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Histoire transnationale des médias

G. Haver, F. Vallotton

Propagande

Les théories sur la manipulation et la persuasion


Pour certains auteurs, ce prétendu pouvoir
Dans son ouvrage Psychologie des foules (1895) d’endoctrinement n’est pas toujours négatif :
Gustave Le Bon postule que les individus en Harold Lasswell (1902-1978) défend par exemple
groupe, répondent à une logique plus simpliste, et l’idée que la propagande est utile aux démocraties
sont facilement influençables par un meneur. Selon car elle permet aux citoyens d’adhérer à ce que les
Le Bon, les foules sont plus facilement proie de la spécialistes jugent bon pour eux. Selon Lasswell les
suggestion que les individus isolés, ce qui les médias remplissent ainsi 3 fonctions : la
mettrait dans un état proche de l’hypnose. surveillance (en révélant ce qui menace les valeurs
de la société), la mise en relation (ce qui permet aux
Gustave Le Bon affirme dans son ouvrage que membres de la société de proposer des solutions
« L'usage des moyens modernes de communication communes), la transmission (l’héritage de la société
est un moyen de contrôler ces entités incultes et peut ainsi passer aux générations suivantes). Selon
violentes que constituent les masses ». Ses écrits d’autres chercheurs une quatrième fonction est le
ont servi d’inspiration aux théoriciens du fascisme divertissement.
et du nazisme. En 1948 Lasswell conceptualise un paradigme
simple d’analyse des médias qu’on peut résumer
Le Bon ne réfléchit pas directement sur les médias, par la phrase «Qui, dit quoi, par quel canal, à qui,
mais ses idées ont influencé par la suite les théories avec quels effets».
sur la communication, la propagande et la publicité. Pour Lasswell, propagande rime dorénavant avec
Lorsque les médias de masse sont encore à leurs démocratie. La propagande constitue le seul moyen
débuts, Gabriel Tarde (1843-1904) les rend de susciter l'adhésion des masses. Elle peut être
responsables de la plupart des influences et affirme utilisée à de bonnes comme de mauvaises fins.
que l’âge des foules, annoncé par Le Bon a sera
remplacé par l’âge des publics (qu’il définit comme Définitions :
une « foule à distance »). (Gabriel Tarde, L’opinion
et la foule, 1901 qui regroupe 3 articles publiés “L’ensemble des méthodes utilisées par un pouvoir
entre 1893 et 1899) (politique ou religieux) en vue d’obtenir des effets
idéologiques ou psychologiques.”
Les premières études sur les médias et sur leurs (Jacques Ellul, Histoire de la propagande, Paris,
influences arrivent dans les années 1920, il s’agit PUF (QSJ 1271), p. 6)
souvent de réflexions sur la propagande. Walter
Lippmann (1889-1974) étudie la manipulation par D’après Ellul, Non seulement il faut sortir de
les médias dans son ouvrage Public Opinion l’opposition simpliste entre information et
(1922), on lui doit le terme de « fabrique du propagande mais l’information est une condition
consentement ». Lippmann remarque que nous essentielle de la propagande. L’information donne à
avons une expérience très limitée du « monde réel » la propagande sa matière première, elle est créatrice
et que notre vision du monde se base avant tout par des « problèmes » que va exploiter ensuite la
ce que les médias nous en montrent. propagande et auxquels elle prétendra apporter des
solutions.
En 1939, Serge Tchakhotine (1883-1873), soutient
dans son livre Le viol des foules par la propagande
politique que la propagande, pour être efficace doit "La propagande peut être définie comme une
faire appel aux pulsions (agressivité, satisfaction stratégie de persuasion destinée à imposer des
matérielle, désir sexuel, amour parental). Il soutient références collectives et à transformer les mentalités
que c’est grâce à la maitrise d’une propagande et les conduites d'un groupe important d'individus.
médiatique basée sur ces pulsions que le régime La notion de propagande suppose un projet qui
nazi a conquis les esprits des Allemands. nourrit le contenu du discours, un ensemble de
techniques de mobilisation, et une cible réceptive. (…)Faire de la propagande devient un moyen d’agir
Elle appartient au domaine du politique et s'adresse sur les esprits pour changer des situations sociales
à un ensemble de sujets destinés à être persuadés." pour réformer la société en profondeur.
(Monica Charlot, La persuasion politique, Paris, A.
