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Exposé Séance 5 Relations Internationales  : les acteurs transnationaux illégitimes,

guérillas et terrorismes

Introduction :
« Quelle que soit la cause que l’on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre
aveugle d’une foule innocente où le tueur sait d’avance qu’il atteindra la femme et l’enfant  »
Albert Camus, Actuelles III – Chroniques algériennes, 1958
Définir le terrorisme est plus difficile qu’il n’y parait et ce terme pose problème
comme objet d’une réflexion scientifique. Le terme de terrorisme est à la fois polémique et
polysémique. C’est un sujet qui est pourtant mis en avant dans bien des domaines mais le
même constat ressort, celui d’une grande difficulté si ce n’est une impossibilité de donner au
terrorisme une définition objective qui fasse l’unanimité. En fait, il n’existe pas de définition
universelle du terrorisme. Chaque définition comporte un certain degré de subjectivité. Mais
le fait également que le terrorisme soit un phénomène complexe, multiforme et évolutif le
rend difficile à définir de façon simple et concise. Les différents Etats n’ont pas la même
définition de cette notion et il en est de même pour les Nations Unies qui connaissent
d’énormes difficultés à donner une définition du terrorisme qui soit acceptable à l’ensemble
de la communauté internationale, pourtant à une époque où cela constitue une des
composantes incontournables de la politique internationale. Cette difficulté à définir un
phénomène devenu omniprésent tient alors à la multiplicité de ses formes, de ses acteurs et
surtout des points de vue.
La croisade américaine contre « l’axe du mal » a braqué les projecteurs sur les
guérillas et les mouvements jugés terroristes. Ces acteurs transnationaux illégitimes prennent
aujourd’hui le pouvoir, font plier les grandes puissances et portent la violence au-delà de leurs
propres frontières. Toutefois ce n’est pas un phénomène nouveau et exceptionnel et le recours
à l’histoire permettrait peut-être d’y voir un peu plus clair. Les historiens insistent sur
l’origine du terme, en l’occurrence le règne de la Terreur (1793-1794). C’est donc un
terrorisme d’Etat qui est apparu en premier, autrement dit un mode de gouvernement des
hommes par l’emploi de la terreur. Ce fut donc une action violente menée par l’Etat contre ses
populations. Toutefois, le terrorisme que l’on entend aujourd’hui serait plus son antithèse ou
l’action de groupes non-étatiques précisément contre l’Etat par l’intermédiaire d’une stratégie
indirecte visant les populations civiles.
Pour ce qui est des caractéristiques fondamentales, une fois de plus les avis ne sont pas
tous les mêmes mais on s’accorde au moins sur le fait que le terrorisme est « une action
violente ». Mais à quel point cependant ? Il existe des divergences, selon la nature et la
violence d’un attentat. Par exemple, une attaque à l’explosif n’aura pas le même effet qu’un
attentat chimique. Beaucoup de définitions prennent comme point de départ l’illégitimité du
terrorisme, par rapport aux actions violentes « légitimes » conduites par les forces armées des
Etats. Le terrorisme en revanche est une action entreprise par un groupuscule non-étatique
prenant des non-combattants pour cible. Cela se produit donc en marge de l’Etat et de
l’appareil militaire. A la question qu’est-ce qu’un acte terroriste, Raymond Aron répond en
donnant la définition suivante : « Une action violente est dénommée terroriste lorsque ses
effets psychologiques sont hors de proportions avec ses résultats purement physiques ». Car la
composante psychologique du terrorisme est un élément incontournable à prendre en compte.
Pour ce qui est de la guérilla ou petite guerre en espagnol, on pourrait la qualifier
d’une lutte armée du faible contre le fort. C’est donc une guerre, non conventionnelle certes,
et qui oppose des bandes armées à une armée régulière. Bien souvent, elle incarne les
aspirations populaires et s’en nourrit. La guérilla vise à contrôler un territoire et s’accaparer
du pouvoir de l’Etat. Son but est de se substituer aux dirigeants politiques en place par le biais
d’une insurrection armée.
On se doit d’être prudent et de ne pas faire l’amalgame entre terrorisme et guérilla.
Quand le terroriste oriente son action en fonction de valeurs téléologiques, cela se fait en
fonction de la conquête du pouvoir dans le cadre de la guérilla. Aussi, la violence du terroriste
est une fin en soi. C’est une manière de montrer un refus, de dénoncer quelque chose. En
revanche, le guérillero aspire à la légalité par la violence illégale. De plus, quand le terroriste
cherche à terroriser la population, le guérillero lui veut plutôt la contrôler à des fins politiques.
Ainsi, il utilise la violence pour faire valoir une cause politique. Cherchant à s’accaparer du
pouvoir de l’Etat, les guérilleros s’en prennent plus directement à ses institutions, ses
représentants ou encore à ses défenseurs armés que ne le font les terroristes qui veulent
imposer leur idéologie par la peur. Ainsi, la violence utilisée dans le cadre d’une guérilla
demeure plus mesurée quand au contraire le terroriste tend vers une violence illimitée.
Entre terrorisme et guérilla, il existe des perceptions troubles et non définitives, il est
parfois bien difficile de trancher entre les deux. Toutefois, il n’en reste pas moins que ce sont
des acteurs transnationaux illégitimes, contraires au dogme de l’Etat nation.
Comme le souligne Gérard Chaliand, la guérilla et le terrorisme sont toutes deux « des
techniques fort anciennes, toutes deux utilisées dans le rapport conflictuel du faible au fort ».
On peut donc se demander dans quelle mesure les dynamiques de la mondialisation et la
multiplication des réseaux transnationaux ont-ils modifié le rapport de force entre l’Etat et les
acteurs illégitimes transnationaux ?
Nous verrons que même si beaucoup d’éléments permettent d’entretenir
l’illusion que les groupes transnationaux illégitimes ont inversé ce rapport de force au point
de constituer une menace pour l’Etat, en réalité le pouvoir de ces groupes est limité et leurs
actions mènent à une réaffirmation de la puissance publique.

