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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D.

DEIAS)

Calendrier 2019-2020
16D453 : Français sur objectifs spécifiques
Enseignant : Damien DEIAS

Dates d’envoi des cours Contenus et activités retour des


devoirs

Qu’est-ce que le FOS ?


Mercredi 30 octobre 2019

La démarche du concepteur
Mercredi 20 novembre 2019 L’analyse des besoins
Sujet de la partie 1 du dossier
La collecte des données
Mercredi 18 décembre 2019 L’analyse des données (1)

L’analyse des données (2) Partie 1 du


Mercredi 22 janvier 2020 Des outils linguistiques au service de dossier à rendre
l’analyse des données pour le 22
L’élaboration didactique janvier
Sujet de la partie 2 du dossier

Les spécificités du FOU


Mercredi 19 février 2020

FOS et interculturalité
Mercredi 18 mars 2020
Sujet de la partie 3 du dossier

Compléments Partie 2 du
Mercredi 15 avril 2020 dossier à rendre
pour le 15 avril

Date limite du dépôt de la partie 3 du Partie 3 du


Mercredi 11 mai 2020 dossier. dossier à rendre
pour le 11 mai

Pour information : Les trois parties du dossier feront l’objet d’un dépôt
systématique via la plateforme Plubel-foad aux dates indiquées.

Chaque envoi comprend des activités d’autoformation dont certaines peuvent


faire l’objet, si l’étudiant le souhaite, d’une évaluation facultative par l’enseignant. Ces
activités sont également à déposer sur la plateforme, dans l’espace dédié.

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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

Rappel des modalités de contrôle des connaissances : dossier en 3 parties à


rendre aux dates indiquées pour la session 1 et le 1 er septembre 2020 pour la
session 2.

Contact avec l’enseignant :

-Remise des trois parties du dossier (évaluation) : sur la plateforme Plubel-Foad


aux dates indiquées.
-Courriel : deiasdamien@yahoo.fr / damien.deias@univ-lorraine.fr (privilégier
cette dernière pour une réponse rapide)
-Rendez-vous à l’Université/par téléphone/par Skype : prendre un rendez-vous
par courriel.
Avant toutes choses, je vous souhaite la bienvenue dans ce cours qui je l’espère,
vous armera pour faire face aux situations professionnelles qui sont ou seront les
vôtres. Ayant moi-même été pendant une importante partie de ma formation
universitaire « étudiant à distance », j’ai conscience de vos difficultés spécifiques. Afin
de palier à l’une d’entre elles qui est la disponibilité des enseignants, vous trouverez
ci-dessus les différentes manières d’entrer en contact avec moi. Si vous avez besoin
d’éclaircissements sur une partie du cours ou bien sur le dossier à rendre, je vous
enjoins de ne surtout pas hésiter à me contacter. J’ai également travaillé dans divers
établissements d’enseignement du FLE (notamment en Alliance française) et je puis
donc, dans la mesure de mes expériences professionnelles, vous renseigner un peu
sur les lieux où vous êtes susceptibles de faire votre stage.
Précision sur les échanges par courriel : Je m’engage à répondre dans les 48h à
vos courriels. Si vous ne recevez pas de réponse dans ce délai, n’hésitez pas à
renouveler votre envoi.
Précision sur les rendez-vous :
- Si vous habitez à Dijon ou bien à proximité, nous pouvons convenir d’un rendez-vous
à l’Université de Bourgogne sur le site de Dijon. Contactez-moi pour cela par courriel.
- Si vous n’avez pas la possibilité de vous déplacer sur le site de Dijon, nous pouvons
convenir d’un rendez-vous par Skype ou bien par téléphone. Contactez-moi par
courriel.

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Dossier tenant lieu d’évaluation finale du cours :

Dossier en trois parties, à téléverser sur la plateforme aux dates indiquées dans le
calendrier. Les attendus détaillés seront communiqués dans les différents envois.

Partie 1 : Synthèse d’un article de recherche universitaire sur le FOS.


Partie 2 : Analyser les besoins à partir d’un cas concret et didactiser une séquence.
Partie 3 : Concevoir une activité à dimension interculturelle.

NB : Enseignants ou futurs enseignants de FLE, vous ne devez pas seulement être


rompu à la pédagogie et à la didactique mais aussi et avant tout posséder un haut
niveau disciplinaire, une maîtrise irréprochable du contenu que vous enseignez. Outre
le fait que vous devez posséder une certaine connaissance de la France et de la
francophonie dans ses diverses dimensions, vous devez avoir une bonne maîtrise de
la langue française. Votre dossier doit par conséquent ne pas contenir d’erreurs de
grammaire et d’orthographe, mais également faire état de cette maîtrise de la langue.
Il devra donc être clairement et élégamment rédigé. Le niveau de langue doit être celui
que l’on attend d’un écrit universitaire préparant à l’obtention du grade « master ». Mon
barème accordera donc une part non négligeable à ce critère.

NB 2 : Je me dois de vous rappeler qu’il est strictement interdit de s’approprier


le contenu d’une autre personne dans un devoir universitaire, ce qui constitue
un plagiat.
Les dossiers que vous allez me rendre seront contrôlés par des outils de
détection automatique de plagiat et de réutilisation. Je mettrai
systématiquement la note de 0/20 à tous les dossiers qui comportent des parties
plagiées. Les étudiants qui se risquent au plagiat sont traduits devant la
commission disciplinaire de l’Université et peuvent se voir exclus.
Plagier est par ailleurs un délit selon le Code de la Propriété Intellectuelle
(article L112-1). Je vous rappelle également que par « plagiat », nous
n’entendons pas seulement le « copier-coller », mais également l’appropriation
d’un travail d’autrui par arrangement, adaptation ou transformation.

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Conseils pour réussir une formation à distance

Suivre une formation à distance offre une grande souplesse à l’étudiant, celle
de pouvoir organiser comme bon lui semble son emploi du temps hebdomadaire et de
l’adapter à ses contraintes professionnelles et/ou familiale. Cette relative liberté peut
cependant s’avérer difficile à gérer. L’étudiant à distance, face à son écran d’ordinateur,
peut perdre sa motivation, peut se sentir seul dans la compréhension des cours et de
ses exigences. Afin de palier à cela, je me permets de vous donner quelques conseils.
➔ Ne restez pas seul face à une difficulté. Communiquez avec l’enseignant, mais
communiquez également entre pairs. Utilisez la page de forum sur la plateforme
ou créez un groupe sur un réseau social tel que Facebook (mais il existe
d’autres solutions en ligne). Échangez entre vous des idées sur la conception
du dossier, débattez-en. Certains d’entre vous possède sans doute déjà une
expérience de l’enseignement du FLE. Se faire aider est important, mais aider
permet aussi de mettre ses idées au clair, de mettre en lumière des
incohérences et d’approfondir son raisonnement.
➔ Travaillez régulièrement, et quotidiennement si possible. Établissez un planning
ou un rétroplanning (en partant de la date à laquelle le travail doit être fait) sur
lequel figure l’ensemble des cours. Déterminez des plages horaires consacrées
pleinement à votre apprentissage et ne négligez pas, à côté de celles-ci, les
petits moments qui peuvent vous permettre de continuer à travailler (un trajet
en transport en commun par exemple, qui vous permet de lire ou relire un cours).
➔ Utilisez toutes les ressources à votre disposition. Si vous n’habitez pas à Dijon,
vous n’habitez peut-être pas très loin d’une bibliothèque universitaire. Internet
regorge de ressources qui peuvent vous être utiles, à commencer par le site de
la BU de l’UB qui vous donne accès à de nombreuses ressources consultables
à distance (https://bu.u-bourgogne.fr : Ressources > Toutes les ressources
numériques). Vous y avez accès de plein droit en tant qu’étudiant de l’Université
de Bourgogne.

Bon courage à toutes et à tous !

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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

Objectifs du cours 16D453 : le Français sur objectifs spécifiques

 Connaître les caractéristiques FOS en tant que champ disciplinaire et


dans sa diversité.
 Développer un regard critique sur le FOS.
 Être capable de concevoir un module de FOS selon les attentes du public
et de l’institution.
 Prendre en compte la dimension interculturelle inhérente à la démarche
du FOS.

