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CIV.

2 / ELECT IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 février 2020


Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt no 335 F-P+B+I
sur le second moyen
Pourvoi no C 20-12.180

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE,


DU 20 FÉVRIER 2020

M. Gaston Utato Flosse, domicilié 4 rue François Cardella, immeuble


Wohler, 2e étage, 98713 Papeete, a formé le pourvoi no C 20-12.180 contre
le jugement rendu le 24 janvier 2020 par le tribunal de première instance de
Papeete (contentieux des élections politiques), dans le litige l'opposant à la
commune de Papeete, représentée par son maire en exercice, domicilié en
cette qualité Hôtel de ville, BP 106, 98713 Papeete, défenderesse à la
cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de


cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de


la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de M. Flosse, et
l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience
publique du 13 février 2020 où étaient présents M. Pireyre, président,
Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin,
conseiller doyen, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et Mme Cos, greffier
de chambre,
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la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des


président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la
loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal de première instance de Papeete,


24 janvier 2020), rendu en dernier ressort, le maire de Papeete a, par
décision notifiée le 9 décembre 2019, refusé l’inscription de M. Flosse sur les
listes électorales de cette commune.

2. Contestant cette décision, M. Flosse, après le rejet par la commission de


contrôle de son recours administratif, a, par requête du 10 janvier 2020,
formé un recours contentieux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. M. Flosse fait grief au jugement de rejeter son recours formé en vue de


son inscription sur les listes électorales de Papeete, alors :

« 1o/ qu’un bail d’habitation en sous-location confère au preneur le même


droit à la jouissance privative des lieux loués que celui dont bénéficie un
locataire principal ; que dès lors, en décidant que le logement sous-loué par
M. Flosse ne pouvait être qualifié de local d’habitation du fait du caractère
professionnel du bail principal et en l’absence de tout caractère privatif des
lieux occupés, le tribunal a méconnu les dispositions des articles 1713, 1717
et 1719 du code civil ;

2o/ que suivant l’article L. 11 I 1odu code électoral, sont inscrits sur la liste
électorale tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou
y habitent depuis six mois au moins ; qu’en jugeant, pour refuser à M. Flosse
son inscription sur les listes électorales de la commune de Papeete, que le
logement qui lui était sous-loué par le parti politique qu’il présidait, inclus
dans les locaux loués par ce parti, ne saurait être qualifié de local
d’habitation en l’absence d’aménagement permettant une habitabilité pleine
des lieux (absence de cuisine), le tribunal, qui s’est prononcé par ces motifs
inopérants tenant à des caractéristiques du logement loué sans rechercher
si M. Flosse et sa compagne n’avaient pas néanmoins, à la date de
référence, fixé leur domicile réel dans ce logement dont ils réglaient les
quittances EDF et où ils laissaient leurs effets personnels, n’a pas donné
une base légale à sa décision au regard dudit article. »
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Réponse de la Cour

4. Après avoir exactement rappelé que l’article 102 du code civil définit le
domicile comme le lieu où la personne a son principal établissement, le
jugement retient que pour justifier sa demande, M. Flosse produit un contrat
de sous-location, daté du 19 août 2019, par lequel l’association Tahoeraa
Huiraatira, représentée par son premier vice-président, lui a donné à bail un
local d’une superficie de 15 mètres carrés, ainsi que des factures d’électricité
à son nom et un procès-verbal d’huissier de justice constatant la présence
d’affaires personnelles.

5. Le jugement relève ensuite que les locaux loués font partie intégrante du
local occupé par l’association Tahoeraa Huiraatira, parti politique dont
M. Flosse est le président, et que la destination des lieux loués à cette
association est l’exercice de l’activité professionnelle du preneur.

6. Il constate également, au vu du plan des locaux, que le logement de


15 mètres carrés concerne une pièce comprenant une salle d’eau et que la
cuisine n’est pas comprise dans le local loué.