I)Une menace pour l’Etat ?

A) La remise en cause de l’État nation et la revendication des prérogatives de l’État.

S'il y a bien une caractéristique commune a tous groupes dit illégitimes, c'est leur opposition
plus ou moins frontale a l’état en tant que puissance publique et leurs velléités plus ou moins
affichées de s'arroger les prérogatives de ce dernier.
Dans les années 1936 à 1938 il y eut un tournant dans l'histoire de la guérilla, opéré par MAO
ZEDONG, qui a transformé la guérilla en guerre révolutionnaire.
La guérilla consistait jusqu'à ce moment-là en une technique de harcèlement dont le but était
d’affaiblir l'adversaire. Elle était utilisée par des groupes en position de faiblesse dans un
conflit, qui n'avaient donc pas d'autres choix que d'éviter l'opposition frontale qui elle était
plutôt l'apanage des forts.
Comme l'indique Gérard Chaliand dans sa contribution « guerre et terrorisme » publiée dans
la revue « Review of international studies », la guerre révolutionnaire selon la doctrine
maoïste consiste moins pour des combattants irréguliers à affaiblir ou tenir en échec une
armée régulière qu'à s'emparer du pouvoir. L'objectif est de créer des structures parallèles à
l’état afin de dominer administrativement le pays. C'est ce qu'on fait les talibans notamment
dans les régions pachtounes, en tentant de créer des structures politiques clandestines, ou en
tentant de rendre la justice etc.
Il existe chez ces groupes une volonté, pour des raisons idéologiques ou pragmatiques une
volonté de passer outre les frontières géographiques des états souverains,

1)Une volonté de se jouer des frontières

Andrew KYDD et Barbara Walter dans leur ouvrage The « stratégies of Terrorism » ont
défini le terrorisme comme l'utilisation de la violence contre des civils par des acteurs non
étatiques afin d'atteindre des objectifs politiques.
Bien que pouvant varier selon les périodes historiques et les contextes, ils ont identifié ce
qu'on peut définir comme les objectifs majeurs du terrorisme qui sont au nombre de 5.

1) Il peut s'agir d'exiger un changement de régime, soit en cherchant s 'emparer du pouvoir


soit de porter au pouvoir un régime favorable à ses intérêts.

2) Un changement de politique. C'est le cas de Al Qaida depuis de longues années qui


dénonce la politique américaine au Moyen Orient en leur demandant d’arrêter de soutenir les
régimes arabes qu’ils estiment corrompus.

3) Le but peut être tout simplement d'instaurer un contrôle social sur les individus comme
l'ont fait les talibans en Afghanistan.

4) Ou bien alors de maintenir le statu quo en soutenant un régime déjà existant contre des
groupes voulant le renverser.

5) Et enfin ce qui nous intéresse ici c'est le changement de territoire. Ici le but est de
soustraire un territoire entier a un état, sois pour y établir un autre état comme le souhaitent
les tigres tamouls au Sri Lanka, soit pour annexer un territoire comme le groupe Laskhar e
tayyiba qui voudrait voir le Cachemire indien rattaché au Pakistan.

Le groupe État Islamique profitant du conflit syrien a pris une ampleur inattendue. Mais il se
trouve qu'en 2012 l’état Irakien est lui aussi confronte à une insurrection dans les provinces
sunnites de l'ouest. On assiste à ce moment-là a une convergence d’intérêts entre la zone ouest
irakienne et la zone est syrienne qui ont des liens historiques importants comme le montre leur
unité dans la province DEIR EZZOR du temps de l'empire ottoman. Dans un rapport de
L’international crisis group « L'est de la Syrie et l'ouest de l’Irak semblent former de plus
en plus un seul espace bien intégré. Des différences majeures subsistent mais les deux sont
définis (à des degrés divers) par un sentiment d’exclusion, la perte de contrôle de l’autorité
centrale et l'affirmation de plus en fortes faces aux capitales. »
Le groupe État islamique a conquis des pans entiers de l’Irak et de la Syrie, et ont failli
prendre la ville de KOBANE au nord de la Syrie, tout près de la frontière turque. La
motivation qui les pousse à se jouer des frontières et à conquérir toujours plus de territoires
est bien sûr avant tout idéologique, puisque les combattants de l’État islamique affirment
vouloir instaurer un califat au frontières floues ou du moins pas encore définies. Leur
ambition est d'instaurer ce califat sur l'Irak et le Levant (un territoire qui allant de la Palestine
à la Syrie, en passant par le Liban). Ceci amène évidemment à remettre en cause les frontières
issues de l’éclatement de l'empire ottoman mises en places par les puissances occidentales,
notamment françaises et britanniques

En plus de passer outre les frontières géographiques, certains groupes n’hésitent pas à afficher
des ambitions étatiques ou du moins à réclamer certaines des prérogatives de l’État.

2) La revendication des prérogatives de l’État.

