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« LES ÉCOSYSTÈMES FORESTIERS DES CARAÏBES »

Compte rendu de colloque (Martinique, 5-10 décembre 2005)

François Ramade

EDP Sciences | « Natures Sciences Sociétés »

2007/3 Vol. 15 | pages 319 à 321


ISSN 1240-1307
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2007-3-page-319.htm
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Natures Sciences Sociétés 15, 319-321 (2007)

c NSS Dialogues, EDP Sciences 2007 Natures
DOI: 10.1051/nss:2007070
S ciences
S ociétés

Vie scientifique
« Les écosystèmes forestiers des Caraïbes »
Compte rendu de colloque (Martinique, 5-10 décembre 2005)

François Ramade
Écologue, Laboratoire Écologie, systématique et évolution, Université Paris-Sud, Bât. 362, 15 rue Georges Clemenceau,
91405 Orsay cedex, France

Les divers archipels qui constituent la province bio- sociétés humaines, les interactions hommes-forêts ayant
géographique de la Caraïbe sont caractérisés par des éco- été par le passé – et étant aujourd’hui encore – particuliè-
systèmes forestiers tropicaux d’importance globale, car, rement fortes. La dimension sociologique du problème
outre leur très haute endémicité, ils figurent parmi les hot impliquait la participation de gestionnaires, de profes-
spots majeurs de la biodiversité planétaire. De plus, ces sionnels, de représentants des pouvoirs publics ainsi que
forêts présentent une grande diversité écosystémique qui d’hommes politiques concernés.
s’étage depuis des formations hyperhygrophiles jusqu’à En définitive, ce colloque a constitué un forum au-
certaines de xérophilie élevée. thentiquement pluridisciplinaire, qui a abordé toutes les
Malheureusement, ces forêts figurent parmi celles qui questions propres aux interfaces entre milieux forestiers
ont été le plus dégradées par l’exploitation humaine, l’uti- et sociétés caribéennes. Une centaine de conférences et
lisation des ressources ligneuses s’étant par le passé beau-
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de communications y ont été présentées. Il a réuni envi-
coup plus apparentée à une extraction minière qu’à un ron cent cinquante scientifiques, experts, décideurs, ges-
usage soucieux des générations futures. En conséquence, tionnaires, hommes politiques, provenant des diverses
la couverture forestière des Caraïbes ne représente plus îles de la région Caraïbe (y compris des anglophones
que 11 % de son étendue originelle, à l’époque précolom- de Porto Rico ou de la Jamaïque et même des Cubains),
bienne. Outre une érosion parfois massive des sols, ou à ainsi que de pays qui la jouxtent (Colombie, Venezuela,
tout le moins leur appauvrissement croissant, cette dé- par exemple). La majorité des participants provenait
forestation s’est traduite par de graves perturbations du des sciences biologiques (écologues, botanistes, biogéo-
cycle de l’eau et une aridification du climat, très sensible graphes, pédologues, mycologues...), mais on comp-
sur certaines îles. Sur le plan biologique, elle a provoqué tait aussi des anthropologues, des historiens, des socio-
une raréfaction de nombreuses populations d’espèces logues, des ethnologues, des juristes et des économistes.
végétales et animales et, pis encore, des extinctions en
nombre sans cesse accru. Par ailleurs, la dégradation des La première matinée du colloque a été consacrée
écosystèmes forestiers subsistant a augmenté leur vulné- aux problématiques générales concernant les questions
rabilité à des aléas naturels, en particulier climatiques. de fonctionnement des forêts tropicales. L’accent a été
Ces considérations constituent la justification même mis sur le fait que ces écosystèmes ne sont pas seule-
de ce colloque international, organisé par le conseil gé- ment marqués par leur exceptionnelle biodiversité, mais
néral de la Martinique et l’université Antilles-Guyane, qu’ils jouent un rôle essentiel dans les processus éco-
dont l’objet était de faire un bilan aussi exhaustif que pos- logiques fondamentaux propres aux milieux tropicaux,
sible des connaissances scientifiques relatives à ces éco- en régulant en particulier le cycle de l’eau (Ramade).
systèmes forestiers. En sus des travaux sur la structure et Néanmoins, les questions de structure ont eu leur place,
le fonctionnement de ces écosystèmes, le colloque s’est in- avec des communications sur les communautés fon-
téressé à leur évolution en rapport avec la dynamique des giques, de même que les questions de succession écolo-
gique dans ces écosystèmes forestiers. Enfin, les facilités
Auteur correspondant : francois.ramade@ibaic.u-psud.fr d’usage qu’offrent ces écosystèmes ont aussi été discutées

