Vous êtes sur la page 1sur 7

Analyse de l’impact climat de capacités

additionnelles solaires photovoltaïques


en France à horizon 2030
Une étude est sortie sur l’impact des installations photovoltaïques (PVs) françaises sur les
émissions carbone en France et en Europe. Cette étude, réalisée par Artelys et I Care & Consult, a
été commandé par France Territoire Solaire.

Je vous le dis tout de suite, je n’ai pas regardé tous les chiffres à la loupe. Je n’ai pas de raison de
croire que Artelys et I Care & Consult se soit trompé dans leurs estimations.

Que dit l'étude ? Le PV évite des émissions de CO2. Mais les détails de l’étude sont très
intéressants.

Méthode
L’étude se base sur des simulations qui prennent en compte plusieurs scénarios :

Hypothèse basse (HB) : on applique l'hypothèse basse de la programmation pluriannuelle


de l’énergie (PPE) ce qui représente un peu plus de 42 GW de solaire
Hypothèse haute (HH) : on applique l'hypothèse haute de la programmation pluriannuelle
de l’énergie (PPE) ce qui représente un peu plus de 54 GW de solaire.

Pour ceux qui ne connaissent pas la PPE, voici une description

Ces simulations sont exécutées sur un pas horaire sur l’année de référence 2030 et prennent en
compte la production et la consommation de la France et des pays voisins. En somme, c’est une
simulation du réseau européen qui prend en compte l’ensemble des moyens de production et
des moyens d’interconnexion.

Il y a une raison au choix de 2030 est l’horizon du PPE (scénario français), mais c’est aussi un
horizon prit en compte par « Sustainable Transition » du TYNDP 2018 de l’ENTSO-E (scénario
groupant ceux des pays membres de l’ENTSO-E).

Les simulations sont effectuées suivant le « merit-order ». Cette notion est très importante pour
comprendre pourquoi les capacités sont en concurrence. Il s’agit d’appeler les moyens de
production qui ont le plus faible cout à un moment donné (je simplifie). Pour plus de détail, voir
connaissande de l'énergie.
Enfin, le calcul des émissions évité est on ne peut plus simple. Il s’agit : CO2 évité = CO2 direct
émis HH — CO2 direct émît HB — CO2 émis PV.

Hypothèses
Il y a plusieurs hypothèses pour arriver au résultat qui sont liées aux scénarios.

La capacité du solaire est dans l’hypothèse la plus basse de 41,5 GW (la plus haute de 54GW
(+12.5 GW))
Le contenu carbone du PV : l'étude a réalisé une ACV sur les panneaux solaire (voir à la fin)
The last one, the elephant in the room: une baisse du nucléaire de 63 GW à 57 GW.

Résultats
Avec une augmentation de 12,5 GW de PV qui produiraient 14.2TWh, on pourrait éviter l’émission
de 3.83 MtCO2évité/an (ce qui représente 238gCO2evité/kWh).

Comment se répartit cette diminution des émissions de CO2 ? Pour répondre, il faut suivre la
répartition des 14,2 TWh supplémentaires produits :

6.8TWh vont directement impacter le nucléaire. Il faut comparer à la production prévue


alors de 381TWh. Vous me direz que c’est peu par rapport au nucléaire (~2 %), mais ça
représente 48 % de l’énergie produire par ces 12,5 GW de PV supplémentaires qui ne
servent pas à décarboner. L’augmentation de la production d’énergie décarbonée en France
est de 7,4 TWh.
1.1TWh serviront à diminuer le recours à des centrales thermiques fossiles en France. Ici, on
économise 0,43 MtCO2 d’émission sur le sol français.
Enfin, 6,0 TWh partent en export.

En somme, la distribution est la suivante :


En Europe, l’augmentation des exports va mécaniquement faire baisser des centrales thermiques
fossiles à l’étranger (toujours suivant le merit-order). Sur les 6 TWh exportés :

0.3 TWh devrait faire baisser le nucléaire en Europe (pas de gain de CO2)
2.2 TWh devrait faire baisser le charbon européen (2,02 MtCO2 évités !)
3.3 TWh devrait faire baisser le gaz européen (1,36 MtCO2 évités)
Auquel, il faut ajouter un tout petit peu de fioul (0,02 MtCO2 évités)

Donc au total, l’augmentation du PV en France devrait permettre d’éviter l’émission de 3,40


MtCO2/an de CO2 (270 gCO2Evité/kWh a l’échelle européenne).

Mais tous ces chiffres sont valides si les hypothèses de départ sont respectées. L’étude a pris un
scénario supplémentaire. Que se passe-t-il si l’on ne baisse pas la production nucléaire française
comme le prévoit le PPE ? Il y aurait donc en plus des 12,5 GW de PV, 6 GW de nucléaire. Ces 6
GW de nucléaire produisent plus d’énergie. En conséquence, les capacités d’export (les
interconnections) sont plus sollicitées au point d’être saturées. Au lieu d’exporter 6 GWh comme
précédemment, on en exporte que 4,5 TWh (1,5 de charbon et 2,3 de gaz) qui permettent d’éviter
2,7 MtCO2/an. En France, où cette énergie serait coincée, l’impact serait porté principalement sur
le nucléaire avec 8,4 TWh de moins et 1TWh de moins pour les centrales au gaz (0,4
MtCO2Evite/an).
Résumons :

Dans le cadre du respect de la PPE, la différence entre l’hypothèse haute et l’hypothèse


basse correspond à un écart de 12 GW (14,2 TWh). Cette surproduction permet de réduire
les émissions de CO2 de 3.83MtCO2/an (0,43 en France, 3,4 en Europe). Le solaire effacerait
6,8 TWh de nucléaire en France.
Dans le cas d’une non-réduction de la production du nucléaire en France et toujours avec
une augmentation de 12 GW (14.2 TWh) de production solaire, la baisse des émissions de
CO2 en Europe serait de 2,71 MtCO2/an (0,4 en France et 2,31 en Europe). Le solaire
effacerait 8,4 TWh.

