MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider »

Séquence 2 – Module 5

MOOC « Étudiants dyslexiques dans mon amphi : comprendre et aider »

Séquence 2 – Module 5
Traitements visuels élémentaires en lecture et leurs troubles dans la
dyslexie

Nous allons voir maintenant qu’une façon moderne d’envisager ce

modèle consiste à s’intéresser à ce qu'il se passe avant l’assemblage et
l’adressage. C’est pertinent de le faire, car il existe beaucoup d’enfants
présentant une dyslexie « mixte », c’est-à-dire dans laquelle l’adressage
et l’assemblage sont tous deux fortement perturbés. Parfois, cela
s’explique par un dysfonctionnement en amont de ces 2 procédures. Il y
a alors un déficit du système de traitement perceptif visuel, qui opère
très rapidement et permet au lecteur de transformer la stimulation
visuelle produite par le mot écrit en une représentation mentale
orthographique. Plus l’enfant lit, plus il spécialise une partie de son
système cérébral visuel au traitement des mots écrits. Cela permet de
construire une représentation orthographique du mot.

Sur le schéma représentant le modèle de lecture, ce système de

traitement, élémentaire mais complexe, est représenté au-dessus des
voies d’assemblage et d’adressage, car c’est ce système qui fournit aux
deux procédures de lecture la représentation orthographique sur laquelle
ils opèrent. Cette représentation orthographique est relativement
abstraite car elle est la même quelle que soit la police de caractère, que
l’écriture soit en minuscules ou en majuscules, manuscrite ou imprimée.

Janvier 2019
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Elle contient seulement l’information sur l’identité des lettres et la

position des lettres. Cette position serait codée de façon relative.

Pour un mot comme ROSE, le système cognitif prend en compte le fait

qu’il y a un O quelque part après un R, et que ce O est quelque part
avant un S, etc… Le codage est multiple, redondant, ce qui est très utile
pour identifier le mot même lorsqu’une lettre n’est pas tout à fait à la
bonne place.

Aujourd’hui, on recherche certaines causes de la dyslexie dans des

dysfonctionnements de ce codage orthographique, qui perturberaient en
amont l’assemblage et de l’adressage.

Ce système perceptif spécialisé en lecture réaliserait 3 opérations :

• L’association Lettres/Mot

• L’identification des lettres du mot

• Le codage de leur position

Décrivons ces opérations et envisageons ensemble leurs perturbations

dans la dyslexie.

Pour élaborer la représentation orthographique d’un mot, on doit

associer les lettres au mot, c’est-à-dire ne pas prendre en compte les
lettres qui sont autour, et avoir une certitude quant aux limites spatiales
du mot.

Cela nécessite l’opération de groupement visuel, pour percevoir un tout

plutôt que des éléments dispersés, aux limites floues.

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Ce groupement est rapide, le lecteur n’a pas conscience de le réaliser,

mais il est essentiel.

Les critères qui guident le groupement des lettres sont : leur proximité
plus grande dans le mot qu’entre les mots, leur alignement qui nous
incite à les considérer comme formant un tout, les éventuelles
connexions entre les lettres comme dans l’écriture manuscrite, et aussi
une certaine ressemblance si elles sont écrites dans la même police.

Si l’on est peu sensible à ces critères, le groupement visuel des lettres
est perturbé ce qui peut expliquer des erreurs avec migration de lettres
entre les mots ou entre les lignes.

Par exemple, un déficit de

groupement selon le critère de
proximité place le lecteur dans
une situation qui ressemble à
celle où vous devriez lire ceci

Un déficit de groupement selon

l’alignement, c’est un peu comme
si un bon lecteur devait lire ceci

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En 1999, les chercheurs (Lewis et Frick) ont montré que les adultes
dyslexiques ont des difficultés à grouper des éléments visuels, surtout
lorsqu’ils sont orientés de manière horizontale, ce qu’ils appellent la
« cécité aux lignes ».

Par exemple, pour le critère d’alignement : ils auraient du mal à repérer

l’objet qui se détache à partir du groupement de certains points car il est
horizontal, mais cet objet devient plus facile à repérer s’il est vertical. Et
voici un exemple pour le critère de proximité.

Nous avons réalisé des expériences confirmant cette difficulté de

groupement en ligne chez les enfants (et pas seulement les adultes)
dyslexiques. Ce n’est donc pas un effet secondaire de la dyslexie, mais
bien une cause potentielle de celle ci.

Comment aider ?

On peut éviter les polices de caractère induisant une illusion de

désalignement. Même la Police Comics peut provoquer une certaine
illusion de désalignement. Au contraire, quand les lettres sont un peu
écrasées comme dans la police Garamond, cela peut aider certains
lecteurs. Les polices d’écriture dites « avec sérif », c’est-à-dire, dotées
de petits traits en haut et en bas des lettres, comme dans la Police
Palatino, peuvent surcharger le traitement, mais elles peuvent aussi
aider certains lecteurs à mieux percevoir l’alignement horizontal des
lettres. Il n’y a pas une police merveilleuse aidant tout dyslexique, mais
si on comprend mieux l’origine des difficultés d’un dyslexique, le choix
d’une police adaptée peut vraiment l’aider.

