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Esquisse d’un

artiste numérisé
ou La Mutation de la mission d’artiste aujourd’hui
Travail d’Etude Personnel
Encadré par Hugues Seress
Pour l’obtention du DE

Pierre Renaud
19/01/2020
Le Pôle Aliénor n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce
travail. Celles-ci devront être considérées comme propres à leur auteur.

1
Sommaire
Remerciements ....................................................................................................................................... 3
Introduction............................................................................................................................................. 4
Chapitre I – L’Autoproduction en réponse à un bouleversement du secteur culturel ........................... 5
A – Nouvelle économie et consommation de la musique................................................................... 5
1. Déclin de l’industrie du disque ................................................................................................ 5
2. Essor d’internet ....................................................................................................................... 6
B – De nouveaux outils au service de l’autoproduction ...................................................................... 7
1. Les réseaux sociaux, source de développement des artistes.................................................. 7
2. Home-Studios .......................................................................................................................... 8
Chapitre II – Le DIY, un réseau de partage des ressources ................................................................... 10
A – Internet, l’Open Space de la co-production du savoir ................................................................ 10
1. Formation/Entraide (Forums, YouTube, Facebook) .............................................................. 10
2. Réseau Pirate ......................................................................................................................... 12
B – Une communauté de passionnés à passionnés .......................................................................... 13
1. Une pratique participative à l’échelle du groupe .................................................................. 13
2. Un terrain d’expérimentation et d’innovation ...................................................................... 14
Chapitre III – Le DIY, une source apprentissage et d’expression .......................................................... 15
A – L’Education populaire au cœur de l’autoproduction .................................................................. 15
1. Autodidaxie guidée................................................................................................................ 15
2. Un contexte social de développement, une démarche politique ......................................... 16
3. Développement des labels indépendants ............................................................................. 17
B – Une source d’apprentissage accessible pour tous ...................................................................... 17
1. Rapport à l’institution de ces pratiques ................................................................................ 17
2. Vertus et développement de la curiosité jusqu’au savoir ..................................................... 19
C – L’expression de sa propre identité artistique, la cohérence du « court-circuit » de
l’autoproduction................................................................................................................................ 19
Conclusion ............................................................................................................................................. 21
Bibliographie.......................................................................................................................................... 22
Ouvrages généraux ............................................................................................................................ 22
Ouvrages spécialisés.......................................................................................................................... 22
Revues et articles .............................................................................................................................. 22
Sources Internet ................................................................................................................................ 22
Résumé .................................................................................................................................................. 24
Glossaire ................................................................................................................................................ 25

2
Remerciements
Je remercie Hugues Seress pour son soutien et son investissement dans cet écrit, d’avoir su me porter
dans le choix de mon sujet et m’offrir la possibilité de défendre une réflexion qui me tient
particulièrement à cœur.

Je remercie également particulièrement toute l’équipe de Pierres & Fils (P&F©) et Volfoni sans qui ce
travail n’aurait été que supposition et hypothèses et qui me permettent de m’inscrire directement au
cœur même de ce travail et d’alimenter mon désir d’apprentissage et de développement de
l’autoproduction.

Enfin je remercie avec beaucoup d’affection tous mes proches qui ont su me soutenir et me guider
dans l’écriture de ce document.

3
Introduction
La musique comme toute forme d’art subit sans cesse de nombreuses mutations souvent parallèles à
celles de la société. Ce travail met en évidence une de ces transformations de notre époque moderne,
à l’heure et à l’ère du numérique.

Souhaitant nourrir et développer ma réflexion sur ma place d’artiste aujourd’hui, ce document s’inscrit
dans un parcours et un constat personnel et professionnel que je sois musicien et/ou pédagogue.
Baptisé sur la scène actuelle depuis le plus jeune âge, il m’est très vite apparu qu’un artiste, musicien
ici, se doit de développer ou mobiliser de nombreuses compétences annexes et extra-musicales pour
se faire une place dans cette immense offre du monde musical.

Le musicien développe de nos jours une personnalité à multiples casquettes où le jeu instrumental se
relève parfois mineur en proportions au développement de nouvelles compétences indispensables à
l’existence d’un projet.

De par mon intérêt à l’écho dans mon propre vécu et de mon engagement profond dans cette actuelle
transformation de notre rôle de musicien, ce travail va ainsi être orienté au regard de ma propre
expérience et s’inspirer des musiques actuellesa ainsi que du home studiob que je pratique
particulièrement.

Dans cette réflexion et expérimentation personnelle j’ai souhaité me questionner sur la mesure dans
laquelle l’autoproduction offre une réponse à la mutation de la vie d’artiste.

Pour ouvrir cette recherche, je présenterai tout d’abord un constat quant au bouleversement du
secteur culturel, au re-fondement de l’industrie musicale et aux conséquences de ces mutations sur le
musicien d’aujourd’hui. Nous aborderons ensuite en quoi l’autoproductionc est une réponse à ces
nouveaux besoins.

Dans un second temps, je mettrai en évidence l’aspect communautaired et pédagogiquee qui relève de
ce mouvement DIY et du développement des différents réseaux de partage et d’échange omniprésent
dans cette démarche de co-productionf.

Enfin, je parlerai du terreau d’apprentissage et de formation que l’avènement du Do-It-Yourself (DIY)g


représente, de son profond engagement politique et social dans une approche d’éducation populaireh.
Ensuite, j’évoquerai la démarche d’engagement et d’expression de soi qui s’exprime à travers cette
autoproduction.

4
Chapitre I – L’Autoproduction en réponse à un bouleversement du
secteur culturel
Il est aujourd’hui évident que le rôle d’artiste musicien est apparu transformé depuis des siècles de par
la fonction même de la musique à travers les différentes sociétés. La consommation de celle-ci, ne
cesse d’évoluer et se transforme continuellement en lien avec l’évolution de la société elle-même.
Cependant, ces dernières décennies ont connu une mutation importante, que l’on caractérise même
de crise de l’industrie du disque.

Depuis que l’innovation s’est imposée à notre monde, de nombreux secteurs tels que la mode, la
cuisine, le cinéma, les jeux vidéo etc. se sont vus contraints à prendre un virage et se retrouvent
confrontés à développer une capacité à régulièrement innover.

De cette manière, la musique a tout au long de son histoire réécrit ses pratiques et modes de
production. L’industrie en ce domaine s’est réellement développée à partir de l’apparition de
l’enregistrement et de sa reproduction. On voit aujourd’hui, en regardant les personnes qui la
composent, la produisent et la consomment, qu’une transition a été entamée.

A – Nouvelle économie et consommation de la musique


1. Déclin de l’industrie du disque
Il y a presque 20 ans aujourd’hui, la musique a été une des premières industries touchées par l’arrivée
des nouvelles technologies, particulièrement le numérique. Le développement et la démocratisation
du numérique ont poussé le marché de la production culturelle à revoir leur système de
fonctionnement à la fois du côté des maisons de disques, fabricants de supports, distributeurs, mais
également de celui des amateurs de musique et artistes.

Ces technologies ont ainsi remis en question la place de chaque acteur dans ce fonctionnement
aujourd’hui ancestral mais également l’apparition de nouveaux acteurs capable de proposer les
services manquants et nécessaires dans cette transition autour de la demande et donc de l’offre.
L’économie du marché de la musique enregistrée est passée 1298 à 335 millions d’euros entre 2002
et 20181. Les ventes dématérialisées (numériques) quant à elles sont parallèlement en hausse sans
pour autant être susceptibles de combler ce manque.

Désormais, la consommation et distribution de la musique sont essentiellement dématérialisées. Les


ventes de CDi 2 se sont effondrées au profit de plateforme de streamingj tel que Spotify, Deezer et
YouTube qui voit leur offre et leur nombre d’abonnés croitre de jour en jour.

Il ne s’agit pas de clamer la mort du disque, la Fnac existe toujours évidemment3 et ces dernières
années, une marche arrière s’observe déjà autour de la culture de l’objet. C’est ainsi que l’on observe
une nouvelle consommation de ces produits, un goût de renouveau pour le vinyle mais également
dans cette consommation plus locale et réfléchie de ces dernières années, l’achat de ces produits en
limitant les intermédiaires : directement à l’artiste.

Même si le chiffre d’affaires physique des maisons de disques décline (-15%), cette baisse « ne reflète
pas l’appétence réelle des consommateurs pour le support » avance le syndicat de la musique. Ce

1
Chiffres obtenus d’après une étude de la SNEP (Syndicat National de l’Edition Phonographique). Le rapport
pour 2019 n’étant pas encore diffusé.
2
Compact Discs
3
Peu de groupes non labélisés y trouvent une place de par les réminiscences de ce fonctionnement issu des
grandes maisons de disques.

