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RAPPORT D'ENQUETE

SUR LES DÉCÈS DE :


Mme RAJAA BËNKIRAM,
Mme SOLANGE ST-ONGE ET M. JEAN-PAUL PINET
Mme LUCIE RIVARD-LANOUETTE
de Me Luc Malouin, coroner

DOSSIERS

143132

143647

143648

143650'

SURVENUS A MONTREAL

Les 15 décembre 2008


et
3 février 2009
TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION 3

DATES, LIEUX ET CAUSES PROBABLES DES DÉCÈS 4

CIRCONSTANCES DES DÉCÈS 4

L'accident causant le décès de Mme Benkiram 4


L'accident causant les décès de Mme St-Onge et de M. Pinet 6
L'accident causant le décès de Mme Lanouette , 7

DISCUSSIONS.

Les angles morts des véhicules routiers 8


Les panneaux d'interdiction de camions 16
Les heures de conduite 17
Les piétons .\ 21
La rémunération des conducteurs de camion 25

CONCLUSION 27

RECOMMANDATIONS 28

ANNEXE 1 - LA PROCÉDURE 30
INTRODUCTION

En décembre 2008 et février 2009, quatre piétons ont perdu la vie dans trois accidents lors d'opérations de
déneigement à Montréal.

Devant cette situation inhabituelle, la coroner en chef du Québec a mandaté le soussigné afin de tenir une
enquête publique sur ces accidents afin d'en clarifier les circonstances et, s'il y a lieu, de faire des
recommandations pour éviter dans l'avenir de tels accidents.

La preuve a établi que ces trois accidents se sont déroulés dans trois secteurs de la Ville de Montréal. Afin
que le lecteur comprenne plus facilement le présent rapport, je précise immédiatement que le territoire de
la ville est divisé en plusieurs secteurs pour les opérations de déneigement.

Dans la majorité de ces secteurs, le déneigement est fait par un entrepreneur général qui a obtenu de la
Ville le contrat de déneigement. Cet entrepreneur doit fournir la machinerie et le personnel pour dégager
les rues et ramasser la neige.

Pour chacun des accidents sous étude, un entrepreneur général fournissait la machinerie et les employés
pour déneiger et charger la neige. Le transport de la neige vers les sites d'élimination était fait par un
sous-entrepreneur qui fournissait les camions à neige et les conducteurs de ces véhicules.

Tous ces travaux se font selon un cahier des charges très précis et sous la direction d'un employé de la
Ville qui est présent sur le terrain lors des opérations.

Le premier accident sous étude met en cause une niveleuse affectée au déneigement d'une rue alors que
les deux autres accidents mettent en cause des camions affectés au transport de la neige vers les sites
d'élimination.
DATES, LIEUX ET CAUSES PROBABLES DES DÉCÈS

Mme Rajaa Benkiram, née le 10 avril 1959, est décédée d'un traumatisme crânien majeur à Montréal, le
15 décembre 2008.

Mme Lucie Rivard-Lanouette, née le 18 novembre 1932, est décédée d'un polytraumatisme à Montréal, le
3 février 2009.

M. Jean-Paul Pinet, né le 19 août 1937, est décédé d'un polytraumatisme à Montréal, le 3 février 2009.

Mme Solange St-Onge, née le 20juillet 1936, est décédée d'un polytraumatisme à Montréal, le
3 février 2009. •

CIRCONSTANCES DES DÉCÈS

L'accident causant le décès de M"16 Benkiram

Le premier accident qui fait l'objet de la présente enquête publique a eu lieu le 15 décembre 2008 sur la
rue Jean-Brillant entre les intersections Jean-Brillant/Gatineau et Jean-Brillant/Decelle. L'accident a eu
lieu vers 20 h 55. La rue Jean-Brillant est une rue à sens unique vers le sud et elle a deux voies de
circulation.

Cette rue est bordée de trottoirs sur chaque côté et, au moment des événements, les trottoirs étaient
dégagés, hormis certains endroits qui étaient gelés.

La rue Jean-Brillant est dans un secteur résidentiel. Selon l'analyse et la reconstitution de l'accident faites
par l'expert en collision et accident du Service de police de la Ville de Montréal, l'accident se serait
produit de la façon suivante :
La victime marchait sur le trottoir en compagnie de nombreuses autres personnes en direction sud. Au
même moment, une niveleuse était stationnée à environ 50 mètres de l'intersection de la rue Jean-Brillant
et de la rue Gatineau. L'opérateur de la niveleuse parlait avec les conducteurs des remorques. Après avoir
fini ses discussions, l'opérateur regarda tout autour de sa machine, s'assit et mit celle-ci en marche. Il fit
quelques mètres et son attention fut attirée par les piétons qui lui signalaient un problème. II arrêta sa
niveleuse et constata qu'il avait frappé la victime sur le devant de sa machinerie.

Le médecin d'Urgences-santé est rapidement sur place et ne peut que constater le décès de la victime. Au
moment de l'accident, les trottoirs étaient partiellement déneigés. Plusieurs personnes avaient fait comme
la victime et passé devant la niveleuse.

Il appert que la victime, à environ 50 mètres de l'intersection, a décidé de traverser la rue, et ce, tout près
du devant de la niveleuse.

L'enquête policière et l'enquête faite par les gens de Contrôle routier Québec excluent tout problème
mécanique quant à la niveleuse. Ils excluent également tout manquement du conducteur de la niveleuse
quant au Règlement sur les heures de conduite et de repos des conducteurs de véhicules lourds.

