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DOSSIER hygiène

Évolution des risques microbiologiques


alimentaires
Florence Dubois-Brissonnet1,2, Murielle Naïtali1,2, Laurent Guillier3
(1)
AgroParisTech, Département Sciences et Procédés des Aliments et des Bioproduits (2) INRA UMR Micalis (3) Anses, Laboratoire de Sécurité des aliments

L’étiologie des intoxications alimentaires a considérablement changé au cours des années. Les micro-organismes pathogènes
connus sont surveillés et relativement bien maîtrisés. Cependant, les souches microbiennes sont capables d’évoluer en acquérant
de nouveaux facteurs de virulence, des gènes de résistance aux antibiotiques ou en s’adaptant à des environnements habituel-
lement hostiles. Par ailleurs, les modifications climatiques, les changements dans les pratiques agricoles et/ou technologiques,
la globalisation des échanges commerciaux, les changements des pratiques de consommation, peuvent favoriser la survie et la
dissémination des pathogènes et donc modifier l’exposition des consommateurs. Tous ces facteurs, associés à l’accroissement des
sous-populations humaines sensibles (personnes âgées, immunodéprimées…) conduisent à l’émergence de nouveaux pathogènes
dans les filières agro-alimentaires.

Au début du XXe siècle, de nombreuses maladies infectieuses,


Abstract comme la fièvre typhoïde, la tuberculose bovine ou la brucellose,
The etiology of food poisoning has changed considerably over time. ont pu être circonscrites avant la découverte des antibiotiques grâce
Well-established pathogens are relatively well-controlled. However, aux efforts considérables dans le contrôle des maladies animales,
microbial strains are able to evolve by acquiring new virulence fac- dans le traitement des eaux potables et usées ou grâce à la stérilisa-
tors or antibiotic resistance genes and by developing better tolerance tion du lait (Tauxe, 1997). Mais dans le même temps, de nouveaux
to harmful environments. In addition, climate changes, changes in risques alimentaires sont apparus. Les principaux pathogènes ayant
agricultural and / or technological practices, globalization of world émergé ces 30-40 dernières années, bactéries, virus ou parasites, sont
trade, changes in consumption practices, can promote survival and listés dans le tableau 1. On y trouve en premier lieu des bactéries
spread of pathogens and thus can modify consumer exposure. All psychrotrophes qui se sont imposées du fait de la généralisation de
these factors combined with the increase in human sensitive subpo- la réfrigération dans les procédés alimentaires. Il s’agit par exemple
pulations (elderly, immunocompromised ...) lead to the emergence de Listeria monocytogenes, Yersinia enterocolitica ou des Clostridium
of new pathogens in food chain. botulinum non-protéolytiques. Il y a aussi de nombreuses bactéries
zoonotiques, telles que les Campylobacter, les Escherichia coli enté-
ro-hémorragiques (EHEC) et Vibrio parahaemolyticus ou vulnificus,
Introduction qui sont associés à un réservoir animal ciblé, respectivement les oi-
La sécurité sanitaire des aliments est un enjeu considérable dans seaux dont les volailles, les bovins et les produits de la mer. Enfin,
notre société tant sur le plan de la santé publique que sur le plan éco- d’autres bactéries comme Salmonella dont le caractère pathogène
nomique. Le règlement (CE) n°178/2002 du Parlement européen est bien connu ont récemment acquis des propriétés particulières
du 28 janvier 2002 (« food law ») précise les prescriptions relatives de résistance ou ont été transmises à l’Homme via des aliments in-
à la sécurité des aliments et impose aux acteurs des filières agro-ali- habituels (végétaux crus, beurre de cacahouète, etc…).
mentaires une obligation de résultats dans ce domaine (Anonyme,
2002). Les règlements du paquet hygiène qui en découlent, dont le
règlement (CE) n°852/2004, précisent les modalités d’application
et imposent notamment l’utilisation du système HACCP(1) pour
la maîtrise des dangers (Anonyme, 2004). La sécurité sanitaire est
donc considérée par le législateur, les acteurs de la filière mais éga-
lement le consommateur (Grunert, 2005), comme une obligation
absolue, non négociable et indépendante du produit et de son coût.
Cependant, en France, le nombre de Toxi-Infections Alimentaires
Collectives(2) (TIAC) déclarées reste relativement constant depuis
une dizaine d’année avec des valeurs autour de 13 000 cas/an (12
236 cas en 2011 (INVS, 2014)). D’après les estimations du rapport
« Mortabilité et morbidité dues aux maladies infectieuses d’origine
alimentaire en France » publié en 2004 par l’InVS et l’Anses, ces
chiffres seraient bien en deçà de la vérité. Le nombre réel d’intoxi-
cations alimentaires microbiologiques en France se situerait plus
probablement autour de 250 000 /an en regroupant les TIAC et
les autres intoxications d’origine bactérienne, virale et parasitaire
(InVS Anses, 2004). Ces chiffres témoignent de la difficulté encore
aujourd’hui à maîtriser totalement les pathogènes dans les filières
agro-alimentaires, malgré un niveau d’hygiène toujours croissant
(Baron et al., 2012). Cette difficulté est en partie liée à l’évolution Tableau 1 : Liste des principaux micro-organismes pathogènes alimentaires
constante des risques microbiologiques. ayant émergé depuis les années 1970 et maladies humaines associées.

