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Expériences et témoignages
recueillis et mis en forme par Hugues de Varine
2005
2
Un grand merci à :
Lucien Avocat
Edith Blanc-Mappaz
Franck Bon-Mardion
Denise Favre
Hubert Favre
Frédéric Frison
Brigitte Joguet
Pascal Meunier
Christelle Nantermoz
Yves Paris
Janine Sochas
Anne-Marie Teraube
Elisabeth Viallet
Ils ont apporté leur mémoire, leurs expériences, leur patience à la construction de ce
livre, qui est une œuvre collective comme l'a été le développement du Beaufortain
…et pardon à eux et à tous les habitants du Beaufortain pour les erreurs qui n'ont
pas manqué de se glisser encore dans le texte malgré tant de bonnes volontés…
3
SOMMAIRE
Introduction 5
Le Beaufortain 14
La chronologie 28
La complexité 32
Les acteurs 45
L'animation 66
La culture 81
La communication 95
La formation 108
L'organisation 134
4
INTRODUCTION
Pourquoi le Beaufortain ?
Cet ouvrage, dans l'esprit de la collection "Décision Locale", part d'une expérience
grandeur nature pour en déduire des éléments de méthode susceptibles de nourrir la
réflexion des acteurs publics et privés du développement, qu'ils soient élus ou
fonctionnaires, stratèges ou techniciens, militants ou chercheurs. On espère aussi
intéresser de nombreux citoyens soucieux de comprendre les enjeux du
développement de leur lieu de résidence ou même de participer aux programmes de
ce développement. Et bien sûr nous nous adressons aux étudiants de toutes
disciplines qui se préparent à assumer un jour des responsabilités dans le
développement d'un territoire.
Selon la règle de la collection, nous aurions voulu que les acteurs eux-mêmes
s'expriment et apportent leur contribution à la recherche constante de solutions.
Nous leur avons demandé de s'adresser ainsi en professionnels à des collègues qui
partagent le même intérêt pour l'objectif de développement global, socialement
responsable, des territoires qui leur sont confiés. Ils n'ont pas souhaité le faire
directement et ont préféré la médiation d'un écrivain public, pour assurer la mise en
forme de ce qu'ils avaient à dire.
Pourquoi le Beaufortain a-t-il été choisi comme exemple privilégié d'un processus de
développement rural ? Certes, il s'agit d'un territoire particulier, de moyenne et haute
montagne, ce qui entraîne des contextes, des problèmes et des situations
spécifiques. C'est-à-dire que les solutions trouvées et les outils créés ne seront pas
reproductibles tels quels ailleurs. C'est sans doute mieux ainsi, car il n'existe pas de
modèles ou de règles absolues en matière de développement local et c'est à chaque
territoire de répondre à ses propres questions. D'ailleurs, comme on le verra, si le
Beaufortain n'a jamais rien copié, il s'est fortement inspiré de pratiques qu'il est allé
chercher ailleurs, dans l'espace français et européen.
5
Le Beaufortain, et c'est sans doute ce qui le qualifie le mieux pour entrer dans cette
collection, suit un processus volontaire et continu de développement depuis près de
quarante-cinq ans. Cela signifie que trois générations au moins se sont succédé
dans la prise de responsabilités actives au service de ce développement, sans pour
autant s'écarter du chemin et des objectifs tracés au départ.
On trouvera donc, dans la suite des chapitres, un exposé à plusieurs voix qui seront
surtout celles de ces trois principaux acteurs dont l'action s'est déroulée ou se fait
sentir tout au long de ces trois générations. Cela fait du Beaufortain un cas sans
doute unique en France, car il ne semble pas que l'on trouve ailleurs, sur une aussi
longue période, une équipe cohérente et soudée, capable d'assurer la continuité du
regard, des principes, de la rigueur dans l'analyse et dans la répartition des tâches.
Ces trois acteurs (Maxime Viallet est disparu en 2004 et c'est son entourage qui a
été consulté en plus de l'enregistrement d'un interview radiophonique) apparaissent
ici comme les témoins d'une histoire dont ce livre n'est que le modeste reflet. Mais ils
ne sont pas les seuls et ce sont tous les Beaufortains qui ont porté et vécu cette
histoire. Plusieurs d'entre eux ont même revu et corrigé le texte qui suit, ce qui lui
donne une qualité collective rarement atteinte dans notre collection.
6
Vers une définition du développement local
Pour Lucien Avocat, ancien maire et conseiller général de Beaufort, c'est "apporter
sa pierre à l'édifice communautaire et participer à sa gestion en concertation avec les
habitants, engagés de préférence dans la vie associative".
1
Ces citations de Maxime Viallet sont tirées de discours ou d'articles, successivement et dans
l'ordre ci-dessus: Session nationale CMR-Arras, 9 et 10 mai 1992; "L'expérience du beaufort: quelles
conclusions pour l'agriculture de montagne", article de 1992; discours lors des 20 ans de l'Union des
producteurs de beaufort, 1985; bulletin de l'association des ingénieurs du GREF, 6 octobre 2000.
7
Des principes simples et de bon sens
Il suffit d'en donner la liste sans les commenter, tant ils sont élémentaires et évidents.
Cependant, on se souviendra qu'il ne s'agit pas ici de notions théoriques; ils ont été
formulés à la suite d'une réflexion sur les pratiques des acteurs du développement
en Beaufortain.
Car ceux-ci ont agi à partir de situations réelles et tous ces principes sont clairement
déduits de l'expérience. Les voici:
- avant tout cultiver le bon sens, chez soi et chez les autres
- ne jamais agir seul: toute réflexion, comme toute action, doit être collective
- aller chercher le savoir et le savoir faire des gens, pour leur faire produire toute
leur efficacité
- se prendre en mains, sans jamais attendre des solutions apportées toutes faites
de l'extérieur
- éveiller, entretenir et afficher la confiance dans les gens et dans leurs capacités
de participer et d'agir
- rester soi-même
- enfin garder l'esprit ouvert et aider le hasard, pour saisir toutes les opportunités
8
La chasse à l'opportunité
Nous retrouverons ce dernier principe tout au long de cet ouvrage et dans chacun de
ses chapitres. De nombreux exemples en seront donnés.
Tout se passe comme si on se disait: "Un vrai succès sur deux ou trois opportunités,
c'est mieux que de ne rien saisir. Donc on verra bien ce qui se passe, mais c'est une
chance et ce serait trop dommage de ne pas essayer."
Cela implique une veille de tous les instants, une surveillance de l'information, une
animation des réseaux de chacun, l'écoute des personnes rencontrées, associées à
une forte curiosité et à une grande capacité d'imagination (et d'optimisme).
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Note pour la lecture
Les chapitres qui suivent recherchent, sur certains thèmes de développement, les
enseignements que l'on peut tirer de l'histoire des 45 dernières années du
Beaufortain et de ses dynamiques de développement. Il ne s'agit pas d'une
monographie du développement d'un territoire particulier, mais d'une réflexion a
posteriori sur des méthodes et des démarches. Une bibliographie est donnée chaque
fois que cela paraîtra utile.
Parce que chaque chapitre doit pouvoir être lu séparément et pour assurer la clarté
du texte sans multiplier notes et renvois, on a conservé de nombreuses répétitions,
particulièrement lorsque un concept ou un exemple présente un intérêt pour
plusieurs thèmes.
Chaque chapitre est suivi d'une fiche pratique, qui invite le lecteur, par des
questionnaires ou des tableaux, à réfléchir aux différents thèmes traités, à partir de
son propre territoire et de sa propre situation (étudiant, chercheur, élu, agent de
développement, fonctionnaire territorial, militant associatif). Il n'y a pas de "corrigé"
pour ces fiches ! Ce sont des exercices de simulation dont l'un des objectifs est de
démontrer au lecteur les différences et les ressemblances entre son cas personnel et
celui des gens dont nous allons parler.
Pour le reste, la réponse à vos questions ne peut être trouvée que sur place, en
Beaufortain ou chez vous…
10
MISE EN PERSPECTIVE HISTORIQUE
André Palluel-Guillard
Professeur honoraire d'Histoire contemporaine
Université de Savoie
En effet, a contrario, s'il est bien difficile d'échapper à l'attrait de ce "massif", encore
faut-il préciser qu'il a fallu pour cela y rencontrer des touristes qui n'apparurent ici
qu'au début du XX° siècle avec la construction de la route d'Albertville et bien sûr les
automobiles nécessaires pour y arriver sans peine. On y admirait (on y admire
encore) surtout la beauté des paysages, des alpages, des forêts, des lacs de
montagne, des beaux chalets locaux mais en dépit de l'évidence de ces
appréciations, il importe ici aussi de les relativiser puisqu'elles se retrouvent dans
bien des régions de Savoie (et d'ailleurs). Force est donc de chercher encore plus
profondément l'intérêt du Beaufortain.
En fait, comme cela arrive souvent, l'explication est simple car évidente: la vraie
gloire du massif réside d'abord et avant tout dans ses habitants. Non pas que ceux-ci
soient particulièrement meilleurs que leurs compatriotes provinciaux ou même
nationaux, même si depuis le XVIII° siècle les témoins se sont tous rejoints sur la
particulière beauté des femmes locales. Néanmoins quelques éléments sont
11
essentiels à relever: en Savoie l'intérêt des communautés d'altitude repose sur le
contrastes avec celles des fonds de vallées ou de l'avant-pays; nous sommes ici
dans des terroirs de grandes dimensions, loin des petites communes du Petit Bugey
ou du Genevois, d'où la possibilité pour chaque famille de disposer (sans forcément
les posséder) de terres, sinon suffisantes, du moins utiles pour sa survie.
Pas de moines ici, peu de propriétés nobles, donc finalement la plus grande partie du
terroir revient à ses habitants, même si la hiérarchie sociale nous révèle
d'importantes inégalités entre une minorité de grands alpagistes et une majorité de
pauvres hères. Il n'empêche que hormis les périodes de crise (épidémies, guerres ou
mauvaises récoltes), la prospérité ou l'aisance semble régner. La vente des
communaux pour payer les affranchissements au XVIII° siècle, puis pour payer les
grands travaux d'aménagement au siècle suivant n'ont pas modifié ces données
sociales et matérielles, d'autant que l'on était aidé ici par le commerce du bétail (des
bovins comme des mulets) et du fromage qui assurait à une grande partie de la
population à la fois une évidente ouverture culturelle, une habitude des affaires et
bien sûr de beaux profits. Certes on pouvait trouver cela aussi dans bien des vallées
alpines mais peu de celles-ci présentaient sans doute autant de possibilités.
Les grosses maisons de Saint Maxime de Beaufort2 mais aussi les grands chalets
des différents hameaux témoignent de la puissance de ce groupe de "coqs de
village" qui ont perduré jusqu¹au XX° siècle. Les défauts ne leur manquaient pas
mais cette élite fut assez douée pour encadrer la société locale et lui assurer une
efficace et utile permanence de méthodes et de valeurs. Bien sûr cela supposait de
conserver un certain isolement et d'ignorer l'émigration qui, de majoritairement
temporaire, devenait, lentement et irrémédiablement, définitive.
Les guerres, mais aussi l'attrait des villes et des richesses rapides, vidaient le
Beaufortain même de ses meilleurs éléments de sorte que les atouts traditionnels
quantitatifs et qualitatifs se perdaient irrémédiablement. Il était loin le temps où l'on
s'inspirait des méthodes suisses pour la fabrication des fromages, on ne s'occupait
plus que de défendre le prestige du gruyère, puis le grand souci fut de s'adapter aux
mœurs modernes et en particulier à la facilité du rendement rapide et certain sans
souci du passé et de la qualité qui lui était liée.
2
C'est l'ancien nom de Beaufort, St Maxime étant le saint patron de l'église du village.
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Certaines révolutions sont plus discrètes et moins apparentes que d'autres, celle du
Beaufortain pour être telle n'en fut pas moins certaine dans les années 60-70. On la
dut au fait que le pays n'était pas resté engoncé dans un pays stérile: la construction
des barrages lui avait donné l'aération nécessaire mais la tentation touristique ne
l'avait encore pas atteint au moment où arrivaient à l'âge adulte les jeunes formés
auparavant par les mouvements du réveil catholique en particulier la jeunesse
agricole chrétienne (JAC). Inconsciemment sans doute, mais indéniablement mus
par un évident orgueil local, ces hommes à la fois nouveaux et anciens se sont
imposés pour assurer le difficile mariage du progrès et de la tradition, de la qualité et
de la quantité, redonnant ainsi au massif une force et un équilibre que bien d'autres
ont pu leur envier en cette fin du XX° siècle.
Rien ne dure et rien n'est garanti, le monde évolue vite, d'où la nécessité maintenant
de s'assurer des élites nécessaires et de contrôler le présent en préparant l¹avenir
sans jamais se fier aux seules forces du passé et aux modèles voisins.
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LE BEAUFORTAIN
Pour ceux qui ne connaissent pas déjà le Beaufortain, et pour dresser le cadre de
l'aventure de développement qui fait l'objet de cet ouvrage, il nous faut présenter ce
territoire et esquisser son histoire récente.
Pour les données concrètes et précises, on les trouvera plus loin dans le tableau
chronologique qui reprend de façon ordonnée les grandes dates qui marquent
l'évolution du Beaufortain depuis les années 1960.
Nous nous bornerons donc à une description "impressionniste" qui permettra déjà de
se faire une idée de ce canton des Alpes, si riche et si particulier.
3
Collection Savoie Vivante, éd. Curandera, Challes les Eaux, 1987, 210 pages, illustrations.
On trouvera également en annexe au présent ouvrage une bibliographie des principales publications
concernant le Beaufortain.
14
Au Nord se trouve le Val d'Arly, une vallée à la longue tradition industrielle
métallurgique (Ugine), au Nord-Est la Vallée de Chamonix et au Sud la Tarentaise
avec leurs vastes domaines skiables très équipés.
La pente moyenne est toujours supérieure à 5%, sauf dans les petites plaines
alluviales à l'aval de Beaufort et de Villard. Selon la topographie, on distingue trois
types d'agriculture:
Il faut y ajouter une couverture forestière très étendue, favorisée par un climat plus
humide que dans la plupart des autres bassins alpins.
4
Précisons ici, pour une meilleure compréhension de la suite, que la commune chef-lieu de
canton se nomme Beaufort. Elle comprend notamment un village nommé Arêches où se sont
déroulées des activités communautaires importantes pour l'histoire du développement de la vallée. La
station de ski, qui a été aménagée originellement à partir du site d'Arêches, s'appelle officiellement
Arêches-Beaufort.
15
et le commerce sont des secteurs relativement importants, en raison de
l'éloignement d'Albertville et de l'afflux des résidents saisonniers.
La population
Pendant la période qui nous occupe, le Beaufortain compte environ 4000 habitants,
dont 2000 à Beaufort. L'évolution de la population reflète à la fois le déclin des zones
rurales et de montagne depuis la fin de 19ème siècle, mais moindre qu'ailleurs car
partiellement compensé par les bassins d'emploi du Val d'Arly et d'Albertville, un pic
démographique dans les années 50, dû à la construction des barrages
hydroélectriques et notamment de celui de Roselend, une chute rapide à la suite de
la fermeture des chantiers, et enfin une stabilisation résultant du processus de
développement que nous décrivons ici.
16
les saisons et les occupations, à trois niveaux d'altitude: dans des chalets d'alpage
en été et dans des hameaux à mi-hauteur le reste de l'année pour les agriculteurs-
éleveurs, dans les villages de fond de vallée pour le reste des gens, notamment ceux
qui exerçaient des métiers commerciaux ou de services. Les hameaux, de véritables
villages, avec chacun son école et sa chapelle, constituaient autant de petites
communautés fermées sur elles-mêmes une partie de l'année.
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rural préfigurant AAB, l'office de tourisme; ils accompagneront le développement du
canton tout au long de son histoire. La commune de Hauteluce prend une
importance nouvelle avec la station des Saisies, maintenant reliée au domaine
skiable de Crest-Voland et de Notre-Dame de Bellecombe (en Haute Savoie).
On voit déjà dans tout ce qui précède que le Beaufortain n'a pas cessé de changer et
de se développer pendant les 45 dernières années, à partir à la fois de ses propres
ressources et d'échanges soigneusement entretenus avec l'extérieur. Les retombées
des barrages (aides à l'équipement scolaire, taxe professionnelle et taxes foncières
de la part d'EDF), le maintien d'une agriculture prospère grâce au beaufort, l'essor
d'un tourisme d'été et d'hiver maîtrisé, des aides extérieures mobilisées avec
modération (on note l'absence de contributions européennes, à l'exception de
financements du FSE pour la formation et des financements de droit commun issus
de la PAC) mais en fonction des besoins réels, tout cela reflète un dynamisme qui
compense largement le relatif isolement géographique, les difficultés liées au climat,
une population faible, dispersée et vieillissante, tous facteurs de paralysie qui, on le
verra, ont parfois été transformés en atouts.
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Ruptures et tremplins
Il faut revenir un instant sur certains points déjà évoqués, pour souligner leur
importance en tant que moments-clés de l'évolution et du développement du
Beaufortain.
Le barrage avait causé une première crise, par la disparition de quelques un des
meilleurs alpages du Beaufortain. Pendant quelques années, le chantier avait
cependant apporté de l'emploi, de nouveaux résidents et de l'activité dans la haute
vallée (Beaufort et Arêches), alors que dans les autres communes se poursuivait un
exode rural très important depuis l'après-guerre. Avec la fin du chantier, on constate
que les alpages noyés sont toujours perdus, sans réelle compensation autre que
financière pour leurs anciens propriétaires, que emplois et migrants sont repartis,
que l'activité se rétracte dans la vallée. Elément positif, les collectivités locales
perçoivent des recettes fiscales substantielles (les 2/3 des budgets locaux de
Beaufort et Hauteluce provenaient d'EDF avant la création de la communauté de
communes).
Vers la même époque, les races laitières traditionnelles Tarentaise et Abondance qui
fournissaient le lait pour le fromage de Beaufort, le plus rare des gruyères, risquaient
de disparaître, la fabrication du beaufort d'alpage devenant insuffisamment rentable
et les circuits de commercialisation étant inadaptés. L'ancienne coopérative
d'affinage du beaufort, créée en 1939, avait perdu tout dynamisme. Ses locaux sont
19
rachetés et permettent l'installation d'une fromagerie coopérative. Joseph Viallet
(père de Gilbert, actuel président de la coopérative, ancien maire de Beaufort et
ancien président du SIVOM) fut le président fondateur de cette nouvelle structure.
En réalité, cette rupture avec des traditions bien ancrées a eu des résultats positifs:
meilleurs échanges entre jeunes qui se retrouvaient "en bas", création de nouveaux
liens entre les familles, renouveau de la vie associative, utilisation des anciennes
écoles comme gîtes communaux, etc.