Il appert que la victime est passée près de la niveleuse dans un angle mort créé par l'appareil et que le
conducteur n'a jamais vu la victime à cause de cet angle mort au moment où il a mis en marche son
appareil.

Il faut ajouter que l'accident est également dû au fait que la victime n'a pas respecté le Code de la
sécurité routière (CSR) au regard de ses obligations comme piéton.

En effet, les articles 447 et 450 du Code de la sécurité routière stipulent que :

« 447. Lorsqu 'il n'y a pas d'intersection de passage pour piétons clairement identifiée et
située à proximité, un piéton qui traverse un chemin privé doit céder le passage aux véhicules
routiers et aux cyclistes qui y circulent.

« 450. Lorsqu'il y a une intersection ou un passage pour piétons à proximité, un piéton ne


peut traverser un chemin public qu 'à l'un de ces endroits. »
Or, et à moins de 50 mètres du lieu de l'accident, un passage pour piétons clairement identifié s'y trouvait
et la victime aurait dû traverser à cet endroit.

En résumé, cet accident peut être expliqué par deux facteurs, soit l'angle mort à l'avant de la niveleuse et
le fait que le piéton n'ait pas traversé la rue à l'endroit réglementé.

L'accident causant les décès de M"16 St-Onge et de M. Pinet

Le deuxième accident s'est produit au début de la traverse piétonnière du côté nord de la rue Sherbrooke à
l'intersection de la rue Émile-Duployé et Sherbrooke. La rue Émile-Duployé est une rue à deux voies de
circulation et les véhicules y circulent, soit vers l'est, soit vers l'ouest. Il-s'agit d'un secteur résidentiel et
dont la circulation est également interdite aux véhicules lourds.

Au moment de l'accident, les trottoirs étaient partiellement dégagés et légèrement glacés par endroits.
Vers 9 h 40, Mme St-Onge et M. Pinet attendent au feu de circulation de l'intersection de la rue
Sherbrooke et Émile-Duployé afin de traverser cette dernière rue. Le feu de circulation est alors rouge et,
en attente également sur la route, un camion poids lourd affecté aux opérations de déneigement.

Alors que le feu de circulation devient vert, les victimes s'engagent dans la traverse pour piétons. Au
même moment, le conducteur du poids lourd, qui allait ramasser de la neige, s'avance lentement et
commence à tourner à sa droite sur la rue Émile-Duployé. Il heurte alors les deux victimes.

M. Jean-Paul Pinet est décédé sur le coup, alors que Mme Solange St-Onge est décédée en fin de journée à
l'Hôpital Notre-Dame de Montréal.

L'enquête policière a été faite par les agents du Service de police de la Ville de Montréal. Un technicien
en scène de collision du même service a fait une analyse et la reconstitution de la collision. De plus, les
agents de Contrôle routier Québec ont analysé le tout.

Il ressort de leurs différents rapports que cette collision est essentiellement due au fait que le conducteur
du véhicule lourd n'a jamais vu les piétons lorsqu'il s'est engagé dans sa manœuvre pour s'engager sur la
rue Émile-Duployé. L'état mécanique du véhicule automobile n'est pas en cause.
Par contre, le conducteur avait nettement dépassé ses heures de conduite et était nécessairement en
infraction à ce niveau. Qui plus est, le conducteur du véhicule lourd ne détenait aucun permis de conduire
valide, son permis ayant été suspendu depuis plusieurs mois pour avoir atteint le maximum de points
d'inaptitude.

Je souligne cependant que la non-détention d'un permis de conduire n'a aucun lien avec l'accident, mais
ce fait est révélateur du peu de contrôle des conducteurs de véhicules lourds lors des opérations de
déneigement.

L'accident causant le décès de M™ Lanouette

Le troisième accident faisant l'objet de la présente enquête est survenu à l'intersection des rues Iberville
et Fleury. Ces rues sont situées dans un secteur résidentiel. La rue Iberville est à sens unique vers le nord
alors que la rue Fleury est à deux voies de circulation à sens opposés. Il y a interdiction de véhicules
lourds sur la rue Iberville et des panneaux de signalisation à cet effet se retrouvent à l'entrée de cette rue.

Le 3 février 2009, vers 14 h 10, la victime circulait sur la rue Fleury, direction sud, pour se rendre
vraisemblablement chez elle. Au même moment, un véhicule lourd chargé de ramasser la neige circule
sur la rue Fleury, direction nord, et tourne à sa droite sur la rue Iberville. Alors que la manœuvre est
presque complétée, la conductrice réalise que le milieu de sa remorque a frappé un piéton qui se trouvait
dans l'intersection des deux rues.

Urgences-santé est rapidement sur les lieux, mais le médecin ne peut que constater le décès de la victime.

L'enquête policière a été faite par un enquêteur du Service de police de la Ville de Montréal. L'enquête
collision, l'analyse et la reconstitution de cet accident ont été faites par un technicien en accident du
même service de police.

L'enquête policière exclut l'état mécanique du-véhicule pour expliquer cet accident.

Il appert cependant que la conductrice du véhicule lourd avait dépassé ses heures de conduite au moment
de l'accident. Selon son propre témoignage, elle n'a jamais vu la victime.
DISCUSSIONS

II existe donc une cause commune aux trois accidents et des causes propres à chacun d'eux :

• Tous les accidents mettent en cause des piétons qui se trouvaient dans les angles morts des
véhicules routiers.

