le pays lors d’une conférence
internationale (sans compter l’élection de sa sœur au conseil municipal de Téhéran).
Déjà à partir de ces quelques éléments on peut soutenir que nous avons plutôt affaire
à un contexte de pouvoir qu’à des questions d’ordre religieux.
-  Israël et l’Holocauste. Ahmadinejâd a tenté, mais en vain, de nommer le
père de sa bru, Isfandiyâr Rahim-Mashâ’i, en tant que son premier vice-président
(juillet  2009), bien que le Guide suprême eût été opposé à cette candidature, et
ce pour une bonne part en raison d’une déclaration du candidat  : «  Non seule-
ment nous n’avons pas d’ennemis, mais nous sommes les amis du peuple américain,
du peuple israélien, et nous sommes fiers d’avoir pour amis toutes les nations du
monde »  67 (Israël n’étant pas en l’occurrence invariablement étiqueté comme « ré-
gime sioniste » 68. Mashâ’i, de facto principal conseiller d’Ahmadinejâd, a également

63. «  Hejab and Chastity Conference Passes Quitely  », tehranbureau, <www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/tehranbu-


reau/2010/07/hejab-and-chastity-conference-passes-quietly.html?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_ca
mpaign=Feed %3A+Tehranbureau+ %28tehran+bureau %29>.
64. « Majlis endorses 18 ministers, one woman », PressTv, <www.presstv.ir/detail.aspx?id=105187&sectionid=351020101>
et S. Tisdall, « Iran appoints first female cabinet minister for 30 years », guardian.co.uk, <www.guardian.co.uk/world/2009/
sep/03/iran-woman-cabinet-minister>.
65. « Iran, la svolta di Ahmadinejad : Almeno tre donne nel governo », laRepubblica.it, <www.repubblica.it/2009/08/sezioni/
esteri/iran-7/ahmadinejad-16ago/ahmadinejad-16ago.html>.
66. « Fao, first ladies a Roma. La moglie di Ahmadinejad », LaStampa.it, <www.lastampa.it/multimedia/multimedia.asp?ID
msezione=10&IDalbum=22196&tipo=FOTOGALLERY>.
67. Cf. R. Molavi, L. K. Gandolfo, « Who Rules Iran ? », <www.thejerusalemgiftshop.com/israelinews/iran--middle-east/
iranian-threat/466-who-rules-iran-iranian-ambitions.html#_ftn1> et « So Far, Ahmadinejâd Resists In The Storm Against
Rahim Masha’i », Iranian Press Service, <www.iran-press-service.com/ips/articles-2008/august2008/so-far-ahmadinejad-
resists-in-the-storm-against-ra.shtml>.
68. Cf. J. Cole, «  Ahmadinejâd Bows to Khamenei on First Vice President  », Informed Comment, <www.juancole.
com/2009/07/ahmadinejad-bows-to-khamenei-on-firts.html>.
L'irréligion d'Ahmadinejâd 97

été « accusé » d’avoir déclaré que toutes les grandes religions étaient vraies, et donc
d’être favorable au pluralisme religieux, de même que d’avoir affirmé que la phase
islamiste étaient achevée et l’idée désormais périmée  69. À suivre Ahmadinejâd lui-
même, l’affaire était politique au sens que « les juifs étaient les premières victimes
du sionisme qui avait commis des crimes au nom du peuple juif et les avait du
même coup diffamés »  70. De la même manière, certains observateurs ont correc-
tement relevé qu’Ahmadinejâd n’avait jamais proclamé vouloir « rayer Israël de la
carte », l’expression n’existant pas en persan, mais cité les mots de Khomeyni :« ’in
rezhim-e ishghalgar-e Qods bâyad az safheh-ye ruzgâr mahv shavad  », soit quelque
chose comme :« Ce régime qui occupe Jérusalem doit disparaître du monde »  71.
Donc une déclaration d’ordre politique et non religieux (rappelons à cet égard que
l’Iran « abrite » avec 20 000 juifs la deuxième plus importante communauté juive
du Moyen-Orient et que les juifs ont leurs propres députés au Majles). Une affaire
déterminante dans l’histoire de l’Islam et encore plus dans l’Islam chiite. Dans la
mesure où ce « peuple du Livre » 72 respecte l’Islam et un certain nombre d’obliga-
tions, la loi musulmane lui assure une protection qui lui a été dévolue tout au long
de l’histoire islamique (et de l’Iran). Et plus précisément, les chiites se sont large-
ment décrits eux-mêmes en tant que minorité opprimée et incomprise, même après
1501 quant le chiisme devint religion officielle de l’Iran (avec une population de
70 millions d’habitants aujourd’hui) ; un sentiment qu’ils partagent curieusement
avec les citoyens de l’État d’Israël, le seul pays du Moyen-Orient à posséder l’arme
de dissuasion la plus redoutable, la bombe atomique.

