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Thèse de Maîtrise
Corinne Guindon
Sous la co-direction de
Orner Chouinard, Ph.D.
et Louis Favreau, Ph.D.
v
1*1 Library and Archives
Canada
Published Héritage
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1*1
Canada
COMPOSITION DU JURY
i
REMERCIEMENTS
Je dédie cette thèse de maîtrise à toutes les femmes du Burkina Faso, sans qui cette
recherche aurait été possible. Leur humanité, leur amour pour leur famille et leur
communauté et leur persévérance demeureront une source d'inspiration importante pour
moi.
Ceci étant dit, j'aimerais d'abord remercier les membres de l'AME à Koumbili, l'AME à
Siéna, l'Association Di San Daani, la Fédération provinciale de productrices de beurre de
karité et le Groupement féminin Konkudoè pour leur bel accueil et pour leur volonté de
partager leurs expériences de vie avec nous. Sur ce, un gros merci à nos deux interprètes,
Aouya Yogo et Achille Yélémou, qui se sont assis avec nous afin de capter et de saisir le
sens de ces expériences candides.
Merci infiniment à Orner Chouinard, mon directeur de thèse, pour avoir guidé cette
recherche en me partageant son expertise et en facilitant mes contacts à Moncton et au
Burkina Faso. Je le remercie aussi pour son support, sa patience et sa confiance en mes
capacités.
Merci aussi à mon co-directeur, Louis Favreau, pour son expertise et ses conseils. Ses
connaissances m'ont été des plus fondamentales.
Sur ce, j'aimerais dire un merci bien spécial à Yacouba Ouedraogo, gestionnaire du
projet GEBC, et à Bienvenue Marie-Claire Ouedraogo, ancienne étudiante au CEPAPE et
chère amie, de m'avoir accompagné sans réserve dans les villages. Ils ont rendu mes
déplacements des plus plaisants et mes expériences des plus mémorables. Je remercie
aussi Daouda Oura de nous avoir accueilli à bras ouverts dans sa maison à Siéna.
M
J'aimerais remercier M. Zibaré, directeur de l'école de Koumbili, pour son hospitalité.
Merci aussi à Amidou Garané, professeur à l'Université de Ouagadougou et gestionnaire
du projet GEBC, ainsi qu'à tous les fonctionnaires qui ont pris le temps de nous
rencontrer et de nous partager leurs connaissances et leur expertise dans le domaine
associatif féminin au Burkina Faso.
Un gros merci à la famille Koné de m'avoir accueilli dans leur maison pendant deux mois
et d'avoir facilité mon ajustement dans un nouvel environnement.
Finalement, j'aimerais remercier du fond de mon coeur ma petite famille - mes parents
Bertrand et Nicole, ma grande sœur Sophie et mon partenaire Chris - d'avoir persévéré
avec moi. Leur appui, sous toutes ses formes, leur encouragement et leur amour ont été
indispensables au succès de cette thèse.
m
RÉSUMÉ
Notre recherche repose sur cinq études de cas : 1) l'Association des mères
éducatrices (AME) à Koumbili ; 2) l'Association des mères éducatrices (AME) à Siéna ;
3) l'Association Di San Daani à Koumbili ; 4) la Fédération provinciale des productrices
de beurre de karité à Pô et ; 5) le Groupement féminin Konkudoè à Toma. La collecte de
données s'est effectuée lors de rencontres collectives et individuelles avec les membres
de ces associations de femmes et avec d'autres informateurs-clés du ministère de la
Promotion de la femme (MPF), du ministère de l'Environnement et du cadre de vie
(MECV), du Centre international pour l'éducation des filles et des femmes en Afrique de
l'Union africaine (UA/CIEFFA) et de la Direction pour la promotion de l'éducation des
femmes et des filles (DPEF).
Nos données révèlent que les associations de femmes au Burkina Faso sont
confrontées à des défis organisationnels et institutionnels, ainsi qu'à des enjeux
socioculturels importants. La présence de ces Associations dans les villes et les villages
ciblés révèle une féminisation de la pauvreté qui s'avère le produit d'une division
sexuelle du travail, d'une non-reconnaissance des responsabilités domestiques féminines
et d'une inégalité des chances liée à l'éducation, à l'emploi, au salaire et aux droits
fonciers. Tous ces enjeux entraînent une précarisation des modes de vie des populations
qui incitent les associations de femmes à lutter pour leur survie en menant des activités
environnementales, sociales et économiques.
Les cinq Associations de femmes étudiées sont porteuses d'une vision intégrée et
collective de l'action. Elles s'engagent dans des activités de production et de
commercialisation qui répondent aux besoins immédiats et futurs des populations. Leurs
iv
initiatives uniques d'entraide et de partage telles les jardins communautaires et les
cantines scolaires reposent sur un intérêt socioécologique marqué qui contribue à
l'amélioration de la sécurité alimentaire et de la santé. C'est par le biais de ces initiatives
d'intérêt social qui reposent sur la transmission de valeurs nouvelles, la collaboration et
dans certains cas sur la sensibilisation, l'éducation et l'alphabétisation, que les
Associations de femmes s'engagent dans un processus de mise en valeur de la femme et
dans la promotion du DD à Koumbili, Siéna, Pô et Toma. La Fédération provinciale des
productrices de beurre de karité sert de cas exemplaire pour démontrer l'influence que
peuvent avoir les associations de femmes sur le développement local, l'épanouissement
des collectivités et la promotion du DD.
v
TABLE DES MATIÈRES
COMPOSITION DU JURY i
REMERCIEMENTS ii
RÉSUMÉ iv
CHAPITRE II 18
Problématique 18
CHAPITRE III 23
Cadre théorique 23
vi
3.1.2 Le développement local 27
CHAPITRE IV 36
Méthodologie 36
vii
4.4.2 Dimension socioculturelle 45
CHAPITRE V 48
Résultats et analyse 48
5.1.1 Contextes 48
5.1.1.1 Koumbili 48
5.1.1.2 Siéna 53
5.1.2.1 Historique 56
5.1.2.2 Fonctionnement 57
5.2.1 Contextes 68
5.2.1.1 Pô 68
5.2.1.2 Toma 70
viii
5.2.2.1 Historique 72
5.2.2.2 Fonctionnement 73
CHAPITRE VI 89
Conclusion 102
RÉFÉRENCES 105
ix
ANNEXE 6. TABLEAU DE SYNTHÈSE DE L'AME À SIÉNA 131
x
LISTE DES CARTES
Carte 1. Carte administrative du Burkina Faso situant les pays voisins, la capitale
Ouagadougou et les villes et villages étudiés 2
Carte 2. Zones climatiques du Burkina Faso (1961-1990) 3
Carte 3. Migration des isohyetes, ou tendances pluviométriques (1931-2000) 4
XI
LISTE DES SIGLES
AG Assemblée générale
BM Banque mondiale
DD Développement durable
XII
DGRCEF Direction générale du renforcement des capacités et de l'expertise
féminine
GV Groupement villageois
XIII
MECV Ministère de l'Environnement et du Cadre de vie
OM Objectifs du millénaire
XIV
CHAPITRE PREMIER
Contexte de la recherche
Le Burkina Faso, pays sahélien connu sous le nom de Haute-Volta avant d'avoir
obtenu son indépendance de la France en 1960, se situe en Afrique de l'Ouest. Il est
d'une superficie de 274 000 km2 avec une population de 14 252 012 millions d'habitants
en 2008 (Institut national de la statistique et de la démographie (INSD), Indicateurs
récents, 2010). La population étant de 7 964 705 habitants en 1985, cette dernière a
presque doublé en 23 ans (Air Combat Information Group (ACIG) Journal,
http://www.acig.org/artman/publish/article_460.shtml, site consulté le 22 février 2011).
Enclavé par le Mali, le Niger, le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte-dTvoire (voir Carte
1), le Burkina Faso ne dispose pas de cours d'eau et de voie maritime. Le port maritime
le plus proche à Cotonou, capitale économique du Bénin, se situe à 900 km de
Ouagadougou, capitale du Burkina Faso (Zagré, 1994). Le pays est néanmoins pourvu
des trois rivières Volta suivantes : Nankambé, Mouhoun et Nazinon (Lemay, 2004).
1
Carte 1. Carte administrative du Burkina Faso situant les pays voisins, la capitale
Ouagadougou et les villes et villages étudiés.
Source Nations Online Project, http.//www nationsonline org/oneworld/map/burkma_faso_map htm, site
consulté le 28 mai 2010)
Le Burkina Faso connaît deux saisons : la saison sèche et la saison des pluies. La saison
sèche constitue la saison la plus longue. Elle débute au mois d'octobre et se termine au
mois d'avril. L'Harmattan, un vent du Sahara, caractérise la saison sèche. Pour sa part, la
saison des pluies est précédée d'un vent qui souffle vers le Nord-Ouest dès le mois de
mars. La saison des pluies, qui est de 3 mois en moyenne, débute officiellement au mois
de mai et se termine au mois de septembre (Zagré, 1994). Le Burkina Faso est également
constitué de trois zones climatiques distinctes : la zone sahélienne, la zone soudano-
sahélienne et la zone soudanienne (voir Carte 2). Ces zones climatiques dénotent la
dépendance et la vulnérabilité croissante des populations face aux enjeux de
pluviométrie, de désertification, d'érosion des sols et de déforestation (Lemay, 2004). Le
pays est « enserré entre l'isoyète 300 millimètres au Nord et 1.300 au Sud » (Zagré, 1994,
p.26) (voir Carte 3). Pas surprenant que le phénomène rampant de désertification au
Burkina Faso, que l'on reconnaît parfois sous le nom de sahélisation ou sahansation,
occasionne une réduction de la fertilité des sols. Ceci pose d'importants enjeux pour la
2
production agricole et donc pour la disponibilité de certaines ressources naturelles telles
les céréales (Zagré, 1994).
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On retrouve cinq types de sols au Burkina Faso: les sols minéraux bruts au Nord,
les sols alluvionnaires à l'Ouest et au Sud-Ouest, les sols ferrugineux tropicaux, les sols
ferrallitiques au Centre-Ouest et les sols bruns volcaniques fertiles. Environ la moitié des
surfaces du territoire national est composée de sols ferrugineux. Ces derniers sont
néanmoins propices à l'agriculture seulement à l'Ouest et au Nord-Ouest du pays (Zagré,
1994).
4
d'un accès équitable à l'éducation, à la santé et au financement sous forme de crédits,
entre autre. Aujourd'hui, l'économie du pays dépend largement d'un secteur agricole à
faible taux de productivité (Lemay, 2004 ; Villalon, 2010). Les activités agricoles
représentant la source principale de revenu des populations, on estime qu'environ 80 %
d'entre elles s'engage dans la production du mais, du mil, du riz et des arachides
(Ouattara et al., 2008 ; Bonzi-Coulibaly, 2010). La sylviculture et l'élevage d'ovins et de
bovins constituent également des secteurs clés de l'économie formelle et informelle.
L'économie informelle met certains services ainsi que l'artisanat, entre autres, à la
disposition des populations et ce, en dépit d'un manque d'accès généralisé aux
ressources. Ces trois secteurs de l'économie de subsistance burkinabé interpellent
particulièrement les femmes qui représentent 51,7 % de la population nationale
(Ministère de l'Environnement et du Cadre de vie (MECV), 2008).
5
techniques de production modernes. « Elle est à l'origine, entre autres, d'un
développement spectaculaire de la mécanisation sous la forme de « culture attelée »,
synonyme d'un accroissement de superficies emblavées » (Toe & Dulieu, 2007, p.20).
Les zones cotonnières se sont multipliées avec l'entente qui fut signée en 2004
entre le gouvernement burkinabé, la Société burkinabé des fibres textiles (SOFITEX) et la
société française Développement des agro-industries du Sud (DAGRIS). Cette entente
occasionna la création de deux nouvelles zones cotonnières dans les provinces de la
Tapoa et du Gourma situées à l'Est du Burkina Faso. À Gourma, les flux migratoires ne
cessent d'augmenter depuis l'implantation de l'industrie en 20041. Cela pose
d'importants problèmes au niveau de la préservation des réserves fauniques et floristiques
dans la région (Toe & Dulieu, 2007). Les producteurs de coton collaborent avec les
sociétés de production de textile et les banques et forment des groupements de
producteurs de coton (GPC). Ces groupements, qui possèdent d'ailleurs leurs propres
unions provinciales et départementales, agissent comme relais entre les banques et les
producteurs de coton eux-mêmes. Ils sont donc l'ultime garant des intérêts des
producteurs et sont responsables de remplir certaines fonctions économiques telles
« l'approvisionnement en intrants, la gestion de crédits [...] de campagne (sous forme
d'intrants) et des crédits à moyen terme (équipement), car ce sont des structures qui
bénéficient des crédits octroyés par les banques, en fonction de leurs membres » (Toe &
Dulieu, 2007, p.29). Dans ce contexte, la notion de développement se définit comme
étant « un changement social à l'intérieur d'une collectivité, résultant de forces externes
et internes suivant un dessein ou un projet plus ou moins explicite » (Toe & Dulieu, 2007,
p.20). Or, compte tenu de la proximité des cultures de subsistance avec les cultures de
coton et de l'utilisation des pesticides, l'industrie cotonnière pose des défis sociaux et
environnementaux relatifs à la contamination des produits agricoles et à l'abandon des
cultures vivrières au profit des cultures de rente dont le coton.
6
1.1.3 Contexte socioculturel
Le Burkina Faso regroupe 60 ethnies dont les plus nombreuses sont les Peuls,
Mossis, les Bobos et les Lobi-Dagaris (Favreau et al, 2007). Cette diversité ethnique est
accompagnée d'une diversité linguistique qui, malgré sa richesse sur le plan culturel,
pose certains défis aux populations rurales qui ne maîtrisent que la langue locale. En
dépit de la présence d'une soixantaine de langues, dont le dioula, le fulfulde et le moré, le
français demeure la langue officielle du pays (Lemay, 2004, p.52).
2
L'IDH comprend trois indices de développement socioéconomiques : le niveau d'éducation, l'espérance
de vie et le revenu (Fall et al, 2004).
7
Unies pour le Développement (PNUD),
http://hdrstats.undp.org/en/countries/country_fact_sheets/cty_fs_BFA.html, site consulté
le 9 juillet 2010). L'éducation est jusqu'à ce jour l'une de ces ressources sociales qui
demeurent les moins accessibles aux fillettes et aux femmes. En 2008-2009, le taux brut
de scolarisation au primaire était de 67,7 % pour les filles et de 77,1 % pour les garçons
(INSD, http://www.insd.bf/fr/Tableaux/T0508.htm, site consulté le 9 avril 2010). L'année
scolaire 2008-2009 compte un total de 879 728 inscriptions chez les filles et 1 026 551
inscriptions chez les garçons au niveau primaire à l'échelle du pays (INSD,
http://www.insd.bf/fr/Tableaux/T0520.htm, site consulté le 9 avril 2010). Quelques
facteurs expliquent ces données statistiques, notamment les exigences imposées aux
femmes au niveau du ménage et le manque d'infrastructures scolaires (Ilboudo, 2010).
En zones rurales, l'inégalité des genres est palpable. Les femmes vivent des
contraintes socioculturelles et économiques qui sont renforcées par un manque d'accès à
l'éducation. Puisque seulement 6,7 % de ces femmes sont éduquées et qu'une minorité
d'entre-elles, soit 1,8 %, suivent des cours d'alphabétisation en langue française, on
constate que 91,5 % des femmes étaient toujours analphabètes en 2008 (MECV, 2008).
Par conséquent, il est souvent difficile pour elles de s'épanouir au-delà du foyer familial.
D'un point de vue économique, la participation des femmes aux activités agricoles ne
manque pas. Quatre-vingt huit pour cent d'entre-elles (les femmes constituent presque
52% de la population burkinabé) s'y engagent. Or, peu nombreuses sont les femmes qui
ont accès aux crédits et aux terres agricoles pour leurs activités productives (Gaudet,
2010).