• Tous les accidents se sont produits dans des zones où des panneaux d'interdiction de camions
étaient visibles pour les piétons au début de chaque endroit interdit.

• Deux des trois accidents mettent en cause des conducteurs qui avaient dépassé leurs heures de
conduite contrairement à la réglementation en vigueur.

• Un des accidents met en cause un piéton qui n'a pas respecté la réglementation qui lui était
applicable.

La question de la rémunération ayant été abordée lors de l'enquête, j'en discuterai brièvement après ces
trois éléments communs.

Les angles morts des véhicules routiers

J'ai eu l'occasion d'entendre publiquement les trois conducteurs des véhicules lourds impliqués dans les
trois accidents. Tous trois ont affirmé avoir bien vérifié la présence de piétons avant de débuter leur
manœuvre et avoir effectué cette manœuvre en étant certains qu'elle était tout à fait sécuritaire et qu'il n'y
avait personne sur la route.

Tous les véhicules ont l'équipement standard et ont donc des miroirs latéraux. Aucun miroir convexe qui
leur permettrait possiblement de diminuer des angles morts n'équipait cependant ces véhicules.

J'ai mandaté M. Éric Abraham, ingénieur expert a l'École polytechnique de Montréal, pour analyser
chacune des collisions et déterminer la présence ou l'absence d'angles morts sur chacun des véhicules
impliqués dans les accidents.
M. Abraham a utilisé des véhicules identiques ou à tout le moins similaires à ceux impliqués dans les
accidents pour faire son expertise.

Il a déposé un rapport de près de 80 pages déterminant les angles morts de chacun des véhicules
impliqués dans les accidents. Chaque véhicule a des angles morts, c'est-à-dire des endroits où la visibilité
pour le conducteur de ce véhicule est nulle, partiellement ou totalement.

Afin de simplifier la lecture du présent rapport, le lecteur trouvera ci-après,trois diagrammes extraits du
rapport de M. Abraham démontrant la visibilité complète des véhicules impliqués.

La zone blanche de chaque diagramme est la zone de non-visibilité partielle ou totale. Ainsi, à l'intérieur
de cette zone blanche, le conducteur du véhicule lourd voit moins bien ce qui s'y trouve. Et plus une
personne se rapproche du véhicule, moins est vue par le conducteur.

À titre d'exemple, le conducteur ne verra jamais un piéton de cinq pieds et demi qui se trouverait à
deux pieds de son véhicule.

Voici la visibilité du conducteur de la niveleuse impliquée dans le premier accident :

Niveleuse Champion 740A 1994

Visibilité Visibilité
complète complète

*^P** ÉCOi-E
POLYTECHNIQUE sécurité
MONTRÉAL routière
Voici maintenant la zone de non-visibilité du conducteur du camion impliqué dans le deuxième accident :

Camion porteur Western Star 2010

Visibilité
Complète
Siège
relevé

e ÉCOLE
POLYTECHNIQUE sécurité
MONTRÉAL routière

10
Enfin, voici la même zone pour la conductrice du véhicule impliqué dans le troisième accident

Tracteur routier Sterling 2009 et semi-remorque Midland 2009

Visibilité Visibilité
complète complète

«QgN, ÉCOLE '


POLYTECHNIQUE
sécurité
M O N T R É A L routière

À la suite de cette première démarche, l'expert a positionné les victimes graphiquement pour vérifier où
elles se trouvaient au moment de l'impact avec le camion. Les trois graphiques suivants démontrent que
chacune des victimes se trouvaient dans une zone de visibilité nulle ou restreinte pour le conducteur et
que ce dernier ne pouvait les voir.
Niveleuse Champion

La piétonne se trouvait dans Lin angle mort eï de


visibilité partielle lors de la collision.

Piétonne

«>$&*> ÉCOLE
POLYTECHNIQUE sécurité
M O N T R É A L routière

Camion porteur Western Star

JSh ÉCOLE
POLYTECHNIQUE s'éïurité
MONTRÉAL routière

12
Tracteur routier Sterling 2009 et semi-remorque Midland 2009

La piétonne se trouvait dans un angle mort ou


uniquement visible dans l'un des rétroviseurs
convexes droits lors du virage (remorque à 60 °).

«^^* ÉCOLE
POLYTECHNIQUE sécurité
MONTRÉAL - routière

La question des angles morts sur les véhicules lourds fait l'objet d'études au niveau mondial.

Elle a fait l'objet d'une étude en Angleterre par les consultants Jacob Consultancy. L'étude visait l'utilité
d'ajouter un dispositif quelconque de vision afin de couvrir les angles morts. Cette étude conclut que
l'ajout de systèmes sur les véhicules lourds pourrait diminuer de façon draconienne les angles morts et
éviter de nombreux accidents.

Le graphique suivant démontre le pourcentage de collisions évitées par l'ajout de différents systèmes pour
limiter les angles morts.

13
JACOBS
CONSULTANCY
Figura 3-5 Detection of potential collision victims

Source: TNO, 1999 (Ref 80)

COB! BenelH Anal/sis on Blind Spot Mnore. tesua No. 2. HUM

En novembre 2003, la Commission européenne du transport routier a adopté une directive relative aux
rétroviseurs et aux dispositifs de vision indirecte supplémentaires afin que tous les nouveaux véhicules
commerciaux soient munis d'équipements pour réduire les angles morts.