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hygiène DOSSIER

L’émergence des risques liés aux micro-organismes pathogènes ali- Salmonella Typhimurium DT 104 est l’une des premières souches
mentaires est attribuée à différents facteurs, généralement regrou- pathogènes alimentaires à avoir acquis une multi-résistance aux anti-
pés en trois catégories : l’évolution des souches, de leurs modes de biotiques dans le courant des années 1980. Elle cumule la résistance
transmission à l’Homme et de la sensibilité de ce dernier (Figure à l’ampicilline, au chloramphénicol/florfénicol, à la streptomycine,
1). Nous allons détailler ci-dessous quelques-uns de ces facteurs aux sulfamides et aux tétracyclines (Velge et al., 2005). Depuis
majeurs. 2002, le centre national de référence (CNR) des Salmonella, à l’Ins-
titut Pasteur, a constaté l’émergence préoccupante d’une souche
de Salmonella Kentucky multi-résistante, en particulier aux fluoro-
quinolones, antibiotiques utilisés en traitement des salmonelloses
sévères (Le Hello et al., 2011). D’autres genres sont aussi concer-
nés. Au début des années 1990, on a vu apparaître des souches de
Campylobacter résistantes à la tétracycline, à l’acide nalidixique ou
à l’érythromycine (Mégraud et Prouzet-Mauléon, 2004), mais sur-
tout aux fluoroquinolones qui sont régulièrement utilisés en élevage
de poussins (Smith et Fratamico, 2010). Enfin, certaines souches de
Listeria monocytogenes ont aussi acquis des résistances à un ou plu-
Figure 1 : Principaux facteurs d’évolution des risques microbiologiques sieurs antibiotiques (Walsh et al., 2001).
Pour l’Europe et la France, un plan de réduction des risques d’anti-
1- Évolution des souches microbiennes biorésistance en médecine vétérinaire a été défini pour les années à
Les bactéries ont une importante faculté d’évolution grâce notam- venir (MAAF, 2011), mais il devient urgent de traiter le problème
ment à des transferts horizontaux de gènes. Chez de nombreuses à l’échelle mondiale. En effet, les voyages et les échanges commer-
bactéries pathogènes comme Yersinia ou Salmonella, les gènes de ciaux internationaux accélèrent la circulation des souches et le trans-
virulence sont regroupés sur de longues séquences d’ADN chro- fert des gènes de résistance aux antibiotiques à travers le monde.
mosomiques, appelés îlots de pathogénicité, certainement issues Adaptation à un environnement difficile et persistance
d’insertions anciennes. Par ailleurs, certains facteurs de virulence Malgré des procédures de nettoyage-désinfection régulières, cer-
ou de résistance sont portés par des plasmides, éléments génétiques taines bactéries pathogènes sont capables de survivre et de persister
mobiles. dans les environnements industriels (Hald et al., 2003; Carpentier
Acquisition de facteurs de virulence et Cerf, 2011). Cette persistance est souvent associée à la présence
Le sérotype E. coli entéro-hémorragique EHEC O157 :H7 ayant de biofilms, communautés microbiennes adhérentes à une sur-
émergé dans les années 1980 a évolué à partir d’un ancêtre non-pa- face et engluées dans des exopolymères microbiens (Bridier et al.,
thogène qui a progressivement acquis plusieurs gènes lui conférant 2011). La vie au sein de ces biofilms protège les bactéries contre des
un niveau élevé de pathogénie, notamment les gènes stx1 et stx2 co- conditions défavorables telles que de la dessiccation ou des actions
dant pour les shiga-toxines (Kelly et al., 2009). Cette souche est de désinfection ; elle leur permet de survivre en s’adaptant grâce à
