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TROP

BEAU POUR ÊTRE VRAI


ROSE TEDINGTON






COPYRIGHT 2017 © ROSE TEDINGTON
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Résumé :
« Abbiggail a honte de ses formes qui lui valent souvent des sarcasmes et des déceptions amoureuses. Elle
se ésespère qu’un homme bien s’intéresse un jour à elle. Surtout qu’elle n’a plus ni boulot ni logement, et
pas grand-chose à offrir en dehors de son sourire et sa joie de vivre. Alors, que lui veut Ethan, ce
milliardaire canon qui veut à tout prix la conquérir, sinon coucher avec elle un soir ? Elle veut bien perdre
beaucoup de choses, mais sûrement pas sa dignité. »



Chapitre Un
Ethan
Abbiggail
Ethan
Abbiggail
Ethan
Chapitre Deux
Ethan
Abbiggail
Ethan
Abbiggail
Ethan
Chapitre Trois
Abbiggail
Ethan
Abbiggail
Chapitre Quatre
Abbiggail
Ethan
Abbiggail
Ethan
Chapitre Cinq
Abbiggail
Ethan
Abbiggail
Ethan
Abbiggail
Chapitre Six
Abbiggail
Ethan
Abbiggail
Ethan
Chapitre Sept
Abbiggail
Ethan
Abbiggail
Ethan
Abbiggail
Chapitre Huit
Ethan
Chapitre Neuf
Ethan
Chapitre Dix
Ethan
Abbiggail
Ethan
Chapitre Onze
Abbiggail
Ethan
Abbiggail
Chapitre Douze
Abbiggail
Chapitre Treize
Abbiggail
Chapitre Quatorze
Ethan
Chapitre Quinze
Abbiggail
Chapitre Seize
Abbiggail
Chapitre Dix Sept
Ethan
Chapitre Dix Huit
Abbiggail
Chapitre Dix-Neuf
Abbiggail
Chapitre Vingt
Ethan
Abbiggail
Chapitre Vingt et Un
Abbiggail
Chapitre Vingt Deux
Ethan
Abbiggail
Chapitre Vingt Trois
Abbiggail
Chapitre Vingt-Quatre
Abbiggail
Ethan
Abbiggail
Abbiggail
Chapitre Un

Ethan

Je l’aperçus au moment où je franchis la porte du bar de l’hôtel et inspectai
la salle. J’avais connu mieux — bien mieux — j’étais contraint de passer la nuit
à l’aéroport en attendant de trouver un vol retour. Classe éco s’abstenir.
Elle leva la tête, me dévisagea de ses grands yeux bleus et tout en
remplissant un verre, m’adressa un petit sourire.
Sans cesser d’admirer ses formes généreuses, je pris une chaise et m’installai
non loin d’elle. Elle m’attirait plus que les femmes que je côtoyais
quotidiennement, c’était plutôt rafraîchissant.
Elle vint vers moi, s’appuyant contre le bar, la tête légèrement penchée de
côté.
« Qu’est-ce qui vous amène ici ? demanda-t-elle tout en léchant ses lèvres
charnues et haussant les sourcils d’un air interrogateur.
– Mon vol est retardé jusqu’à demain, répondis-je sans la quitter des yeux.
– Oh.
Elle secoua la tête et prit un verre à whisky.
– Je vous sers quelque chose de fort ? »
Je fis non de la tête.
« Je prendrai comme vous.
– Je ne bois pas durant le service, désolée », répondit-elle en haussant
légèrement les épaules.
« Je ne bois pas seul. »
Elle me regarda, ses yeux bleus scrutant les miens ; je la désirais. Elle était
sûre d’elle, sa chemise ajustée retenait sa forte poitrine à grand-peine. Ce n’était
pas possible, pas avec une femme comme elle.
Elle nous prépara un gin-tonic et le posa devant moi.
« Mes propos vous gênent ? » demandai-je, la voyant regarder, hésitante, le
bar presque vide.
Elle m’observa, mais je ne parvins pas à décrypter son expression.
« Peut-être bien.
– Alors comme ça, vous aimez enfreindre les règles ? Remettre l’autorité en
question ? » la taquinai-je.
Elle sourit et but une gorgée, puis replaça son verre sur la petite serviette
noire.
« Plutôt osée comme question, vous ne trouvez pas ? »
Je bus mon verre et me penchai vers elle, ne la quittant pas des yeux.
« Je prends ça pour un oui. Je suis sûr que vous avez un petit côté sauvage. »
Elle se tenait bien droite et s’affairait à remettre en ordre les serviettes et les
pailles.
« Désolée de vous décevoir, mais vous vous trompez sur toute la ligne. Je ne
me mets jamais en position d’être hors-la-loi, j’ai besoin de ce job. C’est
important pour moi. »
Un homme s’assit au bar avec nous, il la héla avec impatience et elle reporta
son attention sur lui.
« Le devoir m’appelle », dit-elle, le regard las. « Ravie de vous avoir
rencontré…
– Je m’appelle Ethan, et vous ? »
Elle hésita avant de répondre.
« Abbiggail. Je m’appelle Abbiggail. Ravie de vous avoir rencontré Ethan.
J’espère que vous attraperez votre vol demain.
– Merci, tout le plaisir était pour moi. »
Je levai mon verre à sa santé tandis qu’elle s’éloignait. Je ne l’intéressais pas
le moins du monde, ça la rendait d’autant plus désirable. J’avais envie de
l’amener dans ma chambre d’hôtel et de libérer son côté sauvage. Quand je
voulais une chose, je l’obtenais.
Peu importe le temps que ça prendrait ou la difficulté, elle n’était jamais
tombée sur un homme comme moi. J’obtenais toujours ce que je voulais, elle ne
ferait pas exception à la règle.

Abbiggail

Je voyais bien qu’il m’observait tandis que je servais l’autre client, mais
j’essayais de faire abstraction de sa présence. Les hommes débordant de charme
et de charisme n’abordaient pas les filles comme moi. Ils n’avaient en général
qu’une seule idée derrière la tête. Je ne l’intéressais pas — tout ce qu’il voulait,
c’était coucher avec moi.
Je travaillais dans cet hôtel depuis quelques années et j’avais eu mon lot de
clients dragueurs. Je connaissais bien ce type de mec, uniquement soucieux de
vous ajouter à son tableau de chasse, et je n’avais aucune intention d’en faire
partie.
Je regardai ses cheveux souples et ses yeux vert clair. Son regard posé sur
moi fit battre mon cœur un peu plus vite. Je me figeai, je pouvais presque lire
dans ses pensées ; il me désirait et n’était jamais tombé sur une femme comme
moi. Les mecs friqués ne m’impressionnaient pas. On ne m’achetait pas aussi
facilement. Je n’étais pas du genre à coucher pour un verre, il m’en fallait tout
de même un peu plus.
« S’il vous plaît ! » aboya l’homme devant moi. « Je vous dérange peut-
être ? »
Son visage était enflé et rougeaud, il me dévisageait l’air furieux et
méprisant, les sourcils froncés.
« Désolée, vraiment désolée », marmonnai-je in petto. « Je suis à vous. Un
gin-tonic c’est ça ?
– Du vin rouge ! éructa-t-il. Un verre de vin rouge ! Putain, mais qu’est-ce
qu’il faut faire pour avoir un service digne de ce nom ? »
Je sentis le rouge me monter aux joues tandis que je préparais sa commande.
Un sentiment de honte m’envahit. J’avais l’impression que tout le monde me
regardait.
« Magnez-vous. J’ai un avion à prendre », cracha-t-il en soufflant
bruyamment.
Mes doigts manquèrent la bouteille et je renversai du vin sur le comptoir. Il
s’en aperçut.
« Vous êtes nouvelle ? » aboya-t-il, tandis que je lui tendais son verre.
Je secouai la tête, je préférai ne pas répondre pour éviter sa répartie acerbe.
J’avais besoin de ce foutu job et je ne pouvais pas me permettre de le perdre en
sortant une excuse bidon.
« Je suis désolée.
– Pour ça oui, si jamais je rate mon vol à cause de vous…
– Un problème ? »
Ethan s’était levé et s’était assis à côté du client mécontent, ce dernier nous
dévisageait en reniflant. Je réalisai qu’il était saoul.
« Vous vous foutez de moi ? Vous êtes qui, son chien de garde ?
– Si j’étais à votre place, je la fermerais », répondit Ethan en se penchant
vers lui.
L’émotion me submergea, il prenait ma défense. Il me connaissait à peine, ce
n’était qu’un étranger.
« Vous savez ce que c’est, hein. »
Le type essaya de discuter, mais son balbutiement tomba à plat. Ethan n’était
pas intéressé. Je compris au regard qu’il lui lança qu’il ferait mieux de déguerpir
au plus vite.
« Je ne veux rien savoir. Faites gaffe à ce que vous dites et au ton que vous
employez.
– Sinon… ?
– Sinon vous me reverrez plus tôt que vous ne l’imaginez. »
Il nous regarda en silence, l’air était toujours aussi électrique tandis qu’il
repoussait son tabouret et en descendait.
« Je ne sais pas ce qui se passe ici, mais je me tire. C’est merdique, ils filent
vraiment le bar à n’importe qui. »
Il me dévisagea longuement tandis qu’Ethan l’aidait à descendre du tabouret.
Il laissa son verre sur le comptoir sans payer.
« Oh, mon Dieu, je suis sincèrement désolée », soupirai-je à l’attention
d’Ethan. « Merci. »
Il secoua la tête et me regarda gravement.
« Inutile de me remercier. Les hommes n’ont pas à parler aux femmes
comme ça. C’est de notoriété publique au cas où vous ne le sauriez pas. »
Sa bouche esquissa un semblant de sourire.
« Je l’ignorais, mais merci pour votre intervention. »
Il rejeta sa tête en arrière et son rire m’enveloppa comme une étreinte
chaleureuse.
« Tout le plaisir était pour moi. Apparemment, vous n’avez pas encore
rencontré l’homme idéal. »
Son commentaire me fit réfléchir. Il avait raison sur toute la ligne. Jamais
personne ne m’avait défendue. Tous les mecs que j’avais connus pensaient que
je devais m’estimer heureuse de jouir de leur compagnie.
« L’amour n’est pas donné à tout le monde », dis-je en observant son
expression. « Les gens comme moi prennent ce qu’ils peuvent, je préfère rester
en dehors de tout ça. »
Il me regarda, l’air surpris.
« Les gens comme vous ? »
J’acquiesçai et fis semblant d’enlever une trace sur le comptoir en marbre.
« Voyez-vous même. Je n’ai rien d’un top model, non ? »
Les mots sortirent de ma bouche avant que je puisse les arrêter. Je n’avais
pas dit ça sur le ton de l’auto-apitoiement employé précédemment et je sentis le
rouge me monter aux joues tandis qu’il regardait ma silhouette et s’attardait sur
mon décolleté. Je rejetai mes cheveux en arrière et fuis son regard, mais il ne me
quitta pas des yeux.
« C’est vraiment terrible », dit-il en me regardant à nouveau dans les yeux.
« Je vous demande pardon ?
– Terrible. C’est vraiment terrible cette façon dont vous vous voyez, parce
que de là où je suis, vous êtes très belle.
– Oh, mon Dieu, c’est parti pour les conversations de comptoir… »
Je ris nerveusement, gênée.
« Je suis sérieux », dit-il en se penchant sur le bar. « Vous êtes belle à
l’intérieur et à l’extérieur. Vous avez ce petit quelque chose que la majeure partie
des autres femmes n’ont pas. »
Nous nous observâmes en silence, le bar était devenu soudainement trop
petit. J’inspirai profondément, j’essayai de garder de l’air dans mes poumons
sous peine de m’évanouir. Il me trouvait belle. Le type le plus séduisant et le
plus sûr de lui que je n’avais jamais rencontré au bar venait de me dire que
j’avais un petit truc en plus. C’était une blague, une caméra cachée, à moins que
ses amis ne se soient cachés quelque part et ne l’observent en train de flirter avec
la grosse dondon au bar, pour voir s’il réussirait à me traîner dans son lit. Je
rompis le silence la première, riant nerveusement.
« Je parie que vous dites ça à toutes les femmes que vous rencontrez.
– Si je vous dis non, vous me croyez ? »
Il esquissa un nouveau sourire et je me détendis un peu, mon cœur retrouva
un rythme normal.
« Non, sûrement parce que je n’ai pas rencontré la bonne personne… »
répondis-je pour reprendre ses termes.
Il acquiesça et termina son verre.
« Et si nous allions dîner ? »
Je pouffai sous l’effet de la surprise.
« Impossible. J’ai besoin de ce travail, vous vous rappelez ? Mais merci pour
la proposition…
– Vous n’aimeriez pas qu’on s’occupe enfin de vous ?
– Écoutez Ethan. Je ne sais pas à quoi vous jouez. J’imagine bien quel est
votre type de femme et, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, je n’en fais pas
partie.
– Vous prétendez connaître mes aspirations ? » demanda-t-il, la tête penchée
sur le côté.
Je sentis mon cœur accélérer. Je voulais qu’il me désire. Je voulais l’entendre
le dire. Je voulais sentir son regard sur moi.
« Ok. Je ne sais pas, en tout cas, je ne recherche pas le grand amour.
– Moi non plus, dit-il sérieusement. L’amour, le couple, les sentiments, très
peu pour moi. J’aimerais juste dîner avec une femme incroyablement
séduisante. »
Je l’imaginai en train de me dévêtir, les yeux pleins de désir, ses mains sur
ma peau, je rougis et me détournai.
« Désolée, je ne peux pas dîner avec vous. Je ne finis jamais avant 22 heures
et…
– C’est bien dommage. »
Il ouvrit son portefeuille et me tendit son American Express.
« La consommation de l’autre imbécile est pour moi.
– Mais non enfin…
– Je vous en prie, m’interrompit-il.
– Merci. »
Je passai sa carte dans la machine, réprimai l’envie de regarder son nom en
vitesse, et la lui rendis. Je réfléchis à ce que je pourrais dire pour qu’il reste me
parler encore un peu, mais il se leva, arrangea sa chemise sans me quitter des
yeux. Mon ventre se noua lorsqu’il enfila sa veste.
« Ravi de vous avoir rencontré Abbiggail », dit-il en ouvrant à nouveau son
portefeuille.
Il en sortit des billets et une carte de visite. Il la posa devant moi.
« J’aimerais vous revoir, ajouta-t-il.
– Je… je pense…
– Arrêtez de penser », m’interrompit-il en approchant son visage du mien,
autant que le comptoir nous le permettait. « Agissez ! »
Il me fixa quelques secondes avant de me lancer un bref sourire et s’éloigna.
Je regardai son dos, j’aurais tant aimé avoir assez de courage et de confiance
en moi pour l’appeler ou flirter ; je n’avais jamais autant désiré quelqu’un.
Depuis ma dernière liaison, j’avais tiré un trait sur les hommes, j’en avais assez
qu’on me manque de respect, qu’on me parle de mon poids ou qu’on me
demande de me comporter et de m’habiller comme les autres femmes. Tomber
sur quelqu’un comme Ethan, qui me trouvait belle alors que je me trouvais
horrible, m’excitait. Mais je devais suivre mon plan. Je ne voulais pas entendre
parler de liaisons. Je ne pourrais pas supporter une autre déception. Je devais
penser à moi.
Je pris le pourboire qu’il avait laissé et me figeai : trois cents dollars !
Je m’emparai de sa carte de visite, j’essayai de décrypter son nom, mais
j’étais trop choquée. Lorsque j’y parvins enfin, je n’en crus pas mes yeux. Ethan
n’était pas seulement un homme fortuné qui taillait la bavette au bar — il
s’agissait d’Ethan Carter, millionnaire, fondateur et PDG de Carter Corp.
Oh mon Dieu !
Ethan

« Désirez-vous autre chose ? »
La serveuse blonde me tournait autour, ses gros seins tellement à l’étroit dans
son top moulant qu’on aurait dit une pelote d’épingles ambulante. Je voyais bien
à sa façon de sourire et de me tourner autour que j’étais à son goût. En temps
normal, je l’aurais probablement fait monter dans ma chambre, mais c’était
avant de rencontrer Abbiggail. Son visage botoxé et sa taille fine ne m’attiraient
pas ; je trouvais ça plutôt pathétique.
« Ce sera tout merci. L’addition s’il vous plaît. »
Elle acquiesça et se déhancha de manière exagérément suggestive, espérant
attirer mon attention, mais elle avait tout faux. Abbiggail serait la seule à
bénéficier de mes faveurs ce soir.
On ne tombe pas tous les jours sur une célibataire qui n’est pas une obsédée,
et qui vous fait bander rien qu’en voyant ce qui se cache sous son tee-shirt. Je
bandais légèrement à cette seule pensée. Il était tout à fait exclu que je reprenne
l’avion sans la revoir.
Je réglai l’addition, laissai un bon pourboire à la blonde empressée et tournai
les talons. Il était déjà 22h30. Si elle était du genre à partir à l’heure, je n’avais
aucune chance. Mais la fortune sourit aux audacieux ! Je décidai de tenter ma
chance. Lui laisser ma carte de visite était insuffisant. J’avais envie d’elle, j’en
avais eu envie à l’instant même où je l’avais vue. Je bandais, il me la fallait, ce
soir.


Abbiggail

Mon service terminé, je fis un tour dans les toilettes du personnel. Je regardai
mon reflet dans le miroir, inspectant mon visage sous toutes les coutures pour
voir si j’étais « pas mal ». Pas vraiment… Je repensai à ce qu’avait dit Ethan.
Grâce à lui, je m’étais sentie importante, je lui devais bien ça.
Grâce à des mots simples, il avait su me faire oublier la douleur et la
souffrance que j’avais endurées depuis toutes ces années. Personne n’y était
parvenu avant lui. Personne ne m’avait jamais fait me sentir jolie, mais je
persistai à penser que si j’étais vraiment aussi belle à l’intérieur qu’à l’extérieur,
pourquoi je me retrouvais encore une fois toute seule un vendredi soir dans la
ville qui ne dort jamais ? Tout était calme et monotone. Pourquoi personne ne
m’avait jamais proposé quoi que ce soit quand j’en avais le plus besoin ?
Je quittai le bar, traversai à la hâte le lobby quasi désert et me dirigeai vers la
sortie, lorsque j’entendis une voix dans mon dos que je reconnus instantanément.
Impossible d’oublier cette tonalité profonde et veloutée, même si je l’avais
entendue quelques heures auparavant.
« Permettez-moi de vous raccompagner. »
Je me retournai et le regardai. Ethan était appuyé contre un pilier, son
téléphone à la main. Il le glissa dans la poche de sa veste et s’approcha.
« Vous m’attendiez ? » demandai-je d’une voix suave et reconnaissante.
« Je dirais plutôt qu’on est synchro, » sourit-il.
Il posa une main sur mon coude, écartant des portes battantes.
« J’allais partir…
– Chez vous ? » finit-il, sous-entendant ô combien il était ridicule qu’une
jeune femme puisse refuser sa compagnie et préférer rester seule devant la télé
avec un café et un bon gros pyjama.
« Eh bien, euh…
– Si on allait boire un verre ? » demanda-t-il, en marchant à ma hauteur.
Il mit mes cheveux derrière mon épaule, je sentais son souffle sur mon
visage et mon cou. Ce petit geste me fit respirer plus vite. Putain. J’étais
pitoyable.
« Un verre ? » murmurai-je, l’air faussement détaché.
« Vous me devez bien ça non ? »
Je me léchai les lèvres tandis qu’il s’approchait de moi, je réalisai à quel
point je le désirais. Je voulais lui dire d’abandonner l’idée d’aller boire un verre
et de passer aux choses sérieuses. Je me retournai et le regardai en face, essayant
de me concentrer en dépit de notre proximité. Je reculai légèrement, les joues
rouges. Il réduisit l’écart entre nous et passa son bras autour de ma taille pour
guetter ma réaction. Allais-je le repousser ? Ou accepter ? Il semblait mieux me
connaître que moi.
« Pas ici, dis-je. »
Je ne voulais pas que mes patrons me voient traîner dans le lobby et
apprennent pour notre « affaire ». Si je perdais ce job, je perdais tout.
Il ôta sa main de ma taille et recula comme s’il ne s’était rien passé. Ça me
picotait à l’endroit où il avait posé ses doigts.
« Et si nous allions dans un endroit plus tranquille ? »
J’hésitai, j’explorai le hall du regard. Je mourais d’envie d’être avec lui.
J’essayai de ne pas penser à ses mains sur ma peau, en vain. Cela pouvait
s’avérer dangereux : je craignais qu’après ce qui se passerait inévitablement, je
ne veuille plus le quitter. Les hommes comme Ethan n’étaient pas du genre à
tomber amoureux. Il me rappelait impitoyablement que je n’étais pas destinée à
vivre une relation durable. Une nuit ou deux à la rigueur, et basta. Nous ne nous
verrions probablement plus jamais. Mon sort serait fixé d’ici au petit matin.
Étais-je en état de le supporter ?
Tandis que je regardai le joli sol carrelé, il me prit le menton.
« Ne soyez pas mal à l’aise, Abbiggail, dit-il calmement. Personne ne vous
force. »
Il prit ma main et je fis de même. Je la tenais fermement en le laissant
m’entraîner. Je comprenais d’où lui venait cette confiance en lui. Son charme et
ses paroles faisaient fondre les femmes. En le suivant, je courais le risque de
baisser la garde, de me confier et d’être à nouveau blessée, mais une petite voix
me disait de foncer. Comment pouvais-je être accro à une personne que je
n’aurais jamais approchée en temps normal ? Nous venions tout juste de nous
rencontrer.
Nous passâmes les portes en direction de l’ascenseur. Ça faisait deux ans que
je travaillais dans cet hôtel, mais je ne pus m’empêcher de le voir d’un œil neuf
tandis que nous traversions le couloir, faisant en sorte de ne pas être vus.
Il appuya sur le bouton et je vis les étages défiler. Il se tenait à côté de moi.
« On va où ? » demandai-je, bien que je le sache pertinemment.
Nous allions dans sa chambre, pas d’erreur possible. Les grandes portes
argentées s’ouvrirent, nous nous mîmes de côté pour laisser passer un autre
couple. Il appuya sur le dernier étage et l’ascenseur repartit. Il m’enlaça.
Je retins mon souffle, en espérant — en priant — qu’il ne se rende pas
compte que j’étais loin de faire une taille 36 et fasse une remarque
désobligeante.
Je voulus reculer mais il me plaqua contre la paroi, et écarta mes cuisses
avec ses genoux.
« Ethan… »
L’ascenseur était équipé de caméras, je gémis tandis que ses mains se
faufilaient entre mes jambes, sous mon chemisier et baissaient mes collants.
Mon corps me brûlait. C’était une sensation nouvelle, j’en voulais plus.
« J’aime chaque centimètre de ton corps », murmura-t-il, ses doigts
fourrageant entre mes cuisses.
J’enfonçai mes ongles dans sa peau et rejetai ma tête en arrière contre le
miroir. Il m’embrassa goulûment dans le cou et je gémis de plaisir.
Il glissa deux doigts dans ma chatte, j’étais toute mouillée. Il titilla mon
clitoris de la paume de la main, j’étais au septième ciel.
L’ascenseur stoppa net sa course et les portes s’ouvrirent. Je me dégageai de
son baiser, les lèvres rouges et gonflées. Le couloir était vide. Les portes se
refermèrent et nous poursuivîmes notre voyage jusqu’au dernier étage.
Il ôta ses mains, me regarda dans les yeux tandis que je haletais, et me
dévisagea en silence. Ses yeux brûlaient de désir, et j’imaginai la suite en
touchant son sexe raidi à travers son pantalon.
Il ferma brièvement les yeux et laissa échapper un gémissement sourd. Les
portes s’ouvrirent à nouveau, il me prit par la main et nous sortîmes.
Nous parcourûmes le couloir, je tenais à peine sur mes jambes, mon cœur
battait à tout rompre. J’opposais en général plus de résistance. Je ne cédais pas
aussi facilement d’habitude, mais Ethan était irrésistible. J’avais beau être
désabusée, je devais bien avouer que je n’avais jamais rencontré d’homme
comme lui. Ses yeux, sa bouche, son charisme, impossible de résister à la
tentation. Je voulais qu’il me désire. Il dévorait mon corps des yeux et me
donnait confiance en moi.
Arrivés à la porte de sa chambre, il me regarda. Ses yeux verts étaient
redevenus sérieux, il ouvrit la porte avec son badge.
La pièce était baignée de lumière, nous étions dans la suite exécutive.
« Tout ça pour une nuit ? » demandai-je en me dirigeant vers le mini-bar.
Il acquiesça et un sourire vint s’épanouir sur son visage.
« Tout homme a ses besoins, Abbiggail. »
Je rougis, pas vraiment certaine que cela s’appliquait à la chambre. Il
s’approcha de moi et me tendit une coupe de champagne.
« On trinque ? »
Je le suivis sur le canapé et nous nous assîmes face à face.
« À quoi ?
– À l’amitié sans sentimentalisme. »
Nous trinquâmes, un sourire éclaira son visage.
« À l’amitié sans sentimentalisme. »
Je bus plus que de coutume, ce qui le fit rire, il fallait que je me détende pour
tenter d’oublier mon anxiété. Je ne parvenais pas à me calmer. N’importe quelle
autre femme se serait damnée pour être à ma place dans la suite d’Ethan. Des
femmes à la longue chevelure et à la taille fine, qui faisaient la une des
magazines. Plus j’y pensais et plus je me sentais mal à l’aise. Dieu sait que
j’avais envie de passer la nuit avec un homme aussi séduisant, mais
qu’adviendrait-il le lendemain matin, lorsque tout désir se serait évaporé et qu’il
réaliserait avec qui il avait couché ? Je voulais vraiment voir s’écrouler toutes
les barrières que j’avais sciemment dressées pour me protéger.
Il me prit la coupe des mains et la posa sur la table.
« Je n’ai pas cessé de penser à toi depuis que j’ai quitté le bar...
– Pourquoi ? » dis-je, même si je n’étais pas sûre de vouloir connaître la
réponse.
Je voulais lui dire qu’il ne fallait pas tomber amoureux de moi et rendre les
choses encore plus compliquées. Je ne voulais pas que ça tourne au drame et je
voulais encore moins d’une liaison. C’était au-dessus de mes forces ; je ne
voulais pas qu’un homme tienne à moi. Je n’avais jamais compté pour personne
d’ailleurs, comment pourrais-je aimer si je n’avais jamais été aimée en retour ?
Il s’approcha, ses mains effleurèrent mon chemisier, ma peau, mon cou.
« Parce que je n’ai jamais rencontré une femme comme toi de toute ma vie.
Tu as ce petit je-ne-sais-quoi, Abbiggail.
– Mais, je…
– Pas de mais », dit-il en effleurant mes lèvres de son pouce.
« Je veux juste que tu comprennes ce qui se dégage de toi. Ce quelque chose
qui me dit de ne pas laisser tomber. »
Il m’embrassa derrière l’oreille, un frisson m’envahit jusqu’entre les jambes.
J’entrouvris les lèvres dans un soupir, sa bouche effleura mes épaules tandis
qu’il défaisait — ou plutôt arrachait — les boutons de mon chemisier de ses
doigts habiles.
Il rugit à la vue de mes seins et me regarda dans les yeux.
« Oh, mon Dieu, Abbiggail. »
Il mit un téton dans sa bouche, mon corps fut parcouru de spasmes ;
j’enfonçai mes ongles dans ses cheveux et m’appuyai contre la chaise, il était sur
moi et ne relâchait pas son étreinte. Je me cambrai, l’excitation et le désir
grandissaient. Je ne me rappelais pas de la dernière fois où j’avais ressenti un tel
désir et, même si c’était plutôt flatteur, je jouais à un jeu dangereux.
Il se recula et me regarda avant de se rasseoir à côté de moi.
« Quoi… ? »
Je me redressai, tout sentiment de passion envolé.
Il but du champagne et se leva.
« On va sur le lit, dit-il en me prenant par la main. »
Je le suivis, soudainement intimidée avec mon chemisier grand ouvert.
Il s’arrêta devant la grande baie vitrée qui surplombait l’horizon, perdu dans
ses pensées, puis il se tourna vers moi, son sourire avait cédé la place à un air
mélancolique.
Il me poussa doucement sur le lit et se mit sur moi.
Il posa ses lèvres sur les miennes en un baiser passionné. Je défis sa chemise
et le débarrassai de son pantalon. Il m’aida à défaire sa ceinture et la jeta par
terre. Elle heurta quelque chose au passage, mais personne n’y prêta attention.
J’écartai les cuisses et il s’installa entre mes jambes. Il bandait. Il arrêta de
m’embrasser et rugit sourdement.
Il mit mes mains de part et d’autre et embrassa mon corps, ne s’arrêtant que
pour lécher et sucer mes seins.
J’avais l’estomac noué tandis qu’il me caressait, préoccupée par ce qu’il
pouvait bien penser de moi. Il s’arrêta et me regarda, ses yeux fascinants me
fixaient sérieusement.
« Ne fais pas ça », dit-il en se mettant à côté de moi.
« Pas ça quoi ?
– Pourquoi tu réagis comme ça quand que je te touche ? Je te trouve très
séduisante. »
Son regard me fit rougir. Je me fis violence pour ne pas le repousser lorsqu’il
posa sa main sur mon ventre.
« Je pensais… »
Il m’interrompit et mit ses doigts sur mes lèvres.
« Ne me juge pas par rapport à ce que tu as lu sur moi ou mes fréquentations.
Je connais mes goûts. Tu es belle Abbiggail, dit-il à voix basse. J’aime tout de
toi. Même ce que tu considères comme des défauts… »
J’étais émue, je m’assis, tout mes certitudes volaient en éclats. Je n’avais
jamais rien entendu d’aussi gentil, mais au lieu de me rendre plus forte, je me
sentais plus seule que les pierres, dans cette ville qui ne dort jamais.
Ethan s’assit à côté de moi et me caressa doucement sous l’oreille,
m’embrassant dans le cou.
Je fermai les yeux, ma peau sensible frémissait sous ses baisers. Cela se
propageait à tout mon corps, je me réfugiai en lui.
« Je dois y aller », dis-je, brusquement rappelée à la réalité.
J’avais envie de lui, j’avais envie de le sentir en moi, mais il fallait que j’y
aille. Je ne pouvais pas rester, je ne correspondais pas à ses attentes, je ne serais
pas capable d’encaisser une énième claque.
« Reste », dit-il, en passant la main dans mon dos, tandis que je reboutonnai
maladroitement mon chemisier.
Je pestai intérieurement, je l’avais mal agrafé.
« Je ne peux pas. »
Il me regarda intensément tandis que je me levais.
« Je ne suis pas celle qu’il te faut Ethan. Je suis désolée.
– Comment peux-tu savoir ce qu’il me faut ? »
Il me suivit près du miroir et attendit patiemment que je remette de l’ordre
dans mes cheveux avant de me risquer dans le hall.
« Regarde-toi. Regarde cet endroit et regarde-moi. Tu ignores ce que j’ai
enduré.
– Dis-le-moi », dit-il en m’embrassant la nuque. « Dis-moi ce qui t’empêche
d’être la femme que tu mérites d’être. »
Je soupirai et ouvris la porte. J’avais vraiment envie de tout lui raconter. Je
voulais lui raconter ce qui m’avait fait souffrir toute ma vie durant. Le moindre
signe d’affection de sa part m’effrayait au plus haut point. Il ne fallait pas qu’il
sache, sinon il ne voudrait plus jamais me revoir. Si je partais maintenant, cette
petite lueur d’espoir s’éteindrait à tout jamais ; si je restais et lui racontais tout, il
me demanderait de partir. Mieux valait éviter de souffrir. Mieux valait m’en
aller.
« Merci pour tout », murmurai-je, tandis qu’il quittait sa chambre
confortable et me suivait dans le couloir, tenant son téléphone à l’oreille d’une
main et enfilant sa chemise de l’autre.
« Daniel ? Salut, c’est Ethan. Pouvez-vous préparer la voiture ? Oui. Oui,
merci. À tout de suite. »
Il remit son téléphone dans sa poche et appuya sur le bouton de l’ascenseur.
Il me regardait comme si on allait monter au dernier étage. Je supposai que la
voiture était pour moi. Je sentis un mélange d’excitation, de tension nerveuse et
de regret tandis que nous nous regardions.
« N’aie pas peur de ce que tu es », dit-il en posant sa main sur mon dos. « Ce
n’est pas ce qui arrive, ce que tu as enduré ou ce que tu éprouves qui te
caractérise.
– J’ai trop souffert Ethan.
– Oui, à cause de mecs qui ne t’appréciaient pas…
– Tout le monde. Tout le monde m’a laissé tomber.
– Pas moi. »
La sonnerie retentit et les portes de l’ascenseur s’ouvrirent. Je le regardai un
moment, je m’imprégnai de ses paroles et les enregistrai dans mon esprit.
Il passa devant et tint les portes ouvertes afin que je m’engouffre à
l’intérieur, puis il entra derrière moi avant qu’elles ne se referment.
Je regardais défiler les numéros des étages, je revoyais la soirée, j’avais
l’impression de faire une grosse bêtise. Allais-je le regretter toute ma vie ? Partir
et le quitter ? Tout au fond de moi, j’étais persuadée que je ne le reverrais
jamais.
Je me tournai vers lui, surprise de constater qu’il me regardait également. Le
plus naturellement du monde, il mit ses mains sur mes épaules et sur ma nuque,
posa sa bouche sur la mienne et me plaqua au mur. Je sentis son corps contre
moi, je fis courir ma main le long de son dos, l’attirant plus près et touchant son
membre durci sous son pantalon hors de prix.
« Tu n’allais pas filer aussi facilement », gronda-t-il en se dégageant.
« Tu n’as pas envie de moi », dis-je en baissant les yeux et en regardant ses
lèvres. « Je suis trop compliquée.
– J’aime ça », murmura-t-il contre ma joue. « C’est le moment idéal pour te
dire que j’adore les défis… »
Mon ventre faisait des loopings tandis que je le sentais durcir sous ma main,
son membre tendait le tissu de son pantalon, j’avais besoin de le sentir en moi.
Je le désirais toujours autant — ça n’avait pas changé — mais après ? Je ne
pouvais pas être avec lui. Je ne pouvais pas me livrer entièrement tant que je
n’aurais pas mis de l’ordre dans ma vie. Il ne cherchait vraisemblablement qu’à
passer la nuit avec moi, vu le feeling qui passait entre nous, ça ne pouvait pas
être juste un coup d’un soir. Le désir peut-il se muer en sentiments ?
Je défis son pantalon et essayai de l’ouvrir. Il posa ses lèvres sur mon visage,
la chaleur de son souffle déclenchait une passion torride.
« Tu me fais de l’effet. »
Sa voix était chaude. Il frissonna et gémit sourdement, l’ascenseur s’arrêta
aussi rapidement qu’il était monté, les portes s’ouvrirent et il recula vers le fond.
Je restai les bras ballants tandis qu’il refermait son pantalon.
Nous sortîmes de l’ascenseur, ignorant les regards perplexes de trois femmes
qui attendaient pour monter, traversâmes le hall à toute allure, passâmes la porte
à tambour, une grosse voiture noire et racée attendait devant.
« C’est pour moi ? » dis-je dans un souffle, en le regardant.
Il acquiesça.
« Tu as ma carte Abbiggail. Utilise-la. Je pars à Hong Kong pour une
semaine mais j’aimerais qu’on se voie à mon retour.
– Ethan… »
Il posa un doigt sur mes lèvres, il était redevenu sérieux.
« Ne dis rien. Je sais. Tu es compliquée et écœurée des mecs, mais ça, c’était
avant de me connaître.
– Je ne peux pas… »
Il m’embrassa à la commissure des lèvres, s’y attarda un petit moment avant
d’ouvrir la portière et de m’aider à monter.
« Daniel te conduira où tu veux.
– Merci pour cette soirée, merci pour tout… »
Il m’arrêta.
« Ne me remercie pas Abbiggail. C’est moi qui devrais te remercier. Merci à
toi d’avoir changé la donne. Merci pour ton authenticité. »
Il referma la porte et fit signe au chauffeur.
« Où est-ce que je vous dépose Mademoiselle ? »
Je lui donnai mon adresse et nous nous éloignâmes doucement de l’entrée de
l’hôtel. Je jetai un œil par la fenêtre et vis Ethan qui restait là, à nous regarder. Je
n’en étais pas sûre à cent pour cent, mais je jouais un jeu dangereux. Quelqu’un
allait forcément souffrir, et ce quelqu’un c’était moi.

Ethan

Je regardais s’éloigner la voiture qui emportait Abbiggail sur la route
principale, je restais là dans la chaleur de la nuit, essayant de trouver une
explication à ce qui venait de se produire.
En début de soirée, si on m’avait demandé ce que j’attendais de la vie,
j’aurais répondu l’argent et tout ce qui l’accompagne. On m’avait toujours
demandé quel était le secret pour gagner du fric et faire prospérer son
entreprise : toujours aller de l’avant. Surtout ne pas avoir de petite amie, de
fiancée ou de femme, et encore moins fonder une famille. J’avais suivi ce
précepte à la lettre durant toute ma vie. Je mangeais, respirais et dormais en
pensant boulot, mais quand j’avais vu Abbiggail au bar, tout était parti aux
oubliettes.
Je la désirais.
Je la voulais rien qu’à moi, mais je ne savais pas dans quelle mesure. Elle
avait été très claire là-dessus : elle ne voulait pas d’histoire d’amour ou de
quelqu’un dans sa vie, ça me convenait plutôt. Ou pas ?
Je retournai dans ma suite déserte, me versai quelque chose d’un peu plus
fort qu’à l’accoutumée, me mis à la fenêtre et regardai les lumières de la ville.
Je repensai à ma vie depuis que j’avais créé mon entreprise, à toutes les
femmes que j’avais côtoyées, des femmes uniquement intéressées par mon
compte en banque et qui s’offraient à moi sur un plateau. Tout était trop facile, je
pouvais m’offrir tout ce que je voulais et qui je voulais, mais qu’Abbiggail m’ait
éconduit en dépit de tout ça avait piqué ma curiosité.
Je n’arrêtais pas de penser à elle et à la raison pour laquelle je ne l’intéressais
pas. Je ne savais pas si j’avais envie d’elle pour une bonne raison ou pas —
c’était impossible à dire — mais j’étais sûr d’une chose : Abbiggail serait
mienne. Même si elle ne le savait pas encore.


