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Jean-François TH IRI ET EDITION

Se préparer à
RÉSOUDRE UN CONFUT

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ai AU TRAVAIL OU EN PRIVE,
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O COMMENT GÉRER POSITIVEMENT
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LES RELATIONS DIFFICILES ?

2® édition
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EDITION

Se préparer à
RÉSOUDRE UN CONFLIT

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S e p ré p a re r à ré s o u d re u n c o n flit
Au travail ou en privé, comment gérer positivement
les relations difficiles?

Auteur: Jean-François THIRIET

Édition 2016

© GERESO Edition 2014, 2016


Direction de collection: Catherine FOURMOND
Suivi éditorial et conception graphique intérieure: GERESO Édition
Principe de couverture: ATMOSPHÈRE COMMUNICATION
Illustration : © NLshop/istockphotos.com

www.gereso.com/edition
e-mail : edition@gereso.fr
Tél. 02 43 23 03 53 - Fax 02 43 28 40 67

Reproduction, traduction, adaptation interdites


Tous droits réservés pour tous pays francophones
Loi du 11 mars 1957

Dépôt légal: Avril 2016


ISBN : 978-2-35953-344-6
O EAN 13:9782359533446
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>. GERESO SAS au capital de 160640 euros - RCS Le MANS B 311 975 577
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O Siège social : 38 rue de la Teillaie - CS 81826 - 72018 Le Mans Cedex 2 - France
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EDITION
Du même auteur :

J’ai décidé d’être heureux... au travail

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la librairie RH by GERESO
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Remerciemenrs

Merci à Jacques Dechance, je ne le dirai jamais assez...

Merci à Gérard, Monique, Céline et Alain Fleury-Mathieu pour oser croire


dans la qualité relationnelle.

Mes remerciements vont aussi à Marc Lecordier, mon superviseur, pour


son accompagnement fraternel et inconditionnel.

Merci à mes confrères et consoeurs de promotion du CAP’M, une formation


qui décoiffe !

Merci à Jean-Louis Lascoux et aux membres de la Chambre profession­


nelle de la médiation et de la négociation pour faire vivre la médiation
professionnelle.

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S O M M A IR E

Préface........................................................................................................ 11
Introduction................................................................................................. 15

Chapitre 1 - Préparation mentale : tête.................................................19


Suis-je en conflit ? ......................................................................................20
Avec qui suis-je en conflit ? Vraiment ?....................................................25
Qu’est-ce que ça signifie résoudre ce conflit ?........................................ 28
Dois-je résoudre ce conflit ? ...................................................................... 31
Ai-je intérêt à résoudre ce conflit ? ........................................................... 36
Quelle est la situation ? ..............................................................................40
Quel est mon objectif ?...............................................................................47

Chapitre 2 - Préparation ém otionnelle : c o e u r....................................53


Que signifie gérer ses émotions en situations conflictuelles ? ............... 54
Qu’est-ce qu’une émotion ?....................................................................... 58
Q u e l e s t m o n é ta t é m o tio n n e l d a n s ce c o n flit ? .................................. 63
Comment gérer mon émotion dans ce conflit ?........................................ 67
P lu s je ré s is te à u n e ém o tion , p lu s e lle p e r s is te ................................. 68
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CO C o m m e n t u tilis e r le s é m o tio n s d e l ’a u tre d e fa ç o n c o n s tru c tiv e ? ..... 71
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O) Q u e fa ire q u a n d le c o n flit e s t ré s o lu e t q u ’il re s te la b le s s u re ? ......... 74
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(N Chapitre 3 - Préparation physique et environnem ent :
O pieds et jam bes......................................................................................... 79
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ai Pourquoi se préparer physiquement dans un conflit ? ............................80
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O Quelle posture adopter pour la résolution des conflits ? .........................83
(J
Quelles sont les postures qui contribuent
à maintenir la situation conflictuelle en l’état ? ........................................ 86
Quelles sont les deux clés non verbales les plus importantes ? ............ 90

7
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Comment organiser le lieu de la résolution du conflit ?...........................93

Chapitre 4 - Préparation verbaie : bouche et o re iiie s ....................... 97


Avant « quoi >>, « comment » lui dire ? .....................................................98
Qu’est-ce que communiquer en résolution de conflit ? ...........................99
Quels sont les réflexes de communication qui contribuent
à faire durer le conflit ? ............................................................................103
Que dire face à quelqu’un qui devient agressif ? .................................. 112
Comment puis-je exprimer ma colère de façon juste ? .........................114
Revenir à nos sensations et notre respiration................................... 116
Se concentrer sur ce qui observable, mesurable, quantifiable........ 116
Exprimer notre sentiment.....................................................................117
Identifier et exprimer notre besoin si le contexte le permet
(niveau de confiance)...........................................................................119
Formuler une demande orientée « solution » ................................... 119
Comment dire « non » sans culpabiliser ? ............................................. 121
Est-ce vraiment utile de s’excuser ?........................................................125

Conclusion................................................................................................ 129
Fini de se préparer, il est temps d ’y aller :
corps-coeur-téte-jambes-pieds........................................................... 129
Postface................................................................................................... 133
Annexe......................................................................................................137
Comment savoir si je dois faire appel à une aide extérieure ?.............. 137
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011 Bibliographie............................................................................................. 141
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LD À propos de l'auteur.................................................................................143
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« Echouer à se préparer, c'est se préparer à échouer »
John w ooden

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Préface

Voici un ouvrage clair et précis sur un sujet extrêmement utile pour le


monde actuel. Jean-François Thiriet nous livre le fruit d’un long parcours
personnel dans un style très professionnel.

Tous les acteurs de l’entreprise sont en effet concernés. La paix sociale


est à ce prix : éduquer toute personne à la maîtrise de ses ressources
constructives pour passer de la réaction à la relation. De nouvelles formes
d’intelligences sont reconnues par les sciences humaines, telle l’intelli­
gence émotionnelle et relationnelle. Nous nous retrouvons bien, grâce à
Jean-François Thiriet, dans cet apprentissage subtil qui est si utile pour
notre quotidien. Dans notre culture, et surtout en France, nous sommes
programmés par une dualité omniprésente : le bien / le mal, la droite / la
gauche, j ’aime / je n’aime pas. Cet antagonisme systématique oppose.

Les récents événements sociétaux en sont une bonne illustration qui


montre à quel point nous avons tendance à tenir des positions crispées
sur une seule facette de la réalité. Nos cerveaux sont façonnés pour sépa­
rer, morceler, comparer, juger, projeter et « partir en guerre >> contre. Or,
les anthropologues nous font découvrir des peuples premiers où le mot
O
tn
QJ conflit n’existe pas dans le langage, où les comportements et les représen­
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QJ
e? tations mentales sont largement orientés vers la solidarité, le consensus

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< et la coopération. Il est temps de nous déconditionner de fonctionnements
O
rvj erronés et de nous réconcilier au cœur de nous-mêmes, de relier nos deux
hémisphères, de relier notre corps à notre cœur, et notre cœur à notre
sz conscience, pour être et agir avec sagesse. C’est la prochaine évolution
CT
>•
Q.
salutaire pour notre espèce. Paradoxalement, c’est aussi une manière
O
(J d’être enfoui dans nos racines.

Un anthropologue a demandé de participer à un jeu aux enfants d’une


tribu africaine. Il a mis un panier de fruits près d’un arbre et a expliqué aux

11
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

enfants que le premier arrivé gagnerait tous les fruits. Au signal, tous les
enfants se sont élancés en même temps... en se donnant la main ! Puis, ils
se sont assis ensemble pour profiter de leur récompense. Lorsque l’anthro­
pologue leur a demandé pourquoi ils avaient agi ainsi, alors que l’un d’entre
eux aurait pu avoir tous les fruits, ils ont répondu : « Ubuntu. Comment l’un
d’entre nous peut-il être heureux si tous les autres sont tristes ? » Ubuntu
dans la culture Xhosa signifie : « Je suis parce que Nous sommes. »

Tous les grands leaders constructifs ont développé cet art « d’être avec ».
Souvenons-nous de Martin Luther King, homme pétri de justice et d’égalité.
Regardons aujourd’hui Aung San Suu Kyi, grande figure birmane, inspirée
par Gandhi avec une forte intégrité et une cohérence entre ses actes et ses
paroles. Les êtres qui ont marqué l’histoire par leur puissance d’action au­
tant que par leurs paroles doivent nous inspirer. Eh bien, Nelson Mandela a
été élevé dans l’éthique et la philosophie humaniste de cette communauté
Xhosa exceptionnelle. Combien de conflits a-t-il su assumer ! Ou plutôt,
combien de situations a-t-il su pacifier ?

Au fond, et je l’exprime avec intensité, le conflit n’est qu’une histoire


d’ego.

Comment cesser de se crisper sur « ma » certitude ? Comment ne pas


me sacrifier pour « ton » opinion ? Ni Toi, Ni Moi ? Alors que reste-t-il ? La
relation elle-même, le grand NOUS, le fameux 3® terme.

L’idée d’explorer la préparation personnelle au conflit dans ses différentes


facettes est très pertinente. En effet, tout conflit monte en pression parce
que des maladresses, des malentendus et un manque de connaissance
ont manqué en amont. C’est tout l’art d’être désarmant aux prémices de la
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01 tension qui me semble être au cœur du sujet.
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«tJHD Lorsqu’une célèbre journaliste du journal allemand Der Spiegel es\ inter­
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fNJ rogée sur la différence de performance entre la France et l’Allemagne,
la réponse est limpide : « Tout se joue à l’école : les jeunes allemands
jC apprennent très tôt à travailler ensemble et à communiquer de façon
CT
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CL
constructive. » La compétition nourrit le conflit, la « cooptition » serait un
U
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néologisme signifiant l’union de la performance et de la coopération. La
nature elle-même nous prouve que c’est possible lorsque, par exemple,
certains arbres sont capables de s’envoyer des messages pour se pré­
venir du danger et changer leurs odeurs, ou encore lorsque les dauphins

12
PR EFAC E

s’entraident avec des stratégies incroyablement intelligentes. Sommes-


nous devenus, avec le culte du progrès à tout prix, des êtres agressifs et
prédateurs où la fin justifie les moyens ? C’est ce que les médias nous font
si souvent croire. Pourtant, la science du comportement nous montre que
la majorité de nos actes sont en fait beaucoup plus altruistes que nous ne
le pensons. Mais, nous sommes tellement maladroits dans notre façon de
faire ! C’est bien pour cela qu’un tel livre a du sens.

Puis-je passer au-delà ? Au-delà de moi, au-delà de toi, et nourrir la rela­


tion. Alors, l’inattendu, auquel nous n’avions pas imaginé l’instant d’avant,
peut surgir. Le conflit peut devenir un acte créateur puissant, si nous sa­
vons nous y préparer en finesse. C’est ce que vous découvrirez au fil des
pages grâce à Jean-François Thiriet et plus encore ! Et surtout, cet ouvrage
offre une pédagogie incontournable pour « s’en sortir >> et mieux utiliser
notre altruisme naturel. Qu’il puisse apporter à chaque lecteur une graine
de paix à semer dans le monde !

Jacques Dechance
Auteur et consultant dans le domaine
du leadership et puissance personnelle

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Inrroducrion

« Tout p o rte u r d 'u n p ro b lè m e e s t p o rte u r d e sa solution.

C’est courageux !

Vous venez d’acheter un livre qui vous propose d’arrêter de gérer les conflits
pour commencer à les résoudre. C’est courageux parce que cela signifie que
vous êtes prêt, prêt à faire face à une réalité souvent difficile à admettre :
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O) Les conflits existent, une vie sans confiit est impossible.
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Et il en faut du courage pour arrêter de se voiler la face, pour arrêter de se
(y) dire : « C’est pas normal qu’il y ait des conflits dans mon équipe », « Il ne
x:
ai devrait pas y avoir de conflits... » Bref, il en faut du courage pour lâcher
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l’espoir d’une vie libre de tout conflit.
CL
O
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En même temps, accepter de voir l’existence d’un conflit est le premier pas
vers sa résolution. Sans cette conscience que quelque chose ne va pas,
sans cette conscience que « ça suffit », pas de mouvement. Sans faire taire

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SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

cette voix qui nous dit : « C’est pas si grave ! », « Ça doit être de ma faute »,
« Je vais prendre sur moi », pas de possibilité de résoudre quoique ce soit.

Alors, oui, bravo !

Bravo parce qu’avec ce livre vous venez aussi de prendre le risque de


résoudre les conflits. Car,

Il n’y a pas de gestion de conflit sans prises de risque ni coûts.

C’est si évident. Mais combien d’entre nous sommes encore en train de cher­
cher la baguette magique qui nous permettrait de résoudre un conflit en un
claquement de doigt : des outils de résolution de conflits qui nous permettrait
de résoudre TOUS les conflits, face à TOUS les interlocuteurs, SANS efforts,
et qui ne nous demande pas de changer notre façon de faire habituelle, mais
qui nous aide à changer les façons de faire habituelles des autres !

Ici, les risques et les coûts ne sont pas que financiers, ils sont émotionnels,
relationnels, affectifs, organisationnels. Penser résoudre un conflit sans
risque, ni coût, c’est continuer à croire à la baguette magique : « Si seule­
ment mon boss pouvait comprendre tout seul que... »

Oui, il va falloir oser, au risque de... et le plus grand risque en matière de


conflit, c’est le confort de nos habitudes. Parce qu’il faut bien le reconnaître :

Dans un conflit, c’est parfois notre façon


de le gérer qui est plus problématique que le conflit lui-même.

C’est vrai certains conflits ressemblent plus a des règlements de compte


0
in qu’à des tentatives de résolution, non ? La nuance est de taille : « Suis-je
0)_1 en train de régler des comptes ? Où suis-je en train de chercher à résoudre
O)
(J un conflit ? » est une question qui doit constamment nous habiter en situa­
UD
O tion conflictuelle.
rsj

Expérience : Les conflits et moi


ai
> - Prenez quelques instants sur une feuille pour décrire les conflits que
C l
O vous avez connus dans votre carrière, récents ou lointains :
U
- Conflit n° 1 : un conflit plutôt facile à gérer, passé ou présent.
Avec qui ? À propos de ? Comment ai-je réagi ? Comment l’autre a-t-il
réagi ? Comment cela s’est-il résolu ?

16
IN TR O D U C TIO N

- Conflit n° 2 : un conflit plutôt facile à gérer, passé ou présent.


Avec qui ? À propos de ? Comment ai-je réagi ? Comment l’autre a-t-il
réagi ? Comment cela s’est-il résolu ?

- Conflit n° 3 : un conflit plus difficile à gérer, passé ou présent.


Avec qui ? À propos de ? Comment ai-je réagi ? Comment l’autre a-t-il
réagi ? Comment cela s’est-il résolu ?

- Conflit n° 4 : un autre conflit plus difficile à gérer, passé ou présent.


Avec qui ? À propos de ? Comment ai-je réagi ? Comment l’autre a-t-il
réagi ? Comment cela s’est-il résolu ?

Questions
Quand vous relisez vos réponses, qu’est-ce qu’un conflit facile à gérer
pour vous ?
- Pour moi, un conflit plutôt facile à gérer, c’est quand...
- De quelles compétences faites-vous preuve et qui rend sa
résolution facile ?
- C’est facile à résoudre pour moi parce que...
- Qu’appelez-vous un conflit plus difficile à gérer ?
- Pour moi, un conflit plutôt difficile à résoudre, c’est quand...
- De quelles compétences auriez-vous besoin pour faciliter sa
résolution ?
- Ce serait plus facile à résoudre pour moi si je savais...

Alors quand vous relisez ces exemples, lesquels étaient de la résolution


de conflits, lesquels étaient des règlements de compte ? Il n’y a aucun
O
CO
O)
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mal à vouloir régler des comptes, si c’est un choix conscient de notre part.
O) Car si nous choisissons le règlement de compte de façon consciente, cela
(J
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1-H implique que nous sommes capables d’assumer les conséquences de
O
(N ce choix de stratégie. En revanche, si nous n’assumons pas ces consé­
quences, peut-on vraiment dire que c’était un choix ?
CT
>-
Q.
Apprendre à devenir coresponsable dans un conflit est une qualité fonda­
O
U mentale et, vous commencez à le comprendre maintenant, ce livre est un
guide de la coresponsabilité en situation conflictuelle, un pas à pas vers
une plus grande qualité et clarté relationnelle. Pour cela, il va vous amener
vers le chemin de la cohérence en vous proposant de vous préparer phy-

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SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

siquement, émotionnellement, mentalement, autant que verbalement à la


résolution du conflit.

Parce qu’au fond si nous n’avons pas le contrôle sur l’issue d’un conflit,
nous l’avons au moins sur nous-méme. Et c’est le projet de ce livre, re­
prendre d’abord le pouvoir sur soi avant de chercher à l’exercer sur l’autre.

À qui se destine ce iivre ?


Ce livre a été écrit en pensant au monde de l’entreprise : que vous soyez
salarié, cadre ou dirigeant, vous allez découvrir ici des clés de compréhen­
sion et d’action, qui vont vous permettre de développer votre intelligence
situationnelle des conflits.

Si vous allez au fond des choses, vous découvrirez que les outils présentés
ici seront aussi très adaptés à votre univers personnel. Car si les conflits
en entreprise comportent des enjeux spécifiques, la résolution des conflits
dans la vie privée et au travail font appel à la même préparation mentale,
émotionnelle, physique et verbale.

Même s’ils comportent quelques références scientifiques, ce livre n’est pas


une revue de la littérature sur le sujet des conflits, mais le fruit de mon
expérience de médiateur et de formateur en résolution des conflits. Il est
donc très orienté « outils » sans oublier de donner du sens à l’utilisation de
ces outils sans lesquels ils ne seraient que des « techniques ».

Depuis huit ans, je vois passer des stagiaires en formation qui souffrent du
poids des conflits qu’ils vivent au quotidien et qui cherchent des solutions.
Ce qu’ils découvrent au bout des trois jours, c’est qu’ils en font partie.
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In
01
i_ Comment lire ce livre ?
(U
D
yn Vous pouvez lire ce livre de façon linéaire du début à la fin ou bien aller
O
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directement au chapitre ou à la question qui vous travaille.

x:
ai Chaque chapitre se conclut par une synthèse qui s’appelle « Avant de
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résoudre le conflit ».
CL
O
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Vous y trouverez l’essentiel du contenu des chapitres sous forme de
questions. Elles vont droit au but pour vous préparer mentalement, émo­
tionnellement, physiquement et verbalement à la résolution du conflit.

18
C h a p itre 1

PréparaHon menrale : rêre

O « Avant d'échanger, il faut comprendre.


to
0) Avant de comprendre, il faut écouter.
eu
(J Avant d ’écouter, il faut observer.
UD Avant d ’observer, il faut se préparer à la différence avec intérêt. »
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SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Suis-je en conflit ?
Expérience
Définissez pour vous ce qu’est un conflit.
« Pour moi, un conflit c’est... »

En voici une définition : « Un conflit correspond à l’interaction de personnes


interdépendantes qui perçoivent des oppositions de buts... et qui voient
l’autre partie comme interférant dans la réalisation de leurs buts.

Alors ? Que constatez-vous ?

Pour les auteurs, être en conflit c’est donc se confronter à la différence


de buts, en l’occurrence. Cette définition nous emmène implicitement à la
question de l’altérité : le caractère de ce qui est autre. Ces deux concepts
nous interrogent sur notre relation à la différence, à l’autre, en tant qu’il est
autre que soi.

Ressentez-vous le vertige philosophique de la question ?

Quand je suis en conflit, je suis en conflit avec un autre : autre par sa


culture, ses valeurs, ses expériences, son histoire, ses croyances, ses
peurs, ses espoirs, son état émotionnel, ses contraintes, ses besoins...
pas seulement de par son but.

Et cela est vrai aussi quand je ne suis pas en conflit. Même si tout va bien
avec l’autre, il n’en demeure pas moins « autre ». Pensez aux premiers
moments d’une rencontre avec quelqu’un, avez-vous remarqué ce pro­
cessus inconscient que nous mettons en place dès que nous rencontrons
O
to quelqu’un de nouveau ?
eu
eu
(J Prenez quelques instants pour y réfléchir et retrouvez ce que les psychosocio­
to
tH
O logues appellent le « biais de familiarité », c’est-à-dire la tendance que nous
fNJ
avons à faire confiance à ce qui nous est connu, qui se manifeste par la re­
jC cherche de ressemblances avec quelqu’un que nous connaissons déjà dans
CT
's _
> les traits de la personne que nous rencontrons pour la première fois : « Tiens,
CL
O il ressemble à mon ami Marc... », sous-entendu : « Si tu lui ressembles, j’ai
U
l’impression de te connaître, et (même si c’est faux) cela me rassure. »

1. Putnam (L. L), & Poole (M. S.), « Conflict and negotiation in F. M. Jablin (Ed.), Handbook of
organizational communication, p. 552, 1987.

20
P R EPAR ATIO N M ENTALE : TE TE

Même cette collègue avec qui je m’entends si bien, malgré tout ce qui nous
rapproche, elle est « autre ». Et nous avons tendance à l’oublier et c’est
souvent au moment d’un conflit que nous nous en souvenons douloureuse­
ment. Oui, même si nous avons tous deux bras, deux jambes, un cerveau,
deux yeux, tout chez l’autre est autre.

Mais est-ce réellement un problème ? Non, ce qui est problématique, c’est


quand ce qui est autre est vécu sur le mode antagoniste. C’est-à-dire
quand je suis « contre » ce qui est autre. De cette vision de l’autre comme
ennemi découlent tous les comportements qui participent à maintenir une
relation conflictuelle.

Si l’autre est « adversaire », étymologiquement celui qui se dirige contre


moi, il devient un opposant et son point de vue est opposé au mien.

On attribue à Aristote et à son principe de « non-contradiction » l’idée selon


laquelle une chose ne peut pas « être » et « ne pas être » à la fois. Nous
en voyons l’héritage dans notre façon de penser en noir et blanc : « C’est
ou bien, ou bien... » et dans les conflits : « Si j ’ai raison, tu as tort », « Si tu
as raison, c’est que j ’ai to rt.» Et : « Si je gagne, tu perds » ou encore : « Si
je perds, tu gagnes. »

Si maintenant l’autre est simplement vécu comme autre, c’est une tout
autre relation qui se noue avec lui, son point de vue ne s’oppose pas au
mien, il se juxtapose au mien^. Ce n’est plus lui OU moi, c’est lui ET moi
dont il s’agit, dans une coexistence, pas une lutte. De là naît une qualité
intéressante pour résoudre les conflits : la curiosité pour ce qui est autre,
nous y reviendrons.
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Toi ou moi ; Toi contre moi - Opposition de points de vue


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2. Définition de « Opposer » : faire s ’a ffronter deux personnes, deux groupes, les mettre en face-à-face
dans une compétition.
Définition de « Juxtaposer » : placer des choses Immédiatement l ’une à côté de l ’autre.

21
SE P R É P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Toi et moi - Juxtaposition de point de vue

« La peur de la différence est la peur de la vie elle-même, »


M ary P arker F o llet

Oui, si l’altérité peut me rendre curieux, l’adversité m’amène à coup sûr à


me défendre ou à attaquer car cet autre menace mon identité propre avec
sa différence.

Par ailleurs, ce que cette définition omet de souligner, c’est l’importance


des émotions dans le conflit. Si l’on en croit les auteurs, le conflit serait
affaire de buts. Or, combien de fois l’opposition de buts passe au second
plan dans un conflit, combien de fois l’émotion domine notre raison et notre
pensée et l’on finit par oublier à propos de quoi l’on se dispute ?

Très souvent, nous confondons le conflit et notre émotion liée au conflit.


Nous ne sommes pas vraiment dans une opposition de buts, nous sommes
juste blessé par le comportement de l’autre. Et cette blessure se résume
souvent à :
O
to - « Tu as dit / Tu n’as pas dit. »
0)
eu - « Tu aurais dû dire / Tu n’aurais pas dû dire. »
(J
tû - « Tu devrais dire / Tu ne devrais pas dire. »
O
(N
- « Tu as fait / Tu n’as pas fait. »
x: - « Tu aurais dû faire / Tu n’aurais pas dû faire. >>
CT
>. - « Tu devrais faire / Tu ne devrais pas faire. »
CL
O
(J - « Tu ressens / Tu ne ressens pas. >>
- « Tu devrais ressentir / Tu ne devrais pas ressentir. »

22
P R EPAR ATIO N M ENTALE : TE TE

Expérience
Pour vous aider à préparer la résolution de ce conflit, reprenez cette
grille et demandez-vous ce qui, de votre point de vue, a généré le
conflit et précisez-le.
□ a dit / Il n’a pas dit. »
□ aurait dû dire / Il n’aurait pas dû dire. »
□ devrait dire / Il ne devrait pas dire. »
□ a fait / Il n’a pas fait. >>
□ aurait dû faire / Il n’aurait pas dû faire. »
□ devrait faire / Il ne devrait pas faire. »
□ ressent / Il ne ressent pas. »
□ devrait ressentir / Il ne devrait pas ressentir. »

Alors, que découvrez-vous ? Comment cela vous aide-t-il ?

Maintenant, reprenez cette même grille, et demandez-vous ce qui du


point de vue de l’autre a généré le conflit :

« Selon lui, qu’est-ce que j ’ai... et qui a contribué au conflit ? » :


□ « J’ai dit / Je n’ai pas dit. »
□ « J’aurais dû dire / Je n’aurais pas dû dire. »
□ « Je devrais dire / Je ne devrais pas dire. »
□ « J’ai fait / Je n’ai pas fait. »
□ « J’aurais dû faire / Je n’aurais pas dû faire. »
0
1 □ « Je devrais faire / Je ne devrais pas faire. »
0/11
i_
(U
(J □ « Je ressens / Je ne ressens pas. »
UD □ « Je devrais ressentir / Je ne devrais pas ressentir. »
O
rsl

Idem, qu’est-ce que ce changement de perspective vous apprend ?


ai Comment cela vous aide-t-il ?
CL
O
U Cette grille de lecture nous aide aussi quand nous sommes face à l’autre et
que nous cherchons à comprendre son point de vue.

23
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Cela peut nous aider à lui restituer ce que nous comprenons de façon plus
claire :
« Tu aurais aimé que je dise... que je ne dise pas... >>
« Tu n’as pas apprécié que je fasse... que je ne fasse pas... »
« Tu attendais de moi que je dise... »
« Tu attendais de moi que j ’arrête de faire... »

Ces petites phrases clés font des merveilles, essayez-les...

L’enjeu de l’altérité est fort aussi dans le milieu professionnel. Nous savons
aujourd’hui que les décisions comme les relations interpersonnelles en
entreprise se font de façon beaucoup plus irrationnelle que rationnelle.

Imaginez, vous recevez dans votre service un nouveau collaborateur et


parce que votre « biais de familiarité » passe par là, vous avez un bon
feeling avec lui. Vous êtes vite en confiance et vous commencez à res­
sentir un début de sympathie pour lui. Vous avez entendu parler de son
parcours, de son diplôme, de ses réussites, c’est d’ailleurs pour cela qu’il a
été recruté par les ressources humaines et votre collaboration démarre sur
les chapeaux de roue...

L’ambiance est super, jusqu’au jour ou vous constatez quelques erreurs,


puis quelques retards dans les livrables. Bon joueur, vous vous dites que
ce sont des erreurs de jeunesse et qu’avec l’expérience ça va s’arranger.
Avec le temps qui passe, vous appréciez de moins en moins ce jeune tr...
du c..., qui vous fait perdre du temps et vous oblige à repasser derrière lui.

01/1 Que s’est-il passé ? Le feeling est devenu la boussole de votre collabora­
01 tion et vous avez été pris aux pièges de la confiance aveugle, vous occa­
eu
(J sionnant beaucoup de frustration et de sources de tensions relationnelles
UD propices aux conflits.
O
rsl

Alors que faire ? Passer de la confiance aveugle à la confiance


sz
oi construite.
>.
CL
O
U Comment ? Que le feeling soit là est une très bonne chose, et n’est pas un
problème en soi. Mais que le feeling dirige votre relation à tous les deux
est une prise de risque. Passer de la confiance aveugle à la confiance

24
P R EPAR ATIO N M ENTALE : TE TE

construite revient dans le cas précédent à structurer votre collaboration et


à échanger très tôt sur deux aspects importants :
- Le travail : autant le travail prescrit (Ce qu’il doit faire) que le travail réel
(Ce qu’il fait vraiment) et le travail vécu (Ce qu’il vit dans son travail).
- La compétence : autant les savoir-faire et savoir-être attendus que les
savoir-faire et savoir être réels.

Il arrive malheureusement que les discussions manager-collaborateur se


limitent au travail prescrit et aux savoir-faire techniques laissant de côté
le travail vécu et les savoir-être. Et la source des conflits trouve parfois
plus ses racines dans le travail vécu que dans le travail réel, plus dans les
savoirs-être (ou l’absence de savoir-être) que dans les savoir-faire tech­
niques. Le temps manque, les phases de l’intégration du nouveau collabo­
rateur sont raccourcies et c’est à distance que les conséquences se mani­
festent, trop tard ! La confiance est abîmée et elle peine à se reconstruire.

Ces discussions nécessaires construisent petit à petit les bases d’une


confiance interpersonnelle favorable à une bonne qualité relationnelle.
C’est un investissement dans votre capital confiance, pas une perte de
temps !

Avec qui suis-je en conflit ? Vraiment ?


Ok, VOUS savez désormais si vous êtes en conflit ou juste blessé ou peut-
être les deux. Voyons maintenant avec qui vous êtes en conflit ?

Il existe plusieurs types de conflits :


- Les conflits interpersonnels : entre deux personnes.
0
1/1
01
i_
- Les conflits intragroupes : plusieurs personnes d’un même groupe.
(U
(J - Les conflits intergroupes : deux groupes d’un même ensemble (les
UD
O commerciaux et la production en entreprise par exemple).
rsl

Même si tous ces niveaux de conflits se mutualisent les uns et les autres,
oi il en est un qui est souvent sous-estimé parce que sans lui, il n’y aurait pas
's_
CL
O
de conflit : le conflit intra personnel, le conflit en soi, le conflit avec soi.
U

Nous cherchons tous une certaine harmonie dans notre vie et l’état de
conflit en soi est une rupture souvent désagréable de cet état. Par exemple.

25
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

au quotidien, nous recherchons une certaine cohérence entre ce que nous


pensons et ce que nous disons, entre ce que nous disons et ce que nous
faisons, entre ce que nous sommes et comment nous voulons être perçus
par les autres, entre nos croyances et nos décisions, entre notre intérieur
et notre extérieur autrement dit.

Malheureusement, les conflits interpersonnels nous confrontent à la fragi­


lité de cet équilibre de l’harmonie en soi dans notre rencontre avec l’autre,
avec le monde, parce que lui aussi cherche sa propre harmonie. Et nous
répondons ici probablement à la question du « pourquoi les conflits inter­
personnels ? » : Ce sont deux univers qui cherchent leur harmonie et qui
en trouvent la limite dans l’existence des autres, eux aussi en recherche
d’harmonie, mais pas la même, ou pas de la même manière en tout cas !

On pourrait presque dire que « tout conflit interpersonnel est aussi


(d’abord ?) un conflit intra personnel ». Il va donc falloir passer par une
étape de résolution de conflit avec soi, de négociation avec soi-même. À
quel conflit intra personnel, ce conflit interpersonnel me confronte-t-il ? Au
fond, quel est le conflit dans le conflit ?

Marie est fiancée à Jérôme depuis six mois, le mariage est pour bientôt. Ils
se sont rencontrés il y a un an et demi et tout s’est enchaîné très vite. Au­
jourd’hui, Marie se questionne, elle n’est plus sûre que ce mariage soit bon
pour elle. Elle aime Jérôme, mais les points communs qui les réunissaient
au début de leur relation s’avèrent être plus du registre de la séduction que
d’un réel partage.

Un des plus difficiles dilemmes ou conflit intra personnel dans les relations
amoureuses restent celui entre les sentiments et la relation. Parfois, nous
O
CO
O) nous sentons coincés entre des sentiments profonds pour une personne
s_
O)
(J avec qui la relation est dangereuse ou toxique pour nous. Par exemple, en
CD
T—<
tant qu’infirmier en alcoologie, combien de fois ai-je entendu : « Je ne sup­
O
rM porte plus de vivre avec son alcoolisme, mais vous comprenez, je l’aime » !
Ou parfois c’est l’inverse, la relation est très agréable mais les sentiments
n’y sont plus.
>•
Q.
O Ces conflits intra personnels nous confrontent très souvent à notre difficulté
(J
à faire des choix ou plutôt ils nous confrontent à notre difficulté à assumer
les conséquences de nos choix (un choix sans conséquence n’est plus un
problème !). « Vous comprenez si je le quitte, je vais me retrouver seule.