Même si des équipements de sports d'hiver de qualité existaient déjà aux Saisies et
à Arêches, ce sont les Jeux Olympiques d'Albertville qui ont "lancé" le Beaufortain
comme un espace privilégié pour les sports d'hiver, en donnant toute leur valeur
20
médiatique à la station des Saisies et à d'autres évènements d'envergure nationaux,
comme la course de la Pierra Menta ou les GR5 Tour du Mont Blanc et Grande
Traversée des Alpes qui passent par le Beaufortain en attirant toujours plus une élite
de randonneurs. La personnalité de Frank Piccard, triple médaillé olympique, a
constitué un atout précieux.
On verra plus loin les choix qui ont été faits pour préserver un caractère spécifique
pour le Beaufortain, mais il suffira ici de signaler la politique systématique (menée
depuis longtemps et bien avant les Jeux) de promotion de la pluriactivité chez les
habitants du Beaufortain. Cette démarche originale, créatrice d'activité et d'emplois,
soit sur place, soit dans d'autres stations des Alpes, a permis de maintenir au pays
toute une génération de jeunes qui, sinon, aurait pu ou dû émigrer.
La diminution du nombre de prêtres (il y avait au début du 20 ème siècle jusqu'à douze
prêtres résidant à Beaufort, maintenant un seul pour toute la vallée) et les
changements dans la pratique religieuse ont amené progressivement, pendant toute
cette période, à la constitution d'un seul ensemble paroissial et aux changements
correspondants dans les habitudes sociales.
- La construction du territoire
Dès 1971, le SIVOM du Beaufortain avait créé les conditions d'une coopération
intercommunale, dans certains domaines (économique, scolaire, par exemple).
Après les échecs de la création d'un district rural puis d'un Parc naturel régional et la
loi de 1992, le SIVOM se transforma en communauté de communes, dénommée
"Confluences", dont les compétences renforcées permettent la mise en œuvre d'une
véritable stratégie de développement et un certain niveau de coordination des
programmes et des projets des communes membres.
5
Sentiers de Grande Randonnée
21
Car celles-ci tiennent à leurs identités et conservent des compétences fortes (dans le
domaine des équipements de sports d'hiver ou de certaines manifestations
culturelles par exemple)6.
On peut donc parler d'une véritable construction d'un territoire de l'action publique,
cadre d'un développement global concerté. La personnalité du Maire de Beaufort et
Conseiller général pendant une grande partie de la période couverte ici, le Dr. Lucien
Avocat, a rendu possible cette évolution, dans un esprit de coopération entre les
différents élus.
- La naissance de l'AAB
D'un autre ordre, mais d'une importance aussi grande, la création, en 1973, de
l'Association d'Animation du Beaufortain a apporté au processus de développement
le soutien d'une représentation organisée et dynamique de la société civile du
Beaufortain. Il s'agit ici d'une forme de regroupement inter-communautaire, en
parallèle et en coopération avec l'intercommunalité officielle.
6
On notera qu'un processus similaire est en œuvre au plan religieux: s'il n'y a plus
actuellement qu'une seule paroisse pour desservir les cinq clochers du Beaufortain, il n'en reste pas
moins que les anciennes paroisses gardent leur identité communautaire. Les Saisies ont leur
"chapelle", construite par les fidèles, mais elle n'a pas droit au rang d'église paroissiale aux yeux des
habitants de la vallée.
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Les images du Beaufortain
Le Beaufortain est un lieu de vacances et de loisirs pour des familles, qu'il s'agisse
des stations de ski ou des maisons familiales, ou encore des nombreuses résidences
secondaires, des usagers des gîtes. C'est un but de vacances ou de visites pour des
habitués. Mais c'est aussi un objet de visites d'études, un lieu de formation pour de
nombreux professionnels, aménageurs, développeurs, animateurs, chercheurs de
diverses disciplines.
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FICHE PRATIQUE
Se connaître soi-même
A partir d'un fond de carte (IGN au 1/50.000 par exemple), reconstituez les
périmètres susceptibles d'influer sur la définition d'un territoire de développement
homogène, répondant à trois critères principaux:
- une capacité de coopération institutionnelle, tant entre les collectivités locales que
entre les structures de service public existantes (éducation, santé,
communication, transport, etc.)
24
Vous pouvez par exemple vous inspirer de la grille ci-dessous, que vous adapterez à
votre situation réelle.
Cohérences
- géographie physique
- géographie humaine
- géographie économique
Communes, cantons,
intercommunalités
Périmètres scolaires
Relations centre-périphérie
Pratiques de consommation
Bassin de vie
Bassin d'emploi
Autre
Si votre territoire est déjà défini (une communauté de communes par exemple), il
peut être utile de remettre en cause ses limites et ses relations avec les territoires
voisins.
25
Autant que possible, croisez une approche synchronique (ce qui se passe à un
moment donné, par exemple aujourd'hui) avec une approche diachronique
(l'évolution dans le temps entre passé, présent et futur).
26
Dans la colonne "note", vous pourrez indiquez par un chiffre (de 1 à 5 par exemple)
l'importance du ressenti de l’événement dans la population. Ce chiffrage subjectif, qui
n'a pas de valeur scientifique, a pour objet de vous faire réfléchir à la signification
réelle de chaque événement dans la vie du territoire et de la communauté.
27
CHRONOLOGIE DU BEAUFORTAIN
Ce livre ne suit pas un ordre chronologique. Chaque fois que des dates sont
importantes pour la compréhension du texte, elles sont fournies. Mais nous avons
voulu reconstituer l'ensemble de l'histoire, par un tableau synoptique de ce qui s'est
passé pendant les 45 ans. Nous avons donc demandé à plusieurs acteurs de cette
histoire de nous donner les dates qui leur paraissaient importantes et significatives.
Le tableau qui suit est le résultat de ces choix subjectifs. Le lecteur pourra y trouver
des repères pour la continuité des faits.
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Dates Général Collectivités Communautés Economie
Grande traversée L. Avocat conseiller général,
1973 Création AAB
des Alpes président du SIVOM
Visite des ministres de
Première machine à traire
1974 l'agriculture du Marché "Vacances Buissonnières"
en alpage
commun
Maison de retraite à Recrutement d'un agent de
1975
Beaufort développement
Accueil de nombreux Installation TRANSROL à
1976 Décharge contrôlée
stagiaires à l'AAB Beaufort
Contrat de pays
1977 POS de Beaufort et
Hauteluce
1978 Savoie vivante
Formation des pluriactifs (3
1979 Salle polyvalente à Beaufort Club de jeunes dans AAB
ans, AFRAT)
Service architectural Installation TIVOLY à
1980
cantonal Queige
1° animateur salarié à l'AAB
Chalet artisanat à Boudin
1981 Colloque de Marly 1° OPAH (EUC)
Colonie à la ferme
Animateur vacher
Colloque de Mâcon,
1982 Création ADMR (FONJEP)
création ANDLP
Arrivée micro-informatique
Prix national "Villages que
1983
j'aime"
Candidature au réseau
1984
câblé
Maison des stagiaires
Premiers chantiers de
Application de la Loi
1985 Loi Montagne Concordia
Montagne en Beaufortain
Schéma de communication
1° rencontre vidéo des pays
Journal télématique
1986 Formation des premiers
guides du Patrimoine
1987 Contrat Station-Vallée Topoguides randonnées
1988
L. Avocat cesse d'être maire
de Beaufort
1989
Contrat régional de
développement culturel
Etude communale (à
1990 Beaufort) sur les gardes Inventaire du patrimoine
d'enfants
Les olympiades de la vidéo 30° anniversaire du
1991
1° Prix du patrimoine sonore barrage
Loi sur
l'intercommunalité Les chemins du baroque en
1992
Espace mont Blanc Beaufortain Intermarché à Villard
Les J.O. aux Saisies
Label "paysages de
1993 SEM agriculture
reconquête"
Label "site remarquable du
1994
goût"
1995 AAB devient centre social
Relais-emploi en
1996
Beaufortain
Création de l'association
1997
Patrimoine Beaufortain
1998 Contrat Station moyenne Contrat enfance
Lois sur
1999 Relais Parents
l'intercommunalité
Projet d'Espace Diamant
2000 Retraite "politique" de L. Contrat jeunesse Promotion filière bois
Avocat
29
Dates Général Collectivités Communautés Economie
Halte garderie
Création d'associations:
Démarrage du projet
- Queige LAC Restructuration des
2001 Beaufortain-Val d'Arly-
- ADAM abattoirs
Tarentaise
- Villard animation
- Ass. Beaufortaine du Bois
Maison du Beaufortain
2002 Communauté de communes
"Confluences"
2° OPAH
2003 1° rencontres culturelles
2° contrat Station moyenne
2004 CDPRA
5ème rencontre littéraire de la
2005 SMED Déchets
FACIM en Beaufortain
30
FICHE PRATIQUE
Reconstituer l'histoire
Il est aussi intéressant d'indiquer les dates et les sujets des différentes études qui ont
été réalisées sur votre territoire ou sur un problème qui s'y rapporte. Vous serez
surpris de leur nombre, parfois de leur intérêt, parfois aussi de leur nullité. Mais il est
important d'en connaître l'existence, soit pour les utiliser, soit pur éviter de les
recommencer.
31
LA COMPLEXITE
Ce qui est frappant lorsque l'on réfléchit au cas du Beaufortain, c'est la complexité du
cadre, des situations, des problèmes et naturellement des solutions. Le chapitre
précédent qui a décrit sommairement le territoire et ses principaux traits a déjà
montré la grande diversité des éléments que l'on doit prendre en compte pour
approcher la connaissance de la vallée et de ses habitants. Au fur et à mesure que
l'on entre dans la réalité des choses et que l'on essaye de comprendre ce qui s'est
passé depuis 45 ans et ce qui se passe encore aujourd'hui, on est obligé de tenir
compte de détails matériels ou immatériels de plus en plus fins, qui se superposent
comme autant de strates successives et qui interagissent en permanence, sans
même l'intervention du développeur ou de l'animateur. Tout territoire, toute
communauté sont des organismes vivants, qui doivent être regardés, étudiés et
traités comme tels.
Il est intéressant de tenter d'y voir un peu plus clair dans cette complexité, car elle se
retrouve partout et dans tous les processus de développement local. C'est d'ailleurs
la raison principale de l'impossibilité d'imaginer un modèle unique de développement.
Or il ne peut y avoir de démarche efficace et durable sans prise de conscience
préalable des principaux éléments de la complexité.
Nous allons d'abord reprendre un schéma d'analyse que nous utilisons souvent, qui
étudie successivement les effets du temps sur le changement et ceux de la
combinaison des facteurs à un moment donné.
32
L'approche diachronique
7 ème ème
Au 16 siècle, l'émigration concerne 6% de la population de Beaufort, au 17 11,7%.
Cette émigration a eu d'importantes conséquences: introduction du beaufort, fondation d'écoles et de
chapelles, restructuration des alpages…
33
années, au sein d'une même génération, obligeant les habitants, comme les
responsables des décisions, à une sorte de gymnastique mentale et culturelle à
laquelle rien ne les avait préparés.
8
Rappelons que, si Arêches fait partie administrativement de la commune de Beaufort, ce
village forme une communauté séparée, à l'identité forte.
34
Mont Blanc. Et cela alors que les deux autres communes de la vallée, attirées par la
bassin d'emploi industriel d'Ugine et privées des taxes professionnelles EDF,
restaient pendant longtemps relativement en arrière dans l'aménagement lourd et le
choix d'axes spécifiques de développement. Toute la politique intercommunale de
développement a dû jongler entre cette diversité pour intégrer les dominantes de
chaque commune dans un schéma commun.
Tous ces exemples, on pourrait en citer bien d'autres, montrent la nécessité, pour les
décideurs locaux, de toujours inscrire leur action présente dans une évolution et de
prévoir l'avenir dans une perspective "glissante" qui trouve son origine non pas dans
le moment de la réflexion mais dans la continuité de la vie du territoire.
L'approche synchronique
35
signifie non seulement tenir compte, dans la coopération entre tous ces acteurs, des
compétences et des intérêts, parfois divergents, mais aussi des rythmes de vie et
des pratiques propres à chacun.
L'impact des modes de vie et des habitudes de loisir est particulièrement net:
autrefois, il était naturel de se réunir à partir de 20 heures (après la traite du soir),
maintenant l'heure des rencontres est plutôt 18 heures, mais il faut aussi se soucier
des programmes de la télévision, de "l'effet 35 heures", des contraintes différentes
des hommes et des femmes, etc.
…ne jamais agir seul: toute réflexion, comme toute action, doit être collective…
36
pas toujours d'éviter les conflits, qui souvent faussent la mise en œuvre des projets
les mieux élaborés dans un apparent consensus.
Enfin, la complexité de plus en plus grande des procédures et des techniques oblige
à une vigilance et à une information/formation permanente, ce qui cause perte de
temps, risque d'échec, mais aussi exaspération des acteurs locaux, surtout lorsqu'ils
sont de simples citoyens et que leur dévouement bénévole se heurte, ici comme
ailleurs, à la bureaucratie et aux délais de décision des administrations extérieures
au Beaufortain.
37
reconnaissance, non pas théorique ou contractuelle, mais pragmatique et effective,
de trois légitimités incontestables et le plus souvent incontestées, mais pas toujours
faciles à concilier:
- la légitimité institutionnelle, celle des élus et des services publics, qui découle de
la démocratie, ici aussi représentative qu'elle peut l'être, puisque les élus
acceptent la co-existence et la coopération avec les deux autres légitimités. Elle
est évidemment la seule "légale", qui fonde la garantie du respect de l'intérêt
général. Mais Lucien Avocat, au long de toutes ses années de maire et de
conseiller général de Beaufort, a respecté l'esprit de la mobilisation conjointe des
efforts des trois catégories d'acteurs, sur pied de respect réciproque. Par contre, il
pouvait y avoir des divergences entre les communes du canton et la structure
intercommunale, par exemple lorsqu'il s'est agi d'un projet de parc naturel
régional.
38
économiques. Là encore, comme on le verra, des structures représentatives ont
été progressivement mises en place, qui servaient de relais avec les deux autres
légitimités.
Une autre clé de la réussite en Beaufortain est à chercher dans l'équilibre toujours
maintenu entre les trois dimensions du développement. Trop souvent en effet, en,
raison notamment de la complexité des démarches à mettre en œuvre qui exigent
des savoir-faire rarement présents sur place en même temps, à cause aussi de la
pression de l'opinion publique et des élus au profit des mesures qui produisent des
effets à court terme, on privilégie la dimension économique, en réservant les
initiatives sociales pour les moments de crise aiguë et en réduisant les programmes
culturels au rôle de "cerise sur le gâteau". Car il est vrai qu'il est exigeant et souvent
difficile de faire avancer les trois de front, d'une manière coordonnée et interactive.
39
qualité d'accueil, etc. La transformation progressive de l'agriculture et des modes
de production du beaufort, l'introduction des pratiques du tourisme diffus et
familial, la mise à profit des talents sportifs des montagnards pour introduire la
pluriactivité en sont des exemples.
- La dimension sociale vient ensuite, pour créer les conditions de cette mobilisation
de l'ensemble de la population (la communauté) sur le développement du
Beaufortain. Dans une vallée somme toute relativement prospère, où les
habitants sont passés progressivement d'un mode de vie très rural en isolement à
des habitudes de type semi-urbain pour la majorité, comme dans l'ensemble de la
France aujourd'hui, il était nécessaire de créer les conditions de la satisfaction de
ces habitudes. De nombreux exemples des actions qui ont été menées peuvent
être donnés: la politique de formation initiale, populaire et continue, la promotion
de la femme, l'accueil des enfants, le travail avec les jeunes, l'accompagnement
des personnes âgées, les solutions trouvées pour créer des offres d'emplois
diversifiées et adaptées aux conditions de vie, tout cela a nécessité la prise en
compte des nombreux facteurs de complexité mentionnés plus haut.
40
La spécificité du rural et de la montagne
Qu'il soit rural ne nous étonnera pas, puisque l'objectif de ce livre est de traiter
précisément du développement local rural. Ici comme ailleurs, on constate
l'attachement au territoire, fut-il celui d'un hameau d'altitude ou d'un alpage, la
différence culturelle fondamentale entre anciens et nouveaux habitants, résidants
permanents et résidants secondaires, autochtones et "forains" (étrangers au pays),
entre agriculteurs-éleveurs et habitants des bourgs. On constate aussi la lenteur
relative de la vie quotidienne, un accès souvent plus difficile à l'information et aux
techniques nouvelles, l'esprit de clocher. Tout cela n'a rien de bien nouveau et on
verra plus loin comment des réponses ont été données ici.
Si les méthodes qui seront décrites plus loin sont largement applicables ailleurs, en
dehors du milieu de montagne, il faudra rester conscient de l'influence de ce dernier
sur certaines solutions ou sur certaines modalités de mise en œuvre.
*
* *
41
La complexité, qui peut fausser toute démarche de développement, rendre
quasiment impossible l'émergence d'initiatives, encourager l'attentisme et le
formalisme, a pu, dans le cas du Beaufortain, être transformée souvent en facteur
déclencheur (créativité), ou en garant de la pérennité des changements volontaires
impulsés par les collectivités ou les autres acteurs du développement.
C'est sans doute par une conscience forte d'une complexité quasiment impossible à
saisir de l'extérieur que les responsables politiques, associatifs et économiques du
Beaufortain n'ont jamais, à quelques exceptions près, fait confiance à des experts
étrangers pour rédiger seuls études et propositions pour le développement et ses
différentes facettes.
42
FICHE PRATIQUE
Il s'agit ici d'une simple réflexion, en quelque sorte archéologique, afin de repérer les
différentes couches qui constituent toujours les histoires locales, selon les moments,
les acteurs, les circonstances endogènes ou exogènes, etc. Allez au plus profond
possible, pour trouver ce qui est invisible à l'analyse superficielle, comme les
questions de personnes, les effets du hasard, les dérives involontaires ou
inconscientes.
- du territoire et de l'environnement
43
- de la population autochtone, collectivement ou individuellement
44
LES ACTEURS
Par acteurs, nous entendons toutes les personnes qui, à un titre ou à un autre, à un
moment ou à un autre, ont agi, ont joué un rôle dans la conception, la décision, la
mise en œuvre des plans et des programmes, des grandes et des petites actions
dont nous donnerons ensuite progressivement les caractéristiques et les places dans
le processus de développement.
C'est dire si ce chapitre est important: il est au centre de tout l'ouvrage et constitue
en quelque sorte la clé de la compréhension des mécanismes du développement.