Colin, 1970) Dès les années 1880, les socialistes utilisent
fortement le terme (…).
« propagande » histoire d’un mot
(Citations à partir de Fabrice D’Almeida, Au début du siècle [XXe] donc propagande est
« Propagande, histoire d’un mot disgracié ») devenu d’usage extrêmement courant, mais son
contenu varie encore suivant les écoles politiques.
Avant la création du mot propaganda, par la Lénine dans Que faire ? paru en 1902 revient sur
papauté en 1622, à l’occasion de la fondation de la une distinction établie par Plekhanov au milieu des
Congregatio de propaganda fide, il existait un années 1880 : « Le propagandiste inculque
ensemble de pratiques considérées comme beaucoup d’idées à une seule personne ou à un très
distinctes et renvoyant chacune à des sphères petit nombre de personnes ; l’agitateur n’inculque
d’activités séparées. Des stratégies symboliques qu’une seule ou un très petit nombre d’idées mais à
passaient par la création de types monétaires à une masse de personnes». Il amplifie cette
l’effigie d’un souverain, le décor d’un palais, des hypothèse et rend canonique la distinction entre
peintures murales ou des stèles votives. S’y ajoutait deux activités. L’une, la propagande, consiste en un
le vaste champ de la parole avec ses tactiques travail logique et détaillé de divulgation d’une
argumentatives, à l’oral comme à l’écrit. doctrine complexe, qui peut s’effectuer dans des
« écrits » ou de longues séances « d’éducation
La fonction de la Congregatio de propaganda fide politique ». La seconde, l’agitation, dispense aux
était initialement la reconquête des fidèles dans le masses (« à toutes les classes »), par des procédés
monde occidental. Mais très rapidement elle s’étend variés, un savoir simple, relevant du « discours ».
outre-mer et son action inclut l’implantation de
missions À la veille de la Première Guerre mondiale, loin
d’avoir une connotation négative, le terme a l’aura
À la fin du 17e siècle, le mot est encore limité à son d’une technique utile, dont toutes les forces sont
acception religieuse et n’est pas admis dans tous les prêtes à disposer.
dictionnaires. En revanche, au moment de la
Révolution française le terme est reconnu par Des « Services de propagande » sont créés, dans la
l’Académie et possède désormais son second sens diplomatie et dans les armées, dès 1914, en France.
de propagation des doctrines et des opinions. Les autres pays en guerre font de même. Au
Royaume-Uni, cependant, le mot est repoussé car le
À la fin du siècle, le nouveau sens est courant. Gouvernement préfère garder l’illusion qu’il sert
Condorcet, dès 1792, en donne une définition l’information. Les services effectuant ce travail
canonique : « Action organisée en vue de répandre prennent donc l’étiquette de « Psychological
une opinion ou une doctrine (surtout politique) ». Warfare ».
En 1798, le Dictionnaire de l’Académie propose le
sens congréganiste et le sens politique. La fixation La censure, la diffusion de fausses nouvelles et
sémantique sous la Révolution n’a rien d’étonnant l’existence de rumeurs conduit la population à
tant les gouvernements révolutionnaires ont tenté de imaginer un vocabulaire imagé pour signifier l’effet
diffuser leurs idées. de la propagande : le « bourrage de crâne ». L’argot
passe dans le langage courant en la matière et le
Le débat politique tel qu’il se déploie dans les mot bobards est dans toutes les bouches.
premières années du 19e siècle ne modifie guère le L’étonnant est que les excès dus à la culture de
sens. guerre n’entament que partiellement la connotation
positive de propagande. Le mot même y gagne le
Propagande apparait ainsi dans les textes de prestige terrible des usages patriotiques.
républicains et de socialistes comme une sorte de
levier de transformation du monde. Entre 1919 et 1939, la plupart des partis politiques
se dotent d’organes de propagande et créent des
[au XIXe] Popularisé, propagande devient d’une lignes de compte portant ces chapitres dans leurs
utilisation fréquente et d’autres associations se dépenses. Propagande prend dans ce milieu le sens
l’approprient pour définir leurs activités de de produit imprimé à destination du public. Seuls
diffusion d’information. Commence ainsi une les communistes essayent de maintenir la
propagande sanitaire. L’emploi de « la propagande distinction entre agitation et propagande et utilisent