Bibliographie indicative

Ouvrages
Bajrić S., Linguistique, cognition et didactique, Paris, PUPS, 2ème éd., 2013.
Beacco J.-C.,La didactique de la grammaire dans l’enseignement du français et des
langues, Paris, Didier, 2010.
Bertocchini P., Costanzo E., Manuel de formation pratique (FLE), Paris, Clé
international, 2008.
Besse H., Porquier R., Grammaires et didactique des langues, Paris, Hatier/Didier,
1991.
Carras C. Tolas J., Kohler P., Szilagyi E., Le français sur Objectifs Spécifiques et la
classe de langue, Paris, Clé international, 2007.
Cuq J.-P., Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde, Paris,
Clé international, 2003.
Challe O., Enseigner le français de spécialité, Economica, 2002.
Cyr P., Les stratégies d’apprentissage, Paris, Clé international, 1998.
Eurin S., Henao M., Pratiques du français scientifique, Hachette/Aupelf, 1992.
Lehmann D., Objectifs spécifiques en langue étrangère, Hachette, 1998.
Mangiante J-M., Parpette C., Le français sur Objectifs Spécifiques. De l’analyse des
besoins à l’élaboration d’un cours, Paris, Hachette, 2004. 2017
Mangiante J-M, Parpette C., Le Français sur objectif universitaire, Grenoble, Presses
Universitaires de Grenoble, 2011.
Marquillo Larruy M., L’interprétation de l’erreur, Paris, Clé international, 2003.

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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

Numéros de revues
Publics spécifiques et communication spécialisée, « Le Français dans le Monde »,
Recherches et applications, Numéro spécial, août-septembre 1990.
Français sur Objectifs Spécifiques : de la langue aux métiers, « Le Français dans le
Monde », Recherches et applications, Numéro spécial, janvier 2004.
Y a-t-il un français sans objectifs spécifiques ?, Les cahiers de l’ASDIFLE, n°14.

Sitographie
« Le français sur objectifs spécifiques », Focus, Paris, CIEP, 2015. Site consulté le
29/06/2018. URL : http://www.ciep.fr/sites/default/files/atoms/files/focus-francais-sur-
objectif-specifique.pdf
« Le français sur objectifs spécifiques », Paris, Franc-parler. Site consulté le
29/06/2018. URL : http://www.francparler-oif.org/le-francais-sur-objectifs-specifiques/
« Outils et matériels », Paris, Agito. Site consulté le 29/06/2018.
URL: https://agi.to/enseigner/outils-et-materiel/

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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

Envoi 1
Qu’est-ce que le FOS ?

Objectifs du premier envoi :


 Définir le Français sur Objectifs Spécifiques et comprendre ce qu’il recoupe.
 Être capable d’avoir un recul critique et historique sur ce champ du FLE.

Sommaire de l’envoi 1

1. Quel public est concerné par le FOS ?

2. D’où vient le FOS ? Une approche diachronique du champ.

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1. Quel public est concerné par le FOS ?

1.1. Une pluralité de situations

L’hôtel de luxe Sofitel d’Hanoï reçoit de plus en plus de touristes français. Il


souhaite que son personnel d’accueil et de service puisse mieux traiter leurs
demandes. Des archéologues péruviens vont suivre un stage de terrain auprès de
leurs homologues du CNRS. Certains parlent un peu français – de vagues souvenirs
scolaires – et d’autres non. Zhao Wei Juan est une jeune étudiante chinoise de 21 ans.
Elle est en dernière année de Benke, l’équivalent de la licence dans le système
européen du L-M-D, dans une université de Wuhan. Elle souhaite poursuivre ses
études de Master en France et doit pour cela passer le TCF (Test de connaissance du
français) et un entretien pour l’obtention de son visa au Consulat de France de sa ville.
Son amie est un peu plus âgée, elle a déjà terminé ses études. Elle rêve d’émigrer au
Canada et découvre que les visas délivrés par la province francophone du Québec
sont plus faciles à obtenir. Elle doit également passer un test de français, le TEFAQ
(Test d’Évaluation de Français pour l’accès au Québec) et subir un entretien au
Consulat du Canada. Pénurie de personnels soignants en France. A la faveur de la
crise qui touche l’Espagne, des infirmières et infirmiers espagnols sont recrutés par
une clinique toulousaine. Ceux-ci parlent tous un peu français, mais pas suffisamment
pour exercer leur profession.
Nous pourrions lister ces situations à l’infini. Elles semblent relativement
diverses. Certains sont des professionnels, d’autres des étudiants. Ils viennent de trois
continents différents, et partent pour l’Europe ou l’Amérique du nord. Certains y
resteront quinze jours ou 2 années, d’autres toute leur vie. Mais ces personnes ont
toutes un point commun : elles suivront des cours de FOS, le Français sur Objectifs
Spécifiques. Essayons d’abord d’en dégager les points communs pour tenter une
première approche de ce champ.

1.2 Caractéristiques principales du FOS

1.2.1. Un sous-champ du FLE

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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

Commençons par le commencement. Le FOS, comme la première lettre de


l’acronyme l’indique, c’est du français. En quoi le FOS se distingue-t-il donc du français
enseigné à l’école primaire ou au collège ? Le FOS est un champ qui appartient à un
champ plus large, le FLE, Français Langue Étrangère. Il se destine donc à des publics
non francophones. Les acronymes naissent parfois par opposition, ou distinction. Ainsi,
depuis que le FLE s’est constitué en un champ propre, on nomme les cours de français
dispensés à un public francophone par une autre abréviation, le FLM, Français Langue
Maternelle. Si vous êtes professeurs des écoles ou bien professeurs de français dans
le secondaire en France, vous enseignez donc le FLM à vos élèves.
La profusion d’abréviations en didactique des langues étrangères est souvent
envisagée avec suspicion. L’existence même du FLE est parfois remise en question,
quand bien même ces critiques radicales tendent à se faire plus rares. Nous pouvons
encore entendre, parfois, ce genre d’affirmations : « Pourquoi préciser qu’il s’agit de
français langue étrangère ? C’est toujours du français ! » ou bien encore « Les
étrangers ne doivent pas apprendre un français qui leur est spécifique, ils ne doivent
pas apprendre un "sous-français » ! ». Le FLE et le FOS n’ont pas pour objectif
d’enseigner une variété de français simplifié. Cette idée reçue trouve sans doute son
origine dans l’élaboration dans les années 50 du français élémentaire 1 par un groupe
de travail de l’école Normale Supérieure de Saint-Cloud, groupe de travail auquel
furent associés des noms prestigieux tels que A. Sauvageot, E. Benveniste ou encore
R. Barthes. Si le nom était peut-être mal choisi, il s’agissait de fournir aux apprenants
les bases utiles à une communication quotidienne en français en sélectionnant à partir
de corpus oraux les éléments de la langue les plus récurrents, en se basant
notamment sur la fréquence statistique de leur utilisation. Un préjugé est cependant
né de cette manière de procéder, préjugé qui consiste à affirmer que l’on cherche à
enseigner un français simplifié aux apprenants allophones2, alors que l’objectif initial

1
Notons que la collection « Lire en français facile » éditée chez Hachette FLE est l’héritière de ces
recherches. Cette collection consiste en une série d’ouvrages dont certains ont été réécrits pour les
adapter au niveau de langue des apprenants, d’autres ont été écrits spécifiquement dans ce but, et
d’autres encore proviennent de la littérature jeunesse, elle aussi en plein expansion depuis 20 ans.
2
Il faut, à mon avis, distinguer le français élémentaire ainsi que l’héritage qu’il a laissé du Basic English,
Basic pour British American Scientific International Commercial. L’anglais basic, diffusé après la
Seconde Guerre mondiale, avec le soutien radiophonique de Winston Churchill, avait pour objectif de

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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

était seulement de leur offrir des cours adaptés aux premiers niveaux d’apprentissage,
ce que l’enseignement traditionnel, scolaire, de la grammaire, insistant sur
« l’exception »3 ne permettait pas.
Le FLE n’agit pas sur la langue elle-même, mais cherche seulement à agir sur
le processus d’apprentissage. Il est né de la conviction que l’on peut, par la recherche,
par un retour de pratique que l’on théorise, améliorer, accélérer l’apprentissage d’une
langue étrangère en développant une didactique adaptée. Cette critique est d’autant
plus naïve que l’on n’enseigne et n’apprend jamais toute une langue, que l’on soit un
locuteur natif ou allophone. N’importe quel enseignant, en préparant ses cours,
sélectionne le contenu qu’il va tenter de faire acquérir à ses élèves. L’enseignant de
FOS se doit donc, lui aussi, de sélectionner le contenu langagier qui sera le plus utile
à ses apprenants dans les situations qu’il rencontrera. Pour cela, des méthodes
poussées et rigoureuses ont été élaborées, ce que je développerai dans les envois
suivants.

