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Pallas

Domitien et la vieille aristocratie sénatoriale : ruptures et continuité


Monique Dondin-Payre

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Dondin-Payre Monique. Domitien et la vieille aristocratie sénatoriale : ruptures et continuité. In: Pallas, 40/1994. Les années
Domitien. pp. 271-288;

doi : https://doi.org/10.3406/palla.1994.1324

https://www.persee.fr/doc/palla_0031-0387_1994_num_40_1_1324

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Résumé
Face à l'historiographie traditionnelle qui met l'accent sur les conflits entre Domitien et le sénat,
certains historiens s'orientent aujourd'hui vers une réhabilitation du comportement de l'empereur, qui
aurait été victime de la distorsion des sources émises en majorité par le sénat. En fait, après quelques
années au cours desquelles Domitien eut à cœur d'honorer les anciennes familles de l'aristocratie pour
se les rallier, il se heurta à l'opposition du sénat, provoquée par son absolutisme, et y répondit par une
répression. Ainsi s'expliquent les mesures collectives des années 95, dont la signification a été
discutée (et en particulier imputée à la pratique du christianisme). Cette évolution est illustrée par la
destinée contrastée des consuls de la famille des Acilii Glabriones.

Abstract
Over against traditional historiography that lays the stress on the conflicts between Domitian and the
Senate, certain historians lean today towards a rehabilitation of the emperor's behaviour, who would
have fallen victim to the distorsion of the sources chiefly issued by the senate. As a matter of fact, after
a few years during which Domitian had at heart to honour the old families of the aristocracy in order to
conciliate them he came up against the senate's opposition, provoked by his absolutism, which he
fought back by a repression. This accounts for the collective steps taken in the year 95, whose
meaning has been controverted (and in particular ascribed to Christianity). This evolution is illustrated
by the contrasted destinies of the
consuls from the familyof the Acilii Glabriones.
DOMITIEN ET LA VIEILLE ARISTOCRATIE
SÉNATORIALE : RUPTURES ET CONTINUITÉ

par Monique DONDIN-PA YRE*

Le thème des relations entre Domitien et le sénat occupe une place centrale dans
l'historiographie de son règne. Il est toujours envisagé dans une perspective compa-
ratiste, par rapport au prédécesseur de l'empereur, et même plus souvent à Vespasien,
ou par rapport à ses successeurs Nerva et Trajan, sur lesquels il aurait violemment
tranché par son comportement tyrannique, à moins que, selon une vision plus récente,
il n'ait, pour assurer un gouvernement sage et mesuré, collaboré avec le sénat dont la
composition n'aurait pas subi de modifications radicales sous son règne l.
D est difficile d'émettre des opinions rationnellement fondées, parce que, dans leur
désir de convaincre de la cruauté gratuite de Domitien, les sources antiques égrènent les
listes des victimes hors de toute logique, cependant que les historiens modernes
organisent ces séries en conspirations dont la première daterait de 83, et auxquelles
l'empereur aurait réagi par des répressions, elles-mêmes sources de réactions du sénat 2.
Traditionnellement, on considère que les groupes les plus menacés sont ceux de la
vieille aristocratie, quand elle unit à un passé qui pourrait légitimer des aspirations au
trône un dynamisme qui la met en contact avec l'administration de l'empire et lui
permet d'en maîtriser le fonctionnement.
Parmi les innombrables exécutions dont Domitien est accusé, figure celle d'un
membre de la famille sénatoriale des Acilii Glabriones. Son cas est exemplaire parce
que la gens Acilia, intégrée au sénat depuis la République 3, a, pour la période
considérée, c'est-à-dire celle des Flaviens et des débuts de la dynastie antonine, fourni
trois consuls. Elle constitue donc une excellente occasion d'envisager les ruptures et
continuités dans les rapports de Domitien avec le sénat.
Au centre du dossier se trouve donc le consul de 91, M' Acilius Glabrio, mais son
père, consul lui aussi, est connu pour avoir participé au conseil de guerre que
Domitien dut tenir à Mayence en 82-83 lors de l'expédition manquée contre les
Chattes 4. Dans le fragment préservé du poème où il en fait le compte rendu (De bello
Germanie o), Stace 5 cite Acilius à la suite de L. Iunius Vibius Crispus, et
d'A. Didius Gallus Fabricius Veiento, tous deux consuls III vers 83 6 :

Lumina, Nestorei miîis prudentia Crispi


et Fabricius Veiento - potentem signât utrumque
purpura, ter memores implerunt nomine fastos
et prope Caesareae confinis Acilius aulae...

* Chargée de recherche au CNRS.


272 MONIQUE DONDIN-PAYRE

(Domitien réunit son conseil à l'occasion de la campagne contre les Chattes en


Germanie en 82-83 ap. J.-C.)
« Lumières, l'aimable sagesse de Crispus, semblable à celle de Nestor, et Fabricius
Veiento - la pourpre les désigne l'un et l'autre comme puissants, trois fois ils emplirent
de leur nom les fastes pleins de mémoire -, et Acilius qui confinait presque à la cour de
César... »

A quel titre Acilius participa-t-il à ce conseil ? La formule prope Caesareae


confinis Acilius aulae a suscité diverses interprétations (allusion à l'âge du sénateur,
ou à son domicile notamment) 7, mais le plus vraisemblable est que Stace souligne
les relations privilégiées qu'entretenait Acilius avec la cour impériale 8, ce qui ne
saurait surprendre étant donné son milieu et sa place au sénat. En effet, s'il est désigné
simplement comme Acilius, il est évident, d'après Juvénal, qu'il est le père d' Acilius
Glabrio, consul en 91 :

Proximus eiusdem properabat Acilius aeui


Cum iuuene indigno quem mors tam saeua maneret
Et domini gladiis tamfestinata.
(Juvénal, Satires, IV, 94-96)
« Presque du même âge que Crispus, Acilius se pressait aussi, il était accompagné d'un
jeune homme qui ne méritait point la mort si cruelle qui l'attendait, ni que le glaive du
maître en hâtât ainsi l'échéance. »
Proximus eius... : consul sub Domitiano fuit indignus pati quae passus est. Huius
cum iuuenem New occideret, ipsum Acilium seruauit quo poenas sentiret
orbitatis. (Scholia ad /mm., IV, 94).
« Consul sous Domitien, il ne mérita pas ce qu'il eut à supporter. Alors que Néron tuait
son jeune fils, il épargna Acilius lui-même pour qu'il éprouve la souffrance de la perte
de son enfant. »

Octogénaire en 90, puisque mis sur le même plan que Crispus par Juvénal,
Acilius est né vers 5 et peut sans difficulté être le fils de M. Acilius Memmius
Glabrio, curateur du Tibre sous Tibère 9.

M. Acilius Memmius Glabrio, curateur du Tibre sous Tibère

Acilius (Glabrio), consul sous Néron ? II sous Domitien ?

M'Acilius Glabrio, consul en 91, exécuté en 95


ι
M'Acilius Glabrio, consul en 124

II s'inscrit donc dans une longue lignée sénatoriale et le qualificatif de nobilis que
lui applique Juvénal (v. 97 : in nobilitate) est parfaitement justifié. Qu'il soit aussi
DOMITTEN ET LA VIEILLE ARISTOCRATIE SÉNATORIALE 273

patricien (v. 102 : Quis enim iam non intellegat artes patricias ?), même si la gens
est connue comme plébéienne à ses débuts, serait tout à fait normal 10.
En revanche, la date de son consulat est plus difficile à établir : Juvénal, qui, dans
sa parodie du « conseil du turbot », démarque Stace, le cite en troisième position, après
Pegasus, juriste célèbre, préfet de la Ville en 79-83, puis Vibius Crispus, tous deux
consuls trois fois H, et immédiatement avant Rubrius Gallus (v. 105), consul avant
68 12. Il est donc impossible qu'il n'ait pas été consulaire, ce que confirme le
scholiaste déjà cité qui le désigne comme consul sous Domitien 13. En ce cas, il aurait
exercé la charge à un âge très avancé ; on proposerait volontiers de situer un premier
consulat sous le règne de Claude ou sous celui de Néron 14, et d'admettre une itération
sous celui de Domitien I5.
Sur son fils l6, le consul de 91, victime de ce qu'il est préférable d'appeler, non la
persécution (qui introduit abusivement une impression de série cohérente), mais la
condamnation de Domitien, beaucoup de points sont controversés.
On ignore à quel titre la présence de ce jeune homme au « conseil du turbot »
aurait été requise 17 : il semble d'après la formule de Juvénal (v. 95 : cum iuuene)
qu'il n'avait pas encore exercé la préture en 82-83. Il aurait donc entamé le cursus sous
le règne de Titus. Il est assuré qu'il exerça le consulat à partir du 29 avril 91, avec
Trajan comme collègue : il semble donc avoir joui de la faveur de Domitien, sans
qu'on puisse dire si la concomitance de son consulat avec celui de Trajan, récompensé
de sa réussite militaire en Germanie en 88-89, revêt une signification particulière 18.
Il est célèbre par son sort malheureux : l'année même de son consulat, en 91, il
dut combattre, sur ordre de Domitien, un lion dans l'arène, et quatre ans plus tard, en
95, alors qu'il était en exil, il fut exécuté. Selon les sources, les deux épisodes sont
dissociés, ou le premier est considéré comme la cause du second.
La première phase est celle du combat dans l'arène évoqué par Juvénal et Dion
Cassius :