45
- Maxime Viallet, expert et initiateur de la transformation et de la modernisation du
système agro-pastoral et de la production fromagère
En 1973, il est élu conseiller général, poste qu'il Pour illustrer la popularité du Dr.
conservera jusqu'en 2001. Pendant trente ans, par Avocat, on remarquera qu'il a
toujours été élu conseiller général
conséquent, à un titre ou à un autre (il fut porté au premier tour, avec les
pourcentages suivants:
également à la présidence du SIVOM en 1973), il - 1973 67%
- 1976 71%
occupa les postes-clés de décision politique, - 1982 80%
- 1988 76%
administrative et financière pour le développement - 1994 56%
de Beaufort et du Beaufortain tout entier. A ces En 1973, L. Avocat remplaçait en
cours de mandat M. Pierre Dumas,
titres il présida aux deux mouvements conjoints, député-maire de Chambéry. En
2001, il ne se représente pas et
celui endogène de l'intercommunalité (SIVOM, est remplacé par Martial
Sevessand.
maintenant communauté de communes) et celui
exogène de la décentralisation.
46
Ses principes, tels qu'il les énonce dans l'entrevue biographique qu'il a enregistrée
en 1989 avec un universitaire de Grenoble 9, peuvent se résumer en quelques
maximes qui ont été mises en œuvre pendant ses mandats et qui constituent encore
largement la base de la culture politique du Beaufortain:
- un certain degré de cumul des mandats (entre maire et conseiller général, dans
ce cas) n'est pas à redouter; au contraire, il permet une unité de vision entre la
gestion d'une commune et celle d'un territoire plus vaste, et de servir mieux les
deux; c'est une question d'efficacité.
- le maire ne peut agir seul, il doit s'appuyer sur une équipe, sur des gens en qui il
a confiance, surtout ses adjoints, et aussi le secrétaire général (on dit maintenant
directeur général). Il n'est pas seulement décideur, il est aussi inspirateur.
- la décentralisation est une bonne chose, même si elle est lourde et chère à
assumer: elle permet la prise de décision sur place, sans dépendre de
technocrates lointains.
- le principal objectif est de maintenir un équilibre (entre les communes, entre les
gens des villages et les gens des écarts, entre agriculture et tourisme, entre
tourisme d'hiver et d'été, etc.), en suivant de près et en accompagnant l'évolution
9
Cassette audio, archives de Hubert Favre.
47
du cadre de vie (la fermeture des chantiers dans le Beaufortain) et de la culture
des gens (les jeunes passent en quelques années d'une tradition agricole
d'exploitation familiale à une tradition ouvrière de salariés).
Hubert Favre est également né à Beaufort en 1932 et il ne l'a jamais quitté très
longtemps. Instituteur, il a commencé par être un militant de base, issu à la fois du
scoutisme et de l'éducation populaire. Il est à l'origine de tous les "coups" associatifs
à Arêches, puis à Beaufort, au tournant des années 1960. Cela l'occupe tellement
qu'en 1963, il se fait mettre en congé pour convenance personnelle, afin de
s'occuper de ce qui l'intéresse le plus: le développement social, culturel et finalement
aussi économique de son "pays". De 1964 à 1970, il parvient à se faire mettre à la
disposition du Beaufortain, avec salaire, mais sans titre officiel ni moyens d'action.
48
la mobilisation populaire pour le développement du Beaufortain, en synergie avec les
élus et en particulier avec le Dr. Avocat.
Il avoue ne pas être autre chose qu'animateur, son plus beau titre sans doute: "je ne
sais rien faire de mes dix doigts, mais j'aime organiser, pousser les gens à se
rencontrer…". Il dit aussi qu'il aurait été "rien, ou presque" sans son épouse, Denise,
également institutrice puis directrice d'école, un temps conseillère municipale, qui a
joué des rôles divers et toujours déterminants dans bien des actions associatives et
paroissiales au sein de la communauté.
Depuis quelques années, Hubert Favre, qui a quitté la plupart de ses charges
"officielles", continue à être le "grand communicateur" du Beaufortain, peut-être aussi
"éminence grise", faisant circuler systématiquement l'information entre les acteurs,
accueillant les nouveaux arrivants, collectant et répandant des informations venues
d'ailleurs, de ses nombreux contacts et relais dans les administrations, dans
l'éducation populaire, à l'université. Adepte de la pédagogie Freinet dans ses années
d'enseignement, il est passé d'un journal scolaire à la publication d'Ensemble, la
revue du Beaufortain, qui rend des services à toute la population, aux associations et
aux communes, et aussi aux expatriés qui conservent ainsi le contact avec leur petite
patrie.
49
Quelques exemples de son mode de fonctionnement:
- il va vers tel ou tel nouvel arrivant, lui fait visiter le territoire, le lui présente, le fait
entrer dans la vie associative, découvre et utilise ses compétences et son esprit
d'initiative;
- tous les matins, il fait à pied un circuit d'information qui le mène à la mairie de
Beaufort, à la communauté de communes "Confluences", à l'office de tourisme, à
l'AAB, pour recueillir et transmettre nouvelles petites et grandes;
Maxime Viallet est né, lui aussi, dans le Beaufortain en 1922, de parents
agriculteurs. Il est lui-même paysan, exploitant jusqu'à la retraite, date à laquelle il a
remis son exploitation à un jeune agriculteur, pour aller vivre au bourg de Beaufort. Il
s'est formé à la vie sociale et publique par la JAC, puis par le MFR 10 et le
syndicalisme agricole et est très tôt devenu créateur de structures agricoles:
groupement de vulgarisation agricole (1955), centre départemental de gestion
(1957), coopérative laitière du Beaufortain (1960), Union des producteurs de
Beaufort (1964), SICA du Beaufortain (1974). Il a aussi été président ou
administrateur de pratiquement toutes les organisations agricoles locales et
départementales.
Pour lui, "la vraie solution pour la société et pour l'agriculture de montagne, c'est
d'établir les agriculteurs en tant que partenaires et en tant qu'artisans de la nature:
entrepreneurs de l'espace vert et de l'environnement. Ce sera leur fonction première.
La deuxième étant de faire des produits de qualité." Il a appliqué ces principes en
10
JAC : Jeunesse Agricole Catholique, devenue MRJC; MFR : Mouvement Familial Rural.
50
sauvant, avec les gens du Beaufortain eux-mêmes et malgré les résistances au
changement et à la modernisation, les deux principales ressources de la vallée: ses
paysages et ses troupeaux de laitières et en promouvant la qualité et la réputation du
fromage de Beaufort.
Il fut aussi un formateur (60 stagiaires accueillis sur sa propre exploitation et suivis
par sa femme), un militant de l'aide aux agriculteurs du Tiers Monde, un élu local (de
1977 à 1996).
51
Il apparaît en réalité que des successeurs ont toujours été trouvés, tant pour les
différents postes électifs que pour les responsabilités agricoles ou pour la vie
associative et l'animation. Ces nouvelles figures représentatives du Beaufortain sont
plus nombreuses, cumulent moins de postes et poursuivent, selon leurs
personnalités propres, les lignes tracées par les pères fondateurs. Le résultat de ces
passations de relais entre générations successives de leaders est la multiplication
des personnes-clés. A la tête de l'intercommunalité, on trouve maintenant trois
personnes distinctes, le président de la communauté de communes, le maire du
chef-lieu et le conseiller général. Les innombrables casquettes professionnelles de
Hubert Favre et de Maxime Viallet sont maintenant portées par des "nouveaux",
nombreux et formés à l'école des "anciens".
Ajoutons que les effets de l'action menée pendant cette période se sont également
fait sentir au-delà du Beaufortain et que de nombreuses structures perdurent, par
52
exemple, au niveau départemental, l'Union des producteurs du beaufort ou la société
d'économie alpestre.
La question de la légitimité
Plus encore, ici, les associations ne sont pas des foyers d'opposition ou des
pépinières de futurs conseillers municipaux, tandis que les municipalités ne
cherchent pas à contrôler ou à détruire les associations. Une règle non écrite que
l'on aimerait voir appliquer ailleurs…
53
propositions des niveaux supérieurs, jusqu'à celui de l'Etat, devant être négociées
avec le terrain. Le Beaufortain est un cas exemplaire de mise en œuvre du principe
de subsidiarité et de sa valeur pédagogique pour la motivation communautaire.
Il n'est pas possible, ni indispensable de lister toutes les personnes qui, à un moment
ou un autre, ont participé activement à la vie locale et aux programmes ou projets de
développement. Voyons seulement quelques points particulièrement significatifs, sur
le plan méthodologique:
- mobiliser les femmes Ŕ Certes, les trois leaders principaux, on l'a vu, étaient
tous des hommes. A l'occasion de leur succession, on voit se multiplier des
femmes, comme maires (elles étaient déjà entrées dans les conseils municipaux
depuis les années 50), présidentes et administratrices de l'AAB et d'autres
d'associations. Cela résulte d'une volonté claire et durable, marquée, par
exemple, par l'initiative, en 1980, de la création de cours de conduite automobile,
dédiée à l'obtention du permis de conduire par les femmes, surtout celles qui,
vivant dans les hameaux, n'avaient pas accès aux actions menées dans les
villages et à l'animation de la vie sociale. Citons aussi le rôle moteur qui a été
celui d'Elisabeth Viallet dans la promotion féminine, l'attention aux défavorisés et
la vulgarisation en milieu agricole, et l'apport très significatif de femmes venues
de l'extérieur (voir page suivante). De même, Denise Favre apparaît dans nombre
d'initiatives associatives. Leurs exemples ont permis, en 40 ans, la multiplication
11
Entretien avec "La Vie Nouvelle" en 1984
54
des postes importants occupés par les femmes. Deux maires, sur les quatre du
canton, sont des femmes. On n'est pas encore arrivé à une totale parité, mais la
situation a déjà nettement changé, au profit d'une meilleure représentation des
femmes à tous les niveaux de l'action publique et de la reconnaissance de leur
apport différent de celui des hommes: si le monde féminin en effet n'évolue pas
parallèlement à celui des hommes, rien ne peut s'inscrire dans la durée car c'est
lui qui agit à la base et qui transmet.
- promouvoir les jeunes à des responsabilités Ŕ c'est une priorité et une urgence,
même si les résultats sont mitigés. Dans le monde agricole, le succès est patent:
en 1970, sur 300 exploitations, l'âge moyen était de 60 ans; actuellement, il ne
reste que 140 exploitations mais l'âge moyen est de 40 ans. On y est parvenu,
grâce à l'action de la coopérative, par la mécanisation, par l'augmentation de la
taille des exploitations et du prix du lait, permettant une meilleure rentabilité. Les
jeunes sont également très présents dans les activités liées aux sports d'hiver.
Par contre, dans la vie associative et dans la vie civique en général, ils sont très
absents. Un contrat jeunesse, récemment signé avec le Conseil général, devrait
changer cette situation: une animatrice a été recrutée et un forum réussi font déjà
bouger les choses.
12
Fondateur du journal Le Monde
55
arrivants sont nettement plus créatifs que les autochtones en matière d'initiative
économique. L'apport des émigrés, en particulier de ceux qui ont atteint ailleurs
un niveau élevé de compétence et de pouvoir, est moins net: même lorsqu'ils
reviennent dans la maison familiale qu'ils ont gardée, ils ne s'impliquent pas
souvent dans le développement.
Quant à la population prise dans son ensemble, elle est fortement impliquée dans
une vie associative foisonnante: une association pour 44 habitants ! Ces "citoyens
actifs", très représentatifs socialement de la population, participent effectivement au
développement. Ils n'émanent pas d'une élite de notables et ne constituent pas non
plus une classe dirigeante.
- le Foyer rural d'Arêches, fondé par Hubert Favre en 1964, dès son détachement
de l'Education Nationale, a été le premier moyen de rassembler, d'animer et de
former les habitants, dans un objectif clair de participation à un développement
cohérent, multiforme et durable. Il a promu, le premier, un tourisme résolument
familial et de taille humaine. Il a élaboré et lancé un programme de stages et de
rencontres qui ont permis la toute première mobilisation des gens sur une idée de
développement global du Beaufortain. Il a lancé les premières formations et
permis d'expérimenter à l'échelle d'un village, Arêches, les méthodes d'animation
qui allaient ensuite être généralisées. Il a disparu avec la création de l'AAB.
56
Association réellement indépendante, fondée par des militants de l'action locale
et de l'animation, très proche des collectivités locales et de l'intercommunalité
dont elle reçoit des moyens importants, on peut dire qu'elle a été et est encore un
outil structurel du développement du Beaufortain. Loin d'être un musée, elle est
tournée vers l'avenir, l'aménagement, l'innovation et de plus, maintenant,
s'attache à gérer les maux de la société.
13
Pour plus de détails sur la très riche histoire de l'AAB, voir le dossier d'Ensemble à l'occasion
du 30° anniversaire de l'association, n° 163, janvier-mars 2003.
57
- la Coopérative laitière de Beaufort14, fondée en 1957 par Joseph Viallet et son
groupe, a été le principal outil de reconstruction de l'agriculture en Beaufortain,
après le processus de désertification et le traumatisme des chantiers de
barrages et de leur clôture. Sauver les alpages, un mode de vie, des races de
vaches laitières, des savoir-faire et un produit exceptionnels ne pouvait se faire
dans l'émiettement des exploitations, des villages, des hameaux et des chalets,
avec une population paysanne vieillissante.
exige 400 l de lait, ce qu'aucune famille A partir de cette période s'amorce l'exode rural,
l'effectif du cheptel inalpé décroît, il est plus difficile
ne pouvait obtenir par ses propres de trouver de la main d'œuvre, de surcroît
l'aménagement à partir de 1955 du complexe
moyens. La coopérative a été créée
hydraulique (Roselend, St Guérin, La Gittaz)
pour cela, avec tout ce qui allait avec, entraîne la disparition de 400 hectares de beaux
pâturages. La création de la coopérative laitière du
toujours dans le sens du travail collectif
Beaufortain a provoqué une mutation totale du
et de la solidarité: une association système d'exploitation :
- fabrication du beaufort toute l'année
foncière, une Société d'Intérêt Collectif
- collecte du lait et désenclavement des
Agricole (SICA), l'Union des exploitations agricoles et des alpages grâce à la
construction de routes et de pistes (cette
Producteurs du Beaufortain (UPB). Tout
collecte atteint aujourd'hui la quasi-totalité des
cela supposait, et c'est encore vrai alpages )
- invention de la machine à traire mobile
aujourd'hui, en raison de l'influence des
- les montagnards sont devenus des alpagistes
facteurs extérieurs comme le prix du lait qui sont propriétaires en partie de leur troupeau.
- dans la vallée : abandon des remues et
ou l'évolution des marchés du fromage,
construction d'étables modernes
des débats lors de réunions parfois Brigitte Joguet
houleuses d'agriculteurs
14
Ce n'est pas une association selon la loi de 1901, mais en tant que coopérative son
fonctionnement est analogue à celui d'une association.
58
Il a fallu, pour arriver à ces résultats, non seulement briser l'individualisme des
agriculteurs, faire évoluer les habitudes et les comportements, mais aussi faire
travailler ensemble les gens des hameaux et des alpages et ceux de la vallée,
dont les intérêts divergeaient au départ.
Les hameaux, qui ont vu leur importance et leur rôle changer avec le
développement des services en fond de vallée, l'accès des femmes à la conduite
automobile, la fermeture des écoles, la vie associative. Ils n'en ont pas pour autant
59
perdu leur identité et, dans certains cas, leurs activités propres, avec des structures
locales propres, composées de "sages" élus.
60
Le collège, ouvert en 1972, a joué un rôle déterminant, non seulement pour la
formation des élèves, mais pour le maintien de jeunes en Beaufortain et pour
l'animation générale de la vallée. Il est un facteur de connaissance réciproque entre
les différentes communes, mais aussi entre les hameaux et les chefs-lieux, gommant
ainsi, au moins en partie, les préjugés, les esprits de clocher, le sentiment
d'infériorité des enfants des écarts.
Dirigé le plus souvent par des Principaux de grande qualité, très impliqués à titre
personnel dans la vie locale et qui ne se retranchent pas derrière le sacro-saint
règlement, il a été pratiquement toujours ouvert à des activités autres que
l'enseignement. Ses locaux, sa bibliothèque sont accessibles à tous. Première
institution locale, et l'un des premiers collèges de France à recevoir une dotation en
matériel informatique, dès le début des années 80, il a joué un rôle d'initiateur aux
nouvelles technologies. Grâce à lui, un "SIVOM des Jeunes", le seul du département,
fonctionna de nombreuses années, contribuant à former les jeunes à la vie civique.
61
Le Conseil général et ses services ont été, tout au long de ces années, des
soutiens actifs des processus à l'œuvre en Beaufortain. La personnalité du Dr.
Avocat, pilote politique du développement de la vallée et conseiller général a été
naturellement déterminante. Sa position politique bien affirmée, mais non-partisane,
lui a permis de mériter le respect des "grands élus" du département et de bénéficier
au mieux des mesures qui pouvaient l'aider dans ses plans et programmes. On peut
dire que le Beaufortain a été, pour le Conseil général, une sorte de laboratoire
d'expérimentation de méthodes et de solutions de développement.
Le Conseil régional figure peu dans l'histoire du Beaufortain récent, peut-être parce
qu'il est loin, peut-être aussi parce qu'il apparaît, comme acteur majeur, dans les
années 80, alors que les principaux partenariats du Beaufortain sont établis depuis
près de vingt ans. En tout cas, on ne note aucune coopération particulière, en dehors
des politiques régionales normales.
62
"tordre"15 ces mesures pour les adapter au contexte local, sans effectuer le
chemin inverse,
Cela n'a pas toujours été sans heurts et frictions: il a fallu parfois apprendre à l'Etat le
respect dû aux collectivités locales, par exemple dans leurs démêlés avec l'EDF où
les représentants de l'Etat dans le département ou l'arrondissement avaient
tendance à privilégier l'intérêt du programme national énergétique au détriment des
populations du Beaufortain et de leurs représentants.
Dans le cas du Beaufortain, l'habituel "jeu d'acteurs", qui est toujours largement
gouverné par les personnalités en présence, devient une synergie volontairement
engagée dans le respect de l'identité et de la légitimité de chaque catégorie et de
chaque personne ou structure. On a vu plus haut que le Dr. Avocat considérait que la
démocratie passait par le dialogue et la coopération permanente entre élus et
associations ou autres représentants de la société civile; on a vu aussi que le SIVOM
ouvrait ses séances à l'AAB et aux fonctionnaires de l'Etat. Les relations
personnelles entre les trois leaders principaux, entre eux et les autres acteurs
principaux de la vie locale, ont souvent montré leur efficacité, soit pour élaborer des
projets, soit pour arbitrer des conflits, soit pour trouver des solutions à des questions
insolubles séparément pour chacun d'eux.