1.2.2. Des objectifs bien précis

Continuons à analyser l’acronyme FOS afin d’en déterminer ses spécificités.


Les « objectifs spécifiques » le distinguent du FLE, qui serait généraliste. Je reviendrai
dans la partie 1.2.4 sur les limites de cette distinction, qui est tout de même porteuse
de sens. Cela signifie que le FOS répond à des demandes précises d’apprenants ou
d’institutions, ainsi que j’ai tenté de vous le montrer par une liste de situations. Ces
personnes et leurs demandes, aussi différentes soient-elles, ont toutes un point

créer un anglais simplifié sur la base de 850 mots, afin d’en faire une langue stratégique et pratique sur
le plan international. Il s’agit quasiment d’une nouvelle langue, ou disons, pour être plus rigoureux d’un
point de vue linguistique, d’une variante de l’anglais. Cette création est symptomatique de ce que
rencontrent tous ceux qui voyagent, « l’anglais d’aéroport ». Un anglais pauvre, comme séparé de sa
dimension culturelle. L’idée reçue qui consiste à penser que l’anglais est plus facile à apprendre que le
français vient sans doute en partie de là.
3
Mais que signifie « l’exception » en grammaire ? Doit-on enseigner en priorité à de nouveaux
apprenants ce qui est exceptionnel ou bien ce qui est courant ? D’ailleurs, d’un point de vue linguistique,
« l’exception grammaticale » existe-t-elle vraiment ? N’est-elle pas davantage l’expression de la limite
des règles grammaticales dans leur capacité à décrire la langue? Nous concevons trop souvent les
règles grammaticales des grammaires normatives comme des lois scientifiques.

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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

commun. Elles ne se présentent pas dans un centre de langue pour apprendre « le


français », ainsi qu’un élève du secondaire qui fait « anglais LV1 » et « espagnol LV2 ».
Elles n’expriment d’ailleurs pas leurs besoins en termes langagiers. Elles souhaitent
accomplir une action, une tâche dans les domaines professionnelles ou universitaires
et pour ce faire, elles doivent maîtriser un contenu langagier. Ce contenu, c’est à
l’enseignant/concepteur de FOS de le déterminer.
Il est à noter que la conception d’un cours de FOS ne vient pas toujours d’une
demande. Il peut être aussi une offre d’un centre de langue qui anticipe un besoin
récurrent. Le centre choisit alors de faire élaborer un cours de FOS qui pourra être
réutilisé. Cela implique de faire au préalable une brève étude de marché, afin de ne
pas créer un cours qui ne pourra être vendu par la suite.
Pour illustrer ce propos, voici un exemple vécu, alors que j’étais responsable
pédagogique de l’Alliance française de Chongqing, en Chine. La majorité des
apprenants étaient de jeunes étudiants qui souhaitaient poursuivre leurs études
supérieures en France. La procédure d’obtention du visa les obligeait à subir un
entretien au Consulat de France à Chengdu, auprès de Campus France. Cet entretien
est déterminant dans l’obtention du visa et inquiétait beaucoup les apprenants. Par
ailleurs, une rapide étude de marché nous a montré que les écoles concurrentes ainsi
que des écoles de langue en ligne (car l’offre de cours en ligne s’est beaucoup étoffée
ces 10 dernières années) proposaient déjà une préparation spécifique à cet entretien.
Nous avons donc choisi de créer un cours de préparation à cet entretien au sein du
réseau des Alliances françaises en Chine, un module qui pouvait compter 5 à 10
heures de cours, en présentiel. Ce cours a rencontré, et rencontre encore aujourd’hui,
un grand succès. Il s’agit là d’un exemple de cours de FOS créé dans le but d’étoffer
l’offre d’un centre de langue. En parcourant les sites internet des principales écoles de
FLE en France, comme celui de l’Alliance française Paris Île-de-France 4 , vous
constaterez que cette offre est aujourd’hui très développée.
Ajoutons que nous pouvons classer les demandes de ma liste en deux
catégories distinctes en fonction du domaine auquel elles appartiennent. Certaines des
demandes concernent le domaine professionnel et d’autres le domaine de la formation,
le domaine universitaire. Pour ce dernier domaine, un sous-champ du FOS est né,
(attention, encore un acronyme, pas très bien choisi au demeurant …), le FOU, le

4
URL : https://www.alliancefr.org

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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

Français sur Objectifs Universitaires. Le FOU développe une méthodologie spécifique,


adaptée aux étudiants. L’apparition de ce sous-champ n’est pas le fruit du hasard. La
mobilité étudiante augmente chaque année, et avec celle-ci le nombre d’apprenants
de FLE, la France étant l’une des principales destinations mondiales pour les études
supérieures. L’envoi 5 sera entièrement consacré au FOU.

Activité autoformatrice 1 :
Recherchez sur les sites internet de centres de FLE, en France et à l’étranger,
l’offre de cours de FOS et de FOU proposée afin de vous faire une idée des
principales demandes en fonction de la position géographique du centre.
Consulter, si celles-ci sont disponibles, les présentations de ces cours. Vous
pouvez éventuellement vous constituer une fiche.
Étant donné la nature de cette activité, je ne vous proposerai pas de corrigé.
Cependant, vous pouvez si vous le souhaitez m’envoyer par courriel votre travail.

1.2.3. Une didactique de l’urgence

C’est sans doute cet aspect qui est le plus délicat à gérer pour le professeur de
FLE, les apprenants de FOS sont souvent pressés d’atteindre leurs objectifs. Le FOS,
c’est bien souvent une didactique de l’urgence. Pour des raisons différentes, et qui
tiennent en grande partie à la nature même de l’andragogie 5, les apprenants de FOS
attendent des résultats rapides et surtout, très concrets. Reprenons mon exemple
chinois de préparation à l’entretien visa de Campus France. Pour les apprenants qui
suivent cette formation, en quoi peut-elle être réussie ? Tout simplement s’ils
réussissent leur entretien et obtiennent leur visa, en d’autres termes, s’ils atteignent
leurs objectifs. Dans un cours de FLE généraliste, le seul fait de progresser dans la
maîtrise de la langue peut parfois suffire à un apprenant. Il n’en va pas de même pour
le FOS.

5
L’andragogie est la formation destinée aux adultes, ce qui vous concernera sans doute dans votre vie
d’enseignant de FLE. L’une des caractéristiques de l’enseignement aux adultes, surtout lorsqu’il
s’agit d’un public de professionnels est qu’ils attendent des résultats rapides et observables,
condition sine qua non pour qu’ils considèrent que la formation est réussie. Cela peut sembler
évident, mais rappelons-nous nos jeunes années passées sur les bancs de l’école, du collège et du
lycée. En était-il toujours de même ?

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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

Il en résulte une forte pression sur l’enseignant/concepteur de FOS. Chacun


des aspects de la formation doit être pensé dans cette optique. La pédagogie doit être
efficace et pour cela, adaptée à l’apprenant et le contenu enseigné, surtout,
sélectionné avec soin. Par ailleurs, le rapport entre le niveau de langue de l’apprenant
et l’ambition de son objectif peuvent augmenter la difficulté. L’objectif peut être parfois
irréalisable. Qu’à cela ne tienne, l’enseignant/concepteur de FOS doit tout de même
essayer de créer la formation la plus efficiente pour l’apprenant, sans pour autant le
bercer d’illusions.