26
P R EPAR ATIO N M ENTALE : TE TE

et moi je ne veux pas être seule... » Et moi de faire miroir avec toute la
bienveillance possible. « Ce que vous dites, c’est que vous préférez vivre
avec quelqu’un que vous ne supportez plus plutôt que d’être seule, c’est
bien ça ? » Mon but n’est pas d’accabler la personne, mais de la mettre en
position de faire un choix éclairé et de faire les renoncements nécessaires
qui découlent de ce choix et qui peuvent être douloureux.

Vous comprenez pourquoi résoudre un conflit comprend toujours un risque


et a toujours un coût. La question est lequel suis-je prêt à assumer ? Cela
évite d’être dans l’illusion naïve qu’il y aurait à chaque conflit une solution
parfaite ou personne n’aurait à renoncer à quoi que ce soit et ou tout le
monde serait content, même si ça peut arriver.

François est le responsable d’une direction des services des ressources


humaines. Dans son équipe, les comportements d’Hervé sont pointés du
doigt par tous : rétention d’informations, rumeurs, mensonges, la tension
monte et l’attente de l’équipe d’un geste managérial fort est omniprésente.
François en est conscient et offre à Hervé les moyens d’améliorer son
comportement en lui proposant pendant deux ans de la formation, puis un
coaching individuel. Le temps passe et Hervé continue de faire cavalier
seul au service de son ambition qui, pour le coup, le dessert car même les
clients externes commencent à s’en plaindre.

Je rencontre François qui me dit qu’il ne peut pas se séparer d’Hervé : « Ce


serait un échec, licencier quelqu’un c’est un échec. » Le conflit de l’équipe
avec Hervé est un conflit intra personnel, une source de dissonance émo­
tionnelle et cognitive^ pour François : satisfaire l’attente de l’équipe ? Don­
ner encore une chance à Hervé ? Le dilemme est grand. Le dilemme est
d’autant plus grand que nous attendons parfois que ce soit l’autre qui le
o
to
cu résolve pour nous : « Si seulement Hervé pouvait changer, je retrouve­
cu rais mon état d’harmonie de manager et l’équipe aussi. » « Si seulement
to
tH
Jérôme pouvait se rendre compte lui-même que notre relation a changé, je
oíN n’aurais pas à prendre de décision. »
@
jC
OI

CL
O
U
3. Définition de la « dissonance cognitive » : présence d ’éléments contradictoires dans la pensée d ’un
Individu.
Définition de la « dissonance émotionnelle » : décalage entre les émotions ressenties et les émotions
exprimées.

27
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Expérience : pour sortir du dilemme


Il n’y a pas de chemin facile pour sortir de ces dilemmes, mais il existe
des chemins concrets. Tout d’abord demandez-vous : « Qu’est-ce qui
est important pour moi dans cette situation et qui m’est difficile ? » Et
notez votre réponse...

Puis demandez-vous « Qu’est-ce qui est vraiment important pour moi


et qui m’est difficile ici ? » Et notez une nouvelle fois votre réponse...

Puis demandez-vous une dernière fois, « Qu’est-ce qui est vraiment,


vraiment important pour moi ici ? » Et notez votre dernière réponse.
En face de ce qui est vraiment, vraiment important pour vous, dessinez
une colonne : « Si j ’agis en fonction de ce qui est important pour moi,
puis-je en assumer les conséquences (matérielles, financières, émo­
tionnelles) ? » Si la réponse est « oui », allez-y ! Si la réponse est
« non, pas aujourd’hui », demandez-vous « Que faudrait-il pour que
je puisse en assumer les conséquences ? » et franchissez les étapes
de votre dilemme un pas après l’autre en construisant les ressources
nécessaires pour assumer... et si la réponse est « non » tout court, il
est temps de renoncer, consciemment cette fois.

Qu’est-ce que ça signifie résoudre ce confiit ?


Pour commencer, complétez les phrases suivantes :
« Pour résoudre un conflit, il faut... »
« Pour résoudre un conflit, il ne faut pas... »

« Il était une fois... et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. »


0
U)
01
i_
Notre relation au conflit est parfois teintée de mythologie et notre culture
(D est pétrie de contes qui racontent toute la même histoire : la voie du héros.
(J
vû Celle de Frodon dans le Seigneur des Anneaux, celles de Maximus Deci-
O
rsl mus dans Gladiator, Luke Skywalker dans Star Wars, ou encore Simba du
Roi Lion, tous ces héros partagent le même chemin archétypique selon les
ai travaux de Joseph Campbell.
’s_
CL
O
U Pour chacun de ces héros, trois conflits sont à résoudre sur le chemin : le
conflit avec l’ennemi (le conflit intergroupe), le conflit avec l’ennemi intime

4. Le Héros aux mille et un visages, Éditions Oxus, Paris, 2010.

28
P R EPAR ATIO N M ENTALE : T E TE

(le conflit interpersonnel), le conflit avec l’ennemi interne (le conflit intra
personnel).

Pour Frodon, l’ennemi est Sauron, l’ennemi intime est Gollum, et l’ennemi
interne : la fascination du pouvoir de l’anneau.

Pour Maximus Decimus, l’ennemi est Commode, le fils d’Aurèle, l’ennemi


intime, les autres gladiateurs, l’ennemi interne : le deuil de sa femme et de
son fils.

Pour Luke Skywalker, l’ennemi est l’ordre Sith, l’ennemi intime est Dark
Vador, l’ennemi interne est le côté obscur de la force.

Pour Simba, l’ennemi est les hyènes dans le pays interdit, l’ennemi intime
est Scar, et l’ennemi interne est sa culpabilité d’avoir tué son père.

L’aboutissement du chemin du héros est la résolution de ces trois niveaux


de conflits. Très souvent, ces trois conflits dans le conflit sont fortement liés
les uns aux autres.

Résoudre un conflit, c’est résoudre les trois niveaux de conflits qui se mani­
festent dans notre vie. Imaginez, vous avez résolu le conflit interpersonnel
(conflit avec l’ennemi intime), mais pas avec le conflit intra personnel (le
conflit avec l’ennemi interne), que risque-t-il de se produire ? Nous ris­
quons de retrouver d’autres situations de vie qui nous renvoient à notre
ennemi interne jusqu’à ce que, comme le héros, nous puissions retourner
chez nous en paix, éprouvés et fortifiés par la confrontation avec nos trois
ennemis, un peu plus libres extérieurement et intérieurement.

01/1 Encore une fois, il n’y a pas de conflits interpersonnels, sans conflits intra
01
i_
(U personnels. Résoudre un conflit, c’est résoudre les trois conflits à la fois.
(J Et surtout être conscient que ces trois niveaux de conflit, au fond, ne font
T-H
O
rsl
qu’un.

Dans les arts martiaux et notamment dans l’aïkido, la notion d’ennemi


oi
>• n’existe pas. Nous combattons face à un adversaire. La différence ? L’enne­
Q.
O mi est à abattre, l’adversaire est à honorer parce qu’il nous fait progresser.
U

29
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Expérience : donner du sens au conflit


Prenez maintenant quelques instants pour devenir vous-même le héros
de votre propre histoire. Dans vos conflits aujourd’hui ?
Qui est votre « adversaire >>dans ce conflit ?
Qui est votre « adversaire » intime ?
Qui est votre « adversaire » interne ?

En quoi ces trois niveaux de conflit sont-ils reliés ? Autrement dit, quel
est le thème commun à ces trois conflits ? Ce thème est-il récurrent
dans votre vie ? De quoi prenez-vous conscience en ayant cette grille
de lecture et comment cela vous aide-t-il ?

Dans le cadre de ma profession de médiateur professionnel, j ’entretiens


régulièrement des liens avec mes confrères et je me permets de reprendre
une discussion que j ’ai eue avec l’un d’eux qui me disait :
« C’est une expérience très curieuse de venir présenter la médiation à
un nouveau client. Tout d’abord, il faut beaucoup de patience et de per­
sévérance pour convaincre les chefs d’entreprise de nous recevoir. Il faut
franchir la porte de leurs représentations de la médiation. “ La médiation
c’est bon pour la famille ”, “ Moi, j ’ai trois étapes pour résoudre un conflit :
un avertissement, un entretien, un licenciement ”. Oui, l’adversité a encore
de belle année devant elle ! Quand on se trouve enfin devant eux, et que
l’intérêt de la démarche n’est plus à prouver, quand on pense avoir tout dit,
on entend souvent : “ Il faut que vous me les fassiez s’entendre ces deux-
là, il faut que ça fonctionne, que ça marche entre eux... ” »

En fait, notre vrai travail de médiateur commence juste à ce moment-là.


0 C’est vrai, la médiation est associée à l’image d’une recherche de récon­
1/1
01
i_ ciliation et en même temps c’est inexact, car si le médiateur était dans
(U
(J une démarche de réconciliation, il ne serait plus ni neutre, ni indépendant

tH

O face aux parties en conflit. Notre travail en médiation consiste à mettre les
iN acteurs du conflit en capacité de choisir ce qui est bon pour leur relation et
jC de l’assumer. Et cela suppose chez le médiateur l’ouverture à trois issues
ai possibles pour un conflit^.
's _
CL
O
U

5. Jean-Louis Lascoux, Directeur de l ’École Professionnelle de la Médiation et de la Négociation, lors de


la formation au Certificat d ’A ptitude à la Profession de Médiateur, www.epmn.fr.

30
P R EPAR ATIO N M ENTALE : TE TE

V® option :
Revenir à i’état antérieur : les personnes en conflit choisissent de revenir
à « avant » le conflit. Cette option est possible mais assez rare car cela
suppose en général un fort niveau de confiance entre les personnes.

2® option :
Aménager ia relation : Le conflit est là et il va falloir trouver, négocier,
contractualiser les aménagements relationnels nécessaires à une satis­
faction la plus grande possible ou à une frustration la plus petite possible
entre les acteurs du conflit. Cette solution est de loin la plus fréquente
dans mon expérience.

3® option :
La 3® option est souvent celle qui est omise dans les situations conflic­
tuelles. Et cela mérite d’être souligné car elle est tout simplement très rare­
ment envisagée bien qu’elle constitue une solution réelle.

Rompre ia relation : Pas une rupture subie ou imposée mais un choix


consensuel, comme étant le moins mauvais choix possible. Plutôt que de
continuer à entretenir une relation qui serait comme une plaie qu’on rouvre
à chaque fois qu’on la soigne, il peut être pertinent d’affirmer de façon
réciproque que mettre un terme à la relation est la moins pire des solutions.

Beaucoup d’entreprises et de responsables ne s’autorisent pas à envisa­


ger cette issue. Il y a comme une croyance que « c’est toujours possible
de raccommoder les liens distendus entre deux personnes » probablement
portée par la croyance que « tout le monde peut s’entendre avec tout le
monde ». Que vous soyez en position de collaborateur ou de manager,
0
1/1
0\_1 sachez-le, la rupture consensuelle est parfois la seule option qui reste et
O) parfois la moins pire pour la relation et pour l’entourage ! Et cela est valable
(J
tH
dans la vie personnelle aussi.
O
(N

ai Dois-je résoudre ce conflit 7


Q. Face à un conflit, de nombreux auteurs, dont Kenneth Thomas and Ralph
O
U
Kilmann (Thomas, K.W., et Kilman, R. Thomas-Kilman Conflict Mode Ins­
trument, Santa Clara, Californie, Xicom, 1974), ont identifié cinq réactions

31
SE P R E P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

possibles. Chacune d’entre elles vise le retour à l’état d’harmonie des


acteurs du conflit :
- L’évitement en faisant comme si le conflit n’existait pas.
- La compétition en obtenant ce que l’on veut au détriment de l’autre.
- Le compromis ou chacun renonce à quelque chose.
- L’accommodation ou l’un renonce sans qu’il obtienne quoi que ce soit
en retour.
- La collaboration ou chacun participe à la réussite d’un accord
gagnant-gagnant.

Mais après tout, faut-il réellement tenter de résoudre tous les conflits ? Oui,
les conflits sont-ils toujours mauvais ? N’y a-t-il aucun conflit qui ne soit
bon ?

D’ailleurs, dans leurs études Wallace et Bishop® ont démontré que le degré
de conflits que vit un collaborateur dans une équipe n’impacte pas positi­
vement ou négativement son engagement dans l’entreprise. L’engagement
d’un collaborateur dans l’équipe diminue si les conflits sont non résolus,
mais peut grandir si le conflit est bien géré et résolu. Si le conflit reste non
résolu trop longtemps, les collaborateurs ont tendance à quitter l’équipe et
recherchent des alternatives.

À cette réflexion bien occidentale autour du bien et du mal, les Orientaux,


pétris de pensée paradoxale, ont un symbole pour illustrer la notion de
« crise >> qui dépasse cette dichotomie : le Wei-Ji. Cet idéogramme est
en fait composé de deux idéogrammes « Wei » qui signifie : « Risque » et
« Ji » qui signifie « Opportunité » signifiant qu’une même réalité peut revêtir
deux qualités apparemment incompatibles^. Alors quand les conflits sont-
O
СЛ ils « risque » et quand les conflits sont-ils « opportunité » ?
0s _)
O)
(J
Ю
T—I
O
ГМ

CT
>•
Q.
O
U

6. Wallace Bishop (J.) and Dow Scott (K.), « How Commitment Affects Team Performance », HR Magazine,
42 (2), February 1997, p. 107-111. In Mac GRAW-HILL - Conflict Resolution, p. 12.
7. Image dAlecmconroy sur en. Wikipedia

32
P R EPAR ATIO N M ENTALE : T E T E

Le plus grand risque que nous imaginons dans le conflit est le risque de
la confrontation, du débordement émotionnel incontrôlable et des relations
interpersonnelles abîmées.

Les opportunités, elles, sont peut-être plus nombreuses, mais plus


rationnelles :
- opportunité de reconnaître l’existence d’un problème ;
- opportunité de discuter différentes perspectives autour d’une question ;
- opportunité de remettre en question d’anciennes habitudes ou
fonctionnements ;
- opportunité pour devenir créatif dans la recherche de nouvelles solutions ;
- opportunité de devenir plus authentique.

Il est parfois difficile pour nous de considérer ces deux aspects et de les
regarder cohabiter, notamment quand on envisage les conflits sous l’angle
émotionnel. Émotionnellement, nous avons tendance à voir surtout les
risques liés aux conflits.
0
in
01
i_
(U Expérience : dois-je résoudre ce confiit ?
D
yn Pour répondre précisément à cette question, il convient de prendre en
O
rsl compte votre objectif (voir « Quel est mon objectif? », p. 47) et l’impor­
tance de la relation que vous entretenez avec la personne avec qui
ai vous êtes en confiit. Ce modèle a pour mérite de nous inviter à reques­
Q.
tionner la croyance selon laquelle tout le monde devrait s’entendre avec
O tout le monde.
U

33
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Cela nous donne quatre cas de figure :


- Votre objectif est important et la relation avec cette personne est
importante : Vous devez résoudre ce conflit de la façon la plus colla­
borative possible.
- Votre objectif est important et la relation avec cette personne est non
importante : Négociez !
- Votre objectif est non important et la relation avec cette personne est
importante : Lâchez prise, vous agissez pour le long terme !
- Votre objectif est non important et la relation avec cette personne est
non importante : Ne perdez pas votre énergie !

Objectif important Objectif non important


Relation importante ? ?

Relation non importante ? ?

Où vous situez-vous dans ce conflit ?

Je vis dans un village ou les rues sont très étroites et ou une seule voiture
peut passer à la fois, ce qui donne lieu à de nombreux « céder le passage ».
Alors que j ’arrivais de façon prioritaire à un de ces rétrécissements, je me
retrouve face avec une autre voiture qui tente de passer, et évidement
nous voici immobilisés face à face l’un et l’autre. Je vois le conducteur der­
rière son pare-brise faire de grands gestes énervés, me demandant sans
équivoque de dégager... le passage. Je lui montre le panneau de priorité,
lui signifiant que je suis dans mon bon droit. J’entends alors « craquer »
sa marche arrière, voit la voiture reculer à pleine vitesse pendant que je
démarrais. Quelle ne fut pas ma surprise de voir le conducteur enlever sa
O
1/1 ceinture de sécurité et s’apprêter à sortir de sa voiture pour visiblement
(U
1_
eu vouloir en découdre avec moi. Mon rendez-vous (mon objectif) était impor­
(J
eTO tant, ma relation avec ce conducteur non importante (je le voyais pour la
-H
O
(N première et probablement pour la dernière fois), j’ai continué ma route tout
en le voyant dans le rétroviseur s’énerver tout seul et me traiter de tous les
ai noms d’oiseau. Combien de fois perdons-nous du temps à des situations
>. conflictuelles qui n’en valent pas la peine !
CL
O
U
Une autre manière de savoir si vous devez résoudre un conflit est de se
poser trois questions :
- Est-ce mon problème ?

34
P R EPAR ATIO N M ENTALE ; T Ê T E

- Est-ce son problème ?


- Est-ce notre problème ?

Expérience : partager les responsabilités


Prenons un exemple : « Ma collègue est très stressée et dès qu’elle est
là, elle me stresse, elle se plaint tout le temps, rien ne va jamais, et en
plus on travaille l’une en face de l’autre sept heures par jour, c’est lourd ! »

Qui a le problème ? :
A - La collègue ?
B - La personne qui s’exprime ?
C - Le manager de l’équipe ?

Depuis que je pose ces trois questions à mes stagiaires en formation je


m’aperçois que derrière leur apparente simplicité, elles représentent un
vrai défit de perspective.

Si vous avez répondu A, je vous répondrais : « Qu’en savez-vous ? » Peut-


être cela fait-il du bien à la collègue de pouvoir se plaindre et de ne pas
garder pour elle ses difficultés !

À ce moment-là en formation, je sens bien que les dents grincent parce


qu’à la question : « Qui a le problème ? », la majorité des stagiaires ré­
pondent souvent aussi A : « C’est la collègue bien sûr, la preuve : elle
n’arrête pas de se plaindre. » C’est celui qui se plaint de sa collègue et qui
le dit lui-même : « C’est lourd ! » qui a le problème.

O Qu’elle est l’enjeu de cette question ?


U)
0)
i_
eu
(J Eh bien, si c’est moi qui ai un problème, c’est à moi de le régler !
eo
tH

O
fNJ
Bien sûr, ce serait tellement plus simple si la collègue pouvait changer de
@ comportement, ce serait tellement plus simple si elle pouvait deviner (Ah,
jC
CT être deviné !) que son comportement me dérange... Mais c’est bien moi qui
's _
>
CL ai un problème avec son comportement.
O
U

Alors, oui, peut-être souffre-t-elle, elle aussi, dans sa situation ? Mais c’est
celui qui a un problème qui à la responsabilité de le résoudre.

35
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Notez cependant qu’un des risques de ces trois questions est de dire : « Si
c’est son problème, ça ne me concerne pas ! » Il faut bien se rendre compte
que si c’est le problème d’un collègue et que je fais comme si ça n’était que
« son » problème, la situation peut vite devenir « notre » problème. Et c’est
encore plus vrai si vous êtes en position de management d’équipe. Il y a
une différence entre repositionner les responsabilités et être indifférent.

Ai-je intérêt à résoudre ce conflit ?


Maintenant que vous avez identifié si vous devez résoudre ce conflit,
voyons si vous avez intérêt à le résoudre. Mais n’est-ce pas la même ques­
tion que plus haut ? Pas tout à fait.

Si ces deux questions sont sans aucun doute liées, la différence entre
« dois-je résoudre ce conflit ? » et « ai-je intérêt à résoudre ce conflit ? »
ne relève pas du même niveau de problématique. La question du devoir
relève des enjeux liés au conflit, « ce qui est important et derrière », la
partie cachée du conflit, la question de l’intérêt relève plus du rapport entre
les coûts et les bénéfices liés au conflit, la partie visible.

Petit entraînement préalable, lisez les huit phrases suivantes et cochez


celles dans lesquelles vous vous reconnaissez :
- « Ça va se résoudre tout seul avec le temps. »
- « C’est pas si important. »
- « Elle ne comprendra jamais. »
- « Ça ne sert à rien. »
- « Ce n’est pas à moi, mais à mon boss de s’en occuper. »
O - « Il faut savoir faire des concessions. »
to
O)
i_
(U
- « Il faut laisser les gens libres. »
(J
KD - « Tant qu’on ne changera pas tout... »
O
rsl
Nous avons parlé plus haut de cette recherche d’harmonie à laquelle nous
jC aspirons et nous avons présenté l’évitement, la compétition, l’accommo­
CT
's_
> dation, la collaboration, le compromis comme moyen d’y parvenir en situa­
Q.
O
U
tions conflictuelles. D’après vous, laquelle de ces stratégies est illustrée par
ces huit phrases ? L’évitement bien sûr. Notre recherche d’harmonie nous
amène à agir en cohérence avec ce que nous croyons. Notre croyance
donne naissance à notre action.

36
P R EPAR ATIO N M ENTALE : T E T E

Seulement parfois, nous ne savons pas faire autrement que de fuir, atta­
quer, ou renoncer, et pour rester en état d’harmonie interne entre nos ac­
tions et nos pensées, nous allons justifier notre stratégie par des pensées
cohérentes avec notre action ou notre inaction, et expliquer que nous ne
pouvons pas faire autrement.

Dans ce cas précis, je ne me dis pas « ça va se résoudre tout seul avec le


temps » parce que je le crois, mais parce que je me sens en difficulté pour
agir autrement, je me dis « ça va se résoudre tout seul avec le temps ». La
logique est inversée, et nous auto-justifions notre comportement et notre
stratégie. Et cela est valable autant pour le « compétiteur » qui va justifier
que la compétition est la seule solution, I’ « accommodateur » qui va justi­
fier que renoncer sans rien avoir en retour est inévitable, I’ « éviteur » qui
va défendre qu’il n’y peut rien.

Quel est l’enjeu de ce mécanisme ? Il est très simple et parfois difficile à


entendre : nous maintenir dans notre zone de confort et dans un état de
statu quo. Oui, nous avons un certain confort à toujours nous comporter de
la même manière en situation conflictuelle : la personne dans l’évitement,
victime d’elle-même, la personne dans la compétition, victime des autres...

Aussi étonnant que cela puisse paraître, notre recherche d’harmonie deve­
nue recherche de confort peut nous conduire à utiliser encore et encore
les mêmes stratégies de résolution de conflit même si celles-ci nous ont
démontré qu’elles n’étaient pas efficaces. C’est ce qu’on appelle les béné­
fices secondaires liés à une situation.

Einstein illustre bien cela quand il dit : « L’insanité, c’est continuer à faire la
même chose, et espérer obtenir un résultat différent. »
O
to
cu
(U
(J On raconte qu’à l’époque de la construction des grattes ciels, lorsque les
tû employés grimpaient au sommet des échafaudages pour toute la journée,
O
rsl un événement inquiétant s’était produit au moment du déjeuner sur une
poutre en équilibre. Au moment d’ouvrir sa boîte à sandwich, un des ouvriers
x: entra dans une rage folle, en y découvrant pour la énième fois un sandwich
oi
's_
>
CL
au thon. Il était furieux que ce soient toujours les mêmes ingrédients, la
O même demi-tomate, le même beurre. Inquiets à cause du déséquilibre de
U
plus en plus ample de la poutre sur laquelle ils étaient assis, ses collègues
vinrent le voir pour le calmer et lui dirent : « Si tu en as assez du sandwich
au thon, de la tomate, et du beurre, dis à ta femme qu’elle te fasse un autre

37
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

sandwich ? » Encore plus furieux, il les regarda fixement en leur disant


« Quoi ma femme !???, c’est moi qui fais mes propres sandwichs ! »

Oui, si je veux un résultat différent, il faut que je mette en oeuvre des ac­
tions différentes. Celui qui « gagne » en résolution de conflit est celui qui a
le plus de souplesse à ce niveau-là !

Expérience : gagner en lucidité


C’est le moment de vérité, une vérité qui dérange, qui nous dérange
parfois : avez-vous vraiment intérêt à résoudre ce conflit ? Pour le sa­
voir, envisagez ces quatre angles de réflexion :
1 - Qu’est-ce que je gagne à laisser ce conflit en l’état ?
2 - Qu’est-ce que cela me coûte de laisser ce conflit en l’état ?
3 - Qu’est-ce que je gagnerai à résoudre ce conflit ?
4 - Qu’est ce que cela pourrait me coûter de le résoudre ?

1 - Qu’est-ce que je gagne à laisser 3 - Qu’est-ce que je gagnerai


ce conflit en l’état ? à résoudre ce conflit ?

2 - Qu’est ce que cela me coûte de 4 - Qu’est ce que cela pourrait


laisser ce conflit en l’état ? me coûter de le résoudre ?

Parfois, certaines personnes me disent : « Je ne comprends pas pour­


quoi je laisse faire », « Je ne comprends pas pourquoi je ne dis rien. »
Vous avez peut-être ici une chance de comprendre la dynamique moti­
vationnelle qui est la vôtre :
O
to
O) Si vous laissez le conflit en l’état, vous avez probablement un plus
eu
(J grand nombre, ou peut-être des réponses plus importantes qualitative­
eo ment dans les cases 1 et 4.
O
fNJ

Si vous cherchez les bénéfices secondaires que vous obtenez à ne


CT pas faire évoluer le conflit, vous les trouverez dans les quadrants 1 et 4
>•
CL aussi. Il y a fort à parier que, dans vos résultats, le quadrant 1 et 4 ont
O
U soit le plus grand nombre d’arguments, soit les arguments les plus forts
qualitativement.

38
P R EPAR ATIO N M ENTALE ; TE TE

Si aujourd’hui vous êtes prêt à prendre en main ce conflit, vous avez


probablement plus de réponses, ou celles qui ont le plus de poids en
tout cas, sont dans les quadrants 2 et 3.

Si vous cherchez à développer votre motivation et à vous préparer à


résoudre ce conflit, continuez à remplir les cases 2 et 4 et allez chercher
les risques pour votre santé physique et mentale à rester dans cette
situation autant que les bénéfices pour votre santé physique et mentale
à résoudre cette situation.

Maintenant que vous avez posé les choses, à vous de « redécider » !


Avez-vous plus de bénéfices à laisser le conflit tel qu’il est ou bien avez-
vous plus d’intérêts à le résoudre ?

Notez qu’il est parfois utile d’aller chercher un accompagnement pro­


fessionnel pour oser envisager ces 4 questions. Elles nous confrontent
et nous éclairent à la fois, et ce n’est pas toujours facile d’y répondre...

Ce conflit a-t-il des chances de se résoudre ?


Pour le savoir, une seule question : Quel intérêt mon interlocuteur a-t-
il à ce que je sois satisfait dans ce conflit ?
Oui, la question que vous vous posez ici se pose ici aussi pour votre
interlocuteur.

Dans le domaine professionnel, la question de l’intérêt à résoudre un conflit


se pose de façon plus aiguë car ce qui au départ peut être « son » problème,
risque de vite devenir le problème de tous et surtout du management.
0
1/1
01
i_
eu Je me souviens d’une entreprise qui avait fait appel à moi en tant que
(J
eo médiateur et qui souhaitait que j ’accompagne en urgence une équipe en
tH

O
(N
difficulté. Une personne faisait face à de graves problèmes relationnels
avec ses collègues et le Comité d’Hygiène et de Sécurité au Travail avait
ai lancé l’alerte. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que la situation
>• était connue depuis deux ans par l’encadrement, mais qu’elle existait de­
Q.
O puis six ans avant cela dans l’équipe. Que les indicateurs d’absentéisme
U
et d’arrêt maladie étaient dans le rouge autant que les demandes de muta­
tions étaient fortes. Les managers de l’équipe se succédaient sans que
la situation s’améliore et surtout le même profil de manager était recruté.

39
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

plutôt dans l’évitement. La dernière en date avait même le courage de


reconnaître que se retrouver au milieu de cette équipe lui faisait peur. La
médiation était perçue par l’équipe comme le premier signe de prise au
sérieux de la situation.

Afin d’éviter d’en arriver là dans les organisations, il convient de construire


une culture de la résolution des conflits qui s’organise autour de quatre
messages fondamentaux :
- « Les conflits existent chez nous, et c’est permis d’en parler. »
- « Nous avons conscience que les conséquences des conflits affectent
votre performance et la qualité de votre vie au travail. »
- « Nous favorisons l’autonomie des acteurs du conflit dans leur recherche
active de solutions. »
- « Nous accompagnons les conflits jusqu’à leur résolution. »

Ces quatre messages culturels trouvent leur déclinaison opérationnelle en


répondant à quatre questions. Quels sont les moyens mis en oeuvre dans
l’organisation pour :
- Identifier les conflits, qu’ils soient implicites ou explicites ?
- Mesurer les conséquences directes et indirectes du conflit ?
- Privilégier la recherche de solutions par les acteurs du conflit eux-mêmes ?
- Favoriser la mise en place des solutions trouvées par les acteurs du
conflit ?

Quelle est la situation ?


Expérience
O
U)
eu Prenez quelques instants et décrivez en dix lignes maximum sur une
eu
(J feuille la situation conflictuelle que vous vivez.
tH

O
fNj Découvrons maintenant le témoignage d’Alain qui nous décrit sa situation.
« Ça a commencé dès son arrivée, il s’est fait pistonner pour arriver là où il
en est. Tout le monde est capable de devenir chef de rang, il a pas besoin
Q.
O de “ se la péter “ pour ça. Il a les dents qui rayent le parquet, ça se voit, il
U
cherche à se faire bien voir par la direction et son équipe passe après, c’est
pas normal ! De toute façon, moi je ne laisserai jamais un petit jeune de
trente ans me dire ce que je dois faire, non mais ! »

40
P R EPAR ATIO N M ENTALE : TE TE

Que constatez-vous ? Son récit a-t-il des points communs avec le vôtre ?

La première compétence à développer en résolution de conflit est de


conduire sa pensée de façon structurée. C’est un effort, car sous le coup
de nos émotions, notre pensée a tendance à prendre des courbes multidi­
rectionnelles qui obscurcissent notre lucidité.

Très souvent, nous allons construire une histoire qui n’est pas l’histoire du
conflit, mais l’histoire que nous nous racontons sur le conflit.

Expérience
Trouvez un cobaye et demandez-lui pendant dix secondes de mémori­
ser tout ce qui est blanc dans la pièce autour de lui. Puis, demandez-lui
de fermer les yeux et de citer à haute voix tous les objets de couleur...
verte. Alors ?

Que s’est-il passé ?

Nous captons environ 11 millions d’unités d’informations sensorielles


à chaque instant. Qui, vous avez bien lu, 11 millions d’informations par
seconde : 10 millions par les yeux, 1 million par la peau, 100 000 par les
oreilles, 100 000 par l’odorat, 1 000 par le goût...

À travers nos sens, nous vivons donc dans un univers de stimulation sen­
sorielle très intense. Tellement intense que pour ne pas être submergé par
l’overdose, nous sommes obligés de procéder à un tri parmi les informa­
tions qui nous entourent.

O Le but de ce tri ? Nous permettre de sélectionner les informations impor­


to
O) tantes pour nous et éviter l’overdose. Pour cela, nous mettons en œuvre
eu
(J trois processus qui nous permettent de simplifier cet univers si riche et qu’il
tD
tH nous faut pourtant simplifier sous peine de saturation.
O
r\J

4-J
JZ
Le problème est que ce processus aboutit à ne retenir que quarante
en informations. Si nous faisons le calcul, cela signifie qu’à chaque instant
's _
>
Q. 10 999 960 unités informations nous passent à côté.
O
U

41
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Ces trois processus s’appellent :


- La généralisation : processus à partir duquel le sens d’une expérience
précise s’applique à toutes les expériences qui s’en rapprochent.
- L’omission : processus à partir duquel certains éléments d’une expé­
rience sont retenus et d’autres écartés.
- La distorsion : processus à partir duquel les informations sensorielles
liées à une expérience sont déformées.

La conséquence pour nous est que nous ne percevons jamais la réalité


telle qu’elle est, mais telle que nous sommes capables de la percevoir à
travers l’opacité de ces trois filtres. Autrement dit, si nous ne sommes pas
attentifs à ce filtrage, nous ne percevons jamais les faits tels qu’ils sont, ni
les personnes telles qu’elles sont, mais notre interprétation des faits et les
jugements que nous avons sur ces personnes.