Depuis la colonisation du Burkina Faso, les femmes ont été victimes d'une
division sexuelle du travail. Sous le régime colonial français, la main-d'œuvre masculine
était dirigée dans des activités économiques rentables liées à l'agriculture pendant que les
femmes étaient contraintes à s'investir dans des activités domestiques non réputées, voire
« invisibles » sur le plan économique (Rowan-Campbell, 1999). Jusqu'à ce jour, ces
rapports de production hommes/femmes perpétuent certaines croyances culturelles qui
8
assujettissent les femmes à des injustices socioéconomiques qui limitent leur potentiel
d'intervention et de production au sein de l'économie de marché. Les injustices
auxquelles elles sont confrontées telles le manque d'accès à l'éducation et aux crédits
pour financer leurs activités économiques dévalorisent leurs responsabilités domestiques
liées aux soins des enfants telles la socialisation, la préparation des repas et la
scolarisation (Ouedraogo & Ouedraogo, 1998). Les individus qui obligent les femmes à
remplir leurs exigences de mère de famille sont les mêmes individus qui les accusent de
« rien faire » (Ilboudo, 2010)
Comme l'illustre la section qui suit, les politiques coloniales ont perpétué la
croyance que les femmes n'ont pas leur place dans l'économie formelle et que l'accès à
l'éducation est exclusif aux hommes. Ainsi, si ce n'est que pour une question de survie,
on comprend pourquoi les associations de femmes s'intéressent avant tout à des activités
de promotion de l'éducation, de la santé, de la nutrition et de l'environnement. Ces
activités se développent puis s'exécutent dans des contextes uniques de partage et de
soutien mutuel qui font appel à la participation démocratique et à l'égalité de chaque
individu au sein de l'association en question (Lachenmann, 1994).
9
politiques de rattrapage (Gentil, 1986). Le secteur agricole, qui est en soi une source de
survie pour 70 % à 95 % des citoyens burkinabés, jouerait un rôle clé dans le lancement
des économies du Sud (Gentil, 1986).
10
Cependant, seulement les deux derniers mécanismes ont occasionné la dépendance des
coopératives face aux appareils étatiques (Gentil, 1986).
Le premier mécanisme fut celui des changements politiques des années 1960.
Bien qu'il fut caractérisé par des luttes politiques intenses (« régime militaire, régime
civil présidé par un ancien militaire, suspension des partis, multipartisme total ou limité à
trois [...] ») (Gentil, 1986, p.160), les politiques de développement adoptées par l'État
burkinabé à l'époque n'ont pas réussi à transformer les coopératives et les milieux ruraux
dans lesquelles elles opèrent. La première trajectoire des coopératives rurales est plutôt
reconnue pour la résistance de ces dernières aux bouleversements politiques et pour leur
capacité à éviter la cooptation. Historiquement, à l'époque coloniale et post-coloniale, la
société civile au Burkina Faso est reconnue pour sa capacité à affirmer son indépendance
et à maintenir son autonomie face au pouvoir de l'État (Neveu, 1996 ; Assogba, 1997).On
associe cette capacité d'autonomie au rôle qu'a joué la chefferie traditionnelle auprès des
associations. De plus, le gouvernement burkinabé, qui était une structure politique
décentralisée, a fait appel aux ONG afin d'encourager leur coopération avec les
associations à une époque ou les paysans se méfiaient des « interventions de l'État »
(Gentil, 1986, p. 160).
11
ou agricoles et; 4) les coopératives non agricoles (professionnelles) (Gentil, 1986). « Ces
créations non soutenues, trop dispersées et de type très divers n'ont pas donné lieu à un
mouvement viable et durable » (Gentil, 1986, p.l 18).
12
Ces associations démocratiques ont réussi à conserver leur indépendance afin de remédier
à l'exclusion et à la marginalisation des groupes plus vulnérables, dont les femmes.
Ayant pour but de stimuler le commerce international et la croissance économique des pays du Nord, cette
institution financière limite le rôle de l'État et prône des stratégies de développement qui favorisent la
croissance des pays développés au détriment des conditions de vie des pays du Sud (Stiglitz, 2002).
Institution financière internationale qui offre également un soutien technique aux pays en développement,
dont le Burkina Faso (Banque mondiale,
http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/EXTABTUSFRENCH/0,contentMDK:
20146544~pagePK:64093409~piPK:64093441~theSitePK:328614,00.html, site consulté le 23 novembre
2009).
13
impliquent souvent la fermeture ou la vente d'entreprises d'État non rentables dans les
secteurs productif et financier, la réduction du rôle de l'État en matière de
commercialisation et la mise en place de toute une série d'incitatifs en faveur de
l'investissement étranger. La libéralisation du commerce et les encouragements à
l'exportation sont des objectifs importants des programmes de stabilisation et
d'ajustement structurel (Fisette & Salmi, 1991, p.353).
Ceci dit, ces programmes ont davantage nourrit des rapports de pouvoir verticaux ou
asymétriques entre les entreprises étrangères et la paysannerie, renforcé la
marginalisation des femmes du secteur économique et perpétué la dégradation de
l'environnement naturel et social des populations (Favreau et al, 2007) avec la montée
de l'insécurité alimentaire occasionnée par les sécheresses (Gentil, 1986).
14
« représente la réponse que les mouvements sociaux tentent d'apporter aux problèmes de
chômage, de précarité, d'exclusion sociale et de pauvreté que connaissent les personnes,
les collectivités locales et régionales » (Assogba, 2000, p.2). Alors que l'économie
sociale a émergé en Europe au Moyen-Age et en Amérique du Nord à la fin du XIXe
siècle (Assogba, 2000), cette dernière fit son apparition en Afrique seulement au XXe
siècle. On estime ainsi que les « pratiques d'économie populaire sont des formes
d'indigénisation de l'économie moderne par un processus de combinaison et de
réinterprétation des éléments culturels empruntés à l'autochtone et à l'importé ou à la
modernité occidentale » (Assogba, 2000, p. 13).
Bien qu'ils aient existé avant et durant l'époque coloniale, ces associations,
coopératives et groupements se sont transformés davantage avec l'indépendance du
Burkina Faso en 1960 et plus récemment avec les enjeux économiques qui pèsent
lourdement sur le statut social des femmes burkinabés. Depuis, leurs nouvelles
responsabilités visent à remédient aux « problèmes de chômage, de précarité, d'exclusion
sociale, de pauvreté », d'insécurité alimentaire et économique, d'injustices entre pays du
Nord et pays du Sud, d'analphabétisme et de dégradation de l'environnement (Assogba,
2000, p.2). L'économie populaire justifie ainsi la mise en place de réseaux sociaux
d'échanges et de production pour les populations, notamment les femmes, qui souhaitent
réclamer leur droit au développement, à la santé et à l'éducation (Assogba, 2000 ; Bonzi-
Coulibaly, 2010).
15
1.1.4.3 Le Burkina Faso aujourd'hui (1980-2010)
16
En 2004, le Burkina Faso adopta le Code général des collectivités territoriales
(CGCT). Grâce à ce dernier, une communalisation rurale fut mise en place en 2006 et le
Burkina Faso connut dès lors la création de 49 communes urbaines et de 302 communes
rurales. Un Conseil villageois de développement (CVD) fut implanté « dans chaque
village de ces 351 communes » (Burkina Faso, octobre 2007, p.8) dans une optique de
développement local (Burkina Faso, octobre 2007). La décentralisation en cours, qui fut
décrétée en 2006-2007, « s'est approfondie [...] avec la mise en place des communes
rurales et des conseils régionaux » (Ministère de l'Économie et des Finances (MEF),
juillet 2007, p.l 1).
Le contexte que l'on a dépeint dans ce chapitre et les enjeux avancés qui décrivent
le paysage burkinabé permettent de mieux comprendre la signification des associations
de femmes pour le DD. Le chapitre qui suit précise avec plus amples détails la raison
pour laquelle elles constituent le cœur de cette recherche sur la portée du DD au Burkina
Faso.
17
CHAPITRE II
Problématique
Le Burkina Faso loge une société civile dynamique. Cette dernière est aujourd'hui
représentée par des réseaux solidaires ou par des organisations collectives formelles et
informelles autonomes tels les associations féminines, les unions, les comités villageois
féminins (CVF), les CVD et les coopératives (Favreau et al, 2007). Or, au moment de
l'indépendance du Burkina Faso en 1960, le mouvement coopératif ne laissait aucune
place aux réseaux associatifs féminins. Étant sous la direction des pouvoirs publics et des
entreprises d'intervention étrangères, les coopératives servaient davantage d'outil
stratégique pour promouvoir les programmes de développement rural de l'État burkinabé
(Gentil, 1986). Ces programmes avaient pour but de permettre à l'État de réclamer son
pouvoir et son autonomie depuis la colonisation. À cette époque, le paysage politique du
pays était néanmoins caractérisé par de nombreux coups d'État et par la popularité des
régimes autocratiques (McSween, 2007).
18
En cherchant avant tout à lutter pour la survie des collectivités les plus démunies,
les Associations de femmes tentent de remédier aux enjeux environnementaux,
socioculturels et économiques qui se multiplient depuis la mise en place des PAS dans les
années 1990 qui ont fragilisé les pays en développement. Les PAS furent créés pour
réduire les déséquilibres fiscaux des pays en développement « en donnant naissance à des
innovations économiques et sociales de création des richesses » et en occasionnant « la
relance des économies locales » (Favreau, 2005, p. 127). Or, ils ont davantage perpétué le
phénomène de précarisation des populations et la dévaluation du statut de la femme en
société burkinabée. Cette dévaluation fut entamée dès les premiers stades de la
colonisation du pays.
19
défis et enjeux de nombreux pays en développement. Or, peu nombreuses sont les études
qui, jusqu'à présent, ont cherché à cibler et à comprendre les contributions
environnementales, sociales et économiques des associations de femmes par l'entremise
d'études de cas. Et encore plus rares sont les chercheurs et chercheures qui ont exploré le
rapport entre les contributions transversales des associations de femmes et le paradigme
du DD au Burkina Faso. C'est l'objectif que nous avons voulu réaliser par le biais de
cette recherche exploratoire, notamment à partir d'une réappropriation des théories du
DD, du développement local et de l'économie populaire en Afrique.
Cette recherche portant sur les Associations de femmes au Burkina Faso s'inscrit
dans le cadre du projet intitulé Gestion des Écosystèmes Basée sur les Communautés au
Burkina Faso (GEBC :2005-2010-ACDI-AUCC-PUCD). Ce dernier est le fruit d'un
partenariat entre l'Université de Moncton au Canada et l'Université de Ouagadougou au
Burkina Faso. Le projet GEBC : 2005-2010-ACDI-AUCC-PUCD appui l'idée selon
laquelle les institutions postsecondaires peuvent jouer un rôle d'appui important au
niveau de la prise en charge des collectivités dans leur développement au Burkina Faso. Il
fut développé pour contribuer au renforcement des capacités du Centre d'étude pour la
promotion, l'aménagement et la protection de l'environnement (CEPAPE) de
l'Université de Ouagadougou. L'objectif du projet GEBC : 2005-2010-ACDI-AUCC-
PUCD est de permettre aux entités de la société civile, dont les associations et les
organisations paysannes, de contribuer activement à l'élaboration et l'exécution de
projets locaux de développement communautaire. Il s'est concentré sur deux villages aux
caractéristiques climatiques et pluviométriques distinctes : Koumbili à proximité de Pô et
Siéna à proximité de Toma. Les trois axes du projet GEBC : 2005-2010-ACDI-AUCC-
PUCD sont l'environnement, la nutrition et l'éducation. Ces derniers se sont développés
en empruntant une perspective de genre qui a facilité l'identification des activités
féminines reliées à ces trois domaines. Afin d'atteindre ses objectifs et à la lueur de
l'importance des politiques de décentralisation ou de prise en charge des communautés au
Burkina Faso, le projet cherche à renforcer les rapports qu'entretiennent certaines entités
entre elles. Parmi ces entités, on retrouve les services du ministère de l'Environnement et
20
du Cadre de vie (MECV), du ministère de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des
Ressources halieutiques (MAHRH), du ministère de l'Education de base et de
l'Alphabétisation (MEBA), de l'Université de Ouagadougou (par l'intermédiaire du
CEPAPE) et des communes rurales (Ouattara et al, 2008 ; Bonzi-Coulibaly, 2010).
21
caractéristiques environnementales, économiques, socioculturelles et politiques du terrain
sur lequel elles œuvrent, pourraient prendre des formes différentes. L'agriculture
domestique viable et le maraîchage, la promotion de l'éducation et de la santé, ainsi que
la lutte contre la désertification au moyen de techniques de gestion agraires
traditionnelles ne sont que quelques-unes des activités rencontrées. Nous cherchons
également à comprendre dans quelle mesure les associations de femmes renforcent les
compétences et les capacités individuelles et collectives des femmes tout en les aidant à
valoriser leurs propres contributions au sein de leurs collectivités respectives.
22
CHAPITRE III
Cadre théorique
23
cultures d'exportation ainsi que les secteurs stratégiques de l'État et ils ont posé plusieurs
problèmes pour les populations rurales (Brunel, 2009).
24
nécessaires pour remédier à la pauvreté économique et à certains enjeux tels la croissance
démographique, la détérioration des ressources naturelles et la destruction de la
biodiversité, au Nord comme au Sud. Ces enjeux, qui caractérisent l'ère de
l'altermondialisation, incitent de nombreux acteurs à repenser le développement comme
une sorte de compromis entre l'accumulation des richesses matérielles à tout prix, le
respect des rapports sociaux et l'utilisation ou l'exploitation responsable des ressources
naturelles (Sachs, 1993 ; Brunel, 2009). Ce compromis prend le nom de DD.
Le DD n'est toutefois pas un concept nouveau. Son histoire date des années 1970
à une époque où la croissance démographique mondiale atteignait son apogée et où la
crise de l'énergie de 1973 menaçait l'approvisionnement des ressources naturelles
mondiales (Brunel, 2009). À l'époque, le rapport du Club de Rome, publié en 1972,
dévoilait déjà des informations menaçantes concernant « la croissance de la population,
l'industrialisation, l'utilisation des ressources naturelles non renouvelables, la production
alimentaire et la pollution » (Brunel, 2009, p.24). Ainsi, la première Conférence mondiale
des Nations Unies sur l'environnement humain (CMNUEH) fut entérinée la même année
que le rapport fut publié (Brunel, 2009). Or, malgré l'intérêt grandissant des populations
pour l'environnement depuis l'émergence des principes fondateurs du DD à la conférence
de Stockholm en 1972 (Sachs, 1993), ce n'est que dans les années 1980 que ce concept
connaît un véritable essor sur la scène politique internationale.
25
Depuis la publication de la définition Brundtland, de nombreux chercheurs
contemporains ont adopté leurs propres définitions complémentaires du DD. Selon
Ilboudo (2010), la démocratie est déterminante de ce développement. La chercheure
affirme qu'un DD « suppose que le respect des droits humains ne soit pas considéré
comme la cerise sur le gâteau d'un développement uniquement fondé sur les
performances économiques et financières » (p. 12). Tout DD doit plutôt, et avant tout,
permettre aux hommes et aux femmes de répondre à leurs besoins fondamentaux par
l'entremise d'un accès équitable aux ressources sociales telle l'éducation. Laulan (2003)
fait preuve d'un raisonnement semblable à celui d'Ilboudo (2010) en stipulant que, « la
problématique du développement durable [...] concerne l'accès aux libertés publiques et
privées, à la démocratie, à l'égalité des chances, à l'enrichissement culturel, bref, à la
civilisation dans son ensemble » (Laulan, 2003, p.233). Il poursuit en disant « que
l'éducation des femmes, de leur émancipation progressive, est l'un des plus puissants
facteurs [...] d'un développement durable » (Laulan, 2003, p.238). Les théories « femmes
dans le développement », « femmes et développement », « femmes, environnement et
développement » et « genre et développement durable » ont longtemps été l'objet des
courants de pensée féministes dans les pays du Sud (Falquet, 2002, p.31). Toutefois, le
besoin de miser un développement respectueux des femmes s'est davantage manifesté
avec l'adoption de Y Agenda 21 au Sommet de Rio (Brunel, 2009) et avec de nouvelles
formulations théoriques comme celle de Laulan (2003).