Cette affirmation est d'autant plus vraie en ce qui concerne le groupe ETAT ISLAMIQUE qui
n'a cessé de grandir ces dernières années jusqu’à chercher à utiliser le vocable « état » car ses
commandants estiment que la lutte djihadiste est devenu suffisamment mur pour entreprendre
la construction d'un état alternatif à celui que les américains ont mis en place en IRAK en
2003, qui a leurs yeux est bien sur illégitime. On estime entre 20 et 50 000 le nombre de
combattants selon les chiffres de la CIA.
Ce groupe a profité de la déliquescence de l’état Irakien et l’épuisement de la société
Irakienne, sévèrement mise à l’épreuve ces dernières décennies par la guerre avec l'Iran, les
deux guerres du golfe et l'embargo impose par les états unis qui a fait selon les chiffres
avancés plus de 500 000 morts.
Selon Philippe Bannier la chute de Saddam et la guerre civile qui s'en est suivi ont détruit les
liens sociaux et généralisé la violence. Tous ces éléments ont constitué un terreau favorable à
l'implantation de groupes terroristes, là ou même al Qaida n'existait pas avant l'intervention de
l’armée américaine en 2003.
Dans le « proche orient éclaté », Georges corme considère que la question fondamentale du
moyen orient a notre époque est l'absence de nation.
Il faut selon lui identifier la nation, la structurer, lui assigner des frontières et pouvoir faire
respecter un système politique légitime et consensuel. »
Ce qu'il met en évidence c'est l’inachèvement du processus de construction étatique au moyen
orient. Cet inachèvement qui date de la fin de de la première guerre mondiale a été amplifié
par l'absence de démocratie et les divisions communautaires, ce qui a empêché la formation
d'une conscience nationale. Par conséquent l’État ne peut plus jouer son rôle de médiateur au-
dessus des clivages internes à la société, il devient dès lors une arène ou chaque clan lutte
pour le contrôle des moyens et des ressources étatiques.

Un autre cas qu'il est intéressant de citer sur ce sujet c'est le conflit du Chiapas au Mexique.

C'est un autre cas de figure concernant des groupes qui contestent la légitimité de l’État et qui
affirment leurs ambitions étatiques. L’armée zapatiste de libération nationale. C'est un groupe
révolutionnaire politico-militaire qui a mené la révolte au Sud de Mexique au tout début de
l'année 1994 et qui prétendait défendre le droit des populations indigènes. Au nom de la
défense des intérêts des peuples indigènes, ce groupe a déclaré une guerre ouverte à l’État
Mexicain, réussissant à occuper une grande partie de l’état du Chiapas, province du sud est du
pays.
En 1994 alors que le dialogue avec le gouvernement fédéral du Mexique est au point mort,
l’armée zapatiste de libération nationale a annoncé la création de 38 municipalités autonomes.
Cette déclaration a marqué un tournant dans la stratégie des zapatistes qui ont par la suite
crée, peu à peu, les communes appelées municipalités autonomes rebelles zapatistes »,
indépendantes de celles gérées par le gouvernement mexicain.
Les zapatistes ont réussi à occuper la moitié de l’État du Chiapas organise en cinq
communautés gérées par les populations elles-mêmes avec un conseil à leur tête, choisies par
les communautés autonomes, de manière rotative.
Ils ont réussi à mettre en place une véritable méthode d'autogestion qui a été salué à travers le
monde par des groupes alter mondialistes ou révolutionnaires. Il s'agissait pour eux de se régir
avec des formes propres de gouvernement, de se substituer en quelque sorte à l'état, en
ignorant les autorités constitutionnelles et en centrant leur travail autour de l’éducation, la
santé, la justice et de police en mettant place des programmes de prévention et d’hygiène dans
les communes, ou le lancement d'un programme d’alphabétisation.