En 2007, une nouvelle directive a été adoptée afin d'étendre les exigences de la directive de 2003 à tous
les véhicules existants, et ce, avant le 31 mars 2009 considérant que le coût/bénéfice de tels équipements
semblait établi.

Cette nouvelle directive comporte cependant une limite. En 2013, la Commission européenne du transport
routier évaluera le résultat de ces modifications et prendra une position finale quant à la nécessité que tous
les véhicules lourds soient équipés de dispositifs réduisant les angles morts.

Il est cependant intéressant de noter que ces directives ne s'appliquent ni aux autobus ni aux camions de
moins de trois tonnes et demie.

Je ne connais pas d'équivalent en Amérique du Nord quant à ces directives. Transports Canada offre
cependant aux fabricants et importateurs de véhicules l'option de certifier leurs véhicules conformément à
ces directives européennes.

14
Au Québec, le gouvernement a adopté, en août 2009, un règlement pour réduire au maximum les angles
morts concernant les autobus scolaires.

L'expert de l'École polytechnique a soulevé cette possibilité comme une solution à la problématique des
angles morts. Il met cependant plusieurs bémols puisque, le soir ou la nuit, les rétroviseurs perdent de leur
efficacité. Il mentionne que l'ajout de phares d'appoint pourrait améliorer l'efficacité des rétroviseurs,
indiquer aux piétons la présence d'un véhicule et améliorer la vue vers l'avant du véhicule ou encore vers
les côtés de celui-ci.

Il a également mentionné qu'il faut s'interroger sur l'effet des opérations de déneigement quant à ces
miroirs puisque les camions impliqués dans ces opérations chargent régulièrement de la neige qui est
soufflée dans le camion, ce qui a souvent pour effet d'enneiger partiellement ou totalement une partie des
miroirs extérieurs des camions. Enfin, quelle est l'efficacité réelle de ces miroirs pour des véhicules en
mouvement? Il faut garder à l'esprit que la vision dans ces miroirs n'est pas facile.

D'autre part, certains experts mentionnent que l'ajout de miroirs pour améliorer la vision indirecte des
conducteurs a l'effet adverse de nuire à la vision directe.

Il semble évident qu'il existé suffisamment de technologies aujourd'hui pour améliorer cette
problématique. Cependant, est-ce que les miroirs convexes sont la solution dans le cas de déneigement?
Je ne puis l'affirmer de façon formelle compte tenu de l'absence d'études sur la question.

Il me semble prématuré de demander à tous les véhicules lourds immatriculés au Québec d'avoir ces
miroirs. L'expert émet certaines réserves, spécialement dans le contexte d'opérations de déneigement,
lesquelles se font en grande majorité la nuit.

En résumé, je crois qu'il faut aller plus avant dans l'analyse de tous les systèmes possibles, tant de
caméras et de systèmes de détection de mouvements que de miroirs avant de prendre une position finale.

Cette situation ne veut cependant pas dire qu'il n'y a rien à faire dans l'intervalle. Je suis informé que la
Société de l'assurance automobile du Québec et le ministère des Transports du Québec procèdent
actuellement à des analyses et études quant aux miroirs convexes. Si les études sont concluantes, je crois
que l'on pourrait expérimenter le tout en collaboration avec la Ville de Montréal, dans un premier temps.

15
Il est relativement facile pour la Ville d'inclure dans son cahier des charges s'adressant aux entreprises de
déneigement une obligation d'équiper les véhicules lourds de miroirs convexes. Point n'est besoin alors
de modifier la réglementation existante avec tout ce que cette démarche comporte comme délai.

La Ville de Montréal a déjà une certaine expertise en la matière puisque les camions affectés au
ramassage des ordures ont été équipés de miroirs additionnels et, selon la preuve entendue, cet
équipement est fort apprécié des employés municipaux qui opèrent ces camions. Elle pourrait mettre à
profit l'expertise de ses employés en collaboration avec les organismes de transport, la Société de
l'assurance automobile du Québec et le ministère des Transports du Québec pour trouver une solution à
ce problème des angles morts pour les véhicules affectés aux opérations de déneigement.

Les équipements de déneigement doivent être le plus sécuritaires possible. L'opération de ces appareils se
fait pour beaucoup dans les zones résidentielles, à forte densité de population et de piétons. Il n'y a
aucune chance à prendre lorsqu'il est question de protéger la vie humaine.

Considérant l'expertise de la Ville de Montréal en cette matière, je pense qu'elle pourrait facilement être
un leader québécois en cette matière et faire preuve d'innovation en mettant à profit l'expérience de ses
employés. Par la même occasion, la question soulevée par l'expert de l'École polytechnique au niveau de
l'éclairage autour des véhicules pour rendre les miroirs performants pourrait faire l'objet des mêmes
études.

Les panneaux d'interdiction de camions

Au début de chaque rue où s'est produit un accident, les piétons pouvaient voir le panneau de
signalisation standard interdisant l'accès aux camions. Ce panneau, normalisé par le ministère des
Transports du Québec et utilisé à la grandeur de la province, est le suivant :

EXCEPTÉ
LIVRAISON
LOCALE

16
Naturellement, cette signalisation n'a pas pour effet d'empêcher un véhicule lourd qui va déneiger une rue
de circuler sur cette rue, et c'est ce qui s'est produit dans notre dossier, les véhicules lourds circulant
malgré cette interdiction dans le but d'y effectuer des travaux de déneigement.