1.2.4. Le FLE est-il du FOS qui s’ignore ?

Jusque-là, la frontière entre le FLE et le FOS peut sembler claire, quand bien
même une première difficulté conceptuelle apparaît. Le FOS est à la fois un sous-
champ du FLE et s’oppose à lui dans un même temps, lorsque l’on parle de FLE
généraliste, de FLE qui n’est pas du FOS. Laissons cela aux chercheurs en didactique
pour aller plus avant.
Le FOS sélectionne un contenu langagier précis, adapté aux besoins immédiats
de l’apprenant afin qu’ils puissent atteindre ses objectifs. Mais n’en est-il pas de même
pour ce ventre mou que devient alors le FLE généraliste ? Ainsi que nous l’avons déjà
noté, nous n’enseignons jamais toute la langue, mais sélectionnons ce qui nous
pensons être le plus utilise à l’apprenant. Lorsque l’enseignant de FLE prépare un
cours de niveau A1 avec pour objectif d’apprendre à saluer, il ne va pas essayer de
transmettre à l’apprenant toutes les manières de saluer en France, il va choisir les plus
récurrentes, dans les situations les plus récurrentes. Il va ensuite déterminer un temps
pour sa séance ou sa séquence, 2 heures par exemple. N’est-ce pas là une ébauche
d’élaboration d’un cours de FOS ? Car enfin, même si le FLE est généraliste, il
s’organise souvent en objectifs pragmatiques, ce dont les sommaires de manuels de
FLE font état. Nous pourrions l’envisager d’ailleurs en partant des manuels de FLE
généralistes. Derrière la dimension marketing d’un manuel qui peut s’adapter à
n’importe quel apprenant de français se dessine un apprenant type, celui auquel ont
pensé les concepteurs des manuels. J’emploie ici volontairement le terme « cible »,
cher au marketing, car c’est ainsi que sont conçus les manuels, pour être le plus vendu
possible.
Cela n’est pas dû au hasard, ni même à des tentatives pratiques qui

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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

convergeraient. Elle tient au fait que l’approche communicative a influencé et influence


encore l’élaboration de la quasi totalité des manuels de FLE du marché et, dans un
même temps, est fondatrice de la démarche de conception d’un cours de FOS. Elle a
même pénétré l’Éducation nationale avec la perspective actionnelle, entamant
l’étrange fossilisation conceptuelle dont les inspecteurs généraux ont le secret. Je
reviendrai sur ce point dans la suite de l’envoi, dans la partie consacrée à l’histoire du
FOS et à ses fondements théoriques, et vous encourage à mener à bien cette
deuxième activité autoformatrice. Celles-ci ne sont pas notées, mais vous aideront à
réaliser votre dossier, à vous approprier le cours et surtout à commencer à faire de
vous un professionnel de l’enseignement du FLE, au contact du terrain, articulant
théorie et pratique. L’enseignement est un va-et-vient permanent entre ces deux
dimensions, absolument inséparables.

Activité autoformatrice 2 :
Consultez des manuels de FLE généralistes pour adultes parmi les plus usités
dans le monde (Alter Ego + ou Latitudes par exemple) et essayez de déterminer
quel est leur apprenant cible. Si vous n’en avez pas à votre disposition, allez sur
les sites internet des éditeurs, tels qu’Hachette FLE ou bien Didier. Des extraits
de manuels sont consultables en ligne.
Proposition de corrigé en fin d’envoi. Comme pour l’activité autoformatrice 1,
vous pouvez m’envoyer votre travail pour une évaluation facultative (ce qui
signifie que je la commenterai sans la noter).

1.2.5. Le métier d’enseignant/concepteur de FOS : la joie de la


découverte et l’inconfort de l’inconnu

En guise de conclusion à cette tentative de définition du FOS, envisageons la


place singulière de l’enseignant et du concepteur de ce type de formation.
Contrairement à un enseignant de FLE généraliste, et à la plupart des enseignants
d’autres disciplines, l’enseignant de FOS pénètre bien souvent dans des domaines qui
lui sont étrangers, dont il n’a qu’une image de surface, superficielle.
Certains domaines lui seront plus familiers que d’autres. Ainsi, préparer un
enseignement de FOU paraît bien plus aisé qu’un cours de FOS pour des artisans du
bâtiment. Dans le FOU lui-même, du fait de la formation des enseignants de FLE, qui

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16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

proviennent majoritairement des filières de lettres et de langues étrangères, les


sciences humaines impressionneront moins le formateur que les sciences dites
« dures ». C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on a débattu du choix du formateur :
doit-il être un spécialiste du domaine professionnel ou bien de la didactique des
langues étrangères ? Cette question s’est posée dans les années 70-80, notamment
dans le domaine du droit où l’on a parfois préféré des juristes à des didacticiens pour
enseigner le français de spécialité. Cela reste toutefois très marginal.
Il faut qui plus est relativiser ces doutes. Tout d’abord, une méthodologie
rigoureuse permet de palier très efficacement à cette ignorance initiale. Le professeur
de FOS ne se positionne d’ailleurs pas sur le même terrain que celui des apprenants
et peut également s’appuyer sur ces derniers, sur leurs expériences. Enfin, nous avons
tous des expériences qui nous permettent de ne pas être tout à fait ignorant dans un
autre domaine professionnel. Nous sommes tous déjà allés à l’hôtel, avons été des
patients, avons suivi des travaux de construction d’un bâtiment, ou sommes des
bricoleurs … Nos expériences personnelles sont autant d’atouts pour mieux
comprendre ce que vivent les apprenants. Parfois, ce sont nos expériences
professionnelles passées qui nous seront utiles, ou bien nos engagements associatifs.
Quoiqu’il en soit, rien de remplace une analyse rigoureuse des besoins des
apprenants, et une collecte des données au moins aussi rigoureuse. Ce doit être le
plaisir qui l’emporte sur la peur, le plaisir de la découverte. Il faut savoir rester curieux.
Pour ma part, plus le domaine est éloigné du mien et plus j’éprouve de l’enthousiasme
à élaborer une formation de FOS. Le plaisir d’apprendre est l’un des puissants moteurs
de la motivation des enseignants, cela est une certitude. L’enseignant/concepteur de
FOS a le plaisir d’être payé pour étudier des domaines professionnels divers, en
France et à l’étranger. C’est un excellent moyen de mieux connaître une société, un
pays, un privilège de voir ce que seuls les professionnels peuvent vivre.

1.2.6. Synthèse des caractéristiques du FOS

Afin de faciliter votre apprentissage, et la réalisation de l’activité suivante, listons


les principaux traits définitoires du FOS :

1) Le FOS est un sous-champ du FLE. Il se destine généralement à des

15
16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

apprenants pour lesquels le français n’est pas une langue maternelle6.


2) Le FOS permet la mise en place de formations linguistiques dont les objectifs,
souvent très précis, sont professionnels ou étudiants.
3) Le FOS est une didactique de l’urgence. L’objectif de la formation doit être
atteint dans un temps donné.
4) Le FOS a recours à une méthodologie rigoureuse, en amont de la formation,
méthodologie largement inspirée de l’approche communicative.

Activité autoformatrice 3 :
Prenez connaissance des cas suivants. Correspondent-ils à des demandes en
FOS et pourquoi ? Justifiez votre réponse avec les éléments du cours qui
précédent.

Cas 1 : Un centre d’appel pour l’assistance technique d’un fournisseur d’accès internet
a été délocalisé au Maroc pour des raisons de coûts salariaux. La direction du nouveau
centre souhaite former ses employés, qui ne sont pas des techniciens, à résoudre
efficacement les problèmes auxquels sont confrontés les clients qui habitent en France.

Cas 2 : Le musée du Louvre lance un appel d’offre pour une formation linguistique à
destination d’une partie de son personnel d’accueil embauché en « contrat d’avenir ».
L’appel d’offre précise que ces employés sont en majorité originaire des DOM-TOM et
qu’un tiers d’entre eux n’ont pas le français pour langue maternelle.

Cas 3 : Un couple de touristes étasuniens souhaite préparer son voyage à Paris et en


Provence afin de pouvoir être autonome et avoir des échanges non-utilitaires avec des
Français. Il se rend à l’Alliance française de Kansas City afin de prendre des cours de
français.

Cas 4 : Face à la pénurie d’artisans qualifiés, une entreprise de maçonnerie a recours


à des travailleurs détachés polonais. Ils n’ont jamais appris le français et l’entreprise
souhaite qu’ils puissent communiquer avec les autres employés et que les procédures

6
Les formateurs de FOS sont cependant parfois amenés à travailler avec des locuteurs natifs. Certaines
institutions ou entreprises font en effet appel à des formateurs de FOS pour mettre en place des
activités de remédiations en langue française. C’est par exemple le cas de la Gendarmerie Nationale.