Les réseaux transnationaux ont fortement contribué à l’émergence des groupes terroristes et
des guérillas en tant qu’acteur déterminants de la politique internationale. Néanmoins, s’il est
vrai que ces acteurs parviennent à déstabiliser l’État dans une certaine mesure, en échappant à
son espace de contrôle traditionnel, il ne faut guère surestimer leur puissance.
En effet, il convient de relativiser la capacité de nuisance de ces groupes. Dans la deuxième
partie de notre expose nous nous efforcerons de démontrer que la puissance des groupes
transnationaux illégitimes, notamment les groupe terroristes a des limites et leurs agissements
appelle fatalement une réaction des états sur la scène internationale, ce qui contribue d'une
certaine façon à renforcer la légitimité de la puissance publique.
Comme nous venons de le voir les guérillas et les groupes terroristes ont pour cible directe
l’acteur étatique. Ces groupes remettent en question les frontières telles qu’elles existent et
sont donc par essence des facteurs de déstabilisation de l’état. Nous allons maintenant voir
comment les dynamiques de la mondialisation ont permis à ces groupes de trouver de
nouveaux terrain pour s’affranchir de la domination de l’état.
B -Les réseaux transnationaux ont permis aux groupes illégitimes d’échapper au contrôle de
l’état et de transformer un rapport de force qui leur est défavorable.
Les guérillas et les groupes terroristes sont par définition des groupes « faibles » dans la sens
où ce sont des groupes avec des revendications politiques qui ont recours à la violence en
l’absence d’autres moyens d’action. Dans cette partie nous verrons que si le terrorisme et la
guérilla sont bien l’arme du faible, la multiplication des réseaux transnationaux permet à ces
acteurs d’échapper en partie aux Etats.
1) La guérilla comme « l’arme du faible » et le terrorisme comme « l’arme du plus faible
encore. » ?
Tout d’abord, il est important de noter que la frontière entre guérilla et terrorisme n’est pas
une frontière étanche. On peut même dire qu’il existe une certaine confusion entre guérilla et
terrorisme. Pour illustrer ce propos, on peut souligner le fait que dans une étude menée par le
département d’état des Etats-Unis en 2001, on retrouvait plusieurs mouvements de guérilla.
(F.A.R.C, PKK, Hezbollah, L.T.T.E..ect) (cf./L’arme du terrorisme, Gérard Chaliand)
Cette confusion est due au fait qu’il existe un lien entre ces deux « armes du faible » qui est
entretenu par les états. Traditionnellement, la guérilla se bat contre un pouvoir central en se
confrontant à une armée régulière ou à une armée d’occupation. Ce combat s’inscrit dans un
rapport de force asymétrique. Pour pouvoir « harceler » cette armée, les guérillas ont recours à
l’effet de surprise et à une grande mobilité et si elle doit s’installer dans la durée, la guérilla
doit également pouvoir s’appuyer sur une population. (L’arme du terrorisme, Gérard
Chaliand.) Mais lorsque les techniques traditionnelles de la guérilla ne lui permettent plus de
constituer une véritable menace pour son ennemi, celle-ci a recours au terrorisme. Ainsi le
front de libération nationale Algérien (F.L.N) compte tenu de sa faiblesse militaire est d’après
Gérard Chaliand le groupe de libération qui a le plus eu recours au terrorisme. Et le PKK
(Parti des travailleurs du Kurdistan) qui est techniquement une guérilla a lui aussi eu recours
au terrorisme à de nombreuses reprises.
« C’est en 1968 que le phénomène terroriste, jusque-là secondaire par rapport à la guérilla,
refait surface. Dans les faits, il s’agit d’un substitut à la guérilla, utilisé par des organisations
qui ne sont pas en mesure de mener cette dernière, soit par manque de base sociale, soit parce
que l’adversaire est trop puissant. »
Avant 1968, le terrorisme était secondaire par rapport à la guérilla, mais lorsqu’une
organisation n’a pas les moyens de mener une guérilla « soit par manque de base sociale »
c’est-à-dire qu’elle n’a pas l’appui de la population « soit parce que l’adversaire est trop
puissant » c’est-à-dire une armée trop forte. (Guérilla et Terrorismes, Gérard Chaliand).
Ainsi, on peut prendre l’exemple des organisations palestiniennes qui ont recours au
terrorisme justement parce qu’elles sont justement confrontées à un adversaire trop puissant,
l’état d’Israël allié de la superpuissance étatsunienne.
« Les organisations palestiniennes se révèlent incapables de mener une guérilla en Cis
Jordanie. C’est pourquoi le front populaire de libération de la Palestine (FPLP) de Georges
Habache prend l’initiative de détourner un avion de la compagnie israélienne El Al. » Même
chose pour à Munich lors des Jeux olympiques ou 11 athlètes israéliens sont pris en otages.
(CHALIAND)
D’une certaine manière, lorsque les groupes illégitimes n’ont pas les moyens pratiques pour
gagner des victoires sur le champ de bataille, ils n’ont d’autre choix que de se battre sur le
champ de la bataille psychologique. Sur ce champ de bataille, ce n’est plus la puissance réelle
qui compte mais plutôt la perception de la puissance. C’est là la force du terrorisme
publicitaire qui est bien résumé par cette adage chinois : « mieux vaut tuer un et être vu de
mille que tuer mille et être vu par un ».
C’est donc en ce sens que la guérilla et le terrorisme sont bien respectivement l’arme du faible
et « l’arme du faible encore. ». Leur combat est ancré dans un rapport de force asymétrique
qui les poussent à chercher de nouveaux terrains pour surprendre l’ennemi. Les notions
d’asymétrie et de dissymétrie permettent de mieux comprendre ce rapport de force. La
dissymétrie est utilisée par les états assez puissant qui mènent une guerre totale, cherchent à
accentuer le déséquilibre avec leur adversaire. A cette stratégie des états ou des puissants se
trouvent des « faibles » ou « des moins puissants », ces derniers vont avoir recours à
l’asymétrie pour fuir les terrains où l’ennemi est trop fort.
Définition de : L’asymétrie consiste à refuser des règles de combat imposées par l'adversaire."
Recours à l'utilisation de forces non prévues à cet effet et surtout insoupçonnables (comme les
civils), l'utilisation d'armes contre lesquels les moyens de défense ne sont pas toujours adaptés
(armes de destruction massive), l'utilisation de méthodes qui refusent la guerre
conventionnelle (guérilla, terrorisme), lieux d'affrontement imprévisibles (centre-ville, lieux
publics) et l'effet de surprise."