Se souvenir que nous ne percevons jamais une situation telle qu’elle


est mais telle que nous sommes capables de la percevoir a des consé­
quences très favorables à la résolution des conflits. Cela ouvre la porte
à la discussion de points de vue avec l’autre, tandis que si je n’ai pas de
doutes sur ma perception et pense que ma perception est la bonne, point
de discussion.

Quand nous sommes en conflit, il est très difficile de nous défaire d’une
certitude qui parasite notre relation avec l’autre, surtout si notre émotion est
intense. La voici : « Il le fait exprès. »

Quand nous sommes en conflit, nous sommes souvent persuadés que


l’autre le fait exprès contre nous. « Est-ce un fait ? » De nombreux sta­
0
1/1 giaires en formation n’hésitent pas à répondre « oui » à cette question.
01
i_ Ce à quoi je réponds : « Qu’en savez-vous ? » « Ben... il le fait, c’est qu’il
(U
(J le fait exprès ! » Prenez l’exemple à l’envers, quand vous êtes en colère
UD
O et que vous êtes agressif envers votre conjoint, est-ce que vous le faites
fNJ
exprès ?
jC
CT
À moins d’avoir décidé intentionnellement de vous mettre à hurler, la plu­
Q.
O part du temps vous réagissez de cette manière parce que vous ne savez
U
tout simplement pas faire autrement, n’est-ce pas ?

42
P R EPAR ATIO N M ENTALE : T E T E

Vous n’avez pas vraiment le choix de votre réaction soit parce que vous
n’avez jamais appris à faire autrement, soit parce que ce réflexe agressif
que vous exprimez est la réponse comportementale que vous avez tou­
jours adoptée en pareilles circonstances depuis vingt, trente ou quarante
ans...

Autrement dit, vous ne le faites pas contre l’autre, vous le faites surtout
pour vous parce que c’est la solution la plus simple, la plus immédiatement
accessible pour vous. C’est à la fois la limite de votre compétence et le
sommet de votre incompétence à faire autrement, mais ça n’a rien à voir
avec l’autre, n’est-ce pas ?

L’enjeu de cette réflexion est de taille. Si je considère l’interprétation « il le


fait exprès » comme absolument vraie, je risque de me mettre dans une
position d’attaque pour me défendre.

Ce mécanisme prend parfois la tournure de la lecture de pensée comme si


nous étions capables de connaître les intentions de l’autre (et évidement
elles sont souvent erronées !).

Si je considère qu’en face de moi, j ’ai quelqu’un qui ne sait pas faire autre­
ment pour exprimer ce qu’il ressent et obtenir ce qu’il veut, cela peut me
donner le millimètre de recul nécessaire qui m’ouvrira la porte à une atti­
tude de compréhension malgré le conflit.

Notez qu’il vaut mieux mener cette réflexion quand tout va bien car sous
le coup d’une émotion il est parfois extrêmement difficile de s’en souvenir.

O
Expérience
ü)
(U
1_ Prenez quelques instants pour lister tous les « je suis sûr que... qu’il «...
eu
(J et mettez-les à l’épreuve des faits (voir p. 116).
eo
tH

O
fNJ
En situation conflictuelle, nous sommes parfois victimes de nous-même
jC
par l’intermédiaire de nos « biais cognitifs «. Ce sont des erreurs qui
CT résultent du traitement erroné des informations qui nous entourent.
's _
CL

U
O

43
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Quelques « biais cognitifs »


« Biais rétrospectif » : Tendance à se dire a posteriori qu’un événe­
ment allait se produire. Application dans les conflits : « Je le savais, je
le savais qu’il allait dire ça. »
« Biais de rebond » : Tendance d’une pensée à avoir plus d’impor­
tance si on cherche à ne pas l’avoir (voir chapitre II : préparation émo­
tionnelle). Application dans les conflits : Plus je me dis qu’il ne faut pas
que je m’énerve, plus je m’énerve.
« Biais de confirmation d’hypothèse » : Tendance à ne voir que
les informations qui valident nos hypothèses plutôt que celles qui les
infirment. Application dans les conflits : je vous laisse deviner...

Un des « biais cognitifs » agissant fortement dans les différends interper­


sonnels s’appelle le « biais d’attribution ». Il s’agit de la tendance incons­
ciente que nous avons à justifier le comportement de quelqu’un en fonction
de sa personnalité et, quand il s’agit de nous, de le justifier en fonction de
nos contraintes extérieures.

Autrement dit, quand nous parlons de quelqu’un avec qui nous sommes en
conflit nous allons dire de lui : « Tu sais, c’est un menteur, c’est un pervers
narcissique, c’est un fainéant, il est comme ça », tous ces termes relevant
du niveau de l’identité de notre interlocuteur.

Alors que quand nous abordons les raisons de nos difficultés, nous disons
rarement : « Si je le fais, c’est parce que je suis fainéant, je suis un pervers
narcissique, ou parce que je suis un menteur. » Nous allons plutôt dire :
« Je l’ai fait parce que je n’avais pas le choix tu comprends, Stéphane était
01/1 sur mon dos, il venait de m’envoyer un mail salé, et quand en plus, Laurent
01
i_
(U du commercial m’a dit que le client s’impatientait, là j ’ai commencé à flip­
(J per, et là Alain il en a pris plein les dents, y’en a marre quoi ! »
tH

O
rsj
Cette lecture de la situation conflictuelle repose en partie sur une vision
linéaire du conflit et conduit souvent à des raccourcis de pensée. Dans
ai
's _
> cette vision, il n’y aurait qu’une seule cause à un effet. Traduit de façon
CL
O schématique : « S’il y a A, alors c’est que B et uniquement B qui le pro­
U
voque », « Si on en est là, c’est à cause de lui. » Or, nous savons qu’il n’en
est rien et que bien souvent, il s’agit plus d’une conjonction de facteurs
qu’un seul facteur qui conduit à des situations problématiques.

44
P R EPAR ATIO N M ENTALE : TE TE

Pouvoir restructurer notre pensée en situation conflictuelle et prendre en


compte le plus grand nombre des facteurs qui y ont contribué permet de
sortir de ce biais. Le diagramme d’Ishikawa ou diagramme des 5M permet
cette ouverture de la pensée.

Expérience
Utilisation du diagramme des causes et des effets :
- Notez sur une feuille le conflit sur lequel vous souhaitez progresser.
Préciser avec qui, à propos de quoi, où et quand cela s’est produit.
- Tirez un trait horizontal sur toute la longueur de la feuille, puis dessi­
ner des arêtes de poisson (l’autre nom de ce graphique) qui corres­
pondent chacune à une cause possible.

Quand on fait la synthèse des nombreux modèles qui expliquent les causes
d’un conflit on retrouve sur le plan de l’organisation les causes suivantes
aux conflits :
- les processus de travail ;
- les moyens matériels, les équipements professionnels ;
- l’environnement ;
- le management ;
- les ressources (temps, argent, géographique) ;
- l’information (trop / pas assez d’informations, mauvaises informations) ;
- enjeux de pouvoir et de périmètre.

Sur le plan interpersonnel :


- l’histoire de la relation (bonnes et mauvaises expériences, préjugés) ;
O - les valeurs (autour du bien et du mal, du juste et de l’injuste, du vrai et
CO
0s _) du faux) ;
O)
(J - l’humeur (mauvais jour, problématique externe au travail, problématique
T-H
O de santé).
fN

Alors de quoi prenez-vous conscience ?


CT
>.
CL
O Resituer la dynamique conflictuelle dans un faisceau de multiples causes per­
U
met d’éviter la pensée linéaire et ouvre les yeux sur les leviers d’action et de
résolution du conflit. Ces causes deviennent alors des objectifs sur lesquels
agir : agir sur les processus de travail, l’environnement, les ressources, etc.

45
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Après une conférence sur la gestion de crise pour une association, je me


suis retrouvé pris au piège de la crise que l’association traversait : trouver
un candidat pour la présidence de leur association. En discutant avec les
personnes présentes, il devenait évident que d’autres questions devaient
être résolues avant de trouver : « Qui est candidat pour la présidence ? >>Un
diagramme d’Ishikawa plus tard, les causes qui amenaient les adhérents
à ne pas postuler étaient identifiées, et le chantier pouvait commencer...

Le diagramme des 5M
Une façon simplifiée de lire les causes d’une situation s’appelle l’arbre
des causes, ou diagramme d’Ishikawa. Dans une des variantes de
ce modèle, chaque effet a au moins 5 causes : les 5 M : des causes
liées aux « Méthodes », au « Milieu », à la « Main-d’œuvre », au
« Matériel », et au « Management ». Dans un conflit récent, j ’ai établi
le diagramme suivant :
Méthode :
- répartition du travail non formalisé pendant les congés annuels ;
- répartition du travail non formalisé pendant les absences ;
- pas de réunions de service.
Milieu :
- réorganisation du service ;
- culture de l’évitement des conflits.
Main-d’œuvre :
- métier et fonction choisis par défaut ;
- une personne en maladie chronique ;
- surcharge de travail pendant les absences ;
O
to - historique de conflit.
0i_)
O) Matériel :
L3
to - deux postes informatiques pour quatre ;
O
r\J - open space.
Management :
CT
>• - peur des conflits ;
D.
O - pas de soutien de son N+1 ;
U
- management à distance.
Après ce travail d’écoute et d’analyse, la situation présente des leviers
d’action qui permette d’identifier ceux qui seront les plus pertinents.

46
P R EPAR ATIO N M ENTALE : TE TE

Quel est mon objectif ?


Encore une expérience : Prenez trois minutes pour vous poser ces quelques
questions sur le conflit que vous vivez :
- Pourquoi êtes-vous en conflit ?
- Qu’est-ce qui ne fonctionne pas entre vous ?
- Qui est la cause du conflit ?
- Qu’est-ce qui est grave dans cette situation ?
- Qu’est-ce qui vous empêche d’arriver à trouver une solution ?
- Pourquoi est-ce difficile ?
- Pourquoi ça n’évolue pas ?

Comment vous sentez-vous après vous être posé ces questions ?


Quelles sensations dans votre corps, quelles émotions ou pensées vous
traversent ?

Maintenant, prenez quelques grandes respirations avant de considérer


pendant trois minutes ces autres questions :
- Qu’est-ce que je veux obtenir dans ce conflit ? (mon objectif).
- Qu’est-ce que ça m’apportera quand je l’obtiendrai ? (mon enjeu).
- En quoi est-ce important pour moi ?
- Qui peut m’aider ?
- Quelles ressources ai-je déjà en ma possession pour l’obtenir ?

À quelles questions a-t-il été le plus facile de répondre ?

Comment vous sentez-vous après vous être posé ces questions ? Quelles
O
CO sensations, émotions ou pensées vous traversent maintenant ?
O)
s_
O)
CO
Avez-vous noté la différence entre les deux types de questions qui vous ont
tH

O été proposées ? Avez-vous noté les différences de sensations dans votre


fNJ
corps, dans vos émotions ?
jC
CT
's _ Vous l’aurez noté, les premières questions insistaient sur le problème, le
CL
O conflit, et les autres sur l’objectif, et les ressources que nous avons pour
U
l’atteindre. Derrière cet apparent simplisme réside en fait une des clés de la
résolution de conflit : l’orientation de notre pensée : problème ou solution.

47
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Dans ma dernière vie professionnelle de salarié, j ’étais infirmier. Lorsque


j ’ai quitté mon dernier poste, mes anciens collègues avaient fini par me
confier le surnom qu’ils m’avaient donné tout au long de ces années.
Quand je l’ai découvert, je n’étais qu’à moitié surpris et plutôt amusé, mon
surnom était : « C’est quoi l’objectif ? » Pourquoi ? Parce que dans les réu­
nions auxquelles j ’assistais, c’était une question qui me brûlait les lèvres
et que je n’arrivais pas a retenir. J’avais du mal à supporter les longues
discussions qui parfois n’avaient pour but que la discussion elle-même et
j ’avais le sentiment de rendre un grand service à l’équipe autant qu’à moi
avec cette question qui recentrait un peu le débat : « C’est quoi l’objectif ? »

Objectifs ou enjeux ?
Dans un conflit, il peut être intéressant de définir et de partager
nos enjeux avec notre interlocuteur. La différence entre objectifs et
enjeux ?
L’objectif répond à la question : « Qu’est-ce que je veux obtenir ? »
L’enjeu répond à la question : « Une fois que je l’aurai, qu’est-ce que
cela me permettra ? »
Résoudre un conflit sur le plan des objectifs est parfois difficile, du fait
de l’opposition de buts entre les acteurs. La solution peut parfois venir
d’un saut qualitatif en passant au niveau des enjeux. Autrement dit :
« Qu’est-ce que tu cherches à obtenir en atteignant cet objectif ? »
Imaginons un collaborateur qui vous demande un budget supplémen­
taire sur un de ses projets. Vous n’avez pas le budget. Cela peut être
la source d’un conflit.
Maintenant si vous lui demandez ses enjeux : « Nous sommes en
O
U)
O) retard sur le livrable et j ’ai besoin de renfort pour mon équipe. » Je n’ai
i—
(U
(J peut-être pas le budget, mais j ’ai peut-être des ressources humaines
KD que je peux attribuer à son service.
O
rsl

« Un problème ne peut être résolu au niveau de conscience qui l ’a créé. »


ai
A lbert E in s t e in
Q.
O
U
Quand nous sommes sous le coup d’une émotion, et a fortiori dans une
situation conflictuelle, il est facile de consacrer son énergie à ce que nous
ne voulons pas, à ce qui s’est passé et qui est passé, plutôt que de nous

48
P R EPAR ATIO N M ENTALE : TE TE

demander ce que nous voulons et les ressources que nous avons déjà
pour l’obtenir. Pourquoi ? Parce qu’encore une fois c’est plus facile et cela
nous laisse dans notre zone de confort !

Ce comportement s’appelle « le biais de statu quo » qui se définit comme


la tendance à ne pas remettre en cause nos décisions et à ne pas réviser
nos choix de peur de perdre plus que d’y gagner. Ce biais fait le bonheur
des professionnels du marketing car il compte bien dessus pour que vous
ne changiez pas votre abonnement Internet, ni votre assurance auto-moto
et surtout les abonnements qui ne sont gratuits que les six premiers mois !

Tandis que si nous commençons à identifier ce que nous voulons, les res­
sources que nous avons pour y parvenir, il va bien falloir prendre la respon­
sabilité de « notre » problème.

Cette orientation de notre pensée conditionne fortement notre perception


de la situation. Et de cette perception va découler de nombreux comporte­
ments qui vont favoriser le rapport d’adversité avec l’autre.

Vous connaissez le principe selon lequel notre cerveau est programmé


pour trouver des réponses aux questions que nous nous posons, même si
ces réponses sont le fruit de notre imagination ?

Notre cerveau ne supportant pas le vide, et l’absence de réponse, quand


je me demande : « Pourquoi Gilles est-il aussi obstiné ? (« biais d’attribu­
tion ») », mon cerveau va formuler des hypothèses que je vais finir par
prendre pour des réponses. Si en revanche je me demande : « Comment
puis-je le convaincre et le faire adhérer à mes idées ? », vous vous rendez
bien compte que les réponses ne seront pas les mêmes et votre action qui
O
CO
en découlera non plus.
O
s_
)
O)
(J De la même manière, si nous ne sommes pas vigilants, nous allons, dans un
C D
T—<
O conflit, partir à la recherche d’un coupable, puis, une fois que nous l’avons
rM trouvé, chercher à régler des comptes avec lui. Et nous nous étonnons que
cette orientation de pensée ne parvienne pas à solutionner le conflit !
CT
Q.
O
Se poser la question de ce que nous cherchons réellement permet de struc­
U
turer notre pensée et d’orienter notre réflexion dans l’instant et dans la direc­
tion de la résolution des conflits plus que dans l’impasse du rapport de force.

49
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Souvenez-vous : « C’est quoi mon objectif ici ? Qu’est-ce que je cherche


vraiment à obtenir ? » sont les racines de notre capacité à garder le cap
d’une réflexion orienté « solution » plus que « problème ». Et cet objectif doit
être formulé par écrit. Écrivez-le sur une feuille de papier et demandez-vous
si c’est bien ça, ce que vous voulez obtenir. Cet ancrage écrit de votre objec­
tif vous permettra de rester concentré pendant les phases de confrontation
sur ce que vous voulez, comme un phare guide le bateau dans la tempête.

Une fois votre objectif écrit, faites maintenant sur la même feuille deux
colonnes avec « Négociable » et « Non négociable » inscrit en tête de
chacune. Et avant d’aller négocier avec votre adversaire, négociez d’abord
avec vous-même. Qu’est-ce qui est négociable pour vous dans cette situa­
tion ? Quelle marge de manœuvre laissez-vous à l’autre ? Et aussi qu’est-ce
qui est non négociable ? En quoi est-ce non négociable ? Répondre à cette
dernière question est essentiel car en affirmant, par écrit là aussi, votre non
négociable vous devenez plus stable si la mer se déchaîne. Il vous sera plus
facile de tenir la barre dans la direction que vous aurez choisie, vous serez
moins chahuté par les vagues émotionnelles, les vôtres et les siennes.

De la même manière qu’il existe plus d’un conflit dans le conflit, il existe
plus d’un objectif dans le conflit pour le résoudre, il en existe trois pour être
précis. Si vous avez écrit votre objectif par écrit et qu’il est clair pour vous,
vous venez de franchir le premier palier de la résolution du conflit, mais ce
n’est pas suffisant.

Au-delà de l’objectif de résultats, il y a au moins deux autres attentes la­


tentes dans la résolution d’un conflit. À la question : « Qu’est-ce que je veux
obtenir ? » vient s’ajouter un objectif relationnel : « Comment ai-je envie
d’être perçu et traité dans ce conflit ? »
O
tn
Q
i_
J Par exemple, un collaborateur qui veut être traité d’égal à égal, ou au contraire
QJ
e? un collaborateur qui veut être reconnu comme victime de l’entreprise. Notez

T—<
O que parfois l’objectif de résultat que nous visons peut être en conflit avec
rM
notre objectif relationnel. Surtout en entreprise ou l’enjeu du « être perçu »
est beaucoup plus fort que dans les conflits de la vie personnelle.
CT
>-
Q.
O Et enfin un objectif de processus : « Comment ai-je envie que ce conflit se
U
résolve ? », la manière de parvenir à la résolution. Par exemple, on peut tout
à fait imaginer un collaborateur qui pense : « Ce n’est pas à moi d’aller vers

50
P R EPAR ATIO N M ENTALE : T Ê T E

lui, c’est lui, le manager, c’est à lui de prendre ça en main » et un manager qui
pense au contraire : « Ils sont assez autonomes pour régler ça entre eux. »

Cela prend tout son sens quand nous envisageons ces questions depuis la
perspective de notre adversaire :
- Quel est son objectif ?
- Comment souhaite-t-il être perçu et traité dans ce conflit (son enjeu
relationnel) ?
- Comment souhaite-t-il que ce conflit soit résolu ?

Cela implique que dans tout conflit et notamment au travail, nous devons
envisager trois niveaux de satisfaction des personnes en conflit : satisfac­
tion sur le processus, sur la relation, et sur l’objectif de résolution du conflit.

À l’inverse, la non résolution des conflits peut résider dans la non prise en
compte d’un de ces aspects.

Pour une vision stratégique du conflit


Clarifier notre situation et avoir un objectif dans une situation conflic­
tuelle est déjà stratégique. Connaître les enjeux des différents acteurs
du conflit en élargit la portée. Pour cela, vous pouvez vous servir d’un
petit moyen mnémotechnique « PLEASE » dans le conflit :
- Quelle est leur Position : ce qu’ils veulent explicitement et
implicitement.
- Quelles sont leurs Limites : voir causes des conflits.
- Quels sont les Enjeux : liés à leur position et leurs objectifs ?
- Quels sont leurs Atouts : de quelles ressources disposent-ils ?
0
10 - Quelles sont leurs Stratégies : comment abordent-ils ce conflit ?
01
i_
(U
O - Quelles sont leurs Émotions : dans quelle ambiance émotionnelle

T-H sont-ils ?
O
(N
Vous pouvez en faire une grille d’analyse par acteur : sa position, ses
-4-J
XI
limites, ses enjeux, ses atouts, ses stratégies, son ambiance émotion­
CT
>.
nelle. Lire le conflit de cette manière nous donne une vision d’ensemble
CL
O des risques et des opportunités et peut orienter stratégiquement notre
U
action.

51
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Avant de résoudre le conflit


Préparation mentale
Quel est mon problème dans cette situation ? Quel est son problème ?
Quel est notre problème ?

Quel est le conflit dans le conflit pour moi ? Qu’est-ce qui est vraiment,
vraiment, vraiment important pour moi ici ? Mon objectif ou la relation ?

Quelle(s) stratégie(s) ai-je utilisé jusqu’ici, est-elle (sont-elles) toujours


pertinente(s) par rapport à l’objectif que je vise ou suis-je en train de
faire plus de ce que je fais déjà et qui ne produit pas l’effet que j ’en
attends ?

Mon objectif est-il écrit, et suffisamment clair pour moi, pour mon inter­
locuteur ? Ai-je connaissance de ce que mon interlocuteur attend ?

Suis-je suffisamment ouvert à la différence ? Quels a priori viennent


parasiter mon ouverture ?

Suis-je prêt à juxtaposer nos points de vue plus qu’à les opposer ?
Puis-je devenir curieux de son point de vue sans renoncer au mien ?

O
to
O)
eu
(J
vo
1-H
O
(N

5
( )

XI
CT
’s _
>
CL
O
U

52
C h a p itre 2

PréparaNon émoNonnelle : coeur

O « On ne peut pas contrôler les événements autour de soi,


to
O) mais on peut apprendre la maîtrise de soi »
eu
(J W ayne D yer
UD
tH

O
r\J

O
x:
ai
's _
>
CL

U
O

53
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Que signifie gérer ses émotions


en situations conflictuelles ?
Quand nous abordons la dimension « Gestion des émotions » en formation,
la demande implicite de mes stagiaires est souvent : « Aidez-moi à ne pas
être en colère quand je suis en colère », « Aidez-moi à ne pas avoir peur
quand j’ai peur », « Aidez-moi à faire que l’autre ne soit pas en colère quand
il est en colère. » Ils comprennent vite que gérer nos émotions ne signifie
pas annuler nos émotions. Cette attente est souvent liée à une vision néga­
tive des émotions, comme si les émotions faisaient peur. En fait, ce qui fait
le plus peur dans nos émotions est, d’une part, qu’elles nous confrontent
à un univers complètement irrationnel sur lequel nous avons peu prise et,
d’autre part, qu’elles exercent un contrôle quasi total sur nos actions.

Une émotion se déclenche en nous en 100 millisecondes et ce réflexe


vieux de 65 millions d’années se retrouve dans les structures profondes de
notre cerveau. Vouloir contrôler cette réaction émotionnelle archaïque re­
viendrait à produire une réaction plus rapide, disons en 50 millisecondes ?
Cela semble difficile, voire impossible.

Plus que contrôler nos émotions, cherchons donc à maîtriser nos émo­
tions. Autrement dit, si la gestion des émotions était un oiseau, elle aurait
deux ailes : « être avec » nos émotions et « travailler avec » nos émotions.
Très souvent, nous voyons des personnes qui veulent « travailler sur »
leurs émotions sans « être avec », comme si elles avaient peur d’entrer
en contact avec elles et voulaient tout de suite les changer, tandis que
d’autres personnes ressentent facilement leurs émotions et n’imagine pas
« travailler avec ».
O
to
eu Ces deux aspects sont indissociables. Apprendre à gérer ses émotions,
eu c’est développer deux compétences indispensables : les ressentir et les
(J
tH accompagner et c’est le but de ce chapitre.
O
fNJ

Nos émotions sont comme des faits internes. Elles sont là et s’imposent à
ai nous. Plus précisément, ce qui s’impose à nous correspond à des réflexes
Q. primaires que nous avons acquis au titre de notre développement en tant
O
U qu’espèce dans un certain environnement, avec une certaine biologie, dans
une certaine culture, dans une certaine famille, avec certaines expériences
de vie qui ont renforcé ces réflexes... Si l’émotion s’impose à nous, l’action

54
P R EPAR ATIO N E M O T IO N N E LLE : C O E U R

qui en découle en revanche dépend profondément de nous, voilà un autre


aspect de la gestion des émotions : il ne faut pas confondre émotion et action.

Vous vous souvenez de l’expérience de Pavlov où un chien est conditionné


à saliver à chaque fois que retentit le son d’une clochette, même si on ne lui
présente plus de gamelle ? Beaucoup d’entre nous se vivent de la même
manière sur le plan émotionnel. À un déclencheur correspond une émotion
à laquelle correspond une action : « Il m’a regardé comme si je n’existais
pas et là je me suis mise à crier « T’es qu’un égoïste ».

®
DECLENCHEUR (D) = EMOTION (E) = REACTION (A)
Réaction Pavlovienne

Ici réside la différence entre être réactif et être proactif, autre aspect de la
gestion des émotions.

Dans la réaction, c’est notre Cro-Magnon intérieur qui réagit sans se de­
mander si son comportement est adapté et pertinent (D = E = A).

Dans la proactivité, nous sommes un peu plus libres de choisir la ou les


actions qui seront appropriées (D = E = Choix 1 : A1 et / ou Choix A2 et / ou
Choix A3).

O
to
O)
s_
O)
(J
to
T-H
O
rsl

CT
>•
CL
O
U

DÉCLENCHEUR = ÉMOTION = ACTION 1 et / ou ACTION 2 et / ou ACTION 3

55
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Attention, je ne suis pas en train de dire que si une voiture arrive sur vous
à grande vitesse et que vous avez le réflexe d’y échapper parce que vous
avez peur, ce réflexe soit mauvais, au contraire. Je dis juste que réagir de
façon réflexe dans le champ relationnel n’est pas toujours la façon la plus
appropriée pour résoudre un conflit.

« Gérer nos émotions » revient donc à créer un espace entre notre émotion
et notre comportement et c’est ce qui nous différencie de l’animal pour qui
émotion et action sont intimement liées.

Cependant, un des premiers freins à la gestion des émotions s’enracine


dans notre identification à nos émotions. « Je suis comme ça vous sa­
vez... », « Ma » colère, « ma » tristesse, « ma » peur, nous avons dévelop­
pé une identité basée sur nos émotions, comme si elles nous définissaient.
Il est vrai que très tôt, nos parents, notre entourage, nous définissent par
rapport à nos émotions : « C’est un trouillard ! », « Il est colérique ! » « C’est
une chieuse » (désolé pour l’apparent sexisme des exemples).

Il est parfois très difficile de prendre conscience à quel point nous ne vou­
lons pas gérer nos émotions parce que cela serait synonyme de renoncer
à une partie de cette identité. À la suite de Byron Katie^ qui pose souvent
la question : « Qui seriez-vous sans cette pensée ? », on pourrait aussi
se demander : « Qui serions-nous sans cette émotion ? » « Si je n’étais
pas en colère dans ce conflit, qui serais-je ? », peut-être « un lâche » et
comme je ne veux surtout pas me voir ou être perçu comme un lâche, je ne
m’autorise pas à lâcher ma colère. « Si je n’avais pas peur d’exprimer mes
limites dans ce conflit, qui serais-je ? », peut-être : « Quelqu’un qui fait des
histoires en disant “non"», ou encore : « Quelqu’un qui se prend pour plus
qu’il n’est » mais comme : « Un employé, ça a juste le droit de se taire et
O
to d’obéir », je préfère rester dans ma peur.
O)
i_
(U
(J
tû Oui, gérer ses émotions nous confronte encore une fois aux bénéfices
tH

O
fNJ
secondaires de nos émotions. Ici les bénéfices sont identitaires car rien
ne nous fait plus peur que de ne pas être cohérent avec l’image que nous
ai avons de nous-même, même si cela doit nous coûter. Oui : « Si je lâchais
> cette émotion, je ne me reconnaîtrais plus, et ce serait très insécurisant. »
CL
O
U
Seulement, il n’y pas de résolution de conflit sans risque, ni sans coût et
voici celui auquel il nous est le plus difficile de renoncer.

8. Auteure américaine, célèbre pour Le Travail, approche de développement personnel ; www.thework.com

56
PREPAR ATIO N E M O T IO N N E LLE : C O E U R

La prochaine fois que vous êtes en conflit, demandez-vous : « Qui serais-je


sans cette émotion ? » et laisser venir la réponse. Très souvent, vous dé­
couvrirez la fonction de votre émotion, c’est-à-dire ce qu’elle vous permet
d’éviter de ressentir sur le plan identitaire : « être lâche », « être quelqu’un
qui fait des histoires », « être quelqu’un de prétentieux ».

L’idée est alors de réconcilier votre objectif « résoudre ce conflit » avec une
perception acceptable de votre identité. Cela revient à se demander dans
le premier exemple : « Comment puis-je résoudre ce conflit sans paraître
lâche, ni être agressif ? » et dans le second exemple : « Comment puis-je
résoudre ce conflit en posant mes limites sans être quelqu’un qui fait des
histoires ? » ou encore « Comment puis-je résoudre ce conflit sans être
prétentieux ? »

Souvenez-vous que cela est valable pour la personne avec qui vous êtes
en conflit : « Qui serait-elle sans cette émotion ? » vous aide aussi à voir le
sens que peut prendre l’émotion de son point de vue.

Cette dynamique se retrouve par exemple entre deux collègues qui sont
en conflit et qui se demandent qui doit faire le premier pas dans la résolu­
tion du conflit. On retrouve souvent ici en arrière-plan les mêmes enjeux
identitaires.

Question : « Qui serais-je si j ’allais le voir le premier ? Si je prenais


l’initiative de renouer le contact ? »

Réponse : « Cela voudrait dire que je suis faible, soumis, fragile, que ce
qu’il a fait ou dit ne compte pas ou plus... et ce n’est pas vrai, je ne suis
ni faible, ni soumis, ni fragile, alors je n’y vais pas ! » Dans ce cadre-
O
to là, prenez quelques instants pour aller plus loin et requestionner les
eu
)_
O) évidences : « Est-ce toujours vrai que prendre l’initiative de résoudre le
(J
to
T-H
conflit est un signe de faiblesse ? », « Est-ce toujours vrai que prendre
O
(N l’initiative de résoudre le conflit est un signe de soumission ? », « Est-ce
toujours vrai que prendre l’initiative de résoudre le conflit est un signe
CT de fragilité ? » Et si justement c’était être fort, et assertif que d’oser y
>•
D.
aller le premier !
O
U
Requestionner l’évidence est une vraie qualité en matière de résolution de
conflit autant que de gestion des émotions, la question : « Est-ce toujours
vrai que... » vous guide sur ce chemin.

57
SE P R E P A R E R A R É S O U D R E UN C O N F L IT

Qu’est-ce qu’une émotion ?


Encore une fois, la question peut sembler singulière mais en même temps
cette question est essentielle. Car l’émotion est une composante déter­
minante du conflit. Un conflit sans émotion devient juste un problème à
résoudre. On passe alors de la résolution de conflit à la résolution de pro­
blème. Si seulement...

Prendre en compte la dimension émotionnelle d’un conflit c’est d’abord


prendre en compte une information. Oui, l’émotion est avant tout une infor­
mation qui peut devenir un message si nous savons l’écouter.

Michael Hall, le père de la neurosémantique, nous donne une définition


très pragmatique d’une émotion : c’est le résultat du décalage qu’il y entre
ce que je veux et ce que j ’obtiens, entre ce que je considère comme juste et
la réalité, entre ce que je considère comme vrai et la réalité, entre la carte
et le territoire.

Plus ce que je veux correspond à ce que j ’obtiens, plus ce que j’attends des
autres correspond à ce que les autres font, plus ce que les autres disent
correspond à ce que je pense, plus mon émotion est positive, agréable.
Moins ce que les autres font et disent correspond à ce que j ’attends, plus
mon émotion est négative, désagréable.

Comment cette définition nous est-elle utile ?

Quand je ressens une émotion positive ou agréable, c’est que la réalité


correspond à mon attente. Nous n’avons peut-être pas besoin de nous
attarder sur ce poinP. En revanche, quand je ressens une émotion néga­
O
to
QJ tive, cette définition nous donne deux pistes d’action. La première : agir
i_
QJ pour faire correspondre la réalité à mes attentes. La seconde agir sur mes
e?