Profuit ergo nihil misero quod comminus ursos


Figebat Numidas Albana nudus narena
Venator.
(Juvénal, v. 99-101).
« II ne lui servit à rien, le pauvre, de percer les ours numides en des combats corps à
corps, chasseur sans armure dans l'arène d'Albe. »

Τδν δέ δή Γλαβρίωνα τον μετά του Τραϊανού αρ£αντα, κατηγορηθέντα τα τε άλλα


και οία oi πολλοί και δτι και θηρίοις έμάχετο, άπέκτεινεν Έφ'φ που και τά μάλιστα
όργην αύτφ ύπό φθόνου έσχεν, ότι ύπατεύοντα αύτον ές τό Άλβανον έπί τα
Νεανισκεύματα ώνομασμένα καλέσας λέοντα άποκτεΐναι μέγα ν ήνάγκασε, και ôç
ού μόνον ουδέν έλυμάνθη άλλα και εΰστοχώτατα αύτον κατειργάσατο*
274 MONIQUE DONDIN-PAYRE

« Quant à Glabrio qui avait été collègue de Trajan au consulat, Domitien le fit mettre à
mort sous les mêmes chefs d'accusation que la plupart des autres et parce qu'il avait
combattu contre les bêtes féroces. C'est probablement de ce fait que le ressentiment de
l'empereur à l'égard de Glabrio fut provoqué surtout par la jalousie : alors que Glabrio
était consul, Domitien l'avait fait venir dans son domaine d'Albe aux fêtes appelées
Juvenalia et l'avait contraint à tuer un grand lion. Or Glabrio non seulement n'avait
reçu aucune blessure, mais il avait tué le lion avec beaucoup d'adresse. »

Leurs récits concordent quant au cadre (la villa de Domitien, à Albe), et au


déroulement : le consul se trouva aux prises avec un lion (les « ours numides » cités
par Juvénal ne peuvent être interprétés que comme une licence poétique). Glabrio
parvint à vaincre le lion en corps à corps (Juvénal : comminus). Une telle action n'est
ni unique ni infamante pour un sénateur, mais elle est rendue scandaleuse par la dignité
consulaire de son auteur et par la contrainte impériale. Dion Cassius insiste sur ce
dernier aspect que Juvénal n'évoque qu'indirectement, mais assez nettement pour qu'il
apparaisse que le consul était sous le coup d'une menace de Domitien.
Fronton propose un incident de ce type comme sujet de dissertation à son élève
Marc Aurèle ; l'indignation de celui-ci, dans sa réponse, est suscitée par cette volonté
d'un empereur d'abaisser un magistrat au niveau d'un gladiateur (Juvénal : uenator) : si
le nobilis Acilius avait été iuuenis, l'exigence impériale n'aurait pas été contraire aux
convenances 19. Sans doute Marc Aurèle, sollicité par Fronton de traiter le sujet d'une
victoire d'un consul sur un lion, se référa-t-il spontanément à l'épisode que sa date
relativement récente et les qualités des protagonistes lui remémorèrent immédiatement :

Materiam misi tibi : res séria est. Consul populi Romani posita praetexta
manicam induit, leonem inter iuuenes quinquatribus percussit populo Romano
spectante. Apud censores expostulatur.
(Fronto, ad Marc, V, 22).
« Je te fais parvenir un thème : l'affaire est sérieuse. Un consul du peuple romain, ayant
dépouillé sa toge, revêtit une cotte de mailles ; au milieu de jeunes gens, il terrassa un
lion, lors des quinquatries, sous les regards du peuple romain. On se plaint de lui aux
censeurs. »

Quando id factum est et an Romae ? Num illud dicis in Albano factum sub
Domitiano ? Praeterea in hac materia diutius laborandum est ut factum
credatur, quam ut irascatur : 'Απίθανος ύηόθεσις uidetur mini, quant plane
maluerim, qualem petieram. Rescribe statim de tempore.
(Ibid, V, 23).
« Quand cela est-il arrivé ? Etait-ce à Rome ? Veux-tu parler de ce qui est arrivé sous
Domitien dans sa maison d'Albe ? En outre, dans un tel sujet, on a plus de mal à rendre
le fait crédible qu'à s'en irriter. Le thème me paraît invraisemblable, j'en aurais
nettement préféré un comme celui que j'avais demandé. Donne-moi la date par retour du
courrier. »
DOMITIEN ET LA VIEILLE ARISTOCRATIE SÉNATORIALE 275

Cependant, on considère à tort que professeur et élève pensaient au même


événement. Certes, les principaux aspects sont identiques (un consul opposé à un
lion), mais la procédure de dépôt d'une plainte contre le consul devant les censeurs,
évoquée par Fronton, renvoie à l'époque républicaine, donc à un incident très antérieur,
inconnu par ailleurs, et à propos duquel il n'est fait aucune allusion à une coercition, la
responsabilité du consul lui-même étant en cause. Il est inutile de chercher à concilier
les discordances entre Juvénal, Dion Cassius et Marc Aurèle d'une part, Fronton de
l'autre (l'occasion : les quinquatries célébrées en l'honneur de Minerve sur l'Aventin et
leur atmosphère populaire pour Fronton, les Iuuenalia instituées par Néron et la cour
impériale pour Juvénal et Dion Cassius, les conditions : nudus uenator pour Juvénal,
revêtu d'une armure, manica 20 pour Fronton 21) ; u est tout aussi inutile de tenter
d'expliquer les questions insistantes et le malaise de Marc Aurèle à la lecture des
consignes de son maître : contrairement à l'opinion générale, Fronton parle d'autre chose que
du combat d'Acilius Glabrio.
A lire Dion Cassius (liaison affirmée : και ότι και θηριοις) et Juvénal (relation
plus implicite : profuit nihil, « il ne lui servit à rien... »), l'habileté avec laquelle le
consul se serait tiré de cette aventure aurait provoqué directement sa perte puisque,
excitant la jalousie de Domitien, elle aurait incité celui-ci à le condamner à mort.
Conformément à la présentation classique des sources, il ne s'agirait donc que d'un
caprice de despote, d'autant plus tyrannique que son prétexte était futile. En fait,
Suétone précise qu'Acilius avait été exilé auparavant, et Dion Cassius (καν τφ αύτφ)
que sa mort se situe en 95, donc quatre ans après le combat :

Complures senaîores, in Us aliquot consulares, interemit ; ex quibus Ciuicam


Cerealem in ipso Asiae proconsulatu, Saluidienum Orfitum, Acilium
Glabrionem in exilio, quasi molitores rerum nouarum, ceteros leuissima
quemque de causa. . .
(Suétone, Domitien, 10).
« II fit périr une foule de sénateurs, dont un bon nombre étaient consulaires ;
parmi eux Civica Cerealis dans l'exercice même du proconsulat d'Asie,
Salvidienus Orfitus, Acilius Glabrio, alors en exil, sous prétexte qu'ils
fomentaient une révolution et les autres, pour des motifs futiles. »