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Spontanément, beaucoup de dyslexiques penchent le texte, ce qui

ramène finalement à une situation où ils peuvent grouper les lettres du
mot qui se présentent alors de façon pratiquement verticale, ce qui est
plus facile pour eux. Nos travaux ont montré que pencher le texte
augmente les erreurs de lecture chez les enfants qui lisent sans
problème, mais réduit les erreurs des enfants dyslexiques.

Il n’y a donc pas de solution de présentation excellente pour tous, il faut

adapter à chacun. Ne pas empêcher un enfant dyslexique de pencher le
texte, ou même lui suggérer de le faire pour voir si cela l’aide peut
constituer un aménagement simple, inspiré par une compensation
utilisée spontanément par certains dyslexiques. Nos expériences
montrent que les dyslexiques les plus aidés par l’inclinaison du texte
sont justement ceux qui échouent le plus à grouper selon la proximité.

Un autre moyen d’aider est de chercher un espacement adapté entre les

lettres. Il faut souvent tâtonner pour un dyslexique particulier.

On pense parfois bien faire en espaçant les lettres, et nous verrons que
c’est une bonne idée, mais il faut le faire quand même sans trop
exagérer.

Il est surtout important d’espacer les lignes entre elles, pour éviter au
lecteur d’être tenté de grouper des lettres qui appartiennent à des lignes
différentes, comme dans le paragraphe que vous voyez

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Les lignes sont trop peu espacées, et les espaces entre les mots sont
trop petits par rapport aux espaces entre les lettres à l’intérieur du mot.

Pour élaborer la représentation orthographique d’un mot, il faut aussi

identifier les lettres, car bien lire, ce n’est pas deviner le mot, mais
identifier avec précision toutes ses lettres, séparément les unes des
autres.

C’est difficile, car par exemple dans le mot ROSE, le S est entouré de O
et de E, si proches qu’ils créent une perturbation visuelle appelée
« masquage latéral ». LION peut ainsi être confondu avec LOIN. C’est
un phénomène normal, mais accru chez certains dyslexiques, même
lorsqu’ils sont adultes.

La troisième opération importante est le codage de l’emplacement des

lettres. Une difficulté à coder la position relative des lettres peut
s’expliquer par un traitement insuffisant des relations spatiales entre les

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éléments, à cause de la concurrence venant d’une attirance trop forte

par les détails, qui sont ici les lettres. Et des travaux montrent que c’est
la principale difficulté pour certains dyslexiques.

Percevoir l’articulation spatiale entre les éléments, ou les lettres, c’est

avoir un mode de traitement visuel global, plutôt que local. Le mode de
traitement global n’est pas le traitement de la silhouette du mot, mais un
mode de traitement qui donne priorité à la structure spatiale de l’objet.
Attention, il ne s’agit pas ici de la méthode de lecture dite « globale »,
parfois encore proposée dans la petite enfance pour l’apprentissage de
la lecture.

Nos expériences ont montré que certains dyslexiques, surtout les

dyslexiques de surface, présentent un déséquilibre entre les modes de
traitement global et local de l’information visuelle. Ils concentrent trop
leur attention sur les détails, au détriment des relations spatiales qui les
relient et permettent normalement de percevoir une organisation. Nous
avons mis en place et étalonné un test qui détecte ces déficits, à partir
de lettres hiérarchisées ou d’objets hiérarchisés tels que ceux-ci. Des
exercices existent aussi pour rétablir l’équilibre entre l’attention portée
aux détails et à la structure. Ils améliorent la lecture, en incitant les
enfants dyslexiques à se tourner vers la procédure d’adressage qui
nécessite une analyse globale.

Bien qu’ils soient plus âgés, les étudiants dyslexiques sont aussi
atypiques dans ce domaine : en effet, leur traitement global est
insuffisamment spontané. Mais des travaux récents montrent que, même
à cet âge, des exercices peuvent encore les aider à accorder plus

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d’attention à l’analyse globale et donc, en lecture, aux relations spatiales

entre les lettres.

En résumé, les opérations mentales les plus élémentaires réalisées pour

un mot écrit, comme l’association Lettres/Mot, l’identification des lettres
et le codage de leur position relative peuvent être déficitaires dans la
dyslexie.

En ce cas, les deux procédures de lecture qui suivent, l’adressage et

l’assemblage, peuvent être perturbées, et c’est une des raisons pour
lesquelles le diagnostic de dyslexie mixte est souvent posé. En
s’intéressant aux déficits qui existent à ces niveaux élémentaires, on
peut imaginer des façons de présenter l’écrit qui perturbent moins les
dyslexiques pour décoder les mots.

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