C’est justement parce qu’il se réfère de façon très générale à la religion que ceux
qui veulent s’en prendre à lui ont la part belle pour soulever la question de ses liens
présumés étroits avec l’association islamique Hojjatiye 73, démantelée trente ans plus
tôt par l’imam Khomeyni !, et la mosquée Jamkaran (près de Qom  74). L’ayatollah
Mesbah-Yazdi et puis, au second plan, Mojtaba Khâmene’i, Hoseyn Shari’at-Madâri
et le Corps des Sepâh-e pâsdârân 75.
Certes, la référence au Mahdi est un trait majeur des discours d’Ahmadinejâd et
les liens mentionnés supra provoquent de sérieuses préoccupations dans la commu-

69. Ibid.
70. « There is no Conflict among those who follow the Messengers of God », Islamic Republic of Iran’s Presidenct Website,
<www.un.president.ir/en/?ArtID=12064>.
71. Traduction de l’auteur ; pour une version similaire, mais plus prestigieuse, cf. J. Cole, « Ahmadinejad : I am not anti-
Semitic », Informed Comment, <www.juancole.com/2007/06/ahmadinejad-i-am-not-anti-semitic.html>.
72. Théoriquement les juifs, les chrétiens, les zoroastriens ; historiquement bien d’autres.
73. Pour un exemple très au-delà des limites du scientifiquement acceptable, B. Sarfaras, «  The Hidden Imam and
His Cult  », tehranbureau, <www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/tehranbureau/2010/07/mahdi-slideshow.html?utm_
source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed %3A+Tehranbureau+(tehran+bureau> ; l’article est cepen-
dant utile parce que fournissant des tableaux de la participation populaire au culte de l’Imam caché.
74. <www.Jamkaran.info> and <www.jafariyanews.com/oct2k2/22_Jamkaran.htm>.
75. De 2005 à 2010, l’administration Ahmadinejâd aurait accordé près de 10 milliards de contrats aux compagnies sous
contrôle des Gardiens. Ce qui peut aussi s’expliquer par une volonté déclarée de suivre le modèle économique chinois qui
dominait largement le discours en la matière des néoconservateurs iraniens.
98 Raffaele Mauriello

nauté internationale, en particulier du moment où Israël a sonné l’alarme 76, le tout


