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Nouvelles archives du Muséum

d'histoire naturelle de Lyon

Nature et provenance des matériaux siliceux


Alain Turq

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Turq Alain. Nature et provenance des matériaux siliceux. In: Nouvelles archives du Muséum d'histoire naturelle de Lyon, tome
31, 1994. L'autre Padirac. Spéléologie, karstologie, paléontologie et préhistoire, dans l'affluent Robert de Joly. pp. 198-199;

https://www.persee.fr/doc/mhnly_0373-6636_1994_num_31_1_1137

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NATURE ET PROVENANCE

DES MATÉRIAUXSILICEUX

par Alain TURQ

L'industrie lithique recueillie dans l'affluent Robert de la stratigraphie séquentielle (Cubaynes et alii, 1989), c'est-à-
Joly a subi, avant de nous parvenir, de nombreuses vicissi¬ dire des rares moments où, durant le dépôt des séries car-
tudes qui ont profondément modifié son état de surface, ce bonatées, d'importants apports de silice d'origine
qui gêne considérablement la détermination lithologique. continentale ou des phénomènes de dessalure ont permis
Malgré cela, nous avons entrepris cette étude qui a permis, en la formation de silicifications. Le caractère local de ces phé¬
outre, de tester les limites de la méthode utilisée. nomènes explique que ces silex proviennent de gîtes de
petite dimension (le plus souvent quelques centaines de
Les difficultés rencontrées mètres carrés) qui se trouvent tous dans un rayon de un à
dix kilomètres du site;
Elles ont été de deux ordres : d'une part les altérations - des silex jaspoïdes de l'Infralias (Demars, 1980), provenant
des pièces et d'autre part la localisation du site initial, c'est-à- de petits foyers situés au contact de la bordure faillée du
dire de l'endroit où les hommes préhistoriques les ont aban¬ Massif Central;
données. - des silex lacustres du Tertiaire dont au moins un semble
caractéristique des petits bassins de la bordure du Massif
Central.
Détermination lithologique
Les objets étudiés, outre les premières attaques aux¬ Ces deux derniers matériaux et peut-être certains silex
quelles ils ont été soumis sur le site initial, ont été soutirés jurassiques ont pu être récoltés dans les terrasses de la
puis roulés par la rivière, ce qui a transformé profondément Dordogne proche (5 km) ou dans les épandages fluviatiles
leur surface. Ensuite, leur séjour dans l'eau a ajouté un qui recouvrent le causse sur la rive gauche de la Dordogne.
encroûtement noirâtre probablement dû à un dépôt de fer C'est de là aussi que doivent provenir les galets de quartz
et/ou de manganèse. Pour toutes ces raisons, une étude présents dans cet ensemble lithique.
lithologique détaillée de la série n'a pas pu être entreprise. L'étude des zones corticales, de la morphologie des blocs
Toutefois, l'examen de certaines pièces, l'observation à la de silex, montrent que les hommes les ont récoltés dans plu¬
faveur de fractures récentes d'autres pièces, ont pu donner sieurs gîtes, tant sur les alluvions de cours d'eau (néo-cortex
quelques indications d'ordre général, tant sur les types de fluviatile) que dans les altérites recouvrant les formations car-
gîtes exploités que sur l'origine géologique ou géographique bonatées.
des matériaux. Enfin, la présence de cupules de gel sur quelques pièces
semble indiquer, qu'après son abandon, le matériel n'a pas
Localisation du site initial été ou a été faiblement recouvert par du sédiment.