T—<
attentes pour qu’elles correspondent à la réalité. Facile, non ?
O
rM
Ces deux stratégies ne sont pas anodines et s’associent souvent aux stra­
x: tégies plus générales de gestion de conflit.
>•
Q.
O Pour les personnes qui ont une stratégie plutôt d’attaque basée sur l’émo­
(J
tion de la colère, la première stratégie va être de privilégier l’action sur les

9. Voir du même auteur J’ai décidé d’être heureux. ..au travail, GERESO Édition, 2016.

58
PR ÉPAR ATIO N É M O T IO N N E LLE : C O E U R

autres pour que la réalité corresponde à leurs attentes, ou parfois pour que
les autres se conforment à leurs attentes.

Les personnes qui ont plutôt une stratégie d’évitement ou d’accommoda­


tion essentiellement basée sur l’émotion de la peur vont sans doute cher­
cher à remettre en question leurs attentes pour qu’elles correspondent à
la réalité : « Ce n’est pas si grave après tout », « Ce n’est pas si important
après tout. »

Alors, quelle est la meilleure solution ? S’il est difficile d’affirmer défini­
tivement qu’une stratégie est meilleure qu’une autre, ce qu’on peut en
revanche dire c’est ce qu’elles s’organisent dans un ordre séquentiel idéal.
D’après vous ?

Combien de personnes qui utilisent la stratégie d’évitement disent : « Si


seulement, il (celui qui a la stratégie d’attaque et avec qui elles sont en
conflit) pouvait changer de comportement » sous-entendu : « Si seulement
il pouvait se rendre compte par lui-même qu’il doit changer de compor­
tement, parce que moi je n’arrive pas à lui dire, je n’ai pas les mots, j ’ai
peur... etc. »

Ce qu’il faut savoir, c’est que les personnes qui sont dans la stratégie
agressive pensent que ce sont les autres qui doivent changer (agir sur la
réalité et les autres), et n’ont généralement pas le réflexe de se remettre
en question.

L’attente de la personne qui est dans la stratégie d’évitement est donc


vaine car elle souhaite que la personne qui est dans la stratégie d’attaque
fonctionne comme elle... L’inverse est tout aussi vrai pour les personnes
O
to
eu en stratégie d’attaque vis-à-vis de celles qui sont en stratégie d’évitement.
eu
(J
Ю Alors d’après vous, quel est l’ordre idéal d’utilisation de ces deux straté­
O
ГМ gies : avoir ce que l’on veut et ensuite vouloir ce que l’on a ? Vouloir ce que
l’on a et ensuite avoir ce que l’on veut ? Idéalement, il est souhaitable de
CT commencer par la première. D’abord mettre son énergie à changer la réa­
>.
Cl
lité pour qu’elle corresponde à ce que l’on souhaite. Ensuite et seulement
O ensuite, accepter ce que l’on ne peut pas changer.
U

59
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Résoudre les conflits : entre puissance et limite.

Imaginons vous êtes en conflit avec quelqu’un. Dans cette situation, il y des
choses que vous pouvez changer, des choses que vous pouvez influencer
et des choses que vous ne pouvez qu’accepter ou auxquelles vous devez
renoncer.

Remettre en perspective la dynamique conflictuelle avec ce schéma est


très salutaire au niveau émotionnel. Cela évite quatre grands écueils :
l’idée que je ne peux rien changer dans un conflit, l’idée que je peux tout
changer dans un conflit et donc que tout dépend de moi, l’idée que je doive
O
1/1 tout accepter, et l’idée qu’il n’y aurait rien auquel je doive renoncer.
01»
_
(U
(J Oui, cette perspective nous offre un nouveau regard sur la et les respon­
UD
tH

O sabilités partagées dans un conflit et nous évite de rentrer dans les trop
rsl

O fréquents « c’est de ma faute » ou « c’est de sa faute » ou encore « je n’y


peux pour rien », « c’est à lui de... »
oi
>.
CL
O
U

60
PREPAR ATIO N E M O T IO N N E LLE : C O E U R

Peut-on changer quelqu’un ?


Dans le champ professionnel, ces trois cercles sont aussi très impor­
tants, notamment pour les personnes qui sont en difficulté avec leur
responsable.
Ou placez-vous « mon patron » sur ces trois cercles ? Pouvez-vous le
changer ? L’influencer ? Devez-vous renoncer à le changer ?
Si l’envie de changer son « boss » est parfois compréhensible : « Si
seulement il était moins colérique », « Si seulement il pouvait recon­
naître mon travail... » Il est cependant essentiel de réaliser que cela
se situe au niveau du cercle des choses que nous pouvons influencer
et au final, au niveau du cercle des choses que nous ne pouvons pas
changer. De par sa légitimité dans l’entreprise et sa position hiérar­
chique, changer ne dépend que de lui. Je me souviens même d’un
PDG qui me disait qu’il avait créé sa propre entreprise pour ne plus
avoir de personnes au-dessus qui exigent qu’il fonctionne autrement,
ni de personnes en dessous qui le lui demandent.
Alors bien sûr, il y a des moyens plus ou moins constructifs de l’in­
fluencer (grève, absentéisme, action syndicale, etc.) mais c’est une
des limites qu’il nous faudra accepter. Pourquoi ? Parce que vouloir
changer quelqu’un qu’on ne peut pas changer évite de nous poser la
seconde difficile question : « Suis-je prêt à changer mes attentes pour
qu’elles soient en phase avec la réalité de mon patron (sa personna­
lité, son style de management par exemple) ou bien dois-je envisager
de partir ? » Dans un contexte de crise, ou le GDI devient un luxe,
vous comprenez pourquoi nous évitons de nous poser la question.
Et vous-même, ou vous situez-vous sur ce schéma ?
O
to
eu Beaucoup d’entre nous pensons que nous ne pouvons pas changer...
eu
(J
to
tH

O
(N « Deviens le changement que tu veux voir dans le monde. »
G andhi
oi
>-
Q. Alors ou placez-vous vos émotions dans ce graphique ? Est-ce quelque
O
U chose que vous devez accepter, que vous pouvez influencer ou que vous
pouvez changer ?

61
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Un second frein à la gestion des émotions vient de nos croyances autour


de la cause de nos émotions. Depuis notre plus grande enfance, nous
sommes éduqués émotionnellement avec : « C’est de ta faute si je suis
triste », « Tu m’as mise en colère », et cela aboutit à l’âge adulte à être
persuadé que ce sont les autres qui sont responsables de nos émotions.
Réinterrogeons cette évidence.

Dans cette croyance donc, si je ressens une émotion c’est parce qu’un
événement se produit. Si nous traduisons cela en langage mathématique :
« Si A (un événement) se produit, alors B (une émotion) surviendra. » Pre­
nons maintenant un exemple.

Imaginons deux enfants qui jouent dans les vagues en vacances. Ils vont
tous les deux à l’assaut d’une vague et sont l’un et l’autre chahutés par
la vague (A). À l’issue de cette expérience, le premier s’en va pleurer (B)
« dans les jupons de sa mère » et le second retourne joyeusement parce
que « c’est trop drôle papa ! » (C). Nous avons bien « A » qui se pro­
duit et qui est commun aux deux enfants, sauf que nous avons « B » et
« C » comme réaction possible face à « A ». Pour un même événement, la
réaction est différente, ce qui démontre bien que ce ne sont pas les évé­
nements qui sont troublants mais bien nous qui nous troublons avec eux.
Prenez quelques instants pour y réfléchir.

Oui, ce n’est pas ce qui nous arrive qui déclenche une émotion mais le
sens que nous donnons à cette expérience. Et qui donne ce sens, sinon
nous-même ? ! Dans notre exemple, ce n’est pas être chahutés par la
vague qui déclenche la réaction chez les deux enfants, c’est la façon dont
ils vont interpréter cette expérience. Pour le premier ce sera peut-être :
« J’ai failli me noyer, qu’est-ce que j ’ai eu peur ! » et pour le second : « Je
O
ü) me suis retrouvé la tête en bas, il faut que je revive ça encore une fois ! »
O)
eu Même Événement, mais expérience différente !
(J
eo
tH

O
fNJ En conséquence, dans un conflit, ce n’est pas ce que l’autre fait, ou ce qu’il
dit, qui déclenche notre émotion, c’est notre interprétation de ce qu’il fait
jC ou dit, ne fait pas ou ne dit pas qui va déterminer notre émotion et notre
CT
's _
réaction.
CL

U
O

62
P R EPAR ATIO N E M O T IO N N E LLE : C O E U R

Quel est mon état ém otionnel dans ce conflit ?


Si nous reprenons les trois cercles de la question précédente, ou placez-
vous vos émotions dans ce graphique ? Est-ce quelque chose que vous
devez accepter, que vous pouvez influencer ou que vous pouvez changer ?

En fait, si nous sommes cohérents avec ce que nous avons dit jusque-là,
nos émotions appartiennent aux trois cercles :
- Je dois les accepter, « être avec » car encore une fois, les émotions
sont comme des faits internes qui s’imposent à moi. Ce qui implique que
je dois aussi renoncer à vouloir ressentir dans un premier temps autre
chose que ce que je ressens là, ici et maintenant. « Quand je ressens de
la colère, je ressens de la colère >>, « Quand je ressens de la déception,
je ressens de la déception. »
- Soyons réalistes, au début gérer ses émotions revient plus à les influen­
cer qu’à les changer. Cela fait partie du « travailler avec ». Plus tard
arrive la maîtrise.

Pour parvenir à ce niveau de contrôle, l’entraînement commence par l’aile


« être avec » ses émotions et cela implique d’être conscient de ce que nous
ressentons tel que nous le ressentons.

Peu d’entre nous ont appris à être à l’écoute de notre vie émotionnelle.
Vous êtes peut-être surpris et surtout surprise de cette affirmation ? En
effet, pleurer, crier, se ronger les ongles ne sont pas des émotions, ce sont
des actions, des comportements qui découlent de nos émotions. Être à
l’écoute de ses émotions implique une attitude de curiosité bienveillante
à l’égard de ce qui se passe là, sous notre tête, et qui nous appelle, sans
nécessairement agir sur cette émotion.
0
U
01)
i—
Q)
(J Pour parvenir à cela, le modèle de Loehr et Shwarz est un excellent moyen
UD de poser un regard à la fois conscient et non jugeant sur notre ambiance
O
rsl émotionnelle (schéma page suivante).

ai
Q.
O
U

63
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

ÉNERGIE HAUTE

10
Haine

Colère Enthousiaste

Peur Confiant

Anxiété Joyeux

ÉMOTION NÉGATIVE < ■ > ÉMOTION POSITIVE


10 10
Déprimé

Fatigué Relaxé

Désespéré Serein

Burn-out En paix
10
r
ÉNERGIE BASSE

Ma météo émotionnelle^^

Mettons-le tout de suite en action et appliquons-le au conflit que vous vous


préparez à résoudre.

L’axe vertical vous permet de vous situer sur l’axe de votre niveau d’éner­
gie, sur l’intensité de votre état : de très intense à très peu intense. Par
exemple, quand vous pensez à cette personne ou à ce conflit, ou vous
situez-vous sur cette échelle de -10 à + 10 ? Vous situez-vous plutôt sur la
moitié supérieure ou la moitié inférieure du graphique ?

L’axe horizontal vous permet de vous situer sur la nature de votre émotion,
O
to d’une émotion très négative à une émotion très positive, là aussi de - 10
0)
i_ à + 10. Allez-y situez-vous sur cette échelle.
eu
(J
tD
tH

O Enfin reliez les deux points de l’axe vertical et de l’axe horizontal ensemble
r\J
et vous obtiendrez la vision la plus claire possible de votre état émotionnel.
x:
ai
's _ Maintenant, nommez votre état émotionnel : « Je ressens... »
CL

U
O
Très souvent, les personnes qui ont une stratégie d’attaque dans les situa­
tions conflictuelles vont naturellement se retrouver dans le quart supérieur

10. Jim Loehr and Tony Schwartz, The power of full engagement, The free press editions, page 38.

64
PREPAR ATIO N E M O T IO N N E LLE : C O E U R

gauche du graphique et vont plus facilement éprouver de la colère, de


l’agacement, de l’irritation. Tandis que les personnes qui ont une stratégie
d’évitement ou d’accommodation vont eux plutôt se situer dans le quart
inférieur gauche avec des émotions d’anxiété, de tristesse, de peur...

« Connais-toi toi-même >> dit le sage. Bien connaître son univers émotion­
nel est donc une clé de compréhension de nous-même très importante. Ce
n’est pas aussi compliqué que cela paraît parce que ce sont souvent les
mêmes émotions que nous ressentons tout au long de nos journées, de
nos semaines et ce, quels que soient les événements qui nous arrivent.

C’est ce que certains ont fini par appeler le tempérament. Certains d’entre
nous sont plus facilement dans un des quadrants du cercle, certains ont
plus de facilité à passer côté gauche ou côté droit, nous sommes tous
différents.

Dans le concept d’intelligence émotionnel développé par Daniel Goleman,


un des critères qui caractérisent les personnes émotionnellement intelli­
gentes, est la conscience de nos émotions. Pour développer cette pre­
mière dimension, je recommande très souvent à mes clients en coaching
émotionnel d’imprimer cinq feuilles, une pour chaque jour de la semaine,
avec le modèle de Loehr et Shwarz qui y est représenté, et je leur de­
mande de noter chaque matin et chaque après-midi là où ils se situent sur
le schéma.

Après la première réaction qui est de dire « encore du travail en plus »,


l’expérience que les personnes rapportent est que très souvent elles ne
réalisaient pas l’état émotionnel dans lequel elles se trouvaient. Et le fait
de devoir inscrire sur cette feuille comment elles se ressentaient à ce mo­
0
1/1
01 ment-là, les obligeaient à prendre conscience d’un état émotionnel auquel
i_
(U
(J elles avaient fini par s’habituer et qu’elles finissaient par considérer comme
UD normal.
O
rsl

Elles découvraient alors pourquoi elles se sentaient fatiguées ou parfois


ai découragées à la fin de la journée, et prenaient conscience aussi de pour­
>-
CL
quoi une fois rentrées à la maison, les conversations aboutissaient plus
O
U facilement à des disputes.

Oui, nous nous habituons à vivre du côté gauche du graphique et nous fi­
nissons par considérer cela comme normal. Surtout encore une fois, parce

65
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

que nous n’avons pas appris à gérer nos émotions. Gérer nos émotions
c’est parvenir à passer du côté gauche du graphique au côté droit. Et au
début, à être de moins en moins vers la gauche et de plus en plus vers la
droite quand nous le souhaitons.

Seulement, il convient de tenir compte d’une subtilité émotionnelle.

Une de mes clientes en coaching m’était adressée parce qu’elle était fati­
guée et pleurait facilement. Quand je lui demandais de me raconter ses
journées de travail, j ’étais très étonnée de la voir pleurer tout en me disant
qu’elle était frustrée de la manière dont son manager menait le service,
que « ça l’énervait », « qu’elle lui dirait bien tout ce qu’elle pensait de lui »
avec un ton plutôt agressif. J’étais étonné parce que les larmes qui sont
plutôt l’expression de la tristesse contrastaient fortement avec ses mots qui
relevaient plus du registre de la colère. Je finis par lui faire remarquer et lui
dis : « Vous pleurez et vous exprimez aussi beaucoup de colère, ou vous
situez-vous sur le graphique ? » Peu à peu, elle prit conscience qu’elle
n’était pas triste, ni fatiguée d’ailleurs, ou plutôt qu’elle était fatiguée, oui,
mais de retenir constamment sa colère. Elle ne s’autorisait pas à exprimer
sa colère et comme il fallait bien que ça sorte, sa colère s’exprimait sous
forme de larmes.

Combien de fois ai-je été le témoin de femmes notamment, qui ravalaient


leur colère et pleuraient à la place. Oui, nombreuses sont les femmes (et
les managers et collègues avec qui elles travaillent) qui encore aujourd’hui
n’ont pas conscience qu’elles pleurent sous l’effet de la colère et non de la
tristesse.

Les émotions sont comme les trains : elles peuvent en cacher une autre,
O
tn et de ce fait nous passons parfois à côté de notre émotion primaire, nous
QJ
i_
QJ nous identifions à l’émotion de remplacement et finissons par nous dire que
e?

T—<
nous sommes tristes.
O
rM
Les hommes ont eux aussi leur émotion de remplacement. D’après vous ?
CT Autant les femmes déplacent leur agressivité dans leurs larmes, autant la
>• colère des hommes est souvent le déplacement de leur peur. Combien de
CL
O fois un manager qui est en colère est en fait un manager qui a peur ! Seu­
(J
lement, combien le reconnaissent ? Oui, parce qu’un manager « ça n’a pas
peur », « ça doit être exemplaire », « ça n’a pas le droit d’avoir ni d’exprimer

66
P R EPAR ATIO N E M O T IO N N E LLE ; C O E U R

ses doutes ». L’entreprise est parfois un monde cruel pour la conscience et


l’expression des émotions.

Même si cela est parfois vrai, ne soyons pas nous-même dupe de notre jeu
de cache-cache.

Comment gérer mon émotion dans ce conflit ?


« Être avec » son émotion est une des conditions de sa gestion. Avant d’al­
ler du côté de « travailler avec » son émotion, reprenez quelques instants
pour nommer l’émotion que vous ressentez à propos de cette personne ou
à propos de ce conflit pour lequel vous vous préparez.

Maintenant que vous avez nommé cette émotion, notez quel sentiment
vous ressentez pour cette émotion ?

Prenons un exemple. Imaginons que vous vous sentiez en colère, que res­
sentez-vous pour cette colère ? Très souvent, nous pouvons éprouver un
sentiment de honte ou de peur envers notre colère, et cela va se manifester
par des jugements sur notre émotion : « Je ne devrais pas être en colère »,
« Et si elle me submerge, je risque de tout casser. » Notre ressenti dans
l’instant va alors se teinter de notre sentiment pour cette émotion. Nous
avons peur de notre colère, nous sommes en colère d’être tristes, nous
sommes tristes d’être en colère, etc.

Apprendre à être là avec l’émotion qui est là, telle qu’elle est là, dans
l’instant, c’est ne pas rajouter d’émotion à notre émotion. Et c’est une
expérience beaucoup plus paisible qu’on ne croit et qui s’apprend par les
O techniques de Pleine Conscience issues des pratiques orientales et qui
CO
O
s_
) ont donné naissance à des proverbes zen qui prêtent parfois à sourire :
O)
L3 « Quand je ressens de la colère, je ressens de la colère », « Quand je
C D
T—<
O ressens de la tristesse, je ressens de la tristesse », « Quand je ressens de
rM la peur, je ressens de la peur », c’est aussi simple que ça et c’est pour cela
que c’est difficile et que cela nécessite un entraînement.
CT
>.
CL
O Cela ne signifie pas que je me justifie « j ’ai raison, j ’ai le droit d’être en
U colère », mais une émotion est une expérience qui s’impose à moi, plus je
lui résiste, plus elle persiste.

67
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Cela ne signifie pas non plus que comme je m’autorise à ressentir mon
émotion, je vais agir sur mon émotion. Autrement dit ce n’est pas parce que
je ressens de la colère que je vais crier sur l’autre... Ce n’est pas parce que
j ’ai peur que je vais me taire.

Plus je résiste à une ém otion, plus elle persiste


« Être avec » ne veut pas dire subir notre émotion. Je dirais même que plus
je suis « avec » mon émotion, moins je la subis, et mieux je la maîtrise.

Ensuite, gérer notre émotion revient à agir sur deux dynamiques de l’émo­
tion : son intensité et sa durée et nous pouvons apprendre à fortement
influencer, voir même à changer ces deux variables émotionnelles.

Démarrons par le commencement. Vous venez d’identifier votre émotion et


imaginons que ce soit la peur ou la colère. Prenez maintenant le temps de
noter sur le modèle de Loehr et Schwarz l’intensité de votre émotion de 0
à 10. 0 étant le minimum imaginable, 10 étant le maximum de colère ou de
peur imaginable ou quelle que soit l’émotion que vous ressentez.

Cela donne : « Je ressens 8 de colère », « Je ressens 4 de peur. » Consi­


dérez maintenant votre situation conflictuelle à partir de notre graphique.
Représente-t-il bien la situation émotionnelle de votre point de vue ? Vous
avez devant vous l’intensité de votre émotion de -10 à + 10 sur l’axe verti­
cal, et sa valence^^ de très négative à très positive à l’horizontale.

Ce premier pas est important dans la gestion des émotions et dans la


gestion des conflits parce que vouloir résoudre un conflit quand on est en
émotion négative, à 8 d’intensité et à 7 de valence négative a très peu de
O chance d’aboutir à une résolution efficace du conflit et a plus de chance de
tn
QJ
i_ se transformer en règlement de compte.
O)
(J
T-H Si c’est votre cas, ou le cas de votre « adversaire » mieux vaut lui dire :
O
(N
« Nous ne sommes plus en capacité de nous écouter, je te propose que
nous reprenions cette conversation demain à 14 h, qu’en penses-tu ? »
CT (attention à bien proposer un rendez-vous à heure et date précises sinon
>.
CL
O cela pourrait être pris pour de la fuite).
U

11. Définition de ia valence d ’une émotion qualité intrinsèquement agréable ou désagréable d ’une
émotion.

68
P R ÉPAR ATIO N É M O T IO N N E LLE : C O E U R

Cette objectivation émotionnelle en tête, franchissons une nouvelle étape.


Il est très difficile d’agir directement sur nos émotions, leur caractère insai­
sissable et parfois confus nous donne le sentiment d’être impuissant face
à elles. En revanche si on considère que chaque émotion a une facette
corporelle, nous pouvons plus facilement agir sur notre corps.

Apprendre à calmer la réaction biologique liée à nos émotions influence


fortement leur intensité et leur durée. Pour les personnes avec la stratégie
d’évitement ou d’accommodation basée plutôt sur l’émotion de la peur :
l’apprentissage de la relaxation et le développement de techniques respi­
ratoires ont démontré leurs effets.

Pour les personnes avec la stratégie d’attaque, plutôt basée sur l’émotion
de la colère (ou de la peur, vous le savez maintenant), les exercices de
libération émotionnelle font aussi beaucoup de bien. Ces exercices consti­
tuent un entraînement.

Le modèle de Loehr et Shwartz va vous aider à en mesurer vos progrès.

Avant de faire ces deux exercices, situez-vous de nouveau sur le gra­


phique de la valence de votre émotion et de son intensité. Maintenant pra­
tiquez les deux exercices qui suivent.

Expérience respiratoire
Allez-y prenez une grande inspiration. Encore une...
Est-ce votre poitrine qui se gonfle ?
Sur le plan cérébral, une respiration haute (thoracique ou claviculaire),
O rapide et superficielle, nous maintient dans notre état émotionnel. Notre
to
eu cerveau émotionnel domine notre état de conscience et notre Cro-Ma-
eu
(J gnon continue de prendre les commandes.
to
tH

O
fNJ
Maintenant, prenez quelques instants pour simplement observer votre
respiration. Observez votre inspiration, puis votre expiration sur deux
jC ou trois cycles respiratoires. Ralentissez maintenant légèrement votre
CT
's _
respiration et allongez surtout le temps de l'expiration.
CL

U
O
Puis prenez votre pouls au niveau de votre poignet ou de votre cou et
observez maintenant comment le ralentissement de votre respiration à
l’inspiration et à l’expiration influence votre rythme cardiaque.

69
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Trouvez votre rythme. Expérimentez si vous ressentez le plus d’effets


en ajoutant un temps de pause au sommet de votre inspiration. Cela
facilite les échanges gazeux au niveau pulmonaire et peut amplifier
l’activité parasympathique du corps, l’action qui ralentit son activité. À
exercer au moins trois fois trois minutes par jour. Et si vous ajoutez une
musique apaisante, l’atmosphère n’en sera que plus propice au retour
au calme.

Expérience « défoulatoire »
Il est parfois salutaire de ne pas garder en soi la tension que nous
ressentons. Cela nous permet un retour au calme bienfaisant et nous
apporte plus de clarté mentale.
Pour libérer nos tensions, nous allons utiliser un principe corporel
simple selon lequel toute tension est suivie d’un relâchement.
Nous allons provoquer une tension forte dans le corps pour en fait
provoquer une détente. Pour cela, prenez une grande inspiration, et
pendant que vous inspirez, levez les épaules le plus possible tout en
contractant les mains, les avant-bras et les bras. Gardez l’air dans vos
poumons, pendant au moins sept secondes, puis relâchez tout d’un
coup, épaules, bras, avant-bras, mains, en soufflant profondément
avec le son « ha >>.
Essayez de réaliser cela tout en gardant votre dos le plus droit possible
et sans vous voûter au moment du relâchement. Secouez un peu les
bras et passons au... deuxième round : Prenez une grande inspiration,
contractez les poings, les avant-bras, les bras, les épaules et ajouter
maintenant tout le visage, avec une belle grimace d’aérobic facial. S’il
n’y a personne autour de vous, allez-y ! Et si vous êtes en open space,
O
to dites-vous que vos collègues ne vous regarderont plus de la même
0)
eu manière après ça ! Plus sérieusement, les toilettes sont parfois le seul
(J
tD
tH
endroit ou ces exercices sont tolérés sur le lieu de travail.
O
r\J
Minimum sept secondes, puis relâchez de nouveau tout d’un coup, le
(y)
x:
souffle, la tension dans les muscles du visage et des bras...
ai
's _
> Secouez un peu les bras puis reprenez votre graphique, et évaluez main­
CL
O
U tenant votre ambiance émotionnelle sur le graphique. Comment vous
sentez-vous maintenant ? Comment ces deux exercices ont-ils fait évo­
luer votre état émotionnel ? Est-ce plutôt la valence ou l’intensité de votre
émotion qui a changé ? Avez-vous gagné quelques points vers la droite ?

70
P R EPAR ATIO N E M O T IO N N E LLE : C O E U R

Ce graphique vous aidera à la fois à mesurer vos progrès et aussi à sa­


voir si vous êtes en état pour pouvoir envisager la résolution de conflit.
Il sera, à l’image de votre baromètre intérieur, le reflet de votre météo
émotionnelle.

Notez que parfois les exercices qui feraient le plus de bien aux personnes
avec la stratégie d’attaque, les exercices respiratoires, sont justement ceux
que ces personnes apprécient le moins. De même, les exercices défoula-
toires qui feraient beaucoup de bien aux personnes avec la stratégie fuite,
sont rarement appréciés par ces dernières alors que cela leur éviterait de
tout garder à l’intérieur d’elles-mêmes.

Apprendre à explorer l’opposé de ce qui nous est évident, permet parfois


d’équilibrer les conséquences liées à nos certitudes justement.

Com m ent utiliser les ém otions de l’autre


de façon constructive ?
Si seulement la personne avec qui nous sommes en conflit pouvait s’ex­
primer avec gentillesse, douceur et compréhension ! Malheureusement
c’est rarement (jamais ?) le cas. L’expression de ses émotions est souvent
spontanée, intense, parfois violente et nous sommes alors déstabilisés, en
colère ou apeuré... Alors comment faire face à ces moments d’ébullition
émotionnelle ?

Nous avons vu qu’une émotion est un fait qui s’impose à nous et que
nous le voulions ou pas, cette réaction archaïque et réflexe ne prend que
100 millisecondes. Ce qui est valable pour nous est aussi valable pour
notre adversaire.
0
011
_ Lui aussi est soumis à son impulsivité, lui aussi confond émotion et action,
(U
(J lui aussi cherche à faire correspondre la réalité à ses attentes. Imaginez-le
UD
tH

O comme une cocotte-minute et ses émotions comme la vapeur qui s’échappe


(N
de la soupape pour éviter l’explosion ou l’implosion. Encore une fois, il ne le
fait pas contre nous, il le fait parce qu’il n’a pas le choix de faire autrement
CT
et / ou qu’il n’a pas appris à faire autrement et que libérer de la pression lui
>.
CL
O fait du bien (personne n’aime être sous une pression excessive).
U

La première réaction à éviter face à quelqu’un qui est sous le coup d’une
émotion est justement de nier ce qu’il ressent et de lui demander de ne

71
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

pas le ressentir. Et cela arrive plus souvent qu’on ne le croit. « Ne t’énerve


pas », « Calmez-vous », « n’aie pas peur ». Ce réflexe bien intentionné est
en fait une injonction difficilement tenable pour celui à qui elle s’adresse.
En effet : « Tu me demandes de ne pas être en colère et c’est exacte­
ment ce que je ressens et qui s’impose à moi, et sache-le, c’est loin d’être
agréable pour moi aussi. »

Oui, en demandant à la personne avec qui je suis en conflit de ne pas


s’énerver, je la mets dans une position intenable puisque justement elle
est énervée et qu’elle vient de nous le dire. Souvent nous agissons de
cette manière pour nous rassurer face à l’émotion de l’autre, et lui peut
le vivre comme si nous cherchions à lui imposer notre façon de faire les
choses, comme si cette situation devait se dérouler à notre manière. Vous
comprenez qu’en général cela augmente la tension relationnelle. De façon
imagée, cela revient à mettre le doigt sur la sortie de vapeur de la cocotte-
minute et à empêcher la soupape de remplir sa fonction de libération.

Dans ce contexte, mieux vaut, au contraire, reconnaître l’émotion de l’autre


et lui permettre de vivre son émotion. Souvenez-vous que tout ce à quoi
on résiste, persiste ! Des phrases comme : « J’ai l’impression que tu es
colère, c’est bien ça ? », « déçu », « impatient », « mécontent » sont des
signes de reconnaissance que nous apportons à l’autre, des signes que
nous prenons en compte son ressenti et que nous ne cherchons pas à en
prendre le contrôle.

Nous craignons parfois d’utiliser ces phrases de peur quelles ne dé­


clenchent justement l’émotion que nous reconnaissons. « Si je lui dis qu’il
est en colère, cela va justement le mettre en colère », « Si je lui dis qu’il
0 est déçu cela va justement l’amener à être déçu. » Eh bien, non, ce n’est
1/1
01
i_ pas parce que je parle d’une émotion, surtout si j ’utilise l’expression « j ’ai
O)
(J l’impression que... », et que je le vérifie par « c’est bien ça ? », ce n’est pas
T-H
O parce que je nomme une émotion, que je la provoque. Au contraire, une
(N
personne éprouvera moins le besoin de crier son émotion si son émotion
sz
est déjà entendue, reconnue. Et cela fait toute la différence. Ce qui désa­
oi morce une émotion, c’est justement de la prendre en compte.
>•
CL
O
U
Une autre manière de ne pas tenir compte de l’émotion de notre adversaire
consiste à rester centré sur l’objet du conflit. Or, dans un premier temps, ce

72
PREPAR ATIO N E M O T IO N N E LLE : C O E U R

qui fait problème dans un conflit n’est pas l’objet du conflit lui-même, mais
l’émotion que ressent notre adversaire.

Si nous reprenons l’image de la cocotte-minute, ce n’est pas le feu sous la


cocotte-minute qui pose problème, c’est la pression dans la cocotte (même
si je vous l’accorde les deux sont intimement liés). Notre premier objectif
a donc intérêt à être l’expression de l’émotion. « Ex-pression » : mettre
la pression à l’extérieur de soi, pour ne pas la garder à l’intérieur de soi.
Et c’est plus difficile qu’on ne le croit car cela demande l’acquisition d’un
nouveau réflexe.

Souvent, quand, par exemple, nous recevons un reproche, nous avons le


réflexe de nous justifier. Par exemple : « Tu es en retard, comme d’habi­
tude ! » Face à ce reproche, il est parfois plus facile de chercher à expli­
quer, se justifier, faire comprendre pourquoi, plutôt que de donner la parole
à celui qui parle. Souvenez-vous : « Qui a le problème ? »

Dans cette phrase : est-ce vous ou votre interlocuteur qui se plaint de votre
retard ? Le premier réflexe à acquérir pour permettre la libération de la
pression chez notre interlocuteur, c’est de lui laisser la parole, parce que
c’est celui qui a un problème qui a besoin d’en parler. En faisant parler
notre interlocuteur, il libère la pression de la cocotte-minute et peut plus
facilement revenir à une température plus acceptable et propice à une
résolution de conflit plutôt qu’à un règlement de compte.

Cette capacité est difficile à acquérir parce qu’en situation conflictuelle,


quand nous sommes sur le registre du règlement de compte plus que de
la résolution de conflit, l’enjeu est souvent d’avoir et de garder la parole.
O Celui qui parle en premier, celui qui parle le plus. On pourrait presque dire
CO
O)
s_ d’ailleurs que c’est un des indicateurs du règlement de compte, la course
O)
(J à la parole, autant que la possibilité de clouer le bec à celui qui parle ou
C O
T-H d’avoir le dernier mot.
O
(N

Dans une approche de résolution de conflit, donner la parole à celui qui a le


SI
CT problème favorise la ventilation des émotions, et le retour au calme et doit
>.
CL
O être considéré comme un signe de maîtrise relationnelle.
U

73
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Une des questions les plus puissantes en résolution de conflit et face à une
émotion, est de demander à notre interlocuteur ce qui est important pour lui
et ce qui lui fait éprouver cette émotion.