amplifié par le rôle du mahdisme au sein de l’association Hojjatiye.
Mais je veux au préalable d’emblée déclarer mon scepticisme quant à la foi d’Ah-
madinejâd dans l’avènement rapide du Mahdi et il convient selon moi de l’appré-
hender avec deux réserves.
Du strict point de vue chiite, à mon avis, il n’y a rien de nouveau à utiliser le
Mahdi à des fins politiques – et jusqu’à un certain point dans le quotidien ; ce qui
est nouveau quant à la République islamique, c’est que cela vienne du premier prési-
dent n’ayant pas étudié dans une hawza (groupe d’étude traditionnel) où les savants
potentiels poursuivent leur formation (qu’il n’est donc pas ‘âlim) 77. L’une des « cri-
tiques » communément adressées à Ahmadinejâd, c’est que son arrière-plan social
n’est pas connu et que son ascension au pouvoir ne peut pas être due à ses capaci-
tés (un argument parfois également utilisé contre Barack Obama). Cet argument
discutable renvoie à une opposition de fond du chiisme et à la difficulté, pour le
président, de trouver sa place dans ce cadre : la division de l’establishment religieux
entre les partisans du velâyat-e faqih, du Guide suprême, et ceux des marj’iyat, la
« guidance » cléricale (les ayatollahs comme ‘Ali Sistâni), Rafsanjâni et Mesbah-Yazdi
se rangeant dans le premier camp, Mir-Hoseyn Moussavi et Mohammad Khâtami
dans le second. Ici, il n’est pas facile de situer Mahmûd Ahmadinejâd. Alors qu’il
apparaît ne pas avoir de bonnes relations avec les marj’iyat, certains éléments indi-
quent une convergence politique avec le velâyat-e faqih en tant qu’institution « natio-
nale ». Comme en témoigne le fait que le principal journal important défendant sa
présidence, Vatan-e Imruz (mon pays aujourd’hui) a une ligne éditoriale largement
nationaliste et non religieuse.

VERS UNE CONCLUSION : AHMADINEJÂD ENTRE LE FONDAMENTALISME MUSULMAN


ET LE SOCIALISME ISLAMIQUE

Le 6 septembre 2009, le président iranien emmena Hugo Chávez visiter le sanc-


tuaire le plus important et le plus visité d’Iran, celui de l’Imam Rezâ à Mashhad.
Ce qui allait provoquer un tollé parmi les conservateurs iraniens, en particulier
parce que la partie centrale du sanctuaire – et non le sanctuaire à proprement parler
comme l’ont rapporté incorrectement les médias – était censée être « interdite » aux
non-musulmans. Mais ce qui est intéressant, c’est la déclaration d’Ahmadinejâd lors

76. «  Ahmadinejad’s mentor  : «Jews are the most corrupt in the world»  », Aladdin Project, <www.projetaladin.org/en/
homepage/cronicle/ahmadinejads-mentor-jews-are-the-most-corrupt-in-the-world.html>, « Ahmadinejad’s Imam : Islam
Allows Raping, Torturing Prisoners », Arutz Sheva, <www.israelnationalnews.com/News/News.aspx/133214> et « Ayatollah
Mesbah-Yazdi and Anti-Semitic Speeches », Middle East Affairs Information Center, <www.crethiplethi.com/ayatollah-mes-
bâh-yazdi-and-anti-semitic-speeches/islamic-countries/iran-islamic-countries/2010/>.
77. Peut-être y a-t-il là une conséquence du projet d’‘Ali Shari’ati de « populariser » ou de « démocratiser » la science
islamique en la faisant sortir des hawza ? Mais si le personnage ne les avait pas non plus fréquentées et qu’il était docteur
de la Sorbonne, il avait dès sa tendre enfance été lié à d’éminents savants de l’établissement religieux.
L'irréligion d'Ahmadinejâd 99

de la conférence de presse conjointe dans la salle aux miroirs du sanctuaire : il était


heureux de ce que la fin de la visite de monsieur Chávez coïncide avec un pèlerinage
au sanctuaire de l’imam Rezâ, un être supérieur et un grand défenseur de la justice
sociale dans le monde 78.
Je ne puis m’empêcher de me demander, tout comme le fit un ‘âlim conservateur
iranien, si Ahmadinejâd était en possession d’informations non communiquées sur
une conversion de Chávez à l’islam ; le président vénézuélien doit-il être considéré
comme un musulman fondamentaliste ou comme un socialiste islamique ? Je laisse
la réponse à mon estimé lecteur.

TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR VERA DURCKHEIM

78. « Vakunish-i yik nimāyandi bi khalāf-i shar’ Ahmadinejad », P rlam nniywz, <www.parlemannews.ir/ ?n=3325>.

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