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II
Le secret de Sophie
Je ne crois pas.
Attisant son indignation, il continua, imperturbable, de
se raser.
Alors que, excédée, elle envisageait de recourir à la
police ou tout au moins aux agents de sécurité de
l'immeuble, l'homme eut l'impudence d'ajouter :
Rien ne presse, pas de panique.
Panique ? Qui parlait de panique ? Même si elle
croisait peu d'hommes aussi sexy et séduisants à
l'Alexandra, elle n'était pas du genre à paniquer. Ni
dans cette salle dédiée aux mères, ni ailleurs.
Refusant de passer pour une idiote, elle finit par lâcher
la porte qui se referma, alors que l'intrus s'attaquait à
présent à sa moustache. Elle se retrouva donc
spectatrice malgré elle de cette délicate opération.
L'homme s'interrompit de nouveau pour la regarder
dans le miroir.
J'aurai disparu dans quelques secondes. Mais je ne
voudrais pas que ma présence vous rende nerveuse.
Sa voix suave et caressante contenait néanmoins une
certaine touche de moquerie.
Nerveuse? répéta-t-elle avec un rire insouciant. Mon
seul souci est de faire en sorte que les mères qui ne
tarderont pas à arriver d'une minute à l'autre puissent
bénéficier de la salle qui les accueille habituellement
avec leurs bébés.
Il consulta sa montre.
A 6 h 36 ?
Absolument ! affirma-t-elle, même si la clinique
n'ouvrait d'habitude qu'à 7 h 30. Il peut y avoir des
consultations très matinales, ou bien des urgences.
Vous devez
comprendre que celte pièce est exclusivement réservée à
l'usage des mamans.
Je vois, dit-il avec une lueur étrange au fond des
yeux. Dans ce cas, nous allons devoir vous et moi la
quitter...
Et. sans attendre sa réponse, il se retourna pour faire
face au miroir.
La mousse blanche qui entourait ses lèvres mettait en
valeur la perfection de leur ligne, à la fois douce et
masculine.
Une belle bouche pouvait cependant ne pas tenir ses
promesses. Certains hommes, malgré des lèvres très
prometteuses, ne savaient même pas embrasser... Mais
au-delà des simples attributs physiques, un baiser réussi
supposait surtout une réelle alchimie entre les deux
protagonistes.
La main tenant le rasoir se figea soudain, et les yeux
de Connor O'Brien cherchèrent les siens dans le miroir.
J'ai raté quelque chose, n'est-ce pas?
La lueur entrevue au fond de son regard la figea sur
place.
Je vous demande pardon ? rétorqua-t-elle en
s'efforçant de soutenir ce regard moqueur sans rougir. Si
vous êtes en train de me demander mon avis, veuillez
m'excuser : mes connaissances en matière de barbe
masculine sont très limitées.
Puis elle entreprit de chercher sa lettre avec le plus de
dignité possible.
Connor sourit intérieurement, agréablement surpris de
constater la sensibilité exacerbée de Sophie Woodruff.
11 avait réussi à la faire rougir, et en éprouvait une
certaine fierté. Si elle se révélait être l'opportuniste que
lui avait décrite sir Frank, sa capacité à feindre
l'embarras était remarquable.
La jeune femme arpentait à présent la pièce de long
en large, comme si elle y avait perdu un objet. Ce qui lui
permit d'observer en douce l'ondulation de ses hanches,
ses longues jambes fuselées et sa nuque fine et allongée.
S'il s'était bien douté qu'Elliott Fraser n'aurait jamais
risqué de se compromettre pour une femme repoussante,
la photo pixellisée que sir Frank lui avait montrée ne
rendait pas justice à Sophie.
Que pouvait-elle bien chercher ?
— Je m'excuse très humblement d'avoir empiété de la
sorte sur cet espace sacré dédié aux femmes, mais je
vous assure que mes intentions sont pacifiques, déclara-
t-il, espérant l'inciter à se tourner une nouvelle fois vers
lui.
Il avait été intrigué dès le premier instant par l'éclat
singulier de ses yeux. Etait-ce son haut couleur lavande
qui leur donnait cette teinte presque violette tranchant
avec son teint de porcelaine?