Reprenons notre exemple : « Tu es en retard comme d’habitude ! » Encore


une fois, plutôt que de nous justifier, devenons curieux du point de vue de
l’autre et demandons-lui : « Tu as l’air contrarié de mon retard, c’est bien
ça ? », « Est-ce que tu accepterais de me dire ce qui était important pour
toi, pour que tu sois contrarié ? »

Vous noterez que je ne demande pas directement ce qui est important pour
lui dans le fait que je sois à l’heure, je lui demande si « il accepterait » de
me dire ce qui est important pour lui dans le fait que je sois à l’heure.

La nuance ? Souvenez-vous, dans un conflit, il y plusieurs objectifs : un


objectif de résultat : être à l’heure, un objectif relationnel : tu m’as imposé
ton retard, et maintenant tu voudrais m’imposer que je te réponde, d’où la
précaution, : « Est-ce que tu accepterais de... », « Accepter de » est du
registre de la relation, « dire » est du registre de la communication. Ce sont
deux niveaux bien distincts.

Demander à l’autre « ce qui est important pour lui » pose le levier exacte­
ment au niveau de l’enjeu de la situation pour lui. Parce que s’il est sous le
coup d’une émotion, c’est que c’est important pour lui. Et plus l’émotion est
intense, plus c’est important pour lui (même si pour nous, cela n’a aucune
importance).

Q ue faire quand le conflit est résolu


et q u ’il reste la blessure ?
0
1/1
01
i_ Vous êtes préparé à résoudre ce conflit, vous avez changé ce que vous
(U
(J pouviez changer, vous avez influencé ce que vous pouviez influencer, et
UD
O malgré tout cela, il reste une trace émotionnelle de ce conflit en vous. Vous
rsl
avez abouti à une des trois solutions possibles au conflit (voir p. 31) et
même si la situation s’est arrangée, la blessure reste et vous ne savez pas
ai que faire de « ça ». Vous gardez le souvenir de ce qui a été dit, le souvenir
Q.
O de ce qui a été fait et cela vous touche encore.
U

On trouve ici aussi une des racines à la non résolution des conflits. Oui,
même si nous avons trouvé une issue au conflit, il n’empêche que nous

74
PREPAR ATIO N E M O T IO N N E LLE : C O E U R

sommes encore blessés par cette histoire. Et c’est là ou le conflit intra


personnel continue de jouer les troubles fêtes. Parce que ce qui me blesse
ici c’est la résonance que le conflit a avec ma propre histoire, mes propres
expériences inachevées et parfois encore douloureuses.

Pour reconnaître nos blessures, il suffit de nous écouter parler : « Je me


suis encore fait avoir », « Comme toujours, je passe pour une c... », « C’est
toujours de ma faute », « J’ai encore dû renoncer à mon désir », etc. Ces
phrases construites avec « encore », « toujours », « jamais », « personne »,
« tout le monde », « je suis trop... », « je ne suis pas assez... », sont l’écho
de nos expériences de vie passées qui se rejouent dans notre vie présente.

Souvenez-vous, il n’y a pas de conflit interpersonnel sans conflit intra per­


sonnel et ces conflits intra personnels sont nourris par notre histoire et
vont chercher à se rejouer dans notre vie pour que nous les résolvions.
Pourquoi les comportements de l’autre nous toucheraient-ils autant sinon ?

Résoudre un conflit intra personnel c’est prendre la responsabilité de cette


résonance. L’autre n’est plus là, ou nous avons fini par trouver avec lui un
arrangement. C’est à nous maintenant de prendre soin de ce qui est blessé
en nous. Le grand risque serait de continuer à le rendre responsable de
notre blessure alors que le conflit est passé.

Nous allons alors rentrer dans un processus de deuil, c’est-à-dire que nous
allons progressivement renoncer à l’idée que les choses aient pu se dérou­
ler autrement, renoncer aux « et si... », ou aux « si seulement je... », « si
seulement il... »

Ce processus difficile et plus ou moins long selon les personnes est un


0
1/1 processus de détachement. Détachement à ce qui a été, par exemple « la
01
i_
(U relation comme elle était avant », et qui ne sera jamais plus. Détachement
(J
UD à ce qui aurait pu être « la relation comme elle aurait pu être » et qui
O
rsl n’adviendra jamais.

jC Ce processus salvateur de détachement vise à ne plus investir d’énergie


ai
's _
CL
dans des illusions et / ou des espoirs passés pour la consacrer à ce qu’il
U
O est possible de faire au présent. Oui, nous sommes maintenant dans le
troisième cercle des choses, celui ou nous ne pouvons plus changer les
choses et où nous devons les accepter, ou encore celles auxquelles il nous
faut renoncer.

75
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Mais qui a dit qu’il fallait ? Qui a dit que tout le monde devait passer par
les étapes du deuil ? C’est vrai, nous pouvons rester attachés au passé,
continuer « à espérer que », « à regretter que », c’est tout à fait possible.

Seulement il faut bien mesurer le prix de cet attachement inconditionnel.


Car l’énergie dont nous disposons au présent est limitée et si nous conti­
nuons d’investir cette énergie au passé, elle est évidemment moins dispo­
nible au présent.

Il faut ajouter aussi que parfois ne pas faire le deuil est une façon de rester
attaché à la relation ou à l’autre. Parfois, c’est moins douloureux que de
continuer d’avancer...

Le processus de deuil et ses étapes ont été présentés par Elisabeth Kübler-
Ross qui nous a décrit un processus plutôt linéaire et stéréotypé, il semble
en réalité que chacun de nous passe par des étapes qui lui sont propres et
dans un ordre qui laisse place à des allers-retours.

Si pour vous, ce processus ne suit pas les étapes décrites dans son livre,
ou que ces étapes semblent prendre plus de temps que prévu, rassurez-
vous, ce n’est pas nécessairement le signe « qu’il y a un problème ». Nous
avons tous une relation différente à l’acte de se « détacher ».

Tout ce qui était valable pour gérer ses émotions dans le conflit est aussi
valable dans le processus de deuil : autant « être avec » notre émotion que
« travailler avec » notre émotion.

Une autre façon de favoriser le processus de deuil est d’écrire. L’acte


0 d’écrire a démontré ses nombreux bienfaits dans le développement du
{/)
01
i_ bien-être, ou en tout cas du mieux-être, et les études qui vont dans ce sens
(U
(J sont nombreuses^^.

O
rsj
Pour accompagner ce mouvement de détachement, commencez par nom­
jC
mer ce qui vous blesse encore aujourd’hui. Prenez un stylo et un crayon et
CT laissez votre plume écrire de façon automatique tout ce qui vous passe par
>
Q.
O la tête et par le cœur. Utilisez les débuts de phrase qui vous sont proposés
U

12. Cameron (L. D.), Nicholls (G) « Expression of stressful experiences through writing : Effects of a self­
regulation manipulation for pessimists and optimists », Health Psychology n° 17, 1998, 84-92.

76
P R EPAR ATIO N E M O T IO N N E LLE : C O E U R

ici OU Utilisez les vôtres et partez à la découverte de ce qui cherche à se


dénouer en vous. Pas de censure... c’est parti.

Pour la phase du déni


« Aujourd’hui, ce que je ressens après ce conflit c’est... » (peut-être plu­
sieurs émotions...), « Aujourd’hui, ce qui me blesse encore après ce conflit
c’est... »

Pour la phase de la colère


« Au fond, ce qui continue d’alimenter ma colère, c’est mon attachement
à... » (une idée, un espoir, une attente).

Pour la phase de la tristesse


« Au fond, ce que j ’ai perdu aujourd’hui dans ce conflit, c’est... », « Cela
me rappelle, me renvoie à... » (quelle(s) expérience(s) de mon histoire).

Pour la phase de marchandage


« Au fond, si j ’avais encore la possibilité de changer quelque chose, ce
serait... »

Il ne faut pas oublier que Kübler-Ross a fait son travail auprès de per­
sonnes en fin de vie qui ne pouvaient plus changer l’issue de leur situation.
Ce n’est pas forcément notre cas.

Pour la phase d’acceptation / résignation


« Au fond, ce que j ’ai appris de cette expérience, ce qu’elle m’a vraiment
permis c’est... »
O
tn
0)
i_
QJ
(J? « Fort de cette expérience, aujourd’hui, je choisis de... »
yn
O
(N Une fois ce processus accompli, et je ne prétends pas que cela soit aisé et
O ne demande pas parfois d’être accompagné, nous nous retrouvons dans
x: un état qui fait cohabiter à la fois un sentiment de grande solitude et en
ai
's _
>
CL
même temps de grande liberté.
U
O
Solitude parce qu’au fond nous sommes face à nous-même, et liberté
parce que l’énergie disponible pour le présent ouvre la porte à de nouveaux
horizons.

77
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Avant de résoudre le conflit


Préparation émotionnelle
À partir du graphique, quel est mon état émotionnel ? Est-il compatible
avec une résolution collaborative du conflit ? Quel « qualificatif » décrit
le mieux mon état émotionnel ?

Ai-je besoin de revenir au calme ou de libérer mes tensions ?

Puis-je accepter d’écouter les émotions de mon interlocuteur sans lui


demander de ressentir autre chose que ce que je souhaite ?

L’émotion de mon interlocuteur est-elle si intense qu’il vaut mieux que


je le laisse s’exprimer en premier ?

Puis-je demander à mon interlocuteur ce qui est aussi important pour lui ?

Ai-je besoin d’être accompagné et soutenu pour traverser ma


blessure ?

0
in
0i—
1
(U
(J
KD
O
rsl

ai
>-
Q.
O
U

78
C h a p itre 3

PréparaNon physique e\ environnemenr :


pieds enjambes

O
to
0)
eu
(J « On ne fDeut se serrer la main avec les poings serrés
UD
tH

O
r\J G olda M e ir

O
x:
ai
's _
>
CL

U
O

79
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Pourquoi se préparer physiquement


dans un conflit ?
Pas pour se préparer à se battre, bien au contraire...

Petite expérience : imaginons que lorsque vous communiquez avec


quelqu’un, votre message passe par trois canaux : les mots que vous
utilisez, la voix que vous adoptez à ce moment-là, et votre comporte­
ment. Si chacun de ces trois éléments s’additionnent pour faire 100 %
de votre message, quel pourcentage représente vos mots ? Quel pour­
centage représente votre voix ? Quel pourcentage représente votre
comportement ?

.% mots

+ ......% voix

+ ..... % comportement

= 100 % de mon message

Dans une expérience^^ menée par Albert Merabian et Norbert Wiener


entre 1960 et 1967 à l’université de Californie à Los Angeles, le corps
dans la communication a montré une plus grande importance que la voix
et les mots réunis. Pour être plus précis 55 % de votre message passe par
votre corps, 38 % par votre voix, et 7 % par les mots que vous employez.

Dans les rapports dominants / dominés, une étude^"^ a même montré que
O le rapport entre les aspects non verbaux et les aspects verbaux de la
U) communication était de 4,3. Autrement dit, les clés non verbales sont 4,3
O)
i_
(U
D fois plus importantes dans le message que les clés verbales.
KD
O
rM Si vous êtes comme moi la première fois que j ’ai découvert ces études,
vous devez probablement avoir la mâchoire qui se décroche. Vous réali­
CT sez que si cette statistique est vraie, alors résoudre un conflit ne se passe
>.
CL pas d’abord par ce que nous disons, ni par comment nous le disons.
O
U
13. Mehrabian (Albert), Wiener (Morton), « Decoding of Inconsistent Communications », Journal of
Personality and Social Psychology, 6 (1) : 109-114, (1967).
14. Argyle (Michael), Salter (Veronica), Nicholson (Hilary), Williams (Marylin), Burgess (Philip), « The
Communication of Inferior and Superior Attitudes by Verbal and Non verbal Signals », British Journal of
Social and Clinical Psychology ; 222-231, (1970).

80
P R É PA R A TIO N P H Y S IQ U E ET E N V IR O N N E M E N T : PIEDS ET JA M B E S

Combien de fois cherchons-nous à trouver les bons mots, à savoir quoi


dire, alors qu’en fait, notre message passe d’abord par ce qu’on ne dit
pas.

Notre surprise s’agrandit aussi quand nous réalisons ce qui est le plus
important : le corps, et c’est ce dont nous sommes souvent le moins
conscients. La plupart du temps, nous sommes à peu près conscients de
ce que nous disons, déjà un peu moins de la façon dont nous le disons et
encore moins du « sous-texte » que constitue notre corps, alors que c’est
lui qui diffuse le message le plus fort !

Et c’est à la fois un frein et une ressource pour nous.

Un frein quand le corps et ses attitudes deviennent l’objet d’interprétation


sauvage. Si nous resituons cette expérience dans le champ des conflits,
constatez combien nos mimiques et nos gestes sont la source de bien
des interprétations et contribuent à renforcer la dynamique conflictuelle :
« Il m’a tué du regard, il m’a regardé de travers, il avait le regard noir »,
« Il avait ce sourire en coin, il se foutait de moi, je le sais bien », « Il m’a
dit ça en me tournant le dos », « Il me dévisageait comme si j ’étais une
imbécile », « Il me cherchait, je le voyais bien... »

Parce que notre corps parle plus que ce que nous disons, mais aussi
parce que ce message est souvent silencieux, de nombreux malentendus
s’installent. Nous prêtons des intentions à l’autre à partir de nos impres­
sions subjectives. Et sous le coup d’une émotion, comme nous pouvons
l’être en situation conflictuelle, nous prenons ces perceptions pour la réa­
lité. Et c’est parfois difficile de se détacher de cette certitude : « J’te jure
que je l’ai vu. » Encore une fois, réinterroger les évidences est parfois
O
CO
0s _) salutaire.
O)
(J
C
T-H
O Une autre raison de se préparer physiquement à la résolution des conflits
O
fN et qui n’est pas sans lien avec la précédente, vient de notre fonctionne­
ment qualifié de cybernétique. C’est-à-dire du lien circulaire qui existe
CT entre nos émotions, nos pensées, et notre corps.
>.
CL
O
U

81
SE P R É P A R E R À R E S O U D R E UN C O N F L IT

Ce mécanisme est souvent symbolisé de la façon suivante

Dans ce modèle, ces trois dimensions qui nous constituent interagissent de


façon permanente. Les interactions les plus évidentes sont :
- Quand nos émotions influencent notre corps
Nous en faisons l’expérience fréquente quand par exemple nous sommes
en colère : notre visage n’a pas la même expression que quand nous
sommes détendus et joyeux. De même, notre corps n’est pas dans le
même état de tension, si nous avons peur d’un serpent ou si nous profitons
d’un moment de calme au sommet de la Dune du Pyla.

- Quand nos pensées influencent nos émotions


Quand je me dis : « Je ne me ferai plus jamais avoir » ou encore « C’est
O un manipulateur ! », il est rare que je ressente de la joie au même moment,
Otn)
s_ mais plutôt de la méfiance.
O)
(J
T-H
O En revanche, celles qui sont le moins évidentes à appréhender sont celles
(N
ou notre corps influence nos émotions et notre pensée. Nous en faisons
l’expérience quand nous vivons une émotion forte dans une situation ten­
CT due et quand nous prenons un bain pour nous relaxer par exemple. À la
>.
CL
O fin du bain, notre situation est toujours la même, mais notre façon de la
U
percevoir (pensée) et de la ressentir (émotion) a changé. Vous comprenez
maintenant pourquoi gérer nos émotions tient à la fois d’une composante
corporelle : respirer et se relaxer par exemple, et d’une composante cogni-

82
P R E PA R A TIO N P H Y S IQ U E ET E N V IR O N N E M E N T : PIEDS ET JA M B E S

tive : prendre conscience de ses « biais cognitifs » et changer sa percep­


tion sur la situation, pour être vraiment efficace.

Vous comprenez aussi ce qu’on appelle le conflit intra personnel, le conflit


en nous : quand ce que nous pensons ne correspond pas à la façon dont
nous nous comportons, ou quand ce que nous ressentons ne correspond
pas à comment nous nous comportons.

Se préparer physiquement à la résolution des conflits a donc deux buts :


en veillant à être le plus aligné possible entre nos pensées, nos émotions,
et notre comportement, nous envoyons les messages les plus cohérents
possibles à notre interlocuteur. Cet alignement pensées-émotions-corps-
voix-mots génère confiance en soi et nous rend crédible aux yeux de celui
qui nous écoute. Et dans un conflit, être crédible participe de la construc­
tion de la confiance qui facilitera la résolution du conflit !

Quelle posture adopter pour la résolution


des conflits ?
Le but ici n’est pas de produire un catalogue de comportements qu’il « fau­
drait » adopter, ni de prétendre qu’il existe des lois du comportement auquel
il faut obéir. Votre spontanéité est importante.

Considérons cependant les stratégies dont nous parlons depuis le début


de ce livre. Si nous considérons la dimension corporelle et comportemen­
tale de la stratégie d’attaque ou de la stratégie de fuite, vous comprenez
d’autant mieux maintenant qu’elles sont très différentes. Et souvenons-
nous que c’est ce que nous donnons à voir à la personne avec qui nous
O
to sommes en conflit.
cu
cu
(J Par exemple, si je vous demande quelles sont les composantes de la stra­

O
rsl
tégie d’attaque ou celles de la peur :
- Quelles différences y a-t-il dans les caractéristiques vocales de ces deux
ai stratégies ?
CL - Quelles différences de comportements y a-t-il ?
O
U

Alors que les personnes avec la stratégie d’attaque vont plutôt avoir un
regard fixe, du haut vers le bas, la mâchoire serrée avec une posture
plutôt tonique, voir rigide, le poids du corps vers l’avant des pieds, avec

83
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

des gestes amples et tranchants, et une voix forte, proche du cri. Les per­
sonnes avec la stratégie de fuite et d’évitement, elles, vont plutôt avoir le
regard évasif, fuyant, très mobile, la tête basse, les épaules tombantes, le
poids du corps sur les talons, avec peu de gestes ou des gestes de faible
amplitude, et surtout, un sourire (parfois inadapté vu la situation) et une
voix basse et hésitante.

Même s’ils semblent caricaturaux, ces aspects peuvent avoir des consé­
quences très concrètes dans la vie de tous les jours comme la probabi­
lité d’être attaqué par un psychopathe ou non. Dans une étude de 1981^^,
Grayson & Stein ont montré que les victimes de ces psychopathes n’étaient
pas choisies par hasard et qu’elles montraient des indices non verbaux de
soumission et de désynchronisation dans leur marche, ainsi qu’une foulée
trop courte ou trop longue par rapport à leur taille.

À l’écoute des psychopathes


Des vidéos de personnes marchant dans les quartiers à haut risque de
la ville de New-York ont été faites au hasard. Les personnes ainsi filmées
ont ensuite été montrées à 12 prisonniers condamnés pour agression.
Les chercheurs leur ont demandé d’identifier celles qu’ils choisiraient
comme victimes parmi les vidéos afin de créer une échelle qui évalue
le potentiel d’agression de chaque vidéo.
Puis les chercheurs ont cherché et ont identifié parmi 21 mouve­
ments, quels étaient les indicateurs qui attiraient l’attention des futurs
agresseurs. Au final, les résultats étaient significatifs sur 5 critères :
- La longueur du pas.
- Le déplacement du poids du corps.
0
1/1
01 - La coordination des mouvements du corps.
i_
(U
(J - La hauteur du pied levé pendant la marche.
UD - L’amplitude des gestes.
O
rsl
Cette étude enrichie plus récemment par Wheeler, Book, & Costello^®,
ai a montré que la fluidité des mouvements, une des caractéristiques
d’une démarche assurée, pouvait en revanche diminuer le risque
Q.
O d’être victime.
U

15. Source : http://fr.scribd.com/doc/35330362/Attracting-Assault-Victims-Nonverbal-Cues-Grayson-Stein


16. Wheeler (S.), Book (A.) & Costello (K.). « Psychopathic traits and perceptions of victim vulnerability »,
Criminal Justice and Behavior, 36 (6), 635-648 (2009).

84
P R E PA R A TIO N P H Y S IQ U E ET E N V IR O N N E M E N T : PIEDS ET JA M B E S

Oui, « ce que je suis parle plus que ce que je dis ». Alors la question devient
maintenant quel message avez-vous envie de transmettre à la personne
avec qui vous êtes en conflit, est-ce : « Vous pouvez vous essuyer sur moi,
je suis un vrai paillasson » ou bien : « Qui s’y frotte s’y pique, je suis un vrai
hérisson ? » Vous avez déjà mesuré les conséquences de ces stratégies,
se préparer à résoudre un conflit vous propose une troisième voix : ni héris­
son, ni paillasson selon l’expression de l’analyse transactionnelle.

Imaginons maintenant que vous souhaitez exprimer un message de


confiance sans arrogance, d’ouverture sans soumission, quelle serait cette
posture ?

Pour parvenir à trouver cette posture d’équilibre, amusez-vous quelques


instants à prendre la posture liée à la stratégie d’attaque puis pendant
quelques instants à prendre la posture liée à la stratégie de soumission,
passez de plus en plus vite de l’une à l’autre et avec beaucoup de finesse,
commencez à trouver un juste milieu, gardez l’intensité de la posture d’at­
taque et trouvez la souplesse de la posture d’évitement.

« C e q u e je s u is p a rle p lu s q u e ce q u e je dis. »

Jacques D echance

Quand je demande à mes stagiaires de pratiquer ces exercices en forma­


tion, cela aboutit souvent à prendre une posture stable physiquement et
cela passe par :
- Répartir le poids du corps équitablement sur l’avant et sur l’arrière, la
gauche et la droite des pieds, avec un écart entre les pieds de la largeur
des hanches.
O
to - Les genoux sont déverrouillés, ce qui revient à relâcher la raideur dans
cu
cu les genoux et dans le bassin.
(J
to
tH
- La colonne vertébrale jusque dans la nuque est dans sa juste ten­
O
rM sion verticale. Ni trop, ni trop peu tendue, comme une corde de gui­
tare qui doit produire sa juste note. Là aussi amusez-vous à chercher
ai cette juste tension, c’est très fin. Elle est aussi dans sa juste hauteur.
Si je mesure 1,77 mètre, ce n’est ni 1,78 mètre (stratégie d’attaque-domi­
CL
O nation) ni 1,76 mètre (stratégie de fuite-soumission).
U
- La tonicité globale est équilibrée entre tension et relâchement.

85
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Prenez quelques instants pour vivre cette posture, c’est parfois une expé­
rience très troublante d’être à sa juste place dans sa juste posture. Pour­
quoi ? Parce qu’une fois de plus, dans ce lien qui unit notre posture, nos
émotions, nos pensées, changer de posture, c’est changer la perception
que nous avons de nous-même, ce que nous pensons de nous-même, et
c’est aussi changer ce que nous ressentons.

Pour les personnes qui ont la stratégie d’attaque, il est parfois difficile de
lâcher cette posture de domination qui leur donne de l’assurance, et pour
les personnes dans la stratégie de fuite et d’évitement, il est aussi insécu­
risant de lâcher prise au confort d’être victime de la situation.

Quand vous prenez cette nouvelle posture, vous vous assumez tout en
étant ouvert. Car si vous êtes dans la fuite, vous êtes ouvert sans vous
assumer. Si vous êtes dans l’attaque, vous vous assumez sans être
ouvert.

Quelles sont les postures qui contribuent


à maintenir la situation conflictuelle en l ’état ?
Notre spontanéité est importante. Si face à une situation d’urgence, elle
peut nous donner le bon réflexe qui nous sauvera la vie, en revanche en
situation conflictuelle, cette spontanéité nous conduit inévitablement vers
nos réflexes primitifs et nous laisse peu d’autres choix que de fuir ou d’atta­
quer, que de nous soumettre ou de chercher à dominer.

Le premier réflexe qui nous vient quand nous sommes en conflit, surtout si
nous avons une tendance à l’attaque, est de nous approcher de l’autre, et
O
U)) si nous avons tendance à la fuite et à l’évitement de laisser l’autre s’appro­
O
i—
(U cher de nous et entrer dans notre « bulle ».
(J
KD
O
rsl
L’anthropologue Edward T. HalP^ a décrit les lois de la territorialité et a iden­
tifié quatre distances interindividuelles entre les êtres humains : la distance
publique, la distance sociale, la distance personnelle et la distance intime.
ai
Chaque distance est mesurable, la distance intime, notre bulle, elle, fait
Q.
O
U
entre 15 et 45 cm.

17. Hall (Edward T.), La dimension cachée, Seuil Editions, 1978.

86
P R É PA R A TIO N P H Y S IQ U E ET E N V IR O N N E M E N T : PIED S ET JA M B E S

Expérience
Amusez-vous à faire l’expérience. Placez-vous face à quelqu’un à envi­
ron quatre mètres l’un de l’autre et avancez vers lui tandis que lui reste
immobile. Lentement, très lentement...

Si vous êtes attentif, vous allez observer un phénomène curieux et en


même temps tout à fait normal : à partir d’une certaine distance, la
personne en face de vous se met instinctivement à déplacer le poids de
son corps vers l'arrière si elle a tendance à avoir une stratégie de fuite,
O ou alors si elle a une stratégie d’attaque, à le déplacer vers l'avant.
tn
0)
i_
O) Bien sûr, ce n’est pas spectaculaire, c’est très subtil, et ce recul ou cette
(J
U D
T— I avancée commence souvent par le poids du corps qui passe de l’avant
O
r\J des pieds vers les talons, ou l’inverse, en même temps que le corps
se tend, prêt à l’action. Cette réaction est instinctive et très difficile à
O) contrôler.
>•
Q.
O
U L’enjeu de ce respect des territoires est important. Car quand vous reculez,
ou quand vous vous avancez, ce n’est pas uniquement votre corps qui

87
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

recule ou qui avance, ce sont aussi vos émotions qui vous préparent à fuir
(reculer) ou à attaquer (avancer).

C’est-à-dire qu’en rentrant dans votre bulle, l’autre active votre réponse pri­
mitive malgré vous et ne se rend pas compte très souvent qu’il le fait. Vous
vous étonnez alors de vos réponses verbales qui découlent naturellement
de cette intrusion.

Si vous vous trouvez en situation conflictuelle veillez à laisser de l’air à


l’autre et à respecter un espace suffisant autour de lui pour maintenir un
niveau de discussion qui ne se résume pas à un dialogue de Cro-Magnon.

Le second réflexe qui conditionne aussi beaucoup nos réactions se re­


trouve dans notre langage quotidien : « Viens le dire en face si tu es un
homme. » Ne vous trompez pas, la personne qui vous dit cela n’a aucune­
ment le désir de résoudre ce conflit de façon collaborative !

Se mettre en face de quelqu’un et, qui plus est dans sa distance intime,
déclenche des réactions innées chez nous qui ne font que renforcer la
tension conflictuelle et ne permettent pas un dialogue constructif.

Face à face Côte à côte


O
to
(Ll
i_
O)
L3 Ces réflexes sont, la plupart du temps, inconscients car qui aujourd’hui
to se dit quand il se trouve face à face avec quelqu’un : « Tous mes organes
O
rsj vitaux sont à portée de main ? » Oui, nous n’y pensons pas, mais effective­
ment, si nous sommes trop proches l’un de l’autre et en face-à-face, nous
sz
CT avons la crainte inconsciente d’être à portée de main ou de pied là où nous
>•
Q.
O sommes vulnérables : nos organes vitaux. Ceci nous donne une deuxième
U clé comportementale à adopter en conflit : on ne gère jamais un conflit en
face-à-face, on le gère à 90°.

88
P R É PA R A TIO N P H Y S IQ U E ET E N V IR O N N E M E N T : PIEDS ET JA M B E S

Expérience
Et c’est une expérience que vous pouvez faire. Après avoir fait l’expé­
rience de « face à face », mettez vous maintenant côte à côte à 90°,
quelle différence ressentez-vous ?

Notre épaule et notre bras sont là en protection et nous donnent un plus


grand sentiment de sécurité !

Le troisième réflexe qui renforce la dynamique conflictuelle est lui aussi


très maladroit. Nous avons souvent le réflexe de parler sur l’autre, ou de
le laisser parler sur nous. En effet, après nous être positionnés en face-à-
face, dans sa zone intime, nous pointons tous nos gestes vers lui en même
temps que nous nous adressons à lui.

À ce moment-là, nous avons le sentiment d’être agressés parce que nous


sommes la cible du message et surtout nous nous sentons attaqués dans
qui nous sommes. Nous avons le sentiment que l’autre confond qui nous
sommes, du registre de l’être, de l’identité, avec ce que nous avons fait, du
registre du comportement.

Cette communication s’appelle, dans la bouche de Michael Grinder^^, la


communication en deux points : c’est toi ou moi, et c’est plus souvent
toi... pour les personnes avec la stratégie agressive ; c’est plus souvent
moi... pour les stratégies fuite. Ici, notre interlocuteur confond ce que nous
sommes avec ce que nous avons fait.

O
U)
O)
i_
(U
CJ
yn
O
rsj

Face à face Côte à côte


ai Mes gestes sont Mes gestes dont dirigés
>-
Q. dirigés sur mon devant mon interlocuteur :
O
U interlocuteur : « C'est ce que tu fais
«Tu es le problème » le problème »

18. Grinder (Michael), The Elusive Obvious, MGA Editions, http://www.michaelgrinder.com

89
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

L’expérience est tout autre quand nous communiquons en trois points.


C’est-à-dire, quand, placés à 90°, nous communiquons non plus sur la
personne, en pointant vers elle, mais devant elle. Cela peut sembler subtil,
mais l’enjeu est de taille. Si je me sens agressé parce que je suis mis en
question dans la communication en deux points, il y a de fortes chances
que je sois en train de préparer ma défense pendant que l’autre est en train
de me parler, c’est-à-dire que je n’écoute pas vraiment ce qu’il me dit.

Quand j ’invite mes stagiaires à vivre l’expérience de la communication en


trois points, c’est immanquablement la même réponse qu’ils expriment :
« C’est comme si je me sentais moins touché, moins agressé. Ça me
donne plus envie d’écouter. »

Quelles sont les deux clés non verbales


les plus importantes ?
Ces nouveaux réflexes comportementaux sont loin d’être simples à acqué­
rir, parce que ne plus entrer dans la zone intime de l’autre, ne plus lui parler
en face, ne plus parler sur lui, ce n’est pas juste changer de comporte­
ment, c’est aussi accepter de prendre le risque de lâcher nos stratégies qui
s’exprimaient dans ces comportements.

Si je quitte ces vieux réflexes comportementaux, je peux peut-être commen­


cer à me dire que je vais perdre du pouvoir sur l’autre, que je ne vais plus être
en position de force. Ça, il n’y a que nous qui pouvons décider. Ce qui est sûr
c’est que ces nouveaux comportements contribuent à créer avec 55 % de
votre message un climat beaucoup plus favorable à la résolution du conflit.

0
1/1
Quelles sont donc les deux clés qui nous montrent que nous progres­
01 sons dans la résolution du conflit ?
<u
(J
tH

O Revenons aux fondamentaux. Nos émotions s’expriment dans nos com­


fNJ
portements et la première expression corporelle de nos émotions se trouve
dans notre respiration. La moindre variation émotionnelle de la joie à la
oi
's _
> tristesse, de la colère à la peur va trouver son expression dans notre respi­
CL
O ration : son rythme, sa hauteur et son amplitude.
U

Quand vous êtes en colère, quel est le rythme, la hauteur et l’amplitude


de votre respiration ? Quand vous avez peur ? Êtes triste ? Quelles diffé-

90
P R É PA R A TIO N P H Y S IQ U E ET E N V IR O N N E M E N T : PIEDS ET JA M B E S

rences observez-vous ? Très souvent, nous ne faisons pas attention à ce


signal pourtant très objectif de notre état émotionnel. Cela est encore plus
vrai quand il s’agit des autres. Qui fait attention à la respiration des autres ?

Et pourtant cette information est essentielle. Parce que plus une personne
est dans une émotion forte plus sa respiration est haute (thoracique, voire
claviculaire), rapide, et superficielle.

Michael Grinder utilise une expression très parlante : « La respiration


donne la permission. » Je rajouterais « ou pas ». En effet, la nature de
notre respiration nous alerte sur notre activité cérébrale et le lieu depuis
lequel nous fonctionnons.