A titre d’exemple, il est intéressant de noter comme le remarque Guido Steinberg qu’a ses
tout débuts dans les années 80, 90 les dirigeants d’Al-Qaïda ne visaient pas les pays
occidentaux.
« Al-Qaïda ne visait que « l’ennemi proche », son objectif étant de renverser certains régimes
du monde arabes, notamment saoudien et égyptien. Ce n’est qu’après avoir vu que Riyad et le
Caire étaient des adversaires trop puissants qu’elle s’est retourné vers les pays occidentaux. »
(Guido Steinberg)
2)Par l’utilisation des réseaux transnationaux les groupes illégitimes parviennent à réduire la
marge de manœuvre des états et à perturber l’ordre international.
Les dynamiques de la mondialisation ont profité au terrorisme et à la guérilla sur plusieurs
plans en lui ouvrant de nouveaux réseau qui lui permettent d’échapper à l’espace de contrôle
des états. Comme nous l’avons vu précédemment le rapport de force du faible au fort qui est
inhérent à la qualité de groupe terroriste poussent ces derniers à chercher de nouveaux
terrains. La mondialisation et la transnationalité va permettre à ses groupes d’accéder à de
nouveaux espaces pour surprendre les Etats.
D’après Nathalie Cettina, « le terrorisme devient transnational avec la réunion de divers
éléments logistiques et structurels : centre d’entraînement, caches d’armes, préparation et
exécution d’opérations conjointes, attaques d’étrangers sur le territoire national ou de
nationaux sur le territoire étranger. »
La transnationalité va permettre de renforcer la menace terroriste car elle permet à cette
dernière de créer des réseaux complexes. Ces réseaux complexes permettent de brouiller les
pistes et d’intervenir là où on ne les attend pas. On peut illustrer ce propos en prenant
l’exemple d’Al-Qaïda. Le réseau d’Al-Qaïda est assez complexe, avec une organisation
centrale au Pakistan, AQ en Irak, AQ au Maghreb islamique, AQ dans la péninsule arabique.
Cette transnationalité lui fournit une capacité de repli assez incroyable qui lui permet encore
une fois d’échapper des terrains où elle serait tenue en échec. Le déplacement de
l’organisation de l’Afghanistan vers le Pakistan bien illustre bien cette capacité de résilience.
Après un passage à vide de l’organisation de 2001 à 2003, dû à la chute de son « sanctuaire
afghan », l’organisation profite de l’incapacité de l’armée pakistanaise à contrôler ses zones
tribales. Cela lui permet d’effectuer un retour fracassant sur la scène internationale notamment
avec les attentats du métro Londonien en 2005.
Autre exemple des avantages de la transnationalité est le cas du Yémen. Le Yémen qui est une
base arrière de choix pour l’organisation surtout à partir des printemps arabes en 2011. Guido
Steinberg explique que « Le gouvernement yéménite a abandonné la lutte contre Al-Qaida
son souci principal est de se maintenir au pouvoir ».
Par ailleurs la mondialisation a également permis au groupes transnationaux illégitimes
d’accéder à de nouveau espaces.
« L’ouverture des frontières, la libre circulation des personnes, des marchandises comme des
capitaux, associés à la mondialisation des flux en tout genre, offrent un terreau propice à
l’essor d’une criminalité organisée en tout genre dont la pratique terroriste ne peut que
s’alimenter. » (Terrorisme, histoire de sa mondialisation. Nathalie Cettina.)
La multiplication des réseaux transnationaux illicites constitue un véritable avantage pour la
guérilla est le terrorisme. Ils profitent de ces réseaux opaques pour assurer leur propre
financement. La drogue joue un rôle très important car elle est présente dans tous lieux de
conflit comme le souligne (…) et elle permet de financer bon nombre de guérillas. ? explique
notamment qu’après la guerre froide les guérillas cessent d’être financées par le l’une ou
l’autre des deux super puissances de l’époque est cherchent de nouveau revenus profitant du
d’un regain d’activité de la piraterie notamment suite à un relâchement du contrôle militaire à
la fin de la guerre froide. Ces réseaux criminels participent à l’autonomisation des groupes
terroristes et des guérillas qui ne sont plus dépendante du bon vouloir de certains états
« sponsors du terrorisme. » A titre d’exemple, « l’Etat islamique » est d’après Philippe
Bannier l’organisation terroriste la plus riche grâce à son trafic de pétrole sur le marché noir.
Cette dimension économique est très importante car elle permet d’accroitre ses moyens
d’actions, de rallier d’autre groupes à sa cause mais surtout d’être autonome. Ainsi cette
économie informelle, cette mondialisation par le bas profite largement à ses groupes.

La mondialisation a également permis au groupes terroriste et aux guérilla de profiter de


réseaux de communication très vastes. C’est un avantage capital pour ces groupes
transnationaux. D’une part, c’est un avantage certain d’un point de vue purement pratique et
logistique. Sans ce développement incroyable des réseaux de communication, comment
pourraient-ils organiser des opérations sur d’autres territoires ? comment pourrait-il
communiquer avec leurs agents ?

D’autre part, ces réseaux de communication permettent de diffuser leurs messages de


propagande, de rallier des personnes à leur idéologie, de recruter de nouveaux agents.
Dernièrement la presse a beaucoup traité de cette question en évoquant le recrutement de
DAESH sur internet par la propagande. Cela se reflète d’ailleurs dans les effectifs puisse
qu’en juin 2014, on recensait 81 nationalité différentes dans les rangs de DAESH.

Enfin ces réseaux de communications permettent aussi d’accentuer la domination


psychologique de ces groupes (cf. / définition du terrorisme de Aron) et le sentiment de
puissance. Ainsi l’adage chinois que l’on évoquait tout à l’heure évolue en faveur des groupes
terroristes.

« Il ne s’agit plus de tuer un et d’être vu par mille », mais plutôt de tuer un et être vu
par des millions ! »

Pour illustrer ce propos, on pourrait énumérer les vidéos de décapitation de journalistes,


d’humanitaires et même il n’y a pas si longtemps d’un guide touristique.

Enfin pour conclure cette partie, on peut s’attarder sur l’exemple des attentats du 11/9 qui
représente le summum du triomphe pour le terrorisme transnationaliste. Pour reprendre encore
une fois l’expression Cette fois-ci il ne s’agit plus de tuer un être vu par mille, ni de tuer
un et d’être vu par des millions mais plutôt de tuer des mille (plus exactement à peu près
3000) et d’être vu par d’être vu par des millions. Avec les attentats du 11 septembre les
terroristes d’al Qaeda ont réussi à surprendre le monde en s’attaquant à un terrain où on ne les
attendait pas du tout, l’invincible forteresse américaine.

Les réseaux transnationaux ont fortement contribué à l’émergence des groupes terroristes et
des guérillas en tant qu’acteur déterminants de la politique internationale. Néanmoins, s’il est
vrai que ces acteurs parviennent à déstabiliser l’État dans une certaine mesure, en échappant à
son espace de contrôle traditionnel, il ne faut guère surestimer leur puissance.
II)Un pouvoir limité qui conduit à la réaffirmation de la puissance publique
A) La réaffirmation de l’Etat face à la menace

Malgré le fait que, comme on a pu l’observer, les acteurs politiques illégitimes peuvent avoir
une capacité de nuisance extrêmement importante, cette capacité reste ponctuelle. Et ces
acteurs ne sont pas en mesure de renverser l’état de fait selon lequel ils sont les faibles,
(comme on a pu le voir dans la partie précédente : clivage faible/fort.)