26
(Brunel, 2009, p.97). Si l'extrême pauvreté mondiale est passée de 40 % à 17 % de 1980
à 2005, l'écart entre les pays riches et les pays pauvres, ainsi qu'entre les populations de
ces pays, ne cesse d'augmenter (Brunel, 2009; Villalon, 2010). Le Burkina Faso est
aujourd'hui confronté à ce phénomène de paupérisation croissant qui a des répercussions
non seulement sur les salaires des individus mais aussi sur les domaines de la santé et de
l'éducation (Villalon, 2010).
27
projets de développement qui répondent aux besoins immédiats des populations
concernées. Par définition, le développement local « permet à la population du territoire
concerné de résoudre progressivement ses problèmes et de réaliser ses ambitions dans les
domaines économique, social, culturel et environnemental par la participation active,
individuelle et collective de l'ensemble des citoyens » (MEF, juillet 2007, p. 16). Comme
l'indique le ministère de l'Économie et des Finances (MEF) dans son Guide
méthodologique de planification locale (2007), les principes fondateurs du
développement local sont la participation active des populations, la mise en place d'une
vision commune du développement et de l'action, l'auto-analyse par les populations de
leurs besoins, la gouvernance locale6 et la réappropriation de l'espace collectif (MEF,
juillet 2007).
Implique la mise en place de structures d'appui à la société civile, aux pouvoirs locaux et aux populations
(MEF, juillet 2007).
28
3.2 L'économie populaire, le DD et les associations de femmes au Burkina Faso
Notre recherche s'appuie sur le raisonnement d'Assogba (2000) qui établit un lien
entre le DD et l'économie populaire en Afrique noire. L'auteur explique que la
participation de la société civile à la construction de l'économie populaire s'avère un
moyen pour elle de remédier aux déséquilibres de l'État et à son incapacité de répondre
aux besoins des populations. Pour Assogba (2000), puisque le futur de cette économie
populaire repose dans les mains de la société civile et que cette dernière est ultimement
porteuse de transformations sociales et politiques, cette économie populaire pourrait dès
lors promouvoir un DD. En intégrant « les politiques nationales et les programmes de
développement et de coopération internationale, l'économie sociale permettrait le passage
des pratiques de survie aux pratiques de développement durable » en servant d'outil pour
maintenir un équilibre entre les sphères environnementale, sociale et économique dans
une logique de développement (Assogba, 2000, p.3). En d'autres mots, l'économie
populaire deviendrait garante du DD en bénéficiant de « politiques nationales et de
programmes de développement et de coopération internationale » (Assogba, 2000, p.3).
Les associations de femmes étant des acteurs de premier plan de la société civile au
Burkina Faso, elles deviennent à la fois des agentes de l'économie populaire et
potentiellement les promoteurs du DD.
29
pays. Par exemple, avant la colonisation, les hommes et les femmes étaient
respectivement protégés par des normes sociales de production agricole traditionnelle qui
leur assurait un accès foncier et une autonomie quant aux biens qu'ils produisaient
(Ahonsi, 1995). Or, cette autonomie s'est effritée avec l'hégémonie politique des grandes
puissances occidentales sur le système économique mondial qui est parvenue à perpétuer
le phénomène de la mondialisation tel qu'on le connaît aujourd'hui.
Certains auteurs, dont Ahonsi (1995), ont étudié l'impact de la mondialisation sur
les rapports de genre et le paysage socioéconomique africain dans un contexte de DD.
Ahonsi (1995) soutient que les disparités hommes/femmes sur l'ensemble du continent
africain et l'état du développement dans ces pays peuvent s'illustrer à partir de l'impact
de la croissance démographique sur la dégradation du patrimoine naturel. L'auteur
soutien que plus les femmes sont subordonnées aux hommes, plus elles sont contraintes à
leurs responsabilités reproductives. Et plus la population augmente, plus l'environnement
se transforme et se dégrade suite à l'exploitation des ressources naturelles et aux
défrichements des terres desquelles dépend la population en croissance. Villalon (2010)
met de l'avant les causes structurelles (discrimination des genres et féminisation de la
pauvreté) de la précarité environnementale des populations au Burkina Faso.
L'espace interculturel parmi lequel évoluent les associations de femmes suggèrent qu'il
est difficile pour les femmes de lutter pour un DD alors que leur survie est manifestement
menacée. Ici, le concept de « survie » se définit comme étant la capacité de chacune et de
chacun à subvenir à leurs besoins de base dans un contexte de pauvreté. Cette capacité est
dépendante de leur participation à une économie de subsistance locale.
30
La cohabitation de ces entités est plutôt sujette à des tensions idéologiques qui, parfois,
vont jusqu'à entraîner une dégradation du milieu naturel duquel elles dépendent. Ouattara
et al. (2008) étudièrent les enjeux liés à l'industrie du coton dans le village de Koumbili
dans la province du Nahouri au Burkina Faso. Les auteurs abordent la question des
conflits socioculturels liés à la gestion de la biodiversité locale, de la production et de la
commercialisation des cultures de rente. Ils expliquent d'abord que l'industrie du coton
n'étant accessible qu'à un nombre limité d'individus, la production et la
commercialisation de cette ressource créent d'importants conflits d'usage. Ces conflits
émergent entre les individus qui s'intéressent aux cultures de rente et ceux qui
s'intéressent davantage aux cultures de subsistance. Selon les chercheurs, le coton
décourage ainsi certaines populations à se mobiliser dans des associations ou
groupements villageois qui, pourtant, ont un devoir d'assurer le bien-être de leur
communauté vivant une situation de précarité difficile (Ouattara et al, 2008). Les modes
d'organisation villageois et l'unité de gestion communautaire étant bouleversés, le chef
de terre perd sa place en tant que garant des droits fonciers et des traditions liées aux
sacrifices et rituels.
31
activités afin que ces dernières puissent assumer un poids économique plus important au
sein des communautés (Gentil, 1986).
32
Les associations de femmes au Burkina Faso, en plus d'être influencées par les
changements politiques, économiques et institutionnels en cours, sont largement
dépendantes de leur environnement naturel et des conditions climatiques qui caractérisent
leur territoire. Ainsi, les activités de subsistance et les modes d'organisation des
Associations sont appelés à évoluer et à se transformer avec les changements
environnementaux en cours, dont les sécheresses. Ces dernières ont un impact sur la
capacité du pays et des associations à produire et à exporter certains produits sur les
marchés, notamment (Gentil, 1986). L'imbrication ou l'interdépendance des sphères
environnementale, sociale et économique au Burkina Faso est d'ailleurs mise en évidence
par le fait que les associations vont souvent recourir à des activités économiques pour
réaliser un objectif social (Gentil, 1986). Par exemple, elles vont s'engager dans des
activités de maraîchage pour soutenir l'école du village ou pour mettre en place une
banque de céréale qui servira à faire des prêts de nourriture aux populations et à
améliorer conséquemment la santé des individus. Voilà une instrumentalisation du
paradigme du DD tel que défini par Gendron (2007) à la page 19 de ce document.
Une fois ces contributions établies, nous avons voulu effectuer une analyse des
changements qui en sont découlés. Nous avons ainsi posé la question suivante :
33
Est-ce que ces contributions ont occasionné des changements environnementaux et socio-
économiques dans les collectivités de Koumbili, Siéna, Pô et Toma?
Cette recherche s'est inspirée de travaux antérieurs dont deux études de cas en
particulier. La première étude de cas (McSween, 2007) ne porte pas spécifiquement sur
les associations de femmes, mais elle aborde la question d'alternatives économiques dans
une perspective de développement local. L'auteure se penche plus particulièrement sur la
problématique du commerce équitable au Burkina Faso et évoque « son potentiel de
transformation sociale et [...] sa contribution au développement local » (McSween, 2007,
p.46) en se basant sur l'expérience du Cercle des sécheurs (CDS) et Y Union fruitière et
maraîchère du Burkina Faso (UFMB). La deuxième étude de cas (Ouedraogo, 2004) de
laquelle nous nous sommes inspirés raconte l'expérience du Groupement des productrices
maraîchères de Oula-Koulsin au Burkina Faso dans une perspective d'économie sociale
et de développement local. Notons que les études portant sur les mouvements sociaux et
coopératifs, les organisations paysannes et l'économie populaire en Afrique et ailleurs
(Gentil, 1986 ; Girard, 1994 ; Jacob, 1994 ; Lachenmann, 1994 ; Neveu, 1996 ; Assogba,
1997, 2000 ; Favreau, 2002, 2005, 2007, 2008; Favreau & Fréchette, 2002 ;) ont été des
sources d'information indispensables à la compréhension des réalités complexes qui
constituent le territoire burkinabé.
34
Notre recherche s'avère pertinente pour au moins deux raisons. La première est
liée au fait que les changements climatiques et les échecs des politiques économiques de
libéralisation des échanges et de privatisation des pays émergents forcent la création de
nouveaux modèles de développement. Dans un tel contexte, la participation de nouveaux
acteurs dans ce processus de création est également encouragée. Par l'entremise de
théories sur le DD, l'économie sociale et le développement local, nous dirigeons notre
attention sur le rôle et les contributions des associations de femmes en tant qu'actrices à
la recherche d'un développement alternatif. Les associations de femmes contribuant au
renouvellement de la société civile et à l'amélioration du bien-être des collectivités
urbaines et rurales, elles sont indispensables pour comprendre les enjeux
environnementaux, socioculturels et économiques qui façonnent les réalités quotidiennes
des populations du Burkina Faso.
La deuxième raison pour laquelle notre recherche est pertinente est que très peu
de travaux de recherche de deuxième cycle se sont jusqu'à présent intéressés
spécifiquement au secteur associatif féminin dans un contexte Nord-Sud, notamment en
lien avec les théories du DD. Les associations de femmes dans les pays d'Afrique sont
difficiles d'accès et les paramètres de recherche qui existent pour étudier les
problématiques qui se rapportent au contexte associatif féminin sont encore limités. Nous
estimons que cette recherche exploratoire contribuera à l'avancement de nos
connaissances sur l'influence des associations de femmes dans l'économie populaire, le
développement local et surtout le DD.
35
CHAPITRE IV
Méthodologie
Après avoir posé les balises théoriques et les questions de recherche, la partie
suivante portera sur la méthode de recherche utilisée pour répondre à ces questions.
36
individus, le contexte et les réalités qui constituent ce cas particulier. Pour ce faire, il
importe aux chercheurs et chercheures de maximiser l'information recueillie tout en
limitant le nombre de sujets auxquels on se rapporte. L'étude de cas nous paraissait
appropriée pour cette recherche puisqu'elle permet de mieux comprendre les réalités peu
explorées des associations de femmes au Burkina Faso.
Notre terrain d'enquête s'est étalé sur deux mois, soit du 30 septembre au 29
novembre 2008. Durant cette période, il s'agissait de cibler des associations de femmes
qui répondraient à nos objectifs de recherche et qui contribuent à l'amélioration du bien-
être de leurs communautés. Pour y arriver, nous avons cerné quatre critères de sélection.
Premièrement, les associations de femmes doivent œuvrer dans des régions
géographiques différentes aux climats distincts. Deuxièmement, elles doivent mener des
activités environnementales, socioculturelles et économiques qui s'apparentent aux trois
volets d'intervention identifiés par le projet GEBC :2005-2010-ACDI-AUCC-PUCD, soit
la protection de l'environnement, la nutrition et l'éducation. Troisièmement, les
associations de femmes sélectionnées doivent être de nature démocratique et disposer de
règlements intérieurs précis qui ont été approuvés par toutes les membres de l'association
(Gentil, 1986). Finalement, les associations de femmes doivent être autonomes, c'est-à-
dire qu'elles doivent maintenir une certaine indépendance face à l'État.
37
Tel que précisé plus haut, au départ, nous avions sélectionné deux associations de
femmes qui répondent à nos critères de sélection : L'AME à Koumbili et l'AME à Siéna.
Ces dernières se situent sur des territoires géographiques différents et particulièrement
vulnérables d'un point de vue environnemental et socioéconomique. L'AME est active à
l'échelle nationale et regroupe des femmes de tous les âges. Elle est munie d'une
Coordination nationale des associations des mères éducatrices (CNAME). Cette
coordination a pour objectif de soutenir les initiatives transversales des AME dans
chacune de leurs zones d'intervention et de valoriser le travail des femmes sur le plan de
la promotion de l'éducation des enfants, notamment des fillettes. Les projets collectifs de
l'AME s'appuient sur des principes clés dont « la liberté d'expression, la critique
objective et l'autocritique, ainsi que l'esprit d'initiative et de sacrifice » (Ministère de
l'Enseignement de base et de l'Alphabétisation (MEBA, 1992, p.l).
38
Les chapitres portant sur les études de cas décrivent les spécificités de nos terrains
de recherche, soit Koumbili et Siéna ainsi que leurs chefs-lieux respectifs Pô et Toma.
Les expériences vécues par les femmes au sein de leurs communautés, les enjeux
environnementaux, sociaux et économiques qui donnent un sens à ces expériences et
l'interprétation qu'en font les femmes ont été utiles pour illustrer les terrains de recherche
en question. Ils ont également permis de contextualiser les réalités observées au cours de
notre étude.
En plus d'avoir échangé avec cinq associations de femmes, nous avons effectué
quatre entretiens auprès d'informateurs-clés travaillant au ministère de la Promotion de
la Femme (MPF), au MECV, au Centre international pour l'éducation des filles et des
femmes en Afrique de l'Union africaine (UA/CIEFFA) et à la Direction pour la
promotion de l'éducation des femmes et des filles (DPEF) à Ouagadougou, capitale du
Burkina Faso. L'information en provenance de ces entretiens et les documents que nous
ont fournis les informateurs-clés nous ont permis de comprendre les initiatives et les
politiques qui ont été développées par l'État burkinabé pour appuyer les femmes depuis
quelques décennies. Nous voulons savoir si ces initiatives et politiques de l'État ont
produit des changements positifs, voire importants, sur le terrain pour les femmes. De
plus, nous cherchons à déterminer si l'État entretien réellement un rapport avec les
associations de femmes à Koumbili, Siéna, Pô et Toma. Dans l'affirmative, nous voulons
savoir de quel type de rapport il s'agit.
39
4.3.1 La recherche documentaire
40
L'entretien semi-dirigé nous a permis de faire le bilan des expériences uniques
dont jouissent les femmes lorsqu'elles s'impliquent auprès d'une association. Il nous a
également permis de dégager les solutions qu'elles envisagent pour remédier aux enjeux
auxquels elles attestent et qui les intéressent d'emblée.
Nos rencontres sur le terrain ont été organisées par l'équipe de professeurs de
l'Université de Ouagadougou. L'équipe du CEPAPE nous a fourni un encadrement
durant notre période sur le terrain en nous offrant les ressources et le support technique
nécessaires pour pouvoir se déplacer dans les villages et rencontrer les personnes et les
associations de femmes préalablement identifiées. En plus d'avoir guidé notre sélection
d'associations et de nous avoir accompagnés dans les villages, l'équipe de recherche du
CEPAPE nous a aidé à organiser les entretiens semi-dirigés. Les membres avec qui nous
avons voyagé prenaient contact avec les personnes-ressources sur le terrain qui nous ont
ensuite fourni les traducteurs nécessaires pour effectuer les entretiens semi-dirigés.
Le choix des interlocuteurs fut effectué en fonction des contributions que nous
croyons qu'ils ou elles pourraient apporter à nos connaissances sur les associations de
femmes au Burkina Faso. Selon Savoie-Zajc (2009), l'entretien semi-dirigé est un moyen
pour le chercheur ou la chercheuse de donner un sens à des réalités observables à partir
de l'expérience ou des connaissances des collaborateurs à chaque étape de l'étude.
41
entretiens individuels ont été effectués auprès de trois fonctionnaires et d'un directeur
d'école.