médicale » caractérise les actions de comités de le mot d’agit-prop pour désigner ce qui ailleurs est
lutte contre l’alcoolisme ou la tuberculose. simplement dénommé propagande.
s’attachent à mettre en évidence que la
Le monde partisan n’entendit guère ces critiques si manipulation des discours politiques n’a pas
l’on en juge par le maintien de secteurs de disparu de l’espace public démocratique et qu’elle
propagande dans tous les partis : PCF, SFIO, lui est même consubstantielle ; enfin, des travaux
Radicaux, MRP, RPF, Indépendants puis leur qui s’attachent plutôt à analyser les contraintes de
descendance sous la Ve République. Les brochures fabrication, de circulation et de réception des
partisanes établissaient un autre distinguo. D’un discours politiques dans une société de « relations
côté existait la publicité à usage commercial, de publiques généralisées » (Miège, 1997).
l’autre la propagande à usage politique.
On retrouve cette définition de la communication
Les États, en revanche, s’ils utilisent les méthodes, politique comme « idéal démocratique de dialogue
ont rejeté ce vocabulaire et préfèrent parler et d’échange » (Delporte, 2007, p. 459) dans des
d’information. Il existe des ministères portant ce travaux qui émanent de l’histoire des médias. La
titre, comme s’ils détenaient une forme différenciation entre communication politique et
d’objectivité supérieure alors même que c’est un propagande est étayée par deux critères principaux.
État, l’Union soviétique, qui crée en 1945 le mot Le premier est le pluralisme des médias et la liberté
désinformation. de circulation de l’information. De ce point de vue,
la propagande devient caractéristique des régimes
La contestation, qui débouche sur les évènements totalitaires ou de situations exceptionnelles dans les
de 1968 dans le monde, refuse la distinction jugée régimes démocratiques, par exemple en cas de
factice entre information et propagande. Les conflit (Bertho-Lavenir, 2000). Le second critère
étudiants dénoncent l’usage des médias par des est le degré de prise en considération, par
gouvernements et de grandes entreprises à des fins l’émetteur politique, de l’état de l’opinion
de manipulation de masse. publique : « La communication politique, c’est
d’abord la recherche d’un dialogue avec l’opinion
La théorie de la communication arrive alors en publique, d’un échange permettant d’établir avec
Europe. Elle avait été fondée dans les années 1930 elle un contrat fondé sur la confiance. C’est
par des théoriciens antifascistes réfugiés aux États- pourquoi les sondages (dont neuf sur dix restent
Unis. Elle postule l’égalité entre les participants au aujourd’hui confidentiels) sont capitaux »
processus de communication. (Delporte, 2007, p. 10). L’affirmation du
« basculement » d’un « âge de la propagande à un
Le premier, le parti socialiste issu des congrès âge de la communication » voisine toutefois
d’Issy-les-Moulineaux et d’Epinay décide en 1977 régulièrement avec la reconnaissance de ses
de modifier l’intitulé de son secrétariat à la « ambivalences » (Delporte, 2003, p. 3-4) :
Propagande pour y ajouter le mot de l’approche historique signifie ainsi la nécessité de
communication politique. Les deux appellations dissocier plus nettement l’idéal démocratique de ses
cohabitent quelques années avant que s’impose conditions d’actualisation.
l’étiquette « Secrétariat national à la
Communication » au milieu des années 1980. La communication politique apparaît ainsi comme
une forme renouvelée – révélée par les auteurs – de
Occulté de l’espace public, propagande est devenu la manipulation des discours politiques dans un
un objet d’histoire et un concept pour évoquer les régime démocratique. Pour caractériser ses modes
relations entre masses et élites dans une perspective opératoires, Philippe Breton parle de « violence
machiavélique. Son emploi est donc essentiellement indirecte, cachée, hypocrite, qui est essentiellement
critique et sert à dénoncer une forme pernicieuse de une violence séductrice » (Breton, 2009, p. 40). À
circulation de l’information. partir d’une toute autre approche, le sociologue
Jacques Le Bohec qualifie de « tour de passe-passe
Propagande et information linguistique » la « transfiguration méliorative de la
A D’Almeida fait suite l’article de Caroline propagande en “communication” » (Le Bohec,
Ollivier-Yaniv : 1997, p. 52). »