Je me suis publiquement interrogé sur l'effet que pouvaient avoir ces panneaux pour les piétons et si leur
présence ne créait pas un faux sentiment de sécurité.

Afin de répondre à cette interrogation, j'ai mandaté M. Michel Lair, ingénieur et spécialiste en analyse
d'accidents, pour analyser la perception que pouvaient avoir les piétons de ces panneaux et l'effet sur eux
lors d'opérations de déneigement.

M. Lair a produit un excellent rapport sur la question. Comme sa conclusion était à l'effet que ces
panneaux de signalisation n'avaient aucun effet négatif sur les piétons et n'avaient pas causé une fausse
sécurité, je n'ai pas cru opportun de le faire entendre. Son rapport a néanmoins été remis à toutes les
parties intéressées.

Les heures de conduite

Deux des trois accidents qui ont fait l'objet de la présente enquête mettent en cause deux conducteurs de
véhicules lourds qui avaient manifestement dépassé les heures de conduite prévues à la loi.

Le bilan routier des véhicules lourds, bien qu'il se soit grandement amélioré depuis 10 ans, demeure
problématique.

On peut résumer les statistiques les concernant pour les années 2000 à 2005 de la façon suivante :

- les véhicules lourds représentent 3 % du parc des véhicules routiers;


- les véhicules lourds sont impliqués dans 12 % des accidents et 20 % des accidents avec blessés;
- 15 % des accidents impliquant un véhicule lourd seraient liés à la fatigue accumulée;
- 30 % à 40 % des accidents mortels seraient liés à la fatigue du conducteur;
- la moitié des conducteurs impliqués dans un accident lié à la fatigue avait dormi moins de six heures
la veille de l'accident.

17
La fatigue au volant, résultat direct du non-respect de la réglementation sur le sujet, est au cœur des
accidents routiers.

Dans le dossier spécifique de Mme St-Onge et de M. Pinet, et malgré le témoignage du conducteur, je suis
personnellement convaincu que le conducteur du véhicule lourd n'avait pas dormi beaucoup plus que les
six heures mentionnées dans les statistiques québécoises, considérant l'ensemble des activités qu'il avait
et qui furent mises en preuve devant le soussigné.

Dans le dossier de MmeLanouette, la conductrice du véhicule lourd dépassait également ses heures de
conduite.

Toutes les études démontrent qu'après 17 heures d'éveil, les performances physiques et mentales
décroissent considérablement et sont pires que si la personne avait un taux d'alcool de 0,05 g/L dans le
sang.

Je rappelle au lecteur que la limite légale pour conduire est de 0,08 g/L.

La fatigue au volant a donc pour conséquence une perte de vigilance et d'attention.

Les plus récentes études sur la question sont unanimes. Ce n'est pas la conduite comme telle que l'on doit
comptabiliser, mais l'ensemble des activités effectuées par un conducteur de véhicule lourd.

Qui plus est, cette fatigue au volant touche tous les conducteurs de véhicule routier, peu importe le type
de véhicule.

Une personne qui conduit son véhicule personnel après 17 heures d'éveil sans repos est aussi dangereuse
qu'un conducteur de véhicule lourd.

Voici un diagramme qui explique les cycles circadiens, maintenant reconnus comme étant le fondement
de toutes les études sur la fatigue au volant :

18
Les accidents routiers mortels liés à la fatigue
en fonction de l'heure de la journée - Influence
de l'horloge interne

Mitler, MM. et ail, USA (1988)

G Société lie f :e automobile du Québec, 2010

20

II est intéressant de noter que l'accident ayant coûté la vie de Mme Lanouette s'est produit à une période de
la journée où la vigilance du conducteur était en déclin. La preuve a démontré que la conductrice du
véhicule lourd avait dépassé ses heures de travail.

D'autre part, comme les opérations de déneigement se font de nuit, à un moment où la vigilance est à son
plus faible, il faut bien contrôler les heures de travail des personnes affectées à ces travaux.

Dans une opération de déneigement dans les secteurs résidentiels de la Ville de Montréal où de nombreux
piétons circulent au travers des automobilistes et où les poids lourds doivent aller dans des rues étroites
qui leur sont normalement interdites, une vigilance constante et appropriée est nécessaire pour ne pas
avoir d'accident.

Il n'existe pas de solution miracle à cette problématique. Depuis de nombreuses années, Contrôle routier
Québec fait des opérations pour tenter de sensibiliser et d'enrayer le plus possible cette problématique.

Les dernières statistiques que m'a fournies la Société de l'assurance automobile du Québec démontrent
qu'il existe un pourcentage de conducteurs récalcitrants et que seule une meilleure vérification et des
actions plus coercitives pourront donner des résultats.

19
Le contrôle des heures de conduite dans les opérations de déneigement est particulièrement
problématique. Selon la législation actuelle, le conducteur n'est pas tenu d'avoir sur lui sa fiche
journalière de travail, car il ne fait que du travail dans la ville.

Lors d'une interception, le contrôleur routier se retrouve donc très souvent avec aucun document au
moment de sa vérification pour établir si le conducteur a respecté ou non ses heures de travail. En
pratique, il doit alors faire une vérification à l'entreprise du conducteur dans les jours ou les semaines
suivantes. Ainsi, il sait après coup si le conducteur était ou non en droit de conduire.

Ajoutons que la preuve a démontré que Contrôle routier Québec a fait, dans la région montréalaise,
400 vérifications en entreprise au cours de la dernière année alors que 40 000 entreprises de transport sont
inscrites au registre de la Commission des transports du Québec. Un pour cent des entreprises a été
vérifié.