aujourd’hui souvent mise en cause dans des intoxications liées à la des mécanismes de réponse au stress. Des variants phénotypiques
consommation de steaks hachés mal cuits. Elle peut provoquer des hyper-résistants, appelés « persisters » peuvent aussi apparaitre en
diarrhées, colites hémorragiques ou, plus grave, le Syndrome Hé- proportion non négligeable (Lewis, 2001). De plus, la vie en bio-
morragique et Urémique (SHU), qui peut être fatal chez les jeunes film favorise les transferts génétiques, du fait de la proximité entre
enfants (Brugère et al., 2012). Depuis 2000, d’autres sérotypes pa- souches mais aussi par stabilisation des plasmides (Madsen et al.,
thogènes d’EHEC (O26, O103, O111, O145) ont émergés comme 2012). Ceci facilite l’émergence de variants génétiques stables ayant
agents responsables du SHU (CDC, 2009). C’est également le cas des propriétés spécifiques de formation de biofilms ou de résistance
de la souche d’E. coli O104 :H4, qui a provoqué une grave épidémie aux désinfectants (Boles et al., 2004).
en 2011 suite à la consommation de graines germées de fenugrec,
majoritairement en Allemagne avec 3842 cas dont 855 SHU (Ro- 2- Voies inhabituelles de transmission à l’Homme
bert Koch Institute, 2011), mais aussi dans plusieurs autres pays Changements climatiques
européens dont la France avec 12 cas à Bordeaux dont 7 SHU (Avis Les conditions climatiques ont un rôle important à la fois dans les
de l’Anses, 2011). Cette souche était à l’origine un E. coli entéro-ad- modes de survie, de persistance ou de transmission des pathogènes à
hérent (EAEC), qui a acquis le gène stx2 par transfert horizontal. l’Homme. Après des périodes de précipitations brutales et importantes,
Elle a donc été classée dans une catégorie d’E. coli EHEC atypiques. une augmentation des maladies diarrhéiques est par exemple observée
Acquisition de résistances aux antibiotiques chez les populations ayant des infrastructures sanitaires sommaires (Ti-
Le nombre de bactéries alimentaires résistantes ou multi-résistantes rado et al., 2010). Dans les pays industrialisés, en période de forte pluie,
aux antibiotiques est en augmentation constante depuis une ving- les eaux usées sont rejetées dans les rivières ou les mers par les déversoirs
taine d’années, laissant craindre la perspective d’impasse théra- d’orage, conçus pour protéger les stations d’épuration (Petit et Cour-
peutique pour les infections les plus sévères. Cette multi-résistance noyer, 2010). Les eaux de mer et les élevages de coquillages à proximité
concerne surtout les bactéries zoonotiques, telles que Campylobac- des bouches de sortie des canalisations peuvent alors potentiellement
ter ou Salmonella, qui deviennent résistantes aux antibiotiques uti- être contaminés par les eaux usées non traitées.
lisés en médecine vétérinaire. En effet, même si l’utilisation d’anti- Modes de production agricole
biotiques en tant que facteurs de croissance est interdite en Europe Les élevages à très large échelle, notamment de volailles, ont favorisé,
depuis 2006, ceux-ci continuent à être utilisés dans l’élevage en depuis la fin du XXème siècle, les intoxications de grande ampleur.
prophylaxie(3) (ex : sevrage du porcelet) ou en métaphylaxie(4). Par Entre mai et novembre 2010, 1 939 salmonelloses ont par exemple
ailleurs, à l’échelle mondiale, de nombreux pays producteurs de pro- été provoquées aux Etats-Unis par la consommation d’œufs coquille
duits animaux sont encore utilisateurs d’antibiotiques de manière provenant d’un même producteur dont le cheptel s’élevait à plus de
massive. 15 millions de volailles (CDC, 2010).