Chaque grille d'entretien fut divisée en deux parties. La première partie aborde
trois thèmes : les enjeux environnementaux, les enjeux socioculturels et les enjeux
économiques du milieu associatif féminin à Koumbili, Siéna, Pô et Toma. La deuxième
partie s'intéresse aux caractéristiques organisationnelles et institutionnelles des
associations de femmes. Laville & Sainsaulieu (1997) illustrent la complémentarité de
ces deux types de caractéristiques. Ils rappellent que les caractéristiques institutionnelles
d'une association sont essentielles puisqu'elles décrivent la structure de l'association
comme telle. Les caractéristiques institutionnelles renvoient à la nature formelle ou
informelle de l'association, la reconnaissance des compétences individuelles et
collectives des membres par l'association, les rapports qu'entretien l'association avec des
acteurs spécifiques et les partenariats. Pour leur part, les caractéristiques
42
organisationnelles d'une association sont tributaires pour témoigner de son
fonctionnement et donc des activités qui sont menées en son sein. Parmi les
caractéristiques organisationnelles, nous incluons : l'âge de l'association, le nombre de
membres, la division des tâches et des responsabilités, les objectifs et le rapport entretenu
avec d'autres organisations.
Notons que puisque les réalités sociales peuvent être très variables d'un contexte à
l'autre, nous avons modifié la grille d'entretien sur le terrain en fonction des
interlocuteurs qui étaient présents lors de l'entretien semi-dirigé. Cet exercice avait pour
but de maximiser la qualité de l'information recueillie en clarifiant certaines informations
et propos ou encore en modifiant la formulation de certaines questions sur la grille
d'entretien (Comeau, 2000).
L'observation directe (Laperrière, 2009) s'est effectuée lors des entretiens semi-
dirigés, ainsi que tout au long de nos séjours dans les villes et villages identifiés au
Burkina Faso. Elle a davantage dirigé notre attention sur les particularités culturelles et
idéologiques des réseaux sociaux parmi lesquels se développent et évoluent les
comportements individuels et collectifs des individus. Elle permet également au
chercheur ou chercheuse de rester attentif au déferlement d'événements spontanés qui
sont de portée significative dans le temps et dans l'espace (Quivy & Campenhoudt,
2006).
43
4.3.4.2 L'AME à Siéna
44
Amekotou (2004) à la page 28 du document. Chacun des indicateurs du DD (voir Annexe
4) a servi à extraire les contributions des Associations de femmes à l'étape de l'analyse.
Nous considérons que les Associations de femmes contribuent à la promotion du DD
dans leurs communautés lorsque leurs activités rencontrent au moins un indice
appartenant à chaque indicateur du DD.
45
4.4.3 Dimension économique
L'analyse des données s'est effectuée à partir des indicateurs et des indices du DD
identifiés dans la partie précédente. À partir des informations transmises par les
informateurs-clés et puisées dans les documents recueillis qui explorent les enjeux
environnementaux, socioculturels et économiques pertinents à notre sujet de recherche,
nous avons extrait les thèmes, ainsi que les éléments relatifs à ces thèmes, qui
correspondent aux indices conceptuels établis. Nous avons ensuite procédé avec l'analyse
thématique des entretiens à partir des indices établis pour chaque indicateur et à partir des
théories sur lesquelles est basée cette étude.
46
comparaison permet de déterminer les facteurs qui, en réalité, facilitent ou limitent leurs
contributions au DD.
La validité des instruments de mesure de cette étude repose sur la sélection des
sujets de recherche à partir des critères de sélection préétablis (voir page 36). Ces critères
avaient pour but d'assurer la représentativité de chaque cas.
47
CHAPITRE V
Résultats et analyse
5.1.1 Contextes
5.1.1.1 Koumbili
48
Deux populations autochtones cohabitent dans le village : les Kassena et les
Nankana. L'organisation sociale traditionnelle de ces deux groupes repose sur les
rapports lignagers et le droit d'aînesse (Ministère de l'Administration territoriale et de la
Décentralisation (MATD), octobre 2001, p.6). Chez eux, les femmes jouent un rôle de
soutien vital au sein de la famille et elles jouissent d'une équité foncière avec les
hommes. Certaines d'entre elles appartiennent également des petits ruminants tels les
poulets et les moutons. Ces derniers sont vendus ou utilisés pour les dotes et les sacrifices
afin de perpétuer certaines croyances traditionnelles (Entretien semi-dirigé 1,
communication personnelle, 17 octobre 2008).
Les Mossis sont l'un des groupes migrants à Koumbili. Le portrait socioculturel et
la dynamique familiale des Mossis sont différents de ceux des Kassena et des Nankana.
Les responsabilités des femmes Mossis étant influencées par une structure patriarcale,
leur accès aux ressources est limité et elles disposent ainsi d'une moins grande autonomie
d'action que les femmes autochtones à Koumbili.
Parlent le Kassem.
g
Nom que l'on donne communément au fruit du baobab au Burkina Faso et en Afrique tropicale. On le
cueille à des fins alimentaires, notamment puisqu'il est riche en vitamine C, en glucides, en phosphore et en
calcium (Centre Mampuya : partenariat pour un développement durable,
http://www.mampuya.org/plantes/baobab.html, consulté le 7 juin 2010).
g
Bière de mil.
49
d'un marché local qui est ouvert tous les trois jours (Entretien semi-dirigé 3,
communication personnelle, 18 octobre 2008).
50
Les populations estiment que la quantité de produits alimentaires qui sont vendus
sur le marché local a diminué en raison des changements pluviométriques, de la
déforestation, des feux de brousse, de la présence des champs de coton et de
l'augmentation démographique. « On regarde plus la quantité que la qualité. Avant il y
avait beaucoup à manger, mais maintenant il n'y en a pas assez. Avant les condiments
étaient plus qu'aujourd'hui » (Entretien semi-dirigé 3, communication personnelle, 18
octobre 2008). De plus, les produits qui se sont ajoutés au marché au courant des
dernières années tels les amandes de karité et le poisson sont de moins en moins
disponibles et ils coûtent plus cher (Entretien semi-dirigé 3, communication personnelle,
18 octobre 2008).
51
faisant seulement au mois de septembre. De plus, puisque les terres cultivables sont de
plus en plus rares et que la qualité des sols est réduite, les femmes doivent adapter leurs
moyens de production et cesser de pratiquer la jachère11.
Technique de rotation des cultures qui maximise la fertilité des sols par l'entremise de leur régénération
(Entretien semi-dirigé 1, communication personnelle, 17 octobre 2008).
12
Le 26 décembre 1945, la France donne une nouvelle dénomination à la monnaie des 14 pays africains
suivants à l'occasion de la ratification des accords de Bretton Woods : le Burkina Faso, le Bénin, la Côte
d'Ivoire, le Mali, la Guinée Bissau, le Niger, le Togo, le Sénégal, le Congo, le Cameroun, la Centrafrique,
le Tchad, le Gabon et la Guinée Équatoriale (Banque Centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO),
http://www.bceao.int/internet/bcweb.nsf/pages/musel, site consulté le 23 novembre 2009).
52
des difficultés financières ou si les récoltes sont mauvaises, les producteurs peuvent
vendre quelques-uns de leurs intrants et utiliser cet argent pour nourrir leur famille en
attendant que leur champ récupère. Toutefois, depuis les changements pluviométriques
et l'essor d'enjeux connexes, les populations anticipent un ralentissement éventuel de la
production (Entretien semi-dirigé 3, entretien collectif, 18 octobre 2008).
5.1.1.2 Siéna
Les pluies sont plus abondantes au mois d'août, soit durant la période de cueillette du coton.
53
Chez les Samos, le statut social de la femme est favorable en ce qui a trait à son
accès foncier et aux activités qu'elle mène. À titre individuel, les femmes s'adonnent
principalement à l'élevage et au jardinage. Ces activités sont particulièrement valorisées
puisqu'elles approvisionnent le foyer familial et permettent aux femmes de vendre
certains de leurs produits au marché local. Les revenus des femmes sont soit investis dans
les soins de santé des enfants, soit utilisés pour acheter des aliments telle la viande pour
diversifier les repas (Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, 21 novembre
2008).
C'est vraiment une difficulté s'il n'y a pas de nourriture [...] Si vous ne mangez pas bien,
vous ne pouvez pas bien travailler. Souvent, les mamans, s'il y a un peu de nourriture,
elles ne mangent pas. Elles gardent ça pour les enfants pour qu'ils mangent pour aller à
l'école [...] Un enfant mal nourrit, qui n'est pas bien rassasié, arrivé à l'école [...] il ne
54
peut pas survivre les cours (Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, 21
novembre 2008).
55
leurs enfants à l'école (Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, 21 novembre
2008).
5.1.2.1 Historique
Les AME au Burkina Faso sont nées en 1992 au moment où l'État intégrait les
thématiques « femmes » et « éducation » à ses discours sur le développement. Les AME
sont le fruit d'une initiative nationale qui a pour objectif de valoriser les activités
associatives en matière de promotion de l'éducation et de valorisation du statut de la
56
femme. La communauté de base des territoires du Burkina Faso étant indispensable pour
stimuler un développement local, notamment dans un contexte de décentralisation, l'État
burkinabé s'est familiarisé avec le concept de responsabilisation des populations et plus
particulièrement des femmes dans le domaine de l'éducation.
La politique actuelle est que chaque école puisse mettre en place une AME. Si l'AME est
là, à côté de l'Association des parents d'élèves (APE), ça fait une synergie d'action pour
venir en appui aux enseignants pour vraiment améliorer l'environnement scolaire
(Entretien semi-dirigé 8, communication personnelle, intervenante 1, 3 novembre 2008).
Chacune des AME est instituée à différents moments sur les territoires, et ce, en
fonction des besoins ressentis par les collectivités qu'elle interpelle. Sa mise en place
dépend également des ressources nationales dont elle dispose pour mener à terme ses
activités. En 2008, l'AME à Koumbili existait depuis quatre ans. Pour sa part, le
ministère de l'Enseignement de base et de l'Alphabétisation (MEBA) s'est investi dans la
création de l'AME à Siéna en 2000. Avant d'obtenir son statut d'association autonome en
2000, l'AME à Siéna s'était jointe à l'APE de l'école de Siéna à titre de fonction scolaire
et d'établissement d'appui. L'APE fut créée au moment où l'école de Siéna fut
construite, soit en 1992 (Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, intervenant
1,21 novembre 2008).
5.1.2.2 Fonctionnement
57
approches à l'enseignement qui sont adaptées aux besoins des populations. L'AME veut
également créer un climat d'apprentissage qui puisse garantir l'accès aux enfants, et plus
particulièrement aux filles, « à l'éducation, à l'instruction et à la formation » par
l'entremise de la sensibilisation des collectivités locales concernées (MEBA, 1992, p.l).
Les femmes qui occupent ces postes spécialisés et qui remplissent des fonctions
administratives de gestion et de supervision des activités au sein de l'AME sont élues par
leurs collègues lors de Y Assemblée générale (AG) qui a lieu une fois par année. L'AG a
pour but de sélectionner les membres du bureau, de faire le bilan des activités scolaires
qui seront organisées par l'AME en milieu scolaire durant l'année et de créer un certain
58
engouement chez les membres pour les nouveaux projets qui s'annoncent annuellement
(Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, intervenant 1, 21 novembre 2008).
59
scolaire des enfants en surveillant leur présence aux cours, s'assurer qu'ils bénéficient
des meilleures conditions sanitaires possibles, travailler pour garantir que les filles
grandissent dans un environnement scolaire et familial qui est propice à leur
épanouissement personnel et à leur bien-être matériel, viser à réduire les tâches
ménagères et/ou les activités de petit commerce qui empiètent sur la performance scolaire
des fillettes, assurer le fonctionnement soutenu de la cantine scolaire, contribuer au
succès des activités économiques et scolaires telle la vente de produits sur le marché
local, l'élevage, le jardinage et le maraîchage et enfin, agir à titre de représentantes des
mères du village en faisant valoir les intérêts, les opinions et les préoccupations de ces
dernières auprès des pouvoirs publics (MEBA, 1992, p.2).
Celles qui sont alphabétisées, qui savent lire et écrire, seront les premières à être
membres de ces associations. Les femmes mêmes, c'est-à-dire leurs camarades, vont les
responsabiliser [...] Donc du coup, les femmes sentent la nécessité de travailler pour que
leurs enfants, y compris leurs filles, aillent à l'école. Et c'est comme ça que le
changement intervient (Entretien semi-dirigé 6, communication personnelle, 27 octobre
2008).
60
5.1.3 Contributions de l'AME à Koumbili et de l'AME à Siéna au DD
Rappelons que cette partie illustre la forme que prennent les contributions de
l'AME à Koumbili et de l'AME à Siéna en fonction des trois dimensions de la définition
du DD (Amekotou, 2004). Nos résultats d'enquête proviennent des entretiens semi-
dirigés effectués auprès d'elles.
61
fois en mettant de la potasse1 et du sel sur les plantes. Deuxièmement, les femmes
entretiennent leurs terres agricoles en les piochant et les entassant, en déposant du fumier
sur leur surface et en les arrosant en préparation pour leurs activités maraîchères. Les
mères éducatrices utilisent du fumier puisqu'il constitue un engrais naturel très efficace,
disent-elles (Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, 21 novembre 2008).
« C'est bien par rapport aux engrais chimiques comme l'urée. Si les choux commencent à
donner des pommes, elles essaient d'utiliser ça par exemple chaque deux ou trois jours »
(Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, 21 novembre 2008).
Troisièmement, l'AME à Siéna contribue à la sauvegarde de l'environnement en
maximisant l'utilisation des espaces cultivables. L'Association remplace les produits
qu'elle récolte par des plants de mil et de piment (Entretien semi-dirigé 9, communication
personnelle, intervenant 1,21 novembre 2008). Telle la jachère, une telle technique de
rotation des cultures permet de régénérer la terre et d'améliorer conséquemment les
rendements agricoles.
Tel que le suggère leur nom, l'AME à Koumbili et l'AME à Siéna se concentrent
dans la promotion de l'éducation des enfants. Elles y parviennent en attribuant une
attention particulière au bien-être des fillettes. Leur intérêt pour l'éducation et la réussite
scolaire confirme la corrélation indisputable entre le bien-être individuel et collectif des
populations et leur niveau d'instruction. Cet intérêt constitue leur contribution la plus
significative à la promotion du DD à Koumbili et Siéna (Entretien semi-dirigé 3,
communication personnelle, 18 octobre 2008).
62
d'action, l'Association accorde une place privilégiée à l'action sociale. L'AME étant
ancrée dans la communauté, elle assume bien son rôle de relais entre les femmes, les
populations et les autorités publiques chargées de questions liées à l'éducation et aux
conditions de la femme. Cette sensibilisation invite les hommes et les femmes à
collaborer entre eux et à s'investir auprès de leur communauté. Grâce à l'AME,
on a confiance en soi [...] On prend conscience de soi [...] À partir du moment où je sais
que ma valeur est reconnue et que je sais que je peux effectivement faire quelque chose
pour prouver que là où il y a des blocages je peux apporter ma contribution pour
débloquer [...] certaines situations (Entretien semi-dirigé 6, communication personnelle,
27 octobre 2008).
Deuxièmement, après s'être déplacée dans différents villages, l'AME à Siéna peut faire le
bilan des rencontres qui s'effectuent entre les intervenants variés. Elle peut également
transmettre l'information appropriée aux mères et aux populations (Entretien semi-dirigé
9, communication personnelle, intervenant 1,21 novembre 2008). Les mères éducatrices
« sont là pour vous écouter et véhiculer le message dans les différents foyers » (Entretien
semi-dirigé 9, communication personnelle, 21 novembre 2008). Troisièmement, l'AME à
Koumbili et l'AME à Siéna promeuvent la scolarisation des enfants en encourageant les
parents des élèves à s'investir activement dans l'avenir de leurs enfants. Elles organisent
des rencontres publiques et animent des discussions qui valorisent l'éducation et
renforcent le sentiment d'unité et de communauté (Entretien semi-dirigé 3,
communication personnelle, 18 octobre 2008). Quatrièmement, l'AME à Koumbili et
l'AME à Siéna contribuent à l'épanouissement intellectuel et à l'excellence scolaire des
enfants par l'intermédiaire de l'action sociale et des suivis scolaires. Plus spécifiquement,
elles s'assurent que les élèves exécutent leurs travaux scolaires et qu'ils assistent aux
cours quotidiennement. Lorsqu'elles témoignent de l'absence d'un élève, les mères
éducatrices à Siéna et Koumbili communiquent avec les autorités scolaires en place et les
parents de l'enfant pour déterminer la source du problème et pour éviter toute récurrence.
