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de la gouvernance démocratique
au Maroc
2. Equité fiscale
La notion d’équité fiscale est prise ici au sens large, dépassant la vision
technique (équité horizontale et verticale). Elle constitue un indicateur
économique de gouvernance démocratique que traduisent les principes
d’égalité de traitement pour l’ensemble des contribuables, individuellement
ou par groupes homogènes, de transparence et de droit de contester l’impôt.
La justice fiscale est une situation idéale rendue possible (ou le contraire)
par le système fiscal en place (avec ses spécificités structurelles, historiques
et culturelles) et touchant aussi bien au principe même de l’existence de
l’impôt, son calcul (assiette, taux, exonérations, etc.) et son recouvrement
qu’aux possibilités de sa contestation. Par rapport à cet idéal, les
différentes composantes proposées de cet indicateur doivent pouvoir
renseigner sur les avancées réalisées mais aussi sur les retards cumulés et
les régressions observées.
2.1. Recettes fiscales et produit intérieur brut
Cet indicateur met en évidence la relation, mesurée par le ratio recettes
fiscales / produit intérieur brut (RF/PIB), entre l’ensemble des prélèvements
fiscaux opérés par les autorités publiques sur l’économie et ce que cette
dernière a généré comme revenu.
De manière stricte, le ratio RF/PIB donne une indication sur
l’importance des recettes fiscales par rapport à la masse des revenus générée
par les différents secteurs d’un pays à l’occasion du processus de
production. Il permet d’apprécier l’ampleur de l’imposition : on parle alors
de « niveau de contribution au financement de l’action publique » ou plus
communément de « pression fiscale ». Ce ratio est utile pour comparer la
situation du Maroc par rapport à des pays voisins ou à situations économiques
similaires (approche internationale) et pour comparer les situations des
différentes branches de l’économie à l’intérieur du pays (approche
sectorielle).
La première approche s’inscrit dans une vision de concurrence fiscale
internationale. En effet, dans un contexte où la masse des impôts à payer
est de plus en plus appréhendée comme un facteur de compétitivité, ce ratio
rend compte d’une forme de justice fiscale vis-à-vis du reste du monde.
La seconde approche privilégie une entrée par grands secteurs, voire par
branches d’activités. Elle a pour objectif d’évaluer la contribution fiscale
de chaque secteur par rapport à sa contribution à la production nationale.
Le but est de déceler les disparités de la pression fiscale, si elles existent,
au niveau de ces secteurs. Techniquement, ce ratio serait : RF du secteur
« X » / PIB du secteur « X » et vise à mesurer et à comparer la charge fiscale
des différents secteurs par rapport à leur propre PIB.
Dans le cas du Maroc, cette approche est particulièrement intéressante
dans la mesure où des voix d’entrepreneurs s’élèvent de plus en plus pour
crier à « l’injustice » que subiraient leurs métiers respectifs alors que des
secteurs entiers, telle l’agriculture, bénéficient de manière « structurelle »
d’exonérations touchant des impôts principaux. De fait, le secteur agricole
profite depuis 1984 d’un traitement préférentiel. En 1998, il est imposé
à hauteur de 14 % du total des revenus qu’il génère contre un taux de pression
fiscale national de près de 21 % (taux calculé selon les données des ministères
des Finances et de l’Agriculture). Du point de vue de la justice fiscale, il
semble qu’il y ait bien une inégalité, quelle qu’en soit l’explication ou la
justification. Un élargissement de ce ratio à l’ensemble des secteurs et des
branches peut contribuer à l’amélioration de la justice fiscale au Maroc.
L’utilisation du ratio RF/PIB nécessite, toutefois, quelques précisions :
– sur le plan technique, les prélèvements obligatoires englobent, en plus
des impôts et redevances, l’ensemble des prélèvements dits sociaux (retraite,
assurance maladies, etc.). Ce qui nécessite des actions correctives des données
pour procéder à des comparaisons sur des bases homogènes ;
– dans l’approche internationale, l’utilisation de ce ratio repose sur la
relation existant entre charge fiscale et décision d’investissement (la fiscalité
comme facteur d’attractivité). Toutefois, dans la mesure où le ratio suppose
que les différentes composantes de branches des économies à comparer soient
assujetties aux impôts, le secteur informel peut constituer un biais non
négligeable.
– en termes sectoriels, une limite majeure réside dans l’absence de données
relatives à la répartition sectorielle des différents impôts.
2.2. Simplification et harmonisation du système fiscal
On s’intéresse ici à recenser les mesures fiscales visant à simplifier l’impôt
ou à harmoniser deux ou plusieurs impôts comparables ou encore à
harmoniser un même impôt au niveau d’une filière ou d’une branche de
production. Ces mesures peuvent concerner aussi bien l’élaboration de
l’impôt et son calcul que les procédures et les conditions de son recouvrement,
ou encore le ou les taux appliqués. A l’opposé, il doit permettre de cerner
les différents aspects et cas de figure majeurs d’injustice que subissent les
assujettis en termes d’incohérence ou de double emploi.