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DOSSIER hygiène

La création de nouvelles zones de production, notamment dans des éviter une infestation par la mouche du fruit, mais ce procédé avait
pays en voie de développement, peut révéler brutalement l’existence permis aux salmonelles de s’introduire au cœur des mangues (Si-
et la virulence d’un pathogène jusque-là inconnu. On peut citer par vapalasingam et al., 2003). La souche multi-résistante Salmonella
exemple l’épidémie provoquée en 2000 aux Etats-Unis par Cyclospo- Typhimurium DT 104 est apparue dans les années 1990 en Eu-
ra cayetanensis suite à la consommation de framboises fraîches pro- rope et aux Etats-Unis, puis partout dans le monde à l’exception de
duites au Guatemala (Ho et al., 2002). l’Australie et de la nouvelle Zélande. Il est probable que ce soit la
Par ailleurs, la modification de certaines pratiques agricoles peut ou- règle de mise en quarantaine des animaux importés qui ait protégé
vrir de nouvelles voies de contamination pour des pathogènes biens ces deux pays vis-à-vis de l’implantation de cette nouvelle souche
connus. En Amérique du Nord depuis les années 1990, de nombreux (Tauxe, 2002). Plus récemment, le nouveau sérotype O3:K6 de
cas de salmonellose ont été provoqués par des produits végétaux, Vibrio parahaemolyticus s’est rapidement disséminé depuis l’Asie
tels que des poivrons ou des tomates, alors que l’origine de cette du sud-est jusqu’au Japon puis aux Etats-Unis. Cette bactérie a tra-
maladie était habituellement restreinte aux ovoproduits et produits versé les océans grâce aux bateaux de marchandises qui, en utilisant
de volaille. Des pratiques agricoles telles que l’arrosage des plantes les eaux portuaires comme ballastes, transfèrent de très grandes
avec de l’eau contaminée ou l’épandage de boues fertilisantes non quantités d’eau d’un port à l’autre (Tauxe, 2002). Par ailleurs, les
traitées peuvent entrainer une contamination par les salmonelles voyageurs peuvent aussi être vecteurs de pathogènes alimentaires.
de la plante et de la fleur avant la formation du fruit, ce qui permet La souche Salmonella Kentucky multi-résistante aux antibiotiques,
aux bactéries de s’internaliser au cœur de celui-ci. Ces pratiques ont a par exemple été isolée chez certains voyageurs revenus d’Egypte,
notamment engendré, entre 2005 et 2006, 4 grandes épidémies de du Kenya et de Tanzanie (Le Hello et al., 2011). Enfin, les animaux
salmonelloses liées à la consommation de tomates crues tranchées sauvages, les rongeurs, les oiseaux ou les insectes peuvent aussi être
dans 21 états américains (459 cas confirmés) (CDC, 2007). vecteurs de germes pathogènes en circulant au-delà des frontières.
Modes de transformation et de conservation des aliments
Certains aliments « prêt-à-consommer », visant à rester assez 3- Augmentation des populations sensibles
proches de produits frais, sont très faiblement traités. Non stériles, Au XXème siècle, la durée de vie moyenne s’est considérablement
ils sont donc conservés à des températures de réfrigération parfois accrue et la tendance continue aujourd’hui. Respectivement de 63
sous atmosphère modifiée ou sous vide. Depuis les années 1990, et 69 ans pour les hommes et les femmes en 1951, elle est passée à 78
de tels produits (notamment à base de poisson) ont provoqué un et 85 ans en 2013 (Insee, 2013). Le vieillissement de la population a
nombre non négligeable de cas de botulisme (Peck, 1997; Linds- une influence considérable sur le nombre de maladies d’origine ali-
trom et al., 2006). En effet, les Clostridium botulinum non-protéo- mentaire et leur gravité, du fait de la sensibilité accrue des personnes