5
dernier observe en effet que le marché de la vente en magasin, ne cède que 7%. « Cela s’explique par
l’évolution progressive des pratiques commerciales et la mise en place du système de dépôt vente
dans certaines enseignes » écrit le Snep. Le Snep explique ce « dynamisme » par la popularité
croissante des nouveaux usages et l’adaptation de l’industrie musicale « aux attentes des
consommateurs ». Ces consommateurs sont désormais 46% à utiliser un service de streaming audio :
5,5 millions sont aujourd’hui clients d’un abonnement audio payant.

La démocratisation d’Internet et du numérique a ouvert « l’âge de l’accès » (Rifkin, 2001).

2. Essor d’internet
« L’oligopole des grandes maisons de disques » (Tellier, Ruiz, Pénin, 2019) ayant tenté en vain de
combattre le partage non autorisé de fichiers musicaux4 se sont finalement orientées vers ces
nouvelles formes de distribution. Il est d’ailleurs important de mettre en évidence que le
téléchargement illégal (peer to peerk) a également su exister par le manque d’offre face à cette
évolution de la consommation. La position de ces professionnels du marché culturel semble
aujourd’hui toujours fragile et contestée. Cependant, nous manquons encore de recul face aux
nouveaux géants des affaires musicales.

Le téléchargement/piratage est à mes yeux à nuancer. Cette communauté pirate (dont je reparlerai en
seconde partie) a également su mettre l’artiste au premier plan, et grâce à un effet de promotion de
par l’accès libre à la musique, on s’ose à la découverte. En mettant par conséquent les maisons de
disques au second plan, un nouveau réseau a su s’ouvrir, créer une « nouvelle » forme de promotion
de la musique. On retrouve alors le marché live comme première source de revenus des artistes de par
cette nouvelle consommation. La télévision, la radio, les programmateurs commencent à rechercher
de nouveaux talents et en font la promotion, rôle auparavant exclusivement réservé aux maisons de
disques. Ce développement peut être grandement attribué à la supériorité des communautés Internet
face aux firmes traditionnelles.

« L’âge de l’accès » (Rifkin, 2001) face à ce souci de découverte des utilisateurs, grâce au
développement des réseaux sociaux, réseaux de partages, podcasts, streamings etc. n’ont eu que pour
unique effet de réduire la vente de disques. Elle a cependant augmenté l’exposition des
consommateurs à la musique et ainsi la visibilité des artistes. Cela pose tout de même la question de
la monétisation des artistes d’aujourd’hui. Si à mes yeux, le crime a fait du tort à l’oligopole des
maisons de disques, ce court-circuit ne m’a, comme beaucoup d’artistes non-labélisés, pas touché. Au
contraire, une nouvelle monétisation du numérique est apparue et s’ajoute de manière très maigre
aux revenus de l’artiste. Mes CD ne se trouvaient pas en rayon.

Cela peut représenter d’une certaine manière notre société de consommation actuelle. Le streaming
a offert l’offre du téléchargement illégal directement accessible partout, de manière simplifiée. Plus la
peine de chercher ses albums sur des dizaines de sites, ils sont désormais légalement accessibles « en
2 clics ».

On observe naturellement une arrivée en masse des artistes vers Internet comme source même d’outil
professionnel que je développerai par la suite.

« Interroger le futur de la musique, c’est aussi questionner les modèles alternatifs qui pourraient
encore voir le jour, la place de la création indépendante » (Tellier, Ruiz, Pénin, 2019).

4
Hadopi entamant par ailleurs sa dernière année d’existence aux vues de la nouvelle consommation musicale :
le streaming.

6
Suite à la chute de vente de disques, le marché live reprend une importance considérable. Le futur de
la musique est également étroitement lié aux modifications apportées au processus même de création.

B – De nouveaux outils au service de l’autoproduction


La numérisation de la filière musicale a eu des conséquences majeures sur la vie d’artiste musicien
interprète. Elle réduit le coût de production des œuvres musicales (le home studio que l’on évoquera
par la suite en est un exemple), les coûts de distribution et de promotion également5. C’est
l’avènement de l’autoproduction/DIY

Comme évoquée précédemment, la situation « précaire » des maisons de disques a conduit à un


nouveau fonctionnement au sein de cette professionnalisation musicale. Les musiciens engagés dans
une démarche de professionnalisation ne s’orientent plus majoritairement vers ces industries et
cherchent à se démarquer dans une concurrence accrue. Alors que la multi activité était alors déjà
omniprésente chez nombres d’artistes elle est alors devenue une nécessité économique pour ces
artistes qui se doivent de maîtriser de plus en plus de compétences pour exister. La maîtrise de ces
nouvelles compétences est nécessaire pour aujourd’hui intéresser, captiver ce public imprévisible face
à une offre toujours plus grande. La communication devient alors un moyen de se faire une place dans
l’intimité des auditeurs, le home studio, la réalisation, le graphisme. La possibilité d’offrir un contenu,
une actualité dans une période où la quantité doit rimer avec qualité.

1. Les réseaux sociaux, source de développement des artistes


Avec l’ère d’Internet, se répand la dématérialisation de la musique mais à l’oreille de tous et s’impose
et le long et inachevé règne des réseaux sociaux. Dans une société où l’instantané et la quantité devient
la nouvelle norme de communication et d’information, souvent au profit de l’éphémère, il devient
important de devenir une figure iconique de ces réseaux. C’est dans ce nouvel enjeu que les artistes
et leur musique numérique ont trouvé un écho dans succès médiatiques, et ont ainsi développer leur
capacité à fédérer des passionnés autour de leur musique, leur diffuser informations, actualités, avant-
première et à les mobiliser au moment des événements important.

Cultiver sa fan-basel est d’une importance cruciale de nos jours et les réseaux sociaux sont devenus un
outil professionnel de communication pour de nombreux artistes. « Jamais la connexion avec les fans
n’a semblé être un facteur aussi décisif dans le destin commercial des œuvres enregistrées » (Berger,
2012).

Le support Internet multiplie les canaux de communication, l’émergence du Web 2.0 et de ses
fonctions sociales renforce paradoxalement le bouche-à-oreille. Chaque réseau a ses fonctionnalités
propres, son public venu pour ce fonctionnement et souvent sur plusieurs de réseaux en parallèle. Il
convient ainsi de toucher son public sur chaque réseau à savoir Facebook6, Twitter7, Instagram8,
Snapchat9, YouTube10, Bandcamp11 etc. « L’évaluation d’un album par un inconnu peut être consultée
par tous sur Amazon ; la plate-forme YouTube centralise des vidéos de concerts amateurs ou
professionnels ; les fans Facebook d’un groupe sont autant d’ambassadeurs de la qualité sociale ou

5
Regard personnel d’artiste en activité en opposition à celui de Chantepie et le Diberder, 2010
6
Réseau mettant en évidence un flux d’actualité et une offre assez large
7
Réseau de microblogage consistant à envoyer de brefs messages a sa communauté
8
Partage de photos et vidéos
9
Partage et échange éphémère de messages, et contenu multimédia
10
Réseau de partage de vidéo le plus réputé et démocratisé aujourd’hui
11
Plateforme réservé aux musiciens pour partager leur musique

7
esthétique du groupe, leur like contribuant à une diffusion virale inégalée dans les médias de masse
(Wasik, 2009).

Le musicien, par cette nouvelle incidence de l’évolution numérique se retrouve en charge d’une tâche
jusqu’alors gérée par les firmes de l’industrie musicale, la communication. Cette première mission
témoin de cette autopromotion/autoproduction confère à celui-ci une casquette d’artiste
entrepreneur à laquelle s’ajouteront toutes les autres missions que j’évoquerais par la suite. Il s’agit là
à travers une absence de frontière et une démarche de rapport direct entre le musicien et son public
de marketingm direct voire de growth hackingn.

De nos jours, la plateforme la plus démocratisée en termes de découvertes de musique reste


l’imbattable YouTube. Elle surpasse les différents services d’écoute probablement grâce à son accès
encore « gratuit » et ainsi ouvert à tous. Cette plateforme de partage de vidéos alimente massivement
l’industrie musicale. Son fonctionnement a réellement, de par son unique fonction vidéo12, participé à
l’évolution de notre manière de promouvoir notre musique ce qui rappelle l’importance de l’aspect
visuel dans la recherche d’informations musicale. La présence de chaque artiste est aujourd’hui sur ces
plateformes de vidéos presque indispensable de par la nouvelle relation de synchronisation entre
musique et vidéo, à savoir le live et le clip.

Sur 65% du temps consacré au streaming en France, on n’en compte 52% rien que sur YouTube.