Au contraire, on observe que la terreur engendrée notamment par les terroristes, a tendance à
cristalliser l’attention autour du clivage entre eux et l’autorité officielle, et donc ça conduit à
renforcer la légitimité des états ou des gouvernements, parce qu’ils sont vu comme les
premiers ennemis, les ennemis les plus légitimes et les plus puissants pour combattre le
danger que représentent ces acteurs politiques illégitimes.
On va donc observer comment ces acteurs ont un rôle qui rend quasiment impossible leur
légitimité dans le paysage politique, et donc comment ils vont finalement contribuer, dans une
certaine mesure à la réaffirmation de la puissance des états.

1)Défiance/rejet des populations


Pour le cas de la guérilla, on voit dans le texte de Chaliand que la seule façon de renverser le
pouvoir pour une guérilla, c’est d’avoir un fort soutien d’une partie importante du peuple. Ça
a été le cas pour la prise de pouvoir de Mao, mais aujourd’hui, et dans l’époque
contemporaine en général, la plupart des mouvements de guérillas sont vus comme des
dangers pour la démocratie, ou comme des réseaux mafieux. Après Mao, dans les guérillas
qui ont eu lieu notamment en Amérique du Sud dans les années 60, on observait qu’elles
étaient généralement ultra politisées, et dénonçaient l’état, et notamment son caractère
répressif. Et leur paradoxe, c’était de dénoncer la violence de l’état, d’une part, mais en même
temps d’utiliser eux même la violence. Donc Chaliand explique que c’est une aberration
théorique, et que c’est principalement ça qui a expliqué les échecs des guérillas.

On observe aussi, comme l’explique Bannier, que dans les zones territoriales ou, pour le cas
des groupes terroristes, et notamment Al Qaida, où ces groupes sont fortement implantés, il y
a un fort retard économique et social dont ils sont responsables.
On observe aussi, que même dans des circonstances favorables à l’émergence d’une forme de
pouvoir politique issu des guérillas, ce mode d’affirmation politique montre des limites. Par
exemple le cas de la Somalie, où sur les côtes est notamment, il y a eu une forte
décomposition géopolitique et où des groupes claniques ont tenté d’affirmer leur autorité,
mais on a pu observer que ces groupes étaient finalement complétement décomposés
politiquement, et se sont renfermé dans des logiques de pillage, de piratage, de prises d’otage,
notamment. Ce qui logiquement n’a pas conduit à leur fournir la moindre légitimité auprès de
la population locale.

A) Difficulté à se financer : économie parallèle qui détériore d’avantage leur


image auprès des populations locales.

AU-DELA du cas des prises d’otage et du piratage, qu’on vient de voir, la plupart des acteurs
politiques illégitimes ont tendance, à tomber dans la stratégie du système, qui consiste à les
isoler économiquement.
Plus généralement, on observe une difficulté des acteurs politiques illégitimes à exister en
marge du système politique et financier dominant. Même les guérillas qui ont connu un
succès. Comme la guérilla zapatiste, qui a réussi à construire son autonomie vis-à-vis de l’état
sur son territoire, a malgré tout recouru au trafic de drogue, notamment de cocaïne, pour
pouvoir s’enrichir au dépend des USA et du Mexique. Donc on voit que, même si les guérillas
connaissent un succès et aboutissent à un système politique accompli, il y a toujours ce revers
de la médaille qui fait que pour pouvoir exister, à un moment ou un autre, ils doivent avoir
recours à ce genre d’agissement.
Cela est évidement favorables aux autorités officielles, car localement, les trafics sont perçus
négativement par la population. Et cela conduit à l’idée qu’un système économique et
politique viable ne peut pas exister en parallèle avec le système dominant.

3-La pression de la puissance publique.

Au-delà de la question de la force militaire, qui est incomparable entre les acteurs politiques
illégitimes, notamment les terroristes, et les pouvoirs officiels. On observe que ces derniers
bénéficient du fait que les agissements des terroristes impliquent nécessairement un
renversement de la situation qui leur est favorable.
La menace terroriste donne une légitimité aux états et le prétexte de les combattre leur donne
une grande liberté d’action. On a observé que le 11 septembre 2001 a fortement enrayé la
progression des mouvements anti militaristes qui émergeaient aux USA. Et que le
gouvernement américain s’est appuyé sur la lutte antiterroriste pour justifier son intervention
militaire en Irak.
La menace terroriste conduit les états à adopter des comportements plus autoritaires et
sécuritaires, notamment à travers l’état d’urgence, ou les plans Vigipirate
Dans une autre mesure, on voit que la menace terroriste conduit à une unité des pouvoirs
officiels contre un ennemi commun. On observe cela notamment à travers le fait que plusieurs
pays occidentaux sont d’accord pour négocier avec le président syrien Bachar El Assad,
depuis que DAESH s’est implanté dans cette région, alors qu’il provoquait une grande
défiance, de par sa politique jugé contraire aux valeurs démocratiques.

Pour ce qui est des guérillas, parmi celles tenu en échec actuellement, et celles qui ont été tenu
en échec par le passé, on observe que les puissances publiques disposent d’avantages sans
précédent dans l’optique d’une confrontation, notamment dans celle d’une lutte armée à long
terme, et cela même si l’état en question n’est pas une puissance militaire majeure.
Cette idée peut être illustrée par l’exemple de F.A.R.C, soldats politisés, en guerre contre les
autorités officielles, et en particulier contre l’état colombien. Même s’ils disposaient d’une
puissance extrêmement importante pour ce genre de groupe, le fait qu’ils ne disposent pas des
structures, des organisations de l’état conduisait à leur isolement, leur incapacité à se
renouveler, à reposer, à nourrir leurs combattants. Ce groupe a donc été contraint de se
retrancher dans la jungle et est à présent sur le déclin, contraint à poursuivre une activité
mafieuse pour pouvoir exister, à travers le trafic de drogue et les demande de rançon pour les
prises d’otage notamment. Au-delà de cette faiblesse organisationnelle inhérente à ce type de
lutte, on observe que les acteurs politiques illégitimes sont soumis à des contraintes qui
conduisent à des faiblesses structurelles vis-à-vis des organisations officielles. C’est ce qu’on
va voir dans la prochaine partie.
B) Des faiblesses structurelles