lytiques de type E sont psychrotrophes et peuvent se développer âgées. Lors de plusieurs épidémies de salmonellose aux Etats-Unis
jusqu’à 2,5°C (Peck, 2006). Ils sont capables de. produire une quan- en maisons de retraite, 10% des résidents avaient été hospitalisés et
tité détectable de toxine botulique à 6°C en moins de 20 jours (Betts 7% étaient décédés (Altekruse et al., 1997), ce qui correspond à un
et Gaze, 1995). pourcentage de létalité par salmonellose beaucoup plus élevé que
dans la population moyenne. Par ailleurs, une augmentation signifi-
Modes de consommation des aliments
cative des cas de listériose bactériémique a été constatée en 2006 et
Par ailleurs, suite à un engouement pour les modes d’alimentation
2007 en France chez les personnes de plus de 65 ans, sans que l’on
exotiques, on assiste aujourd’hui à une augmentation très impor-
puisse l’attribuer à une cause particulière (Avis de l’Anses, 2009).
tante de la consommation des poissons crus, comme les sushis ou
La proportion dans la population générale de personnes immuno-
les sashimis, dans les pays occidentaux. Le risque sanitaire lié à la
déprimées (malades du SIDA, ou prenant des traitements immu-
consommation de ces produits est important car la cuisson est un
nosuppresseurs après une greffe par exemple…) ou de personnes
moyen majeur de maîtrise pour beaucoup de microorganismes.
vivant avec une maladie chronique (cancers, etc..), est également en
Sans cuisson, la destruction des parasites, notamment des Anisakis
augmentation, ce qui participe à l’augmentation du risque microbio-
dont la prévalence est importante dans les poissons marins (Hoch-
logique. En effet, comme illustré dans le tableau 2 pour la listériose,
berg et Hamer, 2010), peut être assurée par une étape de congéla-
les sujets sont d’autant plus sensibles aux intoxications alimentaires
tion (-20°C pendant au moins 4 jours selon la réglementation euro-
qu’ils sont affaiblis par un état pathologique.
péenne). Par contre, les bactéries comme Vibrio parahaemolyticus ou
vulnificus ne sont pas détruites par la congélation, et le seul moyen Etat pathologique Sensibilité relative
de prévention des intoxications est d’appliquer une réfrigération ri- Transplantation 2 584
goureuse et de fixer des Dates Limites de Conservation (DLC) très Cancer du sang 1 364
courtes sur les produits concernés.
SIDA 865
Globalisation du commerce et des échanges Dialyse 476
Depuis plusieurs dizaines d’années, la distribution des produits Cancer pulmonaire 229
alimentaires se fait sur des zones géographiques très larges à partir Cancer gastrointestinal et du foie 211
d’une zone centralisée de production de masse. Les échanges de Maladie du foie autre que le cancer 143
marchandises au niveau mondial s’amplifient. Ainsi, l’émergence Cancer de la vessie ou de la prostate 112
ponctuelle d’un pathogène peut se transformer en quelques années Cancer gynécologique 66
seulement en une forme pandémique(5). Il y a alors apparition d’in- Diabète, insulino-dépendant 30
toxications faussement sporadiques car ayant une même origine Diabète non insulino-dépendant 25
malgré une dissémination sur des points géographiques très éloi- Alcoolisme 18
gnés. En 1999, le sérotypage et le profil PFGE des agents causals Plus de 65 ans 7,5
(Salmonella NewPort) a permis de faire le lien entre 78 infections Moins de 65 ans, pas d’autres maladies 1
disséminées sur 13 états américains, liées à la consommation de
mangues fraiches. Ces fruits avaient été immergées dans de l’eau Tableau 2 : Sensibilité relative à la listériose de différentes sous-populations
en fonction de leur état pathologique (estimation basée sur des données épi-
chaude sur leur zone de production (Brésil) avant exportation pour démiologiques françaises) (FAO, 2004)