L'interprétation des quelques données recueillies s'est Quelques réflexions


également heurtée à un problème nouveau pour nous : com¬
ment calculer les distances parcourues par les matériaux Bien que très fragmentaires, ces observations sont
transportés par l'homme; comment essayer éventuellement conformes à nos connaissances de l'approvisionnement en
de définir un territoire à partir d'une série lithique pour matières premières lithiques du Paléolithique ancien et
laquelle nous ne connaissons pas avec certitude la localisa¬ moyen régional (Hirq, 1989, 1990, 1992). L'espace domes¬
tion géographique ? tique large, zone parcourue fréquemment, probablement de
Suite aux travaux effectués et présentés dans ce même façon journalière par le groupe pour sa subsistance livre
ouvrage, nous avons considéré qu'il s'agissait d'un ou de plu¬ entre 95 et 100 % des roches utilisées. L'absence de matières
sieurs sites sous-abri ou de plein air implantés dans une ou premières importées est plus vraisemblablement due aux dif¬
plusieurs dolines situées sur ou à proximité de la faille de ficultés de détermination qu'à leur absence réelle. Dès
Padirac, à environ 2 km à l'Ouest du gouffre. l'Acheuléen, on note des transports de quelques pièces, le
plus souvent des bifaces ou des outils, sur 30 à 40 km, mais
Les observations parfois jusqu'à 60 km, comme le biface en quartzite garon-
naise découvert à Marcilhac-sur-Célé.
En raison des difficultés énumérées ci-dessus, nous ne A la suite de J. Jaubert (ce volume) soulignons ici le petit
considérons pas les quelques lignes qui suivent comme des nombre d'objets en quartz (5,5 %) d'autant que les données
résultats, mais seulement comme des tendances. Sur actuellement disponibles montrent que :
204 objets observés, l'origine géologique de seulement - dans une zone particulièrement riche en silex mais en abri
15 pièces a pu être déterminée. Les types de silex suivant ont à proximité de formations alluviales, comme dans la vallée
pu être identifiés : de la Dordogne autour de Domme, dans les sites de
- diverses variétés de silex du Jurassique moyen (Dogger) Combe-Grenal (Bordes, 1955, 1971, 1972 ; Hirq, 1992) et la
issues, d'un point de vue géologique, des discontinuités de grotte Vaufrey (Rigaud, 1982, 1988 ; Geneste, 1985, 1988)
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son pourcentage varie entre 7,5 et 21,4 % pour l'Acheuléen Thèse 3e cycle : Géologie du Quaternaire et préhistoire :
et entre 0,1 et 9,9 % dans le Moustérien; Bordeaux 1 : 1980, n° 1566, 173 p., 26 figures.
- dans une zone à silex mais sur les terrasses alluviales, dans GENESTE J.-M. (1985) : Analyse lithique d'industries mous-
la vallée du Lot autour de Fumel, il est de 75 % dans tériennes du Périgord : une approche technologique du
l'Acheuléen des Béraudies et de 78,5 % (Hirq, 1992) dans le comportement des groupes humains au Paléolithique
site moustérien des Las Planes (Collina-Girard et Hirq, moyen.-Thèse N.D. : Sciences, Bordeaux I : 1985, n° 2;
1991); 2 volumes, 572 p., 230 pages de planches.
- en Quercy, zone pauvre en silex, il varie pour le Moustérien GENESTE J.-M. (1988) : Systèmes d'approvisionnement en
entre 49,5 et 96,2 % (Jaubert 1984, Jaubert et alii, 1990). matières premières au Paléolithique moyen et au
Toujours dans cette région, sur les rares ateliers de taille Paléolithique supérieur en Aquitaine.-In OTTE, M. (édi¬
implantés sur les gîtes à silex, le quartz est peu représenté teur) : L'homme de Néandertal.-Actes du colloque interna¬
(moins de 10 %). tional de Liège (4-7 décembre 1986), volume 8 : la
Le faible pourcentage de quartz dans la série de Pâdirac mutation, J.-K. Kozlowski coordinateur, Liège : Université de
est sans doute lié aux conditions de récolte mais est peut-être Liège, p. 61-70, illustrations, ERAUL; 35.
accentué par le fait que le ou les sites soutirés pouvaient être JAUBERTJ. (1984) : Contribution à l'étude du Paléolithique
des ateliers de taille, comme on en connaît quelques-uns ancien et moyen des causses.-Thèse de 3e cycle : Université
dans cette région du Quercy. de Paris I, Panthéon-Sorbonne, 2 volumes.
JAUBERT J. et alii (1990) : Les chasseurs d'Aurochs de La
Conclusions Borde, un site du Paléolithique moyen (Livernon, Lot).-
Documents d'Archéologie française n°27, Paris : Maison des
Ce travail montre que, malgré les nombreuses et impor¬ sciences de l'homme, 157 p., illustrations.
tantes difficultés inhérentes au site, l'étude lithologique peut RIGAUD J.-P. (1982) : Le Paléolithique en Périgord : les don¬
apporter quelques indications complémentaires, même si nées du Sud-Ouest sarladais et leurs implications.-Thèse
celles-ci restent tout à fait succinctes. Chaque fois qu'elle est Sciences, Bordeaux I, 1982; n° 737, 2 tomes, 497 p., figures,
réalisable, même partiellement, cette analyse doit être faite tableaux.
d'autant qu'elle permet le plus souvent d'approcher plus RIGAUD J.-P. (1988) : La grotte Vaufrey : paléoenvironne¬
étroitement une partie du comportement humain. ment, chronologie, activités humaines.-Mémoires de la
Société préhistorique française, Paris, n° XIX, 614 p., illus¬
trations.
Bibliographie TURQ A. (1989) : Exploitation des matières premières
BORDES F. (1955) : La stratigraphie de la grotte de Combe lithiques et exploitation du sol : l'exemple du Moustérien
Grenal (Dordogne) : note préliminaire.- Bulletin de la Société entre Dordogne et Lot-In LN.Q.UA, Colloque du comité fran¬
préhistorique française, p. 426-429, 1 figure. çais de l'Union internationale pour l'étude du Quaternaire.
BORDES F. (1971) : Observations sur lAcheuléen des grottes Variations des paléo-milieux et peuplement préhistorique.
en Dordogne.-Munibe, n° 1, p. 5-24, 11 figures. Cahiers du Quaternaire n° 13. Centre National de la Recherche
BORDES F. (1972) : A tale of two caves. New York : Harper & Scientifique (Centre régional de publication de Bordeaux)
Row publishers. 169 p., illustrations. p. 179-204, illustrations.
COLLINA-GIRARD J. et TURQ A (1991) : Le Paléolithique TURQ A (1990) : Exploitation du milieu minéral : technologie,
moyen sur galets de la station des Planes, commune de économie et circulation des silex.-In JAUBERT et alii : Les
Montayral (Lot-et-Garonne).-Paléo, n°3, p. 49-74, illustrations. chasseurs d'Aurochs de La Borde, un site du Paléolithique
CUBAYNES R. ; FAURE P. ; HANTZPERGUE P. ; PELISSIE T. moyen (Livernon, Lot).-Documents d'Archéologie française
et REY J. (1989) : Stratigraphie séquentielle sur la plate-forme n°27, Paris : Maison des sciences de l'homme, 157 p., illustra¬
carbonatée du Quercy. Pré print d'une note publiée par tions, p. 103-115.
Géologie de la France, fascicule 3, 114 p., illustrations. TURQ A (1992) : Le Paléolithique inférieur et moyen entre
DEMARS P.-Y. (1980) : Les matières premières siliceuses uti¬ les vallées de la Dordogne et du Lot-Thèse N.D. : sciences,
lisées au Paléolithique supérieur dans le bassin de Brive.- Bordeaux 1, 1992, n° 778. 2 volumes, 782 p., illustrations.

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