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(Portecop). L’organisation de la recherche sur ces forêts a d’habitude lorsque sont évoquées de telles thématiques,
été également invoquée, en prenant le cas de la Guyane. se sont opposés les tenants du « développement » quel-
Une journée a été ensuite dévolue aux questions rela- qu’en soit le coût environnemental – en bref, les parti-
tives à l’étude de la structure, du fonctionnement, de la sans du « développement contre la conservation » – et
diversité biologique et de la dynamique des forêts, no- ceux – parmi lesquels se rangent la quasi-totalité des éco-
tamment de celles des Petites Antilles (Joseph). Plusieurs logues – qui considèrent au contraire que la conservation
communications ont concerné plus particulièrement cer- de la nature et de ses ressources constitue un impératif
tains types écosystémiques, comme la forêt sempervi- catégorique à un développement durable.
rente saisonnière de Martinique, la dynamique des es- Le thème des loisirs a, lui aussi, fait l’objet d’une jour-
pèces d’arbres dans les forêts hygrophiles de Guyane et née : on s’est interrogé notamment sur la contribution de
celle des forêts hygrophiles tropicales insulaires, ou en- l’écotourisme forestier à la préservation des forêts dans
core la colonisation des propagules de mangroves. Les la Caraïbe insulaire et en Guyane. Les aspects positifs de
problèmes de conservation et de gestion ont été égale- ces pratiques, mais aussi certains de leurs effets négatifs
ment abordés, avec plusieurs références à l’application potentiels ont été débattus.
de la télédétection et de l’imagerie satellitaire à l’évalua- Une session a été consacrée à l’examen de pratiques
tion de la santé des forêts tropicales et à celle de l’action telles que la culture sur brûlis en Guyane, la production
de l’homme sur ces dernières. Enfin, plusieurs interven- de charbon de bois à Haïti, l’exploitation de la production
tions on concerné la biodiversité, plus spécifiquement ligneuse et (à nouveau) les usages récréatifs des forêts
en ce qui concerne les menaces dues aux espèces arbo- dans la perspective d’une gestion durable de celles-ci.
rées invasives (Joseph) et à leurs peuplements fongiques Il a ensuite été procédé à un élargissement des pers-
(Courtecuisse, Fiard, parmi d’autres). Troisième théma- pectives, à travers une comparaison entre l’écologie et la
tique abordée : la représentation et les usages immaté- gestion des forêts du bassin caraïbe, du monde tempéré
riels des écosystèmes sylvestres. Cette session offrait une et des autres régions tropicales. Les rapports entre les
dimension historique, ethnologique et sociologique por- hommes et les écosystèmes forestiers dans le monde tro-
tant sur la représentation qu’avaient ou qu’ont encore les pical ont été abordés à propos du Sud-Ouest pacifique,
peuples amérindiens de la forêt, sur l’imaginaire insu- de Madagascar et du Cameroun. Dans ce tour d’hori-
laire actuel, enfin sur la représentation de la forêt chez zon, il a été fait état du rôle de la société civile dans la
les jeunes lycéens antillais. gestion forestière, aussi bien au sujet des forêts tempé-
Une autre journée a été consacrée aux questions de rées et boréales (au Québec, mais aussi à Fontainebleau)
protection, de conservation, de gestion et de valorisation que des mangroves (aux Indes). D’autres communica-
des ressources forestières. Le premier thème abordé a été tions ont traité de l’économie forestière et, sur le plan
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celui de l’utilisation rationnelle et de la gestion du pa- sociologique, des relations entre les firmes forestières, les
trimoine forestier dans l’ensemble des Antilles et des ré- communautés d’habitants et les pouvoirs publics.
gions littorales continentales des pays qui bordent la mer Le colloque s’est terminé par la présentation d’une