L’indicateur a pour but d’observer l’évolution du système fiscal à travers
les objectifs suivants :
– lisibilité de l’impôt pour les contribuables ;
– équilibre et égalité de traitement des contribuables.
L’analyse des lois de finances (LF), relatant le processus de réforme fiscale
lancé depuis le milieu des années 80, fait apparaître des avancées en termes
de simplification et d’harmonisation du système fiscal en vue de le rendre
plus lisible pour le contribuable et applicable à l’ensemble des couches sociales
et des catégories socioprofessionnelles. C’est ainsi, par exemple, que les
barèmes relatifs à la taxe notariale applicable aux principaux actes ont été
ramenés à deux taux seulement (0,5 % et 1 %) (LF, 1996) ou encore que
certaines taxes ont été intégrées à l’impôt général sur les revenus (IGR).
C’est le cas de la taxe sur les profits immobiliers (TPI) et de la taxe sur les
profits sur cession des valeurs mobilières (TPCVM) qui, auparavant, étaient
traitées de manière isolée alors que les profits concernés étaient de véritables
revenus (LF, 2001). Notons également l’harmonisation des majorations de
retard entre le code de recouvrement et les codes fiscaux (LF, 2001).
En revanche, certaines mesures et certains impôts constituent un frein,
voire un recul, par rapport à cette tendance. C’est ainsi, par exemple, que
la loi de finance de 1995 a annulé l’obligation de déclaration du patrimoine
instituée en 1993 et qui devait renforcer les possibilités de contrôle et de
lutte conte la fraude fiscale. Par ailleurs, des impôts tels que la patente sont
dénoncés par les instances patronales comme constituant une taxation « anti-
économique » (CGEM, Rapport moral 2003) ou parce qu’ils génèrent des
4. Concurrence
L’instauration de la concurrence et son utilisation comme élément
régulateur des différents marchés constituent un indicateur économique
pertinent d’appréciation du processus de transition démocratique.
(1) Dahir n° 1-00-225 de Le Maroc a adopté une loi sur la liberté des prix et de la concurrence (1)
2 rabii I 1421 (5 juin d’abord pour concrétiser les engagements pris dans le cadre de l’OMC en
2000) portant
promulgation de la loi matière de transparence, de non-discrimination, de loyauté commerciale ;
n° 06/99 sur la liberté des ensuite pour répondre à la nécessité d’harmoniser sa législation avec les règles
prix et de la concurrence. des pays de l’Union européenne dans la perspective de la zone de libre-
échange ; enfin par conviction que la concurrence constitue un principe
de régulation démocratique et permet une allocation plus équitable des
ressources productives.
(2) Le débat sur la La loi n° 06-99 (2) instaure des règles de transparence et d’équité dans
concurrence remonte à la le monde des affaires (liberté des prix, libre accès au marché, transparence
fin des années 80 et s’est
concrétisé par
et loyauté dans les transactions).
l’élaboration en 1989 du Elle combat la mise en place de structures nocives pour la concurrence
1er projet de loi en la (entente, abus de position dominante).
matière. De nombreuses Un Conseil a été créé par cette loi pour déterminer et apprécier la dose
versions lui ont succédé
jusqu’à la version adoptée de concurrence permettant le libre jeu de l’offre et de la demande sur les
par la chambre des différents marchés. Il a pour rôle de faire respecter le principe de libre
30 avril 2003, celle-ci ayant déclaré n’être pas tenue d’appliquer la mesure
que stipulent les deux accords de revaloriser de 10 % le SMIG.
La réforme des statuts, de l’organisation et des structures, mise en oeuvre
en 1995, a permis la création de la fédération des PME-PMI, celles-ci étant
prépondérantes dans le tissu productif national.
Un audit stratégique externe portant sur l’image, la mission et les services
de la CGEM a permis d’identifier un certain nombre d’axes de
développement. On y trouve principalement le renforcement de l’assise
financière, la rénovation du fonctionnement des instances, l’accélération
du programme de mise à niveau des entreprises, la professionnalisation de
la politique de communication de la Confédération et la modernisation
de son système d’information ainsi que l’intégration de nouvelles
compétences.
En projetant d’étendre le champ de ses activités, tout en les recentrant
sur la défense des intérêts des employeurs, la CGEM espère élargir sa base,
devenir plus efficace et acquérir plus de légitimité. La poursuite de la
restructuration organisationnelle et stratégique de la confédération et son
adhésion aux nouvelles règles du jeu en matière de négociation collective
est cependant tributaire de l’émergence d’une « nouvelle culture
professionnelle » fondée non pas sur la défiance mais sur la confiance et
la coopération.