Un élément nouveau intervint donc entre-temps qui poussa Domitien à prendre


une sanction définitive. Il ne paraît pas déraisonnable de supposer qu'Acilius, exilé
mais disposant d'un réseau de relations à la mesure du prestige de sa famille, ait
participé à des intrigues contre Domitien.
Suétone, comme Dion Cassius, inscrivent cette condamnation dans une série,
mais n'établissent pas la même liste. Suétone lie le sort de Glabrio à celui de (C.
276 MONIQUE DONDIN-PAYRE

Vettulenus) Ciuica Cerealis, proconsul d'Asie et de (Ser. Cornelius Scipio)


Saluidienus Orfitus, Dion Cassius à celui des Flaviens dits « chrétiens ».
Ce dernier chef d'accusation est l'objet de nombreuses discussions sur lesquelles je
ne m'étendrai pas : il résulte de l'emploi, par Dion Cassius, des termes athéisme
(άθεότης) et judaïsme (Ιουδαιχα ήθη) 22. En ce qui concerne Acilius Glabrio, bien que
Dion insiste sur l'importance du combat d'Albe, il assimile son sort à celui des
« chrétiens » en un premier membre de phrase qui, rapproché de l'expression quasi
molitores rerum nouarum de Suétone, a été interprété dans un sens religieux, c'est-à-
dire comme l'adhésion au christianisme 23. Cette interprétation parut renforcée par la
découverte, dans la catacombe de Priscilla, sur la Via Salaria, d'épitaphes a'Acilii (dont
un Glabrio) dans lesquelles leur inventeur, De Rossi, crut voir une preuve spectaculaire
de la conversion précoce de la prestigieuse famille sénatoriale. L'examen de la
provenance précise des inscriptions, tombées par hasard de l'enclos funéraire des Acilii
en surface dans diverses galeries de la catacombe, ôte toute valeur à cet argument 24, et
res nouae est couramment employé, par Suétone lui-même, pour désigner des
conspirations politiques 25.
Il est plus fructueux de se pencher sur l'énumération de Suétone qui, parmi les
complures senatores en butte à la condamnation de Domitien, choisit de nommer
d'abord et ensemble C. Vettulenus Ciuica Cerealis, Ser. Cornelius Scipio Saluidienus
Orfitus, et Acilius Glabrio. A la différence de celle de Dion Cassius qui réunit les
condamnés de 95, sa liste, chronologique dans son organisation interne, ne l'est pas
dans le contexte du règne 26 : c. Vettulenus Ciuica Cerealis fut exécuté alors même
qu'il gouvernait l'Asie en 87-88 27, ie consulaire Saluidienus Orfitus à une date
inconnue, mais après 87, terminus ante quern de son consulat 28, et Acilius Glabrio
en 95, en même temps que les « Flaviens chrétiens » (Dion Cassius). La logique de
l'énumération de Suétone doit donc être cherchée ailleurs que dans la simultanéité, et il
est vain d'essayer de la mettre en relation avec la révolte de Saturninus 29 comme de la
réorganiser en une conspiration. La cohérence est en premier lieu symbolique : les
trois personnages sont consulares, dit l'historien, mais il les a sélectionnés, pour
rendre plus percutante sa démonstration, parmi les représentants de divers aspects du
prestige sénatorial. Il cite en tête Ciuica Cerealis, dont le consulat suffect date des
environs de 74-75 puisqu'il gouverna la Mésie entre 82 et 84 30, peu après Sex.
Vettulenus Cerialis, son frère sans doute 31 ; il atteignit le plus considérable des
gouvernements provinciaux sénatoriaux, celui d'Asie. M. Vettulenus Ciuica Barbarus,
consul en 157, son fils très vraisemblablement, était patricien 32. r. Syme a proposé
de situer l'adlection au patriciat lors de la censure de Vespasien et de Titus, sous
lesquels la famille connut le début de son ascension 33. Même si on préfère placer la
mesure un peu plus tard, quand les Vettuleni se trouvèrent alliés aux héritiers du trône,
L. Aelius et L. Verus 34, Ciuica Cerialis, mis en exergue par Suétone, symbolise la
partie du sénat promue au plus haut rang par les premiers Flaviens, et sa condamnation
illustre le contraste entre le comportement de Domitien et celui de ses prédécesseurs.
DOMITIEN ET LA VIEILLE ARISTOCRATIE SÉNATORIALE 277

En revanche, il est injustifié d'imputer au désir d'humiliation par Domitien le choix


d'un chevalier, le procurateur C. Minicius Italus, comme remplaçant intérimaire du
proconsul Cerialis : il est exceptionnel que pareille fonction soit attribuée à un
sénateur 35.
Ensuite vient Ser. Cornelius Scipio Saluidienus Orfitus, aux noms glorieux,
même s'ils furent acquis par une adoption, sans doute testamentaire, d'un Saluidienus
dans la gens Cornelia 36. La branche était consulaire depuis le règne de Néron au
moins et avait déjà été frappée d'une condamnation par celui-ci 37. On ignore tout du
parcours de l'adversaire de Domitien, sinon qu'il fut relégué sur une île avant d'être
exécuté 38. En le sélectionnant, Suétone joint au rappel d'une onomastique
prestigieuse par son ancienneté le souvenir des abus dont se rendit coupable le
prédécesseur homonyme du « Néron chauve » : il crée un effet de miroirs entre les deux
empereurs.
Suétone clôt cette première enumeration avec Acilius Glabrio, dont le contexte
familial tout à fait différent vient d'être évoqué : il incarne par son antiquité gentilice la
tradition sénatoriale ; la concomitance de l'appartenance de son père à l'assemblée et la
survie de celui-ci à son fils (si l'on en croit le scholiaste de Juvénal) symbolisent la
continuité naturelle de l'aristocratie, la permanence dont elle tire sa légitimité, rompue
par le seul arbitraire impérial.
De la réunion, sous couvert d'un chef d'accusation partiellement identique (la
promotion de res nouae), de trois sénateurs dont le prestige comparable avait des
origines différentes, et dont les exécutions eurent lieu à des dates échelonnées, ressortent
le caractère fictif d'un complot qu'aurait monté un clan aux intérêts similaires, et
l'absence de discernement dans les attaques de Domitien, suffisant à justifier
l'unanimité, donc la légitimité des griefs du sénat
En même temps, la variété des parcours des personnages montre la diversité des
compétences sénatoriales : seul Ciuica Cerealis exerça une fonction militaire, puis un
grand proconsulat, mais, quand Suétone écrit, les familles des deux derniers,
Saluidienus Orfitus et Acilius Glabrio 39, occupent encore une place de premier plan,
si bien que la continuité du sénat est évidente face aux caprices impériaux. Cette
situation pose d'ailleurs la question des modalités juridiques de ces exécutions : une
véritable condamnation à mort pour trahison aurait dû entraîner la confiscation des
biens, et des problèmes patrimoniaux, sources de difficultés pour assurer le cens
sénatorial aux fils.
Ce contraste entre les protagonistes est renforcé dans la suite du récit de Suétone,
où sont juxtaposées les victimes de causae leuissimae, sans autre logique que
l'accumulation des cas les plus scandaleux : entre Lucullus, condamné parce que son
nom avait été donné à une nouvelle sorte de lance, et Mettius qui, plus classiquement,
paya de sa vie un horoscope trop favorable, on peut difficilement tisser d'autre lien que
celui d'une méfiance de l'empereur devant tout facteur susceptible d'attirer l'attention
278 MONIQUE DONDIN-PAYRE

sur un sénateur 40, ou plutôt sur un consulaire puisque toutes ces victimes le sont,
même si Suétone ne le précise pas 41.
Le cas d'Acilius Glabrio ne peut alimenter le procès en révision de Domitien,
mais, dans ce contexte, la promotion de sénateurs non-Italiens et de chevaliers,
susceptible de mécontenter et d'humilier en premier lieu les familles sénatoriales
anciennes, a acquis, aux yeux des historiens modernes, un relief particulier. On se
serait attendu à ce qu'elle se reflète dans l'origine cohérente des victimes ; or celles-ci
sont autant des membres de l'aristocratie ancienne que des parents de promus très
récents à l'ordre sénatorial. En revanche, elle explique les distorsions des sources
accusées d'être favorables au sénat. Plus qu'elles ne prennent parti au coup par coup ou
qu'elles ne fournissent des informations, celles-ci s'attachent à faire ressortir la
permanence de l'institution sénatoriale qui tranche sur les fluctuations des dynasties.
Etablir des correspondances d'un règne à l'autre vise moins à dessiner l'image d'un
empereur-modèle ou d'un sénat-martyr qu'à mettre en valeur la stabilité et la
permanence dont l'aristocratie tire sa fierté et la justification de son rôle face aux
empereurs.