15
selon l'expression de M. Barraud, conseiller général de l'Ariège et champion du
développement rural.
63
Cette très forte personnalisation a été évidemment rendue plus facile par la petite
dimension du territoire et par l'origine locale des principaux acteurs, voire même par
leurs liens familiaux ou amicaux antérieurs à leurs engagements publics. Elle n'a pas
empêché, de leur propre aveu, les désaccords ou les divergences, mais elle a
toujours permis les échanges et le débat.
64
FICHE PRATIQUE
Appréciation
Nom de la Nom de la Rôle dans le
qualitative et
personne structure développement
subjective
Naturellement, il ne s'agit pas d'un fichage, mais d'un moyen de faire un inventaire
aussi complet que possible et qui peut évoluer, être mis à jour et complété au fur et à
mesure que les acteurs changent, ou modifient leur comportement, ou encore que de
nouveaux acteurs apparaissent.
65
- associations, leurs présidents, directeurs et organes représentatifs
- Programme de formation
- Autres
66
L'ANIMATION
Que l'on prenne l'animation au sens strict, celui qui a été défini aux temps glorieux de
cette activité étroitement liée à l'éducation populaire, ou au sens commun,
étymologique, de donner vie à une population, à un groupe ou à un territoire, il est
certain que le concept recouvre une très grande part des actions réalisées et des
méthodes appliquées en Beaufortain depuis 1960. C'est en tout cas ce que souligne
fortement Hubert Favre, qui en a été l'initiateur et le chef d'orchestre jusqu'aux
années 1990. Il en est resté activement l'inspirateur jusqu'à aujourd'hui.
67
dossiers (OPAH par exemple), d'animation économique, de coordination de projets
sociaux.
68
une fonction d'agitation, pour susciter la créativité, motiver à la formation, encourager
la vie associative
Des animateurs
16
Fonds de coopération de la Jeunesse et de l'Education populaire, structure interministérielle
qui cofinance des postes d'animation dans les associations
69
A côté de ces praticiens, de très nombreux bénévoles ont participé à l'animation
générale ou à des actions particulières, en fonction de leur disponibilité, de leurs
intérêts ou de leurs compétences. En effet, si l'on considère que, actuellement,
environ 200 personnes sont encore membres actifs de l'AAB après plus de trente
ans et sa transformation en centre social professionnalisé, on peut estimer que
plusieurs milliers de beaufortains ont, à un moment ou à un autre, participé à
l'animation, non comme usagers, mais comme acteurs responsables, sans parler de
tous ceux qui ont occupé des places dans les divers conseils d'administration
d'autres associations locales.
L'inventaire des principales actions menées par l'AAB a été fait et publié dans le
dossier d'Ensemble consacré à son trentième anniversaire, en 2003. On le trouvera
70
reproduit ci-dessous car il nous paraît inutile de chercher à sélectionner telle ou telle
activité et encore plus de la décrire: ce qui est important c'est la diversité et
l'originalité des actions et surtout la cohérence de l'ensemble sur une aussi longue
période. On remarquera aussi que pendant 7 ans l'AAB a fonctionné seulement avec
des bénévoles et l'aide d'un conseiller extérieur, Hubert Favre, qui n'était pas
l'employé de l'association.
*
* *
71
- Premier séjour de petits Parisiens en Beaufortain avec l'APAS (colonie sans murs).
- Camp ados en Bretagne à vélo.
- Restauration des chemins pédestres avec des étudiants de l'AFRAT.
- Première "Veillée des musiciens"
- Colloque "Patrimoine et vie dans les villages de montagne"
- accueil des nouveaux Beaufortains
1984
- Plan câblé et toute sa technologie.
1985
- Rénovation de l'ancien hospice de Beaufort par les chantiers de jeunes de l'association Concordia et
ouverture de la "Maison des Stagiaires".
er
- En partenariat avec le SIVOM, 1 prix du concours national "Village que j'aime".
- Tour du Beaufortain pour les adolescents du territoire
1986
- Création du journal informatique (télex, Antiope suite au plan câblé).
er
- 1 Eté musical en Beaufortain.
- Solidarité eau : irrigation au Pérou, soutien du projet Rio Arma.
- Visites guidées des villages avec les guides de pays
ère
- 1 rencontre vidéo des pays
1987
- Création d'une chorale d'adultes.
- Accueil du Printemps musical (1000 musiciens, 21 concerts)
- Contrat Station Vallée.(gestion du volet formation)
er
- Edition du 1 guide Glénat
1988
- Ateliers musique dans les écoles.
- Festival des chorales.
1989
- Contrat de développement culturel avec le Conseil Régional.
- Séminaire Accueil Arêches-Beaufort
ère
- 1 mondiale de la "La Pierra Menta" musique de Patrice Mesmal
1990
- Fête de la randonnée.
- Première ouverture du centre de loisirs, avec l'office de tourisme
ère
- 1 Olympiades de la vidéo (22 pays, 250 participants, patronage Unesco).
- Gestion d'un centre d'accueil avec le SIDEVAR à Roselend.
- Premier concours des maisons fleuries
1991
er
- 1 prix national du salon du patrimoine sonore.
1992
- Naissance du groupe "En ça en là" (accueil à la ferme)
- Evolution de "Ensemble dans le Beaufortain"
1993
- Convention avec l'ADAC (Dôme-Théâtre d'Albertville).
er
- 1 Dossier d'Ensemble
1994
- La semaine de la lecture.
- Aide à la mise en place du circuit d'art baroque.
1996
- Premier agrément centre social attribué par la CAF.
- Relais Emploi Beaufortain.
1997
- Première édition du guide des activités.
- La lettre d'information aux Beaufortains.
72
1998
- Ouverture de l'Espace Emploi Formation.
- Signature du Contrat Enfance.
1999
- Ouverture du Relais Parents Assistantes Maternelles.
- Diagnostic jeunesse.
2000
- Signature des contrats cantonaux jeunesse.
- Opération "La Savoie, un coeur gros comme le monde" avec le groupe solidarité.
2001
- Troisième agrément centre social.
- Premier "Forum des associations" du canton.
- Ouverture de la halte-garderie.
*
* *
Naturellement, comme il a déjà été dit, c'est la personnalité du Principal qui est
déterminante. Heureusement, on n'a connu ici qu'un seul cas d'un responsable
"fermé" au collège.
73
L'aide et le soutien à l'initiative Ŕ Les objectifs de l'AAB ont toujours été d'impulser
des initiatives et de soutenir des projets. Ainsi elle a souvent contribué au
démarrage d'actions (ateliers musique dans les écoles), à la création d'associations
(chorale, club de jeunes ou du troisième âge) ou de groupements (En ça en là,
Solidarité).
Dans certains cas, les initiatives les plus porteuses d'avenir, dans le domaine
économique et dans celui des loisirs ou du socioculturel, étaient le fait de nouveaux
habitants, récemment arrivés, parfois après avoir épousé un(e) autochtone. Ces
entreprenants sont plutôt des urbains qui apportent des idées nouvelles en milieu
rural: c'est ainsi que naquit en 1966, au Foyer rural d'Arêches l'activité de
gymnastique volontaire, qui rassemble actuellement une quarantaine de
pratiquantes. Il en fut de même pour le yoga et pour bien d'autres projets.
Les structures locales, comme le foyer rural Une opportunité perdue: le jumelage
Langueux - Beaufort
ou l'AAB, offrent un cadre de démarrage, un
Langueux est une commune bretonne
soutien et un accompagnement. Ils ont près de St Brieuc. Le rapprochement
avec Beaufort s'est produit par hasard
fonctionné comme des sortes de pépinières, en 1978 à l'occasion d'un séjour de ski
de relais d'information et de recrutement de du maire de Langueux aux Saisies.
Après deux ans de préfiguration et un
"clients". Ils facilitent aussi les connections voyage collectif d'habitants de
Langueux en Beaufortain, il fut
avec les collectivités: le projet de jumelage finalement abandonné, faute de
bonnes volontés en retour de la part
Langueux-Beaufort a été initié par des des Beaufortains, mais des liens
solides se sont créés à cette occasion
relations entre des habitants, puis passé pour entre quelques familles bretonnes et
décision au conseil municipal. savoyardes.
74
Il faudrait aussi citer l'activité de l'Office de Tourisme cantonal, à partir de 1973, qui
a été l'animateur du développement du tourisme familial et social en Beaufortain,
encourageant et aidant les projets individuels d'accueil et d'hébergement, comme
les projets des communes en matière d'aménagement touristique d'été et d'hiver. Il
est maintenant relayé par la Maison du Beaufortain.
L'accueil Ŕ C'est, d'après les principaux responsables locaux, l'une des priorités de
toute animation. Le Beaufortain doit rester ouvert et l'application du principe
d'opportunité mentionné plus haut repose largement sur l'entrée sur le territoire de
personnes, d'idées et de moyens venant d'ailleurs qu'il faut recevoir, reconnaître,
assimiler, avant de pouvoir les utiliser et en tirer profit. C'est aussi un atout pour
l'image du Beaufortain à l'extérieur. C'est enfin un moyen d'aider les nouveaux
habitants à se sentir bien dans le pays et ainsi à plus facilement s'intégrer. Cet
accueil peut prendre des formes très différentes et concerner des types de visiteurs
également variés. En voici quelques exemples.
75
L'accueil est aussi destiné à des groupes de professionnels ou de militants
associatifs venus d'ailleurs, pour visiter la coopérative laitière, certaines réalisations
d'AAB ou des municipalités, les programmes de tourisme social, etc., ou encore
pour effectuer des recherches. Comme d'autres sites de développement local
expérimentés, le Beaufortain est un peu un lieu de pèlerinage pour de nombreux
spécialistes, y compris universitaires, du développement. A cette occasion, les
responsables locaux, élus, associatifs ou économiques, font connaissance de
collègues, recueillent informations et observations, échafaudent des projets de
coopération ou d'échanges.
Enfin, le Beaufortain s'attache à inviter des hôtes exceptionnels. Entre 1966 et 1970,
ont été reçues pour une immersion dans le milieu français des épouses de cadres
supérieurs africains en formation à Paris. Reçues au Foyer rural d'Arêches, elles
découvraient le territoire, passaient quelque temps dans des familles d'exploitants
agricoles. Les agricultrices beaufortaines montraient alors des choses ou
exprimaient des idées qu'elles n'auraient sans doute jamais osé communiquer à
d'autres françaises. Il y eut également ce comité d'entreprise parisien qui plaçait
chaque année 60 ou 70 enfants de travailleurs dans des familles rurales, avec une
formation préalable des accueillants et des animations collectives. En échange des
adultes du Beaufortain étaient reçus dans des familles parisiennes membres du CE,
pour une découverte de Paris.
On voit bien tout ce que peut apporter une telle pratique de l'accueil pour un pays
comme le Beaufortain: une réputation, une ouverture d'esprit, des échanges, un
enrichissement partagé de connaissances et d'expériences, un ensemencement du
terreau local pour la production d'idées et d'initiatives. L'accueil ici n'est pas une
modalité de la politique touristique, c'est un axe fort de la stratégie d'animation tous
azimuts.
76
Le réseau des bibliothèques Ŕ au début, il y eut la bibliothèque du collège, que
celui-ci modernisa, développa et ouvrit à la population, en coopération avec l'AAB,
grâce à une subvention du Fonds d'Intervention Culturelle (FIC) en 1978, puis à un
soutien annuel du SIVOM. C'est ainsi que naquit la bibliothèque publique cantonale,
qui resta installée dans les locaux du collège. De nombreux bénévoles ayant reçu
une formation spécifique l'animaient et la faisaient sortir des murs, en direction des
écoles ou des personnes âgées. L'intérêt pour la lecture se développant, des
manifestations sont organisées, notamment avec les parents d'élèves.
77
Du Foyer rural d'Arêches à l'AAB de la Activités 2004 de l'AAB-Centre social
première génération et à l'AAB-Centre social Information-communication
d'aujourd'hui, et aussi aux 90 associations du - Ensemble
- Lettre d'informations
territoire, du bénévolat généralisé qui perdure - Accueil
Petite enfance – Enfance - Jeunesse
à la professionnalisation de nombreuses - Relais parents - assistantes
fonctions, accueil, dynamisation, lecture, maternelles
- Halte garderie
tourisme, le développement est co-construit - Centre de loisirs
- Contrats jeunesse
par les gens et par des actions qu'ils mènent
Culture
en grande partie eux-mêmes. - Théâtre
- Arts
Remarquons toutefois que le label "centre - Musique
- Animation familles
social", s'il a permis de faire de l'AAB le - Informatique, peinture sur bois,
etc.
support de nouveaux services et d'établir un
Vie associative
partenariat avec la CAF, a également - Services aux associations
- Groupe Solidarité
entraîné une institutionnalisation et une
Emploi et formation professionnelle
professionnalisation qui risquent d'affaiblir - Espace emploi-formation
L'animation a toujours été l'objet de réflexions sur la méthode que l'on retrouve dans
les éditoriaux et les dossiers d'Ensemble, réflexions mises sur la place publique. Il y
a eu des échecs, par exemple la campagne entreprise conjointement par le SIVOM
et l'AAB pour la création d'un secteur audio-visuel et le câblage du territoire.
D'autres animations, très réussies et utiles ont fini par disparaître avec la génération
qui leur avait donné naissance, comme le club nautique. On a vu que la
bibliothèque, au contraire, avait généré tout un réseau, en conséquence de son
succès.
Et il ne faut pas que l'AAB, avec son caractère global et son activité multiforme, avec
ses moyens en personnel et en outils (comme Ensemble) cache d'autres acteurs
collectifs, comme l'ADMR17, la mission locale jeunes ou les groupes locaux actifs
dans telle ou telle commune.
17
Association d'aide à domicile en milieu rural, en faveur des personnes âgées
78
Enfin, insistons sur le rôle joué par la relation étroite et fondatrice entre le
Beaufortain, Hubert Favre et l'AAB d'une part, Savoie Vivante, Yves Paris et
l'ensemble des structures de l'éducation populaire en Savoie et au plan national
d'autre part. Les voyages d'études en France et à l'étranger organisés par le Foyer
rural, puis par l'AAB et enfin par Savoie Vivante ont d'abord profité aux élus et aux
militants associatifs du Beaufortain: non seulement ce furent des occasions de
formation, mais c'étaient aussi des actions de véritable animation par tout ce que
ces expériences provoquaient de réflexions et de créativité parmi leurs participants.
On n'imagine pas ce que des participants à de tels voyages d'études peuvent se
dire et projeter en commun pendant des trajets en car, à l'aller et surtout au retour,
lorsque les cerveaux sont pleins d'observations, de réflexions, d'idées.
Les animateurs du Beaufortain ont trouvé en outre dans ces relations extérieures un
accès à des compétences, à des savoir-faire, à des opportunités qui ont été
systématiquement mis à profit et investis dans le développement local et aussi dans
le perfectionnement des techniques d'animation.
79
FICHE PRATIQUE
L'animation est un vaste domaine, qu'il est parfois difficile d'aborder sans préalables
idéologiques, si vous n'êtes pas vous-mêmes dans le milieu. Nous vous conseillons
de rechercher l'assistance d'un ou deux praticiens locaux, connaissant bien le tissu,
qui vous aideront à détecter les structures et surtout les personnes derrière ces
structures.
Ne pas donner une définition trop étroite de l'animation, essayer de discerner tout
ce qui contribue à l'animation ou pourrait y contribuer.
Adopter une attitude à la fois critique (pour les actions et les performances
passées) et prospective (pour ce qui peut être attendu dans l'avenir).
80
activement ces contacts, ce qui amènera à les informer d'éventuelles intentions ou
projets de développement.
- personnes-ressources
81
LA CULTURE
On pourra s'étonner de voir placer la culture à cette place dans l'étude du processus
de développement à l'œuvre en Beaufortain. C'est que, sur notre territoire, la culture
n'est pas, comme souvent ailleurs, "la cerise sur le gâteau", ce que l'on prend en
compte quand tous les grands problèmes ont été abordés, et en premier lieu
l'économie.
82
- les cultures rurales montagnardes, autochtones, liées au sol, au paysage, au
climat, aux activités agricoles, forestières, villageoises, d'hiver et d'été -
croyances, adaptation au milieu, veillées, traditions, savoir-faire, patrimoine
matériel et immatériel…
- une culture de plus en plus urbanisée, amenée par le changement des modes de
vie et par les influences de l'extérieur, des visiteurs, des nouveaux habitants, des
mariages mixtes et des médias - télévision, pratiques des jeunes, mobilité,
vacances, ouverture au monde et aux autres cultures, individualisme…
83
en effet éviter de donner dans le passéisme, ce que la satisfaction du goût des
touristes et la nostalgie des anciens pouvaient soutenir, sans pour autant sacrifier de
vraies valeurs propres au territoire et à son identité. Il fallait aussi ouvrir la porte aux
nouvelles formes de pratiques culturelles, sinon on risquait de pousser les plus
jeunes à aller chercher ailleurs l'ouverture dont ils éprouvaient le besoin. Il fallait
enfin faire entrer le Beaufortain et sa population dans l'âge artistique et culturel
ouvert par la création du Ministère de la Culture en 1959 et la politique menée au
plan national, puis régional, de promotion d'une haute culture portée par de grands
professionnels et de grandes institutions, que le Beaufortain ne pouvait pas rêver
d'implanter durablement sur son territoire.
Le fait que les trois principaux leaders du Beaufortain, pendant cette période, ainsi
d'ailleurs que la plupart des acteurs des divers secteurs d'activité (politique,
agriculture, tourisme, associations), étaient eux-mêmes fortement ancrés dans les
cultures locales, tout en étant aussi fortement convaincus de la nécessité de changer
et d'enrichir le Beaufortain par l'entrée de nouvelles valeurs et de nouvelles formes
d'expression, a beaucoup facilité ce passage.
Mais auparavant, il faut dire un mot des rythmes de la vie en Beaufortain, qui
conditionnent fortement les comportements sociaux et culturels des habitants comme
des visiteurs. A cause du tourisme, il y a évidemment l'été et l'hiver qui sont les
saisons "utiles" d'accueil, d'opportunité d'emploi. Les autres saisons, automne et
printemps sont celles de l'activité communautaire, de la vie associative, de la
disponibilité plus grande des habitants. Dans la journée, les rythmes ont changé: les
exigences du ramassage du lait, les programmes de télévision, la réduction du temps
de travail des non-agriculteurs et donc l'accroissement du temps de loisir
transforment le calendrier et l'horaire des individus comme des activités collectives:
les réunions de soirée, veillées ou rencontres associatives, ne peuvent plus se tenir
84
après 20 heures, en raison des "obligations télévisuelles". Les veillées ont disparu il y
a déjà longtemps, tandis que les réunions associatives se passent maintenant plutôt
vers 18 heures18.