On me dira que les vérifications sont ciblées, mais il n'en demeure pas moins que c'est peu en regard du
nombre d'entreprises.

Il existe sûrement des façons de mieux contrôler les heures de travail des gens affectés aux opérations de
déneigement que ce qui se fait à l'heure actuelle. Lors d'une interception, le contrôleur routier est obligé
de se contenter de ce que lui dit le conducteur, sans aucun document à l'appui. Cette situation facilite
grandement le contournement de la loi.

D'un autre côté, notre législation est identique à toutes les autres législations en Amérique du Nord. Si
nous comparons nos statistiques, nos conducteurs sont parmi les moins délinquants!

Dans un contexte d'opération de déneigement, la vigilance et le repos prennent toute leur importance.

À la fin des auditions, un témoin a signalé que la Ville de Laval avait mis sur pied un système pour
scanner le code barre des permis de conduire de tous ceux qui travaillent aux opérations de déneigement,
et ce, depuis l'hiver 2010. Ainsi, tout employé d'une entreprise quelconque affecté au déneigement doit se
rapporter à un endroit précis avant le début de son travail et y faire scanner son permis de conduire au
début et à la fin de son quart de travail. C'est une façon simple de contrôler le nombre d'heures que fait
un employé, peu importe qu'il conduise un camion ou un autre appareil de déneigement.

20
Malheureusement et au moment où les auditions se sont tenues dans le présent dossier, il était impossible
de connaître les résultats de cette nouvelle façon de faire.

Il me semble opportun de demander au représentant de la Ville de Montréal, responsable du déneigement,


de contacter son collègue de la Ville de Laval afin de prendre connaissance des résultats de ce système et
de l'implanter, s'il y a lieu, à la Ville de Montréal dans les meilleurs délais.

Mieux contrôler les heures de travail des employés affectés au déneigement fait partie de la solution pour
régler le problème de la fatigue au volant. Ce n'est pas en changeant la législation que nous améliorerons
la situation, mais plutôt en appliquant plus rigoureusement la législation actuelle.

Contrôle routier Québec doit aussi continuer ses opérations de vérification des heures de conduite des
conducteurs de véhicules lourds et le faire avec encore plus d'insistance lors des opérations de
déneigement.

Les piétons

Les quatre victimes de la présente enquête sont des piétons. Trois d'entre elles étaient des personnes
âgées.

À la grandeur du Québec en 2009, 3137 piétons ont été victimes d'accident de la route et 68 d'entre eux
sont décédés. Sur l'île de Montréal pour la même année, 1 367 piétons ont été victimes d'accidents de la
route et 20 en sont décédés.

Il faut souligner les efforts du Service de police de la Ville de Montréal puisque, de 2004 à 2007, il y avait
en moyenne 25 piétons décédés à Montréal et le nombre de blessés totalisait en moyenne 1 525 personnes
incluant les personnes décédées.

Il y a donc une amélioration. Les quatre victimes de la présente enquête font malheureusement partie de la
statistique 2009 des 20 personnes décédées.

21
Transports Canada a publié une étude en 2010 sur les usagers de la route vulnérables qui sont victimes
d'accidents mortels. Les usagers de la route vulnérables sont définis comme des piétons, des
motocyclistes ou des cyclistes.

Certains extraits de cette étude méritent d'être cités au long puisqu'ils collent parfaitement à la présente
enquête.

SOMMAIRE DES CONCL USIONS PRINCIPALES

Piétons

• Soixante-quinze pour cent (75 %) des collisions mortelles impliquant des piétons se sont
produites sur des routes urbaines.
• Trente-quatre pour cent (34 %) des piétons mortellement blessés étaient des aînés (âgés
d'au moins 65 ans).
, • Seulement six pour cent (6 %) des piétons mortellement blessés étaient âgés de moins de
loans.
• Soixante pour cent (60 %) des piétons tués dans des collisions tentaient de traverser la
route.
• Au moins trente-trois pour cent (33 %) des piétons mortellement blessés étaient en tort
dans la collision.
• Trente-trois pour cent (33 %) des piétons mortellement blessés ont été frappés par un
véhicule dont le conducteur avait commis une infraction aux règlements de la circulation
avant la collision.
• Les piétons âgés ont été les plus susceptibles d'être tués en traversant la route alors qu 'ils
avaient la priorité de passage.

En fait, les piétons âgés (les personnes âgées d'au moins 65 ans) sont les plus susceptibles
d'être tués dans une collision. Une proportion de 35 % des piétons tués étaient des aînés,
alors que ces derniers ne représentaient que 13 % de la population canadienne. Le
vieillissement de la population fait en sorte qu 'on peut s'attendre à ce que le nombre de
victimes appartenant à ce groupe démographique augmente, à moins que des mesures
d'amélioration de la sécurité des piétons ne soient prises.

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Collisions mortelles impliquant des piétons âgés

Les piétons plus âgés peuvent avoir une vue, une ouïe ou des habiletés motrices réduites,
ce qui peut diminuer leur capacité à se déplacer en sécurité. Il peut être plus long pour
eux de percevoir la circulation automobile et d'y réagir. Souvent, il leur faut plus de
temps pour traverser la rue que les autres piétons. En fait, les conflits liés à la priorité de
passage constituent un facteur de risque important. Environ 16 % des piétons âgés
mortellement blessés ont été frappés par un véhicule dont le conducteur avait omis de
céder le passage. Les rues passantes des centres urbains sont particulièrement
dangereuses pour les aînés. En effet, 88 % des piétons âgés mortellement blessés ont
perdu la vie en milieu urbain.