Annexe prosopographique

I. Acilius (Glabrio) - consul sous Néron ? consul II sous Domitien ?

R.E., s. v. Acilius, n° 23.


P.I.R.2 A 62, et add., t. 2, p. IX, A 67.

1. Juvénal, Satires, IV, 94-103.

Proximus eiusdem properabat Acilius aeui


Cum iuuene indigno quem mors tam saeua maneret
Et domini gladiis tamfesîinata ; sed olim
Prodigio par est in nobilitate senectus,
Undefit ut malim fraterculus esse gigantis.
Profuit ergo nihil misero quod comminus ursos
Figebat Numidas Albana nudus harena
Venator. Quis enim iam non intellegat artes
Patricias ? Quis priscum illud miratur acumen,
Brute turn ? Facile est barbato inponere régi.
DOMITIEN ET LA VIEILLE ARISTOCRATIE SÉNATORIALE 279

Date : 86-90 ap. J.-C.

(Lors du « conseil du turbot », Juvénal énumère les participants appelés à proposer une
solution pour la présentation du poisson trop grand.)
« Presque du même âge que Crispus, Acilius se pressait aussi, il était accompagné d'un
jeune homme qui ne méritait point la mort si cruelle qui l'attendait, ni que le glaive du
maître en hâtât ainsi l'échéance. Mais il y a beau temps que c'est une sorte de phénomène
de vieillir quand on est noble. Voilà pourquoi j'aimerais mieux être le petit frère du
géant ! Il ne lui servit à rien, le pauvre, de percer les ours numides en des combats corps
à corps, chasseur sans armure dans l'arène d'Albe. Qui ne devinerait maintenant les ruses
des patriciens ? Qui ne s'émerveillerait, ô Brutus, de ta dissimulation de type périmé ? En
imposer à un roi barbu, la chose était aisée. »
(Tex., tr. P. de Labriolle, F. Villeneuve, éd. Budé, 1921, 9e éd. revue, 1967.)

2. Scholia ad Iuu., IV, v. 94.

Proximus eius ... : consul sub Domitiano fuit indignus pati quae passus est. Huius cum
iuuenem New occideret, ipsum Acilium seruauit quo poenas sentiret orbitatis.
« Consul sous Domitien, il ne mérita pas ce qu'il eut à supporter. Alors que Néron tuait
son jeune fils, il épargna Acilius lui-même pour qu'il éprouve la souffrance de la perte de
son enfant. »

Acilius aeui : Vergilius, Aen., Il, 561 ut regem aequaeuum.


« Lorsque (je vis) le vieux roi qui avait son âge. »

IV, v. 97 : Prodigio ... senectus : quasi prodigio similis est nobilibus senectus :
difficile nam nobilibus contingeret senescere. Plerumque nam immatura morte
occiduntur, praesertim sub Domitiano.
« La vieillesse est, pour les nobles, semblable en quelque sorte à un prodige ; il est
difficile pour les nobles de parvenir à vieillir ; en effet, ils succombent généralement à
une mort prématurée, surtout sous Domitien. »

v. 98 : id est ignobilis.
« C'est-à-dire non noble. »

v. 99 : Comminus ... uenator : et iste iuuenis in lusorio Caesaris ursos saepe quasi
uenator occidit.
« Et ce jeune homme tua souvent des ours, dans l'amphithéâtre de César, comme s'il
était chasseur. »

v. 101 : Artes .'fraudes.


« fourberies »
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ν. 102 : Quis... tuum : hoc ideo quia stoliditatem finxerat Brutus, ne a Tarquinio
occideretur.
« Ceci parce que Brutus avait simulé la sottise pour ne pas être tué par Tarquin. »

v. 103 : Barbata : ac per hoc rustico intellegitur.


« On doit, par là, comprendre grossier. »
Brute... régi : facilius posteris inquit, fortem eludere quam infamem.
« II dit aux descendants qu'il est plus facile de berner un homme courageux qu'un homme
sans honneur. »
Barbato... régi : Tarquinio Superbo : propexam enim barbant habuit, cum socer eius
Seruius Tullius adtonsam haberet, quem ipse occidit. Dicit ergo cinaedum non facile
posse falli.
« Tarquin le superbe : il portait, en effet, une longue barbe alors que son beau-père
Servius Tullus, qu'il fit lui-même tuer, tondait la sienne. Il veut donc dire qu'il n'est pas
facile de tromper un débauché. »

3. Stace, De bello Germ..

Lumina, Nestorei mitis prudentia Crispi


et Fabricius Veiento - potentem signât utrumque
purpura, ter memores implerunt nomine fastos
et prope Caesareae confinis Acilius aulae...

Date : 82-83 ap. J.-C.


(Domitien réunit son conseil à l'occasion de la campagne contre les Chattes en
Germanie.)
« Lumières, l'aimable sagesse de Crispus, semblable à celle de Nestor et Fabricius
Veiento - la pourpre les désigne l'un et l'autre comme puissants, trois fois ils
emplirent de leur nom les fastes pleins de mémoire -, et Acilius qui confinait presque à
la cour de César. . . »

Π. M'Adlius Glabrio - consul en 91 ap. J.-C.

R.E., s.v. Acilius, n° 40 et suppl. 1, col. 8.


PIR2 A 67 et add, L2, p. IX.

Fastes : C.I.L., VI, 1988 = XIV, 2392 (Bovillae, actes des sodales Augustales
Claudiales) ; CIL. VI, 2067 = I.L.S. 5044, et 2068 = ILS. 5036 (Rome, actes des
Arvales) ; I.L.S. 9245 = A.E., 1901, 201 = Inscr. Gaule, I, 350 (Duin) ; A.E., 1949, 23
(Potentia) ; Cassiodore, Chron. Min. col. 1230 ; Prosper Tiro, M.G.H., t. 9, p. 417 ;
Consularia Ravennatia, p. 381, ligne 15 (éd. Teubner) ; Chron. 354 ; Chron. Pasch.,
Const. ; Excerpta latina, graeca (éd. Teubner, p. 352, 22, 353, 23).
DOMITTEN ET LA VIEILLE ARISTOCRATIE SÉNATORIALE 281

4. Suétone, Domitien, 10.

Complures senatores, in Us aliquot consulares, interemit ; ex quibus Ciuicam


Cerealem in ipso Asiae proconsulate, Saluidienum Orfitum, Acilium Glabrionem in
exilio, quasi molitores rerum nouarum, ceteros leuissima quemque de causa.
« Π fit périr une foule de sénateurs, dont un bon nombre étaient consulaires ; parmi eux
Civica Cerealis dans l'exercice même du proconsulat d'Asie, Salvidienus Orfitus,
Acilius Glabrio, alors en exil sous prétexte qu'ils fomentaient une révolution et les
autres, pour des motifs futiles. » (Tex., tr. H. Ailloud, éd. Budé, 1932).

5. Fronto, ad Marc, V, 22.

Materiam misi tibi : res séria est. Consul populi Romani posita praetexta manicam
induit, leonem inter iuuenes quinquatribus percussit populo Romano spectante. Apud
censores expostulatur.
« Je te fais parvenir un thème : l'affaire est sérieuse. Un consul du peuple romain, ayant
dépouillé sa toge, revêtit une cotte de mailles ; au milieu des jeunes gens, il terrassa un
lion, lors des quinquatries, sous les regards du peuple romain. On se plaint de lui aux
censeurs. »

6. Ibid., V, 23 ; réponse de Marc Aurèle.

Quando id factum est et an Romae ? Num illud die is in Albano factum sub
Domitiano ? Praeterea in hac materia diutius laborandum est ut factum credatur,
quam ut irascatur : 'Απίθανος ύηόθεσις uidetur mini, quam plane maluerim, qualem
petieram. Re scribe statim de tempore.
« Quand cela est-il arrivé ? Etait-ce à Rome ? Veux-tu parler de ce qui est arrivé sous
Domitien dans sa maison d'Albe ? En outre, dans un tel sujet, on a plus de mal à rendre le
fait crédible qu'à s'en irriter. Le thème me paraît invraisemblable, j'en aurais nettement
préféré un comme celui que j'avais demandé. Donne-moi la date par retour du courrier. »

7. Dio Cassius, Excer^ LXVII, 12, 1.

Τραιανφ θέ δή τφ Ούλπίφ και Άκιλίφ Γλαβρίωνι ύηατεύσασι τό τε τα αυτά σημεία


λέγεται γενέσθαι' Και απ' αυτών τω μέν Γλαβρίωνι όλεθρος, τφ δέ Τραιανφ ή της
αυτοκρατορίας άρχί) προερρέθη'

Date : 91 ap. J.-C.