16
16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

de sécurité soient respecter. Ils font appel à l’Alliance française de Paris Île-de-France.

Cas 5 : Une Alliance française de Chine souhaite que ses apprenants qui ont pour
projet de poursuivre leurs études en France prolongent leur apprentissage du français
avant de gagner l’hexagone. Elle compte pour cela mettre en place un module qui les
prépare à leurs futures études.

Cas 6 : Une agence de tourisme de Katmandou souhaite que ses guides puissent
parler français.

Corrigé à la fin de l’envoi.

2. D’où vient le FOS ? Une approche diachronique du champ.

Une formation au niveau Master ne se doit pas seulement d’avoir une finalité
pratique. Vous devez également acquérir un regard critique sur la discipline, en
percevoir les origines et les limites. Certains d’entre vous choisiront peut-être de
prolonger leurs études par une thèse en didactique des langues étrangères. Le FOS
a une histoire, d’autres approches l’ont précédées et continuent d’exister. Le recul
historique permet de mieux comprendre son métier, de ne pas se laisser enfermer
dans des schémas simplistes ou univoques.

2.1. Quelques considérations historiques sur les langues et le commerce

L’apprentissage d’une langue étrangère dans un but précis, strictement utilitaire,


ne date évidemment pas du XXème siècle. Il a une longue histoire, sans doute aussi
longue que celle des échanges culturels et économiques entre les Hommes, qu’ils
soient heureux ou contraints. Afin de mettre cet apprentissage en perspective, nous
pouvons élargir brièvement notre réflexion sur les outils langagiers que les Hommes
ont développé pour faciliter la communication, en commençant par l’un des plus
incroyables et des plus simples, ou disons « l’un des plus simplificateurs », l’alphabet.
Le philosophe étasunien Stanley Cavell a proposé à partir des travaux de Freud

17
16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

l’expression « d’inquiétante étrangeté de l’ordinaire » 7 pour parler de ce que notre


immédiate quotidienneté recèle d’extraordinaire et qui, pour autant, ne retient pas
notre attention. Cela est particulièrement vrai en linguistique. Le langage et ses
représentations nous sont tellement communes qu’il faut nous, en philosophe, faire le
pas de côté des sceptiques afin d’en percevoir l’étrangeté et le mystère. Comme
l’écrivait Ralph Waldo Emmerson, « Je ne demande pas le grand, le lointain, le
romantique ; ce qu’on fait en Italie et en Arabie ; ce qu’est l’art Grec, ou la poésie de
ménestrels provençaux : j’embrasse le commun, j’explore le familier, le bas, et suis
assis à leurs pieds. »8 Gustave Guillaume remarquait ainsi que la représentation du
temps sous la forme d’une ligne de type « passé – présent – futur » est l’une des plus
incroyables conceptualisations de l’histoire de l’humanité. L’invention de l’alphabet,
plus palpable, est évidemment de cet ordre. Sans pour autant entrer dans des
considérations trop ethnocentrées, quiconque a déjà essayé d’entreprendre
l’apprentissage du chinois a pu comprendre la manière dont l’alphabet modifie
l’apprentissage d’une langue et le rapport à l’écrit, que ce soit dans l’écriture ou la
lecture. Bien que la République Populaire de Chine, après de nombreux débats et
discussions, ait décidé de conserver les caractères du mandarin en les simplifiant par
une vaste entreprise qui commença en 1956 pour se terminer en 1986, l’apprentissage
de cette langue par les natifs se fait aujourd’hui par l’intermédiaire d’une transcription
en alphabet latin nommé hanyu pinyin, ingénieuse manière de concilier son formidable
héritage culturel et le souci d’instruire chaque citoyen.
La plus ancienne trace d’alphabet découverte à ce jour remonte au XVème
siècle avant J.-C., dans le désert du Sinaï, qui fait aujourd’hui partie de la péninsule
égyptienne. C’était un alphabet consonantique, comme l’est l’alphabet arabe
aujourd’hui, appelé « abjad », ce qui signifie que seules les consonnes sont
représentées graphiquement. Or, ainsi que le remarque le linguiste Gilbert Lafforgue :
« L'écriture égyptienne possédait bien des signes phonétiques transcrivant des
consonnes isolées, mais les scribes de la vallée du Nil n'avaient jamais songé à se
servir uniquement de ces signes-consonnes pour écrire. On doit l'invention de
l'alphabet à des marchands syriens, indifférents aux beautés littéraires des vieux

7
Stanley Cavell, Dire et vouloir dire, trad. fr., Paris, Éditions du Cerf, 2009.
8
Ralph Waldo Emerson, The American Scholar, 1837, in Selected Essays, New York, Penguin Books,
pp. 83-106 (trad. fr., Christian Fournier, « Le savant Américain », Critique, 1992, 541-542 « La
Nouvelle Angleterre ».

18
16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

systèmes d'écriture et soucieux d'abord de la rédaction rapide de leurs contrats. Mais


en dépit de la subtilité acquise au contact d'étrangers de tous pays, il leur faudra une
bonne partie du IIe millénaire avant notre ère pour mettre au point leur système. »9.
L’alphabet est né du commerce, à des fins professionnelles dirait-on aujourd’hui, et
pour répondre à un objectif spécifique : faciliter les échanges et surtout la vie des
marchands. On peut sans doute imaginer que ces derniers devaient faire face à une
complexification des relations commerciales nécessitant une utilisation accrue et
adaptée de l’écriture.
Les sabirs sont une autre invention langagière des marchands. Il s’agit d’une
langue véhiculaire10 originale qui naît du contact entre deux populations de langues
maternelles différentes. Contrairement à l’anglais ou ou français, elle n’est donc que
véhiculaire. Les sabirs d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient mélangeait ainsi
plusieurs langues méditerranéennes. Les exemples sont nombreux et nous montrent
que le commerce a été un formidable vecteur de création linguistique.
Revenons à la didactique du Français Langue Étrangère. La position
géographique de la France ainsi que son poids démographique11 ont suscité assez tôt
chez de nombreux étrangers le besoin d’apprendre le français. Des manuels
d’apprentissage et d’enseignement du français ont donc vu le jour et notamment ceux
qui traitaient des « manières de langage », en particulier en Angleterre et au Pays-Bas.
Ces manuels peuvent déjà être considérés comme traitant du français de spécialité.
Ils consistaient en des dialogues pratiques assortis de listes de vocabulaire et
d’indications graphiques et morphologiques rudimentaires. Les Tenures de Monsieur
Littleton (1576) est l’un des plus fameux. Jean Antoine Caravolas en restitue un court
extrait qu’il commente dans sa Didactique des langues : précis d’Histoire I :

9
Gilbert LAFFORGUE, « ALPHABET », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 13 juillet 2018.
URL : http://www.universalis-edu.com/encyclopedie/alphabet/
10
Une langue véhiculaire sert de moyen de communication entre des populations de langues
maternelles différentes. Ce concept s’oppose à celui de langue vernaculaire (du latin vernaculum,
qui est confectionné à la maison) qui désigne la langue d’une communauté. Une langue peut être à
la fois vernaculaire et véhiculaire, c’est d’ailleurs le plus souvent le cas.
11
Chose oubliée aujourd’hui du grand public, la France a longtemps été, avec la Russie, le pays le plus
peuplé d’Europe, et de loin, et l’un des pays les plus peuplés au monde. Ce n’est qu’au XIXe siècle
où le taux de natalité a fortement baissé, faisant stagner la population française.

19
16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

Cet ouvrage est donc destiné à un public bien précis, les commerçants. Le contenu
est celui du monde des affaires. Il s’agit donc bien là de français de spécialité.