Ces statistiques sont le portrait des accidents sous étude :

- le premier accident est dû en partie au non-respect de la réglementation par la piétonne;


- les deux autres accidents sont des piétons qui tentaient de traverser la rue alors qu'ils avaient priorité
de passage;
- trois des quatre victimes étaient âgées de plus de 65 ans.

Avec la population vieillissante, il est important de bien informer les usagers de la route et les piétons des
obligations, règles et dangers qui les guettent.

J'ai fait une recherche via Internet dans la banque de documents de la Société de l'assurance automobile
du Québec et, sauf erreur de ma part dans cette recherche, j'ai trouvé deux documents s'adressant aux
piétons. Il s'agit de Traverser la rue, un pas de travers et c'est l'enfer... et de Piéton et conducteur
vigilants pour la vie.

Il s'agit d'excellents documents expliquant les règles de sécurité à avoir et résumant les règles prévues au
Code de la sécurité routière du Québec quant aux devoirs des piétons et des automobilistes dans le
partage de la route.
Je remarque cependant que ces documents sont tout à fait silencieux sur la question des véhicules lourds
et du comportement que l'on doit adopter en tant que piéton en présence d'un véhicule lourd.

La Société de l'assurance automobile du Québec a publié un document à l'intention des automobilistes


sur la question des angles morts, mais je n'ai retrouvé, dans la banque documentaire de la Société de
l'assurance automobile du Québec, aucun document pour les piétons sur cette question.

Lorsqu'on tient compte de la forte densité piétonnière que l'on retrouve dans certains secteurs de la Ville
de Montréal et ailleurs au Québec, il est important de bien informer les piétons sur là réalité des angles
morts affectant les véhicules lourds.

Peu de gens réalisent à quel point un conducteur de véhicule lourd a des angles morts et à quel point des
zones complètes tout autour de son camion sont invisibles pour lui.

À titre d'exemple, le deuxième accident dans ce dossier est un bel exemple de cette méconnaissance des
poids lourds. Les témoins entendus ont signalé que les victimes se trouvaient tout près du camion, sur le
trottoir, directement dans l'angle mort du conducteur du véhicule lourd. Les victimes ont commencé à
marcher et ont traversé la rue alors que la lumière est tombée au vert, mais tout au long de cette
manœuvre, il était tout à fait impossible pour le conducteur du camion de voir leur présence.

Si les victimes avaient été à six pieds du camion et non pas tout près de celui-ci, elles auraient déjà été
partiellement visibles pour le conducteur du poids lourd et ce dernier aurait pu les voir.

Une méconnaissance de cette réalité est en partie responsable de cet accident.

Il serait utile pour tous les citoyens que l'on précise cette réalité dans la documentation qui s'adresse à
eux et d'en faire une campagne de sensibilisation au niveau provincial.

C'est par la formation et une information de chaque utilisateur de la route que nous préviendrons le plus
d'accidents.

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D'autre part, certains piétons ignorent volontairement ou non la réglementation qui s'applique à eux. Le
premier accident est aussi un bel exemple de cette situation. La traverse des piétons aux croisements des
rues est le premier endroit d'accidents. Puisque 33 % des piétons sont responsables de ces accidents, on
peut présumer qu'ils ne connaissent pas les règles ou sont indisciplinés.

Il m'apparaît essentiel de rappeler les règles aux piétons et une campagne d'information en ce sens ne
serait pas superflue.

Des recommandations en ce sens seront faites à la fin du présent rapport à la Société de l'assurance
automobile du Québec.

La rémunération des conducteurs de camion

II me semble opportun d'aborder succinctement cette question, car elle fait souvent l'objet de débats dans
l'opinion publique.

Qui plus est, nous nous sommes questionnés publiquement sur cette question en analysant les accidents
au présent dossier.

Cette question n'était cependant pas pertinente dans le premier accident analysé, car il ne s'agissait pas de
chargement de neige, mais de l'opération d'une niveleuse.

Elle était cependant tout à fait pertinente dans les deux autres accidents et j'ai tenté de savoir si le mode
de rémunération du conducteur du véhicule lourd avait pu avoir un effet sur l'accident.

Dans le dossier de M. Pinet et de Mme St-Onge, le conducteur du véhicule lourd était le propriétaire de
l'entreprise de transport de neige. Cette entreprise effectue le transport de neige dans le même secteur de
la Ville de Montréal depuis le début des années 2000. Son contrat avec l'entrepreneur général prévoit
qu'il fournit les camions et les conducteurs pour ramasser la neige dans ce secteur précis.

Il est le seul entrepreneur à opérer dans ce secteur et sa rémunération est calculée en fonction du nombre
de centimètres de neige au sol.

25
Ses conducteurs de camion sont engagés sur une base annuelle et payés à la semaine, et non pas au
nombre de voyages effectués ou encore au nombre d'heures travaillées.

Il n'y a donc aucune compétition entre les camionneurs pour effectuer le transport de neige dans ce
secteur ni aucun élément économique qui pourraient inciter un conducteur de camion à aller plus vite que
les autres. La période de ramassage de neige est également prévue au contrat et varie naturellement selon
. la quantité de neige tombée.