« Dans le cas des suivis, si elles sont bien organisées et bien mobilisées au sein d'une
école, elles sont renseignées sur les différents mouvements des élèves à l'école »
(Entretien semi-dirigé 8, communication personnelle, intervenante 1, 3 novembre 2008).
Ceci est important puisque les mères éducatrices souhaitent un jour voir les élèves
poursuivre des études de plus haut niveau (Entretien semi-dirigé 3, communication
63
personnelle, 18 octobre 2008). Elles constatent qu'à partir du moment où les enfants sont
scolarisés, ils possèdent les outils nécessaires pour poursuivre des ambitions qui
s'appuient sur la participation équitable des hommes et des femmes et sur la
responsabilisation des collectivités locales.
L'aspect genre chez vous au Canada c'est un thème chaud. Ici également c'est comme ça.
Chez nous en Afrique on dit que quand un homme est bien, c'est parce que sa femme est
bien. Et quand on éduque une fille, on éduque une nation (Entretien semi-dirigé 9,
communication personnelle, intervenante 1, 21 novembre 2008).
64
l'hygiène. Lors de l'AG, l'AME à Siéna organise également des sessions de
sensibilisation complémentaires et fait intervenir des professionnels du domaine de la
santé, dont des infirmières. Il s'agit d'« un appui à la sensibilisation » dans le cadre
duquel l'Association et ses partenaires organisent des groupes de discussion qui portent
sur des thématiques liées à la santé qui pourraient intéresser les femmes (Entretien semi-
dirigé 9, communication personnelle, intervenant 1,21 novembre 2008). Les infirmières
appuient ces initiatives en effectuant des suivis auprès des femmes enceintes et en pesant
les jeunes enfants (Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, intervenant 1, 21
novembre 2008).
Notons que l'alimentation des mères éducatrices à Siéna s'est améliorée grâce à la
qualité et la variété des légumes en vente sur le marché local à l'heure actuelle. Il y a 15
L'AME s'occupe par la suite de vanner le mil et de l'entreposer dans le magasin de l'école.
Produit fait à partir de graines de néré transformées et qui constitue une importante source de potassium.
65
ans, les femmes dépendaient beaucoup sur la potasse pour améliorer leur apport
nutritionnel. Elles entassaient, brûlaient et faisaient bouillir les tiges de mil pour produire
cette eau fortifiée qu'elles ajoutent typiquement aux sauces. Or, depuis que les femmes se
sont jointes à l'Association, on constate que les familles s'alimentent généralement
mieux. «[...] Les 15 années passées [...] comme y'avait pas l'AME, les femmes ne
faisaient pas le maraîchage. Elles faisaient ça peut-être individuellement au niveau de
leurs cases. Mais aujourd'hui, le fait que c'est vraiment pratiqué, ça permet d'avoir des
légumes » (Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, 21 novembre 2008).
L'AME à Siéna mène des activités de maraîchage dans son jardin collectif.
Pendant la saison sèche, les mères éducatrices sèment des produits tels la tomate, le chou,
l'oignon, l'aubergine, la laitue, le mil et le piment. Certains de ces vivres qui proviennent
du jardin collectif sont ensuite écoulés par les femmes sur le marché local, ils constituent
une source de revenus pour l'Association et ils nourrissent les élèves. Les mères
éducatrices à Siéna « travaillent dans le jardin. Elles récoltent, elles vendent puisqu'il y a
certains produits qu'on ne peut pas conserver. Donc elles sont obligées d'écouler.
Maintenant quand elles écoulent, elles ont un revenu. Et ce revenu-là, il appuie l'école »
puisqu'il permet aux mères éducatrices d'acheter certaines fournitures scolaires
(Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, intervenant 1, 21 novembre 2008).
En 2007, l'AME avait équipé sa cantine endogène d'une marmite et d'un plat pour la
préparation du couscous (Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle,
intervenant 1,21 novembre 2008).
Bien que l'AME à Koumbili, contrairement à l'AME à Siéna, n'ait pas participé
au marché sur une base collective en 2008, elle a néanmoins stimulé l'intérêt des femmes
pour la commercialisation locale. En effet, leur participation individuelle au marché a
augmenté durant les dernières années (Entretien semi-dirigé 3, communication
personnelle, 18 octobre 2008). L'AME valorise le marché local et encourage la
participation des femmes pour différentes raisons. Dans un premier temps, le marché
revêt un intérêt communautaire puisqu'il permet aux femmes de se tenir au courant des
activités sociales et des événements publics tels les naissances, les décès et les mariages.
66
« Si on reste à la maison, on ne va pas savoir que notre présidente est morte » (Entretien
semi-dirigé 3, communication personnelle, 18 octobre 2008). Dans un deuxième temps,
la participation des femmes au marché leur permet d'avoir un revenu pour acheter les
condiments nécessaires pour améliorer ou diversifier leurs repas et leurs sauces. « Si on
reste à la maison, on n'aurait pas 25 francs CFA. Si on ne part pas au marché, on ne va
pas faire de la bonne sauce » (Entretien semi-dirigé 3, communication personnelle, 18
octobre 2008). Or, si les activités de maraîchage qui s'effectuent dans le cadre de l'AME
à Koumbili et l'AME à Siéna sont parvenues à améliorer la qualité et la variété des
produits disponibles, dont le chou, les quantités de légumes disponibles ont toutefois été
réduites durant les dernières années en raison des sécheresses (Entretien semi-dirigé 9,
communication personnelle, 21 novembre 2008).
Au marché, les échanges sont vraiment bons [...] Par exemple [...] vous pouvez vous
demander : « Ah, comment vous avez fait pour avoir un chou comme ça. » [...] Quand tu
es à la maison, tu peux profiter de ces informations là pour travailler [...] Ça peut aussi
vous aider (Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, 21 novembre 2008).
Grâce à la sensibilisation et aux échanges qui s'effectuent entre femmes, les mères
éducatrices à Siéna tirent avantage des opportunités qui se présentent pour améliorer le
bien-être socioéconomique de leur famille. « Par exemple si tu fais le maraîchage, la
67
famille consomme et vous vendez pour faire un peu de revenus pour faire face à d'autres
besoins. C'est ça qui les pousse à aimer l'Association » (Entretien semi-dirigé 9,
communication personnelle, intervenant 1, 21 novembre 2008).
5.2.1 Contextes
5.2.1.1 Pô
La division du travail entre les hommes et les femmes dans le village s'effectue
comme suit. Pendant la saison des pluies, les hommes s'investissent dans leurs champs.
Pendant la saison sèche, au moment où les activités agricoles sont au ralenti, ils migrent
vers la province voisine du Ghana afin de se trouver du travail. Le mouvement migratoire
saisonnier des hommes a cependant peu d'impact sur les activités des femmes. Durant
leur absence, ces dernières s'investissent davantage dans leurs activités autonomes de
68
production et de commercialisation du beurre et du savon de karité. Notons qu'à moins
de faire parties d'une association, les femmes ne disposent d'aucun droit foncier. Ce sont
les hommes qui octroient aux femmes les parcelles de terres nécessaires pour poursuivre
leurs activités économiques individuelles (Entretien semi-dirigé 5, communication
personnelle, 20 octobre 2008).
Les arbres de karité sont également menacés par la coupe de bois abusive, la production du charbon et
l'industrie du coton dans la région (Entretien semi-dirigé 5, communication personnelle, 20 octobre 2008).
69
5.2.1.2 Toma
70
L'industrie du coton, en plus d'être une activité de substitution, constitue l'un des
secteurs stratégiques de l'État, notamment pour son potentiel d'exportation et pour les
devises étrangères qu'elle fait entrer au pays. Ce faisant, certains individus habitant la
ville de Toma sont contraints à s'investir dans la production d'une telle ressource.
Quoiqu'un bon nombre d'entre eux s'entendent pour dire que « le coton habille une
famille » (Entretien semi-dirigé 11, communication personnelle, intervenante 1, 22
novembre 2008), nombreux sont ceux qui perçoivent également les menaces d'une telle
industrie. Depuis que les pénuries d'eau font ravage et que le phénomène de
désertification s'amplifie, l'industrie du coton subit une popularité décroissante. Étant
confrontées à des dilemmes de survie et de conservation des ressources naturelles,
nombreuses sont les populations qui conçoivent difficilement l'abandon de leurs cultures
vivrières au profit du coton (Entretien semi-dirigé 11, communication personnelle, 22
novembre 2008). Or, en dépit de cette opposition croissante, l'État continue à favoriser
ses quotas de production. Les facteurs stratégiques liés à la détérioration de
l'environnement sont ainsi mis en évidence.
Si on fait notre champ d'arachides, comme y'a pas la pluie, la sécheresse a fait un impact
sur nos arachides. Est-ce qu'on va cultiver la terre sèche, ou bien va aller semer
l'arachide dans une terre qui est sèche? Donc ça a un impact (Entretien semi-dirigé 11,
communication personnelle, intervenante 1, 22 novembre 2008).
De plus, la diminution des ressources en eau limite l'approvisionnement des familles et
crée des conflits entre les femmes qui habitent les différents secteurs de la ville. Ces
dernières sont tenues à marcher en moyenne 2 km par jour pour accéder aux puits qui
parfois sont dépourvus d'eau. Finalement, notons que les sécheresses aggravées par la
déforestation sont responsables pour les feux de brousse qui engendrent à leur tour la
destruction des arbres de karité et de néré. Ces arbres fruitiers, en l'occurrence le karité,
sont pourtant indispensables à plusieurs activités féminines et jouent un rôle vital dans
l'économie locale ; d'où la complexité des enjeux actuels (Entretien semi-dirigé 11,
communication personnelle, 22 novembre 2008).
71
5.2.2 Spécificités de l'Association Di San Daani, de la Fédération provinciale des
productrices de beurre de karité et du Groupement féminin Konkudoè
5.2.2.1 Historique
L'Association Di San Daani est une association de femmes à but non lucratif.
Sans agrément, elle a une ancienneté de 24 ans. Le ministère de l'Administration
territoriale et de la Décentralisation (MATD) lui accorda son statut officiel d'association
le 15 mars 1998 (Association Di San Daani, brochure officielle de l'association). Les
principes de collaboration et d'entraide étant au cœur de ses initiatives de développement
local, on lui donna le nom « Di San Daani » qui signifie « entraide » en Kassem
(Association Di San Daani, brochure officielle de l'association). Au moment de sa
création, l'Association comptait 75 membres. Depuis 2008, elle en compte plus de 100.
L'Association étant de nature apolitique, ses adhérentes sont de religions et de cultures
différentes (Association Di San Daani, brochure officielle de l'association).
Enfin, le Groupement féminin Konkudoè fut mis en place le 15 avril 1999. Il fut
créé à partir d'une initiative collective de femmes dont l'objectif était de répondre aux
besoins fondamentaux des populations les plus démunies par le biais d'activités de
développement locales. Le Groupement comptait plus de 70 adhérentes à l'automne
19
« Les GVF [...] sont les manifestations organisationnelles et symboliques des projets de développement
provenant de l'extérieur. Le milieu social est donc le siège (d'une) dynamique sociale interne et (d'une)
dynamique sociale externe. La dynamique sociale interne est définie par les structures traditionnelles des
Mossis, à savoir les rapports sociaux fondamentaux [...] la configuration socio-ethnique, les pratiques
associatives, les types de solidarité selon le genre et l'âge, etc. La dynamique sociale externe est définie par
les interventions coloniales [...] qui [...] sont devenues les institutions de planification et de
développement des Etats post-coloniaux » (Assogba, 2004, p.9).
72
2008. Le nombre d'admissions au groupement ne cesse d'augmenter depuis sa création il
y a 11 ans déjà. Bien qu'il soit formel, il n'avait pas encore reçu son statut d'association
en 2008, soit au moment de nos entretiens (Entretien semi-dirigé 11, communication
personnelle, intervenante 1, 22 novembre 2008).
5.2.2.2 Fonctionnement
Les objectifs des trois Associations diffèrent les uns des autres. Cependant, leur
mandat est essentiellement le même : recourir à l'entraide et à la solidarité pour
développer des initiatives qui ont pour but de promouvoir le bien-être des collectivités et
pour nourrir le sentiment d'épanouissement féminin. Les objectifs de l'Association Di
San Daani se rapportent aux thématiques suivantes : la gestion et la protection des
ressources naturelles, la promotion de l'éducation, de l'alphabétisation et de la santé des
femmes et des enfants (notamment la prévention de maladies telles le VIH/SIDA et les
infections sexuellement transmises), la promotion des droits des femmes et des enfants en
recourant à des textes de sensibilisation appropriés, la participation des femmes aux AGR
dans leur collectivité et l'accompagnement des femmes sur le terrain, notamment par
l'entremise de suivis réguliers (Association Di San Daani, brochure officielle de
l'association). Pour ce qui en est de la Fédération provinciale des productrices de beurre
de karité, ses objectifs de développement et de promotion de la femme se réalisent par
l'intermédiaire d'activités de production et de commercialisation de produits de karité
tels le beurre et le savon. De son côté, le Groupement féminin Konkudoè se concentre
dans des activités de commercialisation de céréales et de protection de l'environnement.
Il s'investit également dans la recherche de prêts financiers collectifs et individuels pour
permettre aux femmes de mener de telles activités avec plus de sécurité (Groupement
féminin Konkudoè, 1999).
Chacune des trois Associations dispose d'un bureau. Ce dernier a pour but de
gérer les activités entreprises par l'association en question et donc de veiller à son bon
fonctionnement. Le bureau de l'Association Di San Daani est composé d'une présidente,
d'une vice-présidente, d'une secrétaire générale adjointe, d'une trésorière, d'une
trésorière adjointe, d'une secrétaire chargée des relations extérieures et d'une secrétaire à
l'information (Association Di San Daani, brochure officielle de l'association). Ce sont les
73
membres du bureau qui sont responsables d'assigner les responsabilités à chacune des
membres de l'Association Di San Daani dans le cadre d'interventions qui répondent aux
objectifs spécifiques de l'Association. Les activités de production et de
commercialisation du karité des membres de la Fédération provinciale des productrices
de beurre de karité sont gérées par les membres du bureau également. Ces membres ont
suivi une formation en gestion administrative et sont élues par un processus de vote
démocratique lors de l'AG (Entretien semi-dirigé 5, communication personnelle, 20
octobre 2008). C'est la présidente de la Fédération qui coordonne néanmoins les activités
des productrices et qui effectue les suivis auprès d'elles afin de maximiser les retombées
économiques et d'obtenir les résultats escomptés (Entretien semi-dirigé 5,
communication personnelle, 20 octobre 2008). Grâce aux formations et aux cours
d'alphabétisation en langue locale qui sont offerts par la Fédération, les productrices
détiennent les outils requis pour répondre aux attentes de la Fédération. Le Groupement
féminin Konkudoè est également muni d'une gestion administrative chargée de
coordonner ses activités. Son bureau comprend quatre membres responsables : une
présidente, une vice-présidente, une secrétaire et une trésorière. Le mandat de chacune
d'elles est de trois ans et il n'est renouvelable qu'une fois seulement (Entretien semi-
dirigé 11, communication personnelle, 22 novembre 2008). Seule la présidente peut
assigner les responsabilités aux femmes en fonction des objectifs du Groupement et de
leurs compétences individuelles et collectives.
Dans le bureau on a la présidente et la secrétaire [...] Si on donne une tâche, c'est votre
tâche. Chaque fois qu'il y a du poisson à fumer ou le jardin à entretenir, on la donne à
cette femme. Mais si c'est pour cultiver le champ de l'association, ça, c'est tout le monde
(Entretien semi-dirigé 1, communication personnelle, 17 octobre 2008).