« Les mêmes présages se manifestèrent, dit-on, à Ulpius Trajan et à Acilius Glabrio
lorsqu'ils accédèrent au consulat ; à Glabrio ils annoncèrent la mort, et à Trajan
l'ascension vers le pouvoir impérial. »
282 MONIQUE DONDIN-PAYRE

8. Dio Cassius, LXVII, 14, 1-3.

Κάν τφ αύτψ έτει άλλους τε πολλούς και τον Φλάουιον τον Κλήμεντα ύπατεύοντα,
καίπερ άνεψιδν δντα και γυναίκα και αυτήν συγγενή έαυτοΟ Φλαουίαν ΔομιτΙλλαν
έχοντα, κατέσφαζεν ό Δομιτιανος' Έπηνέχθη δέ άμψοϊν εγκλτ^ια άθεότητος, ύφ' fjç
και άλλοι ές τα των 'Ιουδαίων ΐφη έξοκέλλοντες πολλοί κατεδικάσθησαν, και οι μέν
άπέθανον, ο! δέ των γοΟν ουσιών έστερήθησαν ή δέ Δομιτίλλα ύπερωρίσθη πόνον ές
Πανδατερίαν Τδν δέ σή Γλαβρίωνα τδν μετά τοΟ Τραϊανού Λρξαντα, κατηγορηθέντα
τα τε άλλα και οία οΐ πολλοί και δτι και θηρίοις έμάχετο, άπέκτεινεν Έφ' φ που και τά
μάλιστα οργή ν αύτφ ύπδ φθόνου έσχεν, δτι ύπατεύοντα αύτδν ές τδ Αλβανδν έπι τά
Νεανισκεύματα ώνομασμένα καλέσας λέοντα όποκτεΐναι μέγαν ήναγκασε, και δς ού
μόνον ουδέν έλυμάνθη αλλά και εύστοχώτατα αύτδν κατειργάσατο'

Date : 95 ap. J.-C.


« La même année, Domitien fit égorger le consul Flavius Clemens, bien qu'il fût son
cousin et qu'il eût pour épouse Flavia Domitilla, appartenant elle aussi à la famille de
l'empereur. Ils étaient tous deux accusés d'athéisme, accusation qui provoqua aussi la
condamnation de beaucoup d'autres qui s'étaient fourvoyés dans le judaïsme. Les uns
subirent la peine de mort, les autres furent au moins privés de leurs biens. Domitilla fut
seulement exilée à Pandateria. Quant à Glabrio, qui avait été collègue de Trajan au
consulat, Domitien le fit mettre à mort sous les mêmes chefs d'accusation que la plupart
des autres et parce qu'il avait combattu contre les bêtes féroces. C'est probablement de ce
fait que le ressentiment de l'empereur à l'égard de Glabrio fut provoqué surtout par la
jalousie : alors que Glabrio était consul, Domitien l'avait fait venir dans son domaine
d'Albe aux fêtes appelées Juvenalia et l'avait contraint à tuer un grand lion. Or Glabrio,
non seulement n'avait reçu aucune blessure, mais il avait tué le lion avec beaucoup
d'adresse. »

ΠΙ. M'Acilius Glabrio - consul en 124 ap. J.-C.

R.E., s. v. Acilius, n° 41, et s. v. Africa, suppl. 13, 1973, col. 6 (B.E. Thomasson).
P.LR.2 A 60 et 68.

Fastes : C.LL., XI, 6333 = I.L.S. 1073 (Pisaure) ; C.I.L, XIV, 4324 = A.E., 1910, 189
(Ostie) ; C.LL, III, 7371 = I.L.S. 4056 = A.E., 1939, 4 = R.E.G., 1939, 297
(Samothrace) ; C.LL·, VI, 10048 = I.L.S. 5287 ; CIL., VI, 1050 = I.L.S. 5285 ; C.LL.,
Vffl, 2747 = I.L.S. 1070 (Lambèse) ; C.LL., XIII, 4149 = I.L.S. 4741 (Trêves) ; C.LL.,
XIV, 51 (Ostie) ; C.LL., XV, 38 et 72-73 (Rome, briques) ; Inscr. doi, ρ 173 CL VII
et CL VIII (Tivoli et Lanuvium, briques) ; I.G.R., IV, 1398 (Smyme) ; Smallwood,
Doc. Nerva n° 330 (Césarée) ; Cassiodore, Chron. Min., col. 1232 ; Prosper Tiro,
M.G.H., t. 9, p. 422 ; Consularia Ravennatia, p. 405 ligne 14 (éd. Teubner) ; Chron.
354 ; Chron. Pasch., Const. ; Dig., XLVin, II, 12.
DOMITTEN ET LA VIEILLE ARISTOCRATIE SÉNATORIALE 283

NOTES

1. Le point de départ est l'ouvrage de S. Gsell, Essai sur le règne de l'empereur Domitien,
B.E.F.A.R. 65, Paris, 1894, qui met face à face un sénat obséquieux, incapable et
haineux, et un empereur compétent mais déséquilibré. Cette image s'appuie sur des
sources reconnues comme favorables au sénat, c'est-à-dire jalouses de son autonomie et
donc hostiles aux empereurs ayant cherché à limiter ses initiatives. D'autre part, les
auteurs favorables à Domitien sont jugés coupables de flagornerie (sur l'interprétation
des sources : R. Urban, Historische Untersuchungen zum Domitianbild des Tacitus,
Diss. Munich, 1971 ; H. Szelest, « Domitian und Martial », Eos, 1974, 62, p. 105-
114; W.C. Me Dermott, A.E. Orentzel, « Quintilian and Domitian », Athenaeum,
1979, 67, p. 9-26 ; W. Hoffmann, « Martial und Domitian », Philologus, 1983, 127,
p. 238-246). Mais, depuis les années 1960 surtout, le gouvernement de Domitien a été
réévalué, sa gestion des finances jugée prudente, son administration des provinces
avisée et son opposition avec le sénat explicable par l'attitude de l'assemblée qu'il
ménagea pourtant par une distribution large du consulat : R. Syme, « The imperial
finances under Domitian, Nerva and Trajan », J.R.S., 1930, 20, p. 55-70 avait déjà
contesté le portrait traditionnel d'un Domitien dépensier (contra : C.H.V. Sutherland,
«The state of the imperial treasury at the death of Domitian », J.R.S., 1935, 25,
p. 150-162) ; sur les provinces : H.W. Pleket, « Domitian, the senate and the
provinces », Mnemosyme, 1969, sér. IV, t. 14, p. 296-315 ; sur le sénat et la similitude entre
les règnes de Vespasien, Domitien et Trajan : K.H. Waters, « The second dynasty of
Rome », Phoenix, 1963, 17, p. 199-218 ; id., « The character of Domitian », Phoenix,
1964, 18, p. 49-77 ; id., « Traianus Domitiani continuator », Am. journ. Phil, 1969,
90, p. 385-405 ; id., « Juvenal and the reign of Trajan », Antichton, 1970, 4, p. 62-
77 ; et enfin, fondées sur l'établissement précis des fastes par W. Eck, Senatoren von
Vespasian bis Hadrian - Prosopographische Untersuchungen mit Einschluss der Jahres-
und Provinzialfasten der Statthalter, Vestigia 13, Munich, 1970 (= Senatoren), les
publications de B.W. Jones, notamment « Domitian's attitude to the senate », A.J.Ph.,
1973, 94, p. 79-91 et Domitian and the senatorial order..., Mem. Americ. Philos,
soc, 132, Philadelphie, 1979 (= Domitian and sen. order).
2. Les études citées ci-dessus traitent toutes dans une mesure variable des conspirations ;
voir aussi infra, note 16.
3. Sur les Acilii Glabriones de la République et du Haut Empire : R.E., s. v. Acilius, t. 1,
1893, col. 251-259, suppl. 1, 1908, col. 8 et suppl. 12, 1972, col. 2, P.I.R.2 A 57,
59-74. Le premier consul de la famille est M' Acilius Glabrio, consul en 191 av. J.-C.
Les sources sont transcrites intégralement dans l'Annexe prosopographique.
4. R.E. , loc. cit., n° 23, P.I.R. 2 A 62 et add., t. 2, p. IX, A 67.
5. Ce passage d'un poème flatteur de Stace a été transcrit par G. Valla dans son édition de
Juvénal de 1486 ; il avait dû le trouver dans un lemme. Juvénal situe sa parodie dans le
même cadre chronologique que Stace : J. Dilrr, Die zeitgeschichtlichen Beziehungen in
den Satiren Juvenals, Cannstatt, 1902, p. 12-15 ; P. Ercole, « Stazio e Giovenale »,
Riv. indogr., 1931, 15, p. 43 ; G. Highet, Juvenal the satirist - a study, Oxford, 1954,
p. 258, η. 5.
284 MONIQUE DONDIN-PAYRE

