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II. L'histoire du Piay Macanaholo.

Nul entrait si avant dans l'art des Piays que le Piay Macanaholo. Il
s'élevait de la terre, allait au-dessus des arbres, même il se donnait des ailes,
quand il le voulait. Le plus étonnant effet de l'art c'était de pouvoir arbitraire-
ment changer de face et de prendre la figure de tel ou tel animal comme il
plaisait au prestidigitateur. Toujours le cerf y jouait le rôle principal.

Eh bien! Un beau jour Macanaholo s'était fait un cerf. Et pourquoi? Il ne


lui fut bon d'être seul, il désira d'avoir une compagne. Et comment il s'y prit?
Etant devenu un cerf il sût mettre sa propre chair en état de pourriture ce qui au
même instant attirait autour de lui une foule de vautours. Au moment que ceux-ci
se régalaient à la viande de leur gré, vint avoler un petit oiseau du nom de Saly
qui leur dit en criant: «Allez-vous-en bien vite, car on vient vous tuer». Mais
eux, ne voulant laisser leurs mets délicieux, n'y croyaient du tout. Alors le cerf
putatif se secoue et se remue fortement à réprises, de sorte que les vautours
effrayés s'enfuient en toute hâte. Il le fit, sachant que sa future ne se trouvait
pas parmi eux. Mais à peine ceux-ci s'étaient-ils éloignés que soudain du haut
de l'air le plus beau des vautours, le roi ou plutôt la reine d'eux, descendait tout
près de Macanaholo. Voilà c'était bien elle et il la prit pour son épouse.

Bien des années ils vécurent ensemble en parfaite harmonie. Il n'y avait
qu'une chose qui le dérangeait: elle avait les pous par milliers. Son art ne lui fit
de fruit. Il parvint à préparer une espèce de savon, nommé hol-wassa et
quelques lotions suffirent à délivrer la dame de son mal.

Des années après la dame dit un jour à Macanaholo: «Si longtemps déjà
je demeure ici-bas près de vous et ma bonne mère là-haut ignore tout. Je désire
beaucoup de la revoir. Permettez-moi de monter.» Macanaholo le trouva
excellent et répondit: «Moi, je vais vous accompagner et monter avec vous
ensemble.»

Si vous voulez apprendre de l'Indien, pourquoi les vautours jouent tou-


jours un rôle si remarquable et pourquoi toujours ils les font monter, il vous
répond d'un ton naïf: «Là-haut se trouve toute la science du vautour.»

Etant monté, Macanaholo rencontre la mère du roi des vautours du nom


de Acathu à l'hamac. Comme elle se réjouissait en revoyant son enfant en
compagne d'un tel homme!

Par rapport à Acathu si respectée par son peuple, on contait que jamais
encore personne avait pu voir son visage. Toujours, toujours elle restait à
l'hamac. Maintenant Acathu, voulant expérimenter l'art de son beau-fils, donne
l'ordre à Macanaholo de menuiser pour elle un petit banc pour s'asseoir à
condition qu'il ait la forme de sa tête.

Comment faire tant qu'Acathu restera isolée dans l'hamac? Macanaholo


domine les animaux. Il appelle les fourmis rouges. Celles-ci de monter dans
l'hamac par des millardes et de la brûler par leurs piqûres. Elle saute de
l'hamac et Macanaholo, qui en espion s'était caché, eut l'occasion de la voir.
Ce qu'il vit, c'était qu'elle avait non une seule tête, mais non pas moins que
douze. A l'instant même Macanaholo se mit à l'œuvre et fit un petit banc qui
reproduit admirablement les traits d'Acathu. Celle-ci en était si bien content
qu'elle s'écriait hautement: «Oui, oui, vous êtes un homme bien ingénieux.»
Mais encore plus elle voulut voir de son génie. Elle dit: «Prends-toi la
perche, va à la pêche et apporte-moi de ce que tu as pris.» — 11 le fit et bien
vite il eut à apporter à Acathu. Comme il avait l'art de rétrécir les poissons, il les
mit dans quelques feuilles d'arbre et les offrait ainsi à sa belle-mère. Celle-ci
jettait loin d'elle les poissons disant avec dédain: «Comment oses-tu m'offrir
d'aussi minces poissons?» Mais les ayant jetés, elle les vit tous changés en des
poissons bien gros. Suivit maintenant pour la seconde fois: «Oui, oui, vous
êtes un homme bien ingénieux.»

Cependant elle désira encore plus de son génie. Après que tous avaient
bien mangé des poissons excellents, bien dormi et que le nouveau jour se
faisait, Acathu lui commande: «Vas-tu me chercher de l'eau, car j'ai soif. Prends
ce cou.roa-cou.rou, (panier) pour y mettre l'eau.» C'était bien un peu trop fort.
Néanmoins Macanaholo s'en alla. Il essayait en vain de retenir l'eau dans son
panier. Une fourmi vient à son aide: «Que fais-tu là?» dit-elle. Et lorsqu'il lui
avait expliqué l'ordre précis donné à lui, elle répond: «Soyez parfaitement
tranquille; moi, je vous serai de service.» Et elle le f i t et l'eau restait dans le
panier.

Peut-être faut-il lire ici entre les règles que dans un moment les fourmis
aient cimenté la corbeille de la manière qu'il put retenir l'eau. Les fourmis font
de ces constructions, mais non dans un moment, mais par un travail de mois,
d'années quelques fois.

Macanaholo avec son panier à l'eau, chemine vers la maison d'Acathu. Il


lui dit: «Voici le courou-courou plein d'eau.» Voyant cela, elle ne se possédait
plus et s'écriait pour la troisième fois: «Oui, oui, vous êtes un homme bien
ingénieux,» et elle ajoutait: «Plus ingénieux que tous les autres.»

Convoquant tous ses enfants elle dit : «Allons, faisons-lui un beau jardin,
parce qu'un homme si ingénieux nous doit rester pour toujours.» Dans son
cœur Acathu était rempli de peur pour l'art de Piay. Elle craignait tant pour
elle-même que pour sa fille et pour ses autres enfants et elle avait dit: «Sitôt
qu'il sera dans son beau jardin et qu'on le verra endormi, il faut qu'on le tue
immédiatement.»

Mais parmi les enfant d'Acathu c.-à-d. parmi les vautours, il y avait un
traitre, qui racontait tout le plan de la belle-mère: «Acathu veut vous tuer, par
conséquent fuyez si tôt possible.» Macanaholo n'en f i t rien, car il se fiait à l'art
de Piay. Seulement il dit à l'interlocuteur qu'il.ne sentait aucune envie de rester
encore en haut où était sa demeure. Mais avant de partir, il voulait par son
énergie et sagacité, éluder l'attentat préparé à sa vie.

Cinq heures du matin du jour suivant était fixé pour l'attentat. Le jardin
étant fermé de tout point, les assassins étaient bien sûrs que Macanaholo ne
pouvait être enfui. Et pourtant il n'y était plus. Sa coutume de jouer la flûte,
l'avait sauvé. Cette flûte avait des petits trous. Dans une des murailles du jardin
il y avait une petite ouverture, par laquelle pouvait passer la flûte. Il la passait
si bien que trois des trous étaient hors du jardin. Après cela il se change en
mawarakathie (très petite mouche) entrait par le trou resté au jardin et s'envole
par les trous du dehors, à l'autre côté. Et les assassins venus pour le perdre,
entendaient

Macanaholo jouer de la flûte en toute liberté. C'est après ce tour de force


qu'il retournait à la terre.

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