On notera une difficulté qui se présente ailleurs: entre les pratiques individuelles
(télévision, jeux informatiques), l'offre considérable de loisirs actifs collectifs et les
formations en cours ou en ateliers, les enfants et les jeunes sont très peu disponibles
et ont tendance à "papillonner" d'une activité à l'autre. C'est une contrainte pour les
parents qui, pour transporter ou accompagner leurs enfants à toutes ces activités,
sont moins disponibles pour leurs propres loisirs, pour leur propre formation ou pour
la participation à des activités associatives. Il faut aussi tenir compte des obligations
professionnelles des agriculteurs, qui ont peu de choses en commun avec la "culture
des 35 heures"…
Même si le Beaufortain ne bénéficie pas du riche patrimoine que vantent ailleurs les
guides et les opérateurs touristiques, c'est bien par le patrimoine qu'il faut
commencer.
18
Pour Hubert Favre, c'est d'ailleurs un avantage: ces réunions durent moins longtemps pour
une efficacité au moins aussi grande…
85
Le refus de grandes stations de ski au Un échec: le PNR
sens de la Tarentaise ou de la Maurienne A la fin des années 60, le Beaufortain
a souhaité bénéficier lui aussi d'un
voisines, le respect des espaces parc naturel régional. Le projet fut
finalement abandonné en 1970. Au
forestiers, l'éducation au respect de la
niveau national, on y était favorable,
flore et de la faune, le maintien à tout prix même avec un territoire limité aux
quatre communes du Beaufortain?
des trois étages de la vie traditionnelle Mais la commune d'Hauteluce, qui y
voyait un obstacle pour son projet de
des producteurs de lait et de fromage ont station du Joly, n'a pas donné son
accord.
été les grands axes de cette politique de
On peut cependant constater que la
la nature et de l'espace. Malgré les logique PNR (protection et développe-
ment) est restée appliquée avec
évolutions des modes de vie et de succès. Il reste que, pour Hubert Favre
qui en a toujours été partisan, avec le
production, malgré les flux touristiques, PNR cela eut été plus facile ! Il le
ces objectifs ont été respectés. regrette encore aujourd'hui.
19
Opération programmée d'amélioration de l'habitat
86
l'exemple en réhabilitant progressivement, avec l'architecte conseil, tous les
bâtiments publics.
Cette action systématique et continue pendant vingt-cinq ans n'a pas empêché
quelques erreurs, mais les succès sont plus nombreux. On comptera parmi eux
le sauvetage des écoles de hameaux après leur fermeture, d'abord en gîtes
d'étape, puis en logements, la renaissance de certains écarts ou hameaux plus
ou moins abandonnés (voir plus loin l'histoire du hameau des Villes), le contrôle
remarquable des constructions de la station des Saisies.
Le patrimoine a aussi connu des apports nouveaux: un exemple très réussi est la
chapelle des Saisies, d'une architecture contemporaine exceptionnelle, résultat
de la coopération entre des paroissiens et un architecte.
Un recueil de la mémoire des gens a été fait par des équipes de l'université de
Grenoble (Prof. Viard), des entretiens ont été menés avec Hubert Favre pour
RCF et Télé8 Mont Blanc, un inventaire sonore a même reçu un prix national, une
série documentaire vidéo "Savoie Mémoire Vivante" a été réalisée par Olivier
Pasquet.
87
A titre personnel, Hubert Favre a constitué au fil des années des archives
considérables sur le Beaufortain, qui sont en cours de classement20 et seront
ensuite numérisées avec l'aide des Archives départementales, donc du Conseil
général de la Savoie. Elles comprennent des documents écrits, sonores,
photographiques, audio-visuels. Elles ont été léguées à la communauté de
communes qui les a acceptées le 13 mai 2005, pour être mises à la disposition
des habitants comme des chercheurs.
D'ores et déjà d'autres acteurs locaux ont promis d'en faire autant avec leurs
propres fonds d'archives. Cela devrait donner naissance à un "centre des
archives de la mémoire et du patrimoine" qui regrouperait également des archives
anciennes des communes et celles de la communauté de communes.
Il y a là une leçon qui pourrait inspirer bien des animateurs locaux, y compris en
milieu urbain: la mémoire récente est rarement conservée et encore plus
rarement disponible. On ne mesure pas assez l'importance, pour la fierté et la
confiance en soi des habitants d'un territoire, que revêt la conscience de la valeur
de leur patrimoine, même et peut-être surtout immatériel. Cela à la condition
évidemment de ne pas faire du territoire un conservatoire fermé et stérilisant.
20
Cela représente six mois de travail pour un archiviste professionnel. Un repérage sommaire
mentionne entre autres environ 350 cassettes audio, une centaine de cassettes VHS, une centaine de
mémoires d'étudiants et stagiaires, 2700 diapositives et de très nombreux négatifs, une vingtaine de
classeurs de coupures de presse, etc.
88
- des pratiques associatives et solidaires, qui ne se sont pas limitées à AAB ou
à la coopérative, mais ont irrigué les hameaux (rôle de l'animateur vacher, de
l'auto-école) et ont été systématiquement mises en œuvre toutes les fois qu'il y
avait un problème à régler ou un projet à monter.
Et tout cela sur le fond de la crise des années 60, suite à la fermeture des chantiers
et aux changements traumatisants dans les modes de vie agricoles. Si l'on parle de
culture ici, c'est bien parce qu'il a fallu, de la part des Beaufortains, accepter de
participer eux-mêmes à la création des conditions de la modernisation de leur
territoire et de leur cadre de vie.
89
pluriactivité. De même les formes les plus traditionnelles d'activités artistiques (les
fêtes et l'artisanat) sont parmi les éléments les plus attractifs pour le tourisme d'été.
Le Foyer rural d'Arêches dans les années 60, puis l'AAB à partir des années 70 ont
joué un rôle essentiel dans le maintien, l'apparition et l'expansion de toutes ces
pratiques. Le Foyer rural, par exemple, s'est attaché, dès les années 60, à la
promotion de l'artisanat, traditionnel et artistique, par la formation/perfectionnement,
le contrôle de qualité et d'authenticité, la promotion et la commercialisation. Il a
même suscité la création d'un groupement de producteurs. Plus tard, L'AAB a
constamment aidé à la création d'ateliers, de groupes et d'associations thématiques
correspondant aux goûts et demandes de la population.
Un effort tout particulier a été fait en Beaufortain pour l'éducation et les pratiques
musicales: un conservatoire cantonal (section du conservatoire d'Albertville), un
orchestre qui se produit chaque trimestre dans un village différent, une musicienne
intervenante dans les écoles rémunérée par la communauté de communes, un
soutien aux groupes de jeunes pratiquant les musiques "actuelles".
90
des Pays eurent lieu en Beaufortain en 1986 et devinrent itinérantes à travers la
France. En 1990, elles devinrent les Olympiades de la Vidéo, avec la participation
d'une trentaine de pays.
La scène nationale du Dôme à Albertville (18 km) offre des spectacles toute l'année
aux habitants qui peuvent et veulent se déplacer. Elle décentralise également des
manifestations dans le Beaufortain, où un équipement récent existe dans la station
des Saisies. Il n'y a cependant dans le Beaufortain, y compris aux Saisies, que des
salles "polyvalentes", avec les contraintes et les limites de ce type de locaux.
Le cinéma est présent pendant la saison hivernale à Arêches et dans la salle des
Saisies (gestion privée) pour une clientèle surtout touristique. Le reste de l'année,
une diffusion locale est assurée par l'AAB qui a mis jusqu'en 1990 à disposition le
matériel de projection.
91
qui lui appartient, tout en signalant son rattachement à la vie culturelle extérieure.
Ainsi, depuis 2003, l'association "Patrimoine Beaufortain" organise les "Rencontres
Culturelles en Beaufortain", pour tous publics.
Les loisirs Ŕ Dans le domaine des loisirs (non artistiques) proprement dits, les
activités physiques dominent, liées à la montagne comme l'escalade ou la
randonnée, ou importées des pratiques urbaines comme la piscine, le tennis, le yoga
ou la gymnastique volontaire. Rappelons aussi l'importance internationale, mais
aussi pour la population locale, de la célèbre course annuelle de la Pierra Menta,
course de ski-alpinisme, première et référence du genre.
De tout ce qui précède, on peut tirer quelques conclusions sur la place et le rôle de la
culture, au sens large, dans les processus de développement en milieu rural isolé, ou
en montagne, c'est-à-dire lorsque l'influence directe de villes importantes et de
structures professionnelles spécialisées ne se fait pas sentir de façon continue. Rien
de ce qui doit réussir, donc durer, dans le développement ne peut se faire si cela ne
s'appuie pas sur la prise en compte des paramètres culturels locaux. D'autre part,
l'action culturelle est un facteur d'ouverture d'esprit et de regard sur l'extérieur pour la
population.
92
FICHE PRATIQUE
1. Faire une étude des pratiques culturelles sur le territoire, et de leurs agents
et acteurs
Il s'agit bien des pratiques, et non pas des seules consommations. De plus, il ne
faut pas porter de jugement de valeur sur ce qu'elles représentent pour vous.
Regarder tel programme de télévision est une pratique qui existe et dont il faudra
tenir compte dans la définition ultérieure des objectifs et des moyens de l'action,
Pas plus et pas moins. Le sport est pour beaucoup une pratique culturelle, même
si elle n'est pas reconnue comme telle par le Ministère de la culture.
L'étude doit mener à un inventaire aussi complet que possible, qui inclut les
pratiques privées et publiques, individuelles et collectives, les langages pratiqués,
le sport et les relations sociales.
Il est souhaitable que l'inventaire du patrimoine soit réalisé collectivement par des
habitants, à qui l'on demande de dire ce qu'ils considèrent comme leur
patrimoine. Il ne s'agit pas à ce stade de protection ou de recherche scientifique,
cela pourra venir plus tard, dans une autre phase. Chaque élément inventorié
21
Voir dans la même collection, Hugues de Varine, "Les Racines du Futur Ŕ Le patrimoine au
ème
service du développement local", 2 édition, 2005
93
devrait également faire l'objet d'une réflexion sur son avenir et son usage à court
et moyen terme: restauration, droit de propriété juridique et responsabilité morale,
nouvel usage, etc.
Le résultat peut être un fichier et un atlas. Ce peut être aussi des expositions par
secteurs territoriaux ou thèmes. Ce peut être enfin une "carte de village", ou du
hameau, sous la forme d'une grande affiche illustrée où seront portés tous les
éléments majeurs du patrimoine local choisis par les habitants eux-mêmes
comme significatifs et/ou représentatifs de leur passé, de leur présent et de leur
culture.
94
4. Etudier l'adéquation des moyens existants à ces besoins
95
LA COMMUNICATION
Information ou communication ?
Cela suppose, non seulement une volonté de la part des détenteurs des pouvoirs et
des moyens de la communication, mais aussi la reconnaissance de la valeur de
l'information, quel qu'en soit l'auteur ou le véhicule.
96
La nécessité de communiquer
Quels sont,, pour les principaux acteurs locaux, les objectifs de la communication,
au-delà du thème général du développement ?
- mobiliser Ŕ la démocratie est l'affaire de tous les citoyens, mais elle ne peut être
exercée que s'ils se sentent capables d'exercer une part du pouvoir, à leur
niveau. La participation est une entreprise de communication, de négociation, de
partage de savoirs (entre l'expertise technique, la légitimité politique et l'expertise
d'usage qui est le propre des citoyens ordinaires).
- obtenir des moyens Ŕ un territoire rural isolé, éloigné des centres de décision, est
normalement peu au courant des possibilités qui s'offrent à lui, à ses élus et à ses
habitants, pour obtenir subventions, soutiens, parrainages, autorisations. Les
différents niveaux, départemental, régional, national, européen, regorgent de
mesures, de règlements qui ne sont distribués qu'au compte-gouttes et à
intervalles irréguliers. La communication peut rendre cette information externe
disponible à tout moment, si les mécanismes locaux sont bien conçus.
- créer l'image du Beaufortain Ŕ aux yeux de ses habitants, pour les valoriser, les
rendre fiers et mieux à même de se présenter aux gens de l'extérieur. On ne
"vend" bien que ce à quoi l'on croit. Pour cela il faut disposer d'une masse
97
d'informations et la capacité de les diffuser et de les expliquer, y compris
lorsqu'elles sont apparemment défavorables.
En somme, la communication est le sang qui circule à travers les canaux virtuels,
écrits, et oraux du territoire pour fournir à la communauté un matériau à utiliser pour
le processus de développement.
Les contenus
Ils couvrent toute la gamme des informations qui sont nécessaires à la vie politique,
économique et sociale du territoire. En particulier:
- les nouvelles des hameaux, des villages, des mairies, des projets divers en cours
ou en préparation, plutôt en direction des habitants et des expatriés, pour
maintenir et développer le sentiment d'appartenance à un territoire et à une
communauté.
- une contribution directe à la formation permanente des habitants, sur des sujets
liés à la vie quotidienne et aux comportements. On peut faire passer ainsi des
messages sur la collecte des déchets, sur l'énergie, sur la pollution, etc.
98
- la recherche d'opportunités, qui implique une ouverture à l'information, surtout
extérieure et une interactivité dynamique.
Les différents outils et médias utilisés font évidemment des choix, mais le secret du
Beaufortain réside dans la multiplication et la diversité des moyens de la
communication: grâce à cette diversité, et aux réseaux des principaux responsables
dans leurs secteurs respectifs, on peut dire que bien peu de choses échappent à
l'habitant moyen, pour peu qu'il fasse l'effort de regarder, de lire et d'écouter. A lui de
réagir à son tour et soit de poser des questions, soit d'exploiter à son profit les
données reçues, soit encore d'alimenter la communication de ses propres apports.
Les circuits
99
monde de l'agriculture, en a fait profiter le réseau local des structures coopératives et
associatives.
Entre les communautés, les groupes (associations par exemple) et les habitants, le
partage d'informations est parfois plus naturel et plus facile, même si là aussi des
individualismes ou des susceptibilités existent. Il y faut des médiateurs, des crieurs
ou des écrivains publics, capables de recueillir et de formuler les non-dits.
La communication avec les visiteurs et les nouveaux habitants est essentielle pour
un bon équilibre entre les populations de différentes origines et entre les résidants
habituels et les saisonniers. Hubert Favre prétend qu'il obtient des résultats, grâce à
l'auto-stop entre Albertville et Beaufort, qui lui permet de nouer des contacts et
d'échanger des informations avec de parfaits inconnus qui peuvent devenir des
relais…
Tous ces circuits, comme on le verra, peuvent être formels, utilisant des médias
conventionnels et le faisant de manière aussi inventive et subtile que possible; ils
peuvent aussi être informels, reposant sur un usage constant des carnets
d'adresses, des relations amicales, de la lecture de la presse générale et spécialisée
et, une fois de plus, des opportunités qui se présentent de glaner de façon
impromptue des bribes de données qui, jointes à d'autres issues d'autres sources,
peuvent amener à modifier des points de vue ou à saisir des occasions.
100
Les outils
Ils sont innombrables en Beaufortain et il n'est pas sûr que l'on parvienne ici à en
donner une liste exhaustive.
Plus sophistiquée, mais moins interactive, était la diffusion de nouvelles et d'avis par
haut-parleur à Beaufort, le mercredi, jour de marché, et à la sortie de la messe du
dimanche. On peut ranger dans la même catégorie, en plus convivial, la pratique des
réunions publiques d'information et des journées à thème, toutes les fois qu'un sujet
d'intérêt général le mérite.
Les moyens d'information classiques (ce que l'on appelle les médias) sont
nombreux. On commencera par "Ensemble dans le Beaufortain", la revue
trimestrielle commune de l'AAB et des communes du canton, qui fera l'objet d'un
paragraphe spécial. La radio et la télévision ont été très souvent exploitées par le
101
Beaufortain, ses élus et ses associations, non seulement pour informer le reste du
monde de ce qui se passait en Beaufortain, mais pour donner aux habitants
permanents ou temporaires l'orgueil d'être à la une de l'actualité; FR3, Télé8 Mont
Blanc, Radio France, RCF22 ont été mises souvent à contribution. On citera par
exemple les émissions récentes de Télé8 Mont Blanc sur les hameaux de Beaufort:
3 ou 4 de ces hameaux sont traités chaque année, 20 au total jusqu'à maintenant.
Toutes ces émissions de qualité laissent des produits sonores ou audiovisuels qui
peuvent être ensuite réutilisés sur place ou pour la promotion à l'extérieur et qui font
partie ensuite de la mémoire et du patrimoine du Beaufortain.
Des moyens "pédagogiques" existent aussi, de temps à autre: des expositions sur la
communication, sur l'aménagement de la montagne, sur Maxime Viallet, sur le
Beaufort, etc. L'écomusée d'Hauteluce a produit une exposition sur les problèmes
des villages et des hameaux. Toutes ces expositions sont l'occasion de placer des
thèmes importants devant les yeux à la fois des habitants et de leurs visiteurs.
Des structures spécialisées dans la promotion et l'accueil des visiteurs ont été
créées, avec les offices de tourisme (Arêches, puis Beaufort, Les Saisies) et la
Maison du Beaufortain, sans parler de la salle de la coopérative laitière, équipée
pour la visite et l'information. On a déjà vu qu'un certain temps avait existé une
Maison de l'Artisanat.
De façon plus intime et réservée à des privilégiés, les voyages d'études, déjà cités à
l'occasion de la formation, ont joué un rôle dans la communication interne et externe.
22
Le réseau des radios chrétiennes francophones
102
Tous ceux qui y ont participé savent que des échanges passionnants ont lieu à l'aller
comme au retour, qui sont déterminants pour les décisions prises ensuite.
Le cas "Ensemble"
103
Au début, il y avait des petits journaux scolaires: "Les Murmures de la Forêt" à
l'Ecole du Bersand, "Les Nains de la Montagne" à celle de Boudin, issus des
méthodes de la pédagogie Freinet. Puis Denise et Hubert Favre eurent l'idée de
lancer un bulletin pour l'ensemble du territoire.
- un éditorial qui donne la ligne politique, rédigé par l'un ou l'autre des membres de
l'AAB ou par un élu,
- des rubriques d'informations locales qui vont de l'état civil aux "brèves"
historiques sur tel ou tel hameau,
- les comptes-rendus des réunions des conseils municipaux et des conseils des
structures intercommunales, le SIVOM du Beaufortain, le SIVOM des Saisies, la
communauté de communes, même si celle-ci possède maintenant son propre
bulletin.