74
De son côté, la Fédération provinciale des productrices de beurre de karité organise des
rencontres mensuelles pour les membres du bureau de l'Union. Elle organise également
une AG annuelle au mois de juillet, lors de la saison de la collecte et du stockage des
amandes de karité. Puisque chaque productrice fait partie d'un GVF et que ce GVF est
représenté à l'AG, la représentativité des productrices est assurée à l'occasion de chaque
rencontre lors d'un processus délibératif. La Fédération lance sa campagne annuelle lors
de l'AG (Entretien semi-dirigé 5, communication personnelle, 20 octobre 2008). Enfin,
tout comme la Fédération, les membres du Groupement féminin Konkudoè se
rassemblent une fois par mois, soit le dernier samedi du mois, pour partager leurs
expériences et pour discuter du rendement de leurs activités. L'article 11 du Règlement
intérieur du groupement cite les droits suivants :
Participer aux Assemblées générales et voter sur un pied d'égalité avec les autres
adhérents ; élire et être élu; être informé par le bureau sur la situation économique et
financière du Groupement; faire convoquer une Assemblée générale extraordinaire si cela
est de l'avis d'au moins un tiers des adhérents ; demander un contrôle externe dont il
assurera les frais au cas où le résultat révèle le non fondé de la demande ; recevoir sa part
d'excédent ; utiliser les services du Groupement sur un pied d'égalité avec les autres
adhérents ; recevoir ses contributions au capital social libérées, augmentées des intérêts et
ristournes le tout réduit des pertes subies s'il y a lieu (Groupement féminin Konkudoè,
1999, p.2).
La mise en œuvre des activités des trois Associations de femmes dépend des
cotisations mensuelles des membres et des revenus collectifs. Chez l'Association Di San
Daani, chaque femme est appelée à cotiser 100 francs CFA/mois. Ces cotisations sont
versées dans un fonds commun qui sert à octroyer certains prêts et à payer les dépenses
de l'association (Entretien semi-dirigé 1, communication personnelle, 17 octobre 2008).
Les cotisations de la Fédération provinciale des productrices de beurre de karité sont
versées à trois niveaux. D'abord, au niveau des GVF, les productrices sont appelées à
contribuer à un fonds de roulement. Ce dernier permet à la Fédération d'ouvrir un compte
en banque et d'avoir accès à des crédits pour financer ses activités. Le principe du fonds
de roulement est le suivant. Si la Fédération s'avère soudainement incapable de
rembourser ses prêts à la caisse, la caisse peut prendre le fonds de roulement qui se
75
retrouve dans le compte de la Fédération. Il s'agit donc plus précisément d'un filet de
sécurité pour les banques, ce qui facilite l'octroi de prêts aux associations (Entretien
semi-dirigé 5, communication personnelle, 20 octobre 2008). Deuxièmement, les
productrices s'engagent à remettre 2500 francs CFA au GVF qui, en retour, remet 15 000
francs CFA (une fois seulement) à l'Union de la Fédération afin d'assurer son adhésion à
cette dernière. Finalement, le GVF s'engage à payer une cotisation de 5000 francs
CFA/année à la Fédération. Le Groupement féminin Konkudoè, pour sa part, n'exige
aucune cotisation. Une part des profits collectifs en provenance des activités de petit
commerce sert à fournir une assistance sociale aux femmes et l'autre part revient
directement au Groupement pour financer d'autres activités de commercialisation et de
protection de l'environnement. Chez la Fédération provinciale des productrices de beurre
de karité, la distribution des revenus s'effectue de façon équitable. Une part des revenus
revient directement à la Fédération à titre collectif et l'autre part est répartie entre
chacune des productrices à titre individuel sans traitement préférentiel. L'argent qui
revient à la Fédération sert à défrayer les coûts de déplacement des membres de l'Union
et à financer les activités qui s'effectuent dans le cadre de la Fédération (Entretien semi-
dirigé 5, communication personnelle, 20 octobre 2008).
76
également offert des formations de culture du coton, de jardinage et de barattage du
beurre de karité (Entretien semi-dirigé 2, communication personnelle, 4 novembre 2008).
Le bureau de l'Association sélectionne les femmes les plus douées, soit cinq femmes
parmi chaque groupe, dans une activité donnée. Enfin, l'Association Di San Daani donne
des cours d'alphabétisation obligatoires en langue locale, elle anime des sessions de
sensibilisation sanitaire maternelle et infantile (Entretien semi-dirigé 1, communication
personnelle, 17 octobre 2008) et elle offre un appui financier aux femmes afin qu'elles
puissent s'investir davantage dans leurs AGR (Association Di San Daani, brochure
officielle de l'association). Nous constatons que de telles opportunités d'apprentissage
contribuent à l'épanouissement individuel et collectif des femmes. En plus de mener des
activités de maraîchage au sein du jardin collectif de l'Association, les membres ont
l'occasion de s'investir dans la commercialisation de céréales et des amandes de karité.
Les femmes participent également à la construction d'une salle d'accouchement
villageoise et d'un magasin pour entreposer les céréales (Association Di San Daani,
brochure officielle de l'Association).
77
dans leur champ collectif en brousse. Pendant la saison sèche, elles s'investissent
davantage dans des activités de petit commerce. Au marché, les femmes vendent des
produits tels du dolo, des arachides et des céréales qu'elles cultivent dans le champ
collectif du Groupement, de la pâte d'arachide et du soumbala. En effet, bien que le
Groupement se spécialise dans la commercialisation des arachides et de la pâte
d'arachide, son champ collectif lui permet également de semer et de cultiver des céréales,
des arbres de néré, ainsi que quelques légumes pendant la saison des pluies. Notons
cependant que puisque les pluies sont moins abondantes qu'auparavant et que les sols
sont plus secs par conséquent, les femmes éprouvent de la difficulté à faire pousser
certains produits. Les rendements de mil, d'arachides et d'amandes de karité étant plus
faibles, les revenus des femmes diminuent de pair avec la multiplication des enjeux
environnementaux contemporains (Entretien 11, communication personnelle, 22
novembre 2008).
78
ou superviseure au sein de la Fédération. Afin de jouir de telles opportunités
enrichissantes, les productrices doivent également faire preuve d'un esprit d'équipe sans
pareil. Ce sont les membres de la fédération qui sélectionnent elles-mêmes ces
animatrices et ces superviseures (Entretien semi-dirigé 5, communication personnelle, 20
octobre 2008).
79
Il y a quelques années déjà, l'Association Di San Daani s'était engagée dans une
lutte incessante contre la désertification et ses enjeux connexes. À l'époque où elle
disposait d'un jardin potager fonctionnel, les membres de l'Association utilisaient du
fumier organique pour fertiliser le sol. Le jardin faisait pousser des haricots, du mais, du
mil, du soja, des arachides, des pois de terre, de l'oseille, du sésame et des piments
(Entretien semi-dirigé 1, communication personnelle, 17 octobre 2008).
Au niveau de la zone de réserve là, c'est pour ne pas tout couper [...] Puisque si on laisse
ça, en moins de deux ans là, ils vont détruire tout [...] Y'a des animaux, les enfants ne
connaîtront même pas certains animaux (Entretien semi-dirigé 2, communication
personnelle, 4 novembre 2008).
Dans le cadre de ce projet de réserve, l'Association Di San Daani s'est investie dans un
important travail de sensibilisation qui encourage les populations à protéger les
ressources naturelles se retrouvant à l'extérieur et à l'intérieur des propriétés familiales.
Et puis on voit aussi de temps en temps qu'au niveau des concessions là, les gens essaient
de planter des arbres. Par exemple les manguiers [...] En 1990, y'avait qu'un seul
manguier [...] au bout du village. Donc avec la sensibilisation et autres là, avec les
sorties, leurs rencontres, on voit une différence (Entretien semi-dirigé 2, communication
personnelle, 4 novembre 2008).
Pendant la saison pluvieuse, il y a un peu de l'eau partout. Mais souvent pendant la saison
sèche, ce n'est pas suffisant donc il faut parcourir 4 à 5 km pour aller aux puits des Peuls
et aux bas-fonds. Il n'y a pas beaucoup d'eau du tout (Entretien semi-dirigé 1,
communication personnelle, 17 octobre 2008).
80
l'Association Di San Daani ont ramassé le sable et le gravier nécessaires pour bâtir cette
infrastructure.
81
compagnies pour la vente de produits sur les marchés internationaux (Entretien semi-
dirigé 5, communication personnelle, 20 octobre 2008).
Céréale de mil.
82
d'arachides. Ces prêts peuvent aider aux femmes à défrayer les coûts liés à la
scolarisation de leurs enfants dans les cas échéants.
83
(MDM), parvient à sensibiliser les femmes qui sont atteintes de la maladie VIH/SIDA. Ce
travail de sensibilisation s'effectue d'abord lors des cours d'alphabétisation qui sont
offerts par la Fédération et il se poursuit au sein des GVF. Dans le cadre de ces
sensibilisations, l'organisation MDM offre des tests de dépistage du VIH/SIDA et donne
un appui technique et moral aux femmes qui sont déjà atteintes de la maladie en
sollicitant d'autres spécialistes du domaine de la santé, dont les infirmières.
L'organisation, en plus de distribuer des antirétroviraux (ARV) aux femmes, passe
également certains examens et effectue les suivis nécessaires auprès des productrices
enceintes. Elle s'occupe de leur dossier personnel jusqu'à ce qu'elles accouchent
(Entretien semi-dirigé 5, communication personnelle, 20 octobre 2008).
84
Chaque membre de l'Association Di San Daani doit suivre des cours
d'alphabétisation en langues locales. À l'occasion de ces cours, les femmes apprennent à
lire, à écrire et à compter.
Kofi Annan disait que l'éducation est la base de tout développement. Donc nous on s'est
dit que tant que nos membres seront toujours illettrés, tant que nos membres ne seront pas
formées, on a beau multiplier le financement, on a beau multiplier les actions, mais sans
alphabétisation, elles ne pourront jamais prendre conscience [...] Comme il y a
maintenant une école dans le village, cette génération-là, quand ils vont aller au collège,
quand ils vont aller à l'université, quand ils vont revenir, je pense qu'eux même ils vont
commencer à sensibiliser leurs parents, leurs frères ou ceux qui n'ont pas eu la chance
d'aller à l'école (Entretien semi-dirigé 2, communication personnelle, 4 novembre 2008).
En effet, l'alphabétisation transforme peu à peu la vie des femmes. Par exemple, depuis
qu'elles ont appris à lire et à compter, elles suivent des formations en séchage de poisson
offertes par l'Association Di San Daani en collaboration avec le MECV. Ces formations
montrent aux femmes comment peser et additionner les quantités de poisson qu'elles
vendent au marché. Les formations leur partagent également certaines techniques de
jardinage, de plantation d'arbres et de production de beurre de karité. Les membres de
l'Association profitent ainsi des opportunités qui se présentent à elles et qui, ultimement,
contribuent à améliorer leurs compétences en matière de production et de
commercialisation. Leur maîtrise de nouveaux outils ou techniques contribue
parallèlement à améliorer les revenus collectifs de l'Association (Entretien semi-dirigé 1,
communication personnelle, 17 octobre 2008).
85
beurre de karité, le soumbala, le tamarinier , les céréales, les amandes de karité et le
poisson. Les populations rurales ayant l'habitude de consommer du tô, de l'haricot, du
gombo, de l'oseille, des feuilles de baobab et du boulvaka23 régulièrement, le marché
local permet aux femmes de vendre et de consommer une meilleure variété de légumes et
de céréales afin de diversifier leurs repas (Entretien semi-dirigé 1, communication
personnelle, 17 octobre 2008).
Bien que la vente de produits locaux s'effectue sur une base individuelle plutôt
que sur une base collective, l'Association s'engage dans un important travail de
sensibilisation avec ses membres. Ces sensibilisations ont pour but de promouvoir les
nombreux avantages socioéconomiques que peut offrir le marché.
L'Association invite ainsi les femmes à célébrer leur autonomie dans un climat de
partage et d'entraide unique.
Viande sauvage.
86
il contribue à augmenter les revenus des femmes dans le cadre de leurs activités
collectives de commercialisation. Chaque membre du Groupement vend ses produits au
nom du Groupement et les profits qui sont tirés sont ensuite distribués équitablement
entre chacune des membres. Ces dernières disposant dès lors d'un petit revenu
supplémentaire, elles peuvent approvisionner leur foyer familial (Entretien semi-dirigé
11, communication personnelle, intervenante 1, 22 novembre 2008).
87
certaine autosuffisance économique. Au fil des années, le niveau de compétitivité de
l'activité et la disponibilité d'emplois pour les femmes dépendent largement de la
capacité de la Fédération à conquérir les marchés locaux, régionaux, nationaux et
internationaux. La Fédération s'est ainsi donnée comme objectif d'augmenter
progressivement la quantité de beurre de karité produite. Dans cette optique de
productivité, la Fédération a livré 8 tonnes de beune de karité à un client américain en
automne 2008. Or, si le marché international s'avère beaucoup plus rentable pour la
Fédération, il est également beaucoup plus compétitif et donc très difficile à pénétrer.
Ainsi, la Fédération est constamment à la recherche de nouveaux débouchés
économiques, d'où son intérêt pour le beurre de karité biologique.
88
CHAPITRE VI
89
Quant à leurs contributions socioculturelles, l'AME à Koumbili, l'AME à Siéna et
la Fédération provinciale des productrices de beune de karité promeuvent d'abord
l'éducation des enfants et plus particulièrement celle des fillettes. L'AME à Koumbili,
l'AME à Siéna, l'Association Di San Daani et le Groupement féminin Konkudoè
contribuent également à améliorer la santé et la nutrition des populations. Ces
Associations de femmes se lancent dans des activités de maraîchage et elles stimulent la
participation des femmes au marché. Les revenus des AGR permettent d'acheter de
meilleurs produits. De surcroît, le jardin collectif de l'AME à Siéna représente une
activité fonctionnelle qui a pour but de subvenir aux besoins alimentaires immédiats des
familles, de nourrir les élèves et de soutenir le marché local de Siéna. L'AME à Siéna,
l'Association Di San Daani et le Groupement féminin Konkoduè améliorent la santé de
leurs membres par l'entremise des sensibilisations qui portent sur la transmission et la
prévention du VIH/SIDA et du paludisme. Pour l'AME à Siéna, ces sensibilisations
s'effectuent dans le cadre des cours d'alphabétisation offerts par l'Association. Le
Groupement féminin Konkudoè anime également des sessions d'information qui portent
sur le jardinage et la préparation des repas. Notons que l'AME à Koumbili, l'AME à
Siéna et la Fédération provinciale des productrices de beune de karité font de l'action
sociale. Elles s'engagent dans un travail important de valorisation des femmes et de
reconnaissance de leurs contributions à la promotion du DD, notamment en se déplaçant
dans les villages voisins pour promouvoir l'importance de l'éducation pour le
développement. Enfin, l'Association Di San Daani et la Fédération provinciale des
productrices de beune de karité offrent des cours d'alphabétisation. Pour l'Association,
ces cours servent de porte d'entrée à des formations variées qui s'offrent aux femmes.
90
commercialisation de produits, notamment dans des activités de maraîchage et de séchage
de poisson qui ravitaillent le marché local et qui augmentent les revenus collectifs et
individuels. L'AME à Siéna mobilise les petits crédits nécessaires pour ces activités de
petit commerce. De leur côté, l'AME à Koumbili et la Fédération provinciale des
productrices de beurre de karité tentent de pallier le manque de financement auquel sont
confrontées les femmes. L'AME à Koumbili offre des prêts aux mères éducatrices qui
souhaitent s'investir davantage dans les activités de commercialisation alors que la
fédération facilite l'accès des productrices aux microcrédits. Enfin, en plus d'améliorer
les revenus des productrices, la Fédération provinciale des productrices de beune de
karité est active au niveau du renforcement des capacités des femmes, des formations et
de la création d'emplois. Une fois alphabétisées, les productrices ont l'occasion
d'occuper un poste en tant qu'animatrices ou superviseuses au sein de la Fédération.
Après avoir extrait les contributions des Associations de femmes, nous voulions
déterminer si ces contributions ont occasionné des changements environnementaux,
socioculturels et économiques dans les communautés concernées. Nous constatons que
les Associations de femmes parviennent, bien qu'à petite échelle, à améliorer
progressivement le bien-être individuel et collectif des populations locales. Elles y
parviennent par l'entremise de l'instrumentalisation de principes clés tels la participation,
la responsabilisation, l'épanouissement et l'action sociale. Les profits qui sont générés
par les Associations de femmes sont sans doute trop limités jusqu'à présent pour servir
d'investissements collectifs pour la mise en place de nouvelles infrastructures sociales
(écoles, dispensaires, etc.). Néanmoins, les revenus collectifs reviennent présentement
aux membres sous forme de prêts ou d'emprunts. Ce faisant, les Associations de femmes
subviennent aux besoins alimentaires de leurs membres et contribuent à améliorer leur
état de santé. Les revenus collectifs peuvent également servir à l'achat de matériaux et
d'outils et à financer les déplacements des membres. Enfin, les Associations de femmes
cherchent à s'approprier une nouvelle voie de développement qui leur permettra de
participer à la construction de leur identité en tant que femmes et auteures autonomes de
leur émancipation.