On observe ainsi un réel développement de l’image, un travail visuel, de réalisation ainsi que
graphique. Des groupes comme Gorillaz (https://www.youtube.com/watch?v=HyHNuVaZJ-k), Daft
Punk avec leur film & série de clip Interstella 5555 (https://www.youtube.com/watch?v=3Qxe-QOp_-
s) ou encore Shaka Ponk (https://www.youtube.com/watch?v=jWYLL7wFyns&has_verified=1) ou
d’une autre manière Marc Rebillet (https://www.youtube.com/watch?v=3vBwRfQbXkg) développent
particulièrement ce rapport à la vidéo, créent un univers visuel identifiable à leur projet/musique
jusqu’à créer une « mascotte » que l’on retrouvera par ailleurs également sur scène.

Face à cette nouvelle promotion de la musique, la réalisation de clips, promotion de live(s) s’ajoute à
la mission d’autoproduction d’un artiste actuel. Mais il apparaît également qu’une identité visuelle et
graphique s’y ajoute de même. Nombreux connaissent et usent de Photoshop tous les jours.

En soi, le web démocratise l’accès à la visibilité.

2. Home-Studios
Cherchant de cet écrit à parler d’un sujet en résonance avec ma propre expérience d’artiste musicien
interprète, parler plus précisément des home-studios me semble nécessaire à guider ma propre
réflexion.

Pour être concis dans son histoire, les premières opportunités dans ce domaine sont apparues en 1980
grâce au premier enregistreur 4 pistes à cassette. On ne parle alors pas de home-studio réellement,
on ne peut intervenir sur les signaux enregistrés mais d’une certaine manière, il s’agit des premières
possibilités d’autoproduction offrant la capacité à chacun d’enregistrer relativement simplement ses
premières maquettes. On peut réellement parler de home-studio dans les années 2000 grâce à l’essor
de l’informatique puis d’Internet au travers du partage de savoir et de logiciels et plug-inso pirates que
nous évoquerons dans le prochain chapitre.

12
Actuellement en voie de changement grâce à l’apparition de YouTube Premium

8
Cette interface numérique offre, grâce aux logiciels de studios appelés DAWsp de retravailler le signal
enregistré avec la possibilité d’intervenir en multipistesq. Les plus connus et répandus aujourd’hui
sont : Logic Pro, Cubase, Pro Tools, Reason, Studio One, Ableton Live. Ce qui est intéressant à mettre
en avant dans l’évolution de ce studio à domicile est son développement parallèle dans la même
temporalité que les studios professionnels. L’informatique s’étant développée puis démocratisée dans
un temps relativement rapide, il y a peu d’écart observable entre professionnels et
passionnés/amateurs. Cette frontière existante et s’amenuisant de jour en jour repose cependant sur
des paramètres matériels, le premier étant l’acoustique même des studios. Une autre réelle différence
entre home-studio et studio repose sur la qualité matérielle employée (préamplisr, compresseurss,
égaliseurst, interfacesu…), on parle de hardwarev. Comme l’investissement financier de l’ « amateur »
et du professionnel ne peuvent pas être identiques, l’usage a évidemment des répercussions sur le
softwarew, notamment sur le développement des échanges illégaux de ces produits.

On retrouve plusieurs profils d’utilisateurs de home-studios :

- L’amateur éclairé, intéressé par la création et le mixage de sa propre musique à l’aide d’un
unique PCx et d’un clavier maitrey.
- Le musicien professionnel dans un souci d’autoproduction plus poussée, à la recherche d’une
production professionnelle et dans une volonté de diffusion et de promotion de sa musique. Il
a un équipement plus sophistiqué, carte son (interface) multipiste, micros de qualité proche
de professionnel, traitement acoustiquement sommaire du studio, banques de plug-ins… Il
enregistre et mixe sa propre musique ainsi que celle de ses proches et de son réseau.
- L’intermittent du spectacle professionnalisé dans le studio et pratiquant chez lui dans les
conditions de son maigre studio en comparaison à un studio « professionnel ». Son matériel
est plus développé que le musicien professionnel, ses locaux d’enregistrement plus grands et
acoustiquement plus intéressant tout en manquant de moyens financiers et matériels pour
rivaliser avec les géants. Il s’agit en soi et surtout d’une expérience plus importante par rapport
au musicien professionnel mais ne se destine tout simplement pas au même avenir. Il se
destine à travailler sur les projets des autres et à se professionnaliser dans ce secteur. De nos
jours quand nous parlons d’enregistrer dans un studio c’est en réalité plutôt de cette
catégorie-là dont nous parlons. Honnêtement, peu de musiciens ou projets ont réellement les
moyens de s’offrir un enregistrement en studio professionnel. C’est là que nous retrouvons la
main géante des maisons de disques sur cette industrie, qui pour de rares élus, existe encore
comme une possibilité sous-jacente et minoritaire.
- Le professionnel du studio d’enregistrement aux conditions matérielles et techniques
luxueuses.

Le musicien professionnel, l’amateur, ainsi que l’intermittent technicien de studio sont généralement
tous trois issu d’un apprentissage autodidacte : il n’y a actuellement aucune école publique dispensant
cette formation. Comme les différents éléments du DIY du musicien, chacun apprend sur le tas, au
moment où il se retrouve confronté à ce besoin.

De nombreux réseaux de partage de co-production, co-savoir se développent en conséquence.

Toutes ces compétences ne se retrouvent évidemment pas chez chaque musicien, au sein de chaque
groupe. Il s’agit alors de faire fonctionner nos réseaux personnels, relations d’amitié et d’échange de
bons procédés, et cela participe au développement d’une micro-communauté.

9
Chapitre II – Le DIY, un réseau de partage des ressources
L’ère du numérique apporte son lot de débat, certains lui attribuant de nombreuses vertus et d’autres
les rendant responsables de nombreux maux, dont celui de rompre les relations entre les individus.
Dans cette partie, je vais, de ma propre expérience, aborder différemment la question mettant en
évidence les potentialités du numérique, dont l’acte d’apprendre ensemble. L’utilisation du numérique
dans l’apprentissage est à la fois source de créativité mais comporte un « risque d’aliénation de la
pensée » (Denis Cristol, 2019).

L’accès gratuit et libre à une masse d’informations que le sujet peut lui-même ouvrir vers de nombreux
autres horizons et sa démarche de logique collaborative bouleversent le rapport au savoir. Le sujet
développe de nouvelles compétences, d’apprentissages mais également socio-numériques plaçant les
interactions au centre de l’apprentissage.

Face à une crise probablement économique, un effet de mode autour du DIY se développe ces
dernières années dans tous les domaines tels que le bricolage, la cuisine, et comme évoqué, le domaine
musical. Face à cette demande, un nouveau commerce opère, favorisant ce type de pratiques par ces
industries (cours de cuisine/bricolage, cours en ligne, élaboration de matériaux simples d’utilisation
pour la construction…). Les industries de ces différents domaines jouant désormais cette, on ne
retrouve pour autant pas le même fonctionnement d’ouverture et d’accessibilité adapté au novice
pour ces outils spécialisés de la musique.

A – Internet, l’Open Space de la co-production du savoir


1. Formation/Entraide (Forums, YouTube, Facebook)
Pour répondre à cette demande jusqu’alors peu honorée, un nouveau réseau de partage s’est
développé entre passionnés à différentes échelles. À cette ère du numérique, une importante part de
cette transmission a évidemment opéré sur les différents réseaux Internet.

Pour parler plus spécifiquement de l’univers des studios et représentatifs de ce type de co-production
du savoir dont j’ai su et sais beaucoup profiter, on peut observer une importante participation des
différents acteurs présentés dans le chapitre précédent.

Au développement et l’essor du numérique et des studios/home studios, on observe avec le peu de


recul que nous avons sur ces vingt dernières années, une même temporalité entre la mutation des
studios professionnels et celle de l’apparition des home-studios. C’est une des premières raisons à la
création de cette communauté qui plus est, composée évidemment entièrement de passionnés.

Au moment où moi-même j’étais à la recherche d’informations, j’ai été particulièrement étonné et


touché par le nombre de partages de savoir présents sur le net et adaptés à tous, par tous et pour tous.
Cette passion a réellement su créer une communauté importante guidée par la curiosité et la passion
du home studio. Voilà de nombreux réseaux de partage de ressources sous différentes formes et
différentes plateformes.

La première source à nous venir à l’esprit, le plus adapté à cet échange serait les forums. En voilà
quelques exemples.