Chapitre Deux
Trois semaines plus tard

Ethan

Le silence régnait sur Carter Corp. Tandis que je sortais de l’ascenseur,
Mary, ma jolie assistante, se jeta sur moi avec le courrier au moment où j’entrais
dans mon bureau.
« Jackson Group a appelé, ils attendent votre ‘OK’ d’ici demain afin de
pouvoir avancer.
– Super. OK.
– Il y a un message de Katy au sujet des documents que vous avez
demandés…
– Ils sont sur mon bureau, prêts à être envoyés.
– Ah, les types de Strenson & Co aimeraient repousser la réunion de ce soir.
– Ce soir ? »
Je me tournai vers elle, dépité.
« Cette réunion est planifiée depuis un mois. C’est vraiment urgent ou je
peux refuser ? »
Elle me regarda, légèrement nerveuse, je posai ma main sur son épaule pour
la rassurer.
« Malheureusement Ethan, ils ont eu un décès. Un accident de la route. La
société a fermé plusieurs semaines en signe de deuil…
– Oh merde ! D’accord, bien sûr. Mais c’est la dernière fois qu’on la reporte,
je veux qu’ils me donnent une nouvelle date par écrit.
– Oui, bien entendu. »
J’ouvris la porte de mon bureau et revins vers elle.
« Mary ?
– Oui ? »
Elle était à mes côtés, les yeux grands ouverts, à mes ordres.
« Personne d’autre n’a appelé au bureau ?
– Non, personne », répondit-elle, en me regardant d’un air soupçonneux.
« Pourquoi ? Qui aurait dû appeler ?
– Personne. Simple question. Merci. Je prendrai mon café un peu plus tard. »
Elle opina et sortit.
Retranché dans mon bureau, je repoussai une pointe de déception, ouvris un
tiroir et en sortis les documents sur lesquels je travaillais depuis une semaine.
Daniel avait noté son adresse, et bien qu’elle ait le droit d’avoir une vie
privée, quelque chose en moi me disait que je devais agir.
Le goût d’elle, une brève étreinte et puis ce qui s’était passé dans l’ascenseur
n’étaient pas de nature à me satisfaire. J’en redemandais. Je voulais malaxer ses
seins en la pénétrant. Je voulais voir son visage pendant qu’elle jouissait. J’étais
excité, rien que l’idée me faisait bander. Elle me faisait un effet incroyable, il
faudrait être fou pour la laisser filer. Personne ne m’avait jamais fait autant
d’effet avant. Jamais. Aucune femme ne m’avait laissé de souvenir
impérissable. Ce n’était pas de l’amour, j’en étais conscient, mais ce qui se
passait entre nous était trop intense pour passer à côté.
Mon téléphone fixe sonna, je décrochai rapidement, impatient d’entendre les
paroles de Mary.
« Ethan, il y a une femme en bas qui veut vous voir. Elle dit ne plus avoir de
vos nouvelles depuis un moment et que vous devez… terminer ce que vous avez
commencé.
– Terminer ce qu’on a commencé ? »
Je repensai à l’ascenseur tandis qu’on descendait de ma suite, aux mains
d’Abbiggail sur mon corps et à la façon dont on avait été interrompus.
Je la fis entrer, sans réfléchir.
Faire l’amour avec Abbiggail dans mon bureau m’excitait au plus haut point,
je serais fin prêt lorsqu’elle entrerait.
On frappa à la porte et Mary entra, mais ce n’était pas Abbiggail qui se tenait
derrière elle. Je ne m’attendais pas à ça du tout, je débandai aussi sec.
« Qu’est-ce qui… »
Mary referma la porte en sortant, nous laissant seuls. La tension était
palpable.
« Ethan, pourquoi tu ne réponds pas quand je t’appelle ? aboya-t-elle.
« À quoi tu joues ? » dis-je, plus agacé qu’autre chose.
« À quoi je joue ? Tu m’as déjà oubliée ? »
Elle approcha de mon bureau, les mains tendues.
« Ça fait un mois que je ne t’ai ni vu ni entendu. Un mois, Ethan. Tu sais
l’effet que ça fait ?
– Ouais je vois parfaitement bien merci, dis-je en l’imitant.
– Oh, je t’en prie. On fait son petit numéro d’acteur ? »
Je me levai et me postai près des baies vitrées : un homme au caractère plus
faible aurait sauté par la fenêtre plutôt que d’être assailli par une femme
bafouée. Je regardais la ville à mes pieds, j’entendais la voix d’Amy derrière
moi, cette voix pointue qui me hérissait comme le crissement des ongles sur un
tableau noir. Me trompais-je à ce point sur les femmes ? Comment aurais-je pu
prévoir que ça finirait comme ça parce qu’on avait couché ensemble six ou sept
fois à tout casser ?
« Tu m’écoutes ? » demanda-t-elle, s’arrêtant pour reprendre son souffle.
Je me tournai vers elle et fis mine de l'avoir écoutée, mais le cœur n’y était
pas. Les lèvres pincées en une ligne étroite, elle marcha vers moi.
« T’es qu’un sale type Ethan », siffla-t-elle en me pointant du doigt. « C’est
comme ça que tu traites les femmes ? Tu crois que je n’éprouve rien ? Je pensais
que c’était du sérieux. Je suis censée être ta petite amie. »
J’étais surpris. Je le regardai, je vis la rage dans ses yeux et ses narines
dilatées. J’étais quasiment certain qu’elle allait me gifler, mais en vérité, je ne lui
avais jamais rien promis. J’avais couché avec elle pendant un mois, dans mon
bureau, et elle venait se plaindre sous prétexte que je lui devais tout. Elle savait
très bien à quoi s’attendre en couchant avec moi. Elle savait très bien que je ne
voulais pas que ça tourne au drame et que ça reste une simple aventure. Elle
savait pertinemment que je ne serai jamais le « petit ami » de personne.
« Tu ne dis rien ? » aboya son joli visage crispé.
Elle était plutôt un bon coup au lit, et malgré son ego de petite copine
surdimensionné, je l’aimais bien. J’aimais bien nos discussions après l’amour et
le fait qu’elle parte satisfaite. Pas de complications, pas de déception, pas de
cris… jusqu’à aujourd’hui.
« Amy, écoute…
– Karen ! Je m’appelle Karen ! »
Merde.
« Désolé. Karen, écoute, c’était juste pour le fun. On a passé un bon moment,
non ? On savait tous les deux que ça ne durerait pas éternellement.
– T’es qu’un trou du cul, Ethan ! Un putain de trou du cul millionnaire avec
des putains d’immeubles et des bimbos qui te sucent la bite, regarde-toi. Tu
resteras seul toute ta vie. Si t’étais si bien avec moi, pourquoi tu m’as pas
rappelée, hein ? A la suivante, c’est ça ? C’est comme ça que tu fais ? Tu te
barres dès que tu sens que tu t’attaches. Surtout ne pas faire comme tout le
monde. Pourquoi t’as pas rompu ?
– Parce qu’on n’a rien à faire ensemble ! » lâchai-je, faisant valser ce qui
était sur mon bureau, contrarié par cette pique totalement infondée. « T’es venue
pour ça ? C’est ce que tu voulais entendre ? On n’a jamais rien eu à faire
ensemble ! »
Ses yeux se firent tout petits, elle resta sans voix. Elle était à mille lieues de
se douter que je sortirais de mes gonds, je me surprenais moi-même. J’aurais dû
me calmer, mais elle était allée trop loin, il fallait que ça sorte.
« On n’a jamais été ensemble. On a pris du bon temps, je t’ai emmenée dans
des endroits magnifiques, mais c’était juste pour le fun. Nous avons profité l’un
l’autre sans contraintes. Pourquoi est-ce que ça devrait changer ? Comment t’as
pu penser que tu pourrais me changer ? »
Nous nous regardâmes un moment en silence et je vis qu’elle était blessée.
Putain. Je pris une profonde inspiration et levai les bras au ciel.
« Karen, on s’est dit ce qu’on avait à se dire. C’est pas l’endroit idéal pour
une discussion. Mary va t’appeler un taxi, je n’ai vraiment pas le temps… »
Elle rit et fit un pas en avant.
« Tu n’as pas le temps ? Tu sais quoi Ethan ? Tu me fais perdre mon temps.
J’en ai marre. Je ne le supporterai plus. Tu traites les femmes comme de la
merde, je vaux mieux que ça. Stop ! C’est terminé ! Je ne veux plus jamais
entendre parler de toi ! »
Elle se tourna, prit son sac sur la chaise, et sortit comme une furie. Je la
regardai partir, la perplexité laissant place au soulagement tandis que Mary se
glissait sans bruit dans le bureau et ramassait tout ce que j’avais envoyé balader
par terre.
« Qu’est-ce qui s’est passé ici ?
– Amy… non, Karen est passée.
– Celle qui anime les soirées-débats ? Celle qu’Edward Hewitt connaît
bien ? »
J’acquiesçai.
« Oui, celle-là. Je suis persuadé qu’elle m’a fait suivre. »
Mary rit et se leva.
« Je la rajoute sur la liste ? »
J’opinai. Il s’agissait de la liste des femmes qui étaient bannies du bureau et
de celles qui n’étaient plus invitées aux soirées de l’entreprise à cause de leurs
sorties fracassantes ou de leur côté trop possessif.
Elle remit les documents en ordre sur mon bureau.
« Vous ne fréquentez pas le bon type de femme, je connais des dames très
bien à l’église où je vais. Je pourrais peut-être vous en présenter ? Vous savez,
les fameux blind dates ? »
J’imaginai Mary au lit et je me pris à rire. Elle ne cassait pas des briques. Ce
n’était pas péjoratif. Disons qu’elle me faisait penser à un bon pull bien chaud
ou à une bonne grosse couverture. Elle était agréable et pas sexy pour deux sous,
voilà pourquoi on bossait si bien ensemble. Elle ne me dérangeait pas dans mon
travail. J’avais eu pas mal d’assistantes qui avaient fini comme Karen et je ne
pouvais pas me le permettre, pas dans mon travail.
« Franchement Mary, je ne pense pas que ça me conviendrait.
– Pourquoi pas ? Ce sont de bonnes ménagères et de bonnes épouses. Elles
sont fidèles, fiables et faciles à vivre… »
Je renversai la tête en arrière et ris.
« Mon Dieu Mary ! Vous me parlez de vos amies ou d’une paire de
chaussures ? Je ne pense pas qu’elles me conviendraient. Merci, mais je me vois
dans l’obligation de décliner votre offre si généreuse. »
Elle sourit et haussa les épaules.
« Très bien, ne dites pas que je ne vous aurais pas prévenu. Ces Américaines
« normales » qui vous paraissent si ennuyeuses peuvent s’avérer fort
distrayantes. »
Elle prit la direction de la porte et mon esprit se focalisa sur Abbiggail. Je me
souvins que son adresse était notée sur le papier.
La discussion avec Karen m’avait conforté dans ma décision de ne pas me
lancer dans une relation amoureuse, surtout avec des femmes dont l’unique
préoccupation était de fréquenter des hommes riches. Il me fallait du sexe, mais
l’idée de m’attacher à une femme qui ferait irruption dans mon bureau en me
traitant de tous les noms m’était insupportable.
Je voulais une histoire simple. J’avais envie d’embrasser chaque centimètre
de la peau d’un corps de femme brûlant glissé entre des draps de coton égyptien,
sans avoir la pression de devoir l’appeler si je n’en avais pas envie.
J’avais envie de tout ça, mais avec Abbiggail.
« Mary ! »
Je l’appelai avant qu’elle ne sorte du bureau. Elle pivota et me regarda d’un
air interrogateur.
« Oui ?
– Puisque Peterson & Co a reporté pour ce soir, pouvez-vous annuler mes
rendez-vous ? Je prends ma journée.
– Mais…
– Pouvez-vous dire à Daniel de m’attendre en bas ?
– Mais que… ?
– Dites-leur, dites à tout le monde que je ne suis pas là. Je serai là demain
matin, je vous confie la maison. »
Elle parut légèrement paniquée, mais je savais que je pouvais compter sur
elle. Évidemment je ne l’abandonnais pas au meilleur moment, mais j’avais à
faire, plus j’y pensais, plus j’étais impatient.
« Vous serez joignable ? » demanda-t-elle en me suivant jusqu’aux
ascenseurs. « Je peux vous appeler en cas de problème ?
Je fis oui de la tête et m’arrêtai pour la regarder.
« Mary, respirez. Tout ira bien. Je suis joignable. Appelez-moi en cas
d’urgence, sinon, laissez tout sur le bureau. Ça attendra demain. »
Elle vit la porte s’ouvrir et me regarda.
« Et… au sujet de la fusion avec Hewitt ? Vous partez au mauvais moment.
Edward dit que…
– Edward est un ami, Mary. Tout ira bien si je l’appelle seulement demain. »
Je glissai mon pied entre les portes pour bloquer leur fermeture.
« Je vous confie la maison. Tout se passera bien, respirez. »
Daniel m’attendait près de la voiture, en plein soleil. Il m’ouvrit la porte et je
montai à l’arrière, non sans avoir salué mes employés.
« Où allons-nous, Monsieur ?
– Rien de professionnel aujourd’hui. Je vais rendre visite à de la famille.
– Votre mère ?
– Exact. »
Il déboîta et je m’installai confortablement. Ma vie de famille ne regardait
que moi ; même Mary n’était pas au courant de l’importance qu’elle revêtait.
C’était strictement privé. Tandis que je me laissais porter par le flot de la
circulation new-yorkaise pour aller voir ma mère, je ne parvenais pas à me
débarrasser de l’appréhension qui montait en moi.


Abbiggail

« Où est-ce que je vais aller ? »
Ma colocataire me regardait l’air de dire « tu vas t’en sortir », mais c’était
impossible. Qui abandonnerait sans rien dire ?
« J’ai perdu mon taf, Lucy, tu vas me ficher dehors toi aussi ?
– Tu en trouveras un autre, et puis on a besoin de cette chambre, dit-elle à
regret. La grossesse n’était pas prévue, mais il y a un bébé maintenant et on doit
s’organiser. On aimerait lui préparer sa chambre et…
– D’accord, j’ai compris », répondis-je, essayant toujours d’assimiler la
nouvelle.
Je n’avais nulle part où aller ni personne sur qui compter. J’allais finir à la
rue avec toutes mes affaires si je ne me bougeais pas. Ce ne serait pas la
première fois, mais je n’arrivais pas à partir, pas tant que je n’aurais pas compris
le pourquoi du comment.
« Je suis désolée », dit-elle, la main posée sur son ventre. « Tu peux
sûrement rester à l’hôtel quelques semaines, histoire de chercher tranquillement.
J’ai un ami qui a fait ça une fois…
– C’est horriblement cher », répliquai-je, totalement paniquée. « Mais tout va
bien. Je trouverai quelque chose. »
Je me levai du canapé, furieuse, me dirigeai vers ma chambre et me jetai sur
mon lit.
On me laissait à chaque fois tomber. Il est difficile de vivre dans un monde
dans lequel on ne peut compter sur personne, mais vivre en ville sans travail ni
nulle part où aller, sans aucune garantie ni famille qui plus est, était une vraie
calamité.
Je fermai les yeux, essayant de me remémorer les moments positifs de ma
vie lorsque j’entendis Lucy et son copain qui se disputaient. Je savais bien que
ce n’était pas de sa faute. Il l’avait certainement forcée à me mettre dehors, on se
connaissait bien avant qu’elle ne le rencontre. Il était peut-être temps que je
casse ma tirelire, vende quelques affaires, prenne un billet pour Paris et
recommence à zéro. Je m’étais débrouillée pour perdre mon job et ma
colocataire en l’espace d’un mois ; c’était quoi la suite ? Ma dignité ? La santé ?
J’allumai mon ordinateur et fis défiler les pages d’offres d’emploi pour la
troisième fois de la matinée.
Tandis que je parcourais cette liste sans fin, mes yeux s’arrêtèrent sur le logo
bien connu de la carte de visite que j’avais malencontreusement égarée dans
l’appartement. Carter Corp. La société d’Ethan recherchait des réceptionnistes.
Je sentis une pointe d’excitation, j’allais répondre mais lorsque je cliquai sur le
descriptif du poste, il avait déjà été liké mille trois cent soixante-dix fois.
Je regardai à nouveau le numéro, sous le choc. Même si j’avais passé un
moment avec le patron, je n’avais aucune chance. Qu’est-ce que j’avais de plus
que les mille autres candidates ? En quoi sortais-je du lot ? Me choisirait-il
vraiment parmi la pléthore de postulantes arborant petit tailleur et talons
aiguilles ?
Je refermai l’ordinateur et le repoussai. De toute façon c’était foutu. Lucy
voulait que je parte d’ici quelques semaines, je n’avais nulle part où aller, c’était
sans espoir.

Ethan

La maison que j’avais achetée pour ma mère était ce qu’on aurait pu qualifier
de petite, mais c’est elle qui l’avait choisie. Elle voulait être à l’extérieur de la
ville, avec un petit bout de terrain pour jardiner tranquille. Ce n’est pas ce que
j’aurais choisi, mais je ne la voyais pas vivre ailleurs, et tandis que nous nous
garions, elle était dans le jardin, à genoux sur une couverture en train d’arracher
les mauvaises herbes.
Je sortis de la voiture et marchai vers elle, les yeux plissés à cause du soleil.
« J’avais pas engagé quelqu’un pour s’en occuper ? »
Elle me regarda en souriant, et ouvrit les bras. Je l’aidai à se relever.
« Je lui ai dit que je n’avais pas besoin de lui. J’ai un beau jardin et je veux
que ça reste un bon souvenir lorsque je ne pourrais…
– C’est hors de propos », l’interrompis-je, sévèrement. « Les meilleurs
docteurs s’occupent de ton cas. Il y a un labo en Allemagne qui teste un nouveau
médicament et…
– Entre un moment. »
Nous entrâmes dans sa cuisine campagnarde.
« Un peu de limonade ? C’est moi qui l’ai faite… »
Je refusai, mais elle m’en servit tout même un verre qu’elle posa devant moi.
« Tu as parlé à ta sœur ? » me demanda-t-elle après que j’ai bu une gorgée.
« Non, pourquoi, il fallait ? »
Elle acquiesça et me regarda, les sourcils froncés. Même là, elle était
toujours aussi belle.
« Ce n’est pas facile à dire », mon chéri, soupira-t-elle. « Le cancer progresse
vite, c’est pire que ce que nous… que ce qu’ils pensaient et… »
Je secouai la tête, je savais très bien où elle voulait en venir.
« Maman, je te prends un rendez-vous en Angleterre. Fais tes bagages, Mary
nous réserve un vol pour ce soir.
– Ethan…
– Je dois décaler des réunions, je vais lui demander de prendre un rendez-
vous au Centre contre le cancer de Londres dès qu’on…
– Je vais mourir Ethan ! » cria-t-elle hors d’haleine. « Chéri, on ne peut pas
tout guérir avec de l’argent. Mon cancer empire, voilà. Je vais mourir. Je suis en
phase terminale.
– Pourquoi tu ne m’as rien dit ?
– Parce qu’on sait tous que tu es très occupé. Ce n’est pas grave si tu n’as pas
pu être là. Je n’étais pas seule. »
Je contemplai la seule femme au monde capable de maîtriser mes émotions.
Je l’avais toujours tenue à l’écart du monde et de la vie en société, j’avais passé
ma vie entière à essayer de la protéger, et je ne pouvais rien faire, je ne
maîtrisais rien, ça me rendait fou.
« Ça va s’arranger, insistai-je. Je vais passer deux ou trois appels et… »
Elle posa sa main sur mon bras qui tenait le téléphone.
« Tout va bien, Ethan. Je me suis préparée à la mort, je sais très bien ce qui
va se passer. L’argent ne fait pas tout. »
Je la pris contre moi et l’enlaçai tendrement, aussi longtemps que je pouvais
et aussi longtemps qu’elle me le permettrait.
« Combien de temps ? » demandai-je les yeux fermés, espérant compter en
années plutôt qu’en semaines. Elle se dégagea et me regarda.
« Le docteur a dit quelques mois, il ne sait pas vraiment combien, mais pas
beaucoup plus.
– Il doit savoir, c’est son boulot ! aboyai-je. Je vais le rencontrer dès demain
matin pour avoir une information exacte. »
Elle secoua la tête, l’air fatigué.
« Il s’est bien occupé de moi, rien ne sert de s’énerver, ça ne fera pas
disparaître le cancer… »
J’étais comme anesthésié. Elle avait raison, mais elle ne pouvait pas mourir.
Pas avant que je sois marié et qu’elle fasse la connaissance de ses petits-enfants.
Comment était-ce possible ? Comment avais-je pu arriver à l’âge de trente-cinq
ans en traînant avec des femmes insipides, alors que j’aurais dû me préoccuper
de trouver la bonne personne avec qui me marier et fonder une famille ?
Ni ma sœur ni moi ne lui avions donné la joie d’être présente à nos mariages,
elle aurait été si heureuse. Elle n’arrêtait pas de nous parler mariage et enfants,
et maintenant elle allait mourir sans avoir connu ni l’un ni l’autre.
« J’ai encore plein de choses à faire avec toi, maman. Je suis sous le choc, et
Dieu sait que rien ne me choque habituellement. C’est juste que je n’ai rien vu
venir. Je pensais qu’on était tirés d’affaire. Je…
– Tout ira bien », sourit-elle, optimiste. « Je suis fière de toi. Regarde-toi,
regarde ce que tu es devenu. »
Je repensai aux paroles de Karen et au portrait qu’elle avait dressé de moi,
ma mère aurait été scandalisée. Elle aurait été écœurée d’apprendre comment je
perçois les femmes, comment je les déshabille du regard avant de tenter ma
chance. J’aimais ma vie et le sexe, mais ça ne faisait pas tout. Pas tant pour moi,
mais pour elle. Je voulais qu’elle sache que j’étais heureux et que je m’étais
enfin rangé. Je voulais qu’elle assiste à ce qu’elle désirait plus que tout au
monde : mon mariage.
« C’est bien triste », commençai-je, le mauvais goût du mensonge dans la
bouche. « J’étais venu t’annoncer une bonne nouvelle…
– Oh ? Vraiment ? »
Son regard s’éclaira et je me détestai, mais je me détesterais encore plus si je
ne lui disais rien.
« Maman, je vais me marier ! »
Elle mit ses mains sur son visage, à la fois surprise et excitée.
« Non, ce n’est pas vrai ? Oh mon dieu ! C’est vrai ? C’est vrai ? »
J’acquiesçai.
« Qui est-ce ? Tu ne m’avais pas dit que tu avais rencontré quelqu’un !
Quand ? Qui d’autre est au courant ? Je suis la première ? Je n’arrive pas à y
croire ! Je croyais que ça n’arriverait jamais ! »
Elle me prit dans ses bras et m’embrassa sur la joue.
« Fais vite. Je veux voir mon fils marcher vers l’autel. Je dois le voir.
– D’accord. Je vais envoyer les faire-part dès que possible, on va tout
organiser, promis. »
Elle m’embrassa à nouveau.
« Je vais informer ton oncle. Je peux lui dire ? Tu me la présentes quand ? »
Je lui adressai un oui, elle était folle de joie, tout ça n’était qu’une vaste
mascarade, mais c’était le cadet de mes soucis. Je devais trouver ma future
épouse le plus rapidement possible. Une femme qui méritait d’être présentée à
ma mère et d’être ma femme. Je savais qu’il était virtuellement impossible de
trouver la personne parfaite, mais j’avais ma petite idée. Le plus dur serait de la
convaincre de la chance qu’elle avait de m’épouser.
Daniel gara la voiture le long d’un immeuble en centre-ville et se tourna vers
moi.
« Je l’ai déposée ici, monsieur, elle a monté ces escaliers, en face. »
Je regardai le grand immeuble sombre d’en face. Je n’étais pas né avec une
cuillère en argent dans la bouche, mais je n’avais jamais vécu dans un endroit
aussi déprimant de toute ma vie.
L’immeuble était crasseux et les ordures entassées avaient débordé.
J’étais peiné de savoir qu’Abbiggail habitait dans un quartier aussi triste. Je
sortis de la voiture avec la boîte que j’avais achetée, tandis que Daniel me tenait
la porte.
« Laissez tourner le moteur », dis-je en lui donnant une tape sur l’épaule
alors que je passais devant lui et montais les escaliers.
Mon plan était simple : appuyer sur tous les boutons jusqu’à ce que j’entende
sa voix, mais il y avait des noms sur l’interphone. Dont un bouton ‘Lucy et
Abbiggail.’
J’appuyai avec impatience, et réessayai en l’absence de réponse. Une voix
fatiguée me répondit.
Ça devait être Lucy.
« Allo ?
– Salut. J’aimerais parler à Abbiggail », dis-je, une pointe d’impatience dans
la voix.
« De la part de ?
– Un ami. On s’est rencontrés… »
La porte s’ouvrit et elle raccrocha. Je grimpai les escaliers deux à deux, je ne
voulais pas perdre de temps. Heureusement la porte était déjà ouverte lorsque
j’arrivai à leur appartement.
Lucy m’attendait. Elle me dévisagea.
« Je vous l’appelle. Abbiggail, c’est pour toi ! » cria-t-elle, puis elle tourna
les talons et disparut dans le couloir.
Abbiggail arriva : elle était en jogging et tee-shirt difforme, ses cheveux
bruns attachés en queue de cheval, je revoyais la scène de notre rencontre à
l’hôtel. C’était bien elle, hormis ses grands yeux bleus, tout rouges. Elle avait
pleuré, son regard était si triste que j’avais envie de la sortir de cet appartement
pour la mettre à l’abri.
« Tout va bien ? » demandai-je.
Elle me regarda, sous le choc.
« Ethan, qu’est-ce que tu fais là ? »
Je lui tendis la boîte, elle souleva le couvercle et regarda à l’intérieur.
« Une robe ?
– Enfile-la et rejoins-moi en bas, tu as un quart d’heure.
– Pourquoi ? On va où ?
– Dîner, et pas d’objection. »
Elle me regarda et secoua la tête.
« Je ne peux pas, je suis désolée. J’ai un tas de trucs à faire et… »
Elle essaya de me rendre la boîte mais je l’attirai contre moi, effleurai sa
nuque délicatement en de légers mouvements circulaires.
Elle me regarda et je vis le désir dans ses yeux, comme lorsque j’étais
retourné à l’hôtel. Elle était à moi.
« Mets-la et rejoins-moi en bas dans dix minutes.
– Mais… »
J’ôtai mes mains et redescendis. Je ne m’arrêtai pas pour vérifier si elle
suivait mes instructions ou pas. Daniel était prêt à démarrer, elle allait descendre
et on irait où je voulais.

Abbiggail

Je me regardai dans le miroir : la robe ne me mettait pas du tout en valeur.
On aurait dit une saucisse, c’était encore pire qu’en survêtement.
« Pas mal, dit Lucy. »
Elle surgit par-derrière, la main sur le ventre au cas où j’aurais oublié qu’elle
était enceinte.
« Merci. »
Je n’avais pas très envie de lui parler. Si j’en étais là, c’était à cause d’elle.
Elle était ma seule amie, elle m’avait hébergée. Elle me demandait de partir au
pire moment, je n’arrivais pas à l’avaler. C’était trop brutal, trop rapide, j’en
souffrais vraiment.
Elle s’assit sur mon lit et me regarda.
« Il a l’air de savoir ce qu’il veut. T’es pas obligée d’y aller si tu n’as pas
envie. »
Si seulement elle savait dans quel état il me mettait, rien que de repenser à
ses caresses...
Je me tournai vers elle, pas très certaine de ce que j’allais dire. C’était
impossible à expliquer.
« Il est comme ça, Lucy. Tout ce qu’il y a de plus inoffensif.
– T’en es bien sûre ? J’ai vu sa voiture en bas, Jack pense que c’est le genre
de mec à abuser de son pouvoir pour profiter de femmes comme… »
Elle ne finit pas sa phrase et regarda son ventre.
« Des femmes comme moi ? Tu veux dire celles qui se débrouillent toutes
seules ? Celles qui n’ont rien ni personne ? »
Elle se leva et s’approcha de moi, posa sa main à contrecœur sur mon épaule.
« Je veux dire… celles qui recherchent quelqu’un pour combler un manque.
Vas-y, mais ne viens pas te plaindre qu’on ne t’aura pas avertie. Ce n’est pas
parce qu’il a de l’argent que c’est un type bien. Les hommes comme lui prennent
les femmes pour de la merde.
– Tu ne sais pas comment il me traite », rétorquai-je, le doute s’insinuant
dans mon esprit.
« Tu le sauras bien assez tôt. Tu vas voir, il va t’inonder de cadeaux et quand
il aura eu ce qu’il veut, si ce n’est pas déjà fait, il passera à la suivante. C’est un
prédateur.
– Merci pour ton soutien ! » lâchai-je, tandis qu’elle s’éloignait.
Je voulus répondre autre chose, mais je ne tenais pas à ce qu’elle me fiche
dehors plus tôt que prévu, pas tant que je n’aurais pas trouvé un autre endroit où
vivre.
J’attendis dans ma chambre, respirai profondément jusqu’à ce que j’entende
la porte de la cuisine se refermer, puis quittai l’appartement, des larmes de rage
et de frustration voilant mes yeux. J’essayai de les refouler du mieux que je pus
alors que je descendais les escaliers.
Ethan était appuyé contre la voiture et m’attendait. Il se redressa lorsqu’il
m’aperçut, son regard survolant ma silhouette, s’arrêtant sur les courbes de mes
hanches et de mes cuisses, tout ce que je voulais à tout prix camoufler.
« Alors ? » demandai-je, en croisant sans le vouloir les mains sur mon
ventre.
Je m’aperçus alors que mon seul maquillage consistait en tout et pour tout en
un anti-cerne.
Un sourire illumina son visage séduisant.
« Tu es magnifique. Je savais qu’elle t’irait à merveille. »
J’avançai vers lui, mes uniques talons aiguilles raclant le bitume. Il
m’embrassa sur la joue et recula pour mieux me voir.
« Tu as pleuré.
– C’est rien, la faute à la vie et aux gens, c’est un ensemble.
– Je suis bon dans pas mal de domaines, et l’écoute est l’un de mes points
forts. »
Je souris.
« Ça n’en vaut pas la peine. C’est une histoire triste et banale. »
Il me regarda un moment, prit ma main et l’embrassa.
« On dîne ensemble, je veux tout savoir. Je pourrais peut-être t’aider ? »
Je le suivis en direction de la voiture, les joues rouges. Il était peut-être mon
prince charmant. Je m’étais toujours débrouillée seule. Personne ne m’avait
jamais aidée, j’étais bouleversée.
Daniel nous ouvrit la porte. Je sentis une boule au fond de ma gorge, et
tandis que la voiture s’éloignait, il posa sa main sur ma cuisse pour marquer son
territoire.
« Comment as-tu su que j’habitais là ? » demandai-je, la réponse me venant
soudainement à l’esprit. « Enfin, comment as-tu su que je n’étais pas au travail ?
– Je suis allé au bar… »
Le rouge me monta de nouveau aux joues.
« Oh…
– Apparemment tu ne travailles plus là-bas.
– On nous a vus ensemble au bar, puis monter dans ta chambre et en
redescendre. Ça a été répété et… »
Je m’arrêtai tandis qu’il repoussait mes cheveux sur mes épaules et
embrassait ma peau.
« Tout est de ma faute. Je suis désolé, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir
pour me faire pardonner. Tout.
– C’est trop tard…
– Tu ne connais pas mes plans, murmura-t-il. Je ne veux pas te voir comme
ça à cause de moi. »
Sentir sa respiration sur mon épaule me fit frissonner de plaisir. Nous
n’avions passé que quelques heures ensemble, mais il savait s’y prendre pour
que je brûle de désir, pour que je reste sans voix et me donne à lui.
Sa main glissa sous ma robe, puis entre mes cuisses et il la pressa contre ma
petite culotte.
Je gémis tandis qu’il touchait mon clitoris, le frottait contre la paume de sa
main. Je rejetai la tête contre le dossier. Ses lèvres allèrent de mon épaule à mes
lèvres en passant par mon cou, c’était tellement doux que j’en redemandai. Je lui
rendis son baiser lorsque nos lèvres se rencontrèrent, j’en voulais encore, laisser
tomber le dîner et aller quelque part où on serait tranquilles. Qu’est-ce que
j’étais devenue ?
Je repoussai son baiser et gémis tandis que ses doigts se frayaient un chemin,
explorant mon intimité. J’étais toute à lui. Je lui appartenais.
J’ouvris les yeux, soudainement consciente de la présence de Daniel, qui
fixait la route droit devant lui. Je me redressai, essayant d’oublier les doigts
d’Ethan qui allaient m’envoyer dans la stratosphère. De son autre main, il tourna
mon visage vers lui.
« Et Daniel ? » demandai-je, tandis que ses lèvres effleuraient mon cou.
« Ne t’occupe pas de lui. Concentre-toi sur mes doigts. »
Je fermai les yeux, oubliant tout le reste, la tension montait en moi. C’était si
bon que je n’allais pas pouvoir tenir longtemps.
« Ethan… »
J’avais du mal à parler. D’une main, je me cramponnai à l’accoudoir, et de
l’autre je l’attrapai par les cheveux, l’orgasme montait.
« Laisse-toi aller », murmura-t-il.
Ses mots et sa voix rauque m’envoyèrent au septième ciel et je jouis, la main
sur la bouche pour que Daniel ne m’entende pas crier. Mon corps et mes hanches
étaient parcourus de secousses.
Il retira ses doigts tandis que le regardais, essayant de reprendre mon souffle.
« Je… »
Les mots refusaient de sortir, j’étais épuisée et décoiffée.
Il sourit et m’embrassa à nouveau sur l’épaule. Je bougeai ma main pour
toucher son sexe mais il l’enleva, la voiture s’arrêta.
« On aura tout le temps plus tard. »
Il me regarda, ses yeux verts emplis de désir, d’impatience et de cette
confiance qui émanait de lui.
La porte s’ouvrit ; le charme était rompu.
J’arrangeai ma robe en vitesse et suivis Ethan dans les lumières de la ville,
mon corps encore sous le choc du plus gros orgasme que j’avais jamais ressenti.
Je me sentais nerveuse, étourdie et gênée. Je craignais que tout le monde soit
au courant, et tandis que nous entrions dans le restaurant, son bras fermement
passé autour de ma taille, il m’adressa son sourire le plus rassurant.
Je refoulai les mots de Lucy. Je savais très bien que les hommes tels
qu’Ethan ne veulent qu’une chose : du sexe, et rien d’autre. Exit les sentiments.
C’était le genre de type dont les femmes tombaient amoureuses, et qu’ils
larguaient la semaine suivante, les laissant pleurnicher devant leur téléphone.
Mieux valait me tenir à distance, il n’avait pas d’affect, n’importe quelle femme
serait tombée dans le panneau, mais pas moi. Je n’étais pas du genre à tomber
amoureuse d’un type comme lui. J’avais trop souffert pour baisser ma garde ne
serait-ce qu’un instant.
Seul le sexe m’intéressait. J’en avais ma claque des émotions, des drames et
des sentiments. Tout se passerait bien entre nous tant que je ne tomberais pas
amoureuse de lui — ou du moins, tant que je n’aurais pas fait tomber les
barrières qui me protégeaient d’une autre blessure.