2.2. Le français de spécialité

Les langues de spécialité, parfois également appelés « français scientifique et


technique », ont été l’une des premières réponses didactiques aux besoins en langue
étrangère de publics spécifiques. Nous le savons, la langue est en France plus
qu’ailleurs une affaire politique. En ce qui concerne la diffusion du français à l’étranger,
le Ministère des Affaires Étrangères (le « MAE », dans le jargon) joue un rôle très
important. La diffusion d’une langue étrangère est en effet capital pour le rayonnement
d’un pays, ce qui est désormais compris dans ce que l’on appelle le soft power.
Les Alliances françaises en sont un bon exemple. Cette institution est né en
1883 et le Président De Gaulle lui a donné un nouvel élan, dans le contexte de
décolonisation d’après-guerre et d’expansion hégémonique de l’anglais. Premier

20
16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

réseau culturel mondial, il est composé d’un vaste et souple ensemble d’associations12
dont chacune possède donc la nationalité du pays où elle est sise. Ces associations
sont liées avec la France en s’inscrivant dans la Fondation des Alliances françaises,
basée à Paris et en s’engageant, de ce fait, à respecter une charte. La Fondation,
quant à elle, est liée au gouvernement français par une convention annuelle avec le
Ministère des Affaires Étrangères (actuellement nommé « Ministère de l’Europe et des
Affaires Étrangères »). Le MAE « offre » même un certain nombre de postes de
directeurs d’Alliance, occupés par des contractuels ou fonctionnaires détachés
(souvent du Ministère de l’Éducation Nationale).
Le français de spécialité, quant à lui, est une réponse à une demande du MAE.
Il s’inspire de la méthodologie SGAV (structuro-globale audiovisuelle) et du français
fondamental.

Rappels sur la méthodologie SGAV :


- Nous avons déjà évoqué sans la nommer la méthodologie SGAV dans ce cours. Il
s’agit de la méthodologie qui a développé le français fondamental (ou français
élémentaire) dont j’explique brièvement le fonctionnement dans la partie 1.2.1 de cet
envoi. Elle met en place des schémas de classe très rigoureux et parfois lourd à mettre
en œuvre (centration sur la méthode et non sur l’apprenant).
- Les cours étaient divisés systématiquement en « moments de classe » :
1) Présentation de la situation 2 fois par le biais d’une image et d’un enregistrement.
2) Explication de la situation dans la langue cible. Le professeur peut s’aider de mimes.
Il reformule les phrases de la situation pour les donner à comprendre aux apprenants.
3) Phase de répétition individuelle, étape considérée comme la plus importante,
utilisant la méthode verbo-tonale développée par le linguiste croate Petar Guberina
avec des apports du phonéticien Troubetzkoy. Ce dernier a développé la notion, très
intéressante, de « crible phonologique ». Lorsque l’on écoute une langue étrangère,
celle-ci passerait à travers un crible mental, celui de notre propre langue maternelle.

12
A l’exception de la Chine, réseau au demeurant très dynamique et important, où la liberté associative
est restreinte et les organisations étrangères strictement encadrées, pour ne pas dire surveillées.
Les Alliances françaises y bénéficient du statut « d’établissements de coopération » et sont de facto
des départements d’Universités chinoises. Leurs comptes sont intégrés à ceux de l’Université et
contrôlés par celle-ci. Enfin, autre exception étonnante, les Alliances françaises en Chine compte
deux directeurs, un directeur contractualisé par le MAE et un « directeur chinois », choisi par
l’Université. Remarquons que le réseau chinois de l’Institut Confucius s’est inspiré, dans son
organisation, de celui des Alliances françaises, avec toutefois davantage de verticalité dans les
relations avec Pékin.

21
16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

Celui-ci induirait donc des erreurs de compréhension. Il s’agit donc d’agir sur cette
opération mentale, de modifier ce crible. Pour cela, cette méthode insiste sur les
intonations d’une langue, ce que beaucoup de manuels de FLE, comme Alter Ego +,
proposent encore comme activités phonétique.
4) Les trois premières étapes, relativement contraignantes pour l’apprenant, sont
considérées comme des phases de conditionnement. La quatrième étape est une
phase de déconditionnement qui comprend une étape de dramatisation de la situation
et un travail de grammaire, toujours en situation, d’inspiration distributionnaliste et
behavioriste, « les mécanismes ». Aujourd’hui, cette phase de « mécanismes », qui
consiste en de la grammaire implicite, se retrouve parfois dans certains exercices de
systématisation dans les manuels actuels.

Le français de spécialité va reprendre le mode opératoire du français


fondamental en sélectionnant des mots appartenant aux domaines des sciences et
techniques et va insister sur la valeur transversale de certains termes qui peuvent être
utilisés simultanément dans différents domaines, et ainsi être utile à des apprenants
de professions différentes. Le mot « flux » par exemple, peut aussi bien s’utiliser en
économie, en physique ou en médecine. On le voit donc, ce qui distingue le français
de spécialité du FLE généraliste à ce moment-là, c’est avant tout le vocabulaire. La
démarche est donc très incomplète par rapport à celle du FOS et surtout, ne mène pas
un travail spécifique d’adaptation en fonction du profil et des projets de l’apprenant
(pas de centration sur l’apprenant).
Pour terminer, notons que la SGAV pose la question de l’introduction du français
de spécialité dans le cursus de l’apprenant. La SGAV divisait en 4 niveaux
l’apprentissage de la langue, le niveau 1 étant le niveau débutant. Le français de
spécialité n’était qu’introduit au dernier niveau, le niveau 4. Aujourd’hui, les approches
du FOS sont beaucoup plus souples. Il arrive parfois, comme pour la SGAV, que le
FOS vienne à la suite d’un long apprentissage du français, pour des niveaux B2 ou C1
du CECRL, mais il arrive aussi que le FOS soit proposé à des apprenants débutants.
J’ai ainsi mené, en Chine, plusieurs formations de FOS pour des apprenants qui
étaient de grands débutants : dans une agence de voyage, au Consulat du Canada,
dans un hôtel de luxe Sofitel … Cette question reste toutefois très pertinente, et nous
y reviendrons dans les envois suivants.

22
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2.3. Le français fonctionnel

Seconde étape de notre parcours sélectif diachronique, le français fondamental.


Il naît lui aussi d’une demande du MAE, dans un contexte de crise liée au choc pétrolier
de 1973 et d’une baisse du budget alloué au ministère. Celui-ci impulse donc une
nouvelle orientation didactique. Ce n’est plus un public généraliste qui est la cible du
français fonctionnel mais un public spécialisé, scientifique, technique. La notion de
« culture » est élargie pour intégrer cette dimension du langage. On retrouve dans
cette opposition celle à venir entre le FLE généraliste et le FOS. Sa finalité est
clairement professionnelle et L. Porcher, dans l’article « M. Thibault et le Bec Bunsen »
publié en 1976 a ainsi affirmé « qu’en fait, il ne s’agit pas d’un français fonctionnel,
mais d’un enseignement fonctionnel du français » (je souligne). Nous voyons bien que
l’ambiguïté que le didacticien tente de lever est la même que celle qui a occupé
précédemment, avec le FOS.
Mais les didacticiens vont se saisir de cette occasion pour remettre en cause la
centration très ferme sur la méthode alors en cours et que F. Debyser appela en 1973
« l’illusion de la méthode », ce qui va amorcer l’approche communicative et la nouvelle
centration sur l’apprenant.

2.4. Le FOS et l’approche communicative

L’approche communicative, qui se développe à partir des années 80 et qui, avec


la perspective actionnelle, constitue encore les fondements de l’enseignement du FLE
aujourd’hui (presque tous les manuels s’en revendiquent), est intrinsèquement liée à
la naissance du FOS. Nous ne reviendrons pas en détails sur cette approche, ce que
feront d’autres enseignements de ce master, mais nous bornerons à montrer que ses
concepts sont au cœur du FOS, si bien que certains diront que c’est le FOS qui est le
plus fidèle à l’approche communicative.
Le premier concept que nous allons aborder est celui de « centration sur
l’apprenant ». Notons d’abord que c’est avec cette approche que la notion d’apprenant
remplace celle d’élève13. Celle-ci implique de prendre en compte l’âge des apprenants,
leur niveau d’études, leur profil et le rythme d’apprentissage qui leur correspond le

13
La notion d’élève fonctionne avec celle de « maître ». Étymologiquement, le maître, c’est donc celui
qui élève. La notion d’apprenant met quant à elle l’accent sur l’activité fournie par celui qui apprend.