- Audiofanzine : https://fr.audiofanzine.com/prise-de-son-mixage/forums/
- Mixage en Home Studio : https://mixage-en-home-studio.fr/mixage-audio-apprendre-avec-
les-blogs-et-les-forums/
- Sound Designer : https://www.sounddesigners.org/fr/forum/mixage.html

10
Les forums n’ont plus rien à prouver et ont été largement éprouvés au cours de ces dix premières
années du XXIe siècle. À l’image de cette ère du numérique, de nouveaux modes de consommations
de l’information ont également émergé. Ainsi comme vu dans le premier chapitre, on observe ces
communautés migrer également sur de nouveaux réseaux et encore une fois, le plus populaire reste
YouTube. D’une certaine manière, moins portée sur l’interaction entre utilisateurs bien qu’existant à
travers les commentaires de la vidéo, elle est aussi plus adaptée à l’autoproduction. Dans la pratique
DIY où il s’agit avant tout d’un fait-main artisanal, une explication manuelle et orale vaut et est ainsi
bien plus claire, de la même manière qu’extérieure à la musique, Leroy Merlin favorise le DIY avec ses
propres vidéos d’aide en ligne également Cette communication ne s’adresse évidemment pas au
même type de public que les utilisateurs et clients traditionnels, mais est plus adapté à des débutants.
Le mixage qui réside dans une exécution numérique n’en est pas moins manuel pour autant. Voici une
maigre liste non-exhaustive en image à mes propos.

- La Machine à mixer d’Etienne Tremblay (amateur passionné) :


https://www.youtube.com/user/lamachineamixer
- Into the Lair de Dave Pensado (professionnel) :
https://www.youtube.com/watch?v=3gVCo0tM8r8&list=PLFC57D274A1E94943
- Mix with the masters (ensemble de nombreuses personnalités reconnus du studio) :
https://www.youtube.com/channel/UC-y-8VGVtlP8zDnT60dDgkw
- Produce Like a Pro de Warren Huart (professionnel) :
https://www.youtube.com/channel/UCpyUGZeMUtOvt57UACw3H2g
- Waves Audio (rare créateur de plug-ins présent dans ce partage de ressources) :
https://www.youtube.com/user/danielwaves/featured

Le fonctionnement de forum tout juste évoqué a, quant à lui, évolué vers un autre outil de
l’autoproduction de la même manière et s’est vu migrer sur les réseaux sociaux, particulièrement
Facebook sous forme de groupes d’échanges plus ou moins privés et sélectifs. Il s’agit là du même
fonctionnement d’échange que sur un forum et s’adresse de la même manière aux amateurs et aux
professionnels riches de conseils.

- L’Atelier du Mix (Groupe communautaire) :


https://www.facebook.com/groups/atelier.du.mix/?ref=bookmarks
- New Alliance East (Professionnel mettant en relation de nombreux membres passionnés) :
https://www.facebook.com/pg/newallianceeast/groups/
- Recording, Mixing and Mastering With Friends – Community (Groupe Communautaire)
https://www.facebook.com/groups/185742718558813/
- Recording/Mixing/Mastering Engineers! (Groupe Communautaire) :
https://www.facebook.com/groups/RecordingMixing/

On aurait tendance à croire que ce partage d’information fait du tort à ces professionnels engagés dans
cette démarche de transmission. Cependant, il s’agit aussi d’un coup de publicité pour eux, car
honnêtement, il souvent rare pour un amateur d’obtenir le même résultat. L’autoproducteur sait dans
son travail retrouver un résultat au plus proche et qualitatif, cependant, pas équivalent pour des
raisons matérielles mais surtout « grâce » à une communication trop partielle sur ces réseaux
numériques de formation. L’approche du mixage propose une offre très importante, mais il y a un
manque de communication et de contenu sur le travail en amont. La qualité du mixage déprend de la
qualité de la prise de son et il n’existe que trop peu de tutoriels à ce sujet aujourd’hui. Un dicton dans
le milieu du studio bien connu de tous dit : « Shit in = Shit out ! »

11
D’une certaine manière, on retrouve dans ces communautés qui se veulent d’échange et de partage
éducatif populaire, une hiérarchie de transmission basée sur différents facteurs. Le numérique
reproduit en soi les différentes variables de dynamique de groupe comme le leadershipz. On retrouve
la vision historique et ancestrale des modes d’apprentissages ensemble définie par différents statuts.
On y retrouve les statuts réseaux à savoir les administrateurs, modérateurs et simples membres de
forums et page de partage de ressources. Mais également des hiérarchies de savoir. Comme évoqué
précédemment, les grands noms aujourd’hui reconnus du monde du studio d’enregistrement,
membres actifs de cette communauté de partage ont une parole qui possède à la fois plus de poids et
de crédit, mais saura aussi peut-être créer une certaine forme d’unanimité et parfois de clôture des
débats.

On peut également dire qu’Internet a su répondre à une demande de tous ces passionnés : ces réseaux
existent aussi et surtout pour pallier un manque de formation, mais aussi une carence matérielle (d’où
le développement software et pirate).

Le réseau de communication du numérique s’inscrit ainsi de ce cercle de transmission continu, qui se


situe dans un juste équilibre entre l’apprentissage personnel et l’apprentissage en réseau.

2. Réseau Pirate
Entre techniciens de studio, un long débat tourne autour de pratique hardware et software tout en
mettant en évidence que le software reste indispensable malgré tout. Il apparaît cependant que la
réponse software est la plus répandue pour plusieurs raisons : la première est d’ordre financier. On
retrouve aujourd’hui, y compris dans un nombre important de studios professionnels, une part de
logiciels et plug-ins issus d’un téléchargement illégal. C’est également comme évoqué précédemment,
une réponse libre et gratuite au home studio.

Compte tenu d’un manque de logiciels libres ou open source, l’aspect financier rentre énormément en
jeu pour ces amateurs et porteur d’un désir d’autoproduction, favorisant ainsi le réseau de partage
P2P. Reason, à ce jour, est le seul DAW en open source13 . Les plug-ins libres d’accès sont, quant à eux
moins adaptés à la demande ; tout en ne s’inscrivant pas dans les softwares utilisés par la majorité de
cette communauté. Il s’agit de logiciels relativement chers aujourd’hui à hauteur moyenne de 150€
par plug-in (en imaginant que l’on peut facilement user d’une vingtaine en moyenne par mix où chacun
a sa propre spécificité mais également en fonction de nombreux paramètres à la fois sonores et
stylistiques) et en moyenne 450€ pour un DAW. Imaginons ensuite que pour un groupe autoproduit le
prix de l’indémodable et indispensable suite Adobe Créative14 à 800€ par an, le budget de
l’autoproduction s’élève très vite 12 000 € en imaginant ces mêmes logiciels pour une utilisation sur
10 ans. Croisons les doigts pour que ces créateurs ne s’inscrivent pas dans une société de
consommation où l’obsolescence programmée fait partie intégrante du business.

On retrouve naturellement une aide communautaire à ce partage illégal autour de ce réseau de


hacking mais ce sont néanmoins des passionnés soucieux d’une libre autoproduction. De manière plus
large au commun des utilisateurs de PC, une grande proportion d’usagers a eu un jour une version
craquée de la suite Microsoft (Word, Excel, Powerpoint…) malgré de nombreuses alternatives libres.

Exemple de sites de torrents aux offres musicales :

13
DAW qui a mes yeux manque d’intuitivité et de possibilités par rapport à ses concurrents payants et aussi plus
éprouvés dans la récente histoire du studio.
14
Distributeur d’Adobe Photoshop et Illustrator, InDesign pour le graphisme, Première Pro et AfterEffect en
vidéo, Audition (DAW).

12
- https://audiotools.club/
- https://www.yggtorrent.ws/

Il s’agit là des deux plateformes les plus complètes en matière de logiciels musicaux à mes yeux.
Audiotools est lui, uniquement dédié à ce partage d’outils studios. Il s’agit d’une plateforme créée par
des passionnés pour des passionnés. On y retrouve tous les logiciels les plus utilisés aujourd’hui en
regroupant un catalogue impressionnant, et mis à jour de manière presque quotidienne par de
nouveaux engagés dans cette démarche du monde libre et autoproduit.

D’après de nombreux résultats d’études recensant l’impact du téléchargement illégal sur les différents
domaines touchés par la numérisation à savoir le livre, la musique, les films, les jeux vidéo et logiciels,
le téléchargement mène le plus souvent à un achat. Il s’agit d’une activité complémentaire à l’achat
plus qu’un substitut. Ainsi, il peut s’agir le plus souvent d’une promotion d’achat, d’un tremplin vers le
téléchargement légal. Des entreprises comme Adobe (géant de l’univers graphique et audiovisuel)
jouent volontairement, mais de manière camouflée avec les hackers. Quand on se professionnalise,
quand les logiciels que nous utilisons ne sont pas tous assez stables, quand on reconnaît la qualité de
ces logiciels, nous nous tournons alors vers ces logiciels de manière légale dans une forme de fidélité
à ces logiciels, à nos habitudes ; en réalité plus envers nous-même.