Stockage
Il y a un autre moyen d’augmenter la quantité de CO2 évité. C’est avec le stockage. je n’en ai pas
encore parlé, mais il permet de faire de évoluer les résultats et d’augmenter le CO2 évité.

Plutôt que d’impacter le nucléaire, avec des moyens de flexibilité (stockage) ont pourrai
augmenter de l’ordre de 60 gCO2evité/kWh de PV. Problème : dans l’étude, on ne sait pas quelle
puissance doit être installée. Est-ce qu’il s’agit de quelques STEP ? A priori ce n’est pas suffisant. Ils
parlent de stockage hydrogène (qu’on attend toujours). Chose intéressante, c’est que l’étude
envisage ce stockage pour un usage permettant l’augmentation de la consommation (mobilité,
industrie, bâtiment) ou pour permettre d’assouplir la maintenance des centrales nucléaires (je
sens que ça va en faire tiquer plus d’un).

Les 60 gCO2evité sont bien sûr à mettre en comparaison avec les 238gCO2evité sans stockage.
Au total, cela représente dans le meilleur des cas 1 MtCO2Evité/an.

Conclusion
Conclusion : On paye pour décarbonner les voisins. La PPE à la base est sensée allouer des
moyens pour décarboner notre mode de vie. Il est vrai que CO2 ne s’arrête pas à la frontière et
que le réchauffement est un problème global. Avec ce mécanisme, on paye pour que les voisins
baissent leurs émissions… Je vous laisse juger la chose, surtout quand on voit comment les
voisins ont décidé de se décarboner.

Quand on regarde les derniers appels d’offres pour du solaire en France (https://www.ecologique
-solidaire.gouv.fr/solaire#e9), on voit qu’il est à 66 €/MWh. Si le même taux est appliqué, alors les
14.2TWh supplémentaires couteraient 937 millions d’euros ce qui représenterait 244 millions
d’euros par MtCO2Evite/an. Pour information, la France émettait 324 MtCO2/an sur son territoire
en 2016.

Il y a des moyens probablement plus efficaces pour réduire les émissions de CO2 à cout moindre
(isolation, renouvelable thermique, transport).
France Europe
France Europe
Scénario Cout de la tonne Cout de la tonne
Production Export
évitée evitée
CO2 Evité CO2 Evité

0.0524
tCO2Evité/MWh 0.5667tCO2Evité/MWh
PPE 52,4 566.7gCO2Evité/kWh
+12 GW 8,2 TWh gCO2Evité/kWh
6 TWh
PV 0.43 116€/tCO2Evité (a 66€
3.4MtCO2Evité
57GW MtCO2Evité 1260€/tCO2Evité le MWh)
Nucléaire (a 66€ le MWh) 53€/tCO2Evité (a 30€
572€/tCO2Evité (a le MWh)
30€ le MWh)

0.0417
Non tCO2Evité/MWh 0.5133tCO2Evité/MWh
respet du 513.3gCO2Evité/kWh
PPE 9.6 TWh 41.7
4.5 TWh
+12 GW 0.4 gCO2Evité/kWh 128€/tCO2Evité (a 66€
2.31MtCO2Evité
PV MtCO2Evité 1582€/tCO2Evité le MWh)
63GW (a 66€ le MWh) 58€/tCO2Evité (a 30€
Nucléaire 720€/tCO2Evité (a le MWh)
30€ le MWh)

On peut tirer une conclusion intéressante : moins il y a de nucléaire, plus le solaire est efficace
pour retirer du CO2 ! Autrement dit, la réduction du nucléaire se fait donc à l’avantage des
énergies fossiles et aux dépens du climat. Mais heureusement que le solaire est là pour
compenser un outil qui marche et qu'on met au rebut ! De plus, l'ajout de 12.5 GW ne permet de
décarbonner la France, mais décarbonne systématiquement les voisins.

La réduction des emissions de CO2 au niveau européen en jouant sur le mix français est un
objectif que je peux comprendre. Seul soucis : le PPE ne permet pas de le faire. Ni par
l'installation d'infrastructures (pas assez d'interconnexion et retrait de production bas carbone) ni
par la mise en valeur de ces tonnes de CO2 évité (les français paye deux fois : pour ne pas
augmenter leur émissions de CO2 liées au réseau électrique en ajoutant plus de système bas
carbon qu'ils en retirent, pour réduire le CO2 chez les voisins parce qu'ils sont généreux).

Note de fin
Note de fin : Le prix du PV peut descendre à l'avenir. L'étude imagine ce qu'il se passe si le PV
devient rentable et ne demande plus de subvention du CRE. Conclusion ? Le PV pourrait émettre
plus de CO2. Dans l'étude il est estimé à 32gCO2/kWh.

Vous aimerez peut-être aussi