23
16D453 Français sur objectifs spécifiques (D. DEIAS)

mieux. Autant d’éléments que vous devrez prendre en compte lorsque vous concevrez
des formations de FOS. Et pour cela, il faut analyser les besoins des apprenants, ce
qui implique de prendre en compte les situations auxquelles ils seront confrontés. Il
s’agit d’une véritable révolution copernicienne dans la didactique des langues
étrangères. Le contenu linguistique dépend dès lors de cette sélection des situations,
desquelles le concepteur va mettre en valeur des actes de langage.
Les actes de parole ont été forgés par le courant linguistique de la pragmatique
qui considère que le langage ne permet pas seulement une représentation du monde,
mais également d’agir sur le monde. « Poser une question aux clients » est un
exemple d’acte de parole probable en FOS. Afin que l’apprenant puisse le réaliser il
devra maîtriser, en situation, un contenu langagier, par exemple les types de phrases
interrogatives. Le didacticien organise donc l’apprentissage de l’apprenant en fonction
d’actes de parole, auxquelles est subordonnée la grammaire.
Cela implique également que l’enseignant ne prenne pas seulement en compte
la compétence linguistique, mais l’envisage dans l’ensemble plus vaste des
compétences de communication. Maîtriser le Bescherelle ne suffit pas à réaliser une
action. M. Canale et M. Swain, dans l’article Theoretical bases of communicative
approaches to second language teaching and testing publié en 1980 posent trois
compétences nécessaires :
- La compétence grammaticale.
- La compétence socio-linguistique qui implique de maîtriser à la fois des règles socio-
culturelles telles que le statut social des personnes et des règles de discours. Prenons
l’exemple d’un cours de FOS à destination de médecins étrangers venant travailler en
France. Ils doivent connaître l’organisation hiérarchique de l’hôpital ainsi que la
manière dont on s’adresse aux collègues selon leur position. De même en ce qui
concerne les rapports avec les patients.
- La compétence stratégique. Il s’agit de toutes les stratégies de compensation qu’il
est possible de mettre en place pour pallier à des lacunes langagières, comme la
reformulation.
Nous verrons dans les envois suivants comment mettre à profit ces apports pour
développer une formation de FOS. D’autres outils linguistiques utilisés par l’approche
communicative nous serons également utiles comme le modèle SPEAKING de D.H.
Hymes.

24
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Le recours aux documents authentiques est privilégié. Rappelons qu’un


document authentique est un document qui n’a tout simplement pas été élaboré pour
la classe.
Ces éléments posent dès lors la question du manuel. En effet, si l’on considère
que chaque apprenant est unique et que ses besoins le sont tout autant, en quoi utiliser
un manuel, fabriqué en série, est-il encore pertinent ? Dans sa première mouture,
l’approche communicative va d’ailleurs rejeter son utilisation. Cela sera toutefois de
courte durée et pour une raison simple, et commune aux enseignants de FOS :
concevoir entièrement une formation est long et par conséquent coûteux, très coûteux.
Ajoutons que chaque centre de langue ne dispose pas forcément de personnel
ressource capable de créer une formation. Ce qui est de moins en moins vrai, le master
en FLE devenant la norme de recrutement, en France comme à l’étranger. Il s’est
même développé toute une gamme de manuels destinés à l’enseignement du FOS.
L’éditeur CLE International propose actuellement 44 manuels de FOS 14 , traitant
principalement du domaine des affaires.
J’ajouterai à cette réflexion sur l’utilisation des manuels une constatation
personnelle, des « choses vues », comme dirait Victor Hugo, dans les centres de
langue où j’ai pu exercer. J’ai en effet souvent été étonné par la manière dont certains
enseignants suivaient à la lettre les manuels de FLE choisis par l’institution, unité par
unité, séance par séance, activité par activité, comme s’il s’agissait d’une bible, d’un
livre sacré. Et les besoins des apprenants ? Quand bien même il s’agit d’une classe
de FLE généraliste, ces apprenants apprennent bien le français pour en faire quelque
chose qui leur est propre. L’activité proposée par le manuel est-elle la plus appropriée ?
L’approche choisie par le manuel est-elle, de même, la plus appropriée aux profils des
apprenants, à leur habitude d’apprentissage, si différente d’un pays à l’autre ? C’est le
grand retour de la centration sur la méthode, sous couvert d’approche communicative.
Et quel ennui pour le professeur ! La liberté pédagogique, tous les professeurs de
l’Éducation Nationale le savent, est un grand motif de satisfaction dans l’acte
d’enseigner. Le maître-mot de l’approche communicative, ainsi que du FOS, ainsi que
de tout enseignant doit être la souplesse et l’adaptabilité. C’est pourquoi je ne vous
demanderai pas de considérer les éléments de ce cours comme une procédure à
respecter ainsi qu’un pilote respecte une check-list, mais comme des outils à

14
URL : https://www.cle-international.com/recherche/im_field_univers_univers/adultes-
539/methodes/814

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sélectionner, à adapter, à questionner. Recruter des enseignants élevés au grade


Master pour en faire des répétiteurs, la belle affaire !

2.5. Le FOS envisagé comme un champ


Je terminerai cette approche diachronique du FOS par l’explicitation du terme
de « champ » que j’ai employé au début de cet envoi. Le sociologue Pierre Bourdieu
définit les champs comme « se présentant à l’appréhension synchronique comme des
espaces structurés de positions (ou de postes) dont les propriétés dépendent de leur
position dans ces espaces et qui peuvent être analysées indépendamment des
caractéristiques de leurs occupants (en partie déterminées par elles). [...] Un champ,
s’agirait-il du champ scientifique, se définit entre autres choses en définissant des
enjeux et des intérêts spécifiques, qui sont irréductibles aux enjeux et aux intérêts
propres à d’autres champs (on ne pourra pas faire courir un philosophe avec des
enjeux de géographes) et qui ne sont pas perçus de quelqu’un qui n’a pas été construit
pour entrer dans ce champ » 15 . Considérer le FOS comme un champ propre est
l’aboutissement de notre parcours. Le FOS est devenu autonome. Ses professeurs
ont suivi une formation spécifique, avec une didactique et outils spécifiques. Il est
reconnu par l’institution universitaire où il est né, mais également à l’extérieur de celle-
ci, par les éditeurs, les clients et se distingue du FLE généraliste par un objet qui lui
est propre. Ce cours a pour objectif de vous introduire dans ce champ.

Activité autoformatrice 4 :
Lisez l’article de recherche universitaire de Gisèle Holtzer « Du français fonctionnel au
français sur objectifs spécifiques : histoire des notions et des pratiques » publié dans
la revue Le Français dans le monde en janvier 2004. Il s’agit là pour vous d’un premier
entraînement à la réalisation de la première partie du dossier qui servira d’examen
terminal et pour lequel une méthode précise d’analyse vous sera donnée dans le
prochain envoi. Il complétera utilement les informations qui vous sont données dans
cet envoi.
Listez les différentes dénominations liées au FOS et les années auxquelles elles
correspondent puis, associez à celles-ci leur conception didactique.
Correction à la fin de l’envoi.

15
Pierre Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Éditions de Minuit, 1980, p. 113.

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Corrigé des activités autoformatrices :

Avant de lire ce corrigé, réalisez sérieusement les activités proposées afin


que ce cours ne soit pas qu’une « lecture magistrale ». Je vous rappelle que
lorsque cela vous est précisé, vous pouvez m’envoyer par courriel vos
propositions. Et dans tous les cas, je reste disponible pour vos questions
concernant les autres activités.
Activité 1 : Pas de corrigé proposé. Cependant, n’hésitez pas à mutualiser vos
fiches via un espace de mise en commun du travail. Je puis également joindre
au prochain envoi une copie des travaux que j’ai reçus. N’hésitez donc pas à
m’envoyer vos fiches !