« Les études qui portent sur propagande, Quelques cas de manipulation :


communication et manipulation depuis trente ans,
en France, peuvent être analysées à partir de leur a) Remember the Maine !
positionnement relativement à cette tension entre Le 15 février 1898, le croiseur américain Maine
propagande et communication : trois perspectives explose accidentellement en rade de La Havane.
sont ainsi distinguées dans ce texte. On rend L’affaire est reprise par la presse américaine qui
compte tout d’abord des travaux qui explicitent le accuse l’Espagne (dont Cuba est une colonie). Les
remplacement de la propagande par la tirages des titres qui insistent sur cette fausse
communication politique ; ensuite, des travaux qui agression monte en flèche. Suite à l’émotion
générale le gouvernement des USA décide d’entrer mourir les bébés sur le sol froid ». Son discours est
en Guerre. retransmis par les télévisions du monde entier. La
jeune fille, s'appelait al-Ṣabaḥ, était en fait la fille
de l'ambassadeur du Koweït à Washington. Son
discours avait été conçu par l'agence de
communication Rendon Group chargée de
superviser la communication du CIA et du
Pentagone afin de faciliter l’intervention
américaine.

Repères bibliographiques

Monica Charlot, La persuasion politique, Paris, A.


New York World 18.2.1898 Colin, 1970

Fabrice D’Almeida, « Propagande, histoire d’un


b) L'incident de Gleiwitz mot disgracié », Mots. Les langages du politique
Le 31 août 1939, des soldats allemands habillés en [En ligne], 69 | 2002, mis en ligne le 01 mai 2008,
uniforme polonais attaquent la station radio consulté le 20 mars 2015. URL :
allemande de Gleiwitz proche de la frontière. http://mots.revues.org/10673
Organisé par Himmler cette fausse agression servira
de prétexte à Hitler pour envahir la Pologne. Jean Mouchon, La politique sous l'influence des
médias, Paris: L'Harmattan, 1998
c) L'affaire du charnier de Timisoara
En décembre 1989 durant la révolution Roumaine Serge Halimi et Dominique Vidal, L’opinion, ça se
les médias sont alertés sur l’existence d’un charnier travaille. Les médias et les « guerres justes » :
avaient été ensevelis des corps d’opposants torturés. Kosovo, Afghanistan, Irak, éd. Agone, 2006.
On parle de 70 000 morts. Les médias reprennent la
nouvelle et affirment que ces milliers de personnes Jacques Ellul, Histoire de la propagande, Paris,
auraient été massacrés sous l'ordre de Ceausescu. PUF (QSJ 1271),
En fait, des opposants au régime communiste
avaient déterrés les corps dans un cimetière pour Jacques Ellul, Propagandes, Paris, Armand Colin,
simuler un massacre, il s'agissait donc d'une 1962, nouvelle édition, Economica, 1990.
manipulation et d'une propagande anti-Ceausescu.
Malgré les doutes (les signes évidents de Patrick Eveno, Les médias sont-ils sous influence?
putréfaction avancé et d’autopsie) les médias ont Edition Larousse, 2008
diffusé cette fausse nouvelle.
Caroline Ollivier-Yaniv, « Discours politiques,
propagande, communication, manipulation », Mots.
d) Couveuses koweitiennes Les langages du politique [En ligne], 94 | 2010, mis
Le 14 octobre 1990, une jeune l'infirmière en ligne le 17 décembre 2012, consulté le 25 mars
koweïtienne appelée « Nayirah », témoigne, en 2015. URL : http://mots.revues.org/19857
larmes, devant une commission du Congrès des
États-Unis. Elle affirme avoir vu des exactions de Dossier « La fabrique de l’information », Sciences
l’armée irakienne: « Ils ont tiré sur les bébés des Humaines, n° 129, juillet 2002.
couveuses, ils ont pris les couveuses et ont laissé
Chronologie