1. Le clivage identitaire, politique et religieux au service de la contestation armée


Les moteurs de l'action des acteurs transnationaux illégitimes, peuvent être regroupés
sous une typologie mettant en valeur les différentes causes profondes. L'une des causes
avancées par Gérard Chaliand est un conflit avec une puissance étrangère à la suite d'une
intrusion. C'est notamment le cas d'Al-Qaïda en Irak, dont la guerre avec les États-Unis a
permis à l'organisation terroriste d'augmenter drastiquement le nombre de ces recrues ainsi
que d'asseoir la légitimité de son combat.
Parallèlement, le conflit entre la population locale et le pouvoir central (étudié un peu
plus tôt) s'inscrit, en Amérique latine, dans la logique historique de la culture du messianisme
révolutionnaire. Les milices armées se positionnent face à un pouvoir qu'ils considèrent
comme illégitime, afin d'assouvir leurs ambitions politiques. L'action des Forces Armées
Révolutionnaires de Colombie (FARC) puise son origine et sa justification dans les
revendications paysannes pour une réforme agraire. Le Groupe paramilitaire Autodéfenses
Unies de Colombie invoque comme principal moteur la lutte contre les guérillas marxistes
léninistes sous prétexte que le gouvernement colombien n'en a pas les moyens. Or l’AUC est
majoritairement financé par le trafic d'armes et de drogues, en plus d'avoir des relations très
étroites avec le pouvoir central (Pacte de Ralito 2001, Scandale de la para politique 2006).
Enfin, il ne faut pas négliger la composante religieuse qui est un clivage important,
surtout dans les pays du proche et moyen orient. Ainsi, même si les chiites et les sunnites se
revendiquent du même socle religieux (la reconnaissance des 4 premiers califes) les
divergences des deux courants de l'islam sont exaltées et instrumentalisés. Philippe Bannier
analyse avec justesse l'évolution des tensions entre chiites et sunnites de 2003 en Irak jusqu'à
l'extension du conflit en Syrie. Cette hostilité interconfessionnelle est attisée (tant par
l'impulsion que les actions des différents groupes religieux) et permet aux leaders
transnationaux illégitimes d'engager des actions violentes contre les populations civiles. En
cristallisant et contrôlant la colère de la population, ces leaders assure leur position de
domination ainsi que la pérennité de leurs organisations.
2. Fragmentation et rupture : l'exemple d'Al Qaida et ses filiales
L'appartenance communautaire est un élément fondamental de la construction de
l'identité de l'individu, tout autant qu'une source de tensions dans les sociétés. Il en découle,
pour ces groupes armés, une pluralité d'objectifs et d'ambitions politiques qui tentent de
s'inscrire, plus ou moins, dans la même dynamique contestataire. C'est illustré par le processus
de régionalisation de l'organisation d'Al-Qaida, avec sa nébuleuse de branches locales. Il s'agit
d'un point mis en exergue dans l'article de Guido Steinberg, dans lequel il détaille la formation
des différentes cellules de l'organisation terroriste. Pour commencer, le groupe d'Al Qaida
dans la péninsule Arabique / branche yéménite est principalement composé d'une base de
fidèles partisans d'Al-Qaida, dont le commandement est en étroite relation avec l’état-major
central. Ainsi, en plus de la contestation de la légitimité de l’État yéménite, puis peu après,
celle du royaume d'Arabie Saoudite se rajoute le combat envers le monde occidental. On
constate une réappropriation de l'idéologie de combat d'Al-Qaida central par les branches
régionales, avec un degré plus ou moins important de mutation pour correspondre à des visées
particulières.
Ainsi, le groupe d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique est, à ses débuts, constitué d'une
base contestataire salafiste algérienne (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat)
dont le moteur principal est la constitution d'une république islamique en lieu et place de
l’État algérien. Le changement de paradigme du groupe s'accompagne de tensions. On assiste
à une fracture entre les groupes du Sud et du Sahel pro Al-Qaïda sous l'égide de l'émir
Abdelmalek Droukdel, désireux de s'inscrire dans un combat d'envergure international, et les
groupes du Nord refusant l'alliance avec Ben Laden. La formation d'Al-Qaida en Irak est, à ce
propos, aussi représentative de ces dissensions. Sa création est actée en 2004 par le serment
d'allégeance du leader terroriste jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui à Ben Laden. Toutefois,
l'objectif d'al Zarqaoui n'est pas de s'inscrire dans la dynamique de revendications d'Al-Qaida
mais plutôt de profiter de sa manne financière et de son aura d'influence, afin de faire
prospérer son organisation locale.

Pour continuer cette analyse, il semble opportun de s'attarder un instant sur les
caractéristiques et l'influence du leader qui structure les acteurs transnationaux illégitimes.