7. Il retient que le fait que M. Flosse ait déposé des effets personnels ou
encore qu’il règle des factures d’électricité ne saurait à lui seul faire du local
concerné un domicile personnel.

8. En l’état de ces seuls motifs, c’est dans l’exercice de son pouvoir


souverain d’appréciation que le tribunal, sans encourir les griefs du moyen,
a estimé que M. Flosse ne justifiait pas d’un domicile réel dans la commune
de Papeete.

9. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

10. M. Flosse fait le même grief au jugement, alors :

« 1o/ qu’en se prononçant ainsi par des motifs inopérants tirés de l’absence
des caractéristiques supposées d’un local d’habitation, en l’occurrence,
l’absence d’une cuisine, sans vérifier si M. Flosse et sa compagne
n’habitaient pas néanmoins dans ce logement pour une durée de six mois
au moins, le tribunal n’a pas donné à sa décision de base légale au regard
de l’article L. 11 I 1o du code électoral.

2o/ que la condition de durée de la résidence ouvrant droit à l'inscription sur


les listes électorales d'une commune s'apprécie à la date de la clôture des
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listes ; qu’en jugeant que la durée de la résidence s’appréciait à la date de


la demande d’inscription sur la liste électorale, le tribunal a violé l’article L. 11
du code électoral. »

Réponse de la Cour

11. Il résulte de l’article L. 11, I, 1o du code électoral, dans sa rédaction issue


de la loi no 2016-1048 du 1er août 2016, applicable en la cause, que la
condition d’habitation d’au moins six mois doit être remplie à la date de
dépôt de la demande d’inscription sur les listes électorales communales .

12. Ayant relevé que ce délai n’était pas acquis à la date de la demande
d’inscription de M. Flosse sur les listes électorales de Papeete, de sorte que
ce dernier ne justifiait pas habiter dans cette commune depuis au moins six
mois, le tribunal, sans méconnaître les dispositions de l’article L. 11, I, 1o du
code électoral, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et


prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux
mille vingt.
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MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot,


avocat aux Conseils, pour M. Utato Flosse

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. Gaston Flosse fait grief au jugement attaqué d’avoir rejeté son recours
formé en vue de son inscription sur les listes électorales de Papeete ;

AUX MOTIFS QUE Monsieur Gaston Flosse produit un contrat de bail de


sous-location daté du 19 août 2019 par lequel l'association Tahoeraa
Huiraatira, représentée par son Premier Vice-Président, donne à bail à loyer
à titre de bail d'habitation, à Monsieur Gaston Flosse un local d'une
superficie de 15 mètres carrés situé 4 rue François Cardella.
Ce bail de sous-location a été conclu pour une durée de trois ans, prenant
effet le 1" août 2019, et moyennant un loyer mensuel de 15.000 Fcfp.
Monsieur Gaston Flosse produit également des factures EDT à son nom
concernant le local visé ci-dessus.
Il produit enfin un constat d'huissier établi à sa demande le 26 décembre
2019 lequel constate la présence d'affaires personnelles de Monsieur
Gaston Flosse dans le local visé ci-dessus.
Au vu de ces éléments, il peut être relevé que Monsieur Gaston Flosse n'a
pas résidé ou été domicilié à PAPEETE avant les mois de juillet ou août
2019.
La destination des lieux loués à l'association Tahoeraa Huiraatira est
l'exercice de l'activité professionnelle du preneur ; ce local devant servir à
l'usage exclusif de bureaux, de salles de réunions et d'un logement pour le
gardien de l'association.
Ce n'est que l'avenant au bail du 19 août 2019, qui n'a, au demeurant, pas
remis en cause la destination des lieux loués, à savoir l'exercice d'une
activité professionnelle, qui a ajouté la possibilité que les lieux soient utilisés
pour le logement du Président de l'association.
Ainsi, le local concerné, inclus dans un local plus vaste loué à l'association
Tahoeraa Huiraatira, parti politique dont Monsieur Gaston Flosse est le
Président et utilisé à cette fin, ne saurait être qualifié de local d'habitation en
l'absence d'aménagement permettant une habitabilité pleine des lieux
(absence de cuisine) et de tout caractère privatif des lieux occupés.