6. L. Iunius Vibius Crispus a d'abord été identifié comme Q. Vibius Crispus (P.I.R., V
379), puis reconnu comme L. Iunius (Q.) Vibius Crispus : W. Eck, Senatoren, p. 58-
61 ; B.W. Jones, Domitian and sen. order, surtout p. 17, 39, 92 et 120 ; et en dernier
lieu, avec la bibliographie antérieure, O. Salomies, Adoptive and polyonymous
nomenclature in the Roman Empire, Comm. Hum. Litt. 97, Helsinki, 1992, qui établit,
p. 91-92, que Q. Vibius, dont le fils se nommait Q. Vibius Secundus, cos. suff. en 86,
fut adopté par L. Iunius A. Didius Gallus Fabricius Veiento : P.I.R. 2 F 91 ; W. Eck,
Senatoren, p. 58 et s. ; O. Salomies, ibid., p. 119.
7. Les différentes théories sont exposées dans les éditions de Stace (A. Marastoni, éd.
Teubner, Leipzig, 1970). Pour certains l'expression établit un parallèle entre l'âge
avancé d'Acilius et la date d'institution du principat (F. Buecheler, « Conjectanaea
VII », Rhein. Mus., 1884, 39, n. s., p. 283), ou est simplement une allusion au grand
âge d'Acilius (J.G. Griffith, « Juvenal, Statius and the Flavian establishment », Greece
and Rome, 1969, 16, p. 138 repris par P. Gallivan, « Who was Acilius ? », Historia,
1978, 27, p. 623) ; pour d'autres elle signifie qu' Acilius habitait à proximité du palais ;
voir J. Dtirr, Beziehungen, p. 15, n. 56.
8 . Cf. J. Crook, Consilium principis - Imperial councils and counsellors from Augustus
to Diocletian, Cambridge, 1955, p. 64, 148, n° 2.
9. E. Groag (P.I.R.2 A 62) avait supposé que le consul de 91, M' Acilius Glabrio, était fils
par le sang de M' Acilius Auiola, consul en 54, qui avait donné à son fils le surnom
Glabrio pour pallier l'extinction de la branche des Glabriones . Sa proposition a été
largement acceptée : R. Syme, « The historian Servilius Nonianus », Hermes, 1964,
92, p. 414 ; U. Vogel-Weidemann, « Miscellanea zu den Proconsules von Africa und
Asia », Z.P.E., 1982, 46, p. 282-283 ; et ead., Die Statthalter von Africa in den Jahren
14-68 n. Chr., Antiquitas I, t. 31, Bonn, 1982, p. 456-459 (cf. p. 296-298). Elle a
parfois été déformée quand certains historiens (H.H. Pistor, Prinzeps und Patriziat in
der Zeit von Augustus bis Commodus, Diss. Fribourg, 1965, p. 32 repris dans G.
Highet, Juvenal, p. 259, n. 14) ont estimé que la substitution de surnom avait eu lieu à
la génération du consul de 54, alors que les fastes le désignent comme Auiola (P.I.R.2 A
49, R.E.,loc. cit., n° 23). Aucune source n'autorise cette transformation qui n'est
justifiée que par la mention à Allifae de propriétés appartenant à Aedia Seruilia, épouse
d'Auiola, consul en 54, et de magistratures municipales exercées par les Acilii
Glabriones à la fin du Ile siècle (Aedia Seruilia : P.I.R. 2 A 114 ; Allifae : C.I.L., IX,
2363 = ILS. 6514, 2365, 2424 - les Acilii Glabriones à Allifae : C.I.L., IX, 2333 =
I.L.S. 1133, et 2334 = I.L.S. 1134). J. Devreker, « La continuité dans le consilium
principis sous les Flaviens », Ane. Soc, 1977, 8, p. 227, n. 26, réfute avec raison
cette hypothèse, comme P. Gallivan, Historia, 1978, p. 621-625 qui reprend les
éléments du dossier de façon détaillée.
10. On n'a l'assurance que la famille est patricienne qu'à la génération de M' Acilius Glabrio
Cn. Cornelius Seuerus, consul en 152 : il fut triumvir monétaire, n'exerça pas de
fonction questorienne et fut salius Collinus. Mais il est probable que la famille était
patricienne avant cette date (O. Salomies, Nomenclature, p. 143, n. 155).
11. ... tius Pegasus : P.I.R. Ρ 164 ; d'après A.E. 1967, 355 (voir W. Eck, Senatoren, p.
223), il fut aussi légat de Dalmatie à une date imprécise au début du règne de Vespasien.
Vibius Crispus est désigné le plus souvent comme Q. Vibius Crispus (P.I.R. V 379),
mais son nom complet est L. Iunius (Q.) Vibius Crispus, d'après les fastes d'Ostie : il
fut sans doute adopté par un L. Vibius (mais certains pensent qu'il est polyonyme :
discussion dans O. Salomies, Nomenclature, p. 91-92, n° 5). Sur son cursus, voir W.
DOMITIEN ET LA VIEILLE ARISTOCRATIE SÉNATORIALE 285

Eck, Senatoren, p. 58 et s. (ses consulats) ; p. 91, 118 et n. 34 (proconsulat d'Afrique) ;