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cahier
hygiène
Emballage et Conditionnement DOSSIER
DOSSIER
DOSSIER
spécial

Conclusion Bibliographie
Ainsi, de nombreux facteurs conduisent à l’évolution des risques mi- Altekruse S.F., Cohen M.L. et Swerdlow D.L. 1997. Emerging foo-
crobiologiques, à l’émergence et la persistance de pathogènes dans les dborne diseases. Emerging Infectious Diseases, 3: 285-293.
filières agro-alimentaires, malgré l’application de règles strictes sur la Anonyme. 2001. Microbiologie des aliments - Méthode horizontale
sécurité sanitaire des aliments. Aujourd’hui encore, de nombreuses pour la recherche des Escherichia coli O157. NF EN ISO 16654
intoxications alimentaires ne sont pas élucidées : en 2011, seulement Association française de normalisation. Paris.
26% en France et 20% aux Etats-Unis des intoxications alimentaires Anonyme. 2002. Règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement euro-
ont été reliées à un agent identifié (2 562/9 674 cas en France (INVS, péen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes gé-
2014) et 9,4 millions/48 millions de cas aux Etats-Unis (CDC, néraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire,
2011)). Il est donc fondamental d’assurer une vigilance sans faille sur instituant l’Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant
toute la filière agro-alimentaire en prenant en compte les modes de des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires.
production primaire (matières premières végétales ou animales), la Journal Officiel de l’Union Européenne du 1 février 2002.
transformation des produits, les systèmes de distribution et les habi- Anonyme. 2004. Règlement (CE) n° 852/2004 du Parlement euro-
tudes de consommation, sans oublier les interactions avec l’environ- péen et du Conseil du 29 avril 2004 relatif à l’hygiène des denrées
nement. La surveillance se situe aujourd’hui à deux niveaux : alimentaires. Journal Officiel de l’Union Européenne du 30 avril
• La surveillance des maladies d’origine alimentaire (Vaillant 2004.
et al., 2012) repose sur trois piliers que sont la déclaration obli- Anonyme. 2012. Microbiologie des aliments - Méthode basée sur la
gatoire, les centres nationaux de référence et les réseaux volon- réaction de polymérisation en chaîne (PCR) en temps réel pour
taires de médecins, d’hôpitaux ou de laboratoires d’analyse. Cette la détection des micro-organismes pathogènes dans les aliments
surveillance permet de détecter rapidement l’augmentation du - Méthode horizontale pour la détection des Escherichia coli pro-
nombre de cas d’une maladie donnée. Elle a permis par exemple ducteurs de Shigatoxines (STEC) et la détermination des séro-
de mettre en évidence une augmentation à partir de 2004 du groupes O157, O111, O26, O103 et O145. ISO/TS 13136:2002.
nombre de cas de botulisme infantile liés à la consommation de International Standard Organisation. Genève.
miel (ajouté dans le lait des jeunes enfants). L’Anses a alors émis Avis de l’Anses. 2009. Avis sur l’augmentation des cas de listériose
un avis en 2010 recommandant des mesures préventives pour et le lien éventuel avec l’évolution des modes de production, de
le grand public, et notamment un étiquetage déconseillant la préparation et de consommation ds aliments. Anses, auto-saisine
consommation de miel avant l’âge de 1 an (Avis de l’Anses, 2010). N°2008-SA-0174.
• La surveillance des micro-organismes dans la chaine alimen-
Avis de l’Anses. 2010. Avis relatif à un projet de décret modifiant
taire (Lombard et al., 2012) est basée sur les contrôles officiels et
le décret n°2003-587 du 30 juin 2003 pris pour l’application de
les autocontrôles effectués par les industriels. Dans le cadre des
l’article L.214-1 du code de la consommation en ce qui concerne
contrôles officiels, des plans de surveillance et de contrôles de la
le miel. Anses, saisine n° 2010-SA-0130.
contamination des denrées alimentaires selon le cadre réglemen-
Avis de l’Anses. 2011. Avis relatif à l’état des connaissances scien-