des Caraïbes. A été évoqué à cette occasion le rôle des synthèse établie collégialement par le comité scientifique.
espèces introduites pour la sylviculture dans la reconsti- Cette synthèse a eu pour objet de souligner les points sur
tution des successions forestières et la dynamique des es- lesquels le colloque avait mis en évidence des besoins
pèces insulaires. Ont fait plus particulièrement l’objet de de recherches ou la nécessité d’une meilleure intégra-
communications sur ces sujets : le Mexique, le Guatemala, tion des données de la recherche à la gestion des forêts
le Costa Rica, la Colombie, Porto Rico, Trinidad et Tobago. des Caraïbes pour en améliorer la conservation dans une
La conservation des forêts en lien avec la préservation perspective de développement durable. Dans cette pers-
de la ressource en eau a été abordée à propos de la pective, les recommandations suivantes ont été faites :
Dominique. Ont également été soulevés les problèmes
de création de réserves naturelles et d’aires protégées au – procéder à une clarification de la terminologie ;
profit des principaux types écosystémiques de forêts tro- – procéder à un état des lieux en matière d’évalua-
picales et antillaises, et aussi des zones humides littorales tion de la biodiversité des écosystèmes forestiers des
particulièrement menacées. Plusieurs études de cas (Ré- Caraïbes ;
serve de la Caravelle, par exemple) ont été présentées. La – établir un réseau des chercheurs travaillant sur ces
création de nouvelles réserves naturelles ou encore de ré- forêts et mettre sur pied une base de données ;
seaux d’espaces protégés a été envisagée (dans le cas de la – développer des indicateurs de qualité et de dyna-
Martinique). D’autres communications ont porté sur les mique des milieux forestiers afin de mieux cerner
bio-indicateurs des changements dans ces écosystèmes l’évaluation de l’action de l’homme sur ces milieux ;
ou ont souligné l’importance des inventaires pour la déli- – sur le plan méthodologique, faire un effort accru pour
mitation des aires protégées et la mise en œuvre des plans le développement de SIG dans les diverses régions de
de gestion de ces dernières (Étifier-Chalono). Comme la province biogéographique des Caraïbes ;
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– sur le plan des moyens, faire un effort prioritaire de D’un niveau scientifique incontestable, ce colloque a
recrutement de taxonomistes, ainsi que pour le finan- eu le mérite de confronter plusieurs approches des pro-
cement de la recherche ; blèmes propres à ces écosystèmes : celle des chercheurs,
– conforter l’éducation des citoyens dans la prise de celle des administratifs qui en ont la charge, celle des ac-
conscience de l’importance de la préservation des fo- teurs sociaux qui, d’une façon ou d’une autre, exploitent
rêts tropicales de la région, pour assurer le maintien leur production biologique, celle des gestionnaires des
de leurs conditions de vie et celles des générations aires protégées forestières, ainsi que celle des respon-
futures ; sables des pouvoirs publics. Compte tenu du fait que
– dans le même but, sensibiliser les politiques et les certains des sujets traités donnaient lieu à polémique,
gestionnaires pour qu’ils agissent en faveur d’une quelques communications ont suscité des débats parfois
utilisation rationnelle et d’une préservation des éco- vigoureux, mais toujours courtois, entre les participants.
systèmes forestiers des Caraïbes, afin d’assurer aux C’est là le signe qu’au-delà du besoin de recherches qui le
divers pays de la région un développement durable. justifie, le sujet traité aborde des questions très actuelles,
qui concernent en définitive toutes les sociétés civiles de
Des actions concertées et/ou des stratégies d’action de- la région des Caraïbes.
vraient être définies et mises en œuvre sur chacun de ces
points.
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