Techniquement, la revue, réalisée au début par la famille Favre sur une machine à
alcool, s'est modernisée au cours du temps: l'AAB s'est dotée en 1980 de moyens
104
autonomes d'impression sur offset; depuis 1992, la revue a été confiée à un
imprimeur professionnel. Avec un tirage d'environ 1000 exemplaires, 800 abonnés
en 2003 (610 en 1983) permettent au journal de couvrir presque toutes les familles
du canton et un bon nombre d'originaires expatriés. Il est aussi un moyen de
communiquer régulièrement avec les partenaires institutionnels et les soutiens
extérieurs du Beaufortain.
105
FICHE PRATIQUE
Il est possible, pour éviter les jugements flous, de résumer les opinions par des notes
de 1 (défavorable) à 5 (très favorable). Bien entendu, tout doit rester absolument
anonyme et confidentiel.
106
2. Liste des moyens de communication locaux, ascendants et descendants
Etablir une fiche par moyen, tous supports confondus, y compris les plus informels.
Les critères peuvent être les suivants:
- dénomination, adresses
- publics cibles
- appréciation critique
La fiche pourra ensuite être mise à jour périodiquement, afin de repérer les
changements, en positif ou en négatif.
Etablir une liste précise (noms et toutes adresses) des personnes (physiques)
connues pour s'intéresser au territoire ou à certains de ses aspects dans des médias
extérieurs.
Ajouter devant chaque nom une appréciation de son intérêt et des sujets qui le
motivent plus spécialement.
107
4. Analyse critique de l'information telle qu'elle est pratiquée actuellement
Cette analyse peut être réalisée au sein d'un groupe de travail représentatif des
différents secteurs d'activité du territoire, de manière à obtenir des jugements et des
avis de personnes ayant des points de vue différents. Ces mêmes personnes
peuvent contribuer au press book, selon les médias dont elles ont l'usage.
108
LA FORMATION
- conserver les habitants sur le territoire, c'est-à-dire garder les jeunes (rôle du
collège en particulier et d'une offre de formation professionnalisante, en particulier
109
dans l'agriculture et les métiers connexes) et permettre aux adultes de progresser
professionnellement et socialement sans quitter le Beaufortain ou en y revenant.
- former les acteurs, quelque soit leur statut (élus, responsables d'associations ou
d'organismes agricoles, salariés ou non), pour qu'ils puissent remplir leurs tâches
sans nécessairement se reposer sur des intervenants extérieurs. On a déjà
mentionné l'effort fait pour amener les femmes, surtout celles des hameaux, à
prendre part à la vie sociale et culturelle, en leur donnant accès au permis de
conduire, à la prise de parole, à la conduite de réunion.
23
Association pour la formation des ruraux aux activités du tourisme. Cette structure a été
fondée en 1965 dans le Vercors par Jean Faure, sénateur Maire d'Autrans; Hubert Favre en était un
des membres actifs. Son but initial était de mener aux activités de tourisme une population de
110
On remarquera la volonté forte et bien affirmée de professionnalisation. Ici
l'éducation populaire et la formation en général ne sont pas un simple plus pour
l'esprit ou les temps libres (ce l'est aussi, mais pas prioritairement). Il s'agit
d'atteindre un niveau de qualité personnelle, de compétence technique, de
productivité sociale, qui a permis à la population du Beaufortain de prendre toute sa
responsabilité, individuellement et collectivement, dans le processus de
développement. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n'a été ni le but, ni le
résultat de la formation que de créer une "classe de notables" dans le Beaufortain:
elle a été suffisamment ouverte à tous, répétée dans le temps et multiple pour que le
grand nombre de bénéficiaires exclue la notion de privilégiés.
On retrouve ici, sous une forme différente et avec une expression locale, la notion de
"conscientisation" introduite et pratiquée par Paulo Freire24, c'est-à-dire le fait
d'éduquer/former pour faire de chaque citoyen, individuellement et en groupe, un
sujet et un acteur conscient de son présent et de son avenir.
Mais il faut aussi répondre à des besoins particuliers, soit exprimés par certaines
catégories d'acteurs (les adhérents de la coopérative, par exemple), soit découlant
de projets portés par les responsables Ŕ élus, associatifs ou économiques Ŕ du
montagne habituée à la pluriactivité (l'industrie à Ugine, les chantiers des barrages). Mais elle ne se
limite pas au domaine du tourisme.
24
Voir Paulo Freire, "L'éducation, Pratique de la Liberté", réédition en facsimilé, Asdic Editions,
1996.
111
développement (l'auto-école pour les femmes, par exemple). C'est ainsi que l'on peut
citer, parmi les publics cibles les plus notables dans l'histoire du Beaufortain:
- les élus, pour les amener à une capacité de prévision, de décision et de maîtrise
de leurs responsabilités, dans le cadre de la décentralisation et de
l'intercommunalité.
- les femmes, pour en faire des actrices du développement, à parité avec les
hommes, en renforçant leur mobilité, leur confiance en elles, leur compréhension
du contexte local et des mécanismes du développement.
- les jeunes, pour les ancrer dans la réalité locale et leur permettre d'évoluer sur
place tout en les ouvrant sur l'extérieur et sur de nouvelles pratiques, et aussi
pour les préparer à la prise de responsabilités dans l'avenir.
- les (futurs) pluriactifs, pour optimiser l'occupation des actifs en les adaptant à la
demande saisonnière de main d'œuvre existant dans la région.
Comme on le verra plus loin, cette approche de la formation n'est pas une analyse a
posteriori de ce qui a été fait, mais ce fut une politique délibérée, fondée sur une
analyse des besoins et sur une écoute permanente de leur évolution.
112
Quelle formation ?
L'éducation initiale, c'était d'abord l'école primaire, une quarantaine dans les
hameaux au plus près des enfants et de leurs parents, puis les seules cinq écoles de
vallée demeurant après la fermeture de celles des hameaux25, permettant une
meilleure homogénéité culturelle et sociale par le mixage des enfants et des parents;
puis le rôle du collège pour la promotion sociale, culturelle et intellectuelle des
jeunes, mais aussi par les services para-éducatifs rendus à la population
(bibliothèque, espace informatique, atelier audio-visuel, laboratoire de langues).
Notons aussi l'école de musique qui ouvre tout un monde artistique aux enfants
comme aux adultes. Née avant la démocratisation de l'enseignement et la scolarité
obligatoire jusqu'à 16 ans, l'école ménagère, fermée en 1986, a complété la
formation des jeunes filles à l'exercice de responsabilités dans le milieu agricole.
La formation au développement : dans le cadre du Contrat Station Vallée, des réunions ont
eu lieu dans tous les hameaux du Beaufortain présentant les projets touristiques du
113
Beaufortain, les possibilités de formation et recueillant les projets des participants. Une
commission formation formée d'élus, d'administrateurs de l'AAB, de professionnels a été
créée. Parmi les activités générées, on note:
- des bourses de formation attribuées aux personnes qui ont effectué des stages à
l'extérieur
- l'apprentissage de l'anglais (200 personnes dont 100 sont partis en séjours linguistiques).
25
réalisée progressivement entre 1964 et 1985
114
organisés pour un total de 23000 heures et
665 personnes différentes.
Cet effort de formation sur projet a été poursuivi dans les années suivantes, mais de
manière moins massive, à l'initiative de l'AAB.
Une autre modalité, très utilisée, a été ce que l'on pourrait appeler une "auto-
formation assistée". Elle a pris plusieurs formes:
- les séances de débat sur des problèmes ou sur des projets d'actualité (le plan
d'occupation des sols, par exemple), destinées aux élus, qui ont intérêt à y
assister s'ils veulent occuper leur place dans les réunions techniques. Ces
séances bénéficient de l'intervention de techniciens et de représentants des
services de l'Etat, qui jouent le rôle de formateurs.
- les voyages d'études, organisés par l'AAB ou par Savoie Vivante, au cours
desquels des groupes d'élus, d'animateurs et d'habitants vont observer sur place
des réalisations remarquables. Citons les voyages en Ardèche pour apprendre le
fonctionnement des OPAH26 dès le début de cette formule d'aide à la rénovation
de l'habitat rural ou en Tyrol pour étudier le tourisme diffus en montagne. D'autres
ont eu lieu en Isère (la filière bois), en Val d'Aoste (artisanat) et dans les
Dolomites (tourisme), à Vandancourt (démocratie locale) et en Val Louron dans
les Pyrénées (aménagement de la montagne), etc. Ces voyages ont un effet
puissant sur la réflexion du groupe, avant, pendant et après la visite de terrain.
Une partie des initiatives de développement du Beaufortain y trouvent leur
origine. Le Dr. Avocat dit à ce sujet que les erreurs ou les échecs d'un site sont
aussi utiles à analyser que ses succès, afin de perfectionner la méthode au profit
du Beaufortain.
26
Opération Programmée d'Amélioration de l'Habitat.
115
- les journées d'études et les colloques, ouverts à tous, mais surtout destinés aux
responsables de secteurs d'activités, élus et autres acteurs locaux, et la
présentation d'études ou de mémoires de recherche par leurs auteurs sont autant
d'occasions de formation et d'ouverture sur l'extérieur, grâce à la confrontation
avec des experts ou des chercheurs de diverses spécialités et disciplines. On est
toujours là dans l'idée de constituer progressivement un réservoir de matière
grise propre au Beaufortain, avec l'aide de ses partenaires et de ses "complices"
à l'extérieur.
Une autre caractéristique du Beaufortain est la diversité des outils utilisés, et parfois
créés, pour produire la formation.
Pour les organismes maîtres d'œuvre de la formation, nous avons déjà vu le collège,
l'AFRAT, l'école ménagère, le Foyer Rural et naturellement l'AAB, en partenariat
avec Savoie-Vivante. On complètera cette liste en ajoutant les grandes associations
d'éducation populaire (comme la Fédération départementale des Œuvres Laïques),
des structures publiques ou semi-publiques telles que la Chambre d'Agriculture, le
GRETA27, la Maison de la Promotion Sociale de Chambéry, DELFRA (dont l'AAB a
été administrateur de 1987 à 1993), ADPS-MIF, etc. On devrait aussi inclure des
formations non-formelles, comme celle que peuvent proposer les syndicats agricoles
ou les mouvements d'action catholique en milieu rural28.
27
Groupement d'établissements, structure de formation continue de l'Education nationale
28
Notamment la Jeunesse Agricole Chrétienne (JAC), aujourd'hui le Mouvement Rural de la
Jeunesse Chrétienne (MRJC).
116
personnes qu'ils rencontraient dans la vie quotidienne. Des techniciens intervenant
sur le territoire ont été mis à contribution, comme les techniciens agricoles venus en
assistance aux exploitants ou à l'Union des Producteurs.
Des outils ont été créés spécifiquement pour répondre à des demandes ou à des
besoins. On citera plus particulièrement:
- les voyages collectifs, dans les années 70
Un exemple: le groupement de
et 80, 30 personnes dans un car, 4 jours de vulgarisation agricole féminine
déplacement en moyenne, financement De 1965 à 1985, le groupement, dirigé
par Elisabeth Viallet a organisé des
Conseil général, organisation Savoie voyages d'études d'une journée pour
une quarantaine de femmes, pour qui,
Vivante. Chaque voyage est préparé par au début, c'était l'unique sortie de
formation.
une visite sur place.
Visites en Savoie, ou dans les
- depuis 1978, l'AAB a mis en place un départements limitrophes de fermes,
élevages, habitat, fleurissement,
Espace Emploi-Formation, lieu ressources accueil, conservation alimentaire
(expérience des premiers congéla-
à la disposition des habitants pour tout ce teurs), des thèmes en rapport avec les
sujets débattus au cours des réunions
qui concerne notamment les opportunités mensuelles de l'année. D'où la mise en
place de commandes groupées de
de formation ou la réponse à des plants de fleurs, de poireaux, etc.
demandes précises. Une visite dans le Jura a permis
d'étudier le tourisme équestre et l'agro-
- les dossiers de Ensemble ont eux aussi un tourisme.
Planifier la formation
Cette politique de formation n'a pas été l'effet d'une émergence plus ou moins
pragmatique au fil des années, mais bien le résultat d'une volonté forte et d'une
planification rigoureuse réalisée dès 1978. On a vu plus haut le travail systématique
réalisé sur le terrain même par Janine Sochas, pour le compte de la DATAR
(financement FIDAR29). Dans ce cadre, une commission cantonale de la formation
avait été constituée, composée d'élus, de responsables associatifs et socio-
économiques, à raison de trois personnes par commune. Cette commission
29
Fonds d'Intervention, de développement et d'aménagement rural
117
élaborait le programme de formation, puis contrôlait le bon déroulement des
formations.
118
FICHE PRATIQUE
Formation continue
Formation civique
Formation spécialisée
Autre
119
Pour les supports possibles, c'est à vous de regarder, sur le territoire et dans un
environnement proche, si des structures et/ou des personnes-ressources seraient
susceptibles de prendre en charge la réponse à ces demandes, dans le cadre d'une
planification plus large (qui inclura les besoins).
Prise d'initiative
Création d'activités
Métiers de l'agriculture
Métiers du tourisme
Métiers sociaux
Métiers culturels
Vie associative
120
qualification, une professionnalisation ou une simple sensibilisation de certains
acteurs ou de certains publics.
Lister les structures qui offrent déjà des cours, des stages, des modules de
formation, tant sur place qu'à l'extérieur du territoire (mais, dans ce cas, seulement
celles qui correspondent aux besoins du territoire et qui sont accessibles à partir de
celui-ci).
Même dans le cas d'un exercice de simulation, il est utile de prévoir les modalités
d'une planification, en rassemblant une première fois l'ensemble des personnes
(représentant ou non des structures) personnellement et/ou professionnellement
intéressées par une éventuelle politique de formation, pour leur présenter les
résultats de l'analyse et de ses conséquences et aussi pour extraire de ce groupe les
membres d'une future commission permanente de la formation sur le territoire (ou
comité de pilotage), comprenant des élus Ŕ volontaires et si possible mandatés - et
aussi des membres de la société civile et des professionnels de la formation.
121
L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE
Pratiquement jamais, comme c'est trop souvent le cas ailleurs, on n'a préféré les
"coups" ponctuels, les projets "dans le vent", aux programmes à moyen ou long
terme. La chasse à l'opportunité, qui a déjà été souvent mentionnée n'était pas une
chasse au produit miracle ou à l'occasion médiatique. L'opportunité était saisie si elle
avait un sens dans une stratégie globale. De même, le Beaufortain s'est toujours
méfié des parachutages, qu'il s'agisse d'experts, de mesures financières, de projets
élaborés ailleurs. On a vu à quel point le Beaufortain avait pris au sérieux, sans le
dire d'ailleurs, la décentralisation et le principe de subsidiarité.
D'une manière générale, l'orientation donnée par la seule étude, très participative,
menée sur le développement du Beaufortain est restée valable pendant toute la
122
période. Il s'agit de l'étude de la SOGREAH, menée en 1964-1965 sur le seul
territoire de Beaufort-Arêches, mais qui avait de fait pris en compte l'ensemble du
canton. Elle a constitué le fil conducteur pour toute l'évolution ultérieure jusqu'à nos
jours.
Cette étude fut le résultat d'une première démarche collective de réponse à la crise
découlant de la fermeture du chantier de Roselend. Dès 1961, un groupe de
personnalités locales, dont faisait partie Maxime Viallet, se réunit pour jeter les bases
d'une étude d'ensemble des possibilités de développement économique de Beaufort-
Arêches. En 1963, un stage Jeunesse et Sports de connaissance du Beaufortain,
dirigé par Hubert Favre, à l'intention de jeunes français, démontra que les habitants
de la vallée ne connaissaient pas eux-mêmes leur territoire. Il en résulta un second
stage, destiné aux habitants.
- planifier un tourisme familial et diffus d'été et d'hiver, appuyé sur les ressources et
les initiatives locales, notamment pour l'hôtellerie et la main d'œuvre.
123
Une deuxième grande étape fut la création du Echecs
SIVOM en 1971, qui reprit ces orientations En 1972, le Dr. Avocat tenta de
transformer le SIVOM en district, qui
pour les étendre à l'ensemble du canton. Et aurait pu donner plus de moyens
naturellement, à partir des années 80, la financiers à l'intercommunalité. Mais
Beaufort a porté seul le projet et
décentralisation et plus tard le renforcement de d'ailleurs la formule du district fut
ensuite abandonnée au plan national.
l'intercommunalité avec la communauté de
Un an auparavant, un projet de Parc
communes donnèrent au Beaufortain les naturel régional avait également
échoué devant l'opposition de la
moyens d'une stratégie de développement à commune de Hauteluce. On voit
l'importance de tenir compte de
laquelle est associé le SIVOM des Saisies qui l'évolution lente des mentalités.
ne concerne que Hauteluce et Villard. Dans les années 90, un autre essai eut
pour but de faire adhérer le
Beaufortain au Parc Naturel Interna-
Soulignons ici une nouvelle fois les principes tional du Mont Blanc (Espace Mont
Blanc). Celui-ci n'a pas encore été
suivis pour assurer ce que l'on appelle institutionnalisé et les négociations
sont toujours en cours. En Beaufortain,
maintenant la "durabilité" du développement: on contate quelques retombées: la
restauration d'un chalet et le balisage
- travailler dans le long terme, selon un plan de chemins, l'édition de documents,
etc.
flexible
- mettre en place des structures et des outils qui restent, de préférence aux actions
qui passent
L'aménagement du territoire
124
- Des documents d'urbanisme et d'aménagement Ŕ Dans un territoire aussi
complexe, la maîtrise du foncier est la condition préalable de tout aménagement,
qu'il s'agisse de l'agriculture, de l'urbanisme ou du tourisme. Il était indispensable
de fixer des règles d'aménagement, mais aussi de les élaborer en concertation
avec les habitants, en tant que propriétaires et usagers. C'est pourquoi des efforts
ont été faits pour informer et expliquer, à travers des réunions de voisinage, des
expositions, des articles dans Ensemble. Le premier Plan d'occupation des sols
(POS) date de 1977 pour Beaufort et Hauteluce.
125
étaient déjà là, offrant des plans d'eau et des possibilités d'activités nautiques. Le
paysage méritait des parcours de découverte pour l'été (randonnée) comme pour
l'hiver (ski de fond). A partir de 1981, des itinéraires et des sentiers furent donc
créés et aménagés à partir de cheminements anciens, notamment par des
bénévoles et par une coopération entre les communes et l'AAB (stagiaires
financés par Jeunesse et Sports). Un contrat station-vallée finança les
topoguides. Plusieurs anciennes écoles de hameaux désaffectées furent
transformées en gîtes d'étape ouverts toute l'année (il en reste encore deux
actuellement).
familiales.
126
bénéficient d'une salle de spectacles moderne et d'une très belle et grande
chapelle.
127
Toute cette politique fut suivie depuis 1980 par l'architecte conseil du canton.
Soulignons ici qu'elle ne va pas de soi, surtout lorsque la pression touristique
s'en mêle. Le Dr Avocat le reconnaissait en 198430: "Il est plus difficile de
construire 500 lits en diffus que 5000 lits en une seule fois". Car il fallut que lui et
ses collègues luttent constamment pour préserver l'espace agricole, contre des
projets dangereux pour l'équilibre fragile de la vallée et de ses montagnes, tels
que les aménagements de ski ou la construction de logements.
- La question du foncier Ŕ Elle se pose avec une acuité croissante pour les
communes qui avaient déjà peu de terrain constructible en propre et se heurtent
pour des acquisitions à la hausse croissante du prix du m². De plus, les
exigences des habitants changent: les habitations neuves consomment plus
d'espace et le consomment différemment, les maisons étant construites au
centre de leurs terrains, et de préférence isolées. Le même manque de foncier
disponible s'oppose à la création de zones d'activités, d'autant plus qu'elles ne
peuvent être installées qu'en fond de vallée, déjà fort occupé.
30
Interview à La Vie nouvelle, hebdomadaire de Savoie, n° 85.
128
- La voirie Ŕ C'est évidemment une des préoccupations des collectivités, non
seulement à cause des besoins de la population et du relief de montagne, mais
en conséquence des caractéristiques du développement: les besoins des
chantiers et de l'exploitation des barrages d'abord, ceux du tourisme d'hiver
ensuite, avec la création ou l'extension des stations de ski. La "générosité" des
retombées de l'activité d'EDF, tout comme le "filon" des sports d'hiver trouvent là
leurs contreparties en obligations coûteuses.
On doit cependant reconnaître que les efforts faits pour relier les
intercommunalités entre elles n'ont pas toujours été couronnés de succès. Si la
coopération traditionnelle avec le Val d'Arly se maintient, la tentative de définir
une politique de développement concerté avec ce dernier et la Tarentaise n'a
jusqu'ici rien donné, malgré un schéma d'aménagement et de coopération qui
avait été esquissé à partir de 2001. Une nouvelle approche, impulsée par en
haut, est actuellement en cours, avec Arlysère.
129
- du collège et des regroupements scolaires par village
- du réseau des 4 barrages qui constituent une richesse de paysage, une base
potentielle d'activités de loisir et une source de revenus pour les collectivités
L'animation
- l'AAB devenu centre social cantonal, avec ses équipements pour les familles et la
petite enfance
130
- les salles polyvalentes
- la piscine
31
DUMI: Diplôme Universitaire de Musicien Intervenant. Les DUMIstes sont recrutés par les
communes (ici par la communauté de communes) et mis à la disposition des écoles pour l'initiation
des enfants à la musique.
131
L'accueil
32
Le relais a disparu, suite au désengagement de l'ANPE et des collectivités au moment de
l'embellie du marché du travail en 2000. Le permanent a alors été licencié et n'a pas été remplacé.
132
FICHE PRATIQUE
33
On peut utiliser pour ce diagnostic la méthode exposée dans l'ouvrage de Jacqueline
Lorthiois, Le diagnostic local de ressources, Asdic Editions, Lusigny-sur-Ouche, 3° édition, 2002
34
Traduction littérale de "Social Capital", un concept anglo-saxon de plus en plus utilisé dans
les stratégies de développement local.
133
On dressera en outre une liste des manques et des changements récents ou
prévisibles dont il faudra tenir compte.
Reporter sur un fond de carte comportant les lieux de peuplement et les voies de
circulation tous les aménagements et équipements existants, publics et privés.
Compléter ce travail par un fichier à mettre à jour périodiquementt et portant sur les
critères suivants:
- nom et coordonnées
- origine et objectifs
Par la suite, tout plan, programme, mesure ou action devra recevra ses propres
objectifs, en cohérence avec les objectifs à long terme.
C'est aussi par rapport à ces objectifs initiaux et à long terme que l'on pratiquera
l'évaluation des actions menées.
134
5. Reconnaître les circuits de décision
135
L'ORGANISATION
- le processus va de l'idée vers les gens car ce sont eux qui doivent la mettre en
œuvre: ainsi ils sont tellement impliqués qu'ils sont obligés de poursuivre, ils ne
peuvent pas abandonner.
136
- un changement endogène accompagné permet d'assurer la maîtrise du
changement exogène: une transformation de l'agriculture de l'intérieur de la
profession aide les habitants à supporter et à contrôler les problèmes du marché
des produits (ici le lait et le fromage) et les flux du tourisme.
La coopération inter-acteurs
Sur un territoire, dont nous avons vu la complexité, les acteurs sont nombreux et la
première tâche du responsable est de parvenir, dans la durée, à passer de
l'individualisme ou de l'esprit de clocher à la coopération. C'est valable dans les trois
domaines-clés:
- rassembler les collectivités dans une intercommunalité forte, qui multiplie les
atouts en réduisant les coûts et en garantissant les cohérences. On a vu à de
nombreuses reprises que cela n'avait pas été facile, ni évident en Beaufortain. Il a
fallu des années pour que Arêches accepte l'union avec Beaufort tout en retenant
une identité claire. Hauteluce manifeste de son côté une forte personnalité
communautaire et la station des Saisies n'est pas directement gérée par la
communauté de communes. Cependant, pour de nombreux domaines,
agriculture, artisanat, industrie, équipements collectifs, le Beaufortain parle d'une
seule voix et il y est parvenu en plusieurs étapes.
- les exploitants agricoles sont depuis longtemps unis dans plusieurs organisations
unitaires au niveau du canton (coopérative, union des producteurs, SICA d'alpage
et SICA de la vallée, abattoir, GIDA, etc.).
- l'AAB, maintenant centre social, a conquis en trente ans un rôle fédérateur pour la
vie associative de la vallée et pour nombre de services culturels et sociaux. Partie
d'un foyer rural local (à Arêches), elle s'est étendue à tout le territoire et à de très
nombreux domaines d'activités. Elle s'est également pérennisée,
professionnalisée, sans perdre pour autant le bénévolat qui la fait vivre au plus
près de la population.
137
- un symbole a été créé (la Maison du Beaufortain), un outil de communication
fonctionne pour tous (Ensemble).
Tout cela n'a jamais mis en danger le maintien des spécificités de tel hameau, de
telle commune, de telle paroisse, tout comme le contrôle communal de la gestion du
tourisme d'hiver, aux Saisies comme à Arêches.
Il reste que, de l'avis même des responsables, l'esprit de clocher reste vivace et tend
à ralentir l'action. En voulant aller trop vite, deux initiatives ont été rejetées au nom
de l'autonomie communale: le projet de parc naturel régional en 1970, celui d'un
district (plus contraignant que le SIVOM) en 1972. Il fallut attendre les lois sur
l'intercommunalité pour aboutir à la communauté de communes actuelle.
Un projet collectif a été tenté récemment, sous le titre "Vers un projet de territoire
Beaufortain-Tarentaise-Val d'Arly – 2020". Malgré l'enthousiasme des participants,
trop hétérogènes, dont l'histoire et la pratique du développement étaient trop
différentes, il n'y a pas eu encore de suites.
138
Terminons par un rapide schéma récapitulatif de l'évolution des collectivités du
territoire depuis 45 ans, pour ce qui concerne les dynamiques de développement:
- capter les dotations de l'Etat dont le montant à tendance à baisser pour les
communes au profit des intercommunalités.
139
Chaque commune a élu parmi ses conseillers municipaux un certain nombre de
délégués titulaires et autant de suppléants. Les titulaires forment désormais le Conseil
Communautaire. Au total, on compte 14 délégués répartis en fonction de la population
de chaque commune, soit à l'heure actuelle :
Beaufort 5
Hauteluce 3
Queige 3
Villard-sur-Doron 3
140
Transports scolaires.
Pour son financement, Confluences peut compter sur les recettes suivantes :
- les impôts locaux sur une partie des 4 taxes, qui comprennent notamment la taxe
professionnelle payée par EDF (la taxe professionnelle unique n'a pas été retenue)
- la facturation de l'assainissement
- la dotation de l'Etat
35
Hubert Favre, Animation socio-économique et culturelle en région de montagne, Arêches
Beaufort, 1969, 48 pages, dactylographié.
141
marque l'utilisation d'une expérience, d'un savoir faire et d'une recherche pour définir
les principes et les modalités d'une politique d'animation dans un cadre de
développement global. On peut prendre aussi le cas de la pluriactivité et des sports
d'hiver: les compétences naturelles des habitants en matière de connaissance du
territoire et de pratique du ski ont pu être mises à contribution pour préparer et mettre
en œuvre des stratégies, des programmes et des actions tout à fait professionnels, à
partir de ce qui était disponible sur le terrain.
D'ailleurs, Hubert Favre comme Maxime et Elisabeth Viallet ont donné beaucoup
d'eux-mêmes pour la formation dans leurs secteurs respectifs. La concertation et
l'appel à la participation de tous aux décisions comme à leur mise en œuvre
permettent de tester, de valoriser et d'exploiter des compétences nouvellement
acquises, pour le profit de tous.
142
Enfin, il y a l'appel à des spécialistes extérieurs, techniciens du service public,
fédérations d'éducation populaire ou bureaux d'études. On prendra trois exemples:
143
Planifier
Ce qui est caractéristique des orientations adoptées dès 1965 et ensuite fidèlement
suivies, c'est la diversité des axes de travail et l'équilibre que l'on a toujours cherché
à faire respecter entre eux. Naturellement l'équilibre essentiel a été maintenu entre
l'utilisation agricole du territoire, de ses ressources, de la main d'œuvre et des
capitaux disponibles d'une part, l'utilisation touristique de ce même territoire, de ses
ressources et de sa main d'œuvre, tant l'été que l'hiver, d'autre part. Pour le premier
secteur, l'élevage, le lait et le fromage ont constitué le cœur du dispositif, tandis que
la forêt, la viande, l'entretien du paysage et les modes de vie (les remues, l'habitat)
complétaient celui-ci dans une logique socio-économique à dimension humaine.
Pour le tourisme, les choix "tyroliens" d'une fréquentation durable, dépassant les
simples "sports d'hiver", d'une diversité de clientèles de classes moyennes, d'une
urbanisation maîtrisée, d'une pluriactivité professionnalisée ont également permis
d'éviter les dérives des grandes stations hivernales tout en respectant des niveaux
de rentabilité suffisants. Cependant, là où l'Autriche réussissait à développer l'activité
touristique sur les quatre saisons, le Beaufortain n'a pas pu dépasser l'alternance
été-hiver.
144
Il est équitable de rappeler, pour relativiser le mérite de ces décisions, que les
collectivités du Beaufortain sont relativement riches des taxes versées par EDF, qui
les mettent à l'abri des variations budgétaires à court terme. Cependant, ces mêmes
collectivités se sont obligées à ne pas consentir de dépenses somptuaires ou
d'investissements à fonds perdus. Les dépenses nouvelles, on l'a vu dans le chapitre
sur l'aménagement, ont été systématiquement consacrées au renforcement des
objectifs principaux.
L'artisanat créatif, à vocation touristique, a connu des hauts et des bas. Les stages
d'artisanat n'ont pas été poursuivis, la maison de l'artisanat créée à Boudin dans un
chalet privé n'a pas été poursuivie, la propriétaire ayant refusé de prolonger le bail.
On constate une réelle difficulté à passer d'une logique culturelle et créative,
forcément individualiste, à une démarche commerciale, nécessairement
coopérative. Toutefois, des activités ponctuelles se sont développées dans
différentes communes: "Les talents de Queige", "Expo à Villard", "Les petits
marchés à Beaufort", les marchés de Noël.
145
robotique sur la vallée n'ont pas abouti et n'ont amené que une ou deux très petites
entreprises et le télétravail n'a pas eu jusqu'ici le succès escompté.
Le hasard et l'opportunité
Revenons à la chasse à l'opportunité dont nous parlions dans l'introduction. Elle va,
apparemment, à l'encontre de l'organisation, e, ce qu'elle ne permet pas la prévision,
l'inscription dans des plans plus ou moins rigides. Et pourtant, à y regarder de plus
près, il est toujours possible d'identifier la chance qui passe avec tel ou tel objectif du
plan, ou avec telle ou telle démarche (formation, économie, animation, entre autres).
Quelques exemples ont déjà été donnés, en illustrations dans les chapitres
précédents. Mais il faut préciser et décortiquer un cas particulier, à la fois amusant et
complexe, qui décrit bien le mécanisme. On le trouvera à la page suivante.
celui-ci, dont il a déjà été parlé, est une triple opportunité saisie au vol: une
émission de radio sur France-Inter mettant l'accent sur la dureté du travail
146
d'agriculteur 365 jours sur 365, qui donne l'idée d'un remplaçant pour les
exploitants, une visite de vacances d'un fonctionnaire parisien responsable du
FONJEP36 qui apporte une subvention mais à la condition du recrutement sur
ce poste d'un animateur, la rencontre d'un objecteur de conscience d'origine
rurale voulant devenir animateur. Et le projet s'inscrit finalement dans la
convention de développement culturel…
36
Fonds de la Jeunesse et de l'Education Populaire, qui finance des postes d'animation.
147
s'établissent entre Hubert Favre et M.
Bugaud.
- quelques années plus tard, une Le lien personnel créé avec le comité
enquête est menée par Hubert Favre d'expansion est réanimé par une autre
sur la situation de l'emploi dans le initiative locale, l'enquête emploi.
Beaufortain, pour Ensemble.
- M. Bugaud apprend l'existence de
cette enquête et est intéressé.
- il contacte le Dr Avocat, maire et Un nouveau lien personnel s'établit entre le
conseiller général, pour lui proposer comité d'expansion et la collectivité locale, à
d'étudier l'implantation d'entreprises travers les deux responsables.
dans le Beaufortain. Le Dr Avocat
découvre que M. Bugaud avait
coordonné les parachutages en
Beaufortain pendant la Résistance…
- l'une des entreprises éventuellement
Coïncidence avec les idées d'ateliers ruraux
susceptibles de s'installer en pris en Maurienne.
Beaufortain est SKF. Elle pratiquait
l'installation de petits ateliers de 2 ou 3
ouvriers, chez les habitants.
- la mise en place se fait en 1980, avec La commune investit et accompagne.
6 emplois et des objectifs sur 10 ans.
Des aménagements sont faits par la
collectivité.
- un peu plus tard, le PDG de la filiale
française de SKF, TRANSROL, vient
visiter le site; les experts de la société
lui conseillent de le fermer.
- Ce PDG se trouve être le frère d'un Le rôle du hasard: le frère chirurgien du
PDG.
chirurgien, ancien camarade de fac du
Dr Avocat. Et il fait beau à Beaufort ce Le rôle du hasard: il se trouve que lors de sa
jour-là. La décision est prise de visite, il fait beau à Beaufort…
maintenir l'activité sur place.
148
loisirs. L'AAB a été à l'origine du projet qui est ensuite repris officiellement
par la commune (1988). Le succès a immédiatement suivi.
Il y a cinq ou six lustres, un parlementaire des Alpes de Haute Provence, Maire de Saint
Julien la Montagne, est venu se présenter au maire de Beaufort que j'étais à l'époque pour
l'informer que le SIDEVAR (Syndicat intercommunal pour le développement des vacances
rurales) devenait le nouveau propriétaire du bâtiment qu'EDF utilisait comme mess à
Roselend et qu'il était le président de cette structure intercommunale basée au Lavandou et
regroupant presque exclusivement des communes du Var. C'est ainsi que j'ai fait la
connaissance de Maurice Janetti, dont j'ai admiré le dynamisme et l'efficacité. Il est revenu
un peu plus tard pour solliciter de la commune de Beaufort la cession du terrain jouxtant ces
locaux et considéré comme indispensable à l'aménagement d'un terrain de pétanque
absolument nécessaire au bien-être des ressortissants du Midi méditerranéen. L'accord de la
commune a prouvé notre compréhension et notre bonne volonté à nos interlocuteurs qui sont
revenus nous proposer d'adhérer au SIDEVAR pour officialiser notre collaboration.
Cette idée a fait son chemin, car une co-propriété au bord de la mer n'était pas sans nous
séduire, puisqu'elle pouvait encourager notre population rurale à profiter de cette structure
pour faire des découvertes. Il restait aux montagnards prudents que nous étions à nous
rendre sur place pour vérifier le bien fondé de notre analyse, ce qui fut fait assez rapidement
par deux d'entre nous. La situation privilégiée du bâtiment, la valeur des essences d'arbres
constituant son parc, la possibilité d'une extension non négligeable vite exécutée, l'agrément
de la vue et la facilité d'accès à la mer ont eu un effet positif vis-à-vis de nos hésitations,
d'autant plus que nous apprenions que d'autres acquéreurs se présentaient pour édifier un
complexe touristique haut de gamme permettant une surenchère.
Pour célébrer notre accord, nous avons été reçus d'abord au Lavandou dont le maire de
l'époque, médecin comme moi, a été un animateur remarquable; puis, sur le chemin du
retour, à Saint Firmin en Valgaudemar, commune des Hautes Alpes presque aussi étrangère
que nous au Midi. Depuis lors, nombreuses sont les personnes et associations qui ont été
accueillies aux Pins Penchés, justifiant à notre orientation qui répondait à un souci de
banalisation des vacances pour toutes les couches de la société.
Si j'avais à m'interroger sur le bien fondé de cette initiative, il me suffirait de me rappeler la
carte qu'un couple d'agriculteurs nous avait un jour adressée pour nous remercier de les
avoir encouragés et aidés à prendre hors de leur horizon habituel les cinq ou six premiers
jours de congé de leur vie.
l'occasion de la fermeture des écoles de hameau a été saisie, dans cinq cas,
par l'AAB pour les transformer avec l'accord et l'appui de la commune et des
habitants en gîtes d'étape. Deux de ces gîtes sont encore en activité.
149
leur est donnée (psychologie, hygiène alimentaire, etc.), puis les dames
accueillantes ont fait de nombreux allers et retours à Paris pour aller chercher
les enfants et les ramener, découvrant ainsi la capitale. Résultats: pour les
accueillantes un revenu complémentaire, pour le Beaufortain de la notoriété,
pour les enfants la découverte de la montagne et de l'agriculture.
L'agriculture est toujours venue en premier dans les priorités du Beaufortain, comme
dans les esprits. Son histoire est faite de hauts et de bas, de mobilisation interne et
d'interventions externes, de relations avec la macro-économie (AOC, évolution des
prix du lait et du fromage) et d'attention à la micro-économie (le bien être et la
mobilisation des agriculteurs).
Voici un calendrier sommaire des principales étapes de l'organisation professionnelle
de la production du beaufort, établi par Maxime Viallet lui-même en 1993:
150
1925 A Bourg-Saint Maurice, école de formation des fromagers d'alpage.
1939 Création de la société coopérative d'affinage du beaufort de Haute Montagne
1960 Crise du système agro-pastoral. Fin de l'économie de subsistance
1963 Mouvement de rénovation et d'expansion du canton de Beaufort
1964 Participation de Beaufortains à des sessions de l'IFOCAP
1965 Nouvelle organisation des producteurs; création de l'Union des Producteurs de beaufort
1967 Commission communale de réorganisation foncière et de remembrement (Beaufort)
1968 Décret de protection du nom "beaufort" (AOC)
1970 Crise locale et commerciale
1971 Première visite d'experts de l'INRA à la coopérative laitière du Beaufortain
1972 Redressement de la coopérative laitière de Beaufort, locomotive de la zone d'AOC beaufort
1974 SICA du Beaufortain; première machine à traire mobile en montagne
1975 Création du Syndicat de défense du beaufort; accord DDA/SIVOM pour le projet SAR
1976 Décret de définition des règles de production; création de la commission de contrôle
1986 Décret sur les règles sanitaires; obligation des races Tarine et Abondance
1991 Signature avec la région du PIDA Beaufort et des contrats d'alpages
1993 Décret renforçant les règles de production
Explication des sigles IFOCAP, Institut de formation des cadres paysans ; INRA, Institut national de la recherche
agronomique ; PIDA, Plan d'intervention de déclenchement des avalanches ; SAR, Schéma d'aménagement
régional.
Tout cela n'a pas été sans difficultés. Si les conditions macroéconomiques étaient
hors de portée des agriculteurs de Beaufort et de leurs organisations, on notera le
travail réalisé pour surmonter les obstacles internes et pour maîtriser l'ensemble de
la filière du beaufort:
- les alpages sont tous des propriétés privées, seule la coopérative peut donc
assurer le maintien d'une logique collective, tout en respectant les droits des
propriétaires individuels
- l'abandon du fromage d'alpage n'allait pas de soi, il faisait partie de la culture des
gens. Il a fallu s'adapter au système du ramassage.
- l'évolution des cours du lait est restée constamment une préoccupation majeure,
car d'eux dépend le niveau de vie des agriculteurs. Ils sont fonction à la fois de la
production (1% de surproduction entraîne 10% de chute des prix) et des
37
Il reste la question du transport, très coûteux en personnel, en véhicules et en temps, en
raison de la configuration du terrain et des pistes de liaison.
151
règlements de la politique agricole commune (PAC) qui fixent les primes et les
plafonds de prix.
Le soutien des collectivités s'est fait sentir par des aides à toutes les actions
collectives (à l'exclusion d'aides individuelles, ce qui est un autre moyen de soutenir
la coopération) et par des programmes d'aménagement du territoire visant à faciliter
le travail des agriculteurs (routes et pistes par exemple).
Toutes ensemble, ces organismes, dont on parle sans doute moins que la
coopérative, fleuron médiatique du canton, ont eu et ont encore un rôle dynamisant
et structurent le monde rural, selon une variété d'approches qui permettent de
répondre aux différents enjeux de l'agriculture moderne.
152
On pourrait y ajouter le Foyer rural et maintenant, d'une certaine manière, l'AAB pour
leur accompagnement des agriculteurs et des agricultrices dans leur vie sociale et
culturelle.
- le tourisme d'hiver: les stations, contrôlées par les communes, avec un suivi du
syndicat d'initiatives cantonal, ont été mises en place progressivement: Les
Saisies (1966, 80 km de pistes de ski alpin, 80 km de pistes de ski de fond),
Arêches-Beaufort (1967, 50 km de pistes de ski alpin, un snowpark, 38 km de
pistes de ski de fond), Hauteluce-Val Joly-Les Contamines-Montjoie (1992, 120
km de pistes de ski alpin). La participation des Saisies aux JO de 1992 a permis
de placer le Beaufortain sur la carte des vacances d'hiver, mais sans altérer le
caractère volontairement familial et l'échelle humaine de ces sites, d'ailleurs
favorisé par la géographie, les pistes étant naturellement courtes. Le grand projet
de station du Joly a été finalement abandonné, au profit d'un simple ensemble de
remontées mécaniques.
- le tourisme d'été, qui consiste à développer Une initiative locale: le sentier des
Pointières
largement plusieurs facteurs indispensables: "une boucle sculptée dans le flanc de
un hébergement diversifié (hôtellerie, gîtes, la montagne par des artisans du
temps qui passe…"
maisons familiales, camping), une motivation Il s'agit d'un sentier culturel et
écologique de découverte du
et une formation à l'accueil sous toutes ses
territoire du hameau des Pointières,
formes, une promotion en direction de publics conçu par Henri Molliex et réalisé
avec les habitants de ce hameau.
cibles (familles, comités d'entreprises et Ceux-ci expliquent leur vie
quotidienne, hier et aujourd'hui, et
services sociaux des villes), une promotion font visiter ce qu'ils estiment
important dans leur voisinage: un four
(label station verte de vacances), des clubs à pain, un bois d'épicéas, une
grange, une collection d'outils
sportifs dynamiques et des activités de grand
agricoles, les restes d'une agriculture
air pour tous âges représentant une offre de montagne, maintenant désertifiée
et envahie par la forêt.
attractive.
153
- les structures officielles, relevant des collectivités locales: SIVOM des
Saisies, Maison du Beaufortain, office de tourisme cantonal et celui des
Saisies, piscine,
Une part importante des efforts d'organisation des acteurs du Beaufortain a été
consacrée à l'établissement de plusieurs réseaux de partenaires:
154
des aides et mesures diverses, de droit commun ou exceptionnelles. Il faut les
connaître (encore une affaire d'opportunité et de veille à l'information), les
négocier, les obtenir et, le cas échéant, les "tordre" pour les adapter aux
conditions locales. C'est ainsi que le règlement de la première OPAH a été
modifié pour permettre de financer des bâtiments à usage agricole, chalets
d'alpage et granges ou étables.
On a pu aussi mobiliser des partenaires et des moyens différents sur les mêmes
actions, afin de compenser annualité et réductions budgétaires: les voyages
d'études ont été ainsi co-financés tantôt par Savoie Vivante, tantôt par le Conseil
Général, tantôt par Jeunesse et Sports.
Tous les fonds d'investissement ou d'intervention publics ont été utilisés, surtout
pendant la période 1970-1980, pour construire les différents volets du programme
de développement du Beaufortain: FIC, FONJEP, FIDAR, PAP1639, dont certains
sigles ne disent peut-être plus rien aujourd'hui, ont été les bailleurs de fonds des
initiatives et des innovations les plus productives du Beaufortain.
Evaluer
38
Association nationale pour le développement local et les pays, devenue depuis l'UNADEL
39 ème
Programme d'action prioritaire du 7 Plan
155
FICHE PRATIQUE
Il ne s'agit pas de faire une étude, un inventaire ou un ficher, mais de réfléchir, autant
que possible en collectif, à la manière dont les choses se passent sur le territoire
entre les différents acteurs, institutionnels ou non, en analysant des actions
conjointes précises, par exemple selon le tableau suivant à remplir pour chaque
action choisie:
Nom de l'action
Concertation
Décision
Mise en oeuvre
Evaluation
N.B. Ce tableau est évidemment à modifier et compléter selon le contexte local
Indiquer dans chaque colonne le rôle théorique et réel et l'appréciation critique que
l'on peut faire des relations de l'acteur avec un ou plusieurs autres acteurs en
fonction de l'étape considérée. Par exemple, une commune peut entreprendre une
156
concertation très avancée avec des associations mais se réserver l'exclusivité de la
décision, alors qu'elle demandera une coopération à l'une ou l'autre des associations
au moment de la mise en œuvre. Il sera facile ensuite d'en tirer des enseignements
et d'extrapoler au fonctionnement global de l'organisation locale.
Quelles sont les mesures publiques qui ont été appliquées sur le territoire, ou sur des
territoires voisins, dans les trois à cinq années précédentes ? Qui les a montées ?
Ont-elles atteint leurs buts ?
Il est utile de dresser pour soi une sorte d'annuaire des personnes (et éventuellement
des organismes) qui ont des compétences dans des domaines très variés, même
s'ils ne sont pas liés à des programmes de développement.
Inclure les personnes, extérieures au territoire, qui ont la réputation de bien connaître
celui-ci et pourraient donc être consultés un jour ou l'autre. Il peut s'agit de très
grands personnages (conseillers d'Etat, universitaires, etc.), habitant au loin, même
157
s'ils n'ont plus actuellement de liens étroits avec le territoire. Les résidents
secondaires peuvent être également précieux.
Faire l'inventaire des études réalisées depuis dix ans et analyser leur
validité, leurs résultats, leurs lacunes
Souvent une simple liste des études faites au sujet d'un territoire compte des
dizaines et des dizaines de titres. Il faut compter les mémoires et thèses, les rapports
de stages, qui souvent ne sont même pas déposés sur le territoire, mais qui
contiennent des informations et des points de vues intéressants.
On peut aussi, mais c'est plus compliqué et pas toujours populaire, tenter d'indiquer
en marge de la liste les décisions qui ont été prises et mises en œuvre sur les
recommandations de ces études.
Cela permet en tout cas d'éviter de recommencer des études sur des sujets déjà
largement et récemment abordés.
158
Mise en prospective : le Beaufortain, quel avenir ?
Ce chapitre a été rédigé à la suite d'une réunion de travail organisée par Brigitte Joguet
et composée des personnes suivantes:
Edith Blanc-Mappaz, 39 ans, hôtesse d'accueil, 4 enfants
Franck Bon-Mardion, 31 ans, agriculteur, conducteur de chenillette en hiver
Frédéric Frison, 35 ans, artisan, 2 enfants
Brigitte Joguet, 47 ans, hôtesse de caisse en hiver, 3 enfants
Christelle Nantermoz, 40 ans, monitrice de ski, 1 enfant
Tous ces acteurs de la vie quotidienne en Beaufortain ont discuté volontairement et
librement des problèmes, des risques et des chances du territoire dans les années à
. venir, pour eux et pour leurs enfants.
Nous avons conservé leur rédaction, pour ne pas risquer de défigurer leur pensée.
L’intercommunalité, incontournable
159
Agriculture - le grignotage du terrain agricole est préjudiciable, les agriculteurs ont
besoin des meilleures terres, comment les préserver ? Avant tout aménagement
(touristique ou autre), il est important qu’il y ait une réflexion globale pour prendre en
compte le multi - usage du territoire concerné (ex : utilisation d’un alpage pour le ski,
faire auparavant le diagnostic de ses besoins en tant qu’alpage, protéger certaines
sources et ensuite calquer dessus les aménagements touristiques).
Une crainte qu’un jour nous n’ayons plus les moyens d’habiter le Beaufortain est
omniprésente. Reste-il encore des Chamoniards à Chamonix ? Les terrains
abandonnés par les agriculteurs (friches), les espaces à déboiser sont peut-être à
chercher ? Ne pourrait-on pas créer des hameaux du 3ème millénaire où pourraient
s’exprimer les nouveaux modes de vie ? Mais le coût des terrains doit rester
accessible aux Beaufortains. La création de logements locatifs (OPAC) ne
correspond pas toujours aux besoins des habitants qui aspirent à construire leur
maison
160
L’agriculture
Nous sommes dans une période intermédiaire, où peu à peu les petites exploitations
disparaissent au profit de l’agrandissement de nouvelles exploitations plus
modernes. Aujourd’hui, pour s’installer, un jeune a besoin d’un quota laitier de
100.000 l, 25 vaches laitières, suffisamment de surface pour répondre à l’exigence
d’autonomie fourragère de l’AOC Beaufort et parfois d’exercer une activité
saisonnière. Il doit aussi se préparer à travailler seul ou en G.A.E.C40. sans l’aide de
la famille.
Terres convoitées
40
Groupement agricole d'exploitation en commun
161
Construction d’étables modernes
Quelques sièges d’exploitation par village autour desquels seront travaillées les
terres, le vieux bâti agricole ne sera plus utilisé mais transformé. (Patrimoine :
essayer de conserver une vieille étable avec ses crèches, une grange …)
Cette petite polyculture est à maintenir pour la consommation familiale et les loisirs
(à Beaufort, on a détruit de nombreux jardins) ; les vergers sont appelés à
disparaître, les arbres sont vieux et envahis par le gui, peu d’habitants récoltent
encore les fruits pour le cidre, c’est peut-être dommage ?
La forêt
Un regard plutôt pessimiste sur la forêt : elle parait vieille, malade (présence de
nombreux chablis). Elle est trop difficile à exploiter et les coupes se vendent mal car
162
le marché est très concurrentiel. On constate une évolution de la demande pour des
bois de qualité sans défaut. Toutes les scieries du Jura vendent du bois raboté alors
qu’à Beaufort il faut le retransformer. Il manque une structure de séchage et de
rabotage
Même si une grande partie de nos commerces et services (poste) est liée à l’activité
touristique, le maintien d’une ouverture toute l’année est à encourager. Les petits
commerces sont la vie d’un village, et celui-ci ne s’arrête pas de vivre en période
creuse.
163
Un marché mature, le vieillissement de la population font que pour conquérir le client
devenu ROI (dont les attentes ont évolué : il skie de moins en moins, ne souhaite
plus savonner les pistes mais découvrir des sites ou bien avoir des sensations de
glisse, ou encore il a envie de "buller" ou de faire du shopping) et qui est dans une
logique de compte (revenu peu extensible), les investissements devront être très
réfléchis.
Domaine skiable
Parc immobilier
La tendance de chaque station est d’augmenter son parc immobilier pour rentabiliser
les remontées mécaniques mais il faut penser à rénover le parc immobilier ancien
pour répondre aux attentes des vacanciers (plus d’espace, plus de décoration).
La rénovation de tous les locaux d’accueil est à continuer car ils sont la vitrine du
Beaufortain.
164
Promotion
Une image de "pas cher" est à éviter car elle peut nous amener une clientèle toujours
à l’affût des bons coups et des promos. Par contre développer un "éco-tourisme"
deviendra très tendance avec le réchauffement climatique : le Beaufortain a su
préserver son patrimoine naturel, il faut insister sur la qualité de l’environnement et
l’enneigement exceptionnel de nos stations.
Elle semble une nécessité pour les activités artisanales soumises aux conditions
météo, pour soutenir un revenu (par exemple dans l’agriculture). Mais s’orienter vers
les métiers du ski nécessite aujourd’hui plus d’investissement et de réflexion :
formation coûteuse, difficile (polyvalence dans toutes les disciplines, bonne formation
générale) et il n’est pas certain que l’on puisse trouver un emploi localement (par
exemple à l’Ecole du Ski Français). Dans tous les cas la pluriactivité exigera du
professionnalisme.
La vie sociale
Dans les foyers, il n’y a plus la même cohésion familiale d’autrefois, chacun a son
emploi du temps, ses hobbies. Il n’y a plus de partage des tâches manuelles (comme
auparavant l’aide à la ferme), aujourd’hui les jeunes sont demandeurs d’occupations
et de loisirs.
Les aînés
165
Les nouveaux arrivants
Le bénévolat
Continuer les formations autour de l’éducation des jeunes avec continuité et suivi
166
Conclusion
167
FICHE TECHNIQUE
A chacun sa conclusion
Le lecteur peut procéder de même et tenter une mise en perspective de tout ce qu'il
a découvert et formulé auparavant en fonction d'une vision critique de l'avenir. Le
regard sur le passé n'a de sens et d'intérêt que par rapport à ce que sera l'évolution
du territoire et de sa population. Le temps n'est plus, pour nous, de procéder à des
généralisations macro-économiques et macro-sociales, qui sont des domaines
spéculatifs sur lesquels nous n'avons aucune prise. Il faut au contraire,
modestement, regarder le devenir du territoire et de ses habitants à l'horizon le plus
lointain possible.
quel est l'avenir des activités qui constituent actuellement la base de la vie
culturelle, sociale et économique du territoire ?
168
la nécessité, les risques, les avantages d'une modification de la configuration
territoriale (intercommunalité plus homogène, extension de celle-ci ou
changement de statut (de communauté de pays à pays par exemple) ?
quels sont les problèmes prioritaires qu'il faudra résoudre, ou continuer de poser
dans la longue durée: socialisation du foncier, gestion de l'immobilier, formation,
relations avec les territoires voisins ?
etc. etc.
169
BIBLIOGRAPHIE
ET RENSEIGNEMENTS PRATIQUES SUR LE BEAUFORTAIN
Ouvrages et articles
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Abbé Garin : « Le Beaufortain, une belle vallée de Savoie », guide historique et touristique illustré 1939,
épuisé. Nouvelle édition préfacée et présentée par Hélène Viallet, La Fontaine de Siloé 1996.
Roger Frison Roche : « Les montagnards de la nuit » 1968, le Versant du Soleil, Flammarion 1981.
Andrée Bordes Vibert-Guigue : « La vie rurale à Saint-Maxime de Beaufort dans la deuxième partie
du XVllle siècle », mémoire de maîtrise 1973, épuisé.
Association d'Animation du Beaufortain : « Ensemble dans le Beaufortain n°100 » 1987, épuisé.
A. Palluel Guillard et Pierre Dumas : « Le Beaufortain, histoire en Savoie » 1989.
Jean-Marie Jeudy : « Le Beaufortain » 1991, La Fontaine de Siloé, épuisé.
Patrimoine DRAC, Monnet et Pabois : « Le Beaufortain, images du patrimoine » 1991, épuisé.
Alexis Vibert-Guigue : « Quand on écoutait le soleil », La Fontaine de Siloé 1991.
P. Mazure et R. Frison-Roche : « A u temps des alpages », La Fontaine de Siloé 1992.
Hélène Viallet: « L e s alpages et la vie d'une communauté montagnarde : Beaufort, du Moyen-
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Jacques Plassiard : «Autour de Pierra-Menta », l'Edelweiss 1995.
C. et G. Maistre : « Marchands joailliers du Beaufortain » 1996.
François Rieu : « Arêches-Beaufort 1947-1997 », La Fontaine de Siloé 1997.
Pascal Meunier : « La saga des Saisies », La Fontaine de Siloé 1999.
M. Leroy et G. F. de Montleau : « Sur les chemins du baroque en Beaufortain », La Fontaine de Siloé
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170
Sites web
Filmographie
"Au pays du beaufort", 35mm, 19 minutes, Production Kanari Films / Coopérative Laitière du
Beaufortain
171