Pour rester dans le monde du studio en parallèle à ces réseaux de co-savoir, un autre partage illégal
orienté vers le travail de sa pratique de studio (comme de son instrument) est le partage de fichiers
multipistes bruts. Nous n’avons pas tous la possibilité d’enregistrer de nouveaux projets tous les jours.
Dans un souci d’efficacité et de rentabilité, nos enregistrements ne sont que peu voués à
l’expérimentation, aux tests et au travail. Ce partage devient alors essentiel pour beaucoup de
néophytes ou musiciens désireux de pratiquer le mix comme ils travailleraient leur instrument :
quotidiennement, afin de gagner en précision et en pertinence. Exceptés les artistes sous contrats
extrêmement stricts chez Universal ou Sony ou chez les autres majors, de nombreux rushsaa parcourent
des milliers de kilomètres pour être retravaillés de manière discrète et illégale par de nombreux excités
qui se l’approprient en en faisant leur version. S’ensuit ou non de nombreux échanges entre co-
producteurs du même travail dans des voies artistiques bien souvent différemment surprenantes.

Par souci d’anonymats, je ne partagerais pas ces réseaux d’échanges engageant des personnes réelles
et non des entités virtuelles jusqu’alors, car elles peuvent avoir de réelles répercussions
professionnelles. Libre à vous d’aller feuilleter les différents réseaux d’échanges ici évoqués.

Ayant fait un long éloge depuis quelques pages de ce système plus ou moins anarchiste, il est temps
de nuancer ces propos et rappeler que la loi sert évidemment à protéger les propriétés intellectuelles
et les droits d’auteurs s’appliquant également pour les logiciels. User de ce système est à l’encontre,
d’une certaine manière, des principes défendus dans ce travail. L’autoproduction espérons-le, va
ouvrir une nouvelle porte et s’inscrire dans une nouvelle conception du partage et à l’image de Reason
ou encore Audacity, - logiciel non adapté au monde du studio, pour autant très simple et libre pour un
usage primaire-, développer de manière communautaire de nouveaux outils libres et au moins aussi
performants de manière libre. N’oublions pas que ce monde est récent et que nous n’avons aucun
recul sur celui-ci. Qui sait jusqu’où ce mouvement ira-t-il à l’avenir ?

B – Une communauté de passionnés à passionnés


1. Une pratique participative à l’échelle du groupe
De nos jours, dans ce souci d’autoproduction, un groupe, une entité, une association représentent
d’une certaine manière une micro-société aux fonctionnements sociaux où chacun trouve sa propre

13
place et met en avant ses propres compétences afin de répondre aux nouveaux besoins du métier
d’artiste.

Dans une volonté d’autoproduction, un groupe d’aujourd’hui doit remplir de nombreuses missions : la
communication, le démarchage, les choix de directions artistiques, les graphismes, la réalisation de ses
clips, la production de sa musique (mixage et mastering), l’élaboration de son site Internet ainsi que le
merchandisingbb. Ce sont de nombreuses compétences rares et difficiles à obtenir pour une seule et
même personne. Il s’agit ainsi de manière communautaire de mettre en commun ses propres
compétences ou intérêts de sorte à justement mettre en application cette approche DIY. Dans
l’autoproduction, seule la détermination de ses acteurs est décisive. L’autodétermination va conduire
progressivement, en situation à l’autoproduction des compétences de chacun, et de l’expérience. La
boucle est bouclée. Un projet commun est une source de motivation en réaction à un besoin pour
développer ses propres compétences jusqu’à en créer de nouvelles par l’existence et l’évolution du
projet, de l’apparition de nouveaux besoins pour la musique.

Un motif alors collectif devient un motif individuel et inversement. Le DIY est une réponse collective
bien que son apprentissage passe le plus souvent par l’autodidaxie. Le solo s’exprime au sein d’une
communauté indispensable, que ce soit au service du groupe ou à travers les différents réseaux de
partages des ressources. Finalement, le DIY devient DIT « Do It Together ». De par son existence
uniquement collaborative, on peut parler d’entreprenariat, du développement de l’artiste
entrepreneur.

Cela montre également une forme d’engagement à toute épreuve dans le projet qui saura par ailleurs
être valorisante, source de reconnaissance, d’échange.

La scène se présente comme un terrain d’apprentissage doté d’une force formatrice puissante. Les
acteurs, de par leur unique engagement, y sont tenus d’apprendre à identifier les besoins, les
ressources pour y répondre, saisir des opportunités et élaborer des stratégies sur un principe
empowerment à l’échelle du groupe, puis de la communauté et des différents réseaux.

De maigres compétences contre un investissement et une motivation hors normes avec une pointe
d’audace ; Le DIY/DIT est un réel cadre de formation pour chacun, particulièrement pour moi
également.

2. Un terrain d’expérimentation et d’innovation


Comme le définit la « créativité d’agir » (Joas, 1999), la culture DIY encourage ses acteurs à explorer,
inventer, innover et créer la nouvelle demande.

Étant un terrain propice à l’expérimentation et sans réel enjeu autre que celui de notre temps et notre
investissement personnel, l’autoproduction permet d’offrir tous les possibles à l’imaginaire. De mettre
en application les idées de chacun sans réelle limite. C’est un terreau propice à la culture de
l’imaginaire que nous pouvons réaliser nous-même.

Cela justifie des productions de musique, ponctuelles, plus expérimentales peu importe le coût de la
production, expérimenter de nouveaux packagings en considérant le home pressage, faire évoluer
récemment les graphismes au rythme de ses envies…

Snarky Puppy (groupe américain de Pop, Jazz, Funk inscrit au label indépendant GroundUp créé par le
leader de ce même groupe Mickael League), grâce à l’opportunité de l’autoproduction, propose
l’enregistrement live du concert auquel le public vient tout juste d’assister, en achat numérique dès la
sortie du concert. C’est une des nouvelles opportunités des homes studios.

14
Chapitre III – Le DIY, une source apprentissage et d’expression
En considérant cette approche d’expérimentation et d’innovation, le DIY est une nouvelle source
d’expression et, comme nous avons pu le voir, d’apprentissage également. La communauté Internet
se veut ouverte, accessible en écho à un engagement politique et une volonté de transmission aux
valeurs éducatives populaires.

A – L’Education populaire au cœur de l’autoproduction


1. Autodidaxie guidée
Autour de ces différentes pratiques et missions de l’artiste moderne autoproduit, il n’existe peu ou pas
d’institutions pour ces différents domaines et/ou peu adaptés à l’approche artistique. Évidemment,
on retrouve de nombreuses formations de studios, formations de graphisme, formations de vente et
démarchage, etc. Cependant, il me semble impossible d’aller chercher toutes ces formations au risque
de ne plus avoir de temps à investir dans le principal : la création artistique.

L’ancrage de ces pratiques dans une réalité professionnelle, sous une forme de nécessité, parfois
d’urgence, offre naturellement une action et réaction « sur le tas ». Il est naturel, pour beaucoup,
d’aller chercher ces ressources de manière autodidacte.

Comme nous l’évoquerons par la suite, l’offre institutionnelle vis-à-vis de ces nouveaux besoins sont à
la fois peu présente et onéreuse. Il faut rappeler que nous avons que très peu de recul sur cette
nouvelle réalité artistique, l’offre risque probablement de se créer dans les années à venir.

Aujourd’hui omniprésente, l’approche autodidacte de ces pratiques relève surtout de son histoire.
Dans ce contexte de nécessité face au manque, l’approche autodidacte a été la réponse et a su créer
les fondations mêmes de sa transmission. Ayant jusque-là été toujours abordée d’une manière
autodidacte, cette approche et cette transmission s’est vu devenir sa propre norme d’apprentissage.

Évidemment, la création et le développement de ces différents réseaux de partages, ont également


participé à définir cette norme et ont répondu à ces besoins d’autodidaxie tout en représentant un
tuteur, un accompagnement virtuel à cet apprentissage solitaire.

Ainsi, il existe bien des guides dans cet apprentissage. Le DIY est toujours le DIT d’une certaine manière.

De même, on retrouve ce rapport d’échange et de transmission également en dehors des réseaux


numériques. Dans cette démarche d’échange, on retrouve à nouveau ces codes sociaux de dons et
contre-dons. Les personnes qui ont aujourd’hui à cœur de me guider et de travailler à mes côtés,
s’inscrivent dans cette transmission au même titre qu’ils l’ont reçu par le passé. Une relation de
tuteur/tutoré se dessine jusqu’à ce que les rôles se redéfinissent et que ce fonctionnement se
poursuive avec de nouveaux acteurs. La notion de transmission et de partage sont au cœur même de
cet échange.

Enfin, il apparaît que l’amateur n’a pas non plus toujours conscience de l’existence de ces professions
et de ces pratiques institutionnelles. Se sentant parfois peu intégré aux réseaux professionnels,
l’amateur va naturellement chercher du côté d’Internet et de l’autodidaxie.

À la vue des changements de la société artistique, les attitudes des musiciens évoluent elles aussi. Les
musiciens acteurs de la scène culturelle se forment sur leur temps libre et la pratique d’autoformation
est naturellement la pratique la plus adaptée à ce mode de vie. Grâce aux nouveaux modes d’utilisation
des temps sociaux, l’autoproduction rime désormais avec l’autoformation.