Plus mon cerveau limbique prend le contrôle de ma respiration, plus cela


indique que je suis indisponible pour envisager une résolution collaborative
du conflit parce que je fonctionne en mode survie, dans un toi ou moi, qui
tolère peu de place pour l’autre.

Cette respiration haute, rapide et superficielle, trouve son écho dans la voix
de celui qui parle, avec une voix forte et un débit lui aussi très rapide.

Que ce soit vous, ou votre interlocuteur, sachez que cette voix forte, rapide
a pour effet d’augmenter le débit cardiaque chez la personne qui l’écoute,
indiquant un haut niveau d’excitation (peut-être est-ce de cette façon que
nous communiquons aussi notre stress ?). Dans ces circonstances, il ne
faut pas hésiter à proposer (pas imposer) de reprendre la discussion à un
moment plus favorable.

En revanche, quand notre respiration ou celle de l’autre devient plus basse


0
1/1 (abdominale), plus lente et plus profonde, et c’est souvent le cas après une
01
i_
(U phase de décharge émotionnelle, cela signifie que notre cortex préfron­
(J
UD tal latéraП^ parvient de nouveau à équilibrer notre activité émotionnelle et
O
(N nous permet d’envisager d’autres options que celles de fuir ou d’attaquer.

jC Nous sommes un peu plus maîtres de nous-même et de nos réactions et


ai
's _
CL
sommes moins soumis à notre impulsivité. Cet état précisément est favo­
U
O rable à la résolution des conflits.

19. http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_08/i_08_cr/i_08_cr_dep/i_08_cr_dep.html

91
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

L’autre clé non verbale à laquelle il faut également être attentif est constam­
ment devant nos yeux, mais nous la voyons rarement. Revenons là aussi
aux fondamentaux.

Si nous reprenons notre schéma de base Pensée / Émotion / Corps, et


que nous maintenons que ces dimensions interagissent en permanence,
alors quand deux personnes sont en conflit, ce sont deux systèmes Pen­
sée / Émotion / Corps qui s’opposent. Comme elles ont chacune des oppo­
sitions de buts, des pensées différentes sur le sujet, leur comportement
risque lui aussi d’être différent, n’est-ce pas ?

Quand nous observons deux personnes en conflit nous voyons très sou­
vent effectivement des postures et des attitudes très contrastées entre les
deux personnes qui reflètent encore une fois souvent leur stratégie et leurs
oppositions.

Maintenant, l’inverse est vrai aussi. Quand deux personnes commencent à


résoudre progressivement leur conflit, de plus en plus de comportements,
d’attitudes, de postures communes vont se manifester, ce qui devient
logique, puisque si nous arrivons à nous accorder sur le problème, c’est-à-
dire si nous arrivons à trouver des espaces ou nous pensons de la même
manière, nous allons donc adopter des postures communes.

Cet aspect des relations est souvent méconnu et peut nous servir comme
baromètre non verbal de la relation. En effet, si nous exprimons verbalement
que nous sommes d’accord, cela ne représente que 7 % de notre message,
tandis que si 55 % de notre message qui passe par notre corps dit que nous
sommes en phase, la crédibilité du oui est autrement plus grande.

O Et si...
CO
O)
s_
O) Allons au bout de notre idée, deux personnes en phase ont tendance
(J
C O
T-H à prendre la même posture. Deux personnes en conflit, qui ont donc
O
(N des buts différents, doivent donc avoir des postures différentes.
Et si, même si nous ne nous accordons pas sur le plan des mots et
CT
des idées, nous prenions la même posture que notre interlocuteur
>.
CL
O pour lui signifier que, sur le fond et les 55 % de notre message, nous
U
sommes déjà en phase et en recherche de solutions.
Faites l’essai et partagez vos expériences avec moi à l’adresse :
thiriet.jf@free.fr

92
P R É PA R A TIO N P H Y S IQ U E ET E N V IR O N N E M E N T : PIEDS ET JA M B E S

Concrètement donc, prenez le temps à mesure que vous cherchez à ré­


soudre le conflit d’observer les clés non verbales qui vous indiquent que
vous êtes sur le chemin de la résolution : la respiration et la synchronisation
des comportements sont des indicateurs très intéressants pour y parvenir.

Comment organiser le lieu de la résolution


du conflit ?
Souvenez-vous, vous vous retrouvez dans votre zone intime avec une per­
sonne qui vous parle en deux points et vous restez là à tenter de trouver
une solution qui ne vient pas. La discussion commence à ressembler à
celles de deux Cro-Magnon campés sur leurs réflexes innés, que faire ?

Si le corps représente 55 % de notre message, et vous avez déjà vu les


trois premiers réflexes à acquérir, l’environnement dans lequel nous allons
résoudre ce conflit est lui aussi déterminant.

Le premier réflexe est d’éviter d’avoir des témoins. Je ne sais pas si vous
avez des enfants, mais l’expression émotionnelle des miens est très dif­
férente quand nous sommes dans un magasin de jouets aux heures de
pointe et que je viens de leur dire « non » ou quand je suis seul avec eux
à la maison. Même la présence de leur mère influence déjà la façon dont
ils vont réagir.

En situation conflictuelle, la présence de témoins déclenche une « théâtra­


lité émotionnelle » qui favorise plus le règlement de compte que la résolu­
tion collaborative du conflit.

O
to Notez que parfois il peut être intéressant de confronter la personne qui
eu
eu s’obstine à rester sur place en lui demandant si elle souhaite continuer
(J cette discussion « ici » ou « dans un endroit ou vous pourriez être plus
tH

O
fNJ
disponible pour l’écouter ? » Cela respecte à la fois la question « com­
ment souhaite-t-elle résoudre ce conflit ? » et en même temps vous permet
ai d’avoir des attentes réalistes par rapport à la discussion qui a lieu et sur
ses chances d’aboutir.
CL
O
U
Cela nous amène au second réflexe : ne pas rester sur le lieu du conflit. Le
lieu ou se produit le conflit est désormais contaminé par le conflit et rester à
cet endroit ne fait que renforcer la dynamique qui a commencé à s’y créer.

93
SE P R E P A R E R A R É S O U D R E UN C O N F L IT

Pour favoriser un clinnat de discussion, plus qu’un climat de règlement de


compte, se rendre dans un lieu neutre permet deux choses : prendre le
temps de marcher vers ce lieu ce qui nous permet de nous préparer et de
nous recentrer tout en respirant sur notre marche (voir p. 69). Et d’autre
part, cela nous permet aussi de créer un espace de discussion qui n’est
pas aussi chargé émotionnellement que le premier.

À l’échelle internationale, ce principe s’applique par exemple dans le conflit


israélo-palestinien qui en est une belle illustration. Les rendez-vous ont
toujours lieu dans des lieux neutres, soit à Genève, soit à Camp David aux
États-Unis. Imaginez que les rendez-vous aient lieu à Jérusalem !

Le troisième réflexe à privilégier quand cela est possible est de s’asseoir.


Faites l’expérience : mettez-vous debout et prenez conscience de la toni­
cité que vous demande la posture verticale debout puis, par contraste,
mettez-vous assis et ressentez l’effet de votre nouvelle posture sur votre
tonicité globale. Que sentez-vous ?

La posture assise entraîne généralement un relâchement du corps favo­


rable à une détente générale. Et ce, d’autant plus, que la plupart d’entre
nous nous adossons au dossier de la chaise.

La posture assise coupe la tension dans les jambes et la posture adossée


coupe la tension dans le dos. Cela peut sembler anodin, mais en 2010,
une étude a même démontré que l’épaisseur et la douceur de la chaise
favorisaient les comportements ouverts à la négociation et au compromis^°.

Vous savez désormais qu’il vaut mieux éviter d’installer les chaises en
face-à-face et privilégier le côte à côte afin de ne pas reproduire assis ce
O
CO
O) que nous cherchons à éviter debout.
s_
O)
(J
C O
T-H
Si vous avez un bureau, cela implique d’éviter la position de chaque côté
O
rsj de votre bureau, vous dans votre fauteuil et votre interlocuteur sur une
chaise. Le message que vous enverriez à ce moment-là serait plutôt : « Je
CT suis le patron » (sauf si c’est ce message que vous souhaitez diffuser, ce
>.
CL
qui peut être pertinent dans le cas d’un recadrage par exemple).
O
U
De même, éviter de vous positionner chacun en face à face devant votre
bureau, vous maintenez le message que vous êtes le patron même si
20. http://news.yale.edu/2010/06/24/touch-how-hard-chair-creates-hard-heart

94
P R É PA R A TIO N P H Y S IQ U E ET E N V IR O N N E M E N T : PIEDS ET JA M B E S

VOUS êtes prêt à discuter. Bref, votre bureau, même assis, n’est pas un lieu
neutre. Si vous n’avez pas le choix, et n’avez que votre bureau, préférez
une table qui ne soit pas votre bureau et autour de laquelle vous pourrez
vous asseoir côte à côte.

Là aussi, lâcher la position derrière son bureau ou accepter d’être côte


à côte n’est pas évident, parce que derrière ces positions se jouent des
postures de domination ou de soumission fortement ancrées.

O
toO)
eu
(J
eTO
-H
O
(N

sz
>•
Q.
O
(J

95
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Avant de résoudre le conflit


Préparation physique
• Suis-je suffisamment convaincu que la résolution de ce conflit passera
aussi par les messages que mon corps et ma voix communiqueront ?

• Puis-je développer une communication non verbale qui favorise les


échanges plus que le réglement de compte ?

• Ai-je observé que progressivement la respiration de mon interlocuteur


devenait plus basse, plus lente et plus profonde avant de chercher un
accord ?

• Ai-je observé des signes de synchronisation progressivement s’instal­


ler avec mon interlocuteur avant de chercher un accord ?

• Ai-je créé un environnement favorable à la discussion ?

0
in
0i—
1
(U
(J
KD
O
rsl

ai
>-
Q.
O
U

96
C h a p itre 4

PréparaNon verbale : bouche er oreilles

O
to
O) « La plupart des gens n'écoutent pas avec l'intention de comprendre,
eu
(J mais avec l'intention de répondre »
UD
tH

O
r\J
S teven C ovey

O
x:
ai
's _
>
CL

U
O

97
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Avant « quoi », « comment » lui dire ?


Nous quittons les 55 % de notre message pour maintenant nous intéresser
aux 38 et 7 % de notre communication. Nous cherchons souvent quoi dire,
alors qu’encore une fois, ce n’est pas ce que nous disons qui parle, c’est
ce que nous ne disons pas qui parle le plus fort.

Un formateur et un stagiaire en résolution des conflits ont en commun d’être


des apprentis, et que cet apprentissage à un début mais n’a pas de fin.

C’est important de le redire ici car le chapitre précédent et celui-ci peuvent


donner l’impression qu’il y déjà tant à apprendre et à faire !

Bonne nouvelle, ce qui conditionne beaucoup notre communication non


verbale et notre communication verbale est souvent la même chose : nos
émotions. Apprenez à gérer vos émotions et votre communication en sera
grandement améliorée !

Par téléphone ou par mail ?


« Ça va tellement plus vite », « Au moins, ça me permet de lui dire
ce que j ’ai à lui dire », « Au moins, je ne perds pas mes moyens et je
me lâche... » L’usage du mail et du téléphone n’est pas idéal pour
résoudre un conflit. Vous le savez maintenant, il manque 55 % du
message au téléphone, 93 % du message par mail. L’invention des
émoticones démontre bien l’importance du langage non verbal dans
la communication. Oubliez un clin d’œil alors que vous faites une
blague par mail et votre interlocuteur peut interpréter votre blague
pour une insulte. Si vous ne pouvez vraiment pas faire autrement...
O
to Par écrit :
eu
eu - Souvenez-vous que ce sont les premiers mots de votre mail qui vont
(J
to en donner la tonalité.
tH

O
fNJ - Évitez les tournures trop alambiquées et un registre de langage ina­
dapté, vous ne feriez que tenter de masquer votre agressivité.
jC - Si vous avez plusieurs sujets à aborder, utilisez des marqueurs gra­
CT
's _
phiques comme des puces, qui vont aider votre interlocuteur à vous
CL

U
O suivre.
Et souvenez-vous les écrits restent, il vaut parfois mieux tourner sept
fois son mail dans sa boîte à lettres...

98
P R EPAR ATIO N V E R B A LE : B O U C H E ET O R E ILLE S

Par téléphone :
- Votre voix reflète votre état émotionnel. Prenez soin de vos émo­
tions d’abord.
- Nos interlocuteurs parlent au rythme ou ils pensent, approchez-
vous le plus possible de leur rythme de parole lorsque vous vous
exprimez.
- Une personne retient à peu près un mot sur cinq, n’hésitez pas à
répéter votre message de différentes façons afin qu’il puisse être
entendu.
- Utilisez le nom ou le prénom de votre interlocuteur pour le maintenir
attentif.

Qu’est-ce que communiquer en résolution


de conflit ?
« C’est un problème de communication ! » Quand vous demandez aux
personnes de réfléchir sur les racines du conflit auquel elles font face, cette
évidence est sur le bout des lèvres et rassure, comme si tout avait été dit.
Le problème est que cette affirmation n’est qu’à moitié vraie.

Avant justement d’aborder les aspects de communication dans les situa­


tions conflictuelles, rappelons que la communication s’insère d’abord dans
un processus relationnel : imaginez votre meilleur ami, vous le connaissez
depuis toujours : il a été là pour tous les moments de votre vie, les bons et
les moins bons et puis un jour, il vous raccroche au nez d’énervement. Vous
allez probablement vous dire : « Ce n’est pas grave, ce n’est pas lui, ça
ira mieux demain. » Imaginez maintenant votre pire ennemi, celui qui vous
O
to obscurcit le quotidien, qui tout d’un coup devient gentil avec vous, vous allez
eu
eu probablement vous dire « hum... ça cache quelque chose », n’est-ce pas ?
(J

O
rsl
Toute communication entre deux personnes prend sens d’abord dans la
relation, et notamment dans la qualité de la relation que ces deux per­
ai sonnes ont entre elles. Les mêmes mots peuvent prendre un sens tout à
>- fait différent selon qu’ils sont prononcés dans un contexte de confiance
Q.
O
U
ou dans un contexte de méfiance. De la même façon avec nos comporte­
ments, si la relation est bâtie sur la confiance, de nombreux écarts peuvent
être tolérés, tandis que le moindre accroc dans une relation de méfiance
met le feu aux poudres.

99
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Cela nous renvoie au premier objectif que nous devons avoir dans notre
communication si nous voulons résoudre ce conflit : créer la confiance ou
plutôt recréer la confiance. La confiance ne se décrété pas, elle se construit
très lentement et se détruit très rapidement. Alors comment récréer la
confiance dans une situation conflictuelle ?

La première chose à retenir est que recréer la confiance est un processus


qui peut être long. « Processus » est important, parce que parfois nous
aimerions déjà être passés à autre chose alors que notre interlocuteur n’en
est pas encore là. Nous aimerions tourner la page tandis qu’en face de
nous nous avons un mur fermé, blessé.

Recréer la confiance avec quelqu’un avec qui nous sommes en conflit,


c’est lui offrir de la reconnaissance. Et reconnaître l’autre c’est d’abord être
centré sur lui. Être centré sur lui ? Nous voilà au cœur de ce qui est difficile
en résolution de conflit. La capacité à décentrer notre attention de nous
vers l’autre. Et c’est pour cela que nous nous sommes préparés mentale­
ment, émotionnellement, physiquement, tout cela pour quoi ? Pour pouvoir
enfin être disponible pour l’autre au bon moment, et lui offrir la reconnais­
sance dont il a besoin.

En vous centrant sur lui, vous lui offrez le premier signe de reconnaissance
dont il a besoin : vous êtes prêt à l’écouter. Vous êtes dans la disposition
nécessaire (mais pas encore suffisante) pour résoudre ce conflit.

Avant d’aller plus loin, prenons les contre-pieds de cette idée. Quel serait le
poison de la reconnaissance de l’autre ? Ce serait I’« égocentrage » : moi,
moi, moi : « Moi, je pense que tu devrais, je pense que tu n’aurais pas dû,
etc. » Espérer que l’autre s’ouvre à la résolution du conflit en commençant
O
to de cette façon est très incertain. Ce qui est plus probable c’est la fermeture
eu
eu plus que l’ouverture que nous allons créer.
(J
yT-H
D
O
rsl Donner de la reconnaissance, c’est reconnaître à l’autre le droit d’avoir ses
propres pensées, voire même d’avoir ses propres incohérences, le droit
CT d’être blessé, le droit de ne pas vouloir résoudre ce conflit, et d’y rester.
>. Reconnaître l’autre c’est lui offrir un merveilleux cadeau : celui d’exister
a.
O comme un être différent (voir « Suis-je en conflit? » p. 20) et de s’intéres­
U
ser à sa différence (pas à sa supériorité).

100
P R EPAR ATIO N V E R B A LE : B O U C H E ET O R E ILLE S

Et quel est le paquet cadeau de la reconnaissance ? Cela s’appelle donc


l’écoute. La aussi, il suffit parfois d’avoir prononcé le mot « écoute » pour
que de nouveau cette évidence, qui n’en est pas une, rassure.

Écouter, qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que j ’écoute quand j ’écoute ?


Avez-vous remarqué comme, sous le coup de notre émotion, notre écoute
ressemble plus à la préparation de notre réponse qu’à une écoute réelle ?

Quand l’autre nous parle, nous sommes parfois plus en train de chercher
ce que nous allons bien pouvoir lui répondre plus qu’être véritablement
en train de chercher à comprendre ce qu’il nous dit. L’écoute dont nous
parlons est une écoute centrée sur l’autre et elle passe par l’apprentissage
du plus difficile des réflexes en situations conflictuelles : d’abord se taire.

Là aussi, avez-vous remarqué la lutte serrée qui existe pour prendre la


parole en premier dans un conflit, pour l’avoir aussi en second et en troi­
sième ? Comment nous coupons la parole ? Comment nous exprimons nos
idées dès qu’elles effleurent notre conscience sans tenir compte du respect
du temps de parole de l’autre ?

Ce règlement de compte verbal, cette tentative d’occupation de l’espace


verbal, nous éloigne de la confiance que nous cherchons à recréer.

Et pourtant, la méfiance est telle que nous ne sommes pas sûrs que l’autre
va nous laisser la parole pour dire à notre tour ce que nous avons à dire.
C’est pourquoi, avoir une écoute centrée sur l’autre ne veut pas dire laisser
passer son tour, cela signifie d’abord écouter et ensuite parler, plutôt que
l’inverse. Parce que de toute façon, si je parle en premier, l’autre est lui
aussi est en train de préparer sa réponse plus que de m'écouter!
O
to
eu
eu « Chercher à comprendre, puis à être compris. »
(J
tû S teven C ovey
O
rsl

Pour éviter ce que ce rapport inégal ne s’installe, nous pouvons précadrer


CT la résolution de conflit en annonçant à l’avance : « D’abord, si tu veux
Q.
O
bien, je te propose de me dire ce qui se passe pour toi, et ensuite, je te
(J dirai comment moi j ’ai vécu les choses, est-ce que cela te convient ? »
Encore une fois, nous abordons les aspects relationnels avant les aspects
communicationnels.

101
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Reconnaître à l’autre le droit d’exister comme personne à part entière, c’est


aussi ne pas chercher à lui imposer nos idées autant que notre point de vue
sur le conflit ou la manière de le résoudre, et cela se manifeste très concrète­
ment par l’usage d’expressions du type : « Je te propose... » Et non : « Écoute,
maintenant on va... ». Et surtout par cette qualité essentielle : la réciprocité,
à travers des phrases du type « Qu’en penses-tu ? », « Est-ce que cela te
convient ? » Timidement, ce qui est vulnérable chez l’autre se sent progressi­
vement respecté et en sécurité, deux fondamentaux de la confiance.

Ces principes de qualité relationnelle viennent souvent heurter les per­


sonnes qui pensent qu’il faut dire les choses comme on les ressent, sous-
entendu comme on les pense, sinon ce n’est pas être honnête. Ces per­
sonnes font souvent une confusion entre dire et communiquer. Quel est le
but de la communication en situation conflictuelle pour vous ? Est-ce de
dire ce que vous avez à dire ? Ou bien, est-ce de donner à l’autre l’envie
de vous écouter et résoudre cette situation ?

Quand nous parlons pour dire ce que nous avons à dire, nous sommes très
souvent dans le défoulement de nos émotions et le règlement de compte,
nous appelons cela être honnête. Quand nous communiquons pour donner
envie à l’autre de nous écouter, nous créons plus facilement les conditions
de la confiance et de la résolution du conflit.

Qui prend la parole en premier ?


Les luttes de pouvoir dans les conflits s’expriment très concrètement
dans la volonté d’imposer sa parole autant que ses idées. Alors, qui
parle en premier ?
Idéalement, quand cela est possible, celui qui a l’émotion la plus forte
0t/) commence à parler. Si vous constatez chez votre interlocuteur un
01
i_
(U haut niveau de tension émotionnelle, soyez patient. Vous allez lui per­
(J
KD mettre de lâcher la vapeur dans la cocotte-minute et c’est une façon
O
rsl
pour lui de revenir au calme, paradoxalement. Si c’est vous qui avez
la tension émotionnelle la plus forte, vous avez normalement pris le
ai temps de vous préparer, ne serait-ce qu’avec la lecture de ce livre,
>. pour la relâcher et vous rendre disponible pour votre interlocuteur.
CL
O
U Le silence est d’or... la parole est d’argent, encore plus en situations
conflictuelles.

102
P R EPAR ATIO N V E R B A LE : B O U C H E ET O R E ILLE S

Quels sont les réflexes de communication


qui contribuent à faire durer le conflit ?
Notre maladresse verbale nous conduit parfois à communiquer à l’opposé
de nos intentions. Et comme l’enfer en est pavé, cela donne des effets qui
contribuent à faire perdurer la dynamique conflictuelle.

Parmi le best of des phrases à ne pas dire durant un conflit, on retrouve :


« Calme-toi » ou « Il ne faut pas vous énerver. » Ou encore la fameuse :
« Il ne faut pas le prendre comme ça. »

Ce type de phrases est numéro un dans la liste car derrière son apparence
de vouloir calmer le jeu sur le plan de la communication, elle est en fait un
ordre sur le plan de la relation. J’impose à l’autre l’état émotionnel dans
lequel je voudrais qu’il soit.

Vous comprenez maintenant que personne n’aime être dans un état de ten­
sion ou de colère, et dire à quelqu’un d’être calme quand il est énervé, c’est
le mettre face à sa propre impuissance à maîtriser son émotion, ça ne sert
à rien ! Ou plutôt si, ça sert à quelque chose : à mettre de l’huile sur le feu.

Les attitudes qui contribuent de manière générale à mettre le feu aux


poudres sont au nombre de quatre. Parmi elles on retrouve donc :
- Ordonner (imposer notre idée, notre solution, conseiller, menacer, inter­
rompre) : « Tu te tais maintenant et tu m’écoutes », « Si j’étais toi, je
fermerais ma grande g... », « Si je te le dis, c’est pour ton bien », « Méfie-
toi, tu vas voir, je te dis rien... »
- Juger (dénigrer, mépriser, ironiser, culpabiliser) : « Tu te prends pour
O
CO
qui ! » « T’es qui pour me parler comme ça ? » ou encore « C’est ridicule !
0)
s_ Tu n’es vraiment pas aimable », « De toute façon, t’es même pas capable
O)
(J de comprendre. »
C O
T-H
O
(N
- Lire dans les pensées de l’autre (interpréter, présumer que nous
connaissons tout de la situation, anticiper) : « Je sais bien que tu ne
sz m’aimes pas » ou encore « Tu le fais exprès contre moi, je le sais bien »,
>• « J’ai bien vu que tu me regardais de travers », « À quoi ça sert, je sais
Q.
O très bien ce qu’il va me dire (ou faire). »
(J
- Se justifier (ne pas prendre la responsabilité qui est la nôtre) : « C’est
pas de ma faute, j ’y suis pour rien », « C’est pas mon problème. »

103
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Chacune de ces attitudes provoque une escalade conflictuelle dont le but


est la prise de pouvoir sur l’autre car derrière chacune de ces phrases, c’est
le même message qui est diffusé : « Ne ressens pas ce que tu ressens, ne
penses pas ce que tu penses, ne dis pas ce que tu dis, ne fais pas ce que
tu fais, moi je sais à ta place pourquoi tu le dis, je sais à ta place pourquoi
tu le fais, je sais à ta place pourquoi tu le penses, et tu ne devrais pas... »

Vous comprenez que sortir de l’apparence des mots pour rentrer dans le
sens des phrases et surtout leur implication sur le plan de la relation permet
une tout autre lecture de la situation. Vous comprenez ici aussi pourquoi
ces phrases sont rarement efficaces, sauf à envenimer les choses.

Toutes ces attitudes ont un autre point commun, lequel ?

Comme nous l’avons déjà souligné, elles font toutes partie d’une approche
centrée sur le problème, sur ce que nous ne voulons pas ou plus, plutôt
que sur ce que nous voulons et attendons de la part de l’autre.

L’approche orientée « solution » fait appel à d’autres compétences et de­


mande parfois un effort et un lâcher prise. Lâcher prise ?

Oui, l’approche solution demande de lâcher prise du plaisir que nous avons
à nous plaindre ! Et ce n’est pas le moindre des efforts. Se plaindre de
l’autre, de ce qu’il fait, de ce qu’il pense, de ce qu’il dit comme il le dit est
parfois un sport où nous sommes nombreux à être professionnels. C’est
une habitude et l’attachement à ce réflexe est grand parce qu’il est plus
facile de critiquer et cela consomme peu d’énergie mentale.

Apprendre à se positionner comme un vecteur de solutions est plus coû­


0
1/1
01 teux en énergie c’est vrai, mais à court terme seulement. Parce qu’à long
i_
(U
(J terme, les fruits que vous en récolterez seront beaucoup plus nombreux
UD que la stratégie de plainte dont le coût à court terme est faible mais le coût
O
rsl énergétique et relationnel à long terme est particulièrement élevé.

ai Vous l’avez compris, se préparer à résoudre un conflit c’est mettre en


>-
Q.
œuvre des stratégies relationnelles à long terme à la place de nos straté­
O
U gies « court-termistes » héritées de notre Cro-Magnon.

104
P R ÉPAR ATIO N V E R B A L E : B O U C H E ET O R E ILLE S

Alors quelles sont les compétences issues de la recherche de solutions ?

Ici il y en a huit :
Savoir écouter
Une des plus grandes difficultés dans l’écoute d’une personne, surtout si
nous sommes en conflit avec elle, réside dans le risque de la comprendre.
Oui, nous craignons souvent de comprendre l’autre parce que nous confon­
dons « comprendre quelqu’un » et « être d’accord » avec lui. Il est sûr que
si comprendre quelqu’un suppose d’être d’accord avec lui dans un conflit,
personne n’a envie de chercher à se comprendre. Mais « comprendre » ne
veut pas dire « être d’accord ! »

Nous pouvons tout à fait comprendre qu’une personne soit en colère sans
approuver qu’elle casse les assiettes, nous pouvons tout à fait comprendre
que nous avons fait une erreur sans être d’accord qu’on nous crie dessus.

Cette nuance est de taille et représente un vrai progrès dans notre écoute
quand nous pouvons l’appliquer dans le champ du conflit, car être compris
est un vrai cadeau relationnel à offrir. Et nous retrouvons ici la curiosité
comme qualité relationnelle essentielle, curiosité à la différence.

Autoévaluation
- Ai-je écouté activement ?

Indicateur d’écoute active


- Hochement de tête à mesure que notre interlocuteur parle : « Hum
hum », « oui »...
O - Respiration profonde.
tn
O)
i_ - Capacité à garder le silence et à observer.
QJ
e? - Capacité à maîtriser ses jugements et son impulsivité.
K D
T-H
O
(N
Remarque
sz
CT
Avez-vous remarqué comme notre tête s’arrête de hocher naturellement
>. quand nous arrêtons d’écouter et que nous nous centrons sur nous-
CL
O même ? Cela a des implications très concrètes :
U
- Si vous observez que votre interlocuteur ne hoche plus de la tête, vérifiez
auprès de lui qu’il est toujours disponible, ou bien demandez lui ce qu’il

105
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

pense de ce que vous êtes en train de dire. Cela le ramènera dans la


conversation.
- Si vous observez que votre tête ne hoche plus naturellement, il est pro­
bable que vous soyez en train de penser à ce que votre interlocuteur
vous dit ou ce à quoi cela vous renvoie. Demandez à prendre la parole si
c’est important, ou bien revenez dans la conversation.

Savoir questionner
Et notamment sur le point de départ du conflit. Nous présumons souvent que
le point de départ du conflit est le même pour l’un et pour l’autre. Prendre
le temps de demander : « Pour toi, ça a commencé quand ? » est une
précaution qui révèle bien des surprises. Une autre question fondamentale
en situation conflictuelle concerne les conséquences de la situation pour
l’autre : « Tu peux peut-être me dire quelles conséquences ce changement
de planning a eu pour toi ? », car au fond est-ce vraiment la situation qui
pose problème dans un conflit ? N’est-ce pas plutôt ses conséquences ?

Autoévaluation
- Ai-je posé des questions pour cerner le point de vue de mon interlocuteur ?

Indicateurs de questionnement pertinent


- Questions qui aident à la compréhension de la situation : « Qui, quoi, ou,
quand, comment, combien, en quoi. »
- Questions orientées « solution » ou orientées « problème » ? (voir « Quel
est mon objectif? » p. 47).
- Questions de relance : « C’est-à-dire... », « Tu peux m’en dire plus à
propos de... »
O
CO
O
s_
) Remarque
O)
(J Attention à la question : « Pourquoi ? » et notamment à la question : « Pour­
C O
T-H
O quoi tu dis ça ? » Cette question amène souvent notre interlocuteur à se
(N
justifier et amplifie la dynamique conflictuelle. Parce qu’en fait, le message
sz implicite qui est signifié à travers : « Pourquoi tu dis ça ? » peut être perçu
CT
>• comme : « Tu as tort de penser ça », « Tu ne devrais pas penser ça. » Le
Q.
O corollaire de cette question est parfois : « Si tu dis ça, c’est parce que tu es
U
en colère », ou bien : « Si tu dis ça c’est parce que tu es en train de divorcer »
qui banalise le ressenti de notre interlocuteur comme si en expliquant pour­
quoi il ressent ce qu’il ressent cela en diminuait l’importance ou la validité.

106
P R EPAR ATIO N V E R B A LE : B O U C H E ET O R E ILLE S

Savoir reformuler
Si vous avez eu la chance un jour de faire l’expérience du téléphone arabe
en formation ou dans un jeu en soirée, vous avez probablement été surpris
de découvrir à quel point ce qui est dit, n’est pas ce qui est compris, n’est
pas ce qui est retenu et encore moins ce qui est appliqué. Il y a tant d’occa­
sions pour les malentendus. Reformuler ce que l’autre dit, refléter ce que
l’autre ressent, sont des compétences clés pour nourrir le besoin de recon­
naissance fondateur de la confiance : « Si je comprends bien, tu penses
que... », « Ce que tu dis, c’est que... », « Ce que tu ressens, c’est... »

Autoévaluation
- Ai-je vérifié ma compréhension de ce qui m’a été dit ?
- Ai-je pu recentrer la discussion ?

Indicateurs de reformulations de qualité


- Phrases commençant par : « Tu veux dire que... », « Ce que tu es en train
de dire... », « Ce qui te met en colère... mal à l’aise... c’est... », « Ce que tu
aurais aimé, c’est que je... », « Ce que tu n’as pas apprécié, c’est que je...»
- Phrases qui se terminent par : « C’est bien ça », « Tu n’as pas apprécié
que je parte sans te prévenir, c’est bien ça ? »
- Nombre de : « Oui, c’est ça... », « Exactement », « Tout à fait » pour
valider la qualité de mon écoute.
- Paralangage cohérent.
- Éventuellement prise de notes.

Remarque
Reformuler n’est pas comprendre quelqu’un. Quand nous reformulons,
O
to nous vérifions si nous avons compris. Seul notre interlocuteur peut dire si
eu
)_ ce que nous avons reformulé est bien ce qu’il veut dire. ATTENTION au
eu
(J « oui c’est ça » avec les 7 % qui contredisent le « pas tout à fait » avec les

O 55 % du message. Dans ce cas-là, mieux vaut dire : « Ça n’a pas l’air d’être
rsj tout à fait ça, est-ce que tu veux bien essayer de me le réexpliquer ? »
jC
ai
Savoir être concis
CL
O
U « Au fond, le problème pour toi c’est..., c’est bien ça ? » Cette phrase est
magique, elle recentre la conversation et amène l’autre à se positionner
si oui ou non le problème est bien posé. Et comme le dit Einstein : « Un
problème bien posé est à moitié résolu. »

107
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Autoévaluation
- Ai-je réussi à énoncer le problème ? Le problème implicite ?
- Ai-je réussi à le formuler de façon positive ?