Ross and Daughters était un restaurant élégant situé au cœur de New York.
J’avais entendu dire, au bar de l’hôtel, qu’il y avait une liste d’attente de trois
mois. Tandis que nous approchions du maître d’hôtel, dont le regard s’éclaira à
la vue d’Ethan, j’étais bien contente de sentir son bras me guider vers le fond de
la salle, où nous attendait une table pour deux, dissimulée par un léger voilage.
Ethan glissa des billets dans sa poche et ils échangèrent quelques mots avant
qu’il ne parte.
« J’espère que tu apprécies le cadre ? » me murmura-t-il à l’oreille, reculant
la chaise pour m’aider à m’asseoir.
Je m’y installai sans le quitter des yeux tandis qu’il prenait place à son tour.
« C’est l’un de mes préférés.
– Je… j’adore. Merci. Comment as-tu… ? Je croyais que… ? »
Il rit et déplaça sa main afin que le serveur puisse remplir nos coupes de
Laurent Perrier. Lorsqu’il fut parti, il se pencha vers moi et redevint sérieux.
« Tu le mérites Abbiggail. »
Je soutins son regard puis m’emparai de la coupe et en bus une gorgée.
« Ethan, je…
– Je sais, j’ai envie de te faire plaisir. »
Il prit son verre et le leva.
« Trinquons.
– À quoi ?
– À explorer les frontières de l’amitié et à en franchir les limites. »
Je ne trinquai pas, il fit tinter son verre contre le mien et but une gorgée.
« Dis-moi, qu’est-ce qui s’est passé chez toi ?
– Tu demandes ça parce que j’ai pleuré ?
– Tu es jeune, énergique, pleine de vie…
– Au chômage et sans domicile, le coupai-je.
– Oh. Je vois.
– Ma colocataire, qui est aussi ma seule amie, attend un bébé, elle me donne
un mois.
– Un mois pour quoi ?
– Pour déménager. Elle doit préparer la chambre pour le bébé, la décorer, je
dois dégager, et notre amitié avec.
– Tu n’as pas d’autres amis ou de la famille qui pourrait t’accueillir ? »
Je secouai la tête, je n’avais pas vraiment envie de lui raconter pourquoi
j’étais seule et pourquoi sans Lucy, je n’avais plus rien ni personne.
« Non, je n’ai que moi. Moi et mes affaires.
– J’ai la solution à ton problème. »
Il s’arrêta tandis que le serveur prenait la commande. Il choisit pour moi, un
filet de bœuf avec des pommes dauphine et des légumes de saison. Il n’était pas
le genre d’homme à commander une simple salade.
Il attendit que le serveur apporte nos plats et reparte pour s’adresser à moi
d’une voix ferme.
« Laisse-moi résoudre tes problèmes Abbiggail. Tous tes problèmes.
– Je ne peux pas accepter », dis-je avant qu’il continue.
J’étais gênée de dîner en compagnie d’un millionnaire à qui je n’avais rien à
offrir en retour.
« Abbiggail…
– On ne m’achète pas Ethan. Je me suis toujours débrouillée sans personne,
je suis comme ça. Si tu penses que tu peux m’avoir en venant chez moi et en me
payant un resto hors de prix, mieux vaut arrêter tout de suite. Je n’ai pas besoin
d’un sugar daddy. »
Je me levai, heurtai la table par mégarde avec ma hanche.
Il secoua la tête.
« Assieds-toi », dit-il d’une voix particulièrement calme.
Je n’obtempérai pas, il haussa le ton.
« Abbiggail ! Assieds-toi ! »
Je me rassis immédiatement, honteuse de mon coup d’éclat. Le rouge me
monta aux joues, comme souvent.
Ça faisait des années que je m’en sortais toute seule, j’avais beaucoup de mal
à accepter de l’aide ou des cadeaux. Je n’avais jamais inspiré que de la pitié,
toute cette rage trop longtemps contenue s’était déversée sur Ethan, je me sentais
humiliée.
« Je suis désolée », dis-je dans un murmure, incapable de le regarder. « Je
traverse un moment pénible. C’est difficile de… Je ne peux pas…
– Ne dis rien. Tout va bien. »
Il poussa la coupe de champagne vers moi et j’avalai une bonne gorgée, pris
une profonde inspiration et soufflai.
« Ça va mieux ? »
Je fis oui de la tête.
« Ce n’est pas l’endroit pour ça. Je suis sincèrement désolée. C’est juste
que… tout est tellement difficile. Tu comprends ? Je t’avais bien dit que j’étais
compliquée.
– À vrai dire, c’est en partie de ma faute. Je ne serais pas un parfait
gentleman si je te laissais tomber, laisse-moi rendre les choses moins
compliquées. »
Il but du champagne.
« Épouse-moi. »
Il me fallut un moment avant d’intégrer l’information, je crus avoir mal
entendu.
« Qu’est-ce que tu viens de dire ?
– Épouse-moi Abbiggail. Et tes problèmes seront définitivement réglés. »
Je ris nerveusement.
« Tu plaisantes ? »
Il secoua la tête, sérieux.
« Dis oui. Tu n’auras plus de soucis d’argent ni de logement. J’ai plusieurs
maisons, tu n’auras que l’embarras du choix. »
Je fixai les bulles de la coupe de champagne pendant un moment, puis le
regardai. Il me fixait intensément.
« J’ai juste besoin d’un travail. J’ai vu une petite annonce pour un poste de
réceptionniste chez Carter Corp et…
– OK, le poste est à toi. Je t’emploie et tu m’épouses.
– Attends un peu. C’est un mariage… arrangé ? Pas un mariage d’amour ?
– Exact. Pas d’amour ni de mélodrame, c’est juste un marché. Tu as ce que
tu veux et j’ai…
– Ce que tu veux, terminai-je. »
Je me voyais déjà en esclave sexuelle, attachée dans sa chambre les cuisses
écartées, prête à l’accueillir à chaque fois qu’il en éprouverait le besoin.
« Mais je ne comprends pas. Tu n’as pas besoin de faire un mariage arrangé,
Ethan. Regarde-toi ! Tu as dû recevoir des brouettes de demandes en mariage au
cours de ta vie. Pourquoi ça tombe sur moi justement maintenant ? Qu’est-ce
que ça cache ?
– Tu le sauras la prochaine fois Abbiggail, mais je te jure qu’il n’y a rien de
tordu ou de sexuel.
– A moins que tu viennes d'hériter et que tu ne puisses toucher l’héritage
qu’une fois marié ? »
Il rit.
« Tu as lu trop de Harlequin, tu mélanges la réalité et la fiction.
– D’où tu connais ces livres ?
– Toutes les femmes au bureau meurent d’envie de se rouler dans la paille
avec leur Don Juan aux cheveux longs, et les étagères de la bibliothèque de ma
mère en sont remplies. »
Son regard s’assombrit, il regarda le sol un moment, perdu dans ses pensées.
J’allais lui demander si tout allait bien mais il m’adressa un sourire.
« Alors, c’est un oui ?
– Un peut-être.
– OK, un peut-être bien que oui ?
– Un peut-être, je vais réfléchir. »
Il rit et je vis une petite étincelle dans ses yeux.
« Parfait. Mes avocats vont préparer le contrat, je te donne trois jours pour
“réfléchir’’. »
On nous apporta nos plats et nous mangeâmes en silence. Mon cerveau
tournait à cent à l’heure, j’essayais de me raisonner. C’était donc si simple ?
J’avais juste à dire oui, signer des documents et conclure un marché qui
ajouterait plusieurs zéros derrière mon nom ? Il devait y avoir un piège, c’était
trop beau pour être vrai.
Un homme comme Ethan, séduisant, charmant et fortuné, trouvait des
femmes à la pelle, elles se bousculaient au portillon. J’avais fait des recherches à
son sujet depuis notre première rencontre, les gens se demandaient quand il se
caserait enfin. Alors pourquoi moi ? Pourquoi épouser une personne aussi
inconsistante que moi alors que d’autres femmes pouvaient lui offrir plus
d’amour en un jour que ce que j’avais eu dans toute ma vie ?


Ethan

La voiture s’arrêta devant chez Abbiggail et Daniel ouvrit la porte. Je la
suivis, la nuit était fraîche, elle frissonnait et je posai ma veste sur ses épaules.
« Merci encore », dit-elle avec un petit sourire. « Merci pour cette nuit
merveilleusement étrange.
– Tout le plaisir est pour moi. »
Je la pris par le bras et la guidai vers les escaliers. Elle se retourna, ses yeux
cherchant les miens.
« Merci pour ta proposition Ethan, commença-t-elle. Mais… »
Je posai mes doigts sur ses lèvres douces. Elle ne pouvait pas me dire ‘non’.
« Chut. Pas maintenant. Ne dis rien. Va te coucher et réfléchis. »
Elle me dévisagea, ses grands yeux bleus essayant de me sonder au plus
profond de mon être. Merde, elle était vraiment belle.
« Mais j’ai déjà… »
Je me surpris à l’embrasser. En partie parce que je ne voulais pas qu’elle dise
non, mais aussi parce que tout au fond de moi, j’en avais vraiment envie.
Pendant toute la soirée, j’avais pensé à ses lèvres pulpeuses sur mon sexe, il était
tout naturel que je veuille l’embrasser, c’est en général ce qui se produit quand
on est amoureux. L’embrasser sans passer par la case “sexe” pouvait s’avérer
dangereux.
Je me reculai, elle toucha ses lèvres, comme si ça la brûlait. Elle pensait
comme moi.
« Tu m’appelles quand tu auras pris ta décision ? » dis-je, essayant d’attirer
son attention sur autre chose.
Elle secoua la tête doucement.
« Je suis désolée mais j’ai perdu ton num… »
Je glissai une autre carte de visite dans sa main.
« Bonne nuit, Abbiggail.
– Nuit… » exhala-t-elle.
Mon baiser l’avait toute retournée. Elle ouvrit la porte, je la hélai.
« Abbiggail ! »
Elle se retourna, ses courbes généreuses éclairées par la lumière de l’entrée.
« Oui ?
– On n’a rien à perdre ! De l’amitié, pas de sentiments !
– Pas de sentiments… » répéta-t-elle en écho.
Pour une raison qui m’échappa, nos yeux s’attardèrent. Elle se retourna et la
porte se referma derrière elle.
Je montai dans la voiture et donnai un coup dans le siège devant moi.
« Tout va bien, Monsieur ? » demanda Daniel en se tournant légèrement.
Je secouai la tête.
« Je crois que j’ai merdé. J’ai bien peur d’avoir tout fait foirer. »
Il démarra et nous replongeâmes dans la circulation de la rue principale.
« Pourquoi ça ? » demanda-t-il, en s’arrêtant au feu rouge et en se tournant
légèrement vers moi.
« Je l’ai embrassée. Putain, je l’ai embrassée ! »

Chapitre Trois

Abbiggail

Deux jours après le dîner avec Ethan, je fus réveillée un beau matin par un
bruit sourd. On traînait quelque chose dans le couloir. J’essayai de l’ignorer, je
me tournai de l’autre côté, mais on frappa à la porte de ma chambre.
« Oui ? » dis-je depuis mon lit.
La porte s’ouvrit, Jack passa la tête et me regarda tandis que je remontai la
couverture sur mon caraco.
« Jack !
– Désolé, je voulais juste savoir si t’étais réveillée…
– Ouais, eh bien maintenant oui !
– Parfait, on doit poser ça ici. »
Il disparut un instant et revint en tirant de grands cartons derrière lui. Je le
regardai les entreposer contre le mur du fond, j’étais furieuse.
« C’est quoi ce bordel ? » demandai-je, enfilant un pull et sortant du lit. Je
n’ai rien commandé.
« C’est pas pour toi, dit-il fièrement. C’est pour le petit. C’est sa future
chambre.
– Déjà ? Mais je pensais avoir un ou deux mois devant moi. »
J’essayai de le suivre dans le couloir, malgré ses grandes enjambées.
« Relax, dit Lucy en sortant de sa chambre. On les met juste là en attendant
que tu partes.
– Mais j’habite toujours ici ! C’est ma chambre.
– Abbiggail, ne complique pas tout s’il te plaît », dit-elle d’un air exaspéré.
« Ce ne sont que de malheureux cartons. D’ici ce soir, tu ne les verras même
plus.
– Où on va mettre ceux qui vont arriver la semaine prochaine ? » demanda
Jack en baissant la voix. »
Elle se tourna vers moi et je vis la jalousie dans ses yeux. Elle était jalouse
parce que je sortais avec Ethan, tout devenait clair.
« Tu sais quoi Lucy, tu peux te la garder ta chambre. Tout de suite même, si
tu veux.
– Qu’est-ce que tu veux dire ? T’as nulle part où aller.
– Il se trouve que si. C’est juste que je n’y avais pas pensé.
– Ne lui parle pas comme ça ! » dit Jack d’une voix faussement menaçante.
« Elle est enceinte ! »
Je me retournai et les laissai tous les deux en plan. J’allai dans ma chambre,
sortis mes valises de l’armoire et les remplis à ras bord de vêtements et objets
divers.
Lucy s’approcha de la porte, les mains posées sur son ventre, bien qu’elle
n'était enceinte que de trois mois et qu’on ne voyait strictement rien.
« Merde, tu fais quoi Abbiggail ? Tu ne vas pas habiter chez lui hein ? Tu ne
vas pas partir maintenant ? »
Je détestais le son de sa voix, mais ça ne m’atteignait pas outre mesure.
J’avais passé ces derniers jours à réfléchir à la proposition d’Ethan, savoir si
c’était la bonne solution. Et alors que j’étais plantée là et que ceux que je pensais
être mes amis me fichaient dehors, je sus que ma décision était prise. Je ne
resterai pas une minute de plus dans cet appartement sombre et déprimant.
C’était la proposition de ma vie, je savais pertinemment que ce genre de choses
n’arrive en général pas aux gens comme moi.
Je refermai une valise et en pris une autre.
« Abbiggail ! » cria Lucy, essayant d’attirer mon attention. « Réponds-moi !
Tu vas habiter chez lui ? Chez le riche ? »
Je la regardai et secouai la tête.
« Non. Non, pas du tout. Je vais seulement l’épouser. »


Ethan

« Pas d’autres messages ? demandai-je à Mary.
– Non, pas depuis la dernière demi-heure, désolée. »
Je relâchai le bouton du haut-parleur et tournai ma chaise vers la fenêtre, en
essayant d’imaginer comment les choses auraient pu tourner si je ne l’avais pas
embrassée. Je me demandai si elle aurait accepté mon offre, ou si je l’avais
définitivement perdue.
Je reçus un email sur mon ordinateur, c’était juste une note de service. Ce
n’était pas elle.
Je pris la photo de ma mère sur mon bureau et la regardai, essayant de
l’imaginer le jour du grand départ, sans avoir pu honorer son dernier souhait : la
rendre heureuse.
J’appuyai sur le bouton pour appeler une fois encore le bureau de Mary.
« Toujours pas de nouveau message, dit-elle en riant, à moins que vous ne
désiriez autre chose ?
– Dites à Daniel de me retrouver en bas dans dix minutes.
– Mais Edward sera là dans un quart d’heure. Vous avez annulé son rendez-
vous l’autre jour, vous vous rappelez ?
– Eh bien, annulez-le pour la deuxième fois. J’ai besoin de la voiture, je serai
absent pour le restant de la journée. »
J’éteignis le bouton et commençai à rassembler mes affaires lorsque le
téléphone sonna. Je répondis à nouveau.
« Mary, tout se passera bien…
– Ethan, il y a du remue-ménage en bas. Encore une de vos amies. Je prends
ses coordonnées et je l’ajoute à la liste ? Ou bien je lui dis que vous l’appellerez
plus tard et je lui fais livrer des fleurs ? »
Je détestais sa façon de devancer mes demandes, j’avais l’impression d’être
un parfait imbécile. J’étais si nul que ça ? Abbiggail avait changé ma façon de
voir les femmes. Elle m’avait fait changer.
Je me rassis et soupirai.
« Non, dites-lui de monter. Je préfère apprendre les mauvaises nouvelles par
moi-même plutôt que par la presse. »
J’attendis qu’elle monte, me demandant sur quelle autre femme humiliée
j’allais tomber.
Une fois n’est pas coutume, ça faisait un moment que je n’avais pas eu de
relations sexuelles, ça devait être quelqu’un que j’avais rencontré avant
Abbiggail, ça m’ennuyait de savoir qu’entre adultes consentants on ne puisse
pas coucher sans être forcément obligés de se revoir. Pourquoi les émotions, les
sentiments et tutti quanti devaient-ils toujours prendre le dessus ? Pourquoi les
femmes voulaient-elles toutes que je sois leur petit ami une fois que j’avais
goûté à elles ?
On frappa à la porte, Mary entra et m’adressa un petit sourire, ses yeux
essayaient de me dire quelque chose. Je regardai la femme qui était derrière elle
et mon cœur s’arrêta net.
C’était Abbiggail.
« Qu’est-ce que tu fais ici ? » demandai-je, surpris et choqué de la voir là.
« Tu ne devais pas m’appeler ? »
Elle posa sa grosse valise par terre, Mary la suivit des yeux.
« Je vous laisse », dit-elle, à la fois gênée et amusée, en refermant la porte
derrière elle.
« Il fallait que je te voie pour te parler », dit Abbiggail à voix basse.
Elle me regarda alors que je venais vers elle, sa masse de cheveux bruns
tombant en vague sur ses épaules.
« Il fallait que tu me voies ? »
Elle secoua la tête tout en gardant ses yeux rivés sur moi, tandis que je
passais mon bras autour de sa taille. Pourquoi est-ce que j'aimais autant la
toucher ? Qu’est-ce qui me rendait accro à cette femme ?
Elle se lécha et se mordit les lèvres, ce qui ne fit qu’accroître mon excitation.
Mes doigts s’aventurèrent sous sa courte robe d’été et descendirent en haut
de sa cuisse.
« Ethan… » murmura-t-elle. « Quelqu’un pourrait entrer et…
– Qu’est-ce que tu voulais me dire ? » demandai-je, en l’interrompant et en
poursuivant mon exploration.
« O… oui.
– Mais encore ?
– Oui ! Oui je veux t’épouser ! Oui ! »
J’ôtai la bretelle de sa robe et embrassai son épaule, sa peau douce me brûlait
les lèvres, mon autre main glissa jusqu’à sa hanche, mon membre se dressa à son
contact.
« Tu as bien réfléchi ? » demandai-je, mes dents frôlant son cou et ses lèvres.
« Tout à fait…
– Tu es absolument sûre de toi ? »
Elle acquiesça tandis que je la guidais vers le canapé, je contrôlais la
situation.
« Ethan, je… »
J’embrassai ses lèvres goulûment, j’étais excité au plus haut point. Je la
désirais. Je n’avais pensé qu’au sexe depuis le moment où je l’avais vue pour la
première fois au bar, et bien que j’essayais de me raisonner, cela m’était
complètement impossible. Je ne pouvais ôter les mains de son corps parfait.
Elle s’allongea sur le canapé et je retirai son slip, mes doigts la touchaient.
Elle gémit de plaisir, les yeux mi-clos et la tête renversée en arrière.
J’embrassai son cou, je ne savais pas combien de temps je pourrais me
retenir, j’avais une envie folle de la pénétrer et de sentir sa chaleur.
Elle essaya de défaire ma ceinture, je reculai pour me dévêtir, enlevant mon
pantalon et mon boxer.
Ses mains se posèrent instinctivement sur mon sexe dressé, elle le tenait et le
massait, j’étais au paroxysme de l’extase.
Je collai mon visage contre elle et grondai, je sentais l’odeur de son parfum
et je bandais encore plus.
« Tu me veux en toi ? » soufflai-je à son oreille.
Elle fit oui de la tête.
« Vraiment ? » l’exhortai-je. Je voulais qu’elle le verbalise. Je voulais
l’entendre me le dire.
« Oui ! Oui, j’ai envie de toi. »
Je pris mon portefeuille dans mon pantalon, en sortis un préservatif et ouvris
l’emballage avec les dents. Elle me fixa, les yeux pleins de désir tandis que je le
déroulais sur ma verge. J’étais satisfait : j’allais lui donner ce qu’elle attendait.
Je regardai ses yeux tandis que je la pénétrais, elle se cambrait de plaisir. Je
recommençai et regardai ses lèvres entrouvertes qui gémissaient.
Elle fit courir ses doigts sur mon dos sous ma chemise.
« Ah, Ethan… » murmura-t-elle, tandis que j’embrassais à nouveau ses
lèvres.
Je m’imprégnai de ses gémissements, je me retirai, l’excitation allait
crescendo.
Je pétris ses seins sous sa robe, la sensation me donnait des décharges
électriques dans tout le corps.
« Oh mon Dieu ! » criai-je, peu importe que mon équipe soit juste de l’autre
côté du mur et derrière la porte. Ils ne pouvaient pas m’entendre… nous
entendre, mais je ne voulais pas m’arrêter et je cessai d’y songer. Je voulais
profiter de l’instant, mon ventre était tendu, j’étais prêt, la sensation était de plus
en plus forte. J’avais l’impression que mon corps allait exploser de plaisir.
J’essayai de ralentir mais mon sexe parlait de lui-même, il accélérait le
mouvement tandis que l’orgasme approchait.
Elle dut s’en apercevoir puisqu’elle fit en sorte que mon visage ne soit plus
qu’à quelques centimètres du sien, je m’enfouis dans son cou tandis que je
palpitais de plus en plus, mon corps était incontrôlable, le sien tressaillait. Elle
était tout contre moi, ses jambes enroulées autour de mon dos, nous bougions et
criions en rythme.
Je m’écroulai sur elle, essayant de reprendre mon souffle. On venait à peine
de terminer lorsque le téléphone sur mon bureau sonna.
« Merde ! »
Je me retirai et attrapai mes vêtements.
Elle s’assit, prit son slip et l’enfila rapidement alors que la sonnerie
retentissait à nouveau. Je répondis tout en enfilant mon boxer et mon pantalon.
« Oui Mary, je vous écoute ?
– Tout va bien ?
– Euh, oui. Ouais, tout va bien. »
J’échangeai un regard avec Abbiggail, elle me sourit d’un air nébuleux, je
venais d’expérimenter la meilleure partie de jambes en l’air au bureau de toute
ma vie, elle était superbe, rayonnante et sexy en diable.
« OK, parfait. » Mary fit une pause. « Puis-je faire entrer Edward Hewitt ?
Dans la hâte, j’avais complètement oublié cette réunion.
« Parfait, je suis prêt. » Je mentais, j’espérais avoir assez de temps pour me
reprendre avant qu’ils n’entrent dans mon bureau, mais la porte s’ouvrit juste au
moment où je jetais le préservatif dans la corbeille.
Edward et Mary jetèrent un coup d’œil au canapé — habituellement bien
rangé — à ma chemise sortie de mon pantalon et à Abbiggail qui rajustait les
bretelles de sa robe, les lèvres rougies ; ils reculèrent, l’air gêné.
« Erreur de timing ? » hasarda Edward. « Désolé, Mary a dit que…
– Non, c’est parfait ! »
Je m’approchai d’Abbiggail (elle avait les joues rouges de honte) et posai ma
main autour de sa taille.
Mary me regarda d’un air soupçonneux.
« Ethan, vous avez quelque chose à nous annoncer ? » demanda-t-elle,
légèrement gênée. »
Je pris une profonde inspiration, sachant au fond de moi que je prenais la
bonne décision. Une fois que ça se saurait, je ne pourrais plus faire machine
arrière. La presse ne nous lâcherait plus et les articles sur notre mariage
abonderaient. C’était le moment ou jamais de l’annoncer.
« Eh bien oui. Edward, Mary, laissez-moi vous présenter Abbiggail, ma
fiancée. »


Abbiggail

Je savais pertinemment ce qu’ils pensaient, ils me toisaient de la tête aux
pieds. Ils étaient gênés, ne sachant pas si Ethan leur faisait une blague, je n’étais
pas vraiment le type de femme à qui il offrait habituellement un verre, encore
moins le style avec lequel il se mariait.
« Attendez, que ce soit bien clair », dit Mary en nous montrant du doigt tour
à tour. « Vous allez vraiment vous marier ?
– Exactement. » Ethan se tenait à mes côtés, souriant, son bras protecteur
toujours passé autour de ma taille, j’enviais son calme.
« Comme lorsqu’on marche vers l’autel et qu’on dit, “Je fais le serment de
rester auprès de toi jusqu’à ce que la mort nous sépare”, mariés pour de vrai ? »
poursuivit-elle.
Edward fit un pas en avant et me donna une poignée de main.
« Super, toutes mes félicitations mec. C’est génial ! Je suis content pour toi.
C’est une super nouvelle ! »
Mary n’était pas vraiment impressionnée et me dévisageait d’un air
sceptique.
« Ethan, excusez-moi, pourrais-je vous parler une petite minute? dit-elle.
– Pas le temps », dit-il en me laissant, visiblement peu concerné par son air
perplexe. « On a plein de choses à organiser. On se marie dans quatre mois.
– Quatre mois ? »
Je le regardai, sous le choc, il m’adressa un clin d’oeil.
« Mary, établissez la liste des plus beaux cadres pour un mariage, j’en ai
besoin d’ici le milieu de la semaine, et réservez un hôtel pour Abbiggail le temps
de régler toutes les formalités. J’ai aussi besoin qu’une société de
déménagement récupère ses effets personnels cet après-midi et les dépose chez
moi. » Elle prenait des notes à toute vitesse sur sa tablette.
« Où ça ? » demanda-t-elle.
Il réfléchit un petit moment.
« Ma maison dans les Hamptons — elle sera bien là-bas — pourriez-vous
dire à George du service juridique de venir ? »
Je le regardai donner ses ordres, son professionnalisme m’attirait de plus en
plus.
J’allais vers la fenêtre en attendant que Mary aille chercher “George”, Ethan
échangeait quelques mots avec Edward. Il m’avait ôté un grand poids des
épaules. Si ce qu’il avait dit était exact, dans quatre mois je m’appellerai
Madame Carter. J’appartiendrai enfin à quelqu’un, quelque part, sans tout le côté
histoires et maux de tête qu’implique une relation dite “normale”. Je recherchais
la sécurité et un foyer, il voulait — je réalisais que je ne savais fichtre pas ce
qu’il voulait en fait – mais il y avait pire qu’être mariée à un homme qui me
trouvait désirable et avait su réveiller des zones en moi que je pensais endormies
à jamais.
La porte du bureau s’ouvrit et un homme âgé entra avec une mallette.
« George, salut ! » Ethan alla vers lui et ils échangèrent une chaleureuse
poignée de main. « Assieds-toi je t’en prie.
-– Je suis ravi de pouvoir t’être utile. »
Il alla s’asseoir au bureau.
« Parfait », dit Edward en venant vers moi. Tout comme Ethan, on voyait
qu’il respirait la confiance en soi et aimait les femmes.
« Il est temps pour moi de partir. Ravi de vous avoir rencontré et encore une
fois, toutes mes félicitations.
-– Merci, je suis très touchée. »
Il m’embrassa sur les deux joues et me serra l’épaule.
« Ethan! » appela-t-il en me montrant. « Tu t’en occupes bien, ok ? C’est un
vrai bijou.
– Bas les pattes. Elle est prise ! »
Ils éclatèrent de rire, Edward nous salua et quitta la pièce, il ne restait que
nous trois : mon futur mari, l’avocat et moi.
« Lisez ceci et signez là. Tous les deux. »
Je mis une heure à lire les pages du contrat de mariage d’Ethan. L’enjeu était
de taille, nous passâmes tout au peigne fin.
Je parcourrai scrupuleusement le dernier paragraphe pour voir les termes de
notre contrat de mariage et tout ce qui en découlait. C’était un mariage exclusif,
pas de relations extra-conjugales afin de préserver toute légitimité, pas de
révélations de détails privés ou intimes liés à notre vie maritale à la presse, et
pas d’absences prolongées ou inexpliquées sans l’accord ou la permission de
l’autre partie. Il stipulait que j’aurais accès à mon propre compte bancaire avec
allocation d’une rente, et d’une deuxième carte Amex “Black” dont les débits
seraient réglés mensuellement. Le contrat était conclu pour une durée de cinq
ans minimum, puis j’aurais le choix de le quitter et de renoncer à tout en
échange d’une pension dont il fixerait le montant, ou de reconduire le contrat.
« Conformément à vos souhaits, je n’ai pas rajouté de paragraphe concernant
votre intimité M. Carter.
– Notre intimité ? » dis-je en me tournant vers lui.
Ethan acquiesça.
« Ce n’est pas nécessaire, ça nous regarde. »
Il prononça ces derniers mots en me regardant droit dans les yeux, il savait
très bien qu’on était sexuellement compatibles.
George nous tendit une autre page qui attira notre attention.
« C’est quoi ? Clause de Mariage ? » Il se pencha pour mieux voir.
« Elle stipule qu’au début du contrat, vous vous engagez à ce que ce mariage
ne soit qu’une formalité administrative, dénué d’intention ou de promesse
d’amour, d’attachement émotionnel ou de passion. »
Je m’arrêtai, je ne savais pas si j’avais vraiment envie de signer ce qui
signerait l’arrêt de mort de toute possibilité de coup de foudre et d’amour pour
toujours. Le seul et unique amour que je n’avais jamais éprouvé de toute ma vie.
Le genre d’amour dont débordaient les livres que Lucy entassait dans le salon.
Je pris le stylo et regardai Ethan. Il avait déjà signé et me regardai, dans
l’expectative.
« J’ai une petite demande à faire. »
George acquiesça.
« Ça dépend laquelle, il faudra attendre un jour de plus pour l’annexer au
contrat.
– Inutile de la coucher par écrit, j’aimerais juste…
– Tout ce que tu veux », chuchota Ethan, en posant sa main sur mon épaule.
« Tu n’as qu’à parler, tu auras tout ce que tu désires, tout.
– J’aimerais créer et diriger mon association à but non-lucratif grâce à ton
aide financière. »
Un large sourire s’épanouit sur son visage et il déposa un baiser sur mon
épaule, je frissonnai de partout.
« Voilà pourquoi tu es la femme parfaite. Banco, tu auras tout ce que tu
désires. »
Je repris le stylo, certaine de ma décision, et signai au bas du contrat.
Ça y est. Ethan et moi étions fiancés, et même si ce n’était pas l’amour avec
un grand “A”, j’étais aux anges : en quelques mois, même si ce n’était qu’un
mariage arrangé, j’avais enfin un chez moi et une famille. Je ne serai plus jamais
seule, personne ne pouvait imaginer à quel point ça me boostait.
L’avocat d’Ethan prit le contrat sur la table en face de moi, je les regardai se
serrer la main et discuter.
La joie qui se lisait sur le visage d’Ethan me fit douter pour la première fois
de mes capacités.
Serais-je vraiment capable d’épouser et d’avoir des relations sexuelles avec
un homme que toutes les femmes de la terre trouvaient irrésistible, sans
éprouver de sentiments à son égard ?
Je ne voulais pas d’une vraie relation, mais ça, c’était avant de le rencontrer.
Puisque j’étais si persuadée que l’amour n’était pas pour moi, pourquoi étais-je
angoissée à l’idée que notre mariage puisse se terminer un jour, qu’il me quitte,
ou pire encore, qu’il tombe réellement amoureux d’une autre que moi ?
Pourquoi avais-je soudain l’impression d’avoir commis la plus grosse erreur de
ma vie ?
Chapitre Quatre

Abbiggail

La “maison” des Hamptons dans laquelle j’emménageais était fantastique, je
sentis une pointe d’excitation lorsque Daniel passa le portail ouvragé portant les
initiales d’Ethan et que nous pénétrâmes dans la propriété.
« Ouaouh », soufflai-je, le visage collé contre la vitre, à la fois craintive et
émerveillée par la magnifique vue sur la mer.
« La maison est là devant », dit Daniel, je me retournai de l’autre côté, j’en
eus le souffle coupé.
Elle était magnifique — une vaste demeure de quatre étages avec des
colonnes blanches encadrant une grande porte noire.
D’autres voitures étaient garées, Daniel se dépêcha de venir m’ouvrir avant
que je ne le fasse de moi-même.
Ethan était déjà là pour nous accueillir, il m’attira si fort contre lui que tout le
monde aurait cru que nous étions follement amoureux.
« Bienvenue dans ta nouvelle maison », dit-il en se poussant pour me laisser
regarder l’intérieur. Je le précédai dans le hall, émerveillée. Je n’avais jamais
vécu dans une maison aussi grande de toute ma vie.
« Je… J’ai… »
Il rit et me prit par la main, me fit visiter chaque pièce et me montra leurs
particularités, mais j’avais du mal à me concentrer. Je pensais ô combien ma vie
était en train de changer, la main d’Ethan était descendue au bas de mon dos,
avec la ferme intention d’y rester.
« Tu aimes ? me demanda-t-il.
– J’adore ! » m’exclamai-je, ne trouvant pas mes mots pour mieux exprimer
mes sentiments.
Il me conduisit dans son bureau et referma la porte derrière nous, son visage
à deux centimètres du mien.
Deux jours s’étaient écoulés depuis l’épisode du canapé au bureau, je
pouvais voir dans ses yeux qu’il avait du compter les heures où l’on serait enfin
seuls, je serai alors totalement sienne.
Son désir m’excitait au plus haut point.
« Je t’ai manqué ? » demanda-t-il.
Je fis oui. Pas pour lui faire plaisir, parce que c’était la vérité. Depuis que
l’on avait signé le contrat, il avait été accaparé par toute une flopée de réunions
et nous n’avions pas pu parler de notre partie de jambes en l’air. Je n’avais pas
eu le loisir de lui dire que je voulais recommencer.
« Tu devrais enlever ton jean », dit-il d’une voix basse et rauque.
Je repensais au couloir fréquenté que nous venions d’emprunter, on aurait pu
nous suivre.
« Ethan…
– Ton jean, enlève-le. »
Son approche directe m’excitait, je défis les boutons de mon jean ; j'étais
toute tremblante. Mon satané slip collait au tissu épais et j’avais les fesses à l’air.
J’arrivai finalement à m’en défaire et me redressai pour le regarder.
On avait entendu des pas derrière la porte, on cherchait Ethan, mais il avait
fait la sourde oreille – il n’avait d’yeux que pour moi.
Il passa un doigt dans la bretelle de mon haut et tira dessus.
« Enlève ça. »
J’obéis, enlevai mon haut tandis qu’il me regardait, je restai plantée devant
lui, en soutien-gorge. J’étais hyper gênée et bien qu’il me trouve désirable,
j’étais mal à l’aise, surtout avec cette fenêtre qui laissait entrer trop de lumière et
ne me mettait pas à mon avantage.
Je retins mon souffle alors que ses doigts effleuraient la peau de mes cuisses,
remontèrent jusqu’à mon ventre, ma poitrine et mon épaule. Je frissonnai, il
m’embrassa dans le cou et descendit jusqu’à ma bretelle qu’il fit glisser avec ses
dents, tout en défaisant mon soutien-gorge.
C’était un geste simple, que j’avais vu faire une fois ou deux au cinéma, je
n’avais jamais imaginé l’effet que ça pouvait faire, mais ce mouvement instinctif
et animal me fit gémir, j’avais très envie de lui. J’oubliais momentanément son
staff qui le cherchait, j’oubliais que nous ne faisions qu’un mariage arrangé, tout
mon corps brûlait de désir pour lui.
Je me baissai et défis le bouton de son pantalon, incapable de me raisonner,
mais il me prit les mains et les plaqua au mur, il me fixa un moment puis pressa
ses lèvres contre les miennes. Ce baiser était totalement différent de celui qu’il
m’avait donné auparavant. Il était rempli de désir et de sexe, il réveillait mon
côté sauvage.
Je me collai à lui tandis que ses lèvres quittaient les miennes pour embrasser
mon corps, il prit un téton dans sa bouche et utilisa sa langue pour me rendre
folle de plaisir et proche de la jouissance.
Mes jambes flageolaient, il s’en aperçut et me conduisit vers le canapé.
« Allonge-toi », ordonna-t-il, je m’exécutai, il examinait chaque centimètre
carré de mon corps, s’attardant sur mes seins. « Tu es belle », dit-il, d’une voix
profonde et très sensuelle. « N’en doute jamais. »
Il écarta mes cuisses, et enfonça ses doigts dans mon sexe, je gémissais
tandis qu’il explorait mon intimité.
Mes hanches se cambrèrent tandis qu’il me faisait un cunnilingus, je hurlai
de plaisir.
J’essayai d’agripper quelque chose au passage – peu importe quoi – mais le
cuir fin ne me donnait aucune prise.
Il s’arrêta et me regarda, nos regards se croisèrent un bref instant avant que
je ne referme mes yeux, je rejetai la tête en arrière tandis que l’alchimie de ses
doigts et de sa bouche me menait peu à peu vers l’orgasme, mais on frappa à la
porte et je m’assis, paniquée.
« Pardon ? M. Carter ? »
Il recula sa bouche mais continuait à me doigter en rythme.
« J’arrive tout de suite. »
J’allais jouir, je gémis, incapable de me retenir plus longtemps.
De son autre main, il posa un doigt sur mes lèvres.
« Pas de bruit », chuchota-t-il, le fait de ne pas pouvoir parler m’excitait
encore plus.
Il me doigtait rapidement, ses doigts glissaient, m’exploraient, et j’oubliais
complètement que quelqu'un était derrière la porte ; il toucha à nouveau mon
clitoris et je jouis, j’enfonçai mes doigts dans ses cheveux tandis que des vagues
de plaisir me secouaient.
Il laissa sa bouche appuyée sur moi, des secousses et des tressaillements
parcouraient mon corps sensible jusqu’à ce que je n’en puisse plus et il se rassis.
J’étais allongée, frémissante et haletante, il remis sa chemise et reboutonna
son pantalon.
Il se recoiffa et se tourna vers moi, son beau visage légèrement rouge. Je
voulais lui rendre la pareille et lui faire une petite gâterie en guise de
remerciement mais je compris à son regard que c’en était fini pour aujourd’hui.
« Rhabille-toi », dit-il en ramassant mes vêtements épars et les posant à côté
de moi sur le canapé. « Ma mère vient dîner dans deux heures.
– Deux heures ? »
Je m’assis rapidement, mis mes vêtements sur moi pour cacher ma nudité.
Il se tourna et se dirigea vers la porte.
« Je présume qu’on m’attend, quand tu auras terminé, une des bonnes te
montrera ta chambre et… fais comme chez toi. » Il ouvrit la porte et sortit.
Je restai assise un moment, incapable de définir ce à quoi je pensais.
D’un coté je me sentais super bien et j’étais épuisée par cet orgasme – ce
mec savait exactement ce qu’il faisait et comment mon corps réagirait – et de
l’autre, je me sentais utilisée et rejetée. Il était arrivé, m’avait rendue dépendante
et vulnérable, fait ce qu’il avait à faire et me laissait.
Je m’habillai à la hâte, inquiète que quelqu’un puisse entrer et me voir en
slip, et je quittai la pièce. Si tout ceci était supposé n’être qu’un contrat et un
mariage arrangé, pourquoi me sentais-je si abandonnée et blessée ?


Ethan

Je faisais les cents pas devant la chambre d’Abbiggail, j’attendais qu’elle
sorte et pendant ce temps, j’essayai d’échafauder la belle histoire de notre
rencontre.
Lorsque la porte s’ouvrit enfin, elle sortit doucement, j’en eus le souffle
coupé.
« Ouaouh.
– Tu aimes ? » demanda-t-elle en tournant sur elle-même.
Si j’aimais ? Elle était superbe, je me fis violence pour ne pas filer dans sa
chambre et la déshabiller.
« Tu es à tomber », dis-je en posant ma main dans son dos et la guidant vers
le couloir.
Elle était tendue et ne se comportait pas comme d’habitude.
« Quelque chose ne va pas ? » demandai-je en m’arrêtant pour la regarder.
Elle fuyait mon regard. « Abbiggail ? » Je tournai son visage vers le mien. « Il
s’est passé quelque chose ? Tu vas bien ? »
Elle acquiesça.
« Tout va bien. »
Je touchai sa tempe et baissai mon visage vers elle, la poussai contre le mur,
partagé entre agacement et désir.
« On était d’accord, Abbiggail. Si tu n’as pas envie de te marier, dis-le moi
maintenant. Dis-le moi avant qu’on descende et qu’on passe pour des
imbéciles. »
Elle me regarda avec ses grands yeux, elle me bouleversait comme jamais
personne auparavant, je me revis soudainement dans le bureau, ce que j’avais
éprouvé pour elle, offerte et vulnérable devant moi. A ce moment précis, je ne le
faisais ni pour ma mère ni pour le sexe, mais pour elle. Je voulais lui faire plaisir
et la rendre heureuse. A ce moment précis, j’avais oublié qu’il ne s’agissait que
d’un contrat. Son besoin de protection me bouleversait. Elle avait fait jouer la
corde sensible, voilà pourquoi j’avais du mettre un terme à la situation. Elle
avait dû ressentir la même chose, voilà pourquoi j’avais du arrêter.
Je détournai le regard avant de me perdre totalement dans ses yeux.
« Réponds-moi Abbiggail. Qu’est-ce que tu veux ? Ton silence en dit
long… »
Elle acquiesça.
« Je veux toujours t’épouser Ethan. C’est juste que…
– Querelle d’amoureux ? »
C’était Mélissa, ma soeur, elle nous regardait, les bras croisés et un sourire
en coin. Lorsque j’avais annoncé la nouvelle à ma mère et à elle, elle s’était
montrée extrêmement sceptique sur l’authenticité de nos fiançailles si soudaines.
« On discutait », dis-je, en essayant de me contenir.
« Parfait », dit Mélissa en se retournant. « Je venais juste voir où vous étiez
avant qu’on déclenche le plan Orsec.
– On arrive, un moment s’il te plaît. »
Elle s’en alla et j’attendis qu’elle descende les escaliers pour m’adresser à
Abbiggail, mais le charme était rompu, son regard me signifiait que la
conversation était terminée.
« Je vais bien, promis. On devrait descendre avant qu’on ne vienne encore
nous chercher. »
Elle me serra le bras et je souris, le mariage aurait toujours lieu, mais tandis
que je la conduisais dans le hall, je ne savais pas si je me sentais soulagé parce
que j’obtenais toujours ce que je désirais, ou parce qu’elle me désirait toujours.