15
2. Un contexte social de développement, une démarche politique
Comme évoqués précédemment comme contexte social de développement au DIY, l’économie, la
nouvelle consommation de musique et le rôle de moins en moins déterminant des maisons de disques
ont grandement participé à son évolution. Mais une musique a particulièrement participé
historiquement à l’essor de l’autoproduction avant que ce mouvement se généralise. Il s’agit de la
scène Punk sur laquelle j’ai longtemps mis les pieds jusqu’à aujourd’hui. Une force de partage et de
solidarité est omniprésente dans cette musique extrême comme une micro-politique témoignant d’un
grand élan participatif.

À l’image de cette nouvelle prise de conscience autour de toute la question de la consommation, la


musique punk auparavant a refusé d’endosser le rôle de consommateur passif au profit de celui d’un
acteur culturel à part entière. Dans les années 80, il faut particulièrement féliciter cette initiative de
monter un groupe, produire des disques, éditer des fanzinescc, organiser des événements sans aucune
compétence tout en créant ce réseau moderne et prenant vite une place de prescripteurs. Ils ont
réellement été à l’initiative d’un mouvement dans une époque où l’essor technologique allait se
développer.

« Merde, essayez ! C’est aussi simple que ça. » (Colegrave et Sullivan, 2002)

Comme évoqué depuis le début de ce document, il s’agit avant tout d’une disposition humaine en
réponse à la résolution des problèmes pratiques, la « créativité d’agir » (Joas, 1999)

À l’image de la mouvance Punk des années 1980-2000, l’autoproduction est également motivée par
un engagement personnel et une volonté politique implicite et bien compréhensible. Dans une
conscience politique, l’autoproduction peut également résonner comme un circuit court également
court-circuit du système issu des maisons de disques. L’évocation de circuit court met en évidence le
développement local ou communautaire de cette démarche, qui à terme réduit les intermédiaires et
l’écart entre acteur et spectateur. C’est également un moyen de promotion d’un nouveau mode de
vie/consommation alternative en développement à l’image de ce rapport producteur consommateur.

On parle de home studio, pas de home pressage. Les précurseurs ne sont pas encore arrivés dans notre
monde (ou pas inscrits dans cette vision pédagogique du DIY/DIT) et le home pressage répondrait à
cette vision d’échange local. Me posant moi-même (aux côtés de mes projets) beaucoup de questions
autour du développement du home pressage et souhaitant m’y inscrire dans l’année à venir, il est
intéressant de mettre en évidence qu’il n’existe aujourd’hui pas d’acteurs français dans cette étape de
la production. Vous trouverez des entreprises françaises mais sous-traitant toujours à l’étranger (Pays-
Bas, Royaume-Uni, Europe de l’Est…). Il y a un marché à créer qui s’adressera aux professionnels du
pressage mais aussi et surtout à mes yeux une nouvelle communauté de partage DIY à développer
autour du home pressage. L’autoproduction comme tout juste son expression, libre à chacun d’ajouter
sa pierre à l’édifice.

Pour rappel : « Merde, essayez ! C’est aussi simple que ça. » (Colegrave et Sullivan, 2002)

Encore une fois, cette démarche politique se doit d’être nuancée, cette volonté d’ouverture dans une
conscience d’abolition des anciens régents du monde musical peut également se vouloir autocentrée
sur le développement d’une micro-société indépendante finalement peu inscrite dans l’actualité
musicale ou dans ce monde aux vertus collaboratives.

16
3. Développement des labels indépendants
De nombreux labelsdd indépendants se sont créés en réponse à cette démarche pédagogique de
formation dans cette même époque où le Punk a su jouer un rôle important tout en favorisant
l’autoproduction collective : la co-production.

De nombreux groupes issus de différents milieux musicaux ont trouvé une vocation éducative à leur
engagement DIY, à l’image des différents réseaux de partages des ressources mais cette fois à une
échelle géographique et plus humaine.

C’est, en restant sur la scène Punk, ce qu’ont su développer les membres du groupe Crass avec leur
label Crass Records, Chinese Man avec Chinese Man Records en musique actuelle électronique ou
encore Artús sur la scène rock/trad avec leur label Hart Brut.

D’après l’IRMA15 et la FELIN16, il existerait aujourd’hui 76 labels indépendants recensés en France. Ce


chiffre ne reflète que la partie émergée de l’iceberg, car comme son nom l’indique, ces labels se
veulent indépendants. De plus, la définition de label est encore vague encore aujourd’hui et des labels
dans les faits ne se revendiquent pas non plus comme tels.

Le but premier consiste en cette volonté de transmission et d’apprentissage, d’accompagner les


projets dans ses différentes étapes de co-production : accompagner d’autres artistes en vue de la
réalisation d’un disque, facilité ou plus précisément montrer aux gens comment faire des disques,
depuis la création jusqu’à la conception graphique.

Il est également important de mettre en évidence que ces labels permettent à travers le collectif de
faire exister des musiques ou des projets qui ne se verraient jamais sortir ou pointer le bout de leur
nez seuls. Le collectif offre la possibilité de casser de nombreuses frontières.

Ces labels s’avèrent avoir comme objectif un projet d’accompagnement pédagogique visant
l’émancipation des artistes par la transmission du savoir-faire et l’expérience acquise par la pratique.
Ces labels évoquent de grands principes d’éducation populaire dont l’objectif est de chercher à mettre
en évidence les trajectoires et moyens que l’école officielle montre une incapacité à transmettre. Il
s’agit alors d’une formation dans un cadre informel basé sur l’apprentissage de l’expérience
conduisant à l’autonomie.

Tous ces labels participent directement au partage de savoir par d’autres réseaux plus fermés, et
véhiculent cette même participation à l’action collective, la solidarité et le partage du DIY. Ces valeurs
de partage et d’apprentissage étant transmises, on remarque une pérennisation de ces valeurs et une
nouvelle génération d’ « appreneurs » et apprentis.

B – Une source d’apprentissage accessible pour tous


1. Rapport à l’institution de ces pratiques
Comme nous avons pu le voir jusqu’ici, la transmission de ces pratiques d’autoproduction fonctionnent
d’ores et déjà par une transmission informelle.

15
Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles
16
Fédération Nationale des Labels Indépendants

17
Bien qu’on observe presque toujours un décalage entre l’apparition d’une nouvelle pratique, (issue
d’une nouvelle réalité musicale et professionnelle) et son intégration aux institutions17. De cette
manière compte-tenu du peu de recul que nous avons actuellement sur ces nouveaux contenus et
besoins, cette institution devrait apparaître prochainement, probablement d’ici une dizaine d’années.

Il existe actuellement des offres de formations au sein d’écoles privées. Comme j’ai pu l’évoquer
précédemment, on ne retrouve, en France, aucune école publique offrant cette réponse en matière
de formation. On retrouve les écoles Abbey Road Schools franchisées dans le monde entier et
implantées entre autres à Paris, l’École Supérieure des Métiers de l’Image, du Son et de la Création à
Paris également, mais pas encore les Berklee College of Music. Ce sont des formations très complètes
mais également très onéreuses à l’inscription et demandant un investissement considérable en termes
de temps. Leur réelle force réside dans l’apport matériel et les conditions de travail luxueuses. Le parc
matériel y est exceptionnel, les locaux nombreux et importants offrant des qualités acoustiques
exceptionnelles mais également une grande disponibilité.

Comme j’en parlais, ces écoles sont de réels atouts, des rencontres, un accès à des conditions de travail
hors normes et pour autant présentent en contenu de cours de nombreuses vidéos issues de ces
mêmes réseaux communautaires formateurs. Cela pose donc la question de leur réelle utilité De plus,
ces écoles sont connues pour offrir une formation très ciblée, ne mettant pas en avant le
développement de la personnalité artistique et la pédagogie personnalisée. Elles ont, d’une certaine
manière tendances à formater les goûts des étudiants, à la fois stylistiquement et autour de la création
et l’apprentissage d’une norme. Ces écoles peuvent parfois transmettre un savoir inadapté à la réalité
du métier, vendant un monde idyllique déconnecté. Les étudiants y sont énormément guidés. On y
retrouve un réel manque d’ouverture aux besoins et désirs individualisés, mais rare encore.

D’un autre côté, il existe de même de nombreuses formations en ligne commercialisées posant la
question de leur réelle utilité face aux offres communautaires en ligne abordées précédemment. D’une
certaine manière, le milieu associatif est la seule institution capable de répondre à ces nouveaux
besoins en offrant un accès plus abordable et adapté à une réalité et actualité professionnelles.

Cela pose aujourd’hui la question de l’utilité à faire intervenir ces pratiques dans l’école. Ces pratiques
sont, par essences existantes, et fonctionnent actuellement par autodidaxie et réseau de partage. Ce
système a créé et est ancré dans sa propre tradition.