Indicateurs de concision
- Phrases courtes de synthèse : « Au fond, le problème pour toi, c’est que
la répartition des week-ends de garde te semble injuste. »
- Renversement positif : « Au fond, ce que tu aimerais, c’est que la répar­
tition des week-ends de garde soit plus équitable. »

Savoir être dans la réciprocité


J’ai appris ce principe un soir ou ma petite amie de l’époque m’avait em­
brassé sur la joue lors de nos retrouvailles, je sentais qu’« il fallait qu’on
parle (selon l’expression consacrée) » et j ’avais fini par lui dire après une
soirée très distante : « Je crois qu’il faut qu’on se sépare, qu’est-ce que
tu en penses ? » Malheureusement pour moi, elle avait répondu « oui ».
Être dans la réciprocité c’est proposer à l’autre, et ne pas s’imposer,
c’est s’intéresser à son point de vue. C’est aussi prendre le risque de sa
différence.

Autoévaluation
- Ai-je demandé la permission avant de raconter ma version ?
- Suis-je plus dans la proposition que dans l’imposition ?

Indicateurs de réciprocité
- Phrases de proposition : « Je te propose... », « Je t’invite à... »
- Phrases de validation : « Est-ce que ça te conviendrait ? », « Est-ce tu
O
to serais d’accord ? »
eu
(U
(J
tû Remarque
tH

O
fNJ Notez la différence entre : « Est-ce que ça te convient ? », « Est-ce que
tu es d’accord ? » avec « Est-ce que cela te conviendrait ? », « Est-ce
JC
CT que tu serais d’accord ? » Que ressentez-vous ? La présence du condi­
's _
CL
tionnel dans notre communication allège nos messages (pas sur le plan
U
O
de la simplicité des phrases, je vous l’accorde) et sous-entend qu’ils sont
ouverts à la réponse de notre interlocuteur. Les propositions sont bien des
propositions « si »...

108
P R EPAR ATIO N V E R B A L E : B O U C H E ET O R E ILLE S

Savoir faire reformuier


Cette approche est sous-utilisée la plupart du temps. Nous n’osons pas
vérifier régulièrement la trace que laisse notre message chez l’autre. Cette
précaution évite de découvrir à la fin de la conversation des décalages
abyssaux entre ce que nous avons dit et ce qui a été compris.

Autoévaluation
- Ai-je vérifié auprès de l’autre sa compréhension de mon message ?

Indicateurs d’invitation à la reformulation


- Phrases d’invitation : « Serais-tu d’accord pour me dire ce que tu en
penses ? », « C’est important pour moi que nous nous comprenions bien,
est-ce que tu veux bien me dire ce que tu as compris ? »
- Paralangage cohérent avec l’intention de s’assurer d’avoir été bien
compris.

Remarque
Privilégiez plutôt : « Je ne suis pas sûr d’avoir été clair, est-ce que tu veux
bien me dire ce que tu as compris ? » plutôt que : « Répète ce que je viens
de dire... » qui est trop directif et risque d’augmenter la tension conflictuelle.

Savoir être orienté « solution »


Être orienté « solution » n’est pas spontané en situations conflictuelles.
Pris dans nos émotions, pris dans ce que nous ne voulons pas, plus que
dans ce que nous voulons, notre orientation va aider notre interlocuteur à
rebrancher les parties de son cerveau qui vont équilibrer cette dynamique
de plainte. Vous serez très souvent étonné du silence qui suit les phrases
O ci-après. C’est en fait ce moment de blanc verbal qui témoigne du passage
in
eu du cerveau émotionnel et réactif au cerveau relationnel et créatif.
eu
(J
VD
O Autoévaluation
rsl
- Avons-nous cherché des solutions ?
x: - Les avons-nous cherchées ensemble ?
>•
Q.
O
U
Indicateurs de recherche de solutions
- Questions orientées « solution » : « Que proposes-tu ? », « Qu’est-ce
que tu attends de moi ? », « Que puis-je faire pour toi ? », « J’aime-

109
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

rais proposer une solution, est-ce tu veux l’entendre ? » (relation avant


communication).
- Phrases de validation : « Est-ce que ça te conviendrait ? », « Est-ce que
ça te semble possible ? », « Est-ce que ce serait satisfaisant pour toi si
on faisait ça ? »

Remarque
ATTENTION à ne pas chercher des solutions trop tôt. Certaines personnes
ont besoin d’exprimer ce qu’elles ressentent, autrement dit de sortir ce qu’elles
ont sur le cœur, pour seulement après pouvoir envisager des solutions.

Savoir être concret


Quand vous demandez à une personne de vous raconter comment l’entre­
tien de résolution s’est passé ? Elle vous répondra : « On s’est dit ce qu’on
avait à se dire » et si vous ajoutez : « Et qu’est-ce que vous avez décidé de
faire ? », notez la surprise de votre interlocuteur. Parfois juste se dire les
choses suffit, parfois juste se dire les choses est l’illusion que ça suffit.
C’est une fois de plus continuer à faire la même chose et espérer un résul­
tat différent.

Il faut parfois envisager un plan d’action qui permette de changer la donne


sous peine d’aboutir au même résultat : le conflit. Sans oublier de véri­
fier régulièrement si ces actions produisent les effets escomptés pour les
adapter le cas échéant.

Autoévaluation
- Avons-nous construit un plan d’action ?
O - Avons-nous besoin d’aide extérieure ?
tn
Q J
i_
O) Indicateurs d’orientation « action »
(J
T-H
O - Questions orientées « action » : « Qu’est-ce qu’on décide ? », « Quand
fN commence-t-on ? », « Qui fait quoi ? »
- Plan d’action avec une date précise d’évaluation : « Ce que nous avons
CT
>- mis en place a-t-il produit les résultats que nous en attendions ? »
Q.
O
U
Remarque
La capacité à évaluer si la situation requiert de l’aide extérieure est très
importante en situation conflictuelle. Parfois ce n’est plus à nous de ré-

110
P R EPAR ATIO N V E R B A LE : B O U C H E ET O R E ILLE S

soudre le conflit parce que nous faisons partie du problème et qu’à ce titre,
chercher à le résoudre par nous-même fait partie du problème. Quelques
critères à prendre en compte : l’importance de la relation (voir « Dois-je
résoudre ce conflit?» p. 31), l’importance des conséquences relation­
nelles, sur la performance, la santé), le nombre de personnes impliquées,
le niveau d’urgence, et les voies de communication entre les parties (de
face-à-face, par mails ou téléphone).

Les compétences citées ici ont été présentées dans un ordre logique qui
correspond à l’ordre idéal dans lequel elles doivent être utilisées : d’abord
je me tais et j ’écoute, puis je pose des questions, et vérifie que je com­
prends bien le message qui m’est transmis jusqu’à ce que je sois capable
de faire la synthèse de la problématique. Je propose ma version de la
situation après en avoir demandé la permission, et vérifié qu’elle est bien
comprise avant de partir ensemble à la recherche de solutions et de mettre
en œuvre un plan d’action qui pourra être adapté.

Notez comme il peut être contre-productif de chercher des solutions à un


problème qui n’aurait pas bien été posé ou d’envisager un plan d’action
sans s’être mis d’accord sur une ou des solutions au préalable. Le respect
de l’ordre dans lequel ces compétences sont mises en ouvre est essentiel
dans la réussite de votre processus de résolution du conflit. Sinon, c’est
comme avoir les lettres « NLCIOFT » qui n’ont aucun sens alors que bien
séquencé, cela donne le mot « CONFLIT ».

Tout ou rien
Savez-vous comment on mange un éléphant ?
Réponse : 'sio^ b \ b eeqonoq eun
O
to
eu En situation conflictuelle, il est parfois intéressant d’aborder un sujet
eu à la fois, plutôt que de chercher à tout résoudre en même temps.
(J
KD Chercher par exemple le plus petit dénominateur commun, envisager
O
rsl
le premier pas qui serait atteignable est une position stratégique effi­
cace. Et cela, même en cours de discussion : se rendre compte que la
ai discussion est bloquée sur certains points et être en capacité de réo­
>-
Q. rienter sa stratégie pour trouver une solution sur les points ou cela est
O
U possible peut s’avérer payant. Cela donne le sentiment de progresser
et la confiance se reconstruit autant que la résolution du conflit.

111
SE P R É P A R E R À R É S O U D R E UN C O N F L IT

Que dire face à quelqu’un


qui devient agressif ?
En fait, le moment que nous appréhendons le plus dans un conflit c’est
ce moment ou l’un ou l’autre des acteurs du conflit perd le contrôle de lui-
même et, pris par son agressivité, va se mettre à crier. La peur nous saisit,
l’envie de lui sauter au cou aussi, c’est l’affrontement frontal.

Nous avons déjà vu que si le niveau d’intensité de l’agressivité est trop


grand, il vaut mieux repousser l’entretien à un moment ultérieur ou lui et
nous-même seront plus calmes pour mener une discussion. Nous avons
aussi souligné l’importance de reconnaître l’émotion qui est exprimée à ce
moment-là plutôt que de la taire : « Cette situation te met très en colère >>,
en même temps que d’inviter notre interlocuteur à s’exprimer (expression :
mettre la pression à l’extérieur) : « Est-ce que tu veux bien me dire ce qui
est aussi important pour toi et qui te met autant en colère ? » Nous avons
aussi décrit l’importance d’être à distance, à 90°, en communication en
trois points, idéalement de le faire s’asseoir dans un lieu neutre.

Mais ce qui est difficile à ce moment-là est de trouver la possibilité d’ « en


placer une » pour ramener le sujet sur l’objet du conflit et la recherche de
solution. Notre premier objectif est donc de capter l’attention de notre inter­
locuteur dans le vacarme tonitruant de ses cris. Pour cela, nous n’allons
pas nous baser sur les 7 % mais sur les 38 % de notre message.

Quand nous sommes face à une personne agressive, souvent nous avons
appris qu’il vaut mieux parler doucement pour ne pas envenimer les choses.
Là aussi c’est à moitié vrai. En fait, idéalement, votre volume sonore devrait
O rejoindre exactement le niveau sonore de votre interlocuteur pendant un
QtnJ temps très court, afin de créer un effet de surprise chez lui. Puis, vous allez
s_
O)
(J immédiatement redescendre votre volume sonore à son niveau normal
tH (schématiquement, cela donnerait la représentation reproduite ci-contre).
O
rsl

Pour parvenir à attirer l’attention de votre interlocuteur durant la montée


oi du volume de votre voix, vous pouvez utiliser par exemple le prénom de
's _
CL la personne si vous le connaissez, ou bien son nom de famille, ou bien
O
U encore : « S’il vous plaît », si c’est un inconnu.

112
P R EPAR ATIO N V E R B A L E : B O U C H E ET O R E ILLE S

A « J'en ai marre, c'est pas


possible de manger aussi
mal dans un restaurant.
Pour le prix qu'on paye ! » « Monsieur »

Q
+ J
->
en
«Vous êtes très en
fU
colère, puis-je vous C
demander ce qui vous O
contrarie ? »
U

Volume de la voix : Volume de la voix:


Personne A : en colère Personne B : réceptrice

Par exemple : dans un restaurant, un client mécontent se plaint. Le client


sur un ton agressif, volume et débit de voix élevé : « J’en ai marre, c’est
pas possible de manger aussi mal dans un restaurant. Pour le prix qu’on
paye ! ». La serveuse sur le même niveau de volume de la voix, mais sans
agressivité dans la voix : « Monsieur », puis en baissant immédiatement
son volume qui contraste avec le précédent : « Vous êtes très en colère,
puis-je vous demander ce qui vous contrarie ? »

Dans cet exemple le mot-clé est « contraste ». Le volume de votre voix


lorsque vous dites : « Monsieur » doit vraiment contraster avec la phrase
qui suit : « Vous êtes très en colère, puis-je vous demander ce qui vous
contrarie ? »

En faisant cela, vous témoignez de deux choses :


O
CO - Que vous aussi vous pouvez vous énerver mais que vous ne vous sou­
O )
s_
O) mettez pas à cette expression agressive.
ej
C D
T—H
- Que vous êtes encore totalement maître de vous-même. Car la tendance
O
(N naturelle que nous avons quand nous montons le volume de notre voix
n’est pas de redescendre immédiatement mais plutôt de continuer à
O) monter.
>•
D.
O
U
Cet exercice est, je vous l’accorde, un exercice de haut niveau de maî­
trise et requiert beaucoup d’entraînement, et donc beaucoup d’essais et
d’erreurs. Son efficacité cependant est toujours surprenante.

113
SE P R E P A R E R A R E S O U D R E UN C O N F L IT

Pour aller plus loin, vous pouvez aussi utiliser la technique présentée dans
la question suivante pour faire face à l’agressivité.

Face aux insultes


Parfois les conflits conduisent à des comportements extrêmes. Nous
n’aborderons pas ici les cas de violence physique, mais les cas de
violence verbale. Sachez cependant que la violence verbale est sou­
vent la dernière étape avant la violence physique. Cela commence
par de l’irritation, de l’agacement, jusque-là les arguments sont encore
rationnels, puis viennent la colère et la violence avec leurs arguments
irrationnels.
Face à des jugements, des insultes, le risque est de répondre « œil
pour œil, dent pour dent » et tourner au règlement de compte.
Privilégiez une approche relationnelle ferme et constructive :
- Votre voix est ici aussi 38 % de votre message.
- Démontrez votre empathie : « Je comprends que tu sois en colère. »
- Faites une proposition ferme et constructive : « Je veux bien conti­
nuer cette conversation dans le respect. >>
- Principe de réciprocité : « Est-ce que cela te semble possible ? »
Soit votre interlocuteur vous dit oui et dans ce cas continuez votre
conversation, soit votre interlocuteur vous dit non ou continue ses
insultes, dans ce cas, reprenez la même phrase encore une fois (il est
possible qu’il ne l’ait pas entendue de par sa colère).
Si son comportement perdure, concluez l’entretien en disant : « Je
crois que nous ne sommes plus en capacité de nous écouter, je te
propose cet après-midi à 14 h ? Est-ce que cela te convient ? »
O
to
O)
eu
(J
tD
tH

O
Comment puis-je exprimer ma colère
(N
de façon juste ?
CT La question corollaire de la précédente. Faire face à quelqu’un d’agressif
>.
CL oui, mais si c’est moi qui perds le contrôle ?
O
U

Reprenons d’abord les points que nous avons déjà vus. Pour commencer,
prenez le modèle de Loehr et Shwarz (voir p. 64) et situez-vous sur la ma-

114
P R EPAR ATIO N V E R B A LE : B O U C H E ET O R E ILLE S

trice de conscience émotionnelle. Où vous situez-vous ici et maintenant ?


Apprendre à identifier notre état émotionnel est une nouvelle fois fonda­
mental parce que ce réflexe acquis par l’habitude va en situation de crise
vous permettre de savoir si vous pouvez continuer à mener une discussion
de façon encore rationnelle ou émotionnelle. Si nous sommes dans le qua­
drant gauche - émotion négative - et à haut niveau d’énergie entre 7 et 10,
mieux vaut dire « stop ». Non pas dire « stop » à notre interlocuteur mais
à nous-même.

Et c’est parfois difficile d’oser le faire. De nombreuses personnes ressentent


cette prise de recul comme de la lâcheté : « Si j ’arrête la discussion parce
que je suis en colère, je laisse gagner mon interlocuteur, c’est un signe de
faiblesse. » Non, c’est un signe de maîtrise et de connaissance de soi.

Vous savez maintenant à quel point il est facile de lâcher son Cro-Magnon
sur son interlocuteur, à quel point ce réflexe inné ne demande aucune éner­
gie et est directement accessible. « C’est de la fuite ! » me direz-vous. Je
vous dirais que c’est plutôt un repli stratégique. « Vous jouez sur les mots »
me répondrez-vous. Peut-être. Alors posons-nous la question : quelle est
la différence entre la fuite et le repli stratégique ?

La réponse ? La capacité à choisir. La fuite est de l’ordre du réflexe acquis


qui s’impose à nous. Nous sommes tellement dans la peur que nous ne
pouvons que fuir, ou nous sommes tellement en colère que nous ne pou­
vons que nous emporter et sur le plan cérébral, nous sommes le jouet de
notre cerveau limbique, notre cerveau émotionnel.

Le repli stratégique, lui, est un choix que nous faisons compte tenu du
contexte dans lequel nous sommes : notre objectif, notre état émotionnel,
O
CO
O ) la personne que nous avons en face de nous, l’environnement qui nous
s_
O) entoure. Notre cerveau émotionnel n’a que faire de la « pertinence » de
(J
C O
T-H
la stratégie, son action est encore une fois réflexe et impulsive. Le repli
O
fN stratégique relève de la maîtrise et va plus faire appel à notre néocortex.

CT Pour passer du défoulement au repli stratégique sans passer par la case


>-
CL
« fuite » ou « lâcheté », utilisez plutôt une phrase qui ressemble à celle-ci :
O « Cette discussion est importante pour moi, serais-tu d’accord pour que
U
nous reprenions cette conversation à 14 h, car j ’ai besoin de retrouver mon
calme pour te parler clairement. » Ici aussi, quelle différence avec la fuite ?

115
SE P R É P A R E R À R E S O U D R E UN C O N F L IT

Tout d’abord, nous faisons un acte de relation en exprimant notre besoin et


en faisant une proposition pour laquelle nous sollicitons l’accord de notre
interlocuteur. Dans la fuite, nous nous en irions sans dire un mot. D’autre
part, nous proposons un moment précis pour reparler de la situation, dans
la fuite, cette conversation pourrait très bien ne jamais avoir lieu.

Imaginons maintenant que votre colère soit d’un niveau suffisant sur la
matrice de conscience émotionnelle pour être exprimée, comment faire ?
L’intérêt de l’approche que vous allez découvrir repose sur une action à
deux niveaux : d’une part elle nous aide à structurer notre pensée sous le
coup d’une émotion forte, d’autre part, elle diffuse un message tout à fait
entendable et respectueux sur le plan relationnel.

Revenir à nos sensations et notre respiration


Avant quoi que ce soit, revenez à notre corps, à vos sensations dans l’ici
et maintenant. Expirez le plus lentement et le plus profondément possible,
avant de prendre la parole. Et souvenons-nous : nos mots ici ne repré­
sentent que 7 % de notre message.

Se concentrer sur ce qui observable, mesurable, quantifiable


Puis, commençons par énoncer des faits, soyons le plus objectif possible
en utilisant des exemples qui illustrent votre propos. Cela nous oblige à
être enraciné dans la réalité et en même temps nous rend immédiatement
beaucoup plus crédible aux yeux de notre interlocuteur, parce que, lui aus­
si, si ce sont vraiment des faits, ne peut que les reconnaître et les admettre.

De même, notez bien que la présence de mots tels que : « jamais », « tou­
jours », « personne », « tout le monde », « rien », « tout », « comme d’habi­
01/1 tude », etc. transforme notre phrase en une opinion et non plus un fait.
01
i_
(U
(J
UD Et une opinion est toujours critiquable :
O
rsl Exemple 1
- « Tu es toujours en retard ! »
ai - « Non, pas toujours... »
Q.
O
U
Exemple 2
- « Tu ne fais jamais rien à la maison. »
- « Si, parfois je vais chercher le courrier... »

116
P R ÉPAR ATIO N V E R B A LE : B O U C H E ET O R E ILLE S

Pour commencer par un fait, utilisons plutôt l’expression : « Quand... » :


Exemple 1
« Quand tu arrives à 22 h au lieu de 20 h... » : le fait mesurable, quanti­
fiable, observable qui nous sert de support : l’heure d’arrivée.

Exemple 2
« Quand ton pyjama repose par terre à la salle de bain, et que je dois le
mettre moi-même dans la panière à linge » : le fait mesurable, quantifiable,
observable qui nous sert de support : la place du pyjama.

Exprim er notre sentiment


La seconde étape consiste ensuite à énoncer votre sentiment. Et nous
sommes parfois très handicapés pour le faire. Nous manquons très sou­
vent de vocabulaire pour exprimer les nuances de notre ressenti.

Dans son livre Les mots sont des fenêtres (p. 58 et 59), Marshal Rosenberg
nous offre une large palette des émotions que nous pouvons ressentir. Ce
faisant, il nous permet d’élargir notre vocabulaire émotionnel et de nuancer
notre ressenti. De même, le modèle de Plutchik nous propose de nommer
notre émotion en fonction de son intensité.

Par exemple, suis-je plutôt contrarié, en colère, ou furieux ? Qu encore est-


ce de l’appréhension, de la peur ou de la panique que je ressens ?

Développer cette subtilité langagière nous permet de communiquer à


l’autre avec précision notre ambiance émotionnelle et informe aussi notre
interlocuteur de l’intensité exacte de ce que nous ressentons. Le modèle
de Plutchik nous aide à faire le point (voir page suivante)^L
O
to
O
s_
)
O)
(J
to
T-H
O
(N

CT
>.
CL
O
U

21. Par Machine Elf 1735, Jean Marcotte [Public domain], via Wikimedia Commons.

117
SE PREPARER A RESOUDRE UN CONFLIT

« Quand tu me rends le rapport SANTEO avec des fautes d’orthographe


comme celle-là, je me sens en colère... »

« Quand tu me parles sur ce ton-là, je me sens en colère... »

0 La troisième étape est particulièrement difficile parce qu’elle possède un


U
01) piège. Après avoir énoncé les faits et le sentiment que ces faits ont déclen­
i_
(U
(J ché en nous, le réflexe est de dire :
tH

O
fNJ
« Je me sens en colère contre les commerciaux parce qu’ils survendent
notre produit », sous-entendu les commerciaux sont la cause de notre
JC
CT
's _
colère. Non les commerciaux ne sont pas la cause de notre colère. Ils sont
CL peut-être le déclencheur de notre colère, mais ils n’en sont pas la cause.
O
U

Encore une fois, les événements extérieurs, les personnes extérieures ne


sont pas les déclencheurs de nos émotions, ce qui déclenche nos émotions.

118
PREPARATION VERBALE : BOUCHE ET OREILLES

ce sont nos besoins. Quand nos besoins sont satisfaits, nos émotions sont
positives, quand nos besoins sont insatisfaits, nos émotions sont négatives.

Le twist est donc de dire : « Je me sens en colère quand les commerciaux


survendent notre produit parce que JE... suis en difficulté pour tenir les
délais qu’ils ont annoncés aux clients. » « Quand le directeur m’a convoqué
pour me dire que l’entreprise allait me licencier, j ’étais furieux parce que
JE me suis dit que c’était vraiment injuste. » Nous prenons alors la respon­
sabilité de notre ressenti sans quoi notre interlocuteur va avoir le sentiment
que nous le critiquons « parce que tu... », ce qui va amplifier la dynamique
conflictuelle et ne reflète pas la dynamique réelle de nos émotions.

Identifier et exprim er notre besoin


si le contexte le permet (niveau de confiance)
Ensuite vient le moment d’exprimer notre besoin et très souvent quand
nous sommes en colère ce sont deux besoins essentiels qui nourrissent
cette émotion : soit notre besoin d’être respecté n’est pas satisfait, soit c’est
notre besoin d’être rassuré (vous vous souvenez, l’émotion de la colère
peut cacher l’émotion de la peur).

« Quand tu fais de la moto dans le quartier sans casque, je suis très en


colère et j’ai très peur parce que je me dis qu’il peut t’arriver un accident.
J’ai besoin de m’assurer que tu es protégé des risques de chutes. »

« Quand vous me dites “ Mon coco ”, je ressens de la colère parce que


je me dis que vous ne me prenez pas au sérieux et j ’ai besoin que vous
reconnaissiez ma compétence même si je suis nouveau... »

0 Enfin vient le moment d’exprimer notre demande.


U
01)
i_
(U
(J Form uler une dem ande orientée « solution »
tH

O
fNJ
Mais avant, reprenons la logique derrière cette mécanique : un événement
déclenche mon émotion négative, ici la colère. Notre colère est liée à un
ai de nos besoins non-satisfaits, nous allons donc demander à notre inter­
locuteur de nous aider à prendre soin de notre besoin autant que nous
Q.
O
U
prenons la responsabilité de ce besoin. « Est-ce possible pour vous de... »,
« Seriez-vous d’accord pour... ».

119
SE PREPARER A RESOUDRE UN CONFLIT

Notez encore une fois l’usage du conditionnel et de la loi de réciprocité car


je n’impose pas ma demande, qui peut tout à fait être refusée. Ici réside
la différence entre une demande et une exigence, l’exigence ne tolérant
aucun refus.

« Je suis en colère quand tu rentres ivre à la maison parce que j ’ai peur
que cela donne un mauvais exemple aux enfants plus tard. J’ai besoin de
partager mon inquiétude avec toi, et d’être rassuré, est-ce que tu serais
d’accord pour me consacrer un moment ? »

« Je suis en colère quand vous m’annoncez que la construction de ma


maison aura trois mois de retard parce que je m’étais organisé auprès de
ma famille pour le déménagement, j ’ai besoin de comprendre comment
nous en sommes arrivés là, est-ce que vous voulez bien m’expliquer ? »

Cette manière de s’adresser à l’autre facilite la compréhension et l’empa­


thie car notre colère se situe dans un cheminement logique que je lui resti­
tue, ce qui facilite son adhésion.

Pour nous autoriser à le faire, notez ici aussi qu’un niveau de confiance suf­
fisant doit être atteint sous peine de voir notre message pris sur un mode
ironique ou méprisant : « J’en ai rien à faire de tes besoins », « Je me f...
que tu sois en colère, c’est comme ça... », etc.

Pour finir, vous pouvez utiliser cette même trame face à une personne qui
est en colère ou agressive avec vous en vous en servant comme un plan
de questionnement, par exemple :

Pour accéder aux faits déclencheurs : « Je vois que tu es colère, est-ce


0
1
0/11
i_
que tu accepterais de me dire ce qui te contrarie ? »
(U
(J
yn Pour accéder au sentiment-besoin : « Est-ce que tu peux me dire ce qui
O
fNJ est important pour toi ici et qui te contrarie ? »

oi Pour faire émerger la demande orientée « solution » : « Peux-tu me dire


CL
ce que je peux faire pour toi ? Ce que tu attends de moi ? »
O
U
Cela vous permet de canaliser votre interlocuteur et lui offre la possibilité
de structurer sa pensée et son discours.

120
PRÉPARATION VERBALE : BOUCHE ET OREILLES

Comment dire « non » sans culpabiliser ?


« Je n’arrive pas à dire “ non ”, c’est plus fort que moi. » C’est vrai dire
« non » est difficile pour beaucoup d’entre nous. Quel pouvoir ce mot de
trois lettres a-t-il pour que nous n’osions pas l’employer ? Qu’est-ce qui
nous retient de dire « non » ?

Prenez quelques instants pour vous poser ces deux questions.

Alors, quel sens a « dire non >> pour vous ?

Si dire « non » est difficile pour vous aussi, cela signifie probablement que
vous lui attribuez un des sens suivants :

Dire « non », c’est :


- Faire du mal.
- Ne pas faire plaisir ou ne pas être gentil.
- Rejeter l’autre.
- Être agressif.
- Prendre le risque qu’on nous dise « non » à notre tour.
- Culpabilisant.

Ces peurs s’associent souvent à des croyances négatives :


- Si je dis « non », je ne vais plus être aimé, apprécié.
- Je dois d’abord penser aux autres, c’est égoïste de penser à soi.
- Si je dis « non », l’autre ne va pas supporter mon refus, je ne peux dire
« non » que si mon interlocuteur est prêt à dire « oui » à mon « non ».
0
U - Je ne veux pas blesser l’autre : ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais
01)
i_
(U pas qu’on te fasse.
(J
Kû - Si je dis non, l’autre va penser que je suis incompétent.
tH

O
rM
(y) Alors, dans laquelle de ces peurs vous reconnaissez-vous ?
jC
CT
's _
Aussi naïves que pourraient paraître ces croyances, elles habitent beau­
CL

U
O coup d’entre nous et nous conditionnent à maintenir en place la dictature
du « béni oui-oui ».

121
SE PRÉPARER À RÉSOUDRE UN CONFLIT

Oui, la censure de notre capacité à dire « non » à encore de belles années


devant nous. Oser dire « non » est d’abord une permission que nous nous
donnons à nous-même, personne d’autre ne peut nous la donner. Car
quelle est la valeur de mon « oui » si je ne peux pas dire « non » ?

Pour faire un pas de plus vers notre liberté de dire « non », de nouveau, ré­
interrogeons les évidences. Sans nier qu’il peut parfois y avoir des « non »
de rejet, des « non » pour faire mal, des « non » agressifs, des « non »
culpabilisants :
- Pouvons-nous dire « oui » à tout ?
- Est-ce que dire « oui » nous apporte la garantie d’être apprécié, aimé, ou
encore respecté ?
- Ne sont-ce pas les autres qui sont égoïstes en attendant de moi que je
dise « oui » à tout ?
- N’est-ce pas manquer de respect à l’autre que de lui dire « oui » alors
que je pense « non » ?
- Connaître la limite de mes compétences n’est-il pas justement un signe
de compétence ?

Cette difficulté à dire « non » va aussi se manifester dans un scénario très


insidieux :
- Lundi : je dis « oui », je pense « non », je prends sur moi.
- Mardi : je dis encore « oui », je pense « allez, c’est pas si grave », je
prends encore sur moi.
- Mercredi : je dis « oui », je pense « il pourrait se rendre compte quand
même », je prends encore sur moi.
- Jeudi : je dis « oui », je pense « il se fout de moi », et là c’est vous qui
O
to prenez...
eu
eu - Vendredi : Il faut que j ’apprenne à dire « non » quand je pense « non ».
(J
tH

O
(N
L’analyse transactionnelle appelle ce scénario la « collection de timbres » :
la personne collectionne les timbres sur son carnet de frustration et dès
que son carnet est plein, elle libère toutes ses frustrations d’un coup... et
ai
là, c’est le raz-de-marée. Notre interlocuteur ne comprend pas, devant lui
Q.
O se libère une énergie sans retenue qui sort sans prévenir, et c’est le défou­
U
lement après le refoulement...

122
PRÉPARATION VERBALE : BOUCHE ET OREILLES

S’il est difficile de dire « non » sans agressivité, c’est que très souvent
nous n’avons pas appris et n’avons pas eu dans notre vie des exemples de
personnes qui sachent aligner : « Je ressens “non” », « Je pense “non” »,
« Je dis “non” » tout en étant respectueux. Parce que ce n’est pas refuser
qui pose vraiment problème, c’est la manière de dire « non ».

Alors, comment s’y prendre ?

Tout d’abord, refuser implique de prendre le temps d’examiner si nous vou­


lons vraiment dire « non » ou « oui ». Et plutôt que de répondre de façon
hâtive, prendre le temps en disant à notre interlocuteur : « Attendez, lais-
sez-moi réfléchir » est une bonne façon de calmer notre réflexe soit de dire
« oui » alors que nous pensons « non », soit de dire « non » alors que nous
pensons « peut-être si... »

Se redire que vous vous respectez, que vous êtes réaliste, et que vous
évitez un « oui, mais » qui peut être un futur « oui-sabotage » est aussi une
façon de s’autoriser à dire « non ».

Concrètement, pour dire « non » :


Reformulez la demande qui vous est faite pour confirmer à votre interlocu­
teur que vous avez bien reçu son message et ce que n’est pas un problème
de réception du message : « Si je comprends bien, tu voudrais que..., vous
voudriez que... » Notez que la phrase : « Je comprends ce que tu veux
dire » n’est pas assez explicite et ne permet pas à notre interlocuteur de
mesurer ce que nous avons réellement compris de son message.