p. 225 et n. 477 (gouvernement d'Espagne citérieure).
12. Rubrius Gallus : P.I.R. R 94, W. Eck, Senatoren, p. 112, 115. Il fut légat consulaire de
Mésie vers 69-70.
13. La contestation du scholiaste est unanime : tous les auteurs estiment qu'il y a eu
confusion avec son fils (sur la crédibilité du scholiaste : G.B. Townend, « The earliest
scholiast on Juvenal », Cl. Quart., 1972, 66, p. 376-386). G. Valla (voir supra, note
5) avait identifié le personnage cité par Stace comme le consul de 61, erreur corrigée
par F. Buecheler, Rhein. Mus., 1884, p. 283, puis par P. Ercole, Riv. indogr., 1931,
p. 43 et enfin par E. Groag, P.I.R.2 A 67, add., t. 2, p. K.
14. P. Gallivan, Cl. Quart., 1974, p. 308, 311 et n. 1 place le consulat sans hésitation
sous le règne de Néron ; cette hypothèse coïncide avec la politique de Néron qui honora
les représentants des anciennes familles : R. J. Rowland, « Nero's consular colleagues :
a note »,Amer. Jour. Anc. Hist., 1976, 1, p. 190-191.
15. Cette proposition permet de ne pas apporter aux sources une correction que rien ne
justifie, et d'admettre la cohérence des textes de Stace et de Juvénal dont la
superposition ne fait aucun doute. La première identification des protagonistes de la
Satire IV, qui démontrait cette analogie, fut faite par B. Borghesi, « Annotazioni aile
satire di Giovenale », Œuvres, t. 5, p. 509-534, puis par R. Ercole, Riv. indogr.,
1931, p. 44 et s.
16. R.E., loc. cit., n° 40 et suppl. 1, col. 8, PIR2 A 67 et add., t. 2, p. IX. Sur la
« conspiration » de 95, R.S. Rogers, « A group of Domitianic treason-trials », Cl.
Phil., 1960, 55, p. 19-23, R. Syme, « Domitian : the last years », Chiron, 1983, 13,
p. 121-146.
17. Pour E. Courtney, A commentary on the Satires of Juvenal, Londres, 1980, p. 218,
Acilius, trop jeune pour avoir participé au consilium, n'est cité que par un
anachronisme volontaire de Juvénal qui a saisi une occasion supplémentaire de
dénigrer Domitien. G. Highet, Juvenal, p. 81 et n. 14, estime qu' Acilius était préteur ou
prétorien, au milieu de neuf sénateurs consulaires.
18. Sur les sources attestant le consulat, voir l'Annexe prosopographique : II M'Acilius
Glabrio, consul en 91 ap. J.-C. : fastes et Dion Cassius, LXVIJ, 12, 1. Les historiens
qui ont avancé une interprétation ont vu dans ce choix le désir de Domitien de se
concilier la vieille aristocratie, en promouvant au besoin des sénateurs sans aucune
valeur personnelle : ainsi W. Eck, Senatoren, p. 63 et n. 42, 44, 46, R. Syme, Tacitus,
t. 1, Oxford, 1958, p. 32-33 (Glabrio, « a relic of the Republican nobilitas... an
Acilius Glabrio of no personal talent, but ill-starred and doomed to destruction », ce qui
constitue une explication bien superficielle du sort d'Acilius). R. Paribeni, Optimus
princeps - Saggio sulla storia e sui tempi dell'imperatore Traiano, t. 1, Messine, 1926,
p. 83, souligne l'insolite de ce couple constitué par « ce soldat espagnol qui se fait
défenseur de la romanité et le descendant d'une très noble famille romaine qui cherche du
côté d'une nouvelle parole venue d'orient (le christianisme) ».
19. G. Ville, La gladiature en Occident, B.E.F.A.R., 245, Rome, 1981, p. 216-220 : sur la
participation normale des iuuenes aristocratiques aux lus us (avec d'autres exemples).
Elle fait partie des accomplissements des patriciens, et est révélatrice de la uirtus : J.
Gérard, Juvénal et la réalité contemporaine, Paris, 1976, p. 243-248, 296-299. La
participation aux uenationes des sénateurs et des chevaliers n'entraîne pas d'infamia,
comme le prouve le sénatus-consulte de Larinum : Ph. Moreau, « A propos du sénatus-
consulte épigraphique de Larinum : gladiateurs, arbitres et valets d'arène de condition
sénatoriale ou équestre », R.E.L, 1983, 61, p. 36-48. Voir aussi K. Hopkins, Death
286 MONIQUE DONDIN-PAYRE

and renewal, Sociol. Stud. Roman hist. 2, Cambridge, 1983, p. 20-25 ; J. Aymard,
Essai sur les chasses romaines, des origines à la fin du siècle des Antonins,
Cynegetica, Paris, 1951, p. 96.
20. E. Courtney, Commentary, p. 210, estime que nudus signifie seulement qu'Acilius avait
ôté sa tunique.
21- G. Ville, Gladiature, p. 218-219, 269 (surtout n. 92) est très conscient des décalages
entre les témoignages, qu'il tente de justifier de façon précise, sans déceler dans
Fronton l'élément discordant. Les quinquatries, très anciennes fêtes en l'honneur de
Minerve (au début associée à Mars), étaient célébrées pendant cinq jours, sur l'Aventin,
avec une participation marquée des corporations ; Domitien, fervent dévot de Minerve,
institua un collège de sénateurs pour organiser des quinquatries à Albe (R.E., s. v.
quinquatrus, t. 24, 1963, col. 1149-1162 ; H.H. Scullard, Festivals and ceremonies of
the Roman Republic, Londres, 1981, p. 92-94). Les iuuenalia d'octobre étaient une
création de Néron, en l'honneur de Iuuentus, qui présidait à la prise de la toge virile ;
d'abord confinées à la cour impériale, elles devinrent publiques sans revêtir le caractère
populaire des quinquatries (R.E., s. v. iuuenalia. t. 10, 1919, col. 1355-1356).
22. Annexe pro sopo graphique : texte 8. Voir note suivante et le chapitre de S. Gsell,
Domitien, « Politique de Domitien à l'égard des juifs et des chrétiens - persécution
religieuse », p. 287-316 (p. 294-296, 304-310 : sur Acilius Glabrio).
23. La controverse sur la persécution des chrétiens par Domitien a fait l'objet d'une
importante littérature : pour l'état de la question et la bibliographie, C. Vismara et P.
Pergola, « La condamnation des Flaviens "chrétiens" sous Domitien : persécution
religieuse ou répression à caractère politique », M.E.F.R.A., 1978, 90, p. 407-423.
24. Après plusieurs années de fouilles G.B. De Rossi découvrit, dans la catacombe de
Prise illa, une salle avec des niches pour sarcophages et plusieurs épitaphes d'Acilii,
dont certains étaient sénateurs : M' Acilius V[erus] et Priscilla (C.I.L., VI, 31681 =
I.L.C.V. 127 = A.E., 1890, 48 ; P.I.R. 2 A 84, cf. 66 ; P.L.R.E I, Priscilla, p. 729,
V..., p. 928), et Claudius Acilius Valerius (B.A.C., 1888, p. 30 et tav. V n° 4 ; cf.
I.L.C.V. 127 adn. ; P.I.R. 2 A 85 ; P.L.R.E. I, Valerius 7, p. 941), et un sans doute
chrétien (Άκίλιος 'Ρουφΐνος^ : I.L.C.V. 127 c. = A.E., 1890, 50). Il en déduisit qu'il
avait mis au jour le lieu d'inhumation des Acilii Glabriones chrétiens. En fait les
pierres, brisées, étaient, sauf une, éparpillées dans les couloirs à proximité de
l'hypogée ; enfouies dans des déblais, elles étaient tombées de la surface où se trouvait
sans doute un enclos funéraire, dans une des propriétés des Acilii Glabriones. De Rossi
fit de nombreuses publications dont la principale est « L'ipogeo degli Acilii Glabrioni
nel cimitero di Priscilla », B.A.C., 1888/89, 5, p. 15-133. La bibliographie est
immense ; pour la correction de De Rossi, voir surtout P. Styger, « L'origine del
cimitero di Priscilla sulla via Salaria », Collectanea theologica publ. a soc. theol.
Polonorum, 1931, 12, p. 5-74 et F. Tolotti, « Le cimetière de Priscilla : synthèse d'une
recherche », Rev. hist, ecclés., 1978, 73, p. 281-314.
25. Suétone, Claud., 13, à propos du complot d'Asinius Gallus en 46 : Conspirauerunt
autem ad res nouas...
26. J. Gascou, Suétone historien, B.E.F.A.R. 255, Rome, 1984, p. 411, analyse le mépris
de Suétone pour la chronologie, dans ce passage en particulier, et sa volonté de
souligner, par l'ordre qu'il adopte, l'extrême cruauté de Domitien ; voir aussi p. 690-
691.
27. W. Eck, Senatoren, p. 86 : la date est discutée, elle est établie à partir d'une remarque de
Tacite sur la carrière d'Agricola qui aurait refusé de postuler le gouvernement de la
DOMITIEN ET LA VIEILLE ARISTOCRATIE SÉNATORIALE 287

province après cette exécution : Agricola, 42. Sur l'interprétation du témoignage,