À mes yeux, en ayant participé à ces pratiques de manière autodidacte et en profitant de tout ce dont
je peux faire l’éloge depuis tout à l’heure, mon regard se porte sur les musiques actuelles
particulièrement électroniques étant directement inscrites dans ces technologies, dans cette ère,
comme outil même de création. Il apparaît essentiel qu’elles s’intègrent ainsi au cursus musiques
actuelles de formation au sein des conservatoires. De même, il serait souhaitable que cela s’applique
à toutes les esthétiques, cependant, il relève dans les musiques actuelles d’une inscription importante
dans le jeu et dans une réalité et une actualité de la scène. Ainsi, être sensibilisé à l’enregistrement est
de nos jours essentiel, également pour tous.

17
Inscription du jazz et des musiques actuelles dans les institutions conservatoires à partir 1984 d’après
le Schéma directeur d’organisation pédagogique. Dans les faits, la mise en place de ces nouveaux
enseignements a mis des années à réellement être effectif.

18
Au-delà de l’apprentissage de la production musicale, l’approche des codes et des manières de jouer
face à l’enregistrement est essentielle à tous ces futurs professionnels qui passeront tous par là un jour
et pourrait être démunis en absence de formation/sensibilisation dans ce domaine.

Un autre point important est que la pratique autodidacte offre un apprentissage très ciblé se
définissant au rythme des besoins et des envies. À l’inverse, la formation à l’école est l’accès à un
enseignement plus large et complet.

Libre à chacun de chercher dans toutes ces approches la méthode adaptée à son désir d’apprentissage.
Le désir de chacun est moteur à l’apprentissage et l’approche de chacun. La curiosité en est la clef et
le chemin jusqu’au savoir.

2. Vertus et développement de la curiosité jusqu’au savoir


Comme j’ai pu le sous-entendre dans la partie précédente de ce document, il y a dans cette démarche
d’autoproduction une culture fondée sur un développement de la curiosité. L’approche autodidacte
conduit vers une connaissance spécifique en réelle réponse au besoin et à l’intérêt porté par le
passionné.

Ainsi, bien que plus ciblé, l’autoproduction constitue l’apprentissage, l’expression et le développement
de la curiosité jusqu’au savoir et non la culture d’un savoir global à l’image du système scolaire
standard. Un apprentissage issu d’une acquisition personnelle est toujours plus ancrée et capable
d’être remobilisée. En soi, cette approche est très pédagogique et vectrice d’un apprentissage profond.

Son approche ouverte, libre, simplement guidée par l’envie du musicien ne nécessitant pas
d’acquisitions théoriques préalables, s’engage dans une transmission populaire.

Le savoir par la curiosité devient la connaissance et l’acquisition profonde est décuplée et adaptée à
chacun.

C – L’expression de sa propre identité artistique, la cohérence du « court-


circuit » de l’autoproduction
Afin de donner de la légitimité à mes propos, il convient de présenter une fonction bien souvent trop
oubliée par les musiciens par rapport à leurs attentes en matière de résultat de son par rapport au
mixage et au mastering de leurs morceaux. Le travail de production de home studio engage une réelle
direction artistique en termes de culture du son, de hiérarchisation des différentes parties, de la
couleur donnée à l’ensemble et sur de nombreux paramètres bien plus techniques et propres au travail
de studio.

Cette pratique demande une réelle personnalité artistique nécessitant de réels choix. Cela peut
sembler très, voire trop subtil aux néophytes, cependant nécessaire à la mise en valeur de
l’interprétation ; également à la production dans les musiques électroniques. Il s’agit d’être force de
proposition à travers la mise en valeur du son, de servir la musique et ainsi en fonction de la direction
prise de favoriser un aspect de la musique, une interprétation plus qu’une autre.

C’est cependant un subtil équilibre à trouver avec les musiciens.

Aux yeux de nombreux techniciens de studios mais également aux miens, l’artiste est au cœur de sa
musique. C’est de ce point de vue-là que naît la frontière entre technicien et producteur. Les choix
artistiques proposés et la direction se doivent être en accord avec les musiciens et le message de leur
musique. Il s’agit de mettre en lumière et en valeur leur interprétation ainsi de proposer des directions

19
artistiques justes en se laissant la possibilité de revenir sur ses choix pour le bien de l’artiste comme
de son public.

De cette manière, l’autoproduction réduit les différents intermédiaires et acteurs du produit final. Il
est très difficile pour un musicien de mettre des mots sur le développement d’un affect, d’un ressenti,
d’une idée musicale ou même d’un effet. D’une certaine manière, l’autoproduction solutionne d’une
certaine manière ce souci de direction artistique en la limitant aux litiges propres aux musiciens du
groupe.

En l’étendant aux différentes casquettes que l’artiste du DIY développe, on retrouve une forme
d’authenticité et de cohérence autour de la personnalité artistique de l’entité musicale du groupe. Les
graphismes représentent l’univers que veulent les artistes, leur musique est mise en valeur de la
manière qu’ils l’entendent et leur communication à l’image de ce qu’ils sont réellement ou veulent
paraître.

Il pourrait apparaître dangereux de s’enfermer dans une bulle d’authenticité et de limiter les oreilles
et les regards extérieurs même pour protéger sa propre musique de toute influence. De plus, il faut
bien reconnaitre que l’autoproduction n’est réellement viable que si l’on maîtrise ces différents outils.
Dans ma propre vie d’auto/co-producteur, cela n’a pas toujours été le cas.

20
Conclusion
Pour conclure, il apparaît que cette récente micro-société d’artistes a su réagir face à un monde
nouveau et peut-être eux-mêmes créer un monde d’autoproduction et d’indépendance, un monde
d’auto-dépendance.

Les acteurs ne sont plus les mêmes, chacun prend une réelle place dans le monde culturel tout en
définissant ses propres besoins. L’autoproduction dans laquelle beaucoup d’artistes s’engagent
aujourd’hui répond à ces besoins et redéfinit leur fonction d’artiste.

De mon propre regard, ce document n’est qu’éloge à l’autoproduction. Je le vis quotidiennement dans
différents projets et m’inscris professionnellement dans cette démarche, ce mode de vie et de
transmission du DIY. Elle est vectrice de belles valeurs à la fois actuelles et humaines, d’un
apprentissage fort et infini, le tout inscrit dans une réalité de terrain.

J’aurais voulu plus nuancer mon propos, calmer mes yeux de passionné brillant face à cet univers.
Cependant il ne m’apparaît, à ce jour, pas de meilleure solution à l’évolution du profil d’artiste musicien
interprète.

Le monde musical n’a pas fini de réécrire son histoire et de nouvelles possibilités/opportunités peuvent
répondre à ce questionnement alternatif.

Pour répondre à cette mouvance punk, ils clamaient le « No Future », ils ont en réalité initié un
mouvement soucieux de créer un avenir ensemble. Le DIY dit plutôt désormais « On va sortir et
montrer que tous les avenirs sont possibles ».

Cette réflexion m’a particulièrement nourri et ne cesse de me nourrir. Je m’engage déjà et souhaite
toujours plus mettre en avant cette démarche stimulante, communautaire et pédagogique ; continuer
de faire évoluer l’autoproduction.

D’une certaine manière, tout le monde fait appel à ces ressources DIY dans la vie de tous les jours sans
pour autant s’en rendre compte. Cela s’inscrit directement dans une période d’évolution des sociétés.
Avec ce récent développement et ce manque de recul de notre part, il se pose alors la question de
savoir s’il s’agit d’un effet de mode ou d’un réel tournant dans la vie d’artiste à l’image de notre société
actuelle.

21
Bibliographie
Ouvrages généraux
Cristol, Denis. Les communautés d’apprentissage: apprendre ensemble à l’ère numérique. ESF.
Formation Permanente, 2016.

Waelbroeck, Patrick. « L’industrie musicale face au téléchargement ». La vie des idées.fr, 2010.

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ParisTech, 2009.

Bastard Irène, Marc Bourreau, Sisley Maillard, et Morreau François. « De la visibilité à l’attention : Les
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téléchargement légal », Revue économique, 65 (2014).

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scénarios d’évolution de la filière », Culture Prospective, nᵒ 1 (2017).