91
6.2 Comparaison des associations de femmes à partir d'éléments organisationnels et
institutionnels de fonctionnement
92
variées aux femmes. Le gouvernement burkinabé considère les partenariats comme étant
un moyen efficace pour stimuler un développement local dans un contexte de
décentralisation. En ce sens, les partenariats entre acteurs formels/informels et
étatiques/non étatiques auraient pour but de donner des recommandations aux
associations de femmes et de contribuer à la création de réseaux solidaires qui s'appuient
sur « un système à base communiquant » (Entretien semi-dirigé 6, communication
personnelle, 27 octobre 2008). Enfin, l'accès aux formations encourage l'épanouissement
individuel et collectif de la femme en lui permettant de perfectionner ses habiletés
personnelles et en favorisant la capitalisation des AGR (Entretien semi-dirigé 6,
communication personnelle, 27 octobre 2008). Bref, ces quatre éléments contribuent à
l'instrumentalisation du DD en mettant les femmes au centre de l'action. Nous insistons
davantage sur la façon dont les rapports, les partenariats et les réseaux de concertation
influencent l'organisation, l'exécution et la pérennisation des activités des associations de
femmes. La Fédération provinciale des productrices de beune de karité est un cas
exemplaire de l'importance des partenariats. La Fédération réussit à diversifier ses
marchés et ses domaines d'activités, à augmenter sa marge de profits et à améliorer les
conditions de vie des productrices en participant à la création d'un marché local fort.
93
village. Cette jonction entre ces entités favorise l'harmonisation de leurs différentes
approches au développement dans un contexte d'appui, de partage et de synergie de
l'action (Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, intervenant 1,21 novembre
2008). En tant que conseillers et interprètes pour les mères éducatrices, les enseignants
facilitent la communication et la mise en place d'activités de réseautage entre les
différents membres de la communauté. Ils expriment l'importance des projets associatifs
féminins aux collectivités locales et ils facilitent la mise sur pied de projets qui répondent
aux intérêts collectifs et féminins (Entretien semi-dirigé 3, communication personnelle,
18 octobre 2008).
L'AME à Koumbili et l'AME à Siéna ont bénéficié d'un appui financier soutenu
de la part du projet GEBC : 2005-2010-ACDI-AUCC-PUCD. Le projet, en plus d'avoir
fait un don de bicyclettes pour faciliter les déplacements des mères éducatrices entre les
différentes localités, a collecté des fonds pour la promotion de l'éducation et les activités
de sensibilisation dans le village (Entretien semi-dirigé 9, communication personnelle, 21
novembre 2008). De plus, grâce à leurs liens avec les membres du projet GEBC : 2005-
2010-ACDI-AUCC-PUCD, l'AME à Koumbili et l'AME à Siéna sont actives sur le plan
de la sensibilisation à l'environnement dans les écoles (PPUCD, 2004). L'AME à
Koumbili entretien un deuxième partenariat avec le Ranch de Nazinga qui constitue une
zone de tourisme et de chasse sportive et qui couvre 40 % du tenitoire de Koumbili
(Ouattara et al, 2008). Le ranch a financé la construction de la cuisine scolaire à
Koumbili et il a envoyé du riz, des cubes de bouillon Maggi et de l'huile pour
approvisionner la cantine scolaire (Entretien semi-dirigé 3, communication personnelle,
18 octobre 2008). Enfin, l'AME à Siéna reçoit l'appui de professionnels de la santé qui
sont recrutés par le ministère de la Santé. Ces professionnels en question collaborent avec
l'AME à Siéna pour animer des sessions de sensibilisation à la santé une fois par année,
soit à l'occasion de l'AG.
94
commercialisation avec l'Association Song-Taaba qui lui fournissait des amandes de
karité à des fins de vente (Entretien semi-dirigé 2, communication personnelle, 4
novembre 2008). De surcroît, en plus de bénéficier de sa proximité à l'AME à Koumbili,
l'Association Di San Daani profite de l'appui de trois partenaires à la coopération et au
développement, soit le Fonds pour l'environnement mondial (FEM), le projet GEBC :
2005-2010-ACDI-AUCC-PUCD et le MECV (Entretien semi-dirigé 1, communication
personnelle, 17 octobre 2008). Aucune précision n'a été apportée quant à la nature des
contributions du FEM auprès de l'Association Di San Daani. Pour leur part, le projet
GEBC : 2005-2010-ACDI-AUCC-PUCD a soutenu par une contribution financière d'un
an l'augmentation du nombre de fillettes qui fréquentaient l'école de Koumbili alors que
le MECV collabore davantage au niveau des formations offertes aux membres de
l'Association (Entretien semi-dirigé 1, communication personnelle, 17 octobre 2008).
25
L'HEKS-EPER a obtenu son titre de fondation en 2004, bien qu'elle fut fondée par la Fédération des
églises protestantes de Suisse (FEPS) en 1946.
26
Deux des cinq communes de la province du Nahouri.
95
burkinabé en 2002 pour soutenir les projets qui sont créés dans le cadre du Plan décennal
de développement de l'éducation de base (PDDEB) (Direction du développement et de
la coopération (DDC), http://www.cooperation-
suisse.admin.ch/burkinafaso/fr/Accueil/Les_Programmes_en_cours/Education_de_base_
et_formation/Fonds_pour_l_Alphabetisation_et_l_Education_Non_Formelle_FONAEN,
site consulté le 3 décembre 2009). Troisièmement, la Fédération provinciale des
productrices de beurre de karité contribue à améliorer l'alimentation et la santé des
productrices grâce à l'appui généreux de la Caisse populaire. Cette dernière octroie des
petits crédits aux productrices qui leur permettent de travailler, de générer un revenu et de
s'acheter les produits et les aliments nécessaires pour subvenir à leurs besoins quotidiens.
Dans certains cas, les crédits alloués permettent également aux femmes de défrayer les
coûts de scolarisation de leurs enfants. Les bénéficiaires sont tenues à rembourser les
prêts selon les modalités établies par l'institution financière. Enfin, l'organisation MDM
a aidé la Fédération provinciale des productrices de beune de karité à développer un
nouveau volet d'alphabétisation. Ce volet inclut des thématiques qui portent sur la santé
et l'hygiène (Entretien semi-dirigé 5, communication personnelle, 20 octobre 2008).
Cette politique ayant été élaborée pour améliorer le système d'éducation de base au Burkina Faso, elle
s'appuie sur les principes du développement participatif et harmonise les actions d'intervenants locaux et
internationaux (MEBA, http://www.meba.gov.bf/SiteMeba/plans/pddeb.html, site consulté le 9 juillet
2010).
96
ce faire, il devrait collecter le fumier à l'aide de chanettes pendant la saison pluvieuse.
Or, le Groupement ne dispose pas des outils nécessaires pour mener à terme un tel projet
(Entretien semi-dirigé 11, communication personnelle, 22 novembre 2008). Dans un
troisième temps, le Groupement féminin Konkudoè aimerait augmenter ses activités de
production ainsi que la participation des femmes au marché local. Enfin, le Groupement
souhaite un jour avoir l'occasion de comparer ses approches de développement avec
d'autres associations. En partageant ses expériences associatives avec d'autres entités aux
ambitions comparables, le Groupement pounait harmoniser ses stratégies d'action et
améliorer ses résultats (Entretien semi-dirigé 11, communication personnelle,
intervenante 1, 22 novembre 2008).
L'AME à Koumbili et l'AME à Siéna ne produisent pas les mêmes résultats que
la Fédération provinciale des productrices de beune de karité en matière de productivité
et de rentabilité de leurs activités. Les ressources humaines et les partenariats desquels
elles dépendent et les fonds qu'elles reçoivent étant limités, l'AME à Koumbili et l'AME
à Siéna, tout comme le Groupement féminin Konkudoè, sont confrontées à certains
obstacles. Premièrement, bien que les mères éducatrices créent un engouement autour de
l'importance de l'éducation et de la nutrition, leurs sensibilisations n'ont pas encore
réussi à provoquer des changements visibles au-delà des écoles pour toucher le milieu
familial. La capacité d'action des AME est contrainte par le fait que les mères éducatrices
agissent à titre de bénévoles et que leurs activités sont ainsi non rémunérées. De plus,
puisque l'État et les ONG sont absents des territoires sur lesquels oeuvrent les deux
AME, les revenus modestes que génèrent les mères éducatrices dans le cadre de leurs
97
activités associatives ne suffisent pas pour diversifier leurs domaines d'activités
(Entretien semi-dirigé 3, communication personnelle, 18 octobre 2008).
Les associations de femmes veulent avant tout répondre aux besoins immédiats
des populations locales et de leurs familles. Certaines associations de femmes bénéficient
de petits crédits qui pounaient contribuer à diversifier leurs AGR, soit environ 50 000
francs CFA. Or, la plupart d'entre elles sont tout de même portées à se spécialiser dans la
production et la commercialisation de produits qui poussent à l'état sauvage. Nos
observations confirment que plutôt que de chercher à rentabiliser au maximum leurs
activités, les associations de femmes préfèrent vendre des produits moins coûteux qui
s'écouleront plus rapidement sur le marché afin de pouvoir nounir leurs familles
(Entretien semi-dirigé 7, communication personnelle, 31 octobre 2008).
98
ses discours officiels qui portent sur la valorisation des femmes se sont popularisés
depuis la création du ministère en 1997. Ces discours semblent à première vue marquer la
volonté du gouvernement burkinabé à viser un développement humain durable par
l'intermédiaire d'initiatives nationales de promotion de la femme dans les domaines
social, culturel et économique (MPF, juin 2004, p.l).
Pourtant, nos données et nos observations de tenain révèlent que l'État n'est pas
encore parvenu à livrer des résultats concrets, voire satisfaisants, sur le plan de
l'encadrement des associations de femmes sur le tenitoire pour la promotion du DD.
D'ailleurs, on observe davantage des difficultés importantes dans le domaine de la
coopération et des partenariats. Rappelons que nos études de cas ne permettent pas de
généraliser nos données. Cependant, nous constatons que l'AME à Koumbili, l'AME à
Siéna, l'Association Di San Daani et le Groupement féminin Konkudoè, malgré la mise
en vigueur de la politique de décentralisation qui fut décrétée en 2006 par le
gouvernement burkinabé, bénéficient très peu d'un accès aux ressources nationales sous
forme d'emplois, d'éducation formelle et de crédits pour les AGR. Les difficultés
auxquelles sont confrontées les associations de femmes, notamment au niveau de leur
liberté d'action et de leur autonomie financière, illustrent dans quelle mesure les
associations de femmes sont aujourd'hui sujettes à des contraintes socioculturelles et
structurelles. Ces contraintes sont difficilement remédiables dans le contexte présent et
renforcent la discrimination faite aux femmes (MPF, juin 2004, p.ii).
99
pouvoir. Si le désengagement de l'État a favorisé la création politique du mouvement
paysan africain, ce dernier a besoin, pour se consolider et s'épanouir, que ce même État
lui assure un environnement social et économique » (Assogba, 1997).
100
triangulation permet au chercheur de minimiser les eneurs d'interprétation et de mesure.
Elle encourage le recours à des méthodes complémentaires de collecte de données qui
mettent en valeur l'expertise et l'expérience de différents interlocuteurs concernant des
questions ou enjeux particuliers. Nous sommes ainsi parvenus à combler les lacunes les
plus évidentes de chaque méthode (Roy, 2009). Finalement, notre tenain consistant de 11
entretiens, nous avons évité de généraliser nos résultats et les avons interprétés avec
prudence. Nous avons eu le privilège d'être encadrés par l'équipe du CEPAPE. Les
ressources qui ont été mises à notre disposition par le centre, tant pour cibler les
informateurs-clés que pour nous accompagner sur le tenain dans les sites à l'extérieur de
Ouagadougou, sont inestimables. Également, grâce au CEPAPE, nous avons eu
l'occasion de vivre dans une famille burkinabé impliquée dans le domaine du
développement international à Ouagadougou. Ceci a grandement facilité nos contacts
avec la culture du Burkina Faso.
101
CHAPITRE VII
Conclusion
Le Burkina Faso est l'un des pays les plus pauvres du monde. Rappelons que le
pays occupait la 177e position sur les 182 pays recensés pour le développement humain
en 2009 (PNUD,
http://hdrstats.undp.org/en/countries/country_fact_sheets/cty_fs_BFA.html, site consulté
le 9 juillet 2010). Les enjeux environnementaux, socioculturels et économiques identifiés
à Koumbili, Siéna, Pô et Toma se multipliant, les Associations de femmes dans ces
villages et villes incitent la mobilisation des femmes autour de projets qui cherchent
d'emblée à améliorer les conditions de vie des populations locales dans leur ensemble.
102
Fédération provinciale des productrices de beune de karité a un impact sur le
renforcement des capacités des femmes, l'accès aux formations et la création d'emplois.
Tel que mentionné ci-haut, les contributions des Associations de femmes sont
liées à la promotion de l'éducation des enfants, de la nutrition et de la santé, aux activités
commerciales locales et à la protection de l'environnement par l'entremise des champs et
des jardins communautaires qui améliorent la sécurité alimentaire. Nous constatons que
leurs contributions transversales conespondent aux objectifs du DD puisqu'elles
promeuvent les bases d'un modèle de développement alternatif. L'AME à Koumbili,
l'AME à Siéna, l'Association Di San Daani, la Fédération provinciale des productrices de
beune de karité et le Groupement féminin Konkudoè naissent dans des contextes
politiques et socioéconomiques difficiles et plutôt défavorables à l'égard des populations
rurales du Burkina Faso et plus particulièrement à l'égard des femmes. Ainsi, elles
cherchent à remédier aux lacunes de l'État dans les secteurs environnemental, social et
économique en visant l'amélioration des compétences collectives féminines. Les
Associations de femmes y parviennent en ouvrant la porte aux femmes à de nouvelles
opportunités de formation et de divertissement. Par l'entremise de la sensibilisation et de
l'alphabétisation, les Associations de femmes s'engagent dans un travail de
transformation progressive des rapports humains/nature et des rapports hommes/femmes.
Elles contribuent plus particulièrement à redéfinir les responsabilités des hommes et des
femmes dans le développement et de repenser leur accès aux services sociaux,
notamment à l'éducation. L'objectif est d'améliorer la reconnaissance et la valorisation
des compétences féminines et l'accès à tous et toutes aux mêmes opportunités
socioéconomiques.
103
développement qui accompagnent et encadrent les Associations de femmes sur le tenain.
En d'autres mots, l'État devra jouer un rôle central dans le renforcement des capacités
féminines. Mais étant donné l'état de développement du pays, dans quelle mesure cela
est-il possible?
104
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d'enseignement et de recherche en démographie, 44p.