1622 I La papauté fonde la Congregatio de propaganda fide


1895 F Gustave Le Bon publie la Psychologie des foules
1898 USA Affaire du Maine
1901 F Gabriel Tarde publie L’opinion et la foule
1914 EU Des « Services de propagande » sont créés dans la plupart des armées
1933 D Création par Goebbels du Ministère du Reich à l’Éducation du peuple et à la Propagande
1939 F Serge Tchakhotine publie Le viol des foules par la propagande politique
1939 D Incident de Gleiwitz
1985 F Le Parti Socialiste supprime le mot propagande de son « Secrétariat national à la
Communication »
1989 RO Affaire du charnier de Timisoara
1990 USA Affaire des couveuses koweitiennes

LECTURE : Delporte Christian, « De la propagande à la communication politique », Le Débat 1/2006 (n°


138), p. 30-45 (extrait de l’introduction)

Si l’on en croit l’idée généralement admise, nous serions passés, dans une période qu’on situe, selon le cas,
quelque part entre les années 1950 et les années 1980, d’un âge de la propagande à un âge de la communication
politique, mouvement qui aurait ainsi accompagné le basculement du temps des masses à celui de l’opinion
publique. Du coup, définir la nature du lien qui relie l’un à l’autre revient à donner son sens au phénomène plus
récent, celui de la communication politique. Doit-on privilégier la filiation – et donc l’héritage – ou la rupture –
fondée sur le rejet de la propagande ? La communication politique ne serait-elle que la version pacifiée et
modernisée de la propagande, débarrassée de ses outrances et adaptée aux outils médiatiques contemporains ?
Ou, au contraire, contribuerait-elle à dessiner les contours nouveaux d’un espace public qu’elle finirait par
structurer ? Ces deux approches, en effet, commandent deux définitions majeures de la communication politique.

Dans un cas, elle est réduite à un ensemble de techniques empruntées à la publicité et au marketing et adaptées
au domaine politique, de méthodes pour maîtriser les médias (media-training, plans-médias, etc.) et analyser les
aspirations de l’opinion (sondages), de pratiques diverses bâties sur des stratégies électorales, le tout nécessitant
la contribution de « techniciens », spécialistes des médias, spécialistes des enquêtes, communicants. En forçant à
peine le trait, on pouvait dire que l’espace public est vu comme un vaste marché concurrentiel, identifiant les
citoyens électeurs à des consommateurs, où l’offre politique tente de se conformer à la demande (grâce aux
sondages), où l’homme politique s’applique exclusivement à séduire (grâce à la télévision).

Dans l’autre cas, la communication politique confine à un idéal social attestant la maturité des démocraties.
Alors que la propagande s’appliquait à entretenir le rapport inégalitaire entre les acteurs politiques et la masse
par le caractère unilatéral du message, la communication politique, elle, se fonde sur l’échange entre les hommes
politiques, les médias et l’opinion, s’exprimant notamment à travers les sondages ; l’interaction entre les
différents acteurs conditionnant la réalité du fonctionnement démocratique. Par la posture d’écoute et de
dialogue qu’elle suppose, la communication constitue le liant de la société démocratique, en rupture avec la
propagande, par nature totalitaire.
[…]
Par ailleurs, la dépréciation du mot « propagande » aujourd’hui, qui évoque le mensonge et le « bourrage de
crâne », ne doit pas nous conduire à penser que le passage à la communication dominante résulte d’une critique
d’ensemble sur ses méfaits, moins encore d’une adoption, par l’État ou les forces politiques, des théories de
communication de masse développées aux États-Unis depuis les années 1930-1940. Pas plus que les « bobards »
de la Grande Guerre ne condamnèrent la propagande dans l’entre-deux-guerres, l’usage de la persuasion de
masse par les totalitarismes n’aboutit à réduire l’influence de la propagande dans l’espace politique d’après
guerre. Le passage de la propagande à la communication relève bien davantage de comportements pragmatiques
et d’adaptations, par glissements successifs, du système politique français aux réalités nouvelles de la démocratie
d’opinion.

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