taire sont mis en œuvre. Ils peuvent être complétés par des plans
complémentaires, comme le plan de surveillance particulière tifiques et aux informations disponibles permettant de formuler
des EHEC dans les végétaux, établi en 2011 par la DGCCRF(6) des recommandations, suite à la survenue de plusieurs cas de syn-
compte-tenu de l’épidémie dans les graines germées. Cette sur- dromes hémolytiques et urémiques (SHU) observés en France
veillance nécessite une adaptation des méthodes de détection aux en juin 2011, suspectés d’être liés à la consommation de graines
germes à considérer. Du fait de l’émergence de sérotypes d’E. coli germées. Anses, Saisine n° 2011-SA-0158.
entérohémorragiques humains autres que O157:H7, l’Autorité Baron S., Benrekassa J., Calavas D., De Valk H., Delorme C., Gouf-
Européenne de Sécurité des Aliments a invité en 2009 les états fé-Benadiba L., Henry V., Marcé C., Santolini J. et Vaillant V.
membres à surveiller les EHEC O26, O103, O111 and O145 2012. Editorial In: Numéro spécial : Risques microbiologiques
(Efsa, 2009) en plus du sérogroupe O157 (Anonyme, 2001). La alimentaires dans les produits d’origine animale : surveillance et
spécification technique ISO/TS 13136 permet de détecter ces sé- évaluation Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 9 mai 2012
rotypes (Anonyme, 2012). - Hors-série.
Dans le cadre de la création très récente d’un observatoire de l’ali- Betts G.D. et Gaze J.E. 1995. Growth and heat resistance of psy-
mentation, un volet sanitaire a été défini pour améliorer le système chrotrophic Clostridium botulinum in relation to sous-vide pro-
de surveillance (Lombard et al., 2012). Celui-ci vise à objectiver le ducts. Food Control, 6: 57-63.
niveau sanitaire de l’offre alimentaire. Il devrait permettre de mu- Boles B.R., Thoendel M. et Singh P.K. 2004. Self-generated diversity
tualiser les données de surveillance des secteurs publics et privés : produces «insurance effects» in biofilm communities. Procee-
contrôles officiels et autocontrôles d’acteurs volontaires des filières dings of the National Academy of Sciences of the United States of
alimentaires. Cet observatoire devrait aboutir, dans les années fu- America, 101: 16630-16635.
tures, à un meilleur suivi de l’émergence des maladies d’origine ali- Bridier A., Briandet R., Thomas V. et Dubois-Brissonnet F. 2011.
mentaire et donc à une prévention plus efficace. n Resistance of bacterial biofilms to disinfectants: a review. Biofou-
ling, 27: 1017-1032.
(1)
Hazard Analysis Critical Control Point Brugère H., Auvray F., Mariani-Kurkdjian P., King L.A. et Loukia-
(2)
TIAC : apparition d’au moins deux cas similaires d’une symptomato- dis E. 2012. E. coli producteurs de shigatoxines (STEC) : défini-
logie, en général gastro-intestinale, dont on peut rapporter la cause à une tions, virulence et propriétés des souches entérohémorragiques
même origine alimentaire (EHEC). In: Baron S., Benrekassa J., Calavas D., De Valk H.,
(3)
Prophylaxie : mesure préventive à des moments de fragilité particulière Delorme C., Gouffé-Benadiba L., Henry V., Marcé C., Santolini
(4)
Métaphylaxie : mesure visant à prévenir l’extension d’une maladie dés J. et Vaillant V. Numéro spécial : Risques microbiologiques ali-
l’apparition des premiers symptômes chez un individu du groupe
(5 )
Pandémie : épidémie présente sur une large zone géographique mentaires dans les produits d’origine animale : surveillance et
(6)
Direction Générale de la concurrence, de la consommation et de la répres- évaluation Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 9 mai 2012
sion des fraudes - Hors-série.

Industries Alimentaires et Agricoles •Mai-Juin 2014 - 21 -


DOSSIER hygiène

Carpentier B. et Cerf O. 2011. Review - Persistence of Listeria mo- Lombard B., Danan C., Agbessi A. et Laloux L. 2012. Systèmes de
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- 22 - Industries Alimentaires et Agricoles • Mai-Juin 2014


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