Benghozi P.J., et Thomas Paris. « L’industrie de la musique à l’âge Internet », Gestion 2000, nᵒ Spécial
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2019. https://www.zdnet.fr/actualites/chiffres-cles-le-marche-francais-de-la-musique-sur-internet-
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e-penser. La musique c’était mieux avant. Vol. 16. YouTube.


https://www.youtube.com/watch?v=NiPSK4sOQ3s

22
« FELIN - Fédération Nationale des Labels Indépendants ». http://fede-felin.org/

Audiofanzine. « Forums Prise de Son & Mixage ». Forum. https://fr.audiofanzine.com/prise-de-son-


mixage/forums/

Huart, Warren. « Produce Like A Pro ». YouTube.


https://www.youtube.com/channel/UCpyUGZeMUtOvt57UACw3H2g

« L’Atelier du Mix - le groupe ». Groupe Facebook.


https://www.facebook.com/groups/atelier.du.mix/?ref=bookmarks

Les Echos. « Business Of Music ». Les majors sont-elles « has been », 2018. Podcast.
https://open.spotify.com/show/5yFmSgOWzMn0tVc1LGe7od?si=7poy-b63SWOc_yiisVstYw%20

Les Echos. « Business Of Music ». Comment vivre de sa musique en 2019, 2019. Podcast.
https://open.spotify.com/show/5yFmSgOWzMn0tVc1LGe7od?si=7poy-b63SWOc_yiisVstYw%20

Marketing Musical. YouTube pour les musiciens - La méthode complet. Music preneur, 2018. YouTube.
https://www.youtube.com/watch?v=AzVvpGZN1eA&t=15s

« Mix With The Masters ». YouTube. https://www.youtube.com/channel/UC-y-


8VGVtlP8zDnT60dDgkw

Mixage en Home Studio. « Mixage Audio : apprendre avec les blogs et les forums », 27 octobre 2016.
Forum. https://mixage-en-home-studio.fr/mixage-audio-apprendre-avec-les-blogs-et-les-forums/

« New Alliance East: Mixing, Mastering, Production, Song Writing - Groupes ». Groupe Facebook.
https://www.facebook.com/pg/newallianceeast/groups/

Pensado, Dave. « Into The Lair - YouTube ». YouTube.


https://www.youtube.com/playlist?list=PLFC57D274A1E94943

« Recording, Mixing and Mastering With Friends - Community ». Groupe Facebook.


https://www.facebook.com/groups/185742718558813/

« Recording/Mixing/Mastering Engineers! ». Groupe Facebook.


https://www.facebook.com/groups/RecordingMixing/

« Sound Designers .Org - Mixage ». Forum. https://www.sounddesigners.org/fr/forum/mixage.html

Tremblay, Etienne. « La Machine à Mixer ». YouTube.


https://www.youtube.com/channel/UCQ9oLB9G3aB8-vbNk2-FCJQ

« YggTorrent - 1er Tracker BitTorrent Francophone ». Site P2P. https://www.yggtorrent.ws/

23
Résumé
Suite aux bouleversements du secteur culturel et au déclin de l’industrie du disque, l’artiste a
développé de multiples compétences extramusicales face à cette nouvelle consommation de la
musique. Ces mutations récentes et rapides des missions de l’artiste musicien interprète ont poussé
ces acteurs culturels vers l’autodidaxie.

L’apprentissage de ces nouvelles compétences en réponse à l’apparition de nouveaux besoins ouvre


les portes de nombreux réseaux d’échanges, virtuels et physiques. La volonté d’autogestion politique
et économique, le développement des circuits courts, l’entraide sociale et l’autodidaxie trouvent, sous
des valeurs éducatives populaires, un écho profond dans l’autoproduction et le DIY.

L’autoproduction, source de nombreux apprentissages, a également été l’opportunité de replacer


l’artiste au centre de son projet, de lui offrir l’opportunité d’être le principal voire l’unique acteur de
sa musique.

Le DIY est un engagement pédagogique et de transmissions et propose aujourd’hui une alternative aux
circuits fermés et élitistes. L’autoproduction offre à chacun la juste opportunité de se faire une place
dans ce monde musical riche et compétitif.

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Glossaire
a
Musiques Actuelles : Musiques actuelles est un terme institutionnel créé par les directions régionales des
Affaires culturelles en France. Ce terme désigne certaines musiques actuelles utilisant des amplificateurs. On
peut également trouver les expressions musiques amplifiées ou musiques actuelles amplifiées (MAA). Sa
définition encore vague à ce jour, je la définirais comme musique actuelle populaire.

b
Home Studio : Le Home Studio est un petit studio d'enregistrement aménagé chez soi. Il s'agit d'un ensemble
d'outils permettant d'enregistrer ou de produire des musiques et des sons, de les traiter et de les mixer. Il peut
être destiné à un travail amateur ou professionnel.

c
Autoproduction : Il existe plusieurs définitions de l’autoproduction, la première étant une production d'une
émission, d'une œuvre artistique par ses propres moyens. Mais dans ce document, je définirais autoproduction
comme la Production de biens ou de services pour soi-même.

d
Communautaire : Qui a rapport à la communauté, à une communauté.

e
Pédagogique : Méthode de transmission et d’enseignement.

f
Co-production : La co-production est une production effectuée en commun.

g
DIY : De l’anglais DIY (« Do It Yourself : fais-le toi-même »), il évoque la confection par soi-même de bien ou
services.

h
Education Populaire : L'éducation populaire est un courant de pensée qui cherche principalement à
promouvoir, en dehors des structures traditionnelles d'enseignement et des systèmes éducatifs institutionnels,
une éducation visant l'amélioration du système social. Elle se définit par un apprentissage sans ressources
théoriques et savantes préalable.

i
Compact Disc : Disque Compact appelé plus communément CD.

j
Streaming : Technique de diffusion et de lecture en ligne et en continu de données multimédias, qui évite le
téléchargement des données et permet la diffusion en direct.

k
Peer to peer : Le pair-à-pair, peer-to-peer ou P2P (les trois termes désignent la même chose), définit un modèle
de réseau informatique d'égal à égal entre ordinateurs, qui distribuent et reçoivent des données ou des fichiers.
Dans ce type de réseau, comparable au réseau client-serveur, chaque client devient lui-même un serveur. Le P2P
facilite et accélère les échanges entre plusieurs ordinateurs au sein d'un réseau.

l
Fan-base : Une Fanbase correspond à l’ensemble des fans d’un projet musical qui s’identifient ou non comme
tel.

m
Marketing : Le marketing est un ensemble des techniques qui ont pour objet la stratégie commerciale et
notamment l'étude de marché.

n
Growth hacking : Le growth hacking est une pratique qui consiste à adopter tous les moyens marketing
possibles pour générer coûte que coûte une croissance rapide.

o
Plug-in : Petit programme capable de s'intégrer dans un navigateur pour en étendre les capacités.

p
DAW : Une station audionumérique (acronyme DAW, de l'anglais digital audio workstation) désigne une station
de travail dédiée à l'audionumérique. C'est un ensemble d'outils électroniques, conçu pour enregistrer, éditer,
manipuler, créer et lire des contenus audionumériques sous la forme d’un logiciel.

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q
Multipiste : L'enregistrement multipiste est une méthode d'enregistrement sonore qui permet
l'enregistrement et le réenregistrement de plusieurs sources sonores, simultanément ou successivement.

r
Préamplificateur : Un préamplificateur, préampli ou préamplificateur de commande est un amplificateur
électronique qui reçoit et adapte un signal avant de le transmettre à l'amplificateur principal.

s
Compresseur : Un compresseur est un appareil de traitement du son destiné à réduire la dynamique du signal.
C'est un effet audio analogique ou numérique qui réduit le niveau des parties du signal qui dépassent
durablement un seuil déterminé par l'utilisateur.

t
Egualiseur : Un egualiseur est un dispositif permettant de régler le spectre d'un signal sonore pour pallier les
défauts de reproduction ou créer des effets.

u
Interface : Une interface audio (ou carte son) est une sorte de passerelle dont le rôle principal est de permettre
à votre ordinateur de recevoir et émettre des signaux audio. Il transforme un signal analogique en numérique et
inversement.

v
Hardware : Les éléments matériels d'un système informatique.

w
Software : Les éléments logiciels d'un système informatique.

x
PC : Sigle signifiant « Personal Computer » ou « ordinateur personnel » en français. Ce terme désigne un
ordinateur à usage individuel. Au sein de ce document, je définirai ainsi MAC et PC sous ce même terme.

y
Clavier maitre : Clavier numérique sans son jouable destiné on contrôle numériques de la norme midi (Musical
Instrument Digital Interface ou MIDI est un protocole de communication et un format de fichier dédiés à la
musique, et utilisés pour la communication entre instruments électroniques, contrôleurs, séquenceurs, et
logiciels de musique. Cela permet d’appliquer une banque de son sur cette partie numérique).

z
Leadership : Fonction, position de leader.

aa
Rush : le terme rushes désigne l'ensemble des documents originaux (images et sons) produits à la captation
issus de la caméra ou de l'appareil d'enregistrement sonore.

bb
Merchandising : Techniques de présentation des marchandises visant à inciter le consommateur à acheter.
C’est également le nom attribué aux produits dérivés d’un groupe.

cc
Fanzine : Petite revue de bandes dessinées, de science-fiction, de musique, etc., rédigée par des amateurs.

dd
Label : Maison de production de disques.

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