Abbiggail

« Bonjour Mme Carter, je suis Abbiggail. Ravie de vous rencontrer. »
Elle me regarda un instant, un sourire s’épanouit sur son visage, elle
s’empara de ma main tendue et m’attira vers elle pour que je l’embrasse sur la
joue.
« Elle-même, mais je vous en prie, appelez-moi Barbara », dit-elle en faisant
un clin d’oeil à Ethan. « C’est une vraie beauté, tu ne me l’avais pas dit…
– Il ne t’a rien dit du tout en fait ! » lança sa soeur à l’autre bout de la pièce,
ce qui jeta un froid.
Je sentis Ethan se raidir, il faillit dire quelque chose mais sa mère posa la
main sur son bras.
« Mélissa! » la menaça-t-elle.
« Ne faites pas attention, elle protège son grand frère depuis qu’il est tout
petit. Et si nous passions à table pour déguster le délicieux repas que nous a
concocté le chef et pour faire plus ample connaissance ? »
Je souris, il n’y avait pas que des garces dans cette famille, et tandis que nous
entrions dans la salle à manger, je sentis son bras caresser mon dos. Même si
tout cela n’était que pure illusion, cela me procurait une sensation délicieuse.
Je ne voulais pas trop m’attacher à un homme réputé pour séduire les
femmes et les quitter aussi sec. Je ne voulais pas que sa famille me donne de
faux espoirs. Nous étions des associés et partagions des moments charnels, plus
le temps passait et plus j’avais de chances d’en sortir blessée.
Nous nous assîmes à table tous ensemble, j’étais installée à l’opposé de
Mélissa, qui s’était calmée.
Ethan posa sa main sur ma jambe, arborant un air calme et détaché tandis
qu’on servait nos entrées.
« Alors, où vous êtes-vous rencontrés ? » demanda Barbara en buvant une
gorgée de champagne. « Tout cela est si soudain…
– Nous…
– C’était… »
Nous avions parlé en même temps et Ethan me pinça légèrement la cuisse,
me signifiant par là qu’il ferait la conversation.
« Au travail », mentit-il. « Elle travaille depuis plusieurs mois au
département des acquisitions.
– C’est drôle, Edward ne m’a rien dit…
– Edward ? Edward Hewitt? » demandai-je, je me rappelai de lui lors de la
signature du contrat.
Ethan se tourna vers moi.
« C’est un ami, on a étudié le management lorsqu’il s’est installé à New York
et on s’est associés, je suis sur le point de racheter ses parts.
– Tu vais me faire croire qu’elle n’est pas courant alors qu’elle travaille dans
le service ? clama Mélissa. On se fréquente depuis des années Edward et moi. Il
me l’aurait dit…
– ÇA SUFFIT ! » cria Ethan, en tapant du poing sur la table. Nous
sursautâmes. Mélissa reposa doucement son couteau.
« Je voulais juste…
– J’ai dit ça suffit, Mel. Abbiggail et moi nous marions dans quatre mois,
c’est tout ce que tu as besoin de savoir. Peu importe où on s’est rencontrés, qui
d’autre est au courant ou depuis combien de temps on est ensemble, si tel est
notre bon vouloir.
– Elle voulait juste te protéger… » dit Barbara tranquillement. « Tu sais
comment va le monde. Quoiqu’il en soit, félicitations à vous deux. Nous
sommes tous très heureux pour vous. »
Elle leva son verre, nous portâmes un toast et continuâmes de manger en
silence ; j’aurais aimé mieux connaître Ethan pour pouvoir lire dans ses pensées.
Quelle que soit la raison qui le poussait à m’épouser, cela devait être important
pour qu’il monte au créneau et mente ainsi à sa famille.
Sa personnalité était plus complexe que ce que j’imaginais. Les hommes tels
que lui, beaux, charmants, sûrs d’eux, me donnaient toujours l’impression d’être
de deux dimensions, ils vivaient leur vie en couchant avec le plus de femmes
possible avant de tomber raides morts.
Ethan collait exactement à cette description, mais alors que j’étais assise à
côté de lui, et témoin de sa colère, j’avais pu voir qu’il avait de l’étoffe,
m’épouser signifiait vraiment quelque chose pour lui.
C’était bien plus que baiser en illimité, ou prouver au monde qu’il se rangeait
après avoir passé sa vie à coucher avec tout un tas de femmes. C’était bien plus
profond que cela, et j’avais du mal à comprendre. Pourquoi moi ? Pourquoi moi
parmi tant d’autres ? Je n’avais pas confiance en moi, un passé à traîner et
j’avais peur de tomber amoureuse. Qu’est-ce qui faisait de moi la personne
idéale pour être sa fiancée… ou sa femme ?


Ethan

« Abbiggail, parlez-nous de votre famille. »
Nous étions passés au salon avec nos tasses de cappuccino, toute tension
s’était évanouie et à ma grande surprise, Mel avait mis son scepticisme de côté.
Ma mère posa sa tasse et se pencha vers Abbiggail qui me regardait,
visiblement mal à l’aise, je réalisai que je ne savais rien au sujet de sa famille.
Ça aurait tout aussi bien pu être des tueurs en série, des violeurs ou bien étaient-
ils tout simplement décédés.
« Je serais ravie de les rencontrer avant le mariage », poursuivit ma mère,
Abbiggail s’agita sur sa chaise.
« Hum, oui. Bien sûr.
– Habitent-ils New York, ou prendront-ils l’avion ? Ethan pourrait demander
à Mary de réserver leurs billets.
– Oui, ils vivent ici… enfin, ils doivent prendre l’avion », elle se tourna vers
moi avec une expression indéchiffrable.
– Quelqu’un veut quelque chose à la cuisine ? Je vais… je vous prie de
m’excuser. »
Elle posa sa tasse et se leva, quittant la pièce précipitamment. Nous la
regardions tous, l’air embarrassé.
« Qu’est-ce qui se passe ? me demanda Mel. Sujet sensible ? »
Je ne voulais pas dire oui, admettre que je ne connaissais pas ses problèmes
familiaux revenait à dire que je ne la connaissais pas assez pour l’épouser.
J’allais me rendre à l’autel avec une femme qui avait des problèmes plus graves
que je ne l’imaginais. Je la savais compliquée, elle me l’avait dit à maintes
reprises, mais compliquée comment ?
« Va la voir », me dit ma mère d’un ton ferme. « Je crois qu’elle a besoin de
toi. »
Je me levai, quittai la pièce et sortis de la maison, je la trouvai assise dehors,
sur les escaliers.
« Abbiggail ? »
Elle fit oui de la tête mais ne se retourna pas.
« Je suis désolée, Ethan. Je voulais juste… c’est juste que… »
Je m’assis et passai mon bras autour de son dos. Consoler n’était pas mon
fort, je m’en étais toujours sorti sans en éprouver le besoin, mais je ne pouvais
supporter de voir Abbiggail souffrir, ce sentiment de protection que j’éprouvais
me mettait mal à l’aise.
« Tu n’as pas besoin de t’excuser avec moi », murmurai-je en l’embrassant
sur l’épaule. « Tu veux en parler ? Qu’est-ce qui te tracasse ? »
Elle secoua la tête, regarda le paysage autour d’elle, elle me faisait penser à
une petite fille perdue dans une grande ville, sans personne ni nulle part où aller.
Je l’enlaçai tendrement et l’embrassai sur le front, et à ma grande surprise, j’eus
soudain la sensation bouleversante de vouloir effacer toutes traces de chagrin
dans sa vie. Je n’avais jusqu’alors éprouvé cela que pour ma mère.
Elle se tourna vers moi, ses grands yeux brillants, il fallait à tout prix que je
l’embrasse, c’était plus fort que moi, je pris sa nuque et pressai mes lèvres
contre les siennes.
Elles étaient chaudes et après un moment d’hésitation, elle les entrouvrit.
Il y avait comme de l’électricité entre nous, je me rapprochai d’elle,
caressant la peau douce derrière ses oreilles. Je la sentais fondre, se livrant à moi
comme elle n’avait pas du le faire depuis bien longtemps, mais tout d’un coup,
elle se recula, me fixa un moment, elle respirait par à-coups, sa poitrine se
soulevait rapidement.
« Abbiggail ? »
Elle se recula et je la suivis, je l’attrapai par le bras alors qu’elle essayait de
rentrer.
« Nos invités nous attendent », dit-elle, toute fragilité ayant subitement
disparu.
« Attends, qu’est-ce qui se passe ? Arrête Abbiggail. Parle-moi.
– Tu es le seul à pouvoir répondre Ethan », dit-elle durement, malgré ses
sourcils froncés, elle était aussi belle que lorsque je l’avais rencontrée au bar.
« C’est au sujet du baiser ? » demandai-je, en essayant de comprendre ce que
j’avais pu faire de mal.
« Je suis désolé, je voulais juste…
– Tu peux pas me faire ça », ses mots étaient aussi tranchants que la lame
d’un rasoir.
« C’est la vraie vie, c’est pas un jeu ok ? Je suis pas le genre de filles avec
laquelle tu peux t’amuser. C’est du sérieux. Tu peux pas te servir de moi et me
jeter quand tu en auras fini ! T’as pas le droit de m’embrasser comme ça Ethan.
J’ai l’impression de compter pour toi et la minute d’après, tu me rejettes. Pas
d’amour et pas de sentiments tu te rappelles ? Mais quand tu m’embrasses
comme ça, on sait pertinemment tous les deux que c’est bien plus qu’un simple
baiser. Tu m’as embrassée comme si je comptais pour toi, tu as fait en sorte que
ma vie dépende de ce travail Ethan, si ça échoue, je n’ai pas d’autre solution.
– Je suis désolé pour ton travail », murmurai-je d’un ton ferme.
« Tu dois me croire, tu ne travailleras que si tu en as envie. Je me suis planté
sur toute la ligne. Tu auras tout ce que tu désires Abbiggail. Comment peux-tu
savoir ce que signifiait mon baiser ? Comment peux-tu dire que ça ne compte
pas pour moi ? »
Elle ouvrit la bouche pour parler mais ma mère fit son apparition, elle
s’arrêta et soupira, visiblement agacée, et se tourna vers elle.
« Mme Carter, j'ai été ravie de vous rencontrer, j’espère que nous nous
reverrons bientôt. »
Ma mère sortit et lui serra la main.
« Bien sûr ma chère que nous allons nous revoir. Mary s’occupera
d’organiser un déjeuner très prochainement.
– J’en serais ravie. Il faut que j’y aille. Je suis un petit peu fatiguée en ce
moment et… » elle se tourna vers moi, une déception silencieuse se lisait sur son
visage. « Saluez Mélissa pour moi. »
Nous la regardâmes tous deux rentrer dans la maison, je laissai échapper un
gros soupir, j’étais très irrité. Irrité parce que j’avais franchi la ligne blanche.
C’était un arrangement, rien de plus. Je l’épousais parce que ma mère n’en avait
plus pour longtemps et le moins que je puisse faire était qu’elle assiste à mon
mariage. Je voulais qu’elle croit que j’étais heureux de me caser enfin.
Abbiggail et moi-même avions besoin l’un de l’autre.
« Je suis désolé », dis-je à ma mère, qui me regardait intensément.
« Tout ce qui compte c’est que tu sois heureux », chuchota-t-elle en me
prenant la main. « C’est tout ce qui compte pour moi.
– Promis. Tu vois, je vais me marier.
– Mais es-tu heureux ? »
J’acquiesçai, je détestai devoir mentir et la décevoir, je savais combien ça
comptait pour elle.
« C’est vraiment ce que tu veux ? »
J’acquiesçai à nouveau, lentement.
« Si tu es heureux, alors je suis heureuse. Prend toute la mesure de la valeur
de ta fiancée. Oublie les autres femmes, c’est du passé. Concentre-toi sur vous
deux et traite-la bien Ethan. Le mariage c’est pour la vie, et moi je vois une
femme qui s’inquiète pour toi. Ne tire pas trop sur la corde. Ayez une
explication, réglez ce qui doit l’être, sinon l’écart ne fera que se creuser et il sera
trop tard. »
Nous rentrâmes à l’intérieur, mais ses mots me trottaient dans la tête, je ne
pouvais oublier le regard blessé d’Abbiggail après mon baiser. Je repensai à son
expression de déception et sa gêne lorsque je l’avais laissée dans le bureau.
Nos besoins, ce mariage, et toute notre relation étaient supposés n’être que
purement professionnels, et alors que je m’asseyais à côté de Mélissa et l’écoutai
parler d’Edward, je n’arrêtai pas de penser à Abbiggail. Tout ce que je voulais
faire c’était monter la rejoindre, la prendre dans mes bras et lui dire que plus
jamais je ne lui ferai du mal. Je voulais lui dire que ma précipitation n’était pas
feinte. Je ne savais pas comment le définir mais une chose était sûre : tout cela
prenait beaucoup plus d’importance que ce que j’avais pu imaginé. J’aurais
voulu le lui dire mais ça allait à l’encontre de la clause du mariage, je ne pouvais
pas tout compromettre. Il valait mieux qu’elle n’en sache rien. Il fallait que
j’oublie ce baiser et fasse abstraction de mes sentiments. À partir de maintenant
la relation serait purement professionnelle, peu importe ce qu’il m’en coûterait.
Chapitre Cinq

Abbiggail

Je me réveillai le matin suivant, après avoir passé ma première nuit chez
Ethan, essayant de réfléchir aux évènements qui m’avait conduits à passer la nuit
dans cette chambre, essayant de me persuader que je n’étais pas en train de
commettre la plus grosse erreur de toute ma vie.
Je n’arrivais pas à m’arrêter de penser à ses lèvres et à sa façon de
m’embrasser, j’avais l’impression de compter pour lui plus que tout au monde.
Il ne savait pas que j’avais attendu cela toute ma vie. J’avais besoin, envie,…
d’être aimée, j’avais du mal à supporter l’idée qu’un homme tel que lui, avec
son air décontracté et son charme naturel, puisse me faire sentir aussi
importante, la faute à mon manque de confiance en moi et à une vie difficile.
La façon dont ses lèvres avait délicatement effleuré les miennes, ou sa façon
de prendre mon visage entre ses mains… je me retournai dans le lit, il ne fallait
plus y penser. Ce n’était pas un vrai mariage, avec de vrais sentiments.
C’était mon associé, on avait signé un méga contrat. Point final. Le contrat
stipulait que nous devions passer cinq ans ensemble, puis je pourrai m’en aller si
tel était mon souhait. Même si le fait de partir vivre dans un village reculé en
Italie me tentait, je ne pensais pas être en mesure de renoncer à Ethan, en dépit
de la fameuse règle “pas d’amour, pas de sentiments”. Je ne pourrai pas le laisser
filer et tourner le dos à la personne avec laquelle aurais partagé ma vie.
On frappa à la porte et je m’assis, vérifiai l’heure et coiffai mes cheveux en
bataille en une queue de cheval acceptable.
« Entrez ! »
La porte s’ouvrit doucement et je vis tout d’abord le visage de Mary. Elle me
lança un regard embarrassé qui semblait dire “veuillez pardonner mon
intrusion”.
« Bonjour, Abbiggail.
– Bonjour.
– Je vous présente Kelly-Ann, votre styliste attitrée. »
Une femme grande, toute en jambes et aux épais cheveux ondulés entra dans
la chambre, nous nous saluâmes de la main.
« Elle va préparer et trier pour vous la presse du jour et les articles
concernant vos noces.
– Des articles ? Ces mots me semblaient étrangers.
– Mais nous nous sommes fiancés il y a seulement quelques jours. »
Mary se mit à rire.
« Malheureusement, les nouvelles concernant Ethan font toujours la une. Les
magazines et les journaux vont rivaliser pour couvrir cette histoire. »
Je sautai au pied du lit, légèrement gênée dans mon pyjama jaune vif ringard,
que je n’avais jamais montré à personne, face à Mary et Kelly-Ann qui portaient
d’étroites jupes crayons noires.
Que la presse me taraude pour avoir des informations ne m’avait jamais
effleuré l’esprit ; j’imaginais juste une grande fête pour le mariage avec ses amis
et sa famille, puis le retour chez nous pour vivre normalement. Je n’avais jamais
envisagée être interviewée et devenir la nouvelle Abbiggail Middleton.
J’avais l’estomac noué et j’étais quelque peu paniquée, Kelly-Ann vint près
de moi en clin d’oeil pour m’aider.
« Parfait. Concentrons-nous sur les tenues, puis on passera aux articles. On
m’a chargée de vous constituer une garde-robe complète pour chaque saison
et…
– Pour chaque saison ? fis-je incrédule.
– Exactement, automne, hiver, printemps, été et ainsi de suite », dit-elle,
enthousiaste.
« Une garde-robe complète pour chaque saison ? Mais où vais-je mettre tout
ça ? »
Mary avança avec sa tablette et son stylo.
« Le dressing se trouve au fond du couloir. Une fois que nous aurons fait
notre choix, nous viendrons tout ranger par saison et par couleur. Vous n’aurez à
vous occuper de rien. »
Je ne pouvais pas imaginer qu’on puisse avoir quelqu’un pour s’occuper de
sa garde-robe, mais je devais jouer le rôle de la fiancée parfaite. Ce n’était pas le
moment de se préoccuper de comment se débrouillaient les autres. Mary allait
partir mais je l’arrêtai au passage.
« Ethan est déjà levé ? » Elle sourit et acquiesça.
« Oh que oui, j’ai bien peur qu’il ne soit déjà parti au bureau, il m’a dit de
vous dire “bonjour” et qu’il vous appellerait.
– Merci. »
Elle hocha la tête et partit, j’étais un peu déçue. J’espérai voir Ethan avant
qu’il ne parte pour dissiper notre malentendu, je voulais m’excuser pour m’être
éclipsée lors de la rencontre avec sa maman. Ce n’était pas dans mes habitudes,
et je voulais le lui dire. Il était temps que je lui explique la raison pour laquelle
j'étais à ce point sur mes gardes concernant ma vie et mes sentiments.
Si je devais me marier et passer ma vie à ses côtés, la moindre des choses
était qu’il soit au courant. Et je devais en apprendre le plus possible à son sujet,
même si ce n’était pas gagné d’avance. Il fallait que je sache.
« Abbiggail, c’est tout à fait votre style. Le summum de la sophistication
intemporelle, ça met votre silhouette en valeur. Les formes sont de nouveau à la
mode. »
Je regardai Kelly-Ann dans le miroir, pivotant légèrement tandis qu’elle
mettait mes points forts en exergue.
« Vous voyez comme ça souligne vos hanches et vos jambes ? Une vraie
Marilyn Monroe taille mannequin. C’est tout à fait le style recherché. »
Je regardai la robe drapée Dior, en essayant de visualiser ce qu’elle voulait
dire, mais je n’y parvenais pas. Je n’étais pas le type de femme qui se montre
généralement à ses côtés, des femmes minces en mini-robes et longues jambes,
ni ces beautés sculpturales dont il était friand. Cette robe ne me disait rien, elle
ne m’allait pas le moins du monde. Ni la presse ni le public ne croiraient jamais
que j’étais sa fiancée si je me montrais fagotée dans cette robe.
« Quelque chose ne va pas ? » demanda Kelly-Ann, comme je fronçai les
sourcils.
« Non, rien du tout, c’est juste que… Ethan veut vraiment que je porte cette
robe ? »
Je touchai la matière, essayant de m’imaginer à ses côtés sur les photos des
magazines, c’était tout bonnement impossible.
« Oui », dit-elle, en me souriant d’un air entendu. « On m’a donné des
instructions strictes sur le style qu’il souhaite pour vous et c’est juste parfait.
Ethan sait ce qu’il veut, sa demande était bien spécifique. Il voulait que votre
silhouette soit mise en valeur. Et si vous l’enleviez maintenant ? On en a
d’autres à essayer. »
Je retournai dans la cabine d’essayage, une autre robe suspendue à mes
doigts, j’étais tiraillée entre nervosité et excitation.
Demain, toute l’Amérique aura fait ma connaissance. Je passai du statut de
simple serveuse dans un bar d’hôtel – qui passait son temps à regarder défiler le
monde, attendant un coup du destin – pour fréquenter des boutiques devant
lesquelles je n’aurais jamais osé passer auparavant, et être habillée par une
styliste personnelle, prête à faire mes premiers pas dans le monde.
« Vous êtes prête ? » demanda Kelly-Ann derrière la porte, je réfléchis à ma
réponse, à tout ce qui survenait dans ma vie. Je songeai aux commentaires
négatifs des journaux après la publication des articles et à ces charognards de
journalistes qui n’hésiteraient pas à fouiller dans mon passé pour savoir qui
j’étais vraiment. Tout cela m’effrayait un peu. La vie serait-elle la même après
ça ? Étais-je prête ?
« Euh, pas vraiment. »
La lumière me donnait chaud, la cabine me sembla soudainement trop
étroite. J’avais besoin d’air, j’avais besoin d’autre chose que des quatre murs de
cette cabine.
« Oh, vous parlez de quoi ? Des robes ou de demain ? dit Kelly-Ann en
plaisantant.
– Des deux », dis-je en montant sur le banc. « Des deux à la fois. »

Ethan

« Arrête, inspire, et recommence. »
Abbiggail me regarda et inspira profondément, mes mains toujours posées en
haut de ses bras.
« Ok, recommence. Qu’est-ce qui se passe ? » Elle secouait la tête pour
s’excuser.
« Elle m’a fait dépenser des sommes folles en vêtements aujourd’hui ! Des
sommes complètement exorbitantes. »
Son air paniqué me donnait envie de rire.
« Tout va bien. C’était prévu. Je voulais te faire plaisir. Tu aimes ce que tu as
choisi ?
– J’adore, mais c’est beaucoup trop cher. C’est très généreux de ta part. »
Je la conduisis au salon et la fis asseoir.
« Écoute Abbiggail, tu vas devenir ma femme. Nous nous marions dans
quelques mois et je veux que tu ne manques absolument de rien. Je ferai tout
pour toi. Souviens t’en. C’est mon boulot de m’occuper de toi.
– Mais je… »
Je posai un doigt sur ses lèvres.
« Tu dois me faire confiance, tout ce que je fais c’est pour ton bien. »
Elle se détourna mais je fis en sorte qu’elle me regarde.
« Kelly-Ann m’a dit que tu étais nerveuse au sujet de ce que la presse
pourrait dire te concernant… »
Elle hocha doucement la tête d’un air penaud.
« Ce n’est pas à cause de toi, c’est juste que tout arrive d’un coup. On vient à
peine de se fiancer qu’il faut que je fasse une séance photo et que je fasse mon
apparition dans le monde, et j’ai juste… »
Je sortis mon téléphone de ma poche et appelai mon agent.
« Sally ?
– Oh mon dieu, Ethan ! J’allais justement t’appeler ! Je n’aimais pas son ton
exaspéré.
– Qu’est-ce qu’il y a ?
– La presse a déjà donné sa version sur vous deux. Je ne peux pas faire
grand chose pour les arrêter ou corriger les faits. Ça paraîtra demain, ils ont
une photo d’Abbiggail…
– Une photo ? Mais d’où la sortent-ils ? » J’essayai de comprendre comment
ils avaient pu pondre leur article vu que je n’avais rencontré aucun journaliste,
mais avant même de le lire, je savais que ça ne changerait rien à la donne.
« Mais comment ? » demandai-je sévèrement, cela me rendait furax.
« On cherche », dit Sally en bonne professionnelle. « La photo a été prise
pendant une séance de shopping, on ne vous voit pas ensemble, tout le reste
n’est que pure spéculation. Ils m’ont contactée pour que je fasse un
commentaire mais j’ai refusé. »
Je soupirai et passai ma main dans mes cheveux, essayant d’éviter le regard
curieux d’Abbiggail.
« Ok Sally, merci. Tenez-moi au courant, et appelez Mary si vous avez
besoin de quelque chose.
– Promis. Ciao. »
Je raccrochai et attendis un moment avant de parler.
« La presse a déjà toute l’histoire et une photo, Abbiggail. Il y a eu des fuites
et…
– Quelle photo ? Personne n’a pris de photo !
– Des paparazzi pendant que tu faisais ton shopping. »
Elle était choquée et secoua la tête.
« Oh mon dieu non murmura-t-elle horrifiée. Je ne portai aucune…
– C’est pas grave. N’y pense plus. Ça paraîtra demain, espérons que ça ne
fasse pas la une de la presse à scandales. On est ensemble Abbiggail tu te
souviens ? »
Elle secoua la tête, posa sa main sur mon bras et le pressa.
« En fait Ethan, je voudrais m’excuser… »
Je l’arrêtai avant qu’elle poursuive.
« Tu te rappelles ce que je t’ai dit ? Tu n’as pas à être désolée. Jamais.
– Mais la façon dont je t’ai parlé hier soir, tu sais, au sujet du baiser ? Je suis
désolée je voulais juste…
– Ne dis rien », dis-je, tout en luttant pour ne pas l’embrasser.
« J’ai compris ne t’inquiète pas. C’est juste du business, j’ai profité de la
situation hier soir. Le moment était magique, et tu étais si belle. C’est plutôt moi
qui devrais m’excuser. »
Je lui tendis la main.
« Pas de sentiments ? »
Elle la regarda, hésitante, puis la serra fermement.
« Ça marche, pas de sentiments.
– Ok, super, maintenant que c’est réglé, si on allait dîner dehors histoire de
changer ?
– Pourquoi pas. Où ça ? » demanda-t-elle d’un air excité, j’étais heureux de
voir un sourire s’épanouir sur son beau visage.
« Tu verras. » Je me levai et l’aidai à faire de même. « Prépare-toi et rejoins-
moi dans le hall à 19h45. »
Elle me suivit jusqu’à la porte.
« Oh, met une robe que tu as achetée aujourd’hui, quelque chose de
délicieusement sexy. »
Elle acquiesça, le désir brillait dans ses yeux.
Je la vis monter les escaliers et attendis qu’elle soit hors de ma vue pour
inspirer profondément.
Je me surprenais moi-même avec ce “pas de sentiments”. J’avais toujours été
entouré de femmes, j’avais fait l’amour et m’étais détaché d’elles sans éprouver
aucune tendresse ni besoin de les revoir ; mais là c’était différent, j’avais du mal
à retenir mes émotions. Pourquoi diable étais-je attiré par une femme
indifférente à mes sentiments ?
Il fallait que j’apprenne à mieux la connaître ce soir. Je voulais connaître ses
peurs, ses pensées les plus secrètes, et ce qui l’empêchait de m’accorder sa
confiance. C’était la première fois que je m’intéressai autant à une femme, ça
dépassait la simple liaison charnelle.
Merde. J’allais briser la règle numéro un… pour la première fois de ma vie,
je savais ce que signifiait mourir d’envie pour quelque chose, sans jamais
pouvoir l’atteindre.

Abbiggail

La robe que j’avais choisie brillait légèrement dans la douce lumière du hall,
et les mots de Kelly-Ann me revenaient en mémoire tandis que je descendais les
escaliers, me tenant à la balustrade pour ne pas tomber avec mes nouveaux
talons-aiguilles.
Ethan parlait en bas avec sa gouvernante qui s’en alla prestement lorsqu’elle
m’entendit, il se retourna, la stupéfaction se lisait sur son visage tandis qu’il me
dévorait du regard.
« Ouahou. Tu as l’air… »
J’arrivai en bas et allai vers lui, légèrement nerveuse et gênée.
« C’est pas un peu trop ? »
Il secoua la tête et m’attira vers lui, son visage n’était qu’à quelques
centimètres du mien.
« Trop ? Je ne me lasse pas de toi Abbiggail", dit-il à voix basse, il fit courir
sa main sur ma taille et m’attira à lui. « Ça répond à ta question ? »
Je fis “oui” ; je sentais cette alchimie entre nous, je regardai ses lèvres,
j’avais envie qu’il m’embrasse et qu'il oublie tout ce que j’avais pu lui dire
auparavant. Je voulais qu’il me touche, mais je savais qu’en jouant à ce petit jeu,
l’un d’entre nous en sortirait forcément blessé, et tout me portait à croire qu’il en
était capable.
« Notre table nous attend. »
Le maître d’hôtel qui se tenait près de la porte se racla la gorge et le charme
fut rompu.
Ethan était immobile, il me dévisagea puis s’éloigna à regret pour m’offrir
son bras.
Je le pris et il me fit descendre les escaliers, je me cramponnai à lui sous les
couleurs du soleil couchant.
« Où va-t-on ? » demandai-je, en faisant de mon mieux pour marcher avec
mes talons-aiguilles.
Il sourit.
« Tu verras bien. »
Le maître d’hôtel nous précéda sur un petit chemin soigneusement entretenu,
la maison et les arbres disparurent comme par enchantement. Il n’y avait plus
que la mer devant nous, et le ciel rose-orangé.
C’était à couper le souffle, je cessai d’admirer le merveilleux paysage qui
s’offrait à moi et me tournai vers Ethan pour voir à quoi il pensait, il me
regardait, son regard habituellement dur s’était légèrement adouci.
« On dîne ici ? » demandai-je en montrant la plage.
Il acquiesça doucement, j’appuyai ma tête contre lui tout en défaisant la
lanière de mes talons aiguilles Givenchy, je les pris à la main et savourai la
sensation du sable sur mes pieds.
Les femmes de millionnaires ne se comportent probablement pas de la sorte,
mais si nous devions nous marier, je devais lui montrer qui j’étais et ma façon de
vivre. Le mariage c’est deux personnes qui vivent ensemble, je ne devais pas me
planter.
Il se pencha et me prit les chaussures des mains, nous marchâmes en silence
jusqu’à une petite crique, une ravissante table était dressée au bord de l’eau.
« Ouaouh… »
Il me présenta ma chaise. Je m’assis et le regardai s’asseoir à son tour.
« C’est… c’est… fantastique. C’est toi qui a tout organisé ?
– On m’a aidé. J’ai pensé que ça t’impressionnerait plus qu’un restaurant
sélect. »
Le maître d’hôtel nous servit une coupe de champagne et nous laissa, il
reviendrait sous peu apporter les entrées.
« Je ne t’imaginais pas comme ça… » dis-je en buvant une gorgée. « Je suis
agréablement surprise. »
Il me sourit.
« Et tu m’imaginais comment ?
– En fait je ne te connais qu’à travers les articles que j’ai lu et…
– Il ne faut pas croire tout ce qu’on dit. Ils sont écrits par des journalistes
vieillissants prêts à tout pour sauver leur carrière.
– Qu’est-ce qui est faux par exemple ? »
Il me fixa, il voulait me dire quelque chose mais il se retint.
« Abbiggail, je… »
Le maître d’hôtel fit son apparition et disposa nos assiettes devant nous, le
charme était à nouveau rompu.
Nous continuâmes de manger en silence, avec le bruit des vagues et le vent
tiède en toile de fond, et je réalisais la chance que j’avais d’être là. Peu de
femmes venant d’où je viens pouvaient se targuer d’être aussi heureuses. J’avais
les cartes en main.
Ethan but une gorgée de champagne et prit une profonde inspiration.
« Ne t’inquiète pas pour demain Abbiggail. Quoiqu’il se passe et quoiqu’ils
disent, ça ne changera rien. Strictement rien, tu comprends ?
Je hochai la tête doucement.
« J’aimerais que ce soit déjà terminé. J’ai peur de te porter préjudice, de te
créer des problèmes et…
– Impossible. On a tout prévu. J’ai une réunion importante demain et je ne
serai pas là je le crains, mais j’ai réservé chez Valois en centre-ville. Edward
nous rejoindra, Mary sera avec moi. Elle va nous montrer un échantillon des
nouveaux articles et les commentaires des médias. Mon équipe en tirera un
graphique. Tu ne dois rien voir de tout ça avant le dîner ok ? Absolument rien ! »
Je hochai la tête, soulagée qu’il prenne les opérations en main et que je n’ai à
m’occuper de rien.
Nous passâmes le reste du dîner à parler de la création de son entreprise et de
sa vie. J’essayai d’éviter les questions trop personnelles me concernant, mais il
posa son verre et rapprocha sa chaise de la mienne.
Je sentis ses doigts glisser sur ma cuisse, sous ma robe, et je frissonnai de
plaisir.
« Dis-moi », dit-il, en me regardant calmement en dépit de ce qui se passait
sous la table.
« Comment ça se fait qu’une fille aussi belle que toi soit toujours célibataire
? Ne me dis pas que je suis le premier à succomber à tes charmes. »
Je ris et il approcha sa chaise encore plus près.
« Je ne pense pas qu’on me voit comme ça, mais pour répondre à ta question,
l’amour ne m’intéresse pas ; si tu crois que j’attire les hommes, ce serait plutôt
le contraire.
– Oh ?
– Pas tous les hommes évidemment. Mais les hommes comme toi
recherchent une femme qui ne s’attache pas et ne fait pas d’histoires. »
Il me regarda un moment et hocha la tête lentement.
« Exact. Que répondre d’autre ? D’un autre côté, je ne crois pas que les
femmes rêvent de m’épouser. C’est ambivalent. J’aime le sexe, et elles aiment
les mecs, les vrais. »
J’éclatai de rire, il parut vexé.
« Et bien, j’aimerais bien savoir combien de cœurs tu devras encore briser
pour t’apercevoir que les femmes ont des sentiments. Beaucoup de femmes
rêveraient de t’épouser, mais tu les laisses tomber lorsque ça devient trop
sérieux. »
Je bus une autre gorgée de champagne et décidai de finir ma coupe, les bulles
m’étaient déjà montées à la tête. J’avais dû dire le truc qu’il ne fallait pas. Putain
de champagne !
« Marchons un peu », dit Ethan d’un air morne, il se leva pour m’aider.
Nous marchâmes en silence un moment le long de la plage, la lune brillait.
On entendait le bruit des vagues et de la musique qui provenait d’une maison au
loin.
J’avais toujours entendu parler des Hamptons mais ça ne m’avait jamais
tentée. Je n’étais pas le genre de femme qui faisait la fête et se tapait des
richards, mais tandis que nous marchions sous la voute étoilée, j'en découvrais
toute la beauté.
Ethan s’arrêta, se tourna vers moi et me dévisagea.
« Qu’est-ce que tu penses de moi ? » demanda-t-il.
Je réfléchis un moment, ne sachant pas s’il apprécierait que je lui dise la
vérité.
« Tu es séduisant et généreux et…
– Je veux savoir la vérité. Qu’est-ce que tu penses vraiment de moi ? Sois
franche.
– Tu en est bien sûr ?
– Je veux savoir.
– Je pense que tu es quelqu’un de dur, d’exigeant, un briseur de cœurs, et
arrogant aussi. Tu te contrefiches des femmes que tu fréquentes, ce qui te donne
cette apparence sans cœur, mais je pense que tu as une autre facette que
personne ne voit. Un côté gentil, affectueux et adorable.
– Pourquoi ne le voient-elles pas ? demanda-t-il sérieusement.
– Je sais pas, peut-être parce qu’elles ne te prennent pas au sérieux ? Ou
peut-être parce que tu le caches, les gens pourraient s’apercevoir que tu peux
être humain ? »
Il prit ma main et la serra contre sa poitrine.
« Mon cœur est tout à toi Abbiggail.
– Le mien aussi…, soufflai-je.
– Alors laisse-moi te découvrir. J’ai tant à apprendre sur toi. Je veux savoir
ce qui te rend heureuse et ce que tu attends de moi. »
Je savais pertinemment que je ne quitterais pas la plage sans lui avoir fait
part de mes sentiments ni m’être confiée à lui.
La seule personne qui me connaissait par cœur avait disparu il y a fort
longtemps, j’avais perdu toute confiance en moi. Si je me confiais à Ethan, je
courais le risque d’être blessée à nouveau, je ne pensais pas être prête. Pas après
avoir autant souffert pour me reconstruire.
Je détournai le regard et regardai la mer, mais il fit en sorte que je le regarde
et posa ses doigts sur ma mâchoire. Je me sentais petite et vulnérable dans ses
bras.
« Où sont tes parents ? » demanda-t-il doucement, d’un ton direct.
Je songeai à me libérer de son emprise et retourner à la maison mais il fallait
que je parle, ou bien la presse se chargerait de le faire à ma place.
« Je ne sais pas », je me sentais triste et honteuse à la fois.
« Tu ne sais pas ? Tu es partie ? » demanda-t-il sans me juger, mais je
secouai la tête.
« Je ne sais pas, ils m’ont abandonnée quand j’avais trois ans. »
Je pensais qu’il aurait eu pitié de moi mais il hocha simplement la tête.
« Continue.
– Y’a pas grand chose à ajouter. Ils ne voulaient pas de moi, alors voilà.
– Il doit bien y avoir une raison. »
Je secouai la tête.
« Non Ethan. J’ai passé toute mon enfance et mon adolescence ballottée dans
des foyers d’accueil horribles, j’essayai de me faire une raison, mais en fait, mes
parents ne voulaient pas de moi. Ils s’en fichaient de voir ce que j’allais
devenir… ou plutôt, ne pas devenir.
– Tu n’as pas le droit de dire ça ! Regarde-toi. Tu es belle, drôle et
intelligente. Je n’ai jamais rencontré une femme comme toi. Je suis sûr qu’ils
seraient fiers de toi. Bien sûr qu’ils seraient fiers.
– Fiers de quoi ?
– De ta grandeur d’âme ! Tu m’as demandé une seule et unique chose : créer
ta propre association. Qui d’autre en aurait fait autant ?
– Mon foyer d’accueil, ‘Mon Miracle’, c’était comme une famille. Ils ont
tant fait pour moi,c’est le juste retour des choses que j’aide à mon tour d’autres
enfants qui sont là sans rien avoir demandé. »
Il m’attira vers lui et me prit dans ses bras.
« C’est la vérité Abbiggail. J’ai su que tu étais différente dès que je t’ai vue.
– Ethan, ne… »
Mon cœur battait à tout rompre, je ne savais pas trop ce qu’il allait dire. Je ne
voulais pas vivre dans la crainte d’avoir à nouveau le cœur brisé. Je ne voulais
pas avoir des sentiments. Je voulais juste qu’il soit là pour moi. Fort comme un
roc. Je ne pouvais plus aimer. Je ne pouvais pas me livrer entièrement à lui et
courir à nouveau le risque.
Il ne poursuivit pas et je saisis l’opportunité pour diriger à nouveau la
conversation sur lui et changer de sujet, avant qu’il ne dise quoi que ce soit qu’il
pourrait regretter par la suite.
« Et toi ? Quelle est la vraie raison pour laquelle tu m’épouses ? Pour toucher
ton méga pactole ? »
Il me regarda l’air étonné.
« Mon méga pactole ?
– Mais oui tu sais bien, celui que t’a promis ton oncle à condition que tu te
maries. »
Il sourit tristement et repoussa une mèche des mes cheveux derrière mon
oreille, ses doigts s’y attardèrent.
« Ma mère va bientôt mourir Abbiggail. Merde !
– Quoi ?
– Elle va mourir. Ma mère n’a plus que quelques mois à vivre…
– Oh. Ethan, je suis si…
– Tout va bien. Je veux juste… »
Il détourna le regard et une sensation bizarre m’envahit. Je n’avais pas
l’habitude de le voir manifester ses sentiments, je ne savais pas si j’arriverais à
faire avec car plus il se dévoilait, plus j’avais envie d’être là pour lui, plus je
m’impliquais, plus il serait difficile de le quitter.
Ses mots tournaient en boucle dans ma tête. Sa mère allait mourir. La femme
délicieuse que j’avais rencontré au dîner, qui paraissait pleine de vie et
rayonnante, n’en avait plus pour très longtemps.
Je lui pris la main et la serrai.
« Et donc tu as tout organisé pour m’épouser avant qu’elle… décède, afin
qu’elle puisse assister à ton mariage ?
– En gros oui.
– Rien d’autre ? C’est pas un coup de pub ou parce que tu prends un coup de
vieux ou que t’en as assez de toutes ces bonnes femmes… »
Il rit doucement et secoua la tête.
« Je te l’ai dit, tu ne sais pas grand chose sur moi. Je ne suis pas celui que tu
crois.
– Alors dis-moi qui tu es. »
Il approcha son visage du mien, je pouvais sentir sa force et son dynamisme.
Je voulais m’en aller, rompre le charme et rentrer à la maison, je savais très
bien ce qu’il avait en tête. Je savais très bien ce qui allait se passer.
Les hommes comme Ethan n’étaient sur Terre que pour faire succomber les
femmes. Ça se voyait dans ses yeux, son charme, et jusque dans sa voix. Ça
m’était d’autant plus pénible de lui résister.
Il fit courir ses mains sur mes bras et mes épaules et m’attira contre lui, son
murmure couvrant le bruit des vagues.
« Et si tu le découvrais toi-même ? »
Ses lèvres étaient si proches, je n’avais qu’un geste à faire pour qu’elles se
posent sur les miennes. J’en avais envie. Je voulais lui faire part de mes
sentiments mais je ne savais pas comment.
Ethan était là pour briser des cœurs, pas pour les réparer, mais malgré la
fameuse règle “pas d’amour ni de sentiments”, je ne parvenais pas à me détacher
de lui.
Mon hésitation ne fit que renforcer son désir tandis qu’il m’attirait contre lui,
m’embrassait sauvagement, ses mains me serrant encore plus fort.
Je faillis tomber à la renverse sur le sable mais il me rattrapa, j’étais en
sécurité dans ses bras. Je me sentais de taille à affronter le monde à ses côtés.
« Ne me fais pas de mal », murmurai-je, en m’écartant de lui un
moment. « Si je t’ouvre mon cœur, ne me laisse pas tomber. »
Il ne répondit pas, il préféra me regarder droit dans les yeux, puis il prit ma
main et nous rentrâmes à la maison, notre désir parlait de lui-même. Pour la
première fois depuis des années je baissai la garde, j’espérais juste de tout mon
cœur ne pas m’être trompée de personne et ne pas avoir une nouvelle fois le
cœur brisé. J’espérais juste qu’Ethan ne me ferait aucun mal.