Au moment de cet accident, l'opération s'achevait et les conducteurs de camion en étaient presque à leur
dernier voyage.

La situation est presque identique dans le cas de l'accident ayant coûté la vie à Mme Lanouette. La seule
nuance est que la conductrice n'était pas propriétaire de l'entreprise et qu'elle était rémunérée sur une
base horaire et non pas au volume.

Dans ce secteur également, il n'y a qu'un seul entrepreneur affecté au transport de neige et donc aucune
compétition entre camionneurs.

Ainsi, et dans le cas des accidents sous étude, je ne peux voir aucun lien entre la rémunération des
conducteurs de camion et les accidents.

Existe-t-il un lien entre le délai donné aux entrepreneurs pour dégager un secteur de toute la neige et les
accidents? Je n'ai pas la réponse à cette question. Il me semble évident cependant que la population
demande aux municipalités des services dont, entres autres, un déneigement rapide après une chute de
neige, et les municipalités tentent de donner ce service à leurs citoyens. Ce faisant, elles créent alors une
situation où un entrepreneur doit fournir un travail donné dans un laps de temps précis sous peine
d'amendes contractuelles.

Un représentant de la Ville de Montréal a témoigné devant moi à l'effet que les délais accordés dans les
contrats étaient suffisants pour faire un bon travail sans contourner la loi et que ces délais n'étaient pas
indus.

Je n'ai pas de preuve contraire, mais je crois que l'on doit s'interroger collectivement sur cette demande
de service que l'on veut rapide, et des conséquences qu'elle provoque.

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Après la survenance des décès qui ont fait l'objet de la présente enquête, le gouvernement a mis sur pied
un groupe de travail. Il s'agit du Comité stratégique pour un déneigement sécuritaire. Ce groupe de travail
est toujours actif et la réflexion que je propose devrait leur être soumise. Collectivement, il faut discuter
de ces enjeux et de toutes les conséquences humaines qu'ils engendrent.

CONCLUSION

Tous les décès qui ont fait l'objet de la présente enquête sont accidentels, mais étaient tous évitables.

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RECOMMANDATIONS

À la Société de l'assurance automobile du Québec et au ministère des Transports du Québec :

• de continuer les études entreprises quant à la valeur et à l'opportunité que les véhicules lourds
soient équipés de miroirs convexes ou d'autres dispositifs permettant de réduire les angles morts;

• d'effectuer ces études en collaboration avec la Ville de Montréal.

À la Ville de Montréal :

• de collaborer avec la Société de l'assurance automobile du Québec et le ministère des Transports


du Québec aux études sur les miroirs convexes ou d'autres dispositifs permettant de réduire les
angles morts des véhicules lourds;

• d'expérimenter sur son territoire le résultat de ces études en modifiant le cahier des charges des
entrepreneurs en déneigement afin d'y inclure les nouveaux équipements comme obligation
contractuelle;

• de mettre en place, s'il y a lieu, un mécanisme similaire à celui en place à la Ville de Laval afin
de scanner le permis de conduire de tous les travailleurs affectés aux opérations de déneigement
et ainsi contrôler les heures de travail de ces personnes.

A Contrôle routier Québec :

• d'augmenter de façon significative ses vérifications en entreprise afin de mieux contrôler les
heures de travail des conducteurs de véhicules lourds;

• d'augmenter sa présence et ses opérations lors des opérations de déneigement.

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À la Société de l'assurance automobile du Québec :

• de mettre sur pied une campagne de sensibilisation des piétons quant à la réalité des angles morts
des véhicules lourds et de leurs conséquences pour leur sécurité comme piéton;

• d'informer les piétons de leurs obligations légales lorsqu'ils traversent une route et des règles qui
les régissent;

• de modifier leurs documents à l'intention des piétons afin d'y inclure toute l'information sur les
angles morts des véhicules lourds et des conséquences pour leur sécurité.

Au Comité stratégique pour un déneigement sécuritaire :

• d'amorcer une réflexion sur le déneigement dans les villes, les demandes de déneigement dans un
cours laps de temps et des conséquences de ces demandes sur le milieu.

Québec, ce 1er décembre 2010

Me Luc Malouin
Coroner

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ANNEXE 1

LA PROCEDURE

En date du 6 février 2009, la coroner en chef du Québec, Dre Louise Nolet, ordonnait la tenue d'une
enquête publique afin d'éclaircir les causes et les circonstances entourant les décès de Mme Mme Rajaa
Benkiram, Mme Solange St-Onge et M. Jean-Paul Pinet et de Mme Lucie Rivard Lanouette.

Les audiences publiques se sont déroulées au palais de justice de Laval les 22, 23 et 25 février et les 17 et
18 juin 2010.

J'ai reconnu comme parties intéressées lors des audiences :

— Mme Diane Morneau et M. Robert Lessard, de la famille de Mme St-Onge;


— M. Abdeslem Alani Marrouni, conjoint de feu Mme Rajaa Benkiram;
— La Société de l'assurance automobile du Québec, représentée par Me Marc-Denis Quintin;
— La Ville de Montréal, représentée par Me Philippe Berthelet;
— L'Association des camionneurs du Québec, représenté par Me Ghislain Bernier;
— M. Marc Choquette, représenté par Me Yvon Chouinard.

J'ai été assisté lors des audiences par Me Christian Hacquin, procureur.

Des pièces et des transcriptions papier de présentations PowerPoint ont été déposées sous les cotes C-l à
C-24.

16 témoins ont été entendus, dont un expert.

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