Par ailleurs, si la Confédération patronale a, dans le passé, souvent pu
peser sur la décision des pouvoirs publics en matière de politique
économique, c’est en grande partie en raison de son rôle de « groupe de
pression » qu’elle s’est efforcé de jouer depuis l’indépendance. Un tel rôle a
été facilité, notamment, par les liens organiques (personnels, familiaux,
clientélistes, etc.) qui se sont noués, à travers l’histoire longue, entre la catégorie
des « hommes d’affaires », d’une part, et l’administration et la structure du
Makhzen, d’autre part. Il s’agit de liens de dépendance des premiers par rapport
aux seconds, traduisant en dernière analyse et, au-delà, une mainmise du
pouvoir politique sur l’ensemble de la sphère économique (financière, bancaire
et industrielle). De ce fait, les décisions économiques majeures prises depuis
l’indépendance ont été plus ou moins l’occasion d’un réaménagement du
rapport de force entre le pouvoir politique et les fractions de la bourgeoisie
suivi d’une redistribution d’actifs au sein la classe capitaliste (marocanisation
de 1973, campagne d’assainissement de 1996, à titre d’exemples).
Certes, les politiques de libéralisation entreprises depuis 1983
(Programme d’ajustement structurel, mise à niveau) n’ont pas manqué de
desserrer l’emprise de l’Etat (en particulier du système du Makhzen en son
sein) et de conférer à la CGEM l’opportunité d’amorcer un processus
d’autonomisation du monde des affaires par rapport au politique, voire de
dépassement de la logique de lobbying vers une démarche en termes d’acteur
collectif représentatif des intérêts du patronat et de ses différents
segments. Si un tel affranchissement de la CGEM par rapport à la tutelle
6. La négociation collective
La négociation collective au Maroc demeure jusqu’à présent une
procédure résiduelle de régulation des relations professionnelle. Plusieurs
raisons peuvent être invoquées :
– une configuration historique des relations sociales fondée sur la
résolution des conflits collectifs par le recours au rapport de force et à la
puissance publique (ministère de l’Intérieur) utilisant la plupart du temps
la « violence légitime » dans un souci sécuritaire ;
– l’absence d’un cadre institutionnel incitant les partenaires sociaux à
privilégier les procédures de négociation : médiation, conciliation, arbitrage,
etc. ;
sociaux sur les « points litigieux » qui avaient, par le passé, bloqué la
promulgation du nouveau code du travail. De fait, celui-ci fut voté au
Parlement en juillet 2003 (loi n° 65-99) mettant un terme à une situation
structurelle de « déconnexion légale », c’est-à-dire de dissonance entre le
droit et le fait dans le monde du travail.
C’est dans le livre 2 du code du travail que le principe de négociation
collective est affirmé : celle-ci est institutionnalisée et mise en harmonie
avec les dispositions de la convention internationale (n° 98) de 1949 sur
« le droit d’organisation et de négociation collective ». Les négociations
collectives, désormais obligatoires et annuelles (d’autres délais pouvant être
fixés dans le cadre de conventions collectives), sont organisées au niveau
de l’entreprise et du secteur. Elles peuvent également se dérouler au niveau
national dans un cadre tripartite entre le gouvernement, le patronat et les
syndicats. L’objectif essentiel des négociations collectives est à la fois
d’améliorer les conditions de travail et d’organiser les relations
professionnelles. Un conseil de négociation collective est prévu par le code
dont le rôle est de promouvoir les conventions collectives. En effet, depuis
1957 (dahir du 17 avril) et en dépit de la création en 1960 d’un conseil
supérieur des conventions collectives, une trentaine seulement de
conventions collectives ont été conclues dans les secteurs des banques, du
pétrole, des transports et des sucreries. Deux tentatives (vaines) en 2000
de relancer le recours des partenaires sociaux aux conventions collectives :
la réunion du conseil supérieur des conventions collectives qui ne s’est pas
réuni depuis plus de vingt ans et la tenue d’un colloque tripartite sur les
conventions collectives.
La codification du principe de négociation collective (notamment son
caractère obligatoire) constitue une avancée fondamentale en matière de
démocratisation et de modernisation des relations professionnelles. De même,
le niveau entreprise et secteur correspond au choix du législateur de
décentraliser la négociation collective.
Parallèlement, le code prévoit un réaménagement du système de contrôle
par l’inspection du travail : simplification de la procédure de transmission
des procès-verbaux qui peuvent désormais être directement envoyés au
Parquet sans passer par l’administration centrale ; contrôle et vérification
des dispositions des conventions collectives (livre 5).
Enfin ont été formalisés et institutionnalisés les modes de règlement
des conflits collectifs, c’est-à-dire notamment la conciliation et l’arbitrage.
C’est l’extrême pauvreté des familles qui les conduit à placer leurs enfants
dans une entreprise. Toutefois, les rémunérations versées aux travailleurs
mineurs sont en moyenne modiques, voire nulles : un enfant sur deux perçoit
un salaire inférieur au Smig, un sur trois est payé en nature (90 % en milieu
rural). La durée du travail est également peu conforme à la loi (48 heures
par semaine ramenées à 44 heures dans la nouvelle législation du travail) :
plus d’un enfant sur deux travaille plus de 50 heures par semaine. Les enfants
sont soumis à des conditions de travail difficiles et à des risques liés
notamment aux « pires formes de travail » : 59 % sont exposés à l’épuisement
musculaire, 60 % portent des charges supérieures à 5 kg et 39 % subissent
des violences physiques et verbales. De façon générale, le travail réservé aux
enfants ne leur offre aucun apprentissage et se limite à des tâches répétitives.