3. Le leadership
Il convient de préciser que les leaders des réseaux transnationaux illégitimes partagent
des aptitudes spécifiques et des responsabilités particulières. Avoir du leadership, c'est guider
les autres grâce à une emprise singulière. Ainsi on distingue différent types de leadership,
parfois même à propos d'un même acteur. Par exemple Ben Laden possédai d'énormes
ressources financières de par son héritage qui lui ont permis de soutenir le développement de
l'organisation d'Al-Qaida : cela fait de lui un leader structurel. Plus encore, la mobilisation
qu'a engendré sa vision du monde permet de lui accoler des qualités charismatiques, les
britanniques utilisent l'expression purposeful leadership. A contrario, Abou Bakr Al-
Baghdadi, calife autoproclamé de l’État islamique, est issu d'une lignée remontant jusqu'au
prophète Mohammad, ce qui lui confère une aura exceptionnelle, une légitimité importante.
Sa stratégie diffère de celle de Ben Laden dans la mesure où Al-Baghadi ne se met que
rarement en scène médiatiquement, ses apparitions sont beaucoup plus rares. Il s'est constitué
une administration proche d'un « cabinet de guerre » composé d'anciens militaires de
plusieurs nationalités qui assure un contrôle coercitif.
Le leader est fondamental dans les réseaux transnationaux illégitimes, et plus encore
dans les organisations fondées sur des croyances religieuses. L'étude de Jenna Jordan publié
en 2009 sur l'efficacité de la décapitation dans les organisations terroristes met en valeur
plusieurs éléments. Plus les groupes sont récents et petits plus la mort du leader a de chance
d'entrainer la fin du mouvement. Parallèlement, les groupes organisés autour de croyances
religieuses ont beaucoup plus tendance à survivre à la mort de leur leader, même si un déclin
de l'organisation est possible. La mort de Ben Laden a engendré un éclatement des partisans
dans une myriade d'autres courants. Le risque de tuer un leader est d'engendrer un
renforcement des convictions du groupe.
Conclusion :
Les groupes transnationaux illégitimes tiennent leur force des faiblesses de l’Etat. Ils arrivent
à s’échapper de la domination étatique en attaquant là où l’état est faible. On peut prendre
l’exemple de la Tunisie, la Syrie, la Lybie, ou même du nord-Mali. De plus ces groupes ont su
profiter des dynamiques de la mondialisation et à la multiplication de réseaux qui échappent
en partie au contrôle des Etats. D’une certaine manière ces groupes ont gagné sur le plan
psychologique, c’est-à-dire au niveau de la perception de leur puissance par la communauté
internationale. Néanmoins leur puissance réelle reste limitée, en raison de leurs fortes
divisions.

Il existe donc des imbrications entre les acteurs transnationaux illégitimes et l’Etat. On
retrouve une certaine dépendance entre les deux et on pourrait dire qu’ils ne peuvent pas être
appréhendés de manière séparée. Certaines décisions prises par les représentants étatiques ne
pourront se comprendre qu’à la lumière de l’existence du terrorisme ou des guérillas ; de la
même façon, les actions que ces derniers entreprennent ne font sens qu’en fonction des
institutions avec lesquelles ils interagissent. Les acteurs illégitimes peuvent être très présents
dans les rouages du pouvoir sans pour autant se l’accaparer mais en influençant les jeux
politiques. A l’inverse, les dirigeants politiques adoptent des politiques répressives dans le but
d’éradiquer ces acteurs transnationaux.
Les acteurs transnationaux illégitimes ne s’attaquent pas à l’Etat dans son essence
mais sont désireux de posséder un Etat sous leur contrôle. L’Etat-nation demeure en fait une
forme d’organisation politique très appréciée par ceux-là mêmes qui le combattent, une des
normes les mieux implantée du système international. Ils ne le font pas reculer mais ont
tendance au contraire à la fortifier. Si l’on prend l’exemple des attentats du 11 Septembre, ils
n’ont entrainé ni plus ni moins que le retour de l’Etat aux Etats-Unis. Marie Claude Smouts,
une universitaire française spécialisée en science politique déclare ainsi : « Singulier
paradoxe, la pratique terroriste qui émane d’acteurs non étatiques n’a pas marqué la victoire
du transnationalisme sur l’Etat. Au contraire, le recours à la puissance publique apparait
comme seul rempart contre la menace diffuse. L’Etat est mis au défi, il en sort renforcé ».
Il faut donc rester prudent quant à ces acteurs illégitimes. Certes ils représentent une
menace pour les Etats, menace qui doit en aucun cas être ignorée. Mais il ne faut en aucun cas
l’exagérer à des fins politiques notamment. Car il est très improbable que leurs actions
changent le rapport de force mondial.
Bibliographie
Document 1 : « Al-Qaida, 2011 », Guido STEINBERG, Politique étrangère, vol. 76, n°2, 2011, pp
279

Document 2 : « Guérillas et terrorismes », Gérard CHALIAND, Politique étrangère, vol. 76, n°2,
pp. 281-291 ; Vivien COLLINGWOOD, Review of International Studies, vol. 32, n°3, July 2006, p
449

Document 3 : Schéma, « Estimate #3 : Jihadi Fractures – April 2015 », source : Clint Watts, FPR
selectedwisdom.com, April 2015

Document 4 : « L’Etat islamique et le bouleversement de l’ordre régional », Philippe BANNIER


éditions du Cygne, Paris, 2015, pp. 49-76

Document 5 : « The strategies of Terrorism », Andrew H. KYDD, Barbara F. WALTER, Internatio
Security, vol. 31, n°1, 2006, pp. 52-55

Document 6 : « Géopolitique, constantes et changements dans l’histoire », A. CHAUPRADE, éd


Ellipses, Paris, 2003, pp. 768-769, 772-774, 778, 786, 789-791

Document 7 : « Stratégies et guérillas », G. CHALIAND, éditions Payot, Paris, 1994, pp. 28-29

Document 8 : « Les guerres asymétriques : conflits d’hier et d’aujourd’hui, terrorisme et nouve
menaces », B. COURMONT, D. RIBNIKAR, Iris-Dalloz, Paris, 2009, pp. 40-41, 50-51, 54-57

Nathalie CETTINA, Terrorisme : l’histoire de sa mondialisation, L’Harmattan, 2001, pp. 348

Gérard CHALIAND, L’arme du terrorisme, Louis Audibert, 2002, pp. 157

Samy COHEN, « Les Etats face aux « nouveaux acteurs » »

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