Ethan

Je l’attirai dans ma chambre et elle s’arrêta un moment pour regarder tout
autour, tandis que j’allumai une lumière douce, je posai à nouveau mon regard
sur elle.
Ses lèvres charnues s’entrouvrirent alors que l’espace entre nous diminuait,
je l’attirai à moi pour l’embrasser. Elle répondit instantanément, elle se donna à
moi, je la poussai contre le mur tandis que le désir se faisait plus impérieux.
Elle gémissait imperceptiblement, je caressai ses formes, impatient de la voir
nue.
J’ôtai mes lèvres des siennes et embrassai son cou, son corps frémissait, je la
repoussai légèrement pour mieux la voir. Elle ouvrit les yeux, cherchant mon
regard, me demandant silencieusement pourquoi j’avais arrêté de l’embrasser.
Mes doigts s’entrecroisèrent avec les siens, je me surpris devant une telle
démonstration de sentiments. Pour moi, le sexe était le sexe. J’adorai faire jouir
les femmes. J’aimais voir leur visage et voir leur corps réagir grâce au plaisir
que je leur procurai, mais en entremêlant mes doigts aux siens, je cherchai à
établir un contact. Je voulais qu’elle me désire. C’était autre chose que du sexe
pur et simple. Putain mais qu’est-ce qui m’arrivait ?
Je lâchai sa main et reculai, gêné par mes pensées et mes émotions qui
dépassaient de loin nos attentes strictement professionnelles.
J’avais voulu faire plaisir à ma mère et lui apporter de la joie et du bonheur
durant ses derniers mois en organisant mon mariage ; je ne me reconnaissais pas
dans cet homme amoureux d’une femme rencontrée au bar d’un hôtel.
Elle s’approcha de moi, perplexe, je la suivis des yeux et m’assis sur le lit.
« Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.
– C’est juste…
– On n’est pas obligés tu sais », dit-elle sans me regarder. « Je vais retourner
dans ma chambre, on fera comme s’il ne s’était rien passé.
– Abbiggail… »
Elle secoua la tête.
« On fera comme s’il ne s’était rien passé, on n’en parlera plus jamais. »
Je savais à quoi elle pensait. Elle pensait que je jouais avec ses émotions, ses
sentiments, que je la traitais comme j'avais traité toutes les autres femmes par le
passé, toutes ces femmes qui n’avaient jamais compté pour moi. Elle n’avait pas
idée de ô combien elle était loin de la vérité. C’était bien la seule femme qui
comptait pour moi, et pas seulement pour le sexe. Me refuser à elle ne signifiait
pas que je fuyais mes engagements ; j’étais juste bouleversé par ce que
j’éprouvais. Il fallait que je comprenne. Il fallait que je comprenne pourquoi,
parmi toutes les femmes que je croyais faites pour moi et que je désirais, j’étais
tombée sur elle ? Pourquoi était-elle la seule à me faire prendre conscience de
qui j’étais vraiment ?
Je traversai la chambre et m’assis auprès d’elle. Elle ne bougea pas, mais elle
respirait plus vite tandis que je m’approchai. Je ne pouvais pas la laisser s’en
aller. Pas maintenant.
« Reste Abbiggail. Je veux que tu restes. » Je repoussai l’épaisse chevelure
qui encadrait son visage et embrassai sa nuque.
« Qu’est-ce que tu veux ?
– Je… » sa voix vacilla tandis que ma main montait le long de sa jambe sous
sa robe.
« Et notre dîner sur la plage et le maître d’hôtel ?
– Qu’est-ce qu’il y a ?
– Il ne va pas… ?
– Tu as envie de moi ? murmurai-je en l’interrompant.
– C’est ce que tu veux ? »
Elle secoua la tête avec impatience, c’était le signe que j’attendais, je
l’embrassai, mes lèvres effleuraient les siennes, elle en redemandait. Je glissai
mes doigts sur son slip et le fit glisser le long de ses jambes jusqu’au sol. Puis
mes doigts touchèrent sa peau douce, je trouvai son clitoris.
Elle gémit sous la caresse, ça m’excitait de l’entendre tandis que je la
doigtais. Elle tressaillit, elle m’attira vers elle et nous nous embrassâmes.
Ce n’était pas le baiser torride dont j’avais l’habitude. C’était profond,
chargé de sens, érotique, je n’avais jamais rien connu de tel avant qu’Abbiggail
ne fasse son apparition dans ma vie.
J’avais passé ma vie d’adulte à endiguer ce torrent d’émotions, et voilà que
je l’accueillais enfin avec une femme, une vraie, dans mes bras. Nom de Dieu !
Je savais que j’évoluais en terrain miné, et si je ne faisais rien, ce baiser
pouvait à lui seul faire vaciller toute la dynamique de notre accord.
Si seulement je savais comment ne pas avoir autant envie d’elle. Si
seulement je pouvais la laisser partir.


Abbiggail

Son baiser me faisait fondre, j’en oubliais la petite voix dans ma tête, celle
qui me disait de ne pas baisser ma garde.
J’aurais dû pourtant. Il était primordial que je me protège de l’homme dont je
risquais de tomber amoureuse, mais je n’y parvenais pas.
Sa façon de m’embrasser me racontait une toute histoire, une histoire à
laquelle je voulais croire, mais je n’avais jamais fait confiance à personne
auparavant, et ça n’allait pas commencer avec un homme à femmes, qui les
faisait succomber et les laissait tomber.
Je posai mes mains sur son torse, prête à le repousser, mais je me surpris à
essayer de défaire fébrilement les boutons de sa chemise. Je voulais qu’il la
retire ; je voulais sentir sa peau sous mes doigts.
Il ôta sa main et recula. Je sentais le désir monter, il s’était éloigné et me
regardait tout en enlevant sa chemise et la jetant par terre.
Je regardai son corps ferme et musclé. Je n’avais jamais vu un homme tel
que lui, il était bâti à la perfection.
Les mecs comme ça existent seulement dans les films et dans les magazines,
ils ne couchent pas avec des filles comme moi et les demandent encore moins en
mariage.
« Tourne-toi », dit-il brusquement.
Il me fallu un moment avant de comprendre ce qu’il avait dit. Je me tournai,
je ne voyais pas trop où il voulait en venir, jusqu’à ce que je le sente peser de
tout son poids sur moi. J’entendis la fermeture éclair de ma robe descendre, il
déposait un baiser au fur et à mesure sur chaque centimètre de ma peau.
Des vagues de plaisir me submergeaient tandis qu’il descendait toujours plus
bas.
« Ethan… », soufflai-je, on ne m’avait jamais embrassé de manière aussi
sensuelle.
Il continua, de plus en plus bas, jusqu’à ce que ses lèvres effleurent le bas de
mon dos et qu’il se redresse, me faisant signe de me tourner.
Il regardait ma poitrine nue et me dévorait du regard, j’aurais aimé que la
lampe soit éteinte et que la chambre plongée dans l'obscurité.
Je n’aimais pas vraiment mon corps, Ethan n’avait fréquenté que des filles
nues qui faisaient du 36… je me sentais mal à l’aise. Il vit que je regardai la
lampe et il tourna mon visage vers lui.
« J’aime tout de toi… » me gronda-t-il gentiment. « Tu comprends ? Je te
trouve belle. Tu comprends ça ? »
Il posa sa main sur mon ventre et je sentis une pointe d’émotion et
d’impatience me traverser.
« Tu n’as pas à te cacher de moi. »
Ses mots étaient romantiques, mais ses yeux et son visage conservaient une
expression dure.
Je fis courir mes mains sur son dos et défis sa ceinture. Cette fois il me laissa
faire, je la jetai à côté de moi sur le lit. Il sourit légèrement et se souleva pour
retirer son pantalon, je regardai son corps sculptural tandis qu’il ôtait son slip.
Je cessai de regarder son torse, et louchai sur sa formidable érection. Je
m’assis et l’accueillis dans ma main.
Il laissa échapper un rugissement rauque tandis que je le prenais dans ma
bouche, pas entièrement toutefois.
Je sentais ses doigts dans mes cheveux, il me gardait collée contre lui et
j’enroulai ma langue contre son gland, savourant son goût et ses gémissements.
Je le suçai, le léchai, le titillai, j’essayai de le prendre tout au fond de ma
bouche, j’essayai de lui donner un maximum de plaisir.
Il bougeait en rythme, donnant des à-coups, puis il mit ses mains autour de
mon visage et recula.
« Allonge-toi », dit-il d’une voix rauque, tandis qu’il cherchait un préservatif
dans le tiroir de la table de chevet.
Je fis ce qu’il demandait et il s’allongea sur moi, colla ses lèvres sur les
miennes, son baiser m’enveloppait littéralement.
J’avais envie de lui. Je voulais le sentir en moi, je faisais courir mes doigts
sur son corps musclé, essayant de l’attirer contre moi.
Il se retira et me regarda dans les yeux, je vis autre chose dans son regard
tandis qu’il me pénétrait par à-coups.
Je criai lorsqu’il me pénétra entièrement, et mon corps se cambra de plaisir.
Je me cramponnai à lui tandis qu’il me pénétrait une nouvelle fois et j’enfonçai
mes doigts dans son dos.
Il frissonnait tandis qu’il entrait et sortait, rugissant contre mon visage. Il
accéléra le rythme, et le plaisir dans mon ventre irradia tout mon corps.
Il accéléra encore, il caressait mon corps puis il saisit mes mains et les
bloqua derrière moi, nos doigts étaient enlacés.
J’ouvris les yeux, il me regardait, ses sourcils froncés de plaisir et de désir.
Il rugissait à chaque fois qu’il me pénétrait, ses coups de boutoir secouaient
mon corps et faisaient bouger mes seins.
Il les regarda et se lâcha d’une main pour toucher mon téton.
« Ethan… », soufflai-je alors que j’accédai à une autre dimension du plaisir.
Je n’allais pas tenir longtemps. « J’en peux plus…
– Lâche-toi », dit-il la voix grave, je me laissai aller à ma jouissance.
J’enroulai mes jambes autour de lui tandis que je jouissais, des vagues de
plaisir secouaient mon corps.
Il accéléra le mouvement tandis que je bougeais, ça allait être son tour. Je
l’attrapai et le serrai contre moi, il rugissait contre mon oreille.
Il se retira totalement et s’assis, ses mains serrées autour de son membre
raidi.
« Tourne-toi… »
Je me tournai rapidement et respirai profondément tandis qu’il me pénétrait
par derrière, je le sentais peser sur mon dos.
J’agrippai les draps tandis qu’il s’enfonçait encore plus profond, il n’en avait
plus pour longtemps.
Je sentais ses mains sur mon dos et ma taille, son corps se frottait contre le
mien.
« Merde ! » hurla-t-il, il frémissait sans pouvoir se contrôler, il jouissait, ses
gémissements me procurant un plaisir intense.
Il s’écroula sur moi, il tremblait et respirait fort tandis qu’il embrassait ma
nuque et mes épaules.
Nous restâmes ainsi un moment jusqu’à ce qu’il reprenne son souffle puis il
se retira et s’allongea près de moi.
Je me retournai pour le regarder, il avait les yeux fermés, je déposai un baiser
sur sa joue, il ouvrit les yeux et me regarda.
Ça n’aurait du être que du sexe ; c’était le postulat de départ. On devait se
voir pour le sexe, sans entraves, rien de plus. Nous devions conclure un mariage
arrangé, il se trouvait que nous nous étions trouvés une attirance sexuelle. Mais
tandis que j’étais là allongée en train de regarder ses yeux verts clairs, je sentais
que je glissais sur une pente savonneuse. Nous avions franchi une limite, je
n’étais pas certaine de pouvoir faire machine arrière.
« Pourquoi ne peux-tu pas avoir de simples relations sexuelles, te lever et
partir comme avec n’importe quelle autre femme ? » demandai-je soudain,
effrayée par mes sentiments et mon désir pour lui. Ce n’était pas ce que
j’attendais de lui, je savais que s’il se levait et partait maintenant en disant qu’il
ne s’était rien passé, j’aurais été complètement anéantie.
Il toucha mon visage, mon cou et mon épaule, ma taille et mes hanches, puis
il prit ma main, la porta à sa bouche et embrassa mes doigts.
« Je n’ai jamais ressenti ça pour personne », murmura-t-il d’un air fatigué,
ses yeux me fixaient intensément. « Tu comptes pour moi Abbiggail. Tu
comptes plus pour moi que tu ne peux l’imaginer, que je ne peux même pas
imaginer. Je ne sais pas quoi faire, mais je ne veux pas que ça s’arrête. »
Ses mots me firent frissonner et je souris, c’était incroyable qu’une femme
aussi banale que moi ait apprivoisé Ethan Carter, mais au fond de moi, j’étais
partagée. Je le désirai. J’avais envie qu’il me désire, pas uniquement pour rendre
sa mère heureuse, mais une voix me disait Danger ! Danger! Cet homme est un
briseur de cœurs en série ! Si mes sentiments pour lui étaient si forts, si
profonds et si authentiques, pourquoi éprouvai-je le besoin soudain de me lever
et de m’enfuir le plus vite possible pour ne plus jamais revenir ?
Chapitre Six

Abbiggail

Le lit était vide lorsque je me réveillai, je repoussai mes cheveux frisés de
devant mon visage, heureusement qu’il n’était pas là pour voir ma tête au saut
du lit.
Les images de la nuit dernière me revenaient à l’esprit, je me tournai, ne
pouvant chasser un sourire.
Ses paroles résonnaient encore en moi, je repensai encore et encore à notre
conversation, je voulais me persuader que j’avais bien entendu. Il avait bien dit
avoir des sentiments pour moi ?
Je m’assis et remarquai le petit mot qu’il avait laissé à mon attention sur la
table de chevet, je l’ouvris avec impatience, j’étais folle de joie.
‘Bonjour ma future femme. Comme tu le sais je dois filer. J’ai une réunion
importante et quelques trucs à régler avant notre dîner de ce soir. Essaie de ne
pas lire les nouvelles avant mon retour. Les magazines racontent beaucoup de
mensonges, qui peuvent toutefois blesser. Je n’ai pas voulu te réveiller pour te le
dire, mais tu étais fascinante ce matin. A ce soir. Ethan.’
Je repliai le papier et sortis du lit, je me dirigeai toute guillerette sur le balcon
pour ouvrir les fenêtres, laissant le soleil matinal baigner mon visage. La plage
et la mer étaient là devant moi, quelques personnes faisaient déjà leur jogging ou
de la marche.
Pouvoir profiter de cette vue tous les matins ! C’était trop beau pour être
vrai, j’avais du mal à réaliser, je gloussai de plaisir.
Ma nuit avec Ethan m’avait donné l’assurance nécessaire pour affronter la
presse people. J’étais prête, pour la première fois de ma vie, je comptais pour
quelqu’un. J’étais prête à faire confiance.
Oui j’avais peur bien sûr, je n’osais pas imaginer qu’Ethan puisse réellement
être épris de moi, je n’allais pas les laisser dicter notre avenir, nous avions une
obligation l’un envers l’autre. Nous devions nous marier pour des raisons qui
nous étaient propres, l’amour authentique et les émotions véritables n’étaient
que des menaces à cette union.
Il ne fallait jamais mélanger vie professionnelle et vie privée, plus j’y pensais
plus ça tombait sous le sens, il serait très difficile de ne pas tomber amoureuse
d’Ethan, surtout depuis que je m’étais confiée à lui – beaucoup plus difficile.

Ethan

J’allais à mon bureau, le dernier étage était silencieux, ils avaient tous passé
leur matinée à lire la presse people.
Mary me vit arriver, elle sortit de son bureau et se dépêcha de venir à ma
rencontre.
« Je dois lire ces articles », lui dis-je avant même qu’elle ait eu le temps de
dire quoi que ce soit, elle me tendit le paquet qu’elle tenait aux bras.
« Les voici. »
Elle me suivit dans la pièce et s’assis en face de mon bureau, elle ouvrit le
premier journal en grand.
La photo d’Abbiggail était peu flatteuse et gênante, je savais ce qu’elle
pensait d’elle, ça me rendait furieux.
« Apportez tout ça à George ; qu’il me dise quelles mesures je peux prendre
sur le plan légal. » Mary griffonna sur sa tablette et acquiesça.
« Bien. Oui. Il a essayé de vous joindre ce matin.
– S’il rappelle, passez-le moi en priorité. »
Elle hocha la tête, je poursuivis ma lecture, ignorant la colère qui montait en
moi à cause de ces obscurs paparazzi et journalistes qui avaient photographié ma
future femme la robe relevée, désormais en première page d’un tabloïd. Je
parcourrai l’article, en espérant qu’ils ne l’aient pas trop malmenée.

Voici la femme qui a “maté” le célèbre milliardaire de la Carter Corp

D’après nos sources, Ethan Carter, célibataire endurci, fréquente cette
inconnue. Apparemment c’est du sérieux puisqu’ils se sont fiancés.
Ethan est connu pour être un fêtard, il a fréquenté de nombreux mannequins
ces dernières années, aucune n’a eu la chance de porter le nom si convoité de
‘Mme Carter’, c’est donc un choc pour le monde entier d’apprendre que la
femme avec laquelle il a décidé de se caser et de changer ses habitudes ne se
trouve pas sous le feu des projecteurs et ne fait pas partie des célébrités.
Nous ne savons pas depuis combien de temps ils se fréquentent ni s’ils ont
l’intention de se marier, mais de source sûre, ce couple improbable a été aperçu
à plusieurs reprises dans des lieux différents.
Karen Velaczki, mannequin et actrice en herbe, furieuse, affirme avoir été
choquée d’apprendre que l’homme qu’elle considérait comme son petit ami
allait en épouser une autre.
Depuis son domicile, elle a évoqué le temps passé ensemble ; « Nous avons
passé d’excellents moments, j’avais l’impression d’être la seule femme au
monde lorsque j’étais avec lui. Il était passionné et respectueux, je pensais que
nous avions un avenir ensemble. Il a tout simplement arrêté de m’appeler, voilà
tout. Il est séduisant mais c’est un bourreau des cœurs, et il le sait. Il a continue
à me fréquenter tout en sachant qu’il allait se marier. Je suis vraiment désolée
pour elle. C’est pas le genre d’homme prêt pour le mariage, je leur adresse tous
mes voeux de bonheur. »
Si vous connaissez la mystérieuse mariée, contactez notre bureau spécial
infos.

« Merde. J’arrive pas à croire qu’elle ait parlé à la presse. »
Je repoussai ma chaise, je repensai à mon altercation de l’autre jour avec
Karen. Mary prit le journal et m’en donna un autre.
« Ce sont des représailles. Ignorez ses commentaires.
– Vous lui aviez bien fait parvenir des fleurs ? » Mary hocha la tête.
« Ça a du lui laisser un goût amer ? Zut, il faut que je règle ça au plus vite.
Notre histoire n’a pas été aussi intense qu’elle le laisse supposer. »
Mon téléphone sonna et je décrochai d’un air absent.
« Bonjour ? Ethan ?
– Oui, bonjour ?
– C’est Samantha…
– Samantha ? Comme dans…?
– Oui, c’est ça. On m’a dit que vous aviez cherché à me joindre ce matin, je
voulais vous remercier ! Je me demande comment vous avez fait pour me
trouver. » Je fis signe à Mary de sortir, elle se leva, hésitante, et me regarda.
« Oui, merci de me rappeler. J’ai passé pas mal d’appels ce matin,
heureusement que j’ai le bras long…
– Tout va bien. Inutile de m’expliquer. Je suis heureuse que vous m’ayez
retrouvée. Je vous en suis reconnaissante. Je voulais le faire depuis un moment
et…
– Comprenez-moi bien : tout ceci doit rester strictement confidentiel ?
Abbiggail et moi allons nous marier, rien ni personne ne doit se mettre au
milieu.
Je baissai la voix et regardai Mary, qui était restée près de la porte. Je lui jetai
un coup d’oeil, elle me lança un long regard soupçonneux avant de tourner les
talons.
« Ne vous inquiétez pas Ethan. Je n’irai pas voir la presse et je ne
m’immiscerai pas entre vous. Et si on se voyait non ? Je sais que vous êtes un
homme très occupé…
– Pourquoi pas demain ? Abbiggail et moi sortons ce soir mais je ferai en
sorte qu’elle ne soit pas à la maison, on pourra discuter. J’ai peu de temps
toutefois.
– Super. Je peux venir accompagnée ? »
J’hésitai, pas vraiment certain que ce soit une bonne idée, plus il y aurait de
monde au courant, moins cela resterait un secret.
« Il n’y aura aucun problème Ethan, promis. On est juste tous…
– Ok, dites-leur de venir, pas plus de trois personnes. En fait j’aimerais parler
de ça rien qu’avec vous, comme je vous l’ai déjà dit, rien ne devra filtrer.
Compris?
– Je comprends, on ne lui dira rien tant que ce ne sera pas sûr à cent pour
cent.
– Parfait, je ne dirai rien tant que je n’aurais pas votre feu vert. Je dois y
aller. J’ai des réunions dans une demie-heure.
– Ethan ?
– Oui ?
– Je voudrais vous remercier de penser à moi malgré votre emploi du temps
chargé, merci pour votre aide concernant les documents. Je vais régler tout ça
aujourd’hui, nous verrons ce que l’avenir nous réserve. J’espère seulement
qu’Abbiggail comprendra lorsqu’elle apprendra…
– C’est mon affaire. Nous avons fait pour le mieux. Si vous avez la moindre
question ou besoin d’aide de la part de mon équipe, vous avez mon numéro.
Vous parlerez avec moi, exclusivement. Si je ne réponds pas, n’appelez pas au
bureau, je vous rappellerai.
– Compris.
– Au revoir.
– Au revoir. »
Je raccrochai, je réfléchis un court instant à notre conversation et à la
dernière phrase de Samantha que je ne parvenais pas à oublier « J’espère
seulement qu’Abbiggail comprendra lorsqu’elle apprendra. »
Je ne voulais absolument pas la blesser, elle m’avait accordé sa confiance et
m’avait fait part de ses sentiments.
Je repensai à la nuit dernière, je m’étais senti si différent. Je voulais lui
prouver que je n’étais pas l’homme qu’elle imaginait. Je devais lui prouver que
je pouvais être meilleur. Je devais oublier le Ethan réputé hostile à tout
engagement durable.
Je ne pouvais pas laisser tomber les femmes qui comptaient le plus pour moi
et qui m’avaient montré leur côté le plus vulnérable. Je voyais bien les dégâts
que cela occasionnait.
J’avais passé ma vie d’adulte à profiter du sexe sous toutes ses formes.
J’attendais plus. Je réalisai, après avoir raccroché avec Samantha, que la pièce
manquante du puzzle était Abbiggail.
C’était la seule femme capable de me changer, mais elle pouvait également
détruire l’homme que j’essayais d’être, elle ne me cachait pas le fait que
l’amour, les émotions et une vraie relation étaient tabous. Elle avait tout fait pour
se protéger et je savais que cet arrangement lui convenait parfaitement, mais j’en
voulais plus ; je ne savais pas comment le lui dire et la convaincre que j’avais
changé. Je devais d’abord attendre confirmation, puis je lui parlerai de
Samantha.

Abbiggail

Lorsque je descendis de la voiture pour aller sur le trottoir, tous les regards
étaient rivés sur moi, les flashs des appareils photos me faisaient cligner des
yeux. Daniel sentit ma nervosité et posa une main rassurante sur mon épaule.
« Tout ira bien, Mademoiselle, murmura-t-il. Regardez droit devant vous et
entrez. Tout ira bien. » Je lui serrai le bras.
– Merci. »
Il sourit et au moment où je me détachai de lui, un homme vint vers moi, il
me prit par le bras et me guida à travers la foule sans un mot.
Je regardai son visage, je l’avais déjà vu dans le bureau d’Ethan, un
sentiment de soulagement m’envahit. C’était Edward.
Le portier nous vit approcher, il le reconnut sur le champ, les portes
s’ouvrirent immédiatement. Nous entrâmes à l’intérieur, laissant le bruit derrière
nous.
« Je suis si contente que vous soyez là ! » dis-je, reconnaissante de ne pas
devoir me coltiner les paparazzi toute seule.
Il sourit, ses dents blanches étincelaient dans la pénombre.
« Quel piètre ami je serai pour Ethan si je vous laissais affronter cette foule
toute seule. Donnez-moi votre manteau. »
Il le fit glisser de mes épaules et le donna au vestiaire.
« Il m’a demandé de voir si tout allait bien. Il arrivera un peu plus tard avec
Mary.
– Ok. Je sais qu’il est occupé et…
– Vous avez réservé ? demanda le maître d’hôtel.
– Au nom de Carter », répondit Edward, le regard du maître d’hôtel s’alluma.
« Oui bien sûr. Par ici je vous prie. Vous avez une table de réservée au
fond. »
Edward attendit que je passe devant, il me suivit et me guida aimablement
entre les tables jusqu’au fond de la salle.
Nous nous assîmes sagement, il commanda une bouteille de champagne et du
pain de campagne.
« Vous êtes célèbre maintenant ? » Il sourit dès que le serveur fut
parti. « Quel effet ça fait ?
– Oh mon dieu », je cachai mon visage entre mes mains. « Je ne sais pas, je
n’ai pas lu l’article, je suis terrifiée de savoir ce qu’ils ont bien pu écrire.
– Rien de bien méchant. A votre place je ne m’inquiéterais pas. L’équipe du
service juridique et des relations publiques d’Ethan est excellente. Je suis certain
qu’ils ont tout arrangé.
– Merci.
– Je vous en prie. »
Il me sourit et me regarda tandis que le serveur revenait avec notre
champagne et faisait le service.
« Alors comme ça, tout est allé très vite. »
Je hochai la tête, la panique me gagnait. Je n’avais jamais eu l’opportunité de
discuter de notre “histoire” avec lui, l’idée de subir un interrogatoire au sujet de
cette relation mensongère me fit rougir. Mille et une excuses traversèrent mon
esprit pour quitter la table.
« Relax », dit-il en agitant sa main dans ma direction.
« Avec vous les hommes, tout est toujours évident. Comment avez-vous…?
– Ethan est mon meilleur ami. Je le connais mieux que personne. Il aurait été
impossible qu’il vous fréquente sans me le dire. » J’inspirai profondément.
« Je ne sais pas quoi dire.
– Il n’y a rien à dire. Sachez simplement que de nombreuses femmes dans
cette ville le perçoivent comme une cible de choix. Il est séduisant et fortuné,
elles foncent la tête la première. Il est bien plus que cela.
– Allez dire ça aux femmes qu’il a laissé tomber. Je ne suis pas certaine
qu’elles vous donneraient raison. »
Je touchai ma coupe, les bulles de champagne me faisaient légèrement
tourner la tête, mais je la terminai quand même.
Edward rit et prit la bouteille.
« Je comprends pourquoi il vous aime. Encore un peu ? »
J’acquiesça et il approcha ma coupe vers lui.
« Que voulez-vous dire par là ?
– Rien, c’est rafraîchissant. Vous êtes différente, et dans le cas qui nous
occupe, la différence c’est une bonne chose. »
Je bus plusieurs gorgées de la nouvelle coupe de champagne qu’il m’avait
servie, je ne tenais pas bien l’alcool, je pouvais dire n’importe quoi à tout
moment.
« Et entre Melissa et vous ? » demandai-je.
Son sourire s’évanouit, il se redressa sur sa chaise, regarda la nappe et leva
enfin ses yeux vers moi.
« C’est compliqué, admit-il.
– Pourquoi ? Parce qu’elle est belle à se damner avec le caractère d’un
caniche pourri gâté ? » Merde !
Les mots étaient sortis de ma bouche avant même que j’ai pu les arrêter, je
reposai mon verre et me redressai.
« Edward, je suis désolée. Je… »
Il riait.
« Ne vous excusez pas Abbiggail. Je parie que vous l’avez rencontrée, vous
avez raison. Nom de dieu, si je pouvais avoir votre discernement, les choses
seraient plus simples.
– Je n’aurais pas du dire ça. C’est à cause du champagne. Je ne suis
habituellement pas aussi véhémente.
– Relax ok ? » me réconforta-t-il. « Elle va devenir votre belle-soeur, c’est
votre droit d’avoir une opinion. Je ne dirai rien. »
Le serveur revint avec notre corbeille de pain et la plaça devant nous,
j’inspirai profondément, pris une tranche épaisse et la trempai dans l’huile
d’olive. Il me regarda faire et baissa la voix.
« Que dit votre famille au sujet du mariage ? Ils sont contents ? Ennuyés ?
Excités ? Ils trouvent que c’est trop rapide ? Vous leur avez dit la vérité ? »
Je savais que la question me serait posée tôt ou tard, je ne voulais pas que les
gens aient pitié de moi et me voient comme une femme ayant grandi en étant
ballottée de foyer en foyer, mais je ne pourrais plus le cacher bien longtemps.
On l’apprendrait tôt ou tard, mieux valait que ça vienne de moi. J’avalai un bout
de pain et quelques gorgées de champagne.
« Je n’ai pas de famille », dis-je calmement.
Il eut l’air intrigué.
« Pas de famille ? Pas du tout ?
– Exact. Pas de parents, ni de frère et soeur, ni d’oncle ou de cousin. Je n’ai
personne.
– Désolé, je ne savais pas…
– Tout va bien. » J’essayai de contenir cette émotion qui montait en moi et
me brûlait les yeux. Non, tout n’allait pas bien, pas du tout même, j’étais seule
au monde.
Il posa une main rassurante sur mon épaule.
« Les familles c’est dépassé maintenant, dit-il gentiment. Ça ne sert à rien. »
Pas pour moi. Pour moi ça comptait. J’aurais tant aimé avoir une famille
comme tout le monde et ne pas avoir une maman différente tous les six mois,
une fois qu’elle s’était lassée de moi.
Les larmes me montaient à nouveau aux yeux, j’essayai de les refouler mais
c’était peine perdue. Elles roulèrent sur mes joues que je tamponnai prestement
des doigts.
Ça faisait si longtemps que je n’avais pas pleuré à ce sujet, entre l’alcool et le
tsunami émotionnel que me faisait vivre Ethan, tout était exacerbé.
« Oh non Abbiggail, je vous ai fait pleurer. Je suis vraiment nul avec les
émotions », dit Edward en poussant la bouteille et le verre pour se rapprocher.
Je ris entre mes larmes, secouant la tête.
« Ça va, je vous assure. C’est à cause du champagne, le mariage, et tout le
reste.
– Venez ici. »
Il m’attira vers lui et m’enlaça. J’enfouis mon visage contre son épaule,
j’avais l’impression d’être dans les bras du grand frère que je n’avais jamais eu,
j’étais d’autant plus triste.
Il rejeta mes cheveux en arrière.
« Tout va bien, Ethan est génial. Sa famille sera bientôt la vôtre. Ils vous
aimeront, vous verrez Barbara est une chic fille. Elle fera tout son possible pour
que la famille vous accueille à bras ouverts. »
Je reculai en souriant faiblement.
« Merci, Edward.
– Je vous en prie. » Il essuya les larmes qui coulaient sur mes joues avec son
pouce.
« Parfait. Ethan sera là dans une minute. Ressaisissez-vous afin qu’il ne se
doute de rien. »
Il s’approcha, arrangea mes cheveux et me serra dans ses bras, je le serrai
contre moi en un remerciement silencieux puis repris mes esprits, je ne voulais
pas le laisser partir ; depuis que j’avais rencontré Ethan, je n’avais été entourée
que de personnes affectueuses. Personne ne m’avait jamais enlacée de la sorte
lorsque je pleurais avant, j’avais l’impression de rêver, un conte de fées avec de
vrais amis sur qui compter quand la vie est trop dure.
« Putain qu’est-ce qui se passe ici ? »
Nous nous séparâmes et mon bras heurta mon verre.
Je regardai en direction de la porte de notre salon privé, vis Ethan nous
regarder l’air furieux et Mary nous observa à la dérobée. Elle rencontra mon
regard et me lança un regard légèrement menaçant, sous son air de garce hyper
protectrice.
Edward se leva.
« J’étais… Abbiggail était…
– Je sais très bien ce que vous étiez en train de faire », lâcha-t-il.
Je me levai également et allais vers lui.
« Ethan, ce n’est pas ce que tu crois. Il me consolait et… »
Il m’ignora et s’adressa à Edward.
« Je t’avais demandé de la distraire avant que j’arrive, pas de la peloter ! » il
riait, incrédule.
« Ethan, calme-toi. Il ne s’est rien passé et tu le sais bien. Ta future femme
était triste ! Que voulais-tu que je fasse ? La laisser en plan ? Rester assis sans
rien faire ?
– Je vous ai vus », dit-il, je vis sa mâchoire se serrer.
Je le pris par le bras.
« Calme-toi je t’en prie. C’était tout ce qu’il y a de plus innocent. Je te le
jure. »
Pour la première fois, il s’arrêta et me regarda, ses yeux rencontrèrent enfin
les miens, je n’y vis que de la déception et combien il était blessé.
« Après tout ce que je t’ai dit la nuit dernière ? » dit-il en secouant la
tête. « Je pensais que tu étais… »
Il s’arrêta de parler et je sentis l’angoisse monter en moi. Je me fichais de cet
arrangement merdique et de mon avenir, tout ce qui comptait c’était lui.
Il dégagea son bras du mien et me tendit un dossier.
« C’est pour toi. J’ai été retardé, il manquait une dernière signature. »
Il s’adressa à Edward.
« Ne vous arrêtez pas en si bon chemin. Elle est belle. Difficile de ne pas
résister à la tentation n’est-ce pas ? Réfléchis bien à ce que tu perds pour arriver
à tes fins.
– Ethan, tu ne vas tout de même pas partir ! » lui demandai-je tandis qu’il
sortait du restaurant. Je le suivis, ignorant les regards des personnes assises qui
regardaient le drame se jouer sous leurs yeux.
« Ethan attends ! »
Il sortit en trombe par la porte principale, une nuée de paparazzi nous
attendaient. Ils s’emparèrent de leurs appareils photos et firent crépiter les flashs.
« Ethan, il va bien y avoir un mariage ?
– Ethan, comment s’appelle-t-elle ?
– Ethan, pensez-vous que vos actions vont augmenter ?
– A quelle date est prévu le mariage ? »
Il leva le bras pour tous les faire reculer, sa rage ne fit qu’accroître leur
avidité pour savoir le fin mot de l’histoire.
Edward me bouscula et il le saisit par le bras, le tirant en arrière.
« Putain mais t’es malade ou quoi ? » cria-t-il. Ethan se dégagea de son
étreinte d’un air furax.
« Edward, tu ferais mieux de ne pas rester au milieu.
– Ou alors quoi ? On est amis depuis combien de temps ? Tu crois que je vais
te piquer ta nana parce que je l’ai simplement prise dans mes bras ?
– Je te faisais confiance ! »
Je les regardais avec horreur, ils allaient se battre, je tirai Ethan en arrière,
toute la presse autour de nous devait se délecter.
Mary tira Edward par le bras pour le faire reculer mais il ne se laissa pas
faire.
« Tu me faisais confiance ? Tu me faisais confiance toi ? Je n’ai rien fait, tu
le sais très bien. C’est le seul moyen que tu as trouvé pour rompre ton putain de
contrat. Tu sais, ton soi-disant mariage ? Toute cette mascarade merdique que tu
as manigancé en jouant avec les sentiments des gens ! »
Je sentis comme un coup de poing dans le ventre, au lieu de répondre, Ethan
donna un coup de poing à Edward, l’atteignant à la mâchoire. Il y eut une grande
confusion générale, puis le service de sécurité du restaurant fit irruption et les
sépara.
J’aperçus Daniel dans la foule : il poussait Ethan et Mary vers la voiture.
« Attends ! » l’appelai-je, mais ma voix fut couverte par le brouhaha de la
foule et il ne put m’entendre. Tandis que la voiture s’éloignait du trottoir, des
paparazzi essayaient de le photographier à travers les vitres de l’habitacle.
« Abbiggail ! » j’entendis une voix brusque à côté de moi ; c’était Edward
qui me tendait sa main.
« Venez, fichons le camp d’ici.
– Mais… » je regardai dans la direction prise par la voiture d’Ethan, je ne
parvenais toujours pas à croire ce qui venait de se passer.
« Montez dans cette foutue voiture ! » aboya-t-il. Il vint vers moi et me prit
par la main, me faisant monter dans sa propre voiture avec chauffeur. Le
chauffeur ferma la porte et monta, nous emmenant loin des lumières de flashs et
du tumulte le plus rapidement possible.
Je me retournai vers Edward, il frottait sa mâchoire toute rouge et je posai
ma main sur son bras.
« Je suis tellement désolée. » Il secoua la tête.
« Aucune importance, ce n’est pas de votre faute. Vous avez vu ces mecs ?
On va faire la une de tous les journaux demain matin. Merde ! » Il donna un
coup dans le siège avant.
« Excusez-moi Monsieur. Où dois-je déposer la jeune dame ? » demanda le
chauffeur en nous regardant dans le miroir.
Il soupira et me regarda.
« Désolé Abbiggail. Tout est tellement… Je ne sais pas. On vous dépose
quelque part ? »
Je pensais retourner à mon ancien appartement avec Lucy mais c’était hors
de question, Jack aurait vendu son âme au diable ne serait-ce que pour voir
débouler les journalistes au petit matin.
Je secouai la tête.
« Je n’ai nulle part où aller. Déposez-moi à l’hôtel le plus proche, je me
débrouillerai demain matin. » J’avais toujours la carte qu’Ethan m’avait
donnée…
« A l’hôtel ? Mince alors, j’avais oublié que vous aviez emménagé chez
lui. » Il se pencha vers le chauffeur.
« A mon hôtel s’il vous plaît Harry.
– Vôtre hôtel ? » Je voyais déjà des photos de moi partir de chez lui au petit
matin, la presse en ferait des gorges chaudes.
« Ouais, c’est parfait. Il est préférable qu’on reste ensemble. Si vous allez
dans cet hôtel toute seule, que croyez-vous qu’il se passera ? Vous serez
poursuivie par la presse, vous êtes plus vulnérable toute seule.
– Mais…
– Malgré ce qui s’est passé, vous êtes toujours la fiancée de mon meilleur
ami. Je ne peux pas vous abandonner toute seule dans un hôtel pendant cette
tempête médiatique. »
Il regarda par la fenêtre et réfléchit un moment.
« Parfait. On va à l’hôtel, je serai dans la chambre voisine de la vôtre.
– Edward vous n’avez pas à faire tout ça. Il secoua la tête.
– Inutile de discuter. Harry, au St Regis s’il vous plaît. »
Il prit son portable et passa un coup de fil.
« Allo ? Julie ? Oui, c’est Edward. Ça a mal tourné. J’ai besoin que vous
réserviez deux suites mitoyennes au St Regis maintenant s’il vous plaît, j’aurais
besoin qu’on me livre pour demain matin des vêtements pour femme… », il
regarda mon corps,… « taille 40, 42 ou 44. Ah et aussi, je veux que mon équipe
du service communication et quelqu’un du service juridique m'y rejoigne. Oh,
pouvez-vous également réserver une salle de réunion ? Oui. Ok, c’est super. On
verra ça demain. »
Il raccrocha, posa son téléphone entre nous et pencha la tête en arrière.
« Merci Edward, dis-je doucement.
– Vous n’aviez pas besoin de me réserver une suite, enfin je veux dire, une
chambre standard aurait suffit… »
Il posa sa main sur la mienne et pencha la tête pour me regarder.
« Ce n’est pas un problème Abbiggail. J’ai découvert un Ethan que je ne
connaissais pas. Ça n’a plus rien à voir avec les affaires. Il ne s’est jamais autant
impliqué pour aucune femme de toute sa vie. Apparemment vous comptez pour
lui, et vraisemblablement assez pour que je veille sur vous, le temps que l’affaire
se tasse et que vous puissiez lui dire ce que vous éprouvez réellement.
– Edward vous êtes un vrai ami. Il a de la chance de vous avoir. »
Je serrai sa main et pris une profonde inspiration, je tenais toujours dans mes
mains le dossier qu’il m’avait remis, je regardai par la fenêtre, incapable
d’oublier le regard blessé d’Ethan.
Après son coup d’éclat, n’importe quelle autre femme aurait stoppé net la
relation, mais pour moi ça voulait tout dire. Il avait exprimé sa passion, son
désir, et ses vrais sentiments à mon égard. Il avait montré ses émotions au
monde entier pour moi seule, je ne m’étais jamais sentie aussi désirée et aimée
de toute ma vie.
Edward se tenait à mes côtés tandis que le bagagiste ouvrait la porte de ma
suite.
« Ouaouh ! » soufflai-je, en entrant. « C’est trop… »
Le bagagiste rit et se dirigea vers la porte.
« Si vous avez besoin de quoi que ce soit, composez le zéro sur votre
téléphone, je me ferai un plaisir de vous aider. »
Il s’adressa à Edward.
« M. Hewitt, puis-je vous aider pour votre chambre ?
– Non, merci pour votre aide. »
Il glissa des billets dans sa main et la lui serra, il attendit qu’il parte et se
tourna vers moi.
« Je descends au bar de l’hôtel grignoter quelque chose. Ça vous tente ?
– Je ne pense pas que ce soit une très bonne idée après ce qu’il vient de se
passer, désolée.
– Je comprends. »
Il redressa le tableau, pourtant parfaitement droit, sur le mur.
« Vous devriez vous reposer Abbiggail. Une dure journée vous attend demain
avec la presse et les nouveaux articles qui vont paraître. »
J’acquiesçai, épuisée rien qu’à cette idée.
« Merci pour tout Edward. Vous avez été formidable, je ne sais pas ce que
j’aurais fait sans vous. »
Il sourit et se dirigea vers la porte.
« Promettez-moi de n’ouvrir cette porte à personne, hormis moi ou le service
d’étage.
– Promis.
– Très bien. Julie vous apportera des vêtements demain matin. J’ai une
réunion en bas, je ne vous verrai probablement pas, une voiture vous attendra
pour vous déposer où vous le souhaitez.
– Merci infiniment.
– Bonne nuit Abbiggail.
– Bonne nuit. »
Il referma la porte derrière lui, j’allai dans la chambre et m’écroulai sur le lit.
La tournure que ma vie prenait en peu de temps était tout simplement
incroyable.