Attention, le réflexe ici est d’ajouter « MAIS ». « Mais » oppose deux pro­
positions dans une phrase. Si c’est un vrai « oui », il n’y a pas d’opposi­
O
CO
O
s_
) tion. Privilégiez « ET » en mot de liaison. « Si je comprends bien, tu me
O) demandes te remplacer ce week-end ET... »
(J
«X)
O
rsi Maintenant positionnez votre refus avec le « JE » quand c’est possible :
« Et je... ne suis pas intéressé, pas disponible, pas d’accord, ne peux pas
CT pour l’instant » ou « Et ce n’est pas ce que nous avions convenu. »
>•
Q.
O
(J Dans cette première partie, vous êtes passé par le respect de l’autre en lui
montrant d’abord que vous aviez bien compris sa demande, dans le respect
de vous-même en votre « non », et vous terminez maintenant en revenant
dans le respect de l’autre en exprimant de façon empathique votre regret

123
SE PREPARER A RESOUDRE UN CONFLIT

de ne pouvoir répondre positivement à sa demande : « Je regrette de ne


pas pouvoir te rendre ce service. »

Attention, ne vous justifiez pas. Nous avons tendance à justifier nos « non »
parce que nous pensons que cela les rend plus acceptables. Notre culpa­
bilité sous-jacente à notre justification a pour effet d’ouvrir la porte à l’autre
pour qu’il insiste.

Enfin, nous l’avons dit, dire « non » est difficile. Commencez d’abord par
vous entraîner dans des situations faciles, et construisez votre spirale ver­
tueuse un pas après l’autre. Par exemple, plutôt que d’exprimer ce que l’on
ne veut pas, nous pouvons exprimer ce que nous voulons. Pour cela le
début de phrase : « Je préférerais... » peut nous aider à amorcer l’échange
et évite de dire « non » en douceur.

« JE » ou « MOI, JE » ?
Il y a chez certaines personnes une certaine pudeur à parler d’elles,
à dire « je ». Pour ces personnes, dire « je » revient à dire « moi, je ».
Alors dans nos conversations, ce « je » prend la forme d’un « tu » :
« Tu ne penses pas qu’on devrait faire une pause », plutôt que : « J’ai
besoin d’une pause, et toi ? », d’un « On » : « On ne doit pas quitter
la salle avant 18 h » plutôt que : « Je vous demande de rester jusqu’à
18 h, cela est-il possible pour vous ? »
Quelle différence y a-t-il entre dire « je » et dire « moi, je » ?
Il y a un « je » qui est un « je » d’affirmation, de positionnement, en
tant que personne qui pense, qui fait, qui ressent et qui ne peut parler
que pour lui, pas pour les autres. Ce « je » a son ton de voix, son
O
to langage corporel tout comme le « moi, je ».
O)
eu
(J Pour les personnes qui ont plus facilement accès à ce « moi, je »,
eD
tH
le « je » d’affirmation leur semble bien fade. Pour s’affirmer, il faut
O
fNj s’imposer, selon elles : « La meilleure défense, c’est l’attaque » et tout
le reste c’est de la langue de bois. Non, c’est de la réciprocité ! Et la
JC
ai réciprocité implique de reconnaître notre interlocuteur dans son droit
’s _
CL
à la différence et son droit à l’exprimer.
O
U

12 4
PREPARATION VERBALE : BOUCHE ET OREILLES

Est-ce vraiment utile de s ’excuser ?


Disons le directennent, présenter ses excuses est un des outils les plus
puissants de gestion des conflits... Quand cela est sincère et ne corres­
pond pas à une stratégie de fuite bien sûr !

Imaginez que quelqu’un vous marche sur les pieds dans la rue, cela vous
fait mal, mais ce qui vous blesse aussi, c’est que cet énergumène continue
son chemin sans même s’excuser.

Imaginons maintenant la même scène, mais la personne se retourne,


exprime son regret de vous avoir marché sur le pied avec une expression
congruente sur le visage, vous continuez peut-être à avoir mal à votre pied,
mais vous n’avez plus mal à votre colère, ni à votre besoin d’être respecté.

Dans les médiations que j ’anime, je suis toujours surpris du nombre de fois
ou : « Qu’il s’excuse d’abord, et on discutera ensuite » vient très vite sur
la table. Cette attente est souvent liée à l’idée que c’est l’autre qui nous
blesse, vous savez maintenant que ce qu’il fait déclenche notre émotion,
mais n’en est pas la cause (voir Chapitre 2).

En conséquence, nous ne pouvons pas nous excuser pour ce que notre


interlocuteur ressent : « Je m’excuse de te mettre en colère » n’a aucun
sens. « Je » n’est pas la cause de la colère de « tu ». Nous ne pouvons nous
excuser que de ce que nous avons fait et de ses conséquences pour lui.

Alors pourquoi est-ce en même temps si attendu et si difficile de s’excu­


ser ? Pour beaucoup, s’excuser revient à prendre le risque :
- D’être perçu comme faible.
O
tn
QJ
i_
- Que notre interlocuteur profite de la situation.
QJ
e? - Que notre interlocuteur finisse par nous manquer de respect et réutilise

T—<
O la situation contre nous plus tard.
rM
- Que notre interlocuteur pense que toute la responsabilité est sur nous.
CT
- Ou plus simplement, de reconnaître que nous avons fait une erreur.
>.
CL
O
U
Une nouvelle fois, réinterrogeons les évidences :
- Qui est le plus faible ? Celui qui cache ses erreurs et se défend d’en avoir
fait, ou celui qui les reconnaît et s’en excuse ?

125
SE PREPARER A RESOUDRE UN CONFLIT

Est-ce que faire une erreur doit nécessairement impliquer qu’on laisse
notre interlocuteur abuser de la situation et nous manquer de respect ?
Puis-je prendre ma part de responsabilité sans prendre toute la
responsabilité ?

Ce qui nous retient aussi de nous excuser, c’est que nous ne l’avons jamais
vraiment appris. Dans notre enfance, le célèbre : « Demande pardon »
relevait plus d’une faute commise que de l’erreur et comportait une conno­
tation morale très importante. Qui est vraiment allé plus loin à l’âge adulte ?
La dimension morale de l’excuse porte en elle l’idée de la culpabilité liée à
la faute et de la culpabilisation possible de celui qui l’a commise.

Vous allez le comprendre dans la technique de l’excuse que vous allez


apprendre, cela n’a rien à voir avec la culpabilité, mais avec la responsabi­
lité, rien à voir avec une faute, mais avec une erreur, rien à voir avec une
demande de pardon, mais avec une recherche de solution.

Cinq étapes constituent la première partie d’excuses complètes :


- Reconnaître l’erreur.
- Reconnaître que cette erreur a eu des conséquences en tant que telles
et a pu blesser notre interlocuteur.
- Prendre la responsabilité de l’erreur (rien que le nôtre).
- Exprimer notre regret.
- S’engager à ne pas reproduire le comportement qui a produit la blessure.

Reproche : « Tu as oublié d’acheter des œufs en rentrant du travail, j’en


avais besoin pour faire la quiche au fromage du repas de ce soir. »
Réponse : « C’est vrai et je te prie de m’en excuser. Cela t’amène à chan­
01/1
0)_1 ger le menu de ce soir et je le regrette, cela ne se reproduira pas. »
O)
(J
tH
Reproche : « Vous n’avez pas fait les réservations pour le déplacement de
O
fNJ mardi, et maintenant je dois le faire moi-méme. >>
Réponse : « C’est vrai et je vous prie de m’en excuser. Cela vous a fait
jC
ai perdre du temps et je le regrette. Je vous assure que cela ne se reproduira
's _
CL pas. »
O
U

La phrase « c’est vrai » en situation conflictuelle fait des miracles et contri­


bue à reconnaître notre interlocuteur et participe à la reconstruction de la
confiance.

126
PRÉPARATION VERBALE : BOUCHE ET OREILLES

Attention à ce regrettable réflexe de vouloir que notre interlocuteur s’ex­


cuse parce que nous nous sommes excusés : « Oui, mais toi aussi, tu
pourrais faire les courses en rentrant du travail. » « S’excuser », est une
prise de responsabilité qui n’engage que celui qui le fait, pas un acte qui
peut s’imposer à quelqu’un, sous peine d’être peu convaincant et efficace.

Attention à ne pas non plus nous justifier, ce qui aurait un effet contraire à
ce que nous cherchons à rétablir : « Oui, mais j ’étais submergé de travail,
je ne pouvais pas tout faire, réserver les billets d’avion, faire le planning du
mois prochain... » Là aussi, évaluer les raisons de notre erreur et s’excuser
sont deux temps bien distincts qu’il faut savoir différencier.

La seconde et dernière partie d’une excuse est de chercher à rétablir,


quand cela est possible, les conséquences de notre erreur. S’excuser, c’est
donc chercher à rétablir un équilibre relationnel qui a été perdu par notre
comportement : « Je te propose d’aller à la boulangerie dès que j ’aurai pris
ma douche, est-ce que cela te convient ? », « Si vous me dites là où vous
en êtes dans vos réservations, je peux peut-être prendre le relais, est-ce
que cela vous convient ? »

Et si l’autre ne réagit pas comme prévu ? C’est-à-dire, et si notre interlo­


cuteur n’accepte pas nos excuses ? Si c’est le cas, cela montre bien que
nous ne sommes pas responsables de ce qu’il ressent, sinon nos excuses
arrêteraient immédiatement son émotion. Et c’est aussi vrai qu’il faut par­
fois s’attendre à ce que notre interlocuteur s’autorise à exprimer toute sa
blessure par de la colère et de l’agressivité.

À ce moment-là, il est trop tard pour dire : « Si c’est pour entendre tout ça,
la prochaine fois, je ne m’excuserai pas ! » Souvenez-vous que quand la
O
to personne en face de vous s’exprime, c’est pour ne plus garder la pression
eu
eu à l’intérieur d’elle-même mais pour s’en libérer et redevenir capable d’avoir
(J
tH
une discussion moins émotionnelle.
O
fNJ
Donner du temps à la personne pour guérir sa blessure est fondamental.
jC Nous sommes peut-être prêts à passer à autre chose, mais l’est-elle de
CT
's _
> son côté ? Est-elle aussi prête à sortir de son rôle de « victime » ? Est-elle
CL
O
U
prête à renoncer à se « venger » en n’acceptant pas nos excuses ? Ici
aussi, souvenons-nous des enjeux identitaires et relationnels liés au conflit.
« Comment souhaite-t-elle être perçue dans le conflit ? » peut nous aider à
comprendre sa réaction.

12 7
SE PRÉPARER À RÉSOUDRE UN CONFLIT

Avant de résoudre le conflit


Préparation verbale
Puis-je rencontrer directement cette personne plus que par téléphone
ou par mail ?

Puis-je offrir à mon interlocuteur de prendre la parole en premier sans


renoncer à m’exprimer quand mon tour sera venu ?

Puis-je être curieux de son point de vue, non pour être d’accord, mais
être sûr que je le comprends bien ?

Ai-je mon E-QUE-RE avec moi ? Écouter-Questionner-Reformuler ?

Suis-je clair sur les faits, mon sentiment, mon besoin et ce que je
souhaite demander pour parvenir à résoudre ce conflit (si besoin par
écrit) ? L’ai-je formulé de façon positive ?

Puis je dire « non » à ce qui m’est demandé sans rejeter la personne


qui me le demande ?

Si j ’ai commis une erreur, puis-je m’excuser tout en restant digne de


respect à mes propres yeux ?

O
to
O)
eu
(J
eo
T-H
O
r\J
O
x:
ai
's _
CL
O
U

128
Conclusion

« Le courage, c'est la grâce sous pression »


O E rn est H e m in g w a y
in
QJ
eu
(J Fini de se préparer, il est tem ps d ’y aller :
ID
O co rp s-co e u r-tê te -ja m b e s-p ie d s
rsl

Ça y est vous êtes prêt. Au sens ou vous vous êtes préparé. Vous avez mis
x: toutes les chances de votre côté. Vous avez agi sur ce que vous pouviez
ai
>•
Q.
changer le plus : vous-même. Vous avez des outils pour influencer votre
O interlocuteur et vous savez que vouloir le changer serait de l’énergie per­
U
due inutilement.

129
SE PRÉPARER À RÉSOUDRE UN CONFLIT

Vous connaissez votre objectif, et savez s’il est plus ou moins important
que la relation que vous avez avec votre interlocuteur. Vous connaissez les
enjeux à laisser ce conflit en sommeil et vous empêcher de dormir. Vous
êtes décidé.

Vous savez que de toutes façon, il n’y a que trois issues possibles à ce
conflit : revenir à la situation antérieure au conflit, trouver un aménagement
de votre relation, ou choisir de rompre la relation.

Vous avez identifié si votre état émotionnel vous permettait de résoudre ce


conflit ou s’il vaut mieux remettre à plus tard cette difficile discussion. Vous
prenez quelques instants pour relâcher votre tension avant d’y aller.

Vous connaissez les stratégies corporelles qui vont faciliter le rapport col­
laboratif avec votre interlocuteur : vous respectez une distance de sécurité
pour lui et vous, vous vous positionnez à 90° en communiquant en trois
points. Vous ne restez pas sur le lieu du conflit, vous allez dans un endroit
neutre ou vous allez pouvoir vous asseoir avec lui à 90°. Vous privilégiez
une rencontre de visu avec lui et vous lui permettez de commencer à parler
parce que son émotion est forte, vous savez que de toute façon votre tour
viendra.

Vous mettez en œuvre les huit compétences qui vous servent de boussole
dans ce conflit : d’abord vous écoutez, ensuite vous posez des questions
précises pour mieux comprendre son point de vue. Vous vous assurez que
vous comprenez bien ce qu’il avance, et synthétisez le problème selon lui.
Vous lui proposez de donner votre point de vue et vous vous assurez qu’il
l’a bien compris. Vous savez recevoir l’expression de son agressivité de
façon ouverte et ferme grâce à votre stabilité physique. Et vous aidez votre
0
1/1
01 interlocuteur à structurer sa pensée.
i_
(U
(J
UD De même pour vous, quand vous vous exprimez, votre pensée est struc­
O
rsl turée autour des faits dont il est question, vous exprimez votre sentiment
en en prenant la responsabilité. Si la confiance est de mise, vous vous
ai autorisez à exprimer votre besoin et une demande claire et formulée posi­
CL
tivement. Vous savez poser vos limites de façon respectueuse, vous excu­
O
U ser ne vous fait plus peur parce que vous savez maintenant le faire tout en
restant digne.

130
CONCLUSION

À mesure que vous vous engagez dans la conversation, vous observez les
signes non verbaux qui évoquent un rapprochement de point de vue.

Nous pourrions presque dire que cette première partie de conclusion serait
une visualisation à réaliser avant d’y aller.

Comme un skieur de haut niveau, vous imaginez la piste devant vous, vous
envisagez exactement ce que vous allez faire, comment vous allez le faire,
vous revoyez chaque détail de votre technique.

Le skieur de haut niveau devient-il professionnel du jour au lendemain ?

Non, il s’entraîne physiquement, émotionnellement et mentalement. Cha­


cun de ces ingrédients devient une des conditions de sa réussite.

Le but est-il de gagner la course à chaque épreuve ? Ou de progresser et


d’affûter son expérience pour faire face à différents types de neige, diffé­
rentes conditions climatiques ?

De la même manière, en situation conflictuelle, il ne s’agit pas de toujours


gagner, mais de mettre en oeuvre toutes nos compétences pour construire
des relations les plus authentiques possibles, loin des Cro-Magnon qui
sommeillent en nous et loin de leurs jugements hâtifs. Trouver parfois juste
la seconde de recul qui fera la différence.

Chaque victoire est d’abord une victoire sur soi.

Victoire sur vous par une plus grande clarté mentale, une plus grande séré­
nité émotionnelle, une plus grande stabilité physique, une plus grande pré­
O
tn cision verbale. Vous êtes pleinement vous-même, ni plus, ni moins. C’est
O)
i_
QJ un entraînement, un processus de maîtrise de soi tout comme la résolution
e?

T—I
des conflits.
O
rM
C’est pourquoi la question mérite d’être posée : Y a-t-il vraiment des conflits
CT résolus une fois pour toutes ?
>.
CL
O Pour ma part, la résolution définitive des conflits s’appelle le dévelop­
U
pement de la qualité relationnelle dans les organisations. Il s’agit d’une
approche préventive et systémique des conflits. Car reconnaissons-le : les
conflits sont une conséquence de l’organisation ou de la désorganisation

131
SE PREPARER A RESOUDRE UN CONFLIT

du travail, pas une cause. Ils sont le symptôme d’un système en déséqui­
libre dont l’onde de choc impacte autant les individus que les équipes.

Créer les conditions de la qualité relationnelle c’est penser le travail comme


un espace de relations et d’interactions qui, comme tout organisme vivant,
produit des déchets. Ces déchets ne sont pas un problème en soi, sauf
quand ils encombrent l’organisme l’empêchant de fonctionner de manière
optimum.

Chaque organisme vivant a un système d’ex-cression qui lui permet de


maintenir un équilibre homéostatique. Faire vivre la qualité relationnelle,
c’est créer ces espaces d’ex-pression afin de réguler les tensions du
système.

Aujourd’hui, penser le temps de travail uniquement comme des temps de


production sans temps de digestion ou de régulation relationnelle est un
grand risque. Que devient un organisme qui n’a plus son système d’ex-
cression ? Il devient malade.

Cette vision de la qualité relationnelle doit trouver son empreinte dans la


culture des organisations, ses processus, jusque dans les comportements
de ses dirigeants et de ses managers.

C’est pourquoi je laisse Gérard Fleury, président de l’entreprise Imasonic,


conclure votre préparation.

O
CO
O
s_
)
O)
(J
C O
T-H
O
(N

sz
CT
>•
Q.
O
(J

132
Postface

À l’heure de la communication numérique, ma curiosité et aussi mes an­


goisses, sont constamment sollicitées par un flux permanent de messages
qui, lorsque je n’y prête pas garde, me procurent l’illusion d’être activement
branché sur le monde, jusqu’à la nausée ou jusqu’à l’addiction. Car ce
flux tend à saturer mon désir de communication, mon désir de relation, et
peut-être même, parfois, mon élan vital. Je crois lire des constats de même
nature chez beaucoup de mes contemporains.

Dans le même temps l’évolution des débats citoyens me semble révéler


une perte de sens collectif, une montée de la violence, une croissance des
peurs et des sujets conflictuels (la peur de l’étranger, la peur de la margi­
nalisation économique, la mutation de la famille, les maladies dégénéra­
tives, la fin de vie, etc.). Ce climat d’angoisse alimente le risque de conflit,
notamment dans le monde du travail, là où se jouent l’accès aux moyens
économiques, une part importante de la reconnaissance sociale et de la
réalisation de soi.

Il y a peu de doute dans ces conditions que notre capacité individuelle et


collective d’écoute et de gestion des conflits sera demain déterminante
O
tn
QJ pour révolution des entreprises et de la société, pour notre capacité à nous
eu
(J adapter aux multiples changements qui s’imposent à nous.
eo
tH

O
rsl Je vis avec mes proches, avec mes collaborateurs, des moments de
confiance, de plaisir dans l’action et dans la fête. Je vis aussi cependant
x: des moments d’incertitude, des moments de doute ou soudain la confiance
ai
>•
D.
semble se délier, s’abîmer. Il me paraît clair aujourd’hui, que ces moments
O douloureux sont inévitables et qu’ils sont liés à la complexité de la vie ; vou­
U
loir les éviter totalement relève de l’utopie, ou de la fuite; dans ce dernier
cas il faudra affronter plus tard des moments encore plus douloureux. Cela
me semble un enjeu important d’apprendre à vivre ces temps difficiles en

133
SE PRÉPARER À RÉSOUDRE UN CONFLIT

me respectant moi-même et en respectant les autres. Dans les situations


à risque c’est aussi pour moi un des plus grands défis : savoir engager
et savoir maintenir une communication respectueuse de ce qui compte
essentiellement pour moi, dans ma réalité du moment, et de ce qui est
important pour les autres dans leur vécu au présent.

En tant que dirigeant, ce défi prend à mes yeux une triple dimension : com­
ment me respecter dans mes besoins de réalisation, de prise de recul et de
discernement, de repos? Comment respecter les besoins de mes proches
au regard de l’interdépendance familiale qui nous unit? Comment, dans
le même temps, respecter les engagements multiples inscrits dans la res­
ponsabilité de dirigeant vis-à-vis des parties prenantes de mon entreprise
(les salariés, les clients, le corps social environnant...)? Comment vivre
cet engagement de façon satisfaisante, comment respecter mes proches
et me respecter moi-même, au regard des attentes, des frustrations, et
parfois même au regard de certaines formes de violences qui s’expriment
dans notre environnement.

Il me semble qu’être un dirigeant responsable, ou qu’être simplement res­


ponsable en entreprise (ce qui n’est pas simple), implique de vivre un mé­
tier et de donner envie de vivre ce métier par ce qu’il apporte. Cela implique
aussi de savoir éviter les difficultés. C’est un lieu commun d’affirmer que
les pièges de la vie collective sont nombreux. Certains sont particulière­
ment redoutables car nous pouvons y tomber sans avoir conscience de
cette réalité dans laquelle nous sommes tombés; nous pouvons donc y
retourner de nombreuses fois. La lecture de quelques maîtres spirituels,
de philosophes, de psychologues et autres spécialistes des sciences hu­
maines a parfois été pour moi d’un grand secours pour dévoiler ce qui sans
eux aurait pu rester longtemps inconscient.
01/1
01
i_
(U Toutefois je peux aussi témoigner que c’est seulement dans l’expérience
(J
UD concrète de ma relation aux autres et dans l’analyse de mes propres
O
r\l erreurs que je développe peu à peu ma capacité effective à déjouer les
illusions, les tentations et les autres pièges de la vie.
oi
>.
Q.
Je veux citer ici cette phrase d’Antoine de Saint-Exupéry: « Je n ’ai pas
O
(J d ’espoir de sortir par moi-même de ma soiitude. La pierre n ’a pas d ’espoir
d ’être autre chose que pierre, mais en coiiaborant eile s ’assembie et de­
vient Tempie ». L’invitation à collaborer me semble chaque année de plus
en plus nécessaire et il est d’autant plus indispensable de savoir discerner

13 4
POSTFACE

ce qui divise, ce qui oppose, ce qui enferme. Je veux aussi citer Yehudi
Ménuhin : « Notre monde intellectuel est fait de catégories, Il est bordé de
frontières arbitraires et artificielles. Il faut construire des ponts, mais pour
cela il faut une connaissance, une vision plus grande de l ’homme et de
sa destinée». D’autres « veilleurs » de notre époque, notamment Edgar
Morin, invitent à dépasser les modes de pensée qui catégorisent la repré­
sentation de la réalité, qui conduisent à juger de façon binaire, qui mutilent
l’espace de nos choix. Cette raison-là, quand elle se marie avec l’individua­
lisme de notre époque, quand elle s’allie avec le désir d’avoir raison, est
plus dangereuse que l’ignorance totale. Bien que prévenu je reconnais qu’il
m’arrive encore de tomber dans ce travers.

Il me faut donc apprendre à vivre mieux au pluriel, à valoriser et à articuler


l’immense variété des points de vue. Cela implique pour moi de savoir
mieux écouter ce qui se vit en moi et chez les autres. Cela implique aussi
une plus grande attention à moi-même, aux autres, au monde. Cette atten­
tion implique aussi une vigilance par rapport aux mots, car ils véhiculent
la pensée. « Les mots sont des fenêtres, ou bien ce sont des murs » sug­
gère Marshall Rosenberg. Je fais l’expérience quotidienne du pouvoir de
la parole ; je constate chaque jour les bénéfices ou les dommages induits
par des échanges. La parole vraie respectueuse de soi-même et de l’autre,
celle qui est le reflet d’une vie intérieure réconciliée avec elle-même et avec
le monde, cette parole-là a la capacité de construire, de réparer, de guérir,
de rassembler en vue d’un bien commun.

Je dois reconnaître cependant que dans certaines situations, quand la rela­


tion a été détériorée par de multiples blessures et quand ces blessures se
réveillent au moindre faux pas, il m’est parfois précieux de pouvoir compter
sur l’aide d’un tiers, sur le support d’un médiateur.
0
U)
01
i_
(U Dans cette époque de crise je me réjouis enfin de voir fleurir les idées, les
(J

tH
initiatives, visant à développer la qualité de la relation, de la collaboration
O
rsl et de la médiation. J’y vois une raison d’espérer, un signe de renaissance.

JC
ai Gérard Fleury
>
Q. Président d'Imasonic
O
U
17 mars 2014

135
оto
О)
си
со
т-Н
о
rsj
(у)
JC
01
'v_
>-
о.
о
и
Annexe

Comment savoir si je dois faire appei


à une aide extérieure ?
Vous vous êtes préparé, oui, vous avez nnis toutes les chances de votre
côté, oui, nnais voilà, ça n’a pas fonctionné. Malgré tous vos efforts, la situa­
tion perdure, et vous ne savez plus quoi faire de plus.

Connaître sa limite en situation conflictuelle évite de s’épuiser inutilement.


Parfois même notre effort pour résoudre le conflit fait partie du problème.
Nous voulons tellement, que l’autre ne veut pas. Il faut savoir passer la
main. Oui, mais quand ? À qui ?

Abordons d’abord les différentes étapes de l’escalade conflictuelle selon


GlasP^ :

Phase 1 : Durcissement : les parties se confrontent et les positions se


durcissent. Les parties demeurent persuadées que le conflit peut être en­
O core être résolu par la discussion.
CO
O
s_
)
O)
(J Phase 2 : Débat, polémique : polarisation de la pensée, des sentiments
C O
T-H et de la volonté. Raisonnement en tout ou rien. Sentiment de domination
O
r\J ou de soumission.
O
x:
ai Phase 3 : Passage de la parole à l’action : les parties considèrent la
's _
>
CL discussion comme vaine et imposent leurs actions : stratégie du « fait
O
(J accompli ».

22. GlasI (Friedrich), A Handbook for Executives and Counselors (7^ éd. revue et augmentée), Ed. Freies
Geistesleben, Stuttgart, 2002

137
SE PREPARER A RESOUDRE UN CONFLIT

Phase 4 : Image, coalitions : création d’innages et de stéréotypes de la


partie adverse. Recherche de coalition avec des personnes qui étaient
jusque-là restées en dehors du conflit.

Phase 5 : Perte de ia face : atteinte à la dignité et attaque publique et


directe pour faire perdre la face au camp adverse.

Phase 6 : Stratégie de menace : succession de menaces et de contre-


menaces dont les ultimatums qui renforcent la dynamique conflictuelle.

Phase 7 : Actions ponctueiies et iimitées de destruction : l’adversaire


n’est plus considéré comme humain, il devient donc légitime de lui porter
atteinte.

Phase 8 : Éclatement : la destruction et l’anéantissement du système


adverse est visé même si cela entraîne des pertes de notre côté.

Phase 9 : Chute conjointe dans ie précipice : confrontation totale sans


point de non-retour, on accepte sa propre destruction comme prix à payer.

Notez que dans les phases 1 à 3, nous sommes encore dans un rapport
qui peut déboucher sur une solution gagnant-gagnant. Quand l’étape 4 est
franchie et que le conflit s’intensifie, nous rentrons alors dans une logique
gagnant-perdant jusqu’à l’étape 7. Les étapes 8 et 9 quant à elles sont
typiquement des solutions perdant-perdant.

Sur le plan maintenant de l’aide extérieure qui peut être sollicitée.

De l’étape 1 à 2 nous sommes encore dans l’effort personnel de résolution


0In
01 des conflits.
i_
(U
e)
yn De l’étape 3 à 4, cherchons plutôt un facilitateur, un superviseur cela peut
O
(N être un responsable hiérarchique, un pair qui va être soutien dans le pro­
O cessus de résolution.
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De l’étape 5 à 6, un conciliateur ou un médiateur.
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Pour les étapes 6 ou plus, il peut être pertinent de faire appel à de l’arbi­
trage ou même à des représentants de la justice, tribunaux ou des forces
de l’ordre.

138
ANNEXE

Alors ? Quelles sont les différences entre un conciliateur, un arbitre, et un


médiateur ?

La conciliation est menée par un conciliateur de justice qui est nommé pour
les litiges peu importants et son champ d’intervention est limité par la loi.
Son action repose sur le conseil.

L’arbitrage est une personne privée qui est légitimée par les parties en
conflit pour prendre une décision les concernant. Son action est basée sur
la décision pour les parties.

Le médiateur, lui, est un professionnel de la qualité des relations. Son


objectif est de créer les conditions relationnelles suffisantes pour que les
parties trouvent elles-mêmes une solution au conflit. Son action est la qua­
lité relationnelle.

Le droit français engage les entreprises à une obligation de résultat en


matière de santé et de sécurité au travail. Santé physique autant que santé
mentale.

Si un conflit devait porter atteinte à votre intégrité physique ou morale,


n’hésitez pas à demander de l’aide à votre hiérarchie ou à votre représen­
tant du personnel ou représentant syndical.

Par ailleurs. L’article L. 1152-6 du Code du travail stipule qu’ « une procé­
dure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l’entre­
prise s’estimant victime de harcèlement moral ou par la personne mise en
cause ».

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in À vous de jouer !
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Bibliographie

d’Asembourg (T), Cessez d ’être gentil, soyez vrai, 256 pages, Les Éditions
de I’Homnne.
Carré (C.), 50 exercices pour résoudre les conflits sans violence,
122 pages, Eyrolles.
Dechance (J.), La clarté relationnelle, 232 pages. Éditions du souffle d’Or,
et Aller mieux dedans pour agir mieux dehors, 288 pages. Éditions du Relié.
Lascoux (J.L.), Pratique de la médiation, une méthode alternative à la réso­
lution de conflit, 240 pages, ESF Éditeur, 6® édition.
Lascoux (J.L.), Et tu deviendras médiateur et peut être philosophe,
80 pages. Médiateurs Éditeur.
Rosenberg (M.), Les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs,
259 pages. Éditions La Découverte.

Pour aller plus loin


Pédagogie Reliance : Itinéraire de croissance et d’autonomie, www.re-
liance.fr
0
U)
01 EPMN : École Professionnelle de la Médiation et de la Négociation : for­
<u mation de médiateur et certificat d’aptitude à la profession de médiateur :
(J
tH CAP’M©
O
fNJ
www.wikimediation.org : Observatoire International de la Médiation sou­
tenu par la Commission européenne.
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Cl CPMN : Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation :
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U Syndicat Professionnel

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Jean-François THIRIET accompagne la transfor­
mation positive des organisations avec les outils
du coaching, de la formation, de la médiation et de
la facilitation en intelligence collective.

Son but ? Des organisations qui donnent envie


d'avoir envie.

Il a travaillé pour les Nations Unies, l'Unicef et de


grandes entreprises en France et en Afrique du Nord.

D'abord infirmier D.E. en psychologie médicale, sa recherche personnelle


autour du « prendre soin » le conduit pendant 20 ans de l'Omega Institute
de New York à l'École pour la Médiation et la Négociation de Bordeaux,
en passant par la pédagogie Reliance, la psychologie positive, et plus
récemment, l’intelligence collective avec Robert Dilts et la Théorie U d'Otto
Scharmer.

Sites Internet : www.jftformation.fr


www.jeanfrancoisthiriet.fr pour les conférences.

Contact éditeur : edition@gereso.fr

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Prépresse: GERESQ Édition 2016
Achevé d’imprimer par La Manufacture - Langres 52200 en mars 2016
№ d’impression : - Dépôt légal : Avril 2016 - Im p rim é e n F ra n c e
Jean-François THIRIET EDITION

Se préparer à
RÉSOUDRE UN CONFLIT
es conilirs existenr, e\ une vie sans conilifs esf impossible ! Nous

L devons donc apprendre d les résoudre plurôr qu'd les éviter.


Mois ovonl’ de prendre l’iniriohve de gérer un conflit, préparons-
nous sereinement en nous posant les bonnes questions.

Avec qui suis-je vraiment en conflit ? Ai-je intérêt à résoudre ce


conflit ? Comment gérer mon émotion et utiliser celle de l'outre de
façon constructive ? Quelle posture adopter ? Comment exprimer ma
colère de façon juste ? Que foire quond le conflit est résolu et qu'il
reste la blessure ?...

Salarié, manager ou dirigeant, vous découvrirez dans ce livre des clés


de compréhension et d'action qui vous permettront de développer
votre capacité d gérer positivement les conflits.

Et si les conflits en entreprise comportent des enjeux spécifiques,


leur résolution dans la vie privée et au travail demandent la même
préparation mentóle, émotionnelle, physique et verbale.

À l'appui d'outils pratiques utilisables au quotidien, l'auteur explique


qu'il est possible de dénouer les situations même les plus difficiles
pour mieux travailler ensemble !

Existe au ssi en version eBook

Jean-François THIRIET accompagne la rransformahon posirive des


organisations aveo les outils du coaohing, de la formation, de la médiation
et de la facilitation en intelligence collective. Son but? Des organisations qui
donnent envie d'avoir envie.

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