ALORS QU’ un bail d’habitation en sous-location confère au preneur le


même droit à la jouissance privative des lieux loués que celui dont bénéficie
un locataire principal ; que dès lors, en décidant que le logement sous-loué
par M. Flosse ne pouvait être qualifié de local d’habitation du fait du
caractère professionnel du bail principal et en l’absence de tout caractère
privatif des lieux occupés, le tribunal a méconnu les dispositions des articles
1713, 1717 et 1719 du code civil ;
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ET ALORS QUE suivant l’article L.11 I 1odu code électoral; sont inscrits sur
la liste électorale tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la
commune ou y habitent depuis six mois au moins ; qu’en jugeant, pour
refuser à M. Flosse son inscription sur les listes électorales de la commune
de Papeete, que le logement qui lui était sous-loué par le parti politique qu’il
présidait, inclus dans les locaux loués par ce parti, ne saurait être qualifié de
local d’habitation en l’absence d’aménagement permettant une habitabilité
pleine des lieux (absence de cuisine), le tribunal, qui s’est prononcé par ces
motifs inopérants tenant à des caractéristiques du logement loué sans
rechercher si M. Flosse et sa compagne n’avaient pas néanmoins, à la date
de référence, fixé leur domicile réel dans ce logement dont ils réglaient les
quittances EDF et où ils laissaient leurs effets personnels, n’a pas donné
une base légale à sa décision au regard dudit article.

SECOND MOYEN DE CASSATION

M. Gaston Flosse fait grief au jugement attaqué d’avoir rejeté son recours
formé en vue de son inscription sur les listes électorales de Papeete ;

AUX MOTIFS QUE le local visé par Monsieur Gaston Flosse comme
consistant son logement ne pouvant être considéré comme un local
d'habitation pour les motifs évoqués ci-dessus, ce local ne saurait être
considéré comme la résidence de Monsieur Gaston Flosse.
Au demeurant, la durée de six mois n'est pas acquise. En effet, si
antérieurement à la loi no2016-1048 du 1er août 2016, l'article L11 précisait
que "Sont également inscrits, dans les mêmes conditions, les citoyens qui,
ne remplissant pas les conditions d'âge et de résidence ci-dessus indiquées
lors de la formation des listes, les rempliront avant la clôture définitive", il
convient d'observer que cette disposition n'a pas été reprise par la nouvelle
loi.
Dès lors, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 1er août 2016, à savoir le
1er janvier 2019, cette disposition n'ayant pas été reprise, le délai de six
mois doit être acquis lors de la demande d'inscription sur les listes.
En l'occurrence, il est constant que ce délai n'était pas acquis au 5 décembre
2019, date de la demande d'inscription sur les listes électorales de Papeete.
Ainsi, Monsieur Gaston Flosse ne justifie pas habiter dans la Commune de
Papeete depuis au moins six mois.

ALORS QU’en se prononçant ainsi par des motifs inopérants tirés de


l’absence des caractéristiques supposées d’un local d’habitation, en
l’occurrence, l’absence d’une cuisine, sans vérifier si M. Flosse et sa
compagne n’habitaient pas néanmoins dans ce logement pour une durée de
6 mois au moins, le tribunal n’a pas donné à sa décision de base légale au
regard de l’article L.11 I 1o du code électoral.
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ET ALORS QUE la condition de durée de la résidence ouvrant droit à


l'inscription sur les listes électorales d'une commune s'apprécie à la date de
la clôture des listes ; qu’en jugeant que la durée de la résidence s’appréciait
à la date de la demande d’inscription sur la liste électorale, le tribunal a violé
l’article L.11 du code électoral.

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