Je m’étais jurée de ne plus jamais vivre de drame passionnel, et voilà que
j’étais effrayée et inquiète parce que j’avais blessé et déçu l’homme avec lequel
j’avais signé un contrat, et dont il ne fallait surtout pas tomber amoureuse.
Je me rappelai du dossier qu’il m’avait confié, je me levai pour aller le
chercher dans le hall. Je me blottis sur le canapé.
Il sentait son odeur, je pensai à tous les efforts qu’il avait déployés pour
monter ce dossier avant notre rencontre. J’ouvris la fine couverture en cuir et lu
la première page, mon cœur bondit :
Félicitations Abbiggail,
Je sais ce que cela représente pour toi, j’ai fondé une œuvre de bienfaisance
“Les Enfants d’Abbiggail” pour venir en aide aux enfants placés en foyer. Je
suis ton premier donateur et je négocie actuellement un magnifique immeuble de
bureaux pour toi. J’ai hâte de voir les miracles et les merveilles que tu vas
accomplir, j’ai lu dans ton cœur la nuit dernière, tu as tant à partager.
Bien à toi,
Ethan
Mon dieu qu’est-ce que j’avais fait ?

Ethan

« C’est bientôt fini ? Il est tard et j’aimerais rentrer. »
Mary posa le verre de vin sur la table en face de moi et croisa les bras. Elle
n’était pas vraiment ravie, je ne pouvais pas lui en vouloir. Mon comportement
me laissait un mauvais goût dans la bouche.
Je la regardai se diriger vers les grandes baies vitrées et admirer la vue de
New York, puis elle se tourna vers moi.
« Ecoutez, je n’ai pas envie d’envenimer la situation, je ne suis que votre
assistante après tout, mais demain la presse va vous réduire en charpie tous les
trois. Mon téléphone ne va pas arrêter de sonner.
– Prenez votre journée », dis-je, en buvant une gorgée de vin. « C’est bien le
moins que je puisse faire après ce qui s’est passé ce soir.
– Ethan…
– Non, sérieusement. Utilisez la carte bancaire de la société et allez faire du
shopping ou un spa histoire de…
– Et qui va répondre à la presse lorsqu’ils appelleront ? Vos actionnaires vont
exiger des réunions et…
– Je m’en occuperai. »
Je fermai les yeux, essayant d’oublier cette migraine lancinante, je revoyais
le visage perplexe d’Abbiggail tandis que notre voiture s’éloignait, et la
déception qu’elle avait du ressentir. Je l’avais complètement abandonnée.
« J’aurais dû lui faire confiance », dis-je à haute voix. Mary fit oui de la tête.
« Vous auriez dû leur faire confiance à tous les deux. Vous connaissez la
loyauté d’Edward.
– Je sais, je n’arrive pas à croire que je l’ai frappé. »
Elle traversa la pièce et posa sa main sur mon épaule.
« Peu importe que la presse fasse la une avec cette photo – ils vont
certainement vous proposer de sponsoriser des articles de boxe – vous devez
relever la tête. Je suis certaine qu’ils comprendront très bien que vous êtes un
peu… déboussolé en ce moment.
– Déboussolé ? »
Elle acquiesça.
« Je ne sais pas. Vous aviez déjà changé avant même l’annonce de vos
fiançailles. J’ai trouvé ça bizarre. J’ai l’habitude de faire livrer des fleurs et de
de m’occuper de ces femmes qui débarquent au bureau, furieuses et le cœur
brisé, mais je n’ai pas l’habitude de m’occuper de vos projets de mariage. Elle
vous a fait changer, et à l’heure où je vous parle, je ne suis pas en mesure de
vous dire si c’est en bien. »
Elle avait raison sur toute la ligne. J’avais toujours perçu les fiançailles et le
mariage comme deux personnes vivant sous le même toit, avec la possibilité
d’être attiré par d’autres femmes, mais la seule personne dont je souhaitais
entendre la voix était Abbiggail. Les autres femmes ne m’intéressaient plus, et
même avec une douzaine de top models seins nus devant moi, je n’aurais d’yeux
que pour elle.
« Ouais, je suppose qu’elle a… »
Mary me toucha l’épaule et se leva.
« Ok, je vais y aller, je vous verrai demain matin et pas de “mais”.
– Merci. Je vous appelle Daniel ? Il peut vous déposer. »
Elle secoua la tête.
« Un peu d’air frais me fera du bien, je vais marcher jusqu’à la gare à pied.
Bonne nuit.
– Bonne nuit. Faites attention. »
Elle referma la porte derrière elle et je fermai les yeux. Pour la première fois
depuis mon emménagement, ma penthouse dans Manhattan me paraissait trop
vaste, solitaire et vide. Je ne m’étais jamais senti aussi sûr de vouloir m’engager
à 150% avec quelqu’un, et ce quelqu’un c’était Abbiggail ; si seulement je
pouvais la convaincre de me pardonner.

Chapitre Sept

Abbiggail

‘La Bridget Jones américaine
Après qu’une bagarre ait brisé son idylle devant le Haselini hier soir, la
future femme du magnat de l’immobilier Ethan Carter a été formellement
identifiée comme étant Abbiggail Williams, serveuse au bar d’un hôtel.
Il semble que le scandale ait éclaté suite à un rendez-vous entre
l’entrepreneur fortuné Edward Hewitt et Abbiggail Williams.
Les sources officielles chez Carter Corp n’ont pas souhaité faire de
commentaire, mais la dispute, dont ont été témoins les paparazzi et l’assemblée,
avait débutée par un coup de poing.
Les spécialistes admettent qu’Ethan serait vraisemblablement sorti de ses
gonds. On se demande qui peut bien être cette femme, somme toute banale, pour
avoir réussi à faire chavirer le cœur des deux playboys fortunés ?’

Je reposai le journal sur la table et soupirai, la photo qu’ils avaient prise était
affreuse mais je m’y attendais. Un article allait paraître dans lequel on me verrait
au beau milieu de la mêlée.
Je repliai les autres journaux et les posai à l’envers sur le plateau du petit-
déjeuner. Comme prévu, ils avaient tout faux. Tous, Ethan y compris.
J’avais été caricaturée comme le vilain petit canard pour lequel deux
hommes riches se battaient, l’idée que je puisse avoir un rendez-vous avec
Edward était l’idée la plus saugrenue que j’aurais pu avoir, surtout au vu et au su
de tout le monde, et d’autant plus au moment même où les gens apprenaient qui
j’étais.
Je déverrouillai mon téléphone et fis dérouler la liste jusqu’à son numéro,
j’hésitai à l’appeler mais décidai que non. C’était à lui de faire le premier pas. Il
devait me présenter ses excuses. Je n’avais rien fait de mal, hormis accepté
d’être réconfortée par une âme charitable.
Il avait frappé son meilleur ami et nous avait humilié en public tous les trois.
Je ne pouvais pas lui pardonner aussi facilement et lui faire croire que tout était
oublié.
Il savait pertinemment ce que nous avions ressenti l’un pour l’autre la nuit
dernière, et la façon dont je m’étais confiée à lui, comme je ne l'avais jamais fait
auparavant.
Je me fichais d’Edward ou de qui que ce soit d’autre. C’est lui que je voulais.
On frappa à la porte et je revins à la réalité, je me levai et regardai par le
judas.
C’était l’assistante d’Edward avec tout un portant de vêtements.
J’ouvris la porte et elle déboula dans un tourbillon de parfum de luxe et de
chaussures à petits talons.
« Abbiggail, c’est ça ? Salut, je suis Nicole. »
Elle alla jusqu’aux placards qu’elle ouvrit en grand et prit une seconde pour
regarder autour d’elle.
« J’adore cette chambre », dit-elle en souriant, on aurait dit que ce n’était pas
la première fois qu’elle venait ici.
« Edward a commandé quelques ensembles, mais comme il ne connait ni
votre style ni l'endroit où vous devez vous rendre, je vous en ai apporté
plusieurs.
– Il va bien ? » demandai-je, en pensant au coup qu’il avait reçu.
Elle sourit et acquiesça.
« Il est costaud, ça ira. C’est juste une égratignure, il survivra. Il m’a dit de
vous passer le bonjour et qu’Ethan l’avait appelé aujourd’hui, il vous a réservé
un soin au spa.
– Pourquoi ne m’a-t-il pas appelée ? » J’avais la triste impression que tout
cela prenait une mauvaise tournure.
Nicole secoua la tête.
« Ecoutez ma belle, ces hommes ne sont pas comme les autres. A votre place
je ne chercherais pas à comprendre. Ça vous rendrait complètement dingue. »
Elle me gratifia d’un sourire somme toute sympathique et se dirigea vers la
porte, je remarquai au passage sa montre-bijou scintillante. Apparemment,
Edward la payait bien.
« La réunion d’Edward termine à quelle heure ? »
Elle s’arrêta et se tourna vers moi.
« La tempête médiatique n’est pas près de se calmer, Edward a plusieurs
réunions aujourd’hui. Je vous suggère de vous reposer pendant quelques heures
et de profiter de votre journée au spa. Une voiture vous conduira, le chauffeur
vous attendra en bas quand vous serez prête. »
Je la suivis jusqu’à la porte, on aurait dit qu’une tornade avait traversé la
suite.
« Oh, une dernière chose ! » elle prit une carte dans son sac.
« Voici mon numéro et mon email si vous avez besoin de joindre Edward. Je
dois filer ! Profitez bien des vêtements et du spa ! Salut ! »
Elle disparut dans le couloir avant même que je n’ai eu le temps de répondre
et je refermai la porte derrière elle, m’appuyant contre le bois massif.
Ethan savait pertinemment qu’il avait mal agi, la journée au spa qu’il avait
organisé était probablement un moyen de se faire pardonner, mais je m’attendais
à plus. Je voulais qu’il me dise en face ce qui lui avait pris, et plus important
encore, ce que nous allions advenir.

Ethan

Les tabloïds avaient tous publié en première page la photo de mon poing
frappant la mâchoire d’Edward, et comme Mary l’avait prédit, le téléphone
n’avait pas arrêté de sonner pour des commentaires et des interviews.
Je me sentais mal à l’aise de la laisser en plan et de me réfugier dans les
Hamptons, mais je ne pouvais pas affronter les regards curieux de mon équipe,
je savais que j’avais foiré et la voix sévère, quoique fatiguée, de ma mère que
j’avais eu au téléphone un peu plus tôt n’avait rien d’un réveil en douceur.
Il fallait que je parle à Abbiggail, je le savais pertinemment, mais j’avais
d’autres choses à faire aujourd’hui — des choses que je ne pouvais pas annuler.
Samantha allait venir.
Je sortis de derrière mon bureau, je devais faire un break, j’avais vu mon
direct sur la mâchoire d’Edward sous tous les angles.
J’allais devoir faire mon mea culpa, avec lui et avec Abbiggail – et pas qu’un
peu –, la presse avait cherché à dégoter toutes les informations possibles la
concernant.
Ils imaginaient qu’elle s’était immiscée entre Edward et moi, mais ils se
mettaient le doigt dans l’oeil, c’était clair comme de l’eau de roche. Je le voyais
bien. Je me souvenais parfaitement bien de son visage baigné de larmes tandis
qu’elle se détachait des bras d’Edward, tout était limpide. Si seulement j’avais
été aussi clairvoyant lorsqu’elle m’avait supplié de me calmer. J’aurais du
réfléchir et comprendre que tout ce dont elle avait besoin, c’était du réconfort.
Je n’avais jamais demandé pardon à une femme auparavant, en général, elles
acceptaient mes écarts et m’excusaient, voilà ce que j’aimais chez Abbiggail : je
n’étais pas parfait et elle s’attendait à ce que je travaille aussi dur que quiconque
pour arranger les choses. S’appeler Carter et avoir du charme n’était pas tout.
Pas cette fois.
J’entendis le bruit du bip du portail depuis le bureau où j’étais assis et
quelques minutes plus tard, la sonnerie de la porte retentit.
J’inspirai profondément, terminai mon verre et poussai les journaux.
Je savais que c’était Samantha et sa bande avant même qu’Angela, ma
gouvernante, ne vienne me chercher.
Je m’étais imaginé son arrivée à la minute même où nous étions entrés en
contact, je savais que ça pouvait potentiellement tourner au vinaigre, j’angoissai
à l’idée d’avoir commis une énorme erreur mais désormais il était trop tard.
J’étais allé trop loin.
Je sortis du bureau et allai dans le salon, des gens étaient assis et regardaient
la pièce d’un air tout excité, j’eus soudainement l’impression qu’elle avait
légèrement dépassé les « quelques personnes » dont elle m’avait parlé.
« Bonjour à tous ! » dis-je d’un ton aussi enjoué que possible.
Ils se tournèrent vers moi comme autant de vautours et un chœur de
« bonjours », « votre maison est superbe » et « merci de nous avoir fait venir »
se répandit dans la pièce. Je leur adressai un signe poli de la main et la
remarquai enfin, assise derrière le groupe, perchée sur le bord du canapé. Je la
reconnus grâce à ses yeux — grands, brillants et profonds.
« Samantha ? » dis-je en allant vers elle, le bras tendu.
« Merci d’avoir rendu cela possible. »
Le silence se fit tandis qu’elle se levait, marchait vers moi et, ignorant ma
main tendue, m’attira vers elle et m’enlaça étroitement. Elle enfouit
profondément son visage dans ma poitrine, ce qui me laissa sans voix.
Ils éclatèrent tous de rire devant ma surprise, lorsqu’elle se recula enfin, elle
prit mon visage entre ses mains et me sourit chaleureusement.
« Merci Ethan. Vous ne pouvez pas savoir à quel c'est important.
– Je suis si content que vous soyez venus. Vous tous ! » dis-je en m’adressant
à l’assemblée, bien que j’eusse préféré qu’il n’y ait que Samantha et moi.
« Je vous dois une explication… » me dit-elle en prenant mon bras et en me
conduisant dans le hall. « Ça fait des années que j’y songe mais je ne savais pas
quoi faire. Je ne savais pas comment franchir le pas.
– Inutile de m’expliquer. Ça va. Vous êtes là maintenant et nous allons rester
en contact.
– Vous pouvez compter sur moi. Vous avez ma parole.
– J’ai préparé une clause de confidentialité, on va tous la signer, cette
réunion devra rester entre nous, d’accord ? On se réunira à nouveau, juste tous
les deux, une fois que vous aurez eu confirmation. Je veillerai à ce qu’elle ne
sache rien d’ici là. Je ne veux pas lui mentir. Je ne veux pas lui faire du mal pour
rien. »
Elle acquiesça, ses yeux étaient toujours aussi brillants et amicaux.
« Ethan ? Pardon de vous interrompre tous les deux… »
Une femme exagérément maquillée, à forte poitrine et aux lèvres
démesurément botoxées me dévisageait.
« Non, non. Je vous en prie.
– Je n’aperçois pas votre bonne et je ne voulais pas faire la curieuse. Pouvez-
vous m’indiquer les toilettes s’il vous plaît ?
– Près de la porte d’entrée. » Je la lui indiquai, juste derrière nous, et elle
acquiesça.
« Merci trésor ! »
Je la vis s’éloigner et me retournai vers Samantha, les sourcils froncés.
« C’est une cousine », murmura-t-elle. « Extrêmement sûre d’elle et
extravertie. Tout le contraire de nous, elle veut bien faire. »
Je fis oui de la tête.
« Samantha, vous avez bien compris qu’il est de la plus haute importance
que nous gardions cela secret jusqu’à ce que vous ayez le feu vert. Toutes ces
personnes ne devront pas dire un mot avant que tout soit prêt. C’est vraiment
important. Il y a de gros enjeux. Plus que vous ne pouvez l’imaginer.
– Je sais, je sais. C’est important pour moi aussi, je vous le promets, elle
serra ma main pour me rassurer.
– Bien, allons prendre un verre. On va nous apporter de quoi nous sustenter ;
après, j’aimerais qu’on travaille sur mes plans.
– C’est parfait. »
Je lui offris mon bras et nous nous rendîmes ensemble au salon. J’espérais
juste que mon plan allait fonctionner. Il fallait qu’il fonctionne.

Abbiggail
« Merci d’être revenu si vite », dis-je au chauffeur tandis qu’il remontait en
voiture et que nous quittions le spa.
« J’ai quelque chose à faire et je ne pourrais pas me décontracter tant que ce
ne sera pas fait. »
Il fit un mouvement de tête en me regardant dans le rétroviseur.
« Je vous dépose au St Regis, Mademoiselle ?
– Non. Pouvez-vous me déposer dans les Hamptons, s’il vous plaît? Je vais
vous donner l’adresse. Je sais que c’est loin mais je dois le faire ce soir. »
Il entra les coordonnées dans son système GPS et je me calai bien au fond, je
regardai par la fenêtre tandis que nous approchions de chez Ethan.
Mary avait eu un petit air distant au téléphone lorsque j’avais demandé à lui
parler, elle avait refusé de me dire où il se trouvait, mais heureusement la
gouvernante de sa Penthouse avait été plus qu’heureuse de me renseigner.
Ce n’était pas le fait qu’il soit dans les Hamptons qui me gênait, mais le
manque d’enthousiasme de Mary et le fait qu’il aurait du être au bureau plutôt
qu’à l’extérieur me rendaient nerveuse.
J’essayais de me concentrer sur mes ongles faits et les massages qu’on
m’avait prodigués mais je n’arrivais pas à arrêter de penser à lui. Je ne pouvais
m’enlever de la tête ce qu’il s’était passé la nuit dernière.
J’adorais l’idée du spa, mais je devais en avoir le cœur net. Je voulais
entendre de sa bouche où il voulait en venir et s’il me faisait confiance oui ou
non.
Il était temps qu’on se dise enfin la vérité, ce mariage arrangé ne nous
apporterait rien de bon, surtout depuis que les sentiments étaient entrés en jeu, je
ne voulais pas souffrir. Je ne voulais pas tomber amoureuse de lui et passer les
prochaines années à ses côtés, et le voir me briser le cœur encore et encore.
Je fermai les yeux, toujours sous l’effet décontractant du spa, j’essayai de
réprimer les battements de mon cœur alors que nous approchions.
C’était maintenant ou jamais. Ce soir j’allais être courageuse et lui dire ce
que je ressentais. Pas de barrière, pas de mur et pas de restriction. J’allais me
donner à lui.
Nous arrivâmes au portail tandis que le soleil se couchait, le chauffeur me
regarda silencieusement, je respirai difficilement, essayant d’empêcher ma main
de trembler.
« Tout va bien ? » demanda-t-il.
Je secouai la tête, j’aurais bien aimé me sentir aussi sûre de moi que l’image
que je voulais bien lui renvoyer. Si je m’étais écoutée, je lui aurais demandé de
repartir sur-le-champ, mais je devais le faire. Je devais lui expliquer mon
ressenti, pour qu’il sache si on continuait ou pas, mais je ne m’étais jamais
confiée à personne de toute ma vie et mes nerfs me jouaient des tours.
Je composai le code et les grilles en fer s’ouvrirent lentement.
Je t’en prie ne me rejette pas, pensai-je tandis que la voiture entrait. C’était
maintenant ou jamais.
Ethan
Le soleil commençait à se coucher sur la plage tandis que Samantha et le
reste de la bande me suivaient sur le chemin derrière la maison, jusqu’à la
cuisine où Angela avait servi du champagne pour tout le monde.
Ils prirent tous un verre et me regardèrent, attendant vraisemblablement que
je porte un toast.
« Hum, merci à tous d’être présents aujourd’hui, et tout particulièrement
Samantha. Cela veut dire beaucoup pour moi, et j’espère que vous avez tous
bien compris le sujet de la clause de confidentialité que vous avez signée. »
Ils acquiescèrent en choeur, heureux de le voir si courtois.
« On a adoré venir ici, Ethan », dit Kathleen en levant son verre. « C’est une
opportunité merveilleuse et je suis heureuse pour vous deux. A l’amour et à une
seconde chance !
– A une seconde chance et à l’amour ! » répondis-je dans un écho, et ce
sentiment rayonna dans toute la pièce.
Samantha me regardait en souriant bêtement.
« Vous le méritez », murmurai-je en l’enlaçant. « Une seconde chance c’est
fait pour ça, pour tout arranger.
– Merci… »
Le bruit de la sonnette m’interrompit, Angela remplissait à nouveau les
verres, j’allais répondre.
« Excusez-moi, Samantha. Je dois y aller. »
Je me dépêchai dans le couloir, sans penser une seule seconde que ce que
j’allais faire pouvait tout changer.
J’ôtai la clé de la serrure et ouvris la porte, mon sourire vague, mélange de
satisfaction et de l’effet du champagne s’évanouit instantanément lorsque je
réalisai de qui il s’agissait.
« Salut, où est Angela ? Désolée j’ai du sonner, ma clé n’arrivait pas à
ouvrir. »
Merde ! C’était Abbiggail.

Abbiggail
Il me dévisagea sans un mot, comme si j’étais la dernière personne qu’il
s'attendait à voir ici.
« Il faut qu’on parle au sujet d’hier soir », dis-je, déterminée et sûre de moi.
Je pouvais le faire !
J’allais vers lui mais il referma légèrement la porte, je ne pouvais apercevoir
qu’un morceau de son visage
« Hé, qu’est-ce qu'il se passe ? Je croyais que tu avais compris que ce que tu
as vu entre Edward et moi était tout à fait innocent.
– Je sais. Je croyais… bafouilla-t-il.
– Tu croyais ? Ça veut dire que tu ne crois plus ?
– Non. » Il secoua la tête. « Je te crois, j’ai compris et je suis désolé pour ce
que j’ai fait. Mais tu ne devais pas aller au spa ?
– Ouaouh, je suis vraiment ravie de te voir…
– C’est pas ça. » Il regarda brièvement derrière lui et ouvrit la porte, il sortit
rapidement et referma derrière lui.
« Ethan, tu me fais peur. Que se passe-t-il ? On peut pas entrer et parler ?
– Tu as confiance en moi ? » murmura-t-il, prenant mon visage entre ses
mains et appuyant son front sur le mien. « Tu te rappelles de la nuit dernière au
lit ? Tu te rappelles comme on s’est confiés l’un à l’autre ? De ce que je
ressentais ?
– Justement », dis-je en posant mes mains sur les siennes. « Je dois te dire
quelque chose. En fait j’ai besoin de te dire quelque chose. Je… »
Il m’embrassa et me repoussa, il avait l’air triste.
« Alors s’il te plaît, ne dis rien.
– Pourquoi ? » Je le regardai, perplexe, incapable de déchiffrer son
expression.
« Si tu as confiance en moi Abbiggail, et si tu allais dire ce à quoi je pense,
alors remonte en voiture et va t’en. Je t’en prie. Réserve une chambre en route,
je viendrai t’y rejoindre dans une heure. Tu me diras tout à ce moment-là. Je
veux tout entendre, mais pas maintenant. On ira quelque part, où tu veux, dis-
moi où et on prend l’avion…
– Ethan… » je regardai ses yeux implorants et la porte fermée, tout se mettait
en place, je me tournai et vis le grand minibus garé près des garages. « Qui est là
?
– Abbiggail…
– Putain qui est là Ethan ? » demandai-je, en l’écartant de mon passage. Il se
poussa légèrement de lui-même. « Qu'y a t’il d’assez important pour que tu ne
puisses même pas m’en parler ?
– Je ne peux pas t’expliquer pour le moment mais je te promets… »
La porte s’ouvrit derrière lui et il tourna la tête pour voir de qui il s’agissait.
Une femme à forte poitrine boudinée dans une combi-short se tenait dans
l’encadrement de la porte, une coupe de champagne à la main, comme si elle
était chez elle.
« Trésor, lui dit-elle en souriant, est-ce que tout est… ohhhh merde, c’est
vous ? »
Elle gesticula et renversa son verre.
Ethan se prit la tête à deux mains.
« Trésor ? Elle est sérieuse ? » demandai-je incrédule. « Qui est-ce et
pourquoi est-ce qu’elle t’appelle trésor ? »
Ce n’était pas des larmes de tristesse mais de rage qui montaient, mais je
n’allais pas lui donner le plaisir de me voir pleurer. Pas tant que cette femme qui
restait plantée là la bouche ouverte serait là, comme si c’était moi qui n’étais pas
à ma place.
« Kathleen, rentrez à l’intérieur », lui dit-il sans la regarder.
« Abbiggail, ce n’est pas ce que vous croyez. Nous étions… » mais il lui
coupa la parole.
« Kathleen, rentrez putain de merde ! »
Elle se mordit les lèvres, fit volte-face et disparut à l’intérieur, en refermant
la porte derrière elle.
« Kathleen ? » demandai-je en le regardant. « Kathleen ? Vraiment ? Cette
pute sait qui je suis, elle boit du champagne chez moi habillée comme ça
pendant que je reste dehors ?
– Je te jure que ce n’est pas ce que tu crois Abbiggail. Laisse-moi
t’expliquer. »
Je me retournai et me dirigeai vers la voiture, aveuglée par mes larmes. Il me
courut après, me prit par le bras et me força à me retourner.
« Tu veux savoir la vérité Abbiggail ? » demanda-t-il à la hâte. « Tu veux
vraiment savoir ce qu’elle fait ici ? »
Je secouai la tête. Je ne pouvais pas l'entendre le dire, pas maintenant qu’il
savait tout de moi, plus que personne au monde.
« Tu vois, j’étais venue pour te dire ce que je ressentais. J’avais réalisé tout
ce que j’éprouve pour toi. Quelle connerie. Tu m’as expédiée au spa pour
pouvoir rester avec elle. Avec Kathleen !
– Ce n’est pas ça du tout Abbiggail. Elle est ici pour toi ! »
Son explication me fit rire, je me sentais tellement stupide d’avoir cru qu’un
homme comme Ethan se serait intéressé à quelqu’un comme moi, depuis le
début, c’était trop beau pour être vrai, mais la nuit dernière j’avais baissé ma
garde. On avait fait l’amour, ce n’était pas que du sexe et, comme tant d’autres
femmes avant moi, j’avais succombé à son charme.
Il enroula ses doigts autour de mes bras et de mon cou et posa ses lèvres sur
mon front, je fermai les yeux un moment, je respirai son odeur et oubliai ma
colère mais elle revint aussitôt lorsque je repensais à Kathleen qui l’enlaçait, et
je le repoussai.
« Tu sais ce qui est le plus drôle ? Je ne sais pas pourquoi je ressens tout ça.
Tu n’as jamais été et ne sera jamais à moi. Notre relation et notre engagement
reposent sur le mensonge. J’aurais dû me douter que ça finirait comme ça.
J’aurais dû me douter qu’un type comme toi pouvait difficilement se passer de
l’excitation procurée par ce type de nanas. J’ai été vraiment stupide de me
confier à toi.
– Rentre à la maison, chuchota-t-il. Je t’expliquerai tout. Je te montrerai
tout. »
Je secouai la tête, totalement vidée de la moindre émotion.
« Je ne peux pas, dis-je calmement. Je ne peux pas me marier sans être
amoureuse. C’est impossible, désolée, je ne peux pas.
– Pourquoi lutter contre tes sentiments Abbiggail ? » dit-il en faisant un pas
vers moi. « Je ne t’ai pas interdit d’être amoureuse de moi. Les choses ont
changé. On le sait pertinemment tous les deux.
– Je ne peux pas, répétai-je. Je ne peux pas parce que voilà ce qu'il se passe
quand je suis amoureuse. A chaque fois, on me fait souffrir. Apparemment, je ne
suffis pas à ton bonheur. »
Il soupira et essaya de me retenir.
« ll n’y a rien du tout entre Kathleen et moi. Si tu me donnes une chance, je
t’expliquerai tout. On ne voulait rien te dire avant d’en être sûrs… »
Je m’éloignai de lui, sans écouter ou enregistrer ce qu’il disait. Il arrêta de
parler et me dévisagea, mon cœur battait à tout rompre et mes larmes
m’empêchaient de distinguer son visage.
« Au revoir Ethan », dis-je en faisant en sorte que ma voix ne tremble pas.
« Ne fais pas ça Abbiggail, murmura-t-il. Je n’ai jamais ressenti ça pour
personne avant toi. Tu ne peux pas imaginer ce que me procure le son de ta voix,
et combien j’ai changé depuis que tu es entrée dans ma vie. J’ai besoin de toi.
– Non, ta mère a besoin de moi. Tu ne sais pas aimer ou apprécier ce que tu
as devant les yeux. Désolée, je dois y aller. »
Je me tournai et il me retint par la main, il la laissa glisser tandis que je
courais vers la voiture. Le chauffeur, gêné, ouvrit la porte et je me ruai à
l’intérieur.
« Au St Regis, s’il vous plaît », demandai-je une fois assise, la voix
tremblante sous le coup de l’émotion. Ça faisait un sacré bout de chemin, mais
je ne pouvais pas rester dans les Hamptons. Pas après ce qu’il s'était passé à la
maison.
« Bien Mademoiselle. »
Il démarra et la voiture avança dans l’allée.
« Ne pars pas comme ça, Abbiggail ! Attends ! »
Je me retournai et vis Ethan courir comme un dératé derrière la voiture, je
pouvais lire sa détermination sur son beau visage alors qu’il essayait de
m’arrêter.
« Roulez ! Roulez ! » ordonnai-je, c’était plus que je ne pouvais supporter,
nous nous éloignâmes mais il n’abandonna pas jusqu’à ce que nous tournions et
qu’il disparaisse de ma vue.
J’avais l’impression que mon cœur allait exploser, je ne pouvais pas
maîtriser les sanglots qui secouaient mon corps. C’était fini. Ethan et moi c’était
fini pour de bon.