Activité 2 :
Je vais prendre l’exemple du manuel de FLE le plus vendu dans
le monde depuis plusieurs années, Alter Ego + 1, édité par
Hachette. La couverture annonce déjà la couleur : l’éditeur a
choisi de représenter le portrait de deux jeunes adultes.
Conformément aux principes de l’approche actionnelle, ce sont
des actes de parole qui organisent la progression, permettant de
réaliser « un projet dossier », ce qui l’inscrit également dans la
perspective actionnelle du CECRL et sa notion de « tâche ».
Différents choix donnent des informations assez explicites sur le public cible. La plupart
des personnes qui prennent la parole dans les pistes audios des activités de
compréhension orale sont de jeunes adultes et un certain nombre d’activités
confirment ce choix. P.26, on apprend à se saluer en suivant le déroulé d’une journée
à l’Université. Pages 28, ce sont seulement de jeunes adultes qui se présentent sur
les profils. P. 48, l’hébergement choisi comme exemple pour l’activité mêlant
compréhension écrite et orale est une auberge de jeunesse.
Le public cible semble être de jeunes adultes, étudiant ou débutant leur carrière
professionnelle, ce qui ne correspond qu’à une fraction de la population. En France,
selon l’INSEE16, 29 % des personnes âgées de 29 à 34 ans possèdent un niveau

16
URL : file:///C:/Users/Damien/Downloads/FPORSOC16m5_F5.5_education.pdf Ajoutons que cette
proportion stagne depuis quelques années, sonnant le glas de la période de « démocratisation » de
l’enseignement supérieur. Ajoutons également que la mobilité dans l’Union Européenne concerne
de plus en plus de personnes de catégories sociales différentes, comme les apprentis.

36
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d’études supérieur au bac+2 (cela peut sembler peu, mais la France se situe déjà dans
la moyenne mondiale haute !). Le public cible ne correspond donc qu’à une fraction de
la population, certes la plus représentative de celle qui apprend des langues
étrangères dans les centres de langue. Il n’en demeure pas moins que la catégorie de
« FLE généraliste » est problématique pour ce manuel.

Activité 3 :

Ces cas ne sont pas fictifs mais montrent tous la limite de la définition du FOS que
vous avons retenu.

Cas 1 : Un centre d’appel pour l’assistance technique d’un fournisseur d’accès internet
a été délocalisé au Maroc pour des raisons de coûts salariaux. La direction du nouveau
centre souhaite former ses employés, qui ne sont pas des techniciens, à résoudre
efficacement les problèmes auxquels sont confrontés les clients qui habitent en France.

Oui et non. Un formateur de FOS ne pourra pas assumer seul l’ensemble de la


formation, puisqu’elle demande des compétences techniques sur la réception
d’internet. En revanche, le formateur FOS pourra intervenir sur la dimension
linguistique de l’échange entre les clients français et les employés marocains. Cela est
d’autant plus important que la délocalisation des centres d’appel est souvent mal
perçue par les consommateurs français, qui s’attendent par conséquent à s’entretenir
dans un français qui est le même que celui de la métropole. C’est un argument que
peut faire valoir le formateur de FOS pour obtenir ce contrat.
Cas 2 : Le musée du Louvre lance un appel d’offre pour une formation linguistique à
destination d’une partie de son personnel d’accueil embauché en « contrat d’avenir ».
L’appel d’offre précise que ces employés sont en majorité originaire des DOM-TOM et
qu’un tiers d’entre eux n’ont pas le français pour langue maternelle.

Il s’agit bien d’une formation de français à objectif professionnel. Cependant, tous les
apprenants seront français. Il s’agit donc d’un cas limite pour notre définition, mais qui
ne posera aucun problème au formateur de FOS qui dispose de toutes les
compétences et de tous les outils pour répondre à cette commande, plutôt fréquente
en métropole.

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Cas 3 : Un couple de touristes étasuniens souhaite préparer son voyage à Paris et en


Provence afin de pouvoir être autonome et avoir des échanges non-utilitaires avec des
Français. Il se rend à l’Alliance française de Kansas City afin de prendre des cours de
français.

Il ne s’agit pas de FOS dans la mesure où l’objectif n’est pas professionnel, et que ces
personnes n’étudieront pas en France. Ce n’est donc pas du FOS stricto sensu. Mais
si les apprenants ont des moyens financiers, il est tout à fait possible d’utiliser les outils
du FOS pour créer la formation puisque l’objectif est ici clairement défini. Si ce type de
demande est fréquent, cette Alliance française aura d’ailleurs intérêt à proposer une
offre de cours spécifiques pour ce public. Notons que la mention des « échanges non-
utilitaires » fait référence à la notion de « niveau-seuil » développée dans le CECRL.
Le concepteur de cette formation pourra donc s’appuyer sur celle-ci.

Cas 4 : Face à la pénurie d’artisans qualifiés, une entreprise de maçonnerie a recours


à des travailleurs détachés polonais. Ils n’ont jamais appris le français et l’entreprise
souhaite qu’ils puissent communiquer avec les autres employés et que les procédures
de sécurité soient respectées. Ils font appel à l’Alliance française de Paris Île-de-
France.

Il s’agit pleinement de FOS puisque ces apprenants sont des étrangers qui ont un
objectif professionnel très précis. Le nombre d’heures de formation sera sans doute
restreint, et ce d’autant plus que la plupart du temps, aucune formation linguistique
n’est proposée, hélas à ce type de public. Le formateur devra donc débuter dès les
premières heures par une formation de type « FOS », sans passer par du FLE
généraliste, même si ces apprenants sont de grands débutants en français.

Cas 5 : Une Alliance française de Chine souhaite que ses apprenants qui ont pour
projet de poursuivre leurs études en France prolongent leur apprentissage du français
avant de gagner l’hexagone. Elle compte pour cela mettre en place un module qui les
prépare à leurs futures études.

Il s’agit bien de FOS, et plus précisément de FOU puisque les apprenants ont pour
objectif de suivre des études en France. Cependant, ce module devra prendre en

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compte tous les besoins vitaux des apprenants, et ceux-ci, même s’ils sont studieux,
ne passeront pas toute leur vie en France dans un amphithéâtre ! Ils auront besoin de
chercher un appartement, d’obtenir une carte vitale, d’ouvrir un compte en banque, de
contracter des abonnements téléphoniques, internet … autant de situations qui se
déroulent de manière très différente entre la Chine et la France ! La liste des pièces
justificatives demandées en France fait souvent pâlir les étudiants chinois … Le
module devra prendre en compte ces besoins. Nous reviendrons sur ce point dans
l’envoi consacré au FOU.

Cas 6 : Une agence de tourisme de Katmandou souhaite que ses guides puissent
parler français.

Ici aussi, il s’agit pleinement de FOS puisque ces guides travailleront avec des clients
français. Nous remarquons que cette commande est très laconique, et c’est souvent
le cas. Cela est d’ailleurs compréhensible, un client n’est pas un spécialiste du FOS.
Ce sera au formateur d’être efficace afin d’analyser avec précision les besoins des
guides. Ce n’est pas parce que l’offre est brève que les résultats attendus ne sont pas
élevés !

Activité 4 :

- Langue de spécialité/Français scientifique et technique (FST). Fin des années 50.


Approche avant tout lexicale, orientation termino-logique. Création par le MAE en 56
dans le but d’adapter l’enseignement de français aux nouvelles élites scientifiques et
techniques.
- Français instrumental. Fin des années 60. Compréhension des textes scientifiques.
- Français fonctionnel. Début des années 70. Orientation vers une culture qui n’est
plus seulement littéraire mais également scientifique. On commence à prendre en
compte les besoins du public. Transition d’une centration sur la méthode à une
centration sur l’apprenant. Il faut entendre « fonctionnel » dans le sens « d’opératoire »
sur le terrain.
- FOS. Fin des années 80. Influence de l’approche communicative et de ses théories
de référence.

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Conclusion de l’envoi 1

Pour terminer cet envoi, je vous reproduis ce résumé de la naissance du FOS


par J.P. Cuq dans son excellent et indispensable Dictionnaire de didactique du français
langue étrangère et seconde : « Le français sur objectifs spécifiques (FOS) est né du
souci d’adapter l’enseignement du FLE à des publics adultes souhaitant acquérir ou
perfectionner des compétences en français pour une activité professionnelle ou des
études supérieures. Le F.O.S. s’inscrit dans une démarche fonctionnelle
d’enseignement et d’apprentissage : l’objectif de la formation linguistique n’est pas la
maîtrise de la langue en soi mais l’accès à des savoir-faire langagiers dans des
situations dûment identifiées de communication professionnelles ou académiques. ».
On le voit, le FOS y est défini comme une didactique qui doit avant tout répondre à
des besoins professionnels et académiques, qui ordonnent les besoins langagiers. La
suite des envois vous donnera une méthodologie riche afin de pouvoir concevoir et
organiser votre enseignement afin de pouvoir répondre aux attentes exigeante de ce
type de public.

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