partial, de Tacite : T.A. Dorey, Greece and Rome, 1960, 29, p. 66-71.
28. W. Eck, Senatoren, p. 59, 64, n. 49.
29. Sur l'absence de rapport avec la conjuration de Saturninus : W. Eck, Senatoren, p. 86 ;
B.W. Jones, Domitian and sen. order, p.33.
30. W. Eck, Senatoren, p. 236 : gouvernement d'Asie (87/88) ; p. 109-110, 130, 245 :
gouvernement de Mésie (entre 81/82 et 83/84, d'après C.I.L., XVI, 28, diplôme
militaire de septembre 82). Les notices de P.I.R. V 351 et 352, alors que l'inscription
d'Argos n'était pas connue (voir note 32), sont à revoir.
31. Ancien gouverneur de Judée, en 70-71 : W. Eck, Senatoren, p. 115 et n. 25, et 117 ; p.
90-93 pour la date de son consulat (pas avant la fin de 71) ; p. 109, 121-125, 223, n.
464 pour le gouvernement de Mésie.
32. P.I.R. 2 C 602 : il était alors considéré comme M. (Ceionius) Ciuica Barbaras, d'où ce
classement. Mais une inscription d'Argos le fit connaître comme M. Vettulenus Sex. f.
Quir. Ciuica Barbaras frater L Caesaris, auunculus Augustorum : A.E., 1957, 125 ;
1958, 11 et 15, et montra qu'il n'avait pas exercé de fonction questorienne, donc qu'on
pouvait le présumer patricien.
33. R. Syme, « Antonine relatives : Ceionii and Vettuleni », Athenaeum, 1957, 35, p.
306-315 suppose, à partir de l'inscription d'Argos, l'existence d'une Plautia, trois fois
mariée, avec L. Ceionius Commodus, puis avec Sex. Vettulenus Civica Cerealis (fils du
proconsul d'Asie exécuté sous Domitien) et enfin avec Avidius Nigrinus : c'est ainsi que
le consul de 157, M. Vettulenus Civica Bar barus, serait le demi-frère de l'éphémère
héritier du trône, L. Aelius César, et l'oncle de Lucius Verus. Sur le stemma p. 314, il
est prénommé Sex. par erreur.
34. Voir notes 32 et 33. B.W. Jones, Domitian and sen. order, notamment p. 29, 52,
présente Civica Cerialis comme certainement patricien. R. Syme, Athenaeum, 1957,
p. 306-315, est plus circonspect.
35. L'opinion la plus fréquente (B.W. Jones, Domitian and sen. order, p. 25 et s.), est que
Cerialis aurait dû être remplacé par un de ses adjoints sénateurs, et non par le
procurateur d'Asie, C. Minicius Italus, ensuite préfet de l'annone puis d'Egypte (H.G.
Pflaum, Carrières, p. 141-143 ; C.I.L., V, 875 = I.L.S. 1374, Aquilée : proc.
prouinciae Asiae quant /mandata principis uice defuncti procos. rexit). Il s'agit d'un des
premiers exemples connus d'une pratique attestée ensuite, en Afrique et en Asie (cf.
H.G. Pflaum, « Zur Reform des Kaisers Gallienus », Historia, 1976, 25, p. 109-117,
surtout p. 112). Cette décision ne reflète pas le désir de favoriser les chevaliers aux
dépens du sénat, mais constitue une mesure de bon sens : le légat est trop jeune pour
assumer une telle responsabilité et le questeur trop novice. Recourir au procurateur
permet de nommer un personnage d'expérience, déjà en place dans la province, et de
statut souple, si bien que l'intérim ne rompt pas le rythme de nomination des
proconsuls et que le successeur du disparu peut être désigné et prendre ses fonctions
sans que le calendrier soit perturbé. C'est pourquoi, dans la liste dressée par B. Rémy,
« La carrière de Q. Aradius Rufinus Optatus Aelianus », Historia, 1976, 25, p. 465-
472, qui comprend 43 vicaires, seuls trois (Q. Aradius, A. Larcius Priscus, L. Caesonius
Lucillus) sont sénateurs. Je remercie vivement Ségolène Demougin d'avoir bien voulu
me faire part de son opinion argumentée.
36. O. Salomies, Nomenclature, p. 88. Le premier représentant connu de cette branche est
Ser. Cornelius Scipio Saluidienus Orfitus, consul en 51, condamné sous Néron, et la
famille est attestée pendant deux siècles et demi (le dernier est l'augure L. Cornelius
Scipio Orfitus, qui accomplit un taurobole en 295 : P.I.R.2 C 1443 à 1448, avec
288 MONIQUE DONDIN-PAYRE

stemma entre p. 360 et p. 361 ; et voir p. 316 et 317). La récupération du surnom


Scipio est célèbre. Elle est attribuée par Pline à une autre branche des Cornelii, les
Saluittones : H.N., 35, 4, 8 « Le vieux Messala fut conduit à écrire son ouvrage, Sur les
familles, parce que, passant par le vestibule de Scipio Pomponianus, il avait observé
que les Saluittones - tel était leur surnom précédent - par une adoption testamentaire,
s'introduisaient dans les domaines des autres, discréditant le nom des Scipions
Africains » (Messalae seni expressif uolumina illa quae de familiis condidit, cum
Scipionis Pomponiani transisset atrium uidissetque adoptione testamentaria
Saluittones - hoc enim fuerat cognomen - Africanorum dedecori inrepentes Scipionum
nomini). Mais ibid., 7, 54 : « un mime donna son nom Salutio à un Scipion d'une
génération postérieure » (eiusdem familiae Scipioni post eum nomen Salutio minus
dédit), qu'on corrige en général en Salvitto (P.I.R. 2 C 1444 ; et Suétone, Vies, J.
Gascou, éd. Flammarion, Paris, 1990 : note 143, p. 346 : « l'infamie de ses moeurs
avait dû faire donner le sobriquet [du mime] à ce membre de la famille des Scipions en
Saluitto »), par rapprochement avec Suétone, César, 59, 2. Pour respecter la prédiction
que le succès en Afrique était attaché au nom de Scipion, César garde près de lui « un
membre tout à fait méprisé de la famille Cornelia, que l'infamie de sa conduite avait fait
surnommer Saluito » (despectissimum quendam ex Corneliorum génère, cui opprobrium
uitae Saluitoni cognomen erat). Mais il y a un décalage entre ces témoignages qui lient
le surnom Saluitto aux Cornelii Scipiones et l'identité de la plupart des personnages
concernés qui sont des Saluidieni. E. Groag, P.I.R. 2 C 1444, voyait dans Saluitto,
surnom, l'abréviation (péjorative) du gentilice Saluidienus et avait déjà interprété cette
onomastique comme la preuve d'une adoption d'un Saluidienus par un Cornelius ; à
l'appui de cette hypothèse il rappelait les mots de Porcius Latro cités par Sénèque,
Contr., 2, 1, 17 (P.I.R.2, C 1395 à propos de Cornelius Lentulus Marcellinus) :
Aemiliorum et Scipionum familias adoptio miscuit ; etiam abolita saeculis nomina per
successores nouos fulgent. Sic illa patriciorum nobilitas... in haec tempora constitit.
37. Ser. Cornelius Saluidienus Orfitus consul en 51 (voir note ci-dessus) fut condamné en
65 pour avoir loué des boutiques dans sa maison : Suétone, Nero, 37, 1 et Dio, 62, 27,
1 (sans le nom : τΙς·).
38. P.I.R. 2 C 1445.
39. Ser. Cornelius Scipio Saluidienus Orfitus, consul en 110 : P.I.R. 2 C 1446. M' Acilius
Glabrio, consul en 124 : P.I.R. 2 A 60 et 68.
40. Il s'agit de L. Aelius Lamia Plautius Aelianus, consul en 80, condamné parce qu'il avait
raillé l'enlèvement de sa femme, Domitia Longina, par Domitien (P.I.R. 2 A 205) ; la
famille se perpétua ensuite sur une ou peut-être deux générations. L. Saluius Otho
Cocceianus fut exécuté car il avait célébré l'anniversaire de son oncle Othon (P.I.R. S
1 10). Mettius Pompusianus, que Vespasien avait nommé consul bien qu'il fût promis à
l'empire d'après son horoscope, fut exilé en Corse puis tué (P.I.R. 2 M 570). Sallustius
Lucullus, consul aussi, expia le fait que son nom inspira celui de certaines armes
(« lances luculliennes ») (P.I.R. S 63). Enfin, Q. Iunius Arulenus Rusticus (P.I.R. 2 I
730) aurait défendu des opinions de philosophie politique jugées dangereuses.
41. Le seul cas douteux est celui de Saluidienus Otho Cocceianus, que R. Syme, « The
Ummidii », Historia, 1978, 17, p. 81, pense avoir été consul suffect vers 80.

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