Chapitre Huit

Ethan

Cette femme trop collante dans sa mini-robe rouge moulante à paillettes
pressait ses énormes seins contre mon visage. Assez pour que je sente l’odeur du
mélange entre son auto-bronzant et sa sueur.
« J’ai dit », la brunette hurlait pour couvrir le bruit de la musique, « vous êtes
venu tout seul ? Vous êtes avec quelqu’un ? » Elle aspira une autre gorgée de sa
boisson avec sa paille et pencha la tête. C’était censé être une tactique de
séduction, mais son attitude était loin d’être séduisante.
« Excusez-moi », dis-je. Je l’abandonnai et me dirigeai vers la porte. Je
passai à côté d’autres femmes qui savaient visiblement qui j’étais et essayaient
d’attirer mon attention mais en vain, je n’étais plus le même homme. Pas depuis
que j’avais rencontré Abbiggail.
« Hé, où tu vas ? »
Je sentis la main ferme d’Edward sur mon bras, il me retint au moment où
j’allais partir. Il fronça ses sourcils d’un air soupçonneux.
« T’allais partir sans dire au revoir ?
– Écoute, j’apprécie que tu sois venu ici mais ça ne résout rien. Rien du tout
! » gesticulai-je devant les membres de ce club que j’aimais fréquenter en temps
normal. Avant, cela aurait été le lieu idéal pour se détendre après une longue
journée de travail, normalement, les femmes auraient été attentionnées juste ce
qu’il faut envers moi, mais maintenant, plus je voyais l’ambiance, plus je
m’apercevais à quel point tout était miteux. Des hommes plus âgés enlaçaient de
jeunes mannequins et des actrices en herbe. C’était l’endroit idéal si vous
souhaitiez trouver un bienfaiteur pour payer vos factures. Je savais maintenant,
avec un regard neuf, que ce n’était pas pour moi.
« Ethan, tu ne vas pas te remettre avec elle, hein ? dit Edward sur un ton
ferme. Les femmes comme Abbiggail c’est fragile, quand c’est cassé, c’est fini.
Terminé. J’ai connu des filles comme ça il y a longtemps.
– Merci. » Il voulait bien faire, mais ça ne m’aidait pas.
« Enfin c’est pas ce que je voulais dire », il soupira et prit son téléphone dans
sa poche.
« Harry ? Amenez la voiture, on s’en va.
– Ne pars pas à cause de moi. Tu parlais avec Amanda tout à l’heure…" Il
secoua la tête et posa sa main ferme sur mon épaule.
« Amanda me parlait de toi, Ethan. Tout le monde parle de toi. Depuis que je
fréquente ta soeur, toute la gente féminine de New York m’évite. Viens, partons
d’ici et allons boire un verre au Blue Moon. »
Je le suivis jusqu’à la voiture, soulagé de sortir de cet enfer.
« Tu as essayé de l’appeler ? » me demanda Edward tandis que la voiture
démarrait. Si je l’avais appelée ? Oui mais ça n’avait rien donné. Je n’avais
jamais fait autant d’efforts pour personne auparavant. J’avais appelé, envoyé des
emails, des messages, écumé tous les réseaux sociaux. Rien de rien. Elle ne
voulait certainement pas qu’on la retrouve, et encore moins se marier avec moi.
Mon ancien « moi » l’aurait immédiatement oublié et je serais passé à la
suivante, mais je ne pouvais m’empêcher de faire des comparaisons. Avaient-
elles ses yeux magnifiques ? Son sourire, ses formes, ses cheveux en bataille ?
Avaient-elle d’autres sujets de conversation que les Louboutin de leurs rêves ?
J’appuyai la tête contre le dossier. Il avait raison, je devais laisser tomber.
Les femmes comme Abbiggail sont particulières.
Elles n’avaient pas le caractère endurci auquel j’étais habitué. J’avais pour
habitude de fréquenter des femmes qui n’avaient que faire de la façon dont je les
traitais ; tant que je sortais avec elles, ça leur convenait. Je faisais comme je
voulais. Le fait qu’Abbiggail ait coupé tout moyen de communication était on ne
peut plus clair : elle ne voulait plus de moi, ce qui la rendait encore plus
désirable. Je l’avais dans la peau.
« Mais qu’est-ce qui s’est passé en fait ? demanda Edward. J’avais
l’impression qu’elle s’était attachée à toi. Je pensais que vous aviez passé outre
l’incident du Haselini. Harry a dit que vous aviez eu une explication ou un truc
comme ça. »
Je soupirai, me tournai vers la fenêtre et regardai New York défiler. Entre les
chauffeurs et les employés, vous pouviez dire adieu à votre vie privée.
« J’ai fait le plus grand geste que j’ai jamais fait pour une femme.
– Et elle a annulé le mariage ?
– Elle n’en savait rien. C’était juste une putain de gigantesque méprise.
J’aurais dû tout lui dire.
– Et pourquoi tu ne l’as pas fait ?
– Parce qu’une tierce partie est impliquée dans l’affaire et l’autre personne
m’a fait jurer de garder le secret tant que tout n’était pas confirmé. Le temps que
tout se mette en place…
– Merde…
– Tu l’as dit. Je sais même pas où elle habite ni ce qu’elle fait. C’est comme
si elle avait disparu des écrans radar. Comment tu fais pour retrouver une
personne qui n’a ni famille, ni amis dans une grande ville ? J’ai assez d’argent
pour mettre les meilleurs détectives de cette ville sur le coup, mais par où
commencer ? »
Edward réfléchit un moment et haussa les épaules.
« En y repensant, vous êtes de deux mondes trop différents, ça aurait coincé
tôt ou tard non ? »
J’acquiesçai à contre-cœur.
« Bon, et si on sortait ce weekend ? Mary m’a dit qu’elle avait des amies à
nous présenter. »
Je ris, l’atmosphère se détendait. Je savais à quoi ressemblaient ses fameuses
amies, des femmes qui portaient des sandales et des collants, qui étudiaient la
bible, prêtes à vous aimer quelques années avant le mariage et avoir des
relations sexuelles seulement après.
« J’ai dit quelque chose de drôle ? » demanda-t-il en souriant à son tour, je
faillis lui dire qu’elles n’étaient pas notre style mais n’en fis rien, j’avais trop
envie de voir sa tête lorsqu’ils les verraient.
« Ok j’irai, mais juste une fois.
– Super ! » Il prit son téléphone et consulta le calendrier. « Dans trois jours,
et tu ne me fais pas faux bond. »
J’acquiesçai et me tournai vers la vitre ; la seule femme à laquelle je pensais
était Abbiggail. J’avais passé ces dernières semaines à ne penser à rien, hormis à
elle. Mary et Edward pouvaient bien me présenter n’importe qui d’autre, ça ne
marcherait pas, tant que je ne l’aurais pas vu et lui aurais tout expliqué. Elles ne
seraient jamais Abbiggail.
« Écoute », dit Edward, en serrant mon épaule, « voilà pourquoi les hommes
comme nous ne peuvent pas se caser. Nous ne savons faire qu’une seule chose…
– Et c’est quoi ?
– Ça, » il indiqua notre voiture avec chauffeur. « Nous ne savons qu’être
nous-mêmes. Certains hommes sont faits pour être des maris et des pères, mais
nous on aime le changement. On aime séduire les femmes et passer à autre
chose. C’est pareil cette fois-ci non ?
– Sauf qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle femme. Elle est vraiment bien
et j’ai envie d’être avec elle. Ce n’est pas juste pour le sexe, c’est bien plus que
ça. Je ne pensais jamais m’entendre dire ça mais je m’inquiète pour elle. Tu
peux le croire ? Tu arrives à imaginer qu’il y ait une femme sur cette planète,
hormis ma mère et ma sœur, qui compte pour moi ? Mon dieu, mais qu’est-ce
qui m’arrive ? »
J’enfouis mon visage entre mes mains et pris une profonde inspiration.
C’était ridicule, et le regard d’Edward laissait deviner qu’il pensait strictement la
même chose.
« T’as jamais éprouvé ça pour Mel ? » lui demandai-je en me redressant.
Leur relation était particulièrement houleuse, je m’aperçus que nous n’en avions
jamais réellement parlé.
Il haussa les épaules et acquiesça.
« Mélissa et moi c’est différent. Y’a plusieurs choses, je sais pas, je ne suis
pas le type qu’il lui faut.
– C’est à dire ?
– Elle veut que je m’engage, Ethan, je ne sais pas si je peux la contenter.
J’aime quand elle est là, mais je ne veux pas la faire souffrir. Il y a dix ans ça
aurait été la femme idéale, mais plus maintenant. Je ne veux pas sillonner toute
la ville comme toi parce qu’une femme ne répond pas quand je l’appelle. »
Je réfléchis à ses paroles, essayant de m’imaginer dans dix ans. Je voulais
vraiment devenir comme lui, ou est-ce que je me leurrais ?
Abbiggail était la femme la plus authentique que j’avais jamais rencontrée,
physiquement et moralement, l’idée de partir en chasse d’une autre créature pour
bâtir un avenir incertain me laissait un mauvais goût dans la bouche.
Je la désirai, c’était indéniable, mais d’un autre côté je ne voulais pas renier
cette part de moi-même qui avait travaillé dur pour créer une société qui pesait
un milliard de dollars, cet aspect de ma personnalité qui aimait tout contrôler.
Je devais me rendre à l’évidence. Edward avait raison. Elle avait eu sa
seconde chance, c’était terminé, je devais la laisser partir et avancer. Je ne sais
pas ce qui me chagrinait le plus, dire à ma mère que le mariage n’était plus
d’actualité, ou qu’un jour, ailleurs, Abbiggail serait probablement dans les bras
d’un autre homme, et que ça ne serait pas moi.
Chapitre Neuf

Ethan

Je m’assis et lu à nouveau l’email de Mel, ses paroles acerbes crevaient
l’écran :

‘Ethy, qu’est-ce qu’il se passe à la fin ? Il faut qu’on parle au sujet
d’Edward et de ce qui s’est passé chez Haselini il y a trois semaines. Tu vas finir
par répondre à mes appels ou à ceux de maman ? Elle est malade d’inquiétude.
J’ai appelé sur ton portable, j’ai été à ton appartement, on ne m’a pas
laissée entrer à ton bureau non plus. Appelle-moi dès que tu auras ce message.
Mel.’

Même si je n’en avais pas envie, je leur devais une explication. Je devais
bien ça à Mel pour lui expliquer exactement pourquoi j’avais frappé Edward, et
ce que nous faisions ensemble sans qu’elle ait été invitée. Je passai ma main sur
mon visage, je soupirai en entendant le téléphone sonner et la ligne directe de
Mary s’allumer.
« Oui ?
– C’est encore Mélissa, dit-elle du bout des lèvres.
– Dites-lui que je suis en réunion avec George.
– Ethan, je pense que…
– Mary, pouvez-vous lui dire que je ne suis pas disponible s’il vous plaît ? »
Elle marqua une pause.
« Parfait, je vais le lui dire. Merci. »
Elle raccrocha et je frappai du poing sur la table. La situation merdique de
ma vie privée avait des répercussions sur ma vie professionnelle.
Je décrochai le téléphone et composai le numéro d’Abbiggail comme je le
faisais depuis des semaines, ça sonnait dans le vide, je tombai sur le répondeur
et raccrochai brutalement, furax, j’avais tant de choses à lui dire et à lui
expliquer.
J’avais promis à Samantha que je ne lui dirais rien tant qu’elle ne serait pas
prête, mais il fallait que j’agisse, mieux valait ébruiter son secret que perdre
Abbiggail. Ça ne valait pas la peine de compromettre le mariage.
Je tournai ma chaise près de la fenêtre pour admirer l’horizon. Tout aurait été
tellement plus simple si Abbiggail n’avait été qu’une simple collègue,
facilement remplaçable. M’imaginer marcher vers l’autel avec une autre était
impensable. Ce n’était plus un simple contrat. J’avais pu voir ô combien elle
était fantastique, personne ne lui arrivait à la cheville. On frappa à la porte et
Mary entra avant que je ne puisse dire quoi que ce soit.
Je me tournai vers elle, elle avait un air menaçant.
« Qu’est-ce qu'il se passe encore ? » demandai-je, en m’appuyant contre ma
chaise.
« Arrêtez de faire la tête ! » gronda-t-elle en m’approchant. « C’est une
semaine chargée pour Carter Corp, vous devez garder la tête froide !
– Si vous n’avez pas…
– Non ! » m’interrompit-elle, en levant les mains vers mon visage. « Vous la
connaissez à peine Ethan. Vous n’allez pas ficher votre entreprise en l’air à cause
d’elle. Edward m’a demandé d’organiser un rendez-vous avec l’une de mes
amies de l’église et…
– Oh génial ! » me moquai-je. « Il avait comme par hasard oublié de se
joindre à moi…
– Hé ! » dit-elle faussement offensée, « mes copines sont chouettes. Vous
verrez, elles sont aimantes et fidèles.
– Très bien, vu qu’à la base c’était une idée d’Edward, je n’y vais pas tout
seul. Débrouillez-vous pour qu’il vienne…
– C’est oui ? »
Je réfléchis et pensai comment la presse, sans parler de ma mère, réagirait en
me voyant en photo avec une autre femme, alors que j’étais supposé épouser
Abbiggail.
« Je ne sais pas… » soupirai-je, en haussant les épaules.
« Ça vous fera du bien », m’encouragea-t-elle. « Je ne vous ai jamais vu
rester aussi longtemps sans fréquenter personne ni dîner avec une femme ou…
– Comment savez-vous que je n’ai fréquenté personne ?
– Ethan », dit-elle en riant, « vous restez là jusqu’à tard presque tous les
soirs, et je n’ai plus envoyé de petit mot type “désolé de t’avoir réveillé et de
devoir te quitter” ni fait livrer de fleurs depuis très longtemps. »
C’était vrai, j’avais changé, comme si je m’étais enfin éveillé à la vraie vie,
j’avais fini de jouer.
« C’est bon j’irai ! lançai-je. Après tout, une soirée bien arrosée ne pourra
pas me faire de mal. Tant que c’est en tout bien tout honneur et que vous faites
en sorte qu’Edward soit de la partie !
– Oui, oui… comptez sur moi ! » elle écrivit et mordilla le bout de son stylo,
tout en me regardant.
« Vous avez une préférence ? Je connais un nouveau bar chicos en centre-
ville qui meurt d’envie de vous connaître.
– J’aimerais mieux un endroit plus excentré. Je n’ai pas envie que des
paparazzi prenne des photos et tirent des conclusions hâtives, je préfère rester
incognito.
– Vraiment ? Il y a un nombre incalculable d’endroits qui paieraient cher
pour que vous descendiez chez eux.
– Affirmatif. »
Elle secoua la tête et referma sa tablette.
« C’est la bonne solution pour oublier… il faut aller de l’avant. Si vous avez
besoin de moi je suis dans mon bureau. » Elle quitta la pièce et je réfléchis à ses
dernières paroles.
Aller de l’avant ? Je n’étais pas certain d’être prêt à abandonner la partie et
tourner la page avec Abbiggail. Aller de l’avant signifiait que je devais l’oublier
et accueillir quelqu’un d’autre dans ma vie. C’était plus facile à dire qu’à faire
parce que la femme que j’étais supposé « laisser tomber » n’était pas une
personne ordinaire. C’était la seule femme au monde que j’avais fréquentée dont
j’étais accro.
Je devais la revoir une dernière fois avant de pouvoir dire en toute franchise
qu’il n’y avait plus aucune chance de faire machine arrière, et pour se faire, je
devais mettre Samantha dans l’équation, il était temps qu’Abbiggail apprenne la
vérité. Cette situation délicate pourrait alors enfin se dénouer.

Chapitre Dix

Ethan

Edward monta avec moi dans la limousine et regarda New York défiler.
« Rappelle-moi pourquoi on fait tout ça déjà ? demanda-t-il. Les femmes que
Mary nous a choisies sont des copies conformes ? » Je ris et secouai la tête.
« Ce sont des amies, un point c’est tout. Elle est persuadée que je vais oublier
Abbiggail, personne d’autre ne m’intéresse, je suis pratiquement sûr que ces
femmes ne me feront pas succomber.
– Je pense qu’elle a raison toutefois. »
Je regardai Edward. Nous étions amis depuis qu’il avait terminé son école de
commerce, nous avions monté notre première société ensemble, bien avant de
nous douter de l’étendue de notre capital séduction sur la gent féminine.
Perdre la raison pour une femme n’était pas dans ma nature. En temps
normal, je serais passé à la suivante et Abbiggail n’aurait plus été qu’un lointain
souvenir, mais quelque chose m’attachait à elle et me retenait, même si je savais
pertinemment que ce que j’avais de mieux à faire était de rencontrer quelqu’un
d’autre et ne plus y penser. Edward ne comprenait pas ce que signifiait « avoir
des sentiments »”.
Il posa sa main sur mon épaule et la serra.
« Sait-on jamais, ce sera peut-être la bonne. Tu as peut-être besoin d’une
femme pratiquante ayant des valeurs et un sens moral ?
– Tu crois vraiment ? » Je le regardai en ricanant. « C’est le genre à coucher
seulement pour faire un gosse et après : passage à la casserole une fois tous les
trois mois, et encore ! »
Edward rejeta sa tête en arrière et rit de bon cœur.
« Je ne sais pas, ça fait parfois du bien de changer de style. On est peut-être
trop branchés sexe ? »
Je me tournai vers la fenêtre sans répondre, Abbiggail était tout à fait mon
style, je n’avais pas eu de rapport depuis notre dernière fois. Je n’y pensais
même pas. C’était le genre de fille que je n’aurais jamais remarqué avant, des
cheveux en bataille, un visage en rond et très peu maquillée. Elle était à l’opposé
de mes canons de beauté, mais c’est elle que j’aimais. Je l’aimais en jogging et
sweat-shirt. Je l’aimais avec ses cheveux attachés en chignon, pas maquillée, je
voulais sentir son corps contre moi. Son désir d’aimer et d’être aimée comptait
énormément pour moi, et je réalisai soudain que je ne faisais pas grand chose
pour la retrouver. J’avais pourtant toutes les cartes en main ; il n’y avait plus
qu’à.
« Et si on rentrait ? » demandai-je en tapant sur la vitre séparant Daniel
de l’arrière du véhicule. Il se tourna légèrement vers moi.
« Pour aller où ? Nous sommes presque arrivés Monsieur. »
Edward m’attira vers lui.
« Réfléchis Ethan », dit-il à voix basse. « Tu vas annuler juste maintenant ?
Je sais bien qu’on nous prend pour des séducteurs invétérés mais on vaut mieux
que ça non ? Allons à cette soirée, on en reparle demain matin. »
Je me décontractai et inspirai profondément tandis que la voiture tournait à
l’angle d’un pâté de maisons.
« Ok, on y va, mais c’est juste un verre entre amis ok ? On ne ramène
personne ce soir ou…
– C’est bon j’ai compris », m’interrompit-il. « C’est pas mon style non plus.
Je suis venu parce que Mary m’a dit que tu ne voulais pas y aller seul. Je suis
certain que ces femmes sont sympas et ont de la conversation. Ça va nous
changer, non ? »
Je secouai la tête tandis que Daniel ouvrait la porte, mais avant même que
nous ayons atteint la porte d’entrée, celle-ci s’ouvrit sur nos deux rendez-vous
qui arboraient un immense sourire.
« Salut les filles », dit Edward. Il fit un pas dans leur direction lorsqu’il
remarqua que je restai bouche bée.
« Mary a dû vous donner nos prénoms mais voici Ethan et moi c’est
Edward. »
ll les embrassa toutes deux sur les joues et elles gloussèrent nerveusement.
« Moi c’est Elena », fit l’une avec un petit geste de la
main.
« Et moi c’est Kirsten. »
J’acquiesçai de là où je me trouvai. Elena – de longs cheveux bruns
jusqu’aux fesses – s’approcha de moi et me toucha légèrement le bras.
Normalement j’adorais les femmes aux cheveux longs, doux et brillants,
mais là, la sensation de ses mains sur mon avant-bras ne me procurait rien. Je
compris alors que je ne pourrais jamais vivre avec personne d’autre
qu’Abbiggail, je devais la convaincre de me donner une deuxième chance.


Abbiggail

« Hé beauté ! Viens un peu par ici nous distraire mon copain et moi ! »
Sa voix traînante typiquement new-yorkaise résonna dans mes oreilles, je
fermai les yeux, inspirai profondément pour me calmer avant de le regarder.
Il était accoudé au comptoir, obèse, le visage rouge et tout marbré, un rictus
d’ivrogne aux lèvres. Je le détestai au premier regard.
« Désirez-vous autre chose ? » proposai-je, faisant de mon mieux pour rester
professionnelle.
« Quoi ? Qu’est-ce que tu proposes ? » il riait, et son copain lui donna un
coup de coude. « Tu fais des extras pour les VIP ? On descend quelques verres et
plus si affinités ? On paye bien ! »
Ils riaient à gorge déployée, ses yeux exprimant un manque total de respect.
Il le faisait exprès. Si j’avais dit oui, il m’aurait fait monter dans sa chambre sans
hésiter une seule seconde.
Je me penchai vers lui le plus possible par dessus le comptoir, la nervosité
me hérissait le poil.
« Ecoutez-moi bien », dis-je les dents serrées. « Vous ne me connaissez pas.
Vous êtes un gros dégueulasse, si vous n’arrêtez pas immédiatement je vous fais
dégager. Vous vous prenez pour qui…?
– Abbiggail ? » c’était Steven mon supérieur, je me redressai, réalisant ce
que je venais de faire. « Un problème ?
– Hum…
– Je vais vous dire quel est le problème », déclara l’homme en me montrant
du doigt. « Votre serveuse n’a aucun sens de l’humour. On plaisantait, un simple
flirt de bar. C’est ça le problème avec ce type d’établissements, y’a trop de
féministes derrière le comptoir ! Vous devriez être reconnaissante qu’on daigne
vous accorder notre attention !
– Quoi ? Je vous demande pardon ? dis-je passablement énervée.
– Exactement ! » s’exclama-t-il en m’adressa un sourire satisfait.
« Ridicule ! » Il avala le reste de son verre et se leva.
« Abbiggail, je crois que vous devez des excuses à M. Crane » dit Steven, en
montrant l’homme obèse.
« Quoi ?
-– Abbiggail…
-– Allez vous faire foutre ! »
ll fronça les sourcils pour me dire que je le mettais dans l’embarras, mais je
me dirigeai vers l’arrière du bar en défaisant mon tablier rageusement.
Steven me suivit à la hâte et ferma la porte derrière nous.
« Putain mais qu’est-ce qui se passe Abbiggail ? C’est quoi ça ?
Tu sais qui est ce type ?
– J’en ai rien à foutre de savoir qui il est. T’as vu comment il m’a
parlée et regardée? »
Il soupira et s’assis.
« Abbiggail, c’est l’un de nos plus gros clients. Il dépense beaucoup ici. On a
besoin de lui.
– On s’en fout de l’argent », dis-je calmement. « Tu préfères peut-être que
ton personnel se mette en danger pour lui plaire ? Y’a que l’argent qui compte
? »
Il me regarda méchamment.
« Écoute, on a pas tous la chance d’avoir un fiancé milliardaire sur qui
compter. On doit faire rentrer du fric ! Je vois clair dans ton jeu.
– Comment oses-tu ! Putain tu crois que je fais quoi en travaillant ici ?
– J’sais pas. Il t’a peut-être coupé les vivres, à moins qu’il te teste pour voir
si t’es une vraie croqueuse de diamants ? »
Je m’assis et le regardai les yeux ronds, stupéfaite que les mots sortent de la
bouche de la personne même qui m’avait donné du travail et m’avait permis de
bosser pour que je puisse joindre les deux bouts.
Je restai comme deux ronds de flan et me levai. J’aurais pu lui dire qu’Ethan
et moi étions séparés mais je ne pouvais pas. Le contrat stipulait que je ne devais
pas mentionner notre relation ou notre mariage avant que l’agence de
communication ne me briefe au préalable, et oui, Ethan m’avait blessée au plus
haut point, mais ce n’était pas une raison pour le faire passer pour un monstre.
« Merde Abbiggail. C’est pas ce que je voulais dire », dit Steven en secouant
la tête. « Je suis énervé c’est tout. Le boulot est en perte de vitesse, si je n’atteins
pas les objectifs fixés par mon vieux, je perds ma place. »
J’aurais voulu compatir mais c’était impossible. Si je ne pouvais même plus
compter sur mon patron sur mon lieu de travail, alors j’étais vraiment seule au
monde.
Je pris mon manteau et mon sac dans le vestiaire.
« Hé, qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-il.
– Ma place n’est plus ici », dis-je, plus pour moi que
pour lui.
« Ecoute je suis désolé ok ? Je ne sais pas ce qui m’a pris. »
Il me suivit à l’extérieur et je me tournai vers lui.
« J’ai passé un mois infernal, j’ai pas toute ma tête.
– Ok, prends ta soirée, mais sois là demain. On en discute demain. »
J’acquiesçai, pas vraiment certaine d’y retourner, je n’arrêtai pas de penser à
cet homme qui m’avait abordée et à la façon dont Ethan s’était levé pour me
venir en aide lors de notre première rencontre. Il était venu à mon secours, c’est
ce que j’aimais en lui. Il était franc, protecteur, fort et honnêtement, il me
manquait. J’avais besoin de quelqu’un pour me protéger.
La porte s’ouvrit sur la nuit froide de New York, je me demandai si c’était
une bonne idée de prendre un taxi et si le bus ne serait pas plus pratique et
économique.
Les journaux m’avaient collé l'étiquette de croqueuse de diamant, s’ils
avaient su qu’Ethan et moi étions séparés et que j’étais partie sans un sou, ils
m’auraient perçue d’une toute autre manière. Je repartais de zéro, même si les
gens étaient toujours persuadés que seul son argent m’intéressait.
Ils ne savaient pas comment mon corps réagissait à ses caresses, ni comment
mon cœur battait la chamade quand ses doigts effleuraient ma nuque. Ils ne
savaient rien de ce lien qui nous unissait, tout était fini désormais.
Je fouillai dans ma poche pour voir combien j’avais, espérant avoir assez
pour prendre un taxi, j’avais envie de rentrer et de disparaître dans un bain
moussant avec des bougies, lorsque Edward surgit devant moi, il portait un long
manteau noir. Il faisait descendre deux filles de sa limousine. Elles portaient des
twinsets colorés et de longs cheveux lisses. J’aurais parié que c’était des
mormones.
Il m’aperçut et m’adressa un demi-sourire
embarrassé.
« Abbiggail ? »
Il les abandonna un instant et vint me voir en hâte, toujours aussi surpris.
« Qu’est-ce que tu fiches ici ? »
Gênée, je désignai le bar derrière moi : j’étais tombée bien bas depuis notre
rupture.
« Je sors du travail. »
Il regarda vers sa limousine l’air gêné, puis me regarda à nouveau.
« On allait boire un verre, tu veux te joindre à nous ?
– Je ne peux pas. Je dois y aller », dis-je en montrant les deux femmes qui
nous regardaient, elles étaient blotties l’une contre l’autre à cause du froid. « En
plus tu as deux jolies filles qui t’attendent…
– Ah ouais. On allait… »
La suite de sa phrase s’évanouit dans mon esprit lorsque je vis Ethan
descendre de la voiture, il boutonnait sa veste, aussi séduisant et musclé que
dans mes souvenirs. Mon cœur fit un bond et je dus me tenir au bras d’Edward
pour ne pas vaciller lorsque nos regards se rencontrèrent. Il me regarda, son
sourire paisible et décontracté s’évanouit, il s’arrêta net.
Les secondes qui défilaient me semblèrent être des heures, et tandis que
j’esquissai un pas dans sa direction, les voix des filles sur le trottoir me
ramenèrent à la réalité.
« Ethy, tu viens ? » Une des filles rigola. « Je suis
congelée ! »
Ethy ?
J’enfilai mon manteau et Edward posa une main sur mon épaule.
« Ce n’est pas ce que tu crois. Reste », dit-il d’une voix ferme et basse.
Je secouai la tête. Le comportement d’Ethan avait plus de poids que
n’importe quelle explication, cela prouvait bien qu’il m’avait complètement
oubliée. Tout ce qu’il avait dit cette nuit-là n’était que des paroles en l’air. Des
mots, de simples mots pour que je couche avec lui tous les soirs afin que le
contrat ne soit pas caduque. Il ne m’avait donné à entendre que ce que j’attendais
et m’avait remplacée aussi sec. Il était déjà passé à autre chose et avait trouvé
une femme ennuyeuse au possible à épouser.
Je me détournai au moment où les gens commencèrent à reconnaître Ethan et
à se presser vers lui.
« Abbiggail ! Attends ! » cria-t-il, tandis que j’approchai de l’angle du pâté
de maisons et traversai la rue. Il me courut après et me saisit par le bras pour que
je le regarde en face. Je tombai dans ses bras et il me berça, mes sentiments pour
lui refaisant surface malgré ma réticence. Merde alors !
« Pourquoi refuses-tu de me parler ? » demanda-t-il, ses lèvres contre mon
front, il se recula, me retenant par les bras.
Je ne pouvais pas le regarder dans les yeux parce que je savais qu’autrement,
je ne pourrais plus jamais partir ou que je ne le reverrais jamais plus.
« Abbiggail ? » me pressa-t-il. « Et alors ? Après tout ce qu’on a vécu, c’est
fini ?
– Tu es mal placé pour poser des questions ! » aboyai-je, en me dirigeant
vers le bar. « Tu es déjà passé à autre chose. Tu as trouvé quelqu’un d’autre à
épouser alors qu’est-ce que ça peut bien te faire ? »
J’étais stupide. C’était moi qui refusait de lui parler ou de répondre à ses
appels. Il avait parfaitement le droit de mener sa vie à sa guise, mais je ne
pouvais réprimer un sentiment d’égoïsme. Je voulais qu’il n’ait d’yeux que pour
moi.
« Ce n’est pas ce que tu crois. Ce sont juste des copines de Mary. Elle pensait
que ça me changerait les idées de sortir.
– Et ça marche ? » je repensai au regard de Kathleen lorsqu’elle avait surgi
de derrière la porte.
Un regard vaporeux, entre bonheur et satisfaction. Exactement ce que je
ressentais pour lui. Il se comportait ainsi avec toutes les femmes ? Elles
éprouvaient toutes ça pour lui ? Aimer Ethan n’était pas simple. Il avait
l’habitude que les femmes soient à ses pieds, et moi j’avais l’habitude d’être
seule. Ça ne marcherait pas, mais lorsqu’il effleura soudainement ma nuque et
mon dos, je ne pus réprimer un frisson. Il savait très bien ce qu’il faisait car je
ne pouvais pas lui résister.

Ethan

Elle ferma les yeux brièvement, un mini attroupement s’était déjà formé
autour de nous. La presse aurait vent de l’affaire incessamment, je voulais à tout
prix éviter de voir notre rupture étalée en première page.
Pour ma mère, le mariage tenait toujours.
Je me penchai vers elle, relevant ses cheveux de devant son visage et
murmurai à son oreille :
« Il n’y a jamais eu que toi Abbiggail. Depuis le moment où je t’ai vue au
bar, il n’y a jamais eu que toi. »
J’entendais son souffle entre ses lèvres entrouvertes, son corps m’envoyait le
message espéré.
« Et Kathleen ? » demanda-t-elle, luttant contre ses émotions, elle essayait de
se dégager mais je la retins contre moi, pour ne pas la laisser partir.
« Oublie-la, elle n’est rien pour moi. Pas au sens où tu l’entends.
– Mais alors que faisait-elle chez toi ? Tu avais tout manigancé pour que je
passe toute la journée au spa. »
Elle se dégagea et nous nous dévisageâmes. Je devais le lui dire, je ne
pourrais plus garder le secret bien longtemps, mais j’avais fait une promesse à
Samantha. Je ne pouvais rien dire pour le moment. Si je parlais trop tôt, ça lui
ferait plus de mal que de bien. Je l’avais assez blessée comme ça.
Je regardai ses yeux implorants, j’avais tellement envie de tout lui raconter,
je dus détourner la tête.
Elle rit doucement.
« Tu vois ? Je sais bien que j’ai raison. Tu sais pertinemment pourquoi j’ai
tant de mal à accorder ma confiance. Tu m’as laissée tomber pour… »
Je pris son visage entre mes mains, elle arrêta de parler.
« Abbiggail, tu dois vraiment me faire confiance pour le coup. J’ai les
meilleures intentions du monde et tout ce que j’ai dit cette fameuse nuit, mes
sentiments… tout était vrai. Absolument tout.
– Mais alors pourquoi…
– Il ne s’est rien passé ok ? Il y avait du monde à la maison ce soir-là. On
avait une réunion, je te promets que tu sauras bientôt de quoi il retourne. Tu me
crois ? »
Elle me regarda, puis jeta un œil en direction du bar dans lequel Edward et
les deux filles s’étaient engouffrés.
« Abbiggail ? » l’exhortai-je, en touchant son bras. « Je refuse de t’oublier.
C’est tout simplement impossible. Tu dois me faire confiance. Tu ne crois tout
de même pas que je pourrais te faire du mal intentionnellement ?
– Je ne sais pas. Je dois réfléchir. C’est juste que… » elle secoua la tête et
inspira profondément. « J’ai besoin de temps pour être certaine de prendre la
bonne décision. Je ne suis pas du genre à tomber dans tes bras parce que tu es
tellement… tellement…
– Irrésistible ? » plaisantai-je.
Un bref sourire émailla son visage et elle montra la rue.
« On va dire ça. Je vais devoir y aller.
– Aller où ? Je peux t’accompagner…
– J’ai besoin d’être seule », dit-elle en ôtant un fil invisible de ma veste.
« Merci quand même.
– Je pense à toi », dis-je doucement, prenant conscience des flashs qui
crépitaient autour de nous. « Fais en sorte que ce ne soit pas notre dernière
rencontre. »
Elle se lécha les lèvre et rejeta ses cheveux en arrière.
« Non, murmura-t-elle.
– Avant de partir, tu dois comprendre quelque chose… »
Elle se blottit contre ma veste et se redressa un peu afin que ses lèvres soient
à la hauteur de mon oreille.
« On va faire comme si tu ne me disais pas ce que je crois déjà savoir.
Repartons de zéro, quand les sentiments n’étaient pas encore entrés en jeu. »
Je la pris dans les bras et la serrai fort contre moi, ses mots me firent l’effet
d’une dague empoisonnée.
« Et si je ne peux pas ?
– Il le faut, pour nous deux. »
Elle se recula. Ses yeux brillaient de peur, je savais mieux que quiconque
comment attirer son attention, elle ne croyait pas vraiment ce qu’elle disait. Si
elle avait eu le choix, elle serait rentrée avec moi.
« Je ne suis pas comme ça », dis-je fermement, en ne la quittant pas des
yeux. « Je ne suis pas le genre de mec qui renonce sans se battre.
– Ethan… »
Je posai mes doigts sur ses lèvres douces.
« Rentre chez toi et rappelle-toi que si tu crois me connaître parce que tu as
consulté Wikipedia, tu te trompes. Je me fiche des femmes, des grosses voitures,
du fric et du sexe. » Je prononçai ces derniers mots dans un feulement sourd, son
expression changea imperceptiblement. « Je te ramène. »
Je pris mon téléphone dans ma poche, tandis qu’elle se retournait pour
regarder la meute de photographes massés de l’autre côté de la rue.
« Daniel ? Approchez la limousine. On ramène Abbiggail chez
elle. »
Elle semblait sous le choc.
« Franchement, ce n’est pas la peine », dit-elle rapidement. « Profite de ta
soirée, ne t’inquiète pas pour moi.
– Le problème, » dis-je tandis que la voiture approchait, « c’est que je
m’inquiète. Comme je te l’ai déjà dit, je n’ai jamais éprouvé ça pour personne,
j’ignore où tu habites maintenant, je ne peux pas te laisser rentrer seule, pas sans
moi. »
Je lui ouvris la porte et elle hésita avant de monter.
« Je ne voudrais… merci », murmura-t-elle.
Je me penchai et l’embrassai sur le front.
« Peu importe ce à quoi tu penses ou ce qui se passe entre nous, tu pourras
toujours compter sur moi Abbiggail. Je serai toujours là.
– Je sais. »
Elle fit un petit sourire et je refermai la porte, je repensai à son départ des
Hamptons, je suivis la voiture des yeux jusqu’à ce que Daniel s’éloigne. Je restai
planté là, les appareils photos crépitaient.
« Ethan, qu’est-ce qu'il se passe ?
– Ethan, et le mariage ?
– Elle vous a surpris avec une autre ?
– Pourquoi n’êtes-vous pas partis ensemble ? »
J’ignorai les cris des photographes, je n’avais qu’elle en tête, tout ce que je
savais en voyant la limousine s’éloigner c’était qu’il fallait que je la récupère.
Même si c’était la dernière chose que je devais faire de toute ma vie, il me la
fallait.

Chapitre Onze

Abbiggail

Je fus réveillée par la sonnerie de l’interphone et je me retournai, espérant
que l’un des mes colocataires irait répondre, mais ça continuait, toute tentative
de me rendormir s’avouant vaine. Je m’assis, me frottai les yeux et essayai de
m’extirper du lit. Mon téléphone indiquait neuf heures du matin – il était bien
trop tôt.
L’appartement était calme lorsque je traversai le couloir jusqu’à l’interphone,
mais lorsque je décrochai, ça avait déjà raccroché.
« Allo ? Qui est-ce ? »
Les parasites et le sifflement dû à la mauvaise qualité de la connexion ne me
permettaient pas d’entendre quoi que ce soit, je raccrochai brusquement, furieuse
d’avoir été réveillée pour rien.
J’avais peu dormi, j’avais cogité toute la nuit au sujet d’Ethan. Je ne
m’attendais pas à le trouver là, voilà pourquoi j’avais expressément choisi un bar
en centre-ville, situé hors de son terrain de chasse.
Mes sentiments à son égard étaient authentiques, je n’en avais jamais douté,
je me surpris moi-même lorsque j'avais songé à lui pardonner sa minute
d’égarement, quand ses doigts m’avaient effleurée, j’avais bien peur de ne
jamais pouvoir l’oublier. Tant que je vivrais, il aurait cet ascendant sur moi.
J’enfouis mon visage entre mes mains, j’aurais tant voulu être ailleurs, et
pouvoir arrêter de me demander sas cesse pourquoi je ne lui suffisais pas. Il ne
s’agissait pas de me comparer aux autres potentielles Mme Carter, mais j’avais
tout de même plus les pieds sur terre. J’étais aux petits soins et ça comptait. Peu
importe qu’il soit riche à millions ou pauvre, je l’aimerais pareil.
On frappa à la porte et je bondis, j’appuyai ma tête contre le mur, me
demandant si j’allais faire semblant d’être absente ou pas, mais je n’allais pas
jouer au petit jeu de la femme qui s’écroule lorsqu'aucun homme n’est à ses
côtés.
J’ouvris la porte, m’attendant à voir le facteur avec un colis, voire le
concierge, mais je me trouvais face à Mélissa, elle était de dos.
Elle se tourna, un sourire faussement outré sur son visage.
« Vous n’êtes pas habillée ? » demanda-t-elle en me précédant dans
l’appartement, tout en l’inspectant tandis qu’elle passait du couloir au salon.
« Heu, Mélissa comment avez-vous fait pour… ? » Je la suivis, abasourdie et
légèrement gênée qu’elle me voit en tee-shirt informe et en chaussettes, avec
mes cheveux frisés rebelles. On était loin de la version manucurée lors de notre
dîner il y a maintenant des lustres.
« Comment j’ai fais quoi ? » demanda-t-elle en se tournant vers moi. «
Comment j’ai fais pour rentrer ? Comment je sais où vous habitez ?
– Oui, les deux. »
Elle rit, retira son écharpe et se vautra dans le fauteuil situé près de la fenêtre.
« C’est sympa ici.
– Merci. »
Elle prit un cadre photo de l’une de mes colocataires et le regarda un instant.
« Quelqu’un sortait alors je suis rentrée. Daniel vous a bien
raccompagnée hier soir non ? »
J’acquiesçai.
« Ok, c’est donc réglé. Je ne suis pas là pour ça ; je suis là pour parler de
mon frère et d’Edward. »
Elle posa un journal sur la table, je regardai son visage intensément, jusqu’à
quel point était-elle au courant ? Était-elle venue dans l’intention de me dire de
tout stopper entre nous ou de nous rabibocher ? À moins qu’elle ne croit qu’il se
soit passé quelque chose entre Edward et moi ?
Je m’assis sur l’accoudoir du canapé, je tirai sur mon tee-shirt qui révélait
plus mes cuisses que je ne l’aurais souhaité, je vis qu’elle les regardait puis elle
me fixa à nouveau.
« Je vous écoute », dis-je une fois confortablement installée. « J’ignore ce
qu’Ethan vous a dit, mais si vous voulez savoir quelque chose, vous feriez
mieux de le lui demander directement. »
Elle ricana, visiblement ennuyée qu’on ose refuser de lui donner ce qu’elle
attendait.
« Vous ne pouvez pas parler à cause du contrat c’est bien ça ? » dit-elle, la
tête penchée sur le côté.
Mes yeux rougirent instantanément. Il lui en avait parlé ? Il était allé dire que
tout n’était qu’une mascarade, alors que mes sentiments pour lui étaient tout ce
qu’il y a de plus réels.
« Je ne vois pas de quoi vous parlez », dis-je en détournant les yeux de son
regard glacial, tout en essayant de garder mon air innocent. Il n’était plus
question de mariage, inutile de me forcer à être polie.
« Oh bien sûr que oui. » Elle se pencha dans son fauteuil. « Vous savez bien,
le contrat qu’il a échafaudé pour que vous ne divulguiez pas votre histoire à la
presse. Je suis sa soeur, je ne dirai rien. Il se passe un truc entre vous deux. Vous
êtes à deux doigts de signer et l’instant d’après, plus rien ? Le mariage est annulé
? Vous êtes toujours ensemble ? Que se passe-t-il ?
– Vous devriez demander à Ethan.
– C’est ce que j’ai fait ! » Elle se redressa et soupira, ennuyée. « Il ne
répond pas à nos appels.
– Nos appels ?
– Oui, ma mère et moi. Il a toujours été plutôt dur et protecteur, mais de là à
frapper Edward pour une femme ? Il n’a jamais aimé personne avant au point de
faire ça. » Elle secoua la tête et baissa les yeux. « Que s’est-il réellement passé
entre vous et Edward ?
– Rien. »
Je ressentis la froideur de son regard presque physiquement.
« Qu’est-ce qu’on voit là, sur cette photo ? » Elle poussa le journal vers moi
et je me levai pour le prendre.
C’était une photo de moi en train de m’éloigner du bar avec Ethan derrière
moi, on voyait Edward en arrière-plan avec les deux filles aux twinsets. J’ignorai
que les paparazzi étaient déjà sur le coup.
« Edward fréquente quelqu’un ? demanda-t-elle calmement. Deux nanas avec
deux mecs, c’est bien ça ?
– Mélissa… »
Elle se leva et arrangea sa jupe.
« Vous pouvez me le dire.
– Je ne sais pas. Ce doit être des amies. Vous devriez poser la question à
Edward.
– Il est injoignable lui aussi, dit-elle calmement. Il ne répond pas à mes
appels, alors je surveille la presse people, vous faites toujours la une. »
Je me levai pour me mettre à sa hauteur, bien qu’elle me dépassait avec ses
talons.
« Mélissa, il n’y a rien entre Edward et moi. Vous devez trouver un moyen de
lui parler, mais je n’ai franchement rien à voir là dedans. Ethan et moi avons des
choses à tirer au clair, mais Edward ne rentre en rien dans l’affaire. La seule
chose que je peux vous dire, c’est qu’il m’a énormément aidée. » Elle soupira et
secoua la tête.
« Oui bien sûr, et c’est pour ça que je l’aime. » Elle mit des lunettes noires.
« Il fallait que je vienne de toute façon. Je ferai mieux d’y aller. Je ne sais que
penser. »
Elle traversa le salon et le couloir et je la suivis jusqu’à ce qu’elle ouvre la
porte.
« Promettez-moi de ne pas parler de ma visite à Ethan. » demanda-t-elle
soudainement.
J’acquiesçai.
« Il n’a pas besoin de savoir quoi que ce soit. Je ne dirais rien, si vous
acceptez le fait que je puisse éprouver de vrais sentiments pour votre frère, je ne
vais pas disparaître juste parce que vous pensez que je ne suis pas assez bien
pour lui. »
Elle rougit un peu.
« Oh mon dieu, je suis désolée. Je suis désolée de vous avoir mise mal à
l’aise et d’avoir débarqué ainsi. C’est juste que je ne veux pas qu’il soit blessé
ou qu’on le prenne pour un imbécile. Vous me comprenez n’est-ce pas ? »
J’acquiesçai.
« Oui, mais vous devez nous laisser régler ça nous-mêmes, ou vous finirez
par tout ficher en l’air.
– Oui vous avez raison, mais voyez à quoi nous sommes réduites. Regardez-
moi. Je ne suis pas celle que vous croyez. Je ne suis pas la garce qu’Edward a
fait de moi. J’espérais seulement qu’il me fasse part de ses sentiments, et ne pas
l’attendre en vain. J’ai passé tellement de temps à m’inquiéter de savoir avec qui
il pouvait bien être et ce qu’il faisait, à essayer de rivaliser, j’en oublie parfois
qui je suis. »
Je souris d’un air embarrassé, je voyais une autre facette de sa personnalité
que je n’aurais pas soupçonné lorsqu’elle avait fait irruption chez moi quelques
instants auparavant, elle n’était pas aussi froide et garce que je l’imaginais. Elle
avait souffert, tout comme moi, mais elle faisait partie de ces femmes qui ne
savent pas tourner la page. Apparemment, Edward n’éprouvait plus grand chose
pour elle, j’étais désolée pour elle car c’était un type bien, ça devait être terrible
de le perdre.
Elle se pencha et m’embrassa rapidement, avant de remettre son sac sur son
épaule.
« Merci Abbiggail, et encore désolée. J’espère avoir le plaisir de vous avoir
bientôt à dîner. Tous les deux ?
– Pourquoi pas. »
Elle acquiesça, dit au revoir et descendit les escaliers. J’attendis qu’elle fut
partie avant de refermer la porte, je pris une profonde inspiration, heureuse que
Mélissa la tornade soit enfin partie.
Edward n’était visiblement pas intéressé. Il était séduisant, avait du charme,
de l’argent et une forte personnalité. Les hommes comme lui ne restaient pas
seuls bien longtemps, elle devait le savoir. Elle devait savoir ce que signifiait de
devoir se frotter à d’autres top models, mais je ne voulais pas finir comme elle, à
essayer désespérément de raviver la flamme.
Ethan et moi c’était une histoire à part. Je me sentais unique, je n’étais pas
prête à déclarer forfait.
Mais pouvais-je avancer dans notre relation sans lui faire confiance ?
Il m’avait dit que tout cela n’était qu’un malentendu, je voulais bien le croire,
mais je devais aussi me préserver. Protège-toi avant de souffrir à nouveau. Si je
lui permettais de m’aimer, il me briserait le cœur, je devais faire un choix et
décider en mon âme et conscience, avec ma raison ou avec mon cœur.

Ethan

L’infirmière rajusta l’oreiller sous le dos de ma mère et sortit.
Elle ôta ses lunettes et les posa sur ses genoux.
« J’ai appris les nouvelles par la presse Ethan, soupira-t-elle. Tu aurais au
moins pu répondre à mes appels.
– Désolé. C’est compliqué.
-– Comment ça, compliqué ? »
Je me tournai pour regarder par la fenêtre, j’aurais aimé avoir de bonnes
nouvelles à lui annoncer. Tout le stratagème reposait sur le fait de rendre ma
mère heureuse afin qu’elle assiste au mariage de l’un de ses enfants avant qu’il
ne soit trop tard, mais ça prenait une toute autre tournure. Et ça me dépassait.
Cela aurait été plus simple d’arrêter définitivement avec Abbiggail et de passer à
autre chose mais c’était impossible.
« Ethan ? » demanda ma mère, en levant un sourcil. « Abbiggail et toi
êtes…? »
Je secouai la tête.
« Non, nous sommes toujours ensemble, mentis-je. Nous sommes
juste… »
Elle montra la pile de journaux posée sur la table de chevet.
« Alors pourquoi te vois-je en train de te battre avec ton meilleur ami et sortir
avec d’autres femmes ? »
Je me passai la main dans les cheveux. Elle avait raison bien sûr. J’avais été
intouchable depuis bien trop longtemps. J’étais celui qui faisait souffrir mais qui
ne devait surtout pas souffrir, mais la donne avait changé, on piétinait mes
sentiments.
« Lorsque la maladie m’a terrassée Ethan, je n’aurais jamais cru que
j’arriverai à te voir heureux. C’était bien parti mais…
– Je suis heureux, l’interrompis-je. Je te le promets. C’est un peu
compliqué. J’ai des choses à régler avant. » Elle me regarda intensément, elle
n’était pas convaincue.
« Si tu aimes cette femme, ne la laisse pas partir.
– Malheureusement, elle fait partie de ces rares créatures qui n’ont que faire
de mon argent ou de mon rang. Je ne sais pas. Je crains d’avoir causé des dégâts
irréversibles.
– Alors répare-les. Montre-lui que tu t’es trompé. Fais-le pour elle.
– Je ne sais pas comment faire. Je ne suis pas comme ça, tu te rappelles ? Je
ne l’ai jamais été.
– Et bien apprends ! Lorsque nous étions jeunes, j’ai vu ton père danser avec
une autre fille au bal, je ne lui ai pas adressé la parole pendant deux semaines.
– Tu ne m’en as jamais parlé. Et qu’est-ce qu’il a fait ?
– Il est venu devant chez moi chaque jour jusqu’à ce que je lui pardonne.
Tous les soirs j’avais droit à une sérénade avec des chansons de sa composition,
c’était un piètre chanteur. Dieu ait son âme, il a chanté jusqu’à ce que je cède.
Bouge-toi Ethan. Sors de ta zone de confort et montre-lui ce côté romantique qui
est en toi. »
Je me levai, j’avais la solution. Je savais ce que j’allais faire, je n’avais
jamais été aussi sûr de moi de toute ma vie.
Je m’approchai et l’embrassai sur la joue.
« Je reviens te voir très vite, mais j’ai quelque chose à faire d’abord.
– Vas-y et rappelle-toi : si elle en vaut la peine alors fais ce que tu dois
faire. »
J’allais partir mais je m’arrêtai et la regardai.
« Merci encore », murmurai-je. Pour la première fois depuis que nous avions
commencé notre discussion, je m’aperçus de combien elle était maigre et fragile
et des cernes sombres sous ses yeux, je ressentis comme un coup de poing dans
le ventre.
J’avais tellement l’habitude de l’avoir à mes côtés – un jour viendrait où elle
ne serait plus là. Ce puits de connaissances disparaîtrait à jamais ; sans
Abbiggail et Mélissa, je serai seul.
Samantha se tenait devant mon bureau, elle secoua la tête lorsque je lui
expliquai la teneur de la relation entre Abbiggail et moi. Je vis son expression
lorsque je lui annonçai la raison de l’annulation du mariage.
« Je dois lui dire la vérité », dis-je en me levant pour aller vers la fenêtre.
« Elle doit savoir ce qu'il s’est passé cette fameuse nuit, et la raison pour laquelle
je vous ai fais venir ici. Je ne peux plus garder le secret. »
Elle soupira et secoua la tête.
« Vous auriez dû me le dire avant. » Elle vint vers moi et posa une main sur
mon épaule. « Peu importe ce que vous devez faire, faites-le. Je ne veux pas
créer du tort à votre relation. Je voulais juste attendre d’avoir les documents
avant que vous ne lui en parliez…
– Je crois que je l’ai perdue. »
Elle secoua à nouveau la tête, marcha jusqu’à son sac posé sur le bureau et en
tira un document.
« Ne vous inquiétez pas. Faites le nécessaire. Je comprends. » Elle me le
tendit. « Dites-lui que je suis désolée ok ? Puis venez me voir. » Je hochai la tête
tandis qu’elle se dirigeait vers la sortie.
« Merci Samantha », dis-je avant qu’elle ne quitte mon bureau.
« J’apprécie… »
Elle me sourit d’un air entendu avant de partir, je pris une profonde
inspiration et regardai le document que j’avais en main. J’espérais qu’en le lui
disant, elle comprendrait qu’elle comptait pour moi plus que tout au monde.
C’était la seule au monde qui comptait pour moi.
J’appuyai sur l’interphone et la voix de Mary se propagea dans la pièce.
« Faites préparer le jet pour demain après-midi », dis-je, j’étais certain de
prendre la bonne décision.
« Demain ?
– Exact, demain, Daniel devra se tenir prêt pour m’accompagner chez
Abbiggail.
– Est-ce bien raisonnable Ethan ? Vous êtes surchargé demain, sans parler
de la réunion avec…
– Annulez tout.
– Mais…
– Annulez tout et confirmez moi lorsque tout sera prêt.
– Bien sûr. » Elle ménagea une pause avant de parler « Quelle sera votre
destination ?
– Paris, Mary. J’amène Abbiggail à Paris… »
Abbiggail

« Tu vas retourner dans cet enfer ? » me demanda Heather, ma colocataire,
elle hocha la tête en signe de désapprobation lorsqu’elle me vit sortir de ma
chambre en uniforme.
« J’ai besoin d’argent », répondis-je à regret. Je n’avais pas la chance comme
certaines personnes à New York d’avoir de la famille ou des amis à qui
s’adresser quand on est à cours d’argent pour payer son loyer. Je ne pouvais
compter que sur moi-même, je ne pouvais pas me permettre de laisser tomber le
job au bar tant que je n’aurais pas trouvé autre chose.
Heather me suivit dans la cuisine et me regarda tandis que je prenais une
pomme dans la corbeille à fruits.
« Ton patron tolère que des vicieux te draguent juste pour maintenir son
entreprise à flot ?
– Je sais, je vais garder la tête froide, ça ne m’atteindra pas.
– Abbiggail…
– Je déménagerai quand j’aurais trouvé autre
chose. »
Elle soupira.
« Et Ethan ? Tu étais fiancée à l’un des hommes les plus riches de tout
New York…
– Comment sais-tu… ?
– Je lis les infos », dit-elle brièvement. « Evidemment que je sais qui tu
es… »
Je rougis involontairement, gênée que ma vie privée soit étalée devant
quelqu’un comme Heather, qui ne s’intéressait pas aux célébrités ni à la presse
people.
Je mis une autre pomme dans mon sac et la regardai.
« Ethan et moi c’est pas ce qu’on raconte. C’était pas pour l’argent – enfin,
pas vraiment. Je l’aimais vraiment.
– Et alors… »
Elle s’arrêta, on sonnait à la porte, nous nous regardâmes, elle se leva et alla
ouvrir en sautillant.
« Ça doit être Bruce. J’en ai pour une seconde. »
Elle quitta la pièce, je mis le restant de ma pomme dans la poubelle et me
lavai les mains. Je ruminai ce que m’avait dit Heather, j’essayai de m’imaginer
au bar malgré ma colère de l’autre fois. J’avais honte de moi. Honte d’avoir
besoin d’argent au point d’être draguée par des hommes qui me voyaient
uniquement comme un objet.
Je regardai mon reflet flou dans la fenêtre de la cuisine et je soupirai, je
voulais juste être heureuse. J’avais passé toute ma vie à vouloir être heureuse. Je
voulais un boulot que j’aimais et des amis qui seraient là pour moi, je voulais me
réveiller et avoir un but dans la vie.
Heather m’appela, je passai une main mouillée sur mon visage pour dissiper
la rougeur provoquée par ce trop plein d’émotions.
Je n’étais pas de la meilleure humeur du monde pour accueillir son copain
sarcastique au possible mais je ne pouvais pas me cacher toute la soirée dans la
cuisine.
Je m’essuyai les mains sur mon uniforme lorsque je vis Ethan dans le
couloir, à côté d’Heather. Mon Ethan.
Elle souriait de toutes ses dents et me dit :
« Regarde qui j’ai trouvé sur le palier… Je vous laisse. Si vous avez besoin
de moi je suis dans ma chambre. »
Elle me dépassa à toute vitesse, me serra le bras au passage et nous laissa
seuls, Ethan et moi. Je le regardai, toujours sous le choc de le voir chez moi en
personne, et après toutes ces semaines, on aurait dit que je lui faisais toujours
autant d’effet.
« Qu’est-ce que tu fais ici ? » demandai-je en le regardant à distance
respectueuse. Son sourire s’évanouit. Il était plus séduisant que jamais, une main
dans la poche et l’autre tenant une grande enveloppe kraft.
Il s’approcha doucement et je fis un pas en arrière, je ne voulais pas qu’il
m’approche de trop près, je savais l’effet qu’il produisait sur moi, mais le mur
m’empêcha d’aller plus loin.
« Abbiggail…
– C’était pas la peine de venir jusqu’ici », marmonnai-je, l’émotion voilant
ma voix. « J’allais partir au travail et…
– Au diable le travail ! » dit-il sur un ton sévère. « Tu n’iras pas.
– Il le faut bien. »
Il se planta devant moi, sortit la main de sa poche et fit pivoter mon visage.
Je fermai les yeux et inspirai profondément avant de les rouvrir.
« Qu’est ce que tu me veux ? » demandai-je d’une voix hésitante.
Il s’approcha plus près, il me dominait de toute sa hauteur, une petite voix
intérieure me disait de m’en aller mais je ne pouvais pas ou ne voulais pas… je
ne savais pas.
« Je veux que tu comprennes que tu te fais des idées sur mon compte.
– Je sais parfaitement ce que j’ai vu », dis-je en soutenant son regard dur.
« Faux, lança-t-il. Tu as seulement vu ce que tu as bien voulu voir.
– Alors qui était cette femme chez toi ? Celle avec les nichons gonflables ?
– Elle n’est rien pour moi, voilà ce que je veux te dire. Viens avec moi et je
t’expliquerai tout…
– T’as qu’à l’expliquer maintenant. »
Il chercha mon regard et secoua la tête.
« Quittons cette ville et passons du temps ensemble rien que toi et moi. Pars
avec moi et je te raconterai tout.
– Pourquoi pas maintenant ? Pourquoi tu ne m’as rien dit sur le moment,
quand j’étais devant toi ? »
L’enveloppe tomba par terre dans un bruit sourd, il s’approcha de moi, ses
doigts entouraient ma nuque. J’essayai de reculer mais il résistait.
« Ça paraît difficile à croire, mais tu dois me faire confiance. J’ai promis de
ne rien dire. Rien n’était encore bien établi, je ne voulais pas créer davantage de
problèmes. Tu dois me croire quand je te dis que je voulais t’en parler.
– Comment puis-je croire que tu n’as pas tout inventé ?
– Viens avec moi Abbiggail. Viens avec moi et je te montrerai. Tu en
apprendras plus sur moi que tout ce que tu peux imaginer. »
Je le regardai intensément, je voulais le croire, je voulais me blottir dans ses
bras parce que la vie était bien plus belle avec lui, mais j’avais tant souffert, rien
ne me disait qu’Ethan n’allait pas faire de nouveaux ravages.
Il pouvait me détruire, et je ne savais pas si je le supporterais une deuxième
fois.
Il m’embrassa au coin des lèvres et recula. Il ramassa l’enveloppe
et me la donna. Je la pris en hésitant.
« Ethan…
– Tu as ton passeport ? » m’interrompit-il.
J’acquiesçai.
« Parfait. Alors à demain. Daniel passera te chercher à onze heures.
– Mais j’ai du travail…
– Je veux que tu démissionnes », dit-il sévèrement, et il sortit un chèque de
sa poche. « Donne-ça à ta colocataire. Il y a un an de loyer, le temps qu’ils
trouvent quelqu’un d’autre.
– Je ne peux pas accepter », dis-je en le lui rendant. « C’est beaucoup trop
et… »
Il me cloua au mur et murmura à mon oreille d’une voix chaude.
« J’obtiens toujours ce que je désire Abbiggail. »
Je sentis son souffle sur ma peau, je frissonnai de désir.
« Tu ne peux pas tout avoir », répondis-je tandis que ses doigts touchaient ma
taille.
« Je ne veux pas tout Abbiggail. C’est toi que je veux, je n’ai fait que penser
à toi depuis que tu es partie. Je n’arrête pas de penser à toi, que je sois maudit si
tu crois que je vais abandonner et te laisser partir aussi facilement. Je n’ai dis
que la stricte vérité. Je n’ai jamais ressenti ça pour personne. Personne. »
Il se redressa, je m’aperçus que j’avais retenu mon souffle.
« Je veux te voir là-bas demain. Laisse-moi une chance de t’expliquer, et
je ne te laisserai plus jamais tomber. Il se tourna pour s’éloigner mais je le
retins par le bras.
– Ethan attends…
– Demain, répéta-t-il. Sois là demain. »
Il se dégagea de mon étreinte et se dirigea vers la porte, ne s’arrêtant que
pour m’adresser un long regard avant de disparaître, je restai plantée là, essayant
d’ordonner mes pensées lorsque Heather sortit de sa chambre et se précipita vers
moi.
« Ça va ? » souffla-t-elle.
J’acquiesçai, je tenais l’enveloppe dans mes mains tremblantes.
Elle me la prit des mains et l’ouvrit, en tira une petite carte qu’elle me tendit.
Je la parcourus, mon cœur battant à tout rompre tandis que mes yeux lisaient
les mots encore et encore, jusqu’à ce qu’ils restent gravés dans ma mémoire :

« Je ne sais pas ce que je ressens et ne saurais le décrire, tout ce que je sais
c’est que tu es mon centre du monde. Viens avec moi, donne-moi une chance de
t’expliquer et de te montrer qui je suis vraiment. Prépare tes bagages et sois
prête pour onze heures, Abbiggail. Tu me rends… rappelle-toi juste de ça. Bien à
toi, E. »

Chapitre Douze

Abbiggail

La voiture vint me chercher et me conduisit à l’aéroport, je regardai par la
fenêtre, me demandant si je n’étais pas en train de faire une bêtise en rejoignant
Ethan.
Je devais entendre sa version des faits. Je m’étais confiée à lui, mais les
barrières qu’il avait abattues avaient été reconstruites. Je ne comptais plus les
fois où j’étais restée éveillée la nuit, m’imaginant dans ses bras, espérant qu’il
rentrerait et passerait la porte. Rien de tout cela n’avait d’importance, j’étais
amoureuse d’un Casanova. Je serai l’éternelle rivale, je ne voulais pas finir
comme Mélissa dans cinq ans, rester assise à la maison à attendre son retour.
C’était probablement la première fois qu’on souhaitait un truc pareil, j’aurais
juste voulu qu’il soit normal. Qu’il ne soit pas milliardaire, et que nous puissions
avoir une relation normale, comme des gens ordinaires.
Je m’appuyai contre l’appui-tête et fermai les yeux, essayant de me
remémorer cette nuit sur la plage, ce qu’il m’avait dit et sa façon de me regarder
tandis que nous montions dans sa chambre, je réalisai combien j’avais été
bornée.
Je n’avais jamais rencontré d’homme comme Ethan auparavant — sensé,
dominateur, un vrai mâle alpha — lorsqu’il était devant moi je n’aspirais qu’à
sentir ses mains sur mon corps, tout mon corps, je mourrais d’envie de lui
lorsqu’il n’était pas là. Il était difficile de trouver et de ressentir un tel mélange
d’ amour, de sentiments et d’émotions, la pensée d’avoir failli le perdre, sans
même entendre ce qu’il avait à me dire, me rendait malade.
Je savais qu’il me désirait. Cela se voyait à tous les messages et les emails
qu’il m’avait envoyés et que j’avais ignorés, je n’avais pas imaginé ce que cela
me ferait de le voir en première page de la presse people, en train de convoler
avec une autre, en sachant que nous ne serions plus jamais destinés l’un à
l’autre.
Mon ventre me chatouillait au fur et à mesure que nous approchions, et je
décidai que quoiqu’il se passe, j’allais profiter de sa compagnie parce que pour
la première fois de ma vie, l’homme avec lequel j’allais voyager était le seul être
au monde qui m’aimait et prenait soin de moi, je me sentais unique. Comment
refuser ? Comment laisser filer l’occasion et faire comme si de rien n’était ?
La voiture s’arrêta sur le tarmac et Daniel ouvrit la porte, m’aidant à
descendre sur le petit tapis rouge.
J’étais devant un jet privé. Je le fixai un moment tandis qu’un homme prenait
ma valise dans le coffre, j’allais monter à bord apparemment.
« Je monte là-dedans ? » demandai-je à une femme qui s’approchait de moi.
Elle me sourit.
« C’est exact. Par ici, je vous prie. »
Elle me conduisit du tapis rouge jusqu’aux escaliers, je me tins à la rampe en
montant, mon cœur battant à tout rompre tandis que je parvenais en haut où
m’accueillit une femme au sourire radieux.
« Ethan est installé au fond à gauche », dit-elle en m’indiquant la direction.
« Il vous attend. »
Je suivis ses instructions et le trouvai effectivement en pleine conversation
avec le pilote.
Il vint immédiatement vers moi et passa sa main dans mes cheveux plutôt
que de me prendre dans ses bras.
« Tu es venue », dit-il d’un air sérieux.
« Tu croyais que je ne viendrais pas ? »
Il secoua la tête sans me quitter des yeux.
« Je savais en mon for intérieur que si tes sentiments pour moi étaient
véritables, tu viendrais. » Il embrassa ma joue et toucha mon bras. « Qu’est-ce
que tu aimerais boire ? »
Une femme apparut aussitôt à nos côtés, Ethan lui commanda deux coupes
de champagne. Elle disparut aussi vite qu’elle était venue, j’en profitai alors
pour regarder tout autour de moi.
L’intérieur était dans des tons crème et beige, avec de larges fauteuils
confortables et un écran TV géant. Dans le fond je pouvais voir l’indication des
toilettes, et plus loin, une porte entrouverte laissait apercevoir une chambre à
couper le souffle.
« C’est magnifique », dis-je en regardant par le hublot. « J’ignorais qu’un
avion puisse être aussi…
– Luxueux ? » termina-t-il pour moi. « J’avais acheté cet avion dans le but de
vendre ma société et de voyager, mais ça ne s’est jamais fait.
– Cet avion t’appartient ? »
Il acquiesça, imperturbable devant mon air fasciné.
« Comment peux-tu acheter un tel avion et ne pas t’en servir ?
– Tout est question de temps, Abbiggail. Je n’ai pas le temps de profiter de
tout ce que la vie m’apporte.
– Alors profitons-en ensemble. Vend ton entreprise, met sur pied un itinéraire
et disparais. Allez, on y va.
– On ? »
J’acquiesçai, rougissant légèrement de mon empressement, mais il sourit
doucement et s’approcha tout en me regardant.
« Tu n’as pas idée de combien j’en ai envie. »
Ses doigts glissèrent dans mes cheveux, j’étais en son pouvoir, nos lèvres se
rencontrèrent.
J’aurais dû le repousser et m’asseoir mais je ne pouvais pas lui résister.
J’attendais ce baiser depuis cette fameuse nuit où j’étais montée en voiture et
avais quitté sa maison. Je n’aspirais qu’à le toucher, je collai mon corps contre
lui, je savais très bien où je voulais être : dans ses bras.
Après toutes ces nuits sans sommeil et ces journées passées à me demander
qui j’étais, je savais pertinemment ce à quoi j’aspirais.


Chapitre Treize
Paris, France

Abbiggail

C’était tôt le matin que la voiture nous déposa devant notre hôtel et bien que
je sois sonnée, épuisée et que je souffre du décalage horaire, le faste de l’Hôtel
Georges V ne me laissa pas de marbre.
« Tu aimes ? » demanda Ethan, contournant la voiture pour m'attraper par la
taille.
« J’adore, c’est… c’est magnifique.
– L’un des meilleurs hôtels de Paris, murmura-t-il à mon oreille. Tu mérites
le meilleur Abbiggail. J’espère que tu le comprends.
– Bienvenue au Georges V ! » nous interpella un homme tandis que nous
approchions. Il tendit sa main à Ethan, qui la saisit. « Je m’appelle Paul, c’est un
plaisir de vous recevoir tous les deux M. Carter.
– Tout le plaisir est pour nous », répondit-il.
Il nous accueillit chaleureusement et nous précéda dans un hall magnifique.
Je n’avais jamais rien vu de semblable, et tandis qu’il nous conduisait vers
les ascenseurs, je décochai un regard à Ethan, il me regardait évoluer dans le
monde.
« Voici votre suite durant votre séjour », dit Paul, en ouvrant une grande
porte sombre et en se mettant de côté pour me laisser entrer.
« C’est rien que pour nous ? » demandai-je, surprise de ce que je voyais.
Il acquiesça en souriant fièrement, tout en avançant et en allumant des
interrupteurs pour me montrer ce qu’ils commandaient.
« Absolument. Lorsque l’on réserve tout le 7ème étage, Mademoiselle, les
suites forment un appartement.
– Tout le 7ème étage ? » Je jetai un oeil à Ethan, choquée par la dépense,
mais il était occupé à lever les stores. Je regardai de son côté : au fur et à mesure
qu’il les levait, la terrasse s’ouvrait sur la Tour Eiffel, grande et illuminée, elle
était si proche que je sentais presque l’excitation monter.
« Ouaouh… » soufflai-je, appuyant mes doigts sur la vitre, en admiration
devant tant de beauté. Je n’avais jamais rien vu d’aussi magnifique et unique de
toute ma vie.
« Ce sera tout ? demanda Paul.
– Pour le moment oui, répondit Ethan. Merci. J’aimerais que le petit déjeuner
soit servi dans la chambre à dix heures et qu’une voiture nous attende en bas
pour 11h30.
– Parfait, Monsieur. Ce sera fait. N’hésitez pas à nous contacter si
nécessaire. »
Ethan glissa quelque chose dans la poche de la veste de Paul avant de donner
un pourboire au bagagiste, tous deux nous quittèrent avec des mercis, nous
étions enfin seuls.
« Il ne fallait pas te donner tout ce mal », dis-je calmement.
Il vint vers moi, devant la Tour Eiffel, il prit une profonde inspiration. « Tout
ça quoi ?
– Ça. » Je montrai la pièce et la vue. « Toujours l’excellence, c’est trop. Tout
le 7ème étage ? Vraiment ? »
Il ouvrit les portes de la terrasse en silence, me prit par la main et me fit sortir
dans l’air frais, on entendait les bruits et les lumières de Paris.
J’inspirai profondément, il se tourna vers moi et posa ses mains sur mes
épaules.
« Je n’ai jamais fait ça pour personne avant toi, Abbiggail », dit-il d’une voix
basse et assurée. « J’ai la chance de pouvoir profiter de ce luxe à ma guise, et il
n’y a qu’une seule personne avec laquelle je veux le partager… »
Il se pencha pour m’embrasser mais je le repoussai doucement.
« Tu ne peux pas acheter mon amour, Ethan, dis-je, légèrement agacée. Je ne
suis pas comme les autres. Il y avait un contrat, mais les choses ont changé. Elles
ont changé parce que j’avais des sentiments pour toi et j’ai souffert. Tu crois que
je vais tout oublier parce qu’on descend dans un cinq étoiles et qu’on voyage en
jet privé ? » Il lâcha mes mains et regarda la vue.
« Ce n’était pas fait dans le but de te blesser et de vexer. Kathleen n’est rien
pour moi, je ne pouvais rien te dire parce que c’était une surprise et les choses
n’étaient pas encore totalement confirmées.
– Qu’est-ce que ça change ? » demandai-je en le regardant.
– Tu me demandes ce que ça change ? Tu n’a pas confiance en moi. Tu ne
m’as même pas accordé le bénéfice du doute. Tu as toujours pensé que j’allais te
briser le cœur. Tu as raison Abbiggail, je n’ai pas toujours été l’homme dont les
femmes rêvent mais je ne suis pas un menteur. » Il s’arrêta pour reprendre son
souffle, c’était la première fois qu’il montrait ses émotions ou ses sentiments.
« Tout ce que je t’ai dit quand nous étions sur la plage est vrai. Tu es tout pour
moi. »
Je penchai la tête, j’avais honte d’avoir tiré des conclusions hâtives alors qu'il
était le seul à donner un sens à ma vie. Il avait raison. J’avais tiré des
conclusions sans lui laisser la chance de s’expliquer, et s’il s’était donné tant de
mal pour me prouver que cette Kathleen était là uniquement pour l’aider à me
préparer une surprise, je ne devais pas tout compromettre.
Il fallait qu’il mène à bien ce qu’il avait organisé ; je ne pouvais pas le nier,
la vie était bien plus belle avec lui.
Je l’embrassai sur l’épaule, je me tins derrière lui et passai mes bras autour
de sa taille. Il était tendu mais se relâcha sous mon étreinte.
Nous restâmes ainsi pendant une bonne minute, il me prit dans ses bras, prit
mon visage entre ses mains et approcha ses lèvres des miennes. Nous goûtions
cette nouvelle intimité, je le sentais durcir contre ma cuisse, il me prit dans ses
bras et m’emmena dans la suite.
Nos lèvres restaient unies, je ne voulais pas que ça s’arrête, il ne cessa de me
regarder jusqu’à ce qu’il m’allonge sur le lit.
« Ne fais plus jamais ça », murmura-t-il d’une voix rauque, en défaisant sa
chemise et sa ceinture. « Ne me quitte plus jamais, je te désire de tout mon être.
– Je suis désolée », dis-je dans un sifflement. Tout ce que je voulais c’était le
sentir en moi, je perdais patience.
J’essayai de le toucher mais il faisait exprès de rester hors de ma portée, il fit
glisser sa chemise le long de ses bras musclés.
« Qu’est-ce que tu veux ? » dit-il, la voix rauque.
« Toi », dis-je à la hâte. « C’est toi que je veux. »
Il grimpa sur le lit, m’enjamba et m’écrasa de tout son poids tandis qu’il me
déshabillait.
Nous n’échangeâmes pas une seule parole, un désir tacite nous animait, nos
regards se rencontraient pour la première fois depuis longtemps. Il savait très
bien que même si j’avais été folle amoureuse de lui, mes sentiments n’avaient
pas disparu, et je compris que malgré sa vie d’avant et sa passion pour les
créatures féminines, c’était la personne la plus dépendante qu'il m'avait été
donné de voir de toute ma vie.
Il toucha le tissu de ma robe qu’il enleva en la faisant passer par dessus ma
tête, il en profita pour me regarder intensément. Il jeta ma robe par terre, fit
courir ses doigts sur ma peau, je touchai ses doigts jusqu’à ce qu’il saisisse mon
téton entre le pouce et l’index. Je haletai de plaisir et fermai les yeux mais il me
força à les rouvrir.
« Je veux que tu me regardes », dit-il en se léchant les lèvres. « Je veux te
voir prendre du plaisir. »
Ce n’était pas la première fois que je faisais l’amour en regardant de temps à
autre le visage de mon partenaire, mais faire en l’amour en fixant les yeux de la
personne me mettait la pression.
Je m'appliquai à défaire sa ceinture, il évita mon regard mais il releva mon
menton et je le contemplai un court instant avant qu’il ne m’embrasse.
J’ôtai ses vêtements et il s’en débarrassa, découvrant ses fesses fermes au
passage.
Je n’eus pas un regard pour son sexe dressé que je saisis à pleines mains, il
respirait par à-coups.
Il se mordit la lèvre, il luttait pour ne pas fermer les yeux mais persistait à me
regarder tandis que je le faisais monter au septième ciel.
« Abbiggail… » rugit-il, mais je ne m’arrêtai pas. Je ne pouvais pas
m’arrêter, ça me rendait accro de le voir – le plaisir intense qui se lisait sur son
visage, ses sourcils froncés, et ses yeux clairs emplis de désir. Je pourrais passer
ma vie entière à le regarder, mais il me saisit par le poignet et se dégagea,
haletant, sans un mot, il passa ses doigts dans la dentelle de mon slip et le
déchira. Le tissu céda facilement, il le jeta au sol, il tint son sexe raidi et me
pénétra avec un grognement sourd.
Il me regarda tandis que je l’accueillais, partagée entre la surprise et l’extase
alors que mon corps se cambrait, parcouru par des vagues de plaisir.
Je fermai les yeux mais alors qu’il plaquait ses hanches contre moi, il
murmura à mon oreille.
« Regarde-moi Abbiggail. »
Je le regardai, incapable de le voir correctement, il me prit la main et nos
doigts s’entrecroisèrent, il imposait son rythme rapide, il me pilonnait,
j’approchai de l’orgasme.
L’excitation, le plaisir et la tension étaient à leur paroxysme, je ne pourrais
plus tenir bien longtemps.
J’enroulai mes jambes autour de lui et ses mouvements s’accélérèrent et
augmentèrent en intensité, ses gémissements se firent plus forts et alors que je
rejetai ma tête en arrière, et que l’orgasme me parcourait, il jouit à son tour et
cria dans le silence de la chambre, ses yeux toujours plantés dans les miens.
Je sentis chaque secousse de son corps, le plaisir se lisait sur son visage. Je
regardai ses sourcils froncés et ses dents serrées, il continua de me donner des
coups de boutoirs jusqu’à ce que son corps totalement épuisé s’écroule sur moi,
transpirant, pantelant et frémissant. J’enlaçai son dos, je le serrai aussi fort que
possible contre moi puis je tournai la tête vers la fenêtre, la Tour Eiffel éclairait
la chambre. Nous restâmes ainsi plusieurs minutes sans parler, nos cœurs battant
à l’unisson jusqu’à ce qu’ils retrouvent leur calme.
Il se retira de moi et se tourna pour regarder la fenêtre, je faisais semblant de
dormir, je n’avais pas les idées claires, tout au fond de moi j’avais peur de
souffrir. J’avais peur : j’étais folle amoureuse de lui, j’avais besoin d’un signe ou
d’une confirmation que je pouvais lui faire confiance de tout mon cœur. Je
n’allais pas m’offrir à lui si ce n’était pas ce qu’il attendait de moi. Nous
restâmes allongés sur le lit de longues minutes et je le sentis se coller contre moi.
« Abbiggail ? » dit-il dans l’obscurité.
Je gardai les yeux fermés, feignant ne pas l’entendre, j’avais besoin de temps
pour réfléchir et accepter de le laisser entrer dans ma vie une nouvelle fois.
Ses mains saisirent mon bras, il remonta la couverture sur moi et embrassa
mon épaule, ses lèvres effleurant ma peau.
« Je t’aime Abbiggail », murmura-t-il, pensant que je dormais. «Je t’aime à
un point que tu ne peux pas imaginer, je passerai ma vie entière à te le prouver. »
Il m’embrassa à nouveau, puis descendit doucement du lit et disparut dans
une des pièces de la suite.
J’entendis une autre porte se fermer, je donnai enfin