Entretiens semi-dirigés
Entretien semi-dirigé 1 : Association Di San Daani, entretien collectif, 17 octobre 2008
Intervenante 1 : Présidente de l'association
Entretien semi-dirigé 2 : Présidente de l'Association Di San Daani, Entretien individuel,
4 novembre 2008
112
Entretien semi-dirigé 3 : AME à Koumbili, entretien collectif, 18 octobre 2008
Entretien semi-dirigé 4 : Directeur d'école de Koumbili, entretien individuel, 18 octobre
2008
Entretien semi-dirigé 5 : Présidente de la Fédération provinciale des productrices de
beune de karité, entretien individuel, 20 octobre 2008
Entretien semi-dirigé 6 : fonctionnaire du UA/CIEFFA, entretien individuel, 27 octobre
2008
Entretien semi-dirigé 7 : fonctionnaire du MPF, entretien individuel, 31 octobre 2008
Entretien semi-dirigé 8 : DPEF, entretien collectif, 3 novembre 2008
Intervenante 1 : fonctionnaire
Intervenante 2 : fonctionnaire
Entretien semi-dirigé 9 : AME à Siéna, entretien collectif, 21 novembre 2008
Intervenant 1 : Directeur d'école de Siéna
Entretien semi-dirigé 10 : fonctionnaire du MECV, entretien individuel, 19 novembre
2008
Entretien semi-dirigé 11 : Groupement féminin Konkudoè, entretien collectif, 22
novembre 2008
Intervenante 1 : Trésorière du groupement
113
ANNEXE 1 :
Formulaire de consentement
Chère Madame,
Merci de participer à cet entretien semi-dirigé dans le cadre de ma recherche sur les
contributions des associations de femmes en matière de développement durable au
Burkina Faso. Notre rencontre, qui ne dépassera pas 90 minutes, a pour objet de discuter
avec vous des problématiques (environnementales, sociales et économiques) qui touchent
votre pays. Je souhaite connaître la nature des activités animées par votre association de
femmes en vue de comprendre comment ces activités contribuent au développement de
votre communauté. Je souhaite avoir l'opportunité de m'asseoir avec vous et de discuter
des buts de vos activités en m'attardant à vos interprétations concernant des thématiques
clés. Plus spécifiquement, j'aimerais comprendre la place que vous occupez et le rôle que
vous desservez au niveau du perfectionnement des soins de santé, de l'accès à
l'éducation, de la lutte contre la désertification, de l'accès à l'eau, de la protection des
écosystèmes et de la lutte contre la corruption, entre autres. Une meilleure compréhension
de votre collaboration avec certains agents de développement dans la réalisation de vos
activités (ONG nationales et internationales, États, société civile et autres associations
formelles et informelles) sera également visée.
J'aimerais vous rappeler que toute information qui sera divulguée lors de l'entretien
semi-dirigé sera utilisée à des fins scientifiques seulement et que votre anonymat est
assuré. L'information recensée sera confidentielle et aucun nom ne sera mentionné dans
les documents ultérieurs. Il est possible que je procède par un enregistrement de notre
entretien afin de faciliter le processus d'analyse qui s'ensuivra. Si tel est le cas, vous
serez avisé de mon intention et votre niveau de confort face à cette procédure sera
respecté, sans préjudice.
Bien sûr, je souhaite que nous puissions compléter l'entrevue et que cette expérience soit
enrichissante pour vous. Or, si vous vous sentez, à un moment ou l'autre, inconfortable
ou insatisfaite avec la direction que prend l'entrevue, vous êtes libre de ne pas répondre à
la question donnée, d'intenompre l'entrevue ou encore, de mettre fin à celle-ci, sans
préjudice. Votre participation est volontaire et vous avez la liberté de me faire part de vos
commentaires et/ou préoccupations lors de notre rencontre.
Lors de ma présence sur le tenain et pendant notre rencontre, je compte recourir à une
technique d'observation directe qui aura lieu de façon spontanée et sporadique. Nos
échanges ayant pour but de mieux saisir vos interprétations et impressions sur des
thématiques données dans un contexte de développement, les notes que je prendrai en
fonction de mes observations serviront d'aide-mémoire. Elles feront l'objet d'un journal
de bord qui sera utilisé à des fins strictement analytiques. Veuillez noter que votre
114
anonymat est assuré et que vous avez la liberté de me faire parvenir vos réactions et/ou
préoccupations face à ce processus d'observation.
Afin de confirmer votre accord de participer à cette recherche académique, nous vous
prions de signer ce formulaire de consentement.
Corinne Guindon
Au soin du bureau de la Maîtrise en études de l'environnement
01 506 858-4498
Université de Moncton
Campus de Moncton
Couniel : ecg4819@umoncton.ca
115
ANNEXE 2 :
2. Est-ce que vos activités quotidiennes ont changé avec le changement de la saison
des pluies ? Comment ?
3. Est-ce que vos activités changent avec la saison des pluies et la saison sèche ?
4. Est-ce que les pluies ont eu des impacts sur la fertilité de vos tenes? Est-ce que
les pluies ont eu d'autres impacts ?
6. Est-ce que vous êtes familières avec d'autres problèmes environnementaux dans
la région ?
9. Selon vous, est-ce le manque de fertilité de vos tenes est due à des problèmes
autres tels la déforestation, l'augmentation de la population, la culture du coton,
etc.?
11. Est-ce vous croyez que le coton est important pour votre survie ?
13. Est-ce que les femmes ont accès aux tenes autant que les hommes ?
116
14. Est-ce que les tenes utilisées pour le coton limitent l'accès des femmes (à
l'intérieur et à l'extérieur de l'association) à des tenes ?
15. Est-ce que les hommes travaillent dans le village ou à l'extérieur du village ?
16. Quand les hommes quittent le village, est-ce que vos activités quotidiennes
changent ?
18. Qu'est-ce que vous semez (légumes, céréales, etc.)? Sont-ils entreposés ?
23. Avez-vous accès à de l'eau potable ? Est-ce que vous y avez accès grâce aux
initiatives de votre association ?
24. Est-ce que vous avez des animaux (moutons, chèvres, poulets, etc.) ?
28. Est-ce que votre alimentation a changé dans les 10-15 dernières années ?
29. Est-ce que votre alimentation s'est améliorée depuis que vous faites partie de
l'association ?
31. Est-ce que votre santé a changé depuis que vous faites partie de l'association ?
Quel type de changements est-ce que vous observez ?
117
32. Est-ce que les activités de votre association aident au niveau de l'accès aux soins
de santé dans le village ? Comment ?
33. Est-ce que l'association augmente ou diminue vos tâches quotidiennes ? Quelles
sont les conséquences de ceci ?
36. Est-ce que votre participation au marché est importante pour vous ? Pourquoi ?
38. Est-ce que vous participez au marché plus souvent depuis que vous faites partie
de l'association ?
40. Est-ce que l'association vous aide à envoyer vos filles à l'école ? Comment ?
41. Est-ce que les terres que vous utilisez pour semer vos légumes, céréales, etc.
appartiennent à votre famille, votre village (collectif) ?
42. Est-ce que les femmes dans votre village ont toujours accès à des tenes pour
semer leurs légumes et céréales même si elles ne font pas partie d'une
association?
118
4. Est-ce que vous comprenez bien quelles sont vos responsabilités dans
l'association ?
5. Comment est-ce que vous déterminez quel est votre rôle dans l'association ?
6. Est-ce que vous vous rencontrez régulièrement (une fois par semaine) pour
discuter du fonctionnement de l'association et des activités que vous menez ?
9. Qu'est-ce que votre association a fait pendant la dernière année pour accomplir
ces objectifs ?
10. Est-ce que vous rencontrez des enseignants (rapport avec organismes locaux) ?
Si oui, comment ce rapport avec les enseignants aide-t-il l'association ? Quel rôle
jouent-ils ?
11. Est-ce que l'association vous donne un accès à l'éducation ? Si oui, qu'est-ce que
vous apprenez ? Sinon, aimeriez-vous avoir accès à l'éducation ?
12. Est-ce que vous vendez vos légumes, céréales, etc. sur le marché ?
14. Qu'est-ce que vous faites avec l'argent que vous ramassez ?
15. Est-ce que vous faites du bénévolat auprès de l'association ? De quel type
d'activités s'agit-il ?
16. Est-ce que vous recevez quelque chose en retour pour votre travail bénévole ?
17. Est-ce que l'association reçoit l'appui d'autres organismes pour ses activités
(ONG, État) ? Quelles sont ces entités.
18. Pourquoi est-ce que vous faites partie de cette association dans votre village ?
119
19. Combien de membres font parties de votre association ?
21. Comment sont financées les activités des femmes dans le village ?
22. Est-ce que l'association se spécialise dans un produit et/ou service particulier ?
23. Pourquoi est-ce que votre association a décidé de se spécialiser dans ce(s)
service(s) et/ou produit(s) ?
24. Est-ce que chaque membre de votre association se charge d'une tâche spécifique
liée au développement du produit ou du service offert ?
26. Est-ce que le travail des femmes dans l'association aide à réaliser les objectifs de
l'association ?
27. Est-ce que votre association offre des activités de formation (éducation,
renforcement des capacités, recherche d'emploi) à ses membres ?
28. Est-ce que vous assistez à des formations qui vous expliquent votre rôle dans les
activités de l'association ? Y'a-t-il certains avantages à cela ?
29. En tant que membres, quels ont été les avantages et les désavantages de ces
activités de formation ?
120
4. Est-ce que certaines femmes de l'association sont membres du Conseil villageois
de développement (CVD) ?
5. Est-ce que votre association informelle dépend de rapports particuliers avec des
acteurs spécifiques ? Lesquels ?
Si oui, comment ces compétences sont-elles conciliées pour respecter les intérêts
de tous et pour garantir le succès des activités l'association ?
121
ANNEXE 3 :
1. Selon vous, quels sont les enjeux actuels qui portent atteinte aux femmes? Au
fonctionnement des associations de femmes (analphabétisme, manque
d'éducation, accès limité à un travail rémunéré, manque de financement, tâches
domestiques trop lourdes, accès limité à des postes de décision) ?
2. Est-ce que ces mêmes enjeux posent des défis en matière de développement
durable au Burkina Faso ? Pourquoi ? Quels sont ces défis ?
3. Qu'est-ce qui, selon vous, incite une mobilisation des femmes dans le secteur
associatif ?
5. Est-ce que cette répartition des activités limite l'accès des femmes à du travail
rémunéré ?
7. Cette division du travail constitue-t-elle un défi devant être surmonté afin que le
Burkina Faso puisse accéder à un développement durable ?
122
9. Est-ce que les associations de femmes parviennent efficacement à valoriser les
compétences et le travail quotidien des femmes dans le développement ?
Comment est-ce avantageux pour les femmes et le développement durable ?
10. Est-ce que cette valorisation augmente le degré d'influence des femmes dans leur
communauté (accès à de nouveaux espaces de pouvoir) ? Comment ?
11. Est-ce que la charge d'activités des femmes les empêche, en quelque sorte, de
s'engager dans des activités génératrices de revenus ?
12. Est-ce que les associations de femmes permettent d'alléger ces tâches
quotidiennes ? Comment ?
13. En général, est-ce que les femmes ont accès à des tenes pour leurs semences ?
14. Est-ce que cet accès est plus facile ou plus difficile pour les femmes que pour les
hommes ?
16. Selon vous, quels sont les obstacles les plus importants pour atteindre un
développement durable au Burkina Faso ?
17. Selon vous, est-ce que les associations de femmes sont présentement confrontées
à des obstacles importants ?
18. Quels sont les plus grands obstacles aux activités des associations de femmes ?
123
21. Est-ce que le phénomène de désertification constitue un problème de premier plan
au Burkina Faso? À Siéna et Koumbili ?
22. Est-ce que le type d'activités auxquelles s'adonnent les femmes change selon les
saisons sèches et les saisons des pluies ?
23. Comment est-ce que la désertification affecte les activités quotidiennes des
femmes dans le village ?
24. Est-ce que les activités agro-industrielles de coton, par exemple, prédominent au
Burkina Faso ?
25. Est-ce que vous diriez que ces industries ont des impacts sur l'environnement
naturel? Quels sont ces impacts à Siéna et Koumbili ?
26. Diriez-vous que les projets de développement initiés par les pays du Nord pour les
pays du Sud (sous l'égide de la BM et du FMI, entre autres) ont contribué à
modifier les activités des femmes dans le village et au Burkina Faso en général ?
Comment ? Quelles sont ces activités ?
3. Est-ce que certaines initiatives furent développées suite à ces politiques? Qu'elles
sont- elles ?
124
sont ces initiatives ? Quels domaines touchent-elles (environnemental, social,
économique) ?
6. Est-ce que les initiatives qui ont été mises en place jusqu'à présent en faveur des
associations de femmes ont eu des débouchées positives au niveau de la
scolarisation et l'alphabétisation ? Quels autres impacts sociaux ont été ressentis ?
7. Outre les retombées sociales, est-ce que ces mêmes initiatives ont occasionné des
changements à d'autres niveaux également, soit environnementaux et
économiques ?
8. Est-ce que le Ministère offre des formations aux femmes qui sont membres des
associations féminines ?
12. Est-ce que vous diriez que les associations des femmes sont importantes pour le
développement durable ? Pourquoi ?
14. Quel est l'état des responsabilités des femmes au niveau de leur village et de leur
famille depuis leur insertion dans une association ?
15. Est-ce que les associations de femmes créent des emplois pour les femmes dans
leurs communautés ? Activités génératrices de revenus ?
16. Est-ce que les associations de femmes aident dans la construction de certaines
infrastructures sociales liées à la santé (dispensaires), à l'éducation et à
l'environnement ?
125
17. Est-ce que les associations de femmes font appel à des donneurs ?
18. Quel est le rôle des dons et des subventions dans la construction des
infrastructures ?
19. Croyez-vous donc que les associations de femmes sont un moyen pour les
femmes de participer à leur propres développement et émancipation ? Pourquoi ?
20. Le marché fournit-il présentement des opportunités de travail pour les femmes;
opportunités qui sont génératrices d'emplois et de revenus ?
21. Est-ce que les produits dans lesquels se spécialisent les associations de femmes
sont distribués aux familles ou est-ce qu'ils sont plutôt vendus par l'entremise
d'agents intermédiaires telles les unions régionales ou nationales ?
22. Est-ce que les produits ou services dans lesquels se spécialisent les associations
ont tendance à dominer le marché actuellement ?
23. Est-ce que ces produits ou services entrent en compétition avec les services et
produits offerts par d'autres agents (État, entreprise privée, autres associations) ?
24. Croyez-vous qu'il est plus difficile pour les associations de femmes de recevoir
un appui externe ?
25. Je crois comprendre que l'État burkinabé a développé le Fonds pour les activités
génératrices de revenus spécialement pour aider les femmes. Est-ce qu'elles ont
donc facilement accès à du financement pour leurs activités ?
26. Est-ce qu'un tel accès a changé les activités quotidiennes des associations de
femmes ?
28. Quels ont été les avantages du microcrédit pour les femmes et leurs familles ?
29. Est-ce que le microcrédit offre aux femmes un meilleur accès aux tenes et aux
formations ?
126
30. Quelle sorte de rapport est-ce que l'association entretien avec l'extérieur
(partenariat, alliance, autonomie) ?
31. Est-ce que l'association entretien un rapport avec le secteur privé (banques,
industries et commerces)? Quel type de rapport (financier, éducation,
sensibilisation) ?
32. Est-ce que les associations entretiennent des rapports entre elles ou avec d'autres
groupements de femmes ? Quel type de rapport ? Est-ce avantageux pour elles ?
33. Est-ce que vos rapports avec les associations renferment des avantages pour les
femmes, leurs familles et leurs communautés ? Quels sont-ils ?
34. Est-ce que l'association entretien un rapport avec des ONG ? Quel type de
rapport?
35. Est-ce que vous diriez qu'une synergie entre les différents partenaires de la
coopération est indispensable au fonctionnement de l'association ? Pourquoi ?
36. Pouvez-vous me décrire quelles ont été les débouchées de vos politiques et de vos
initiatives pour les associations de femmes ?
37. À votre connaissance, est-ce qu'il y a eu des avancements au niveau des activités
de l'Association des mères éducatrices (AME) à Siéna et Koumbili ?
39. Selon vous, quels sont les critères de base pour la réussite des associations de
femmes ?
127
2. Comment l'association formelle implique-t-elle les femmes dans le processus de
prise de décision (composition du conseil d'administration et du conseil exécutif,
rôles occupés par les femmes, taux de participation aux assemblées, etc.) ?
4. Selon vous, est-ce qu'une telle conciliation des compétences est déterminante du
succès de l'association de femmes ? Comment ?
128
ANNEXE 4 :
Indicateurs Indices
129
ANNEXE 5 :
130
ANNEXE 6 :
131
ANNEXE 7 :
132
Mode d'affection du surplus Les cotisations des membres financent les
dépenses liées à l'entretien du domaine
scolaire.
133
ANNEXE 8 :
Village bénéficiaire Pô
134
membres. Le lancement de la campagne
annuelle de la fédération s'effectue lors de
l'AG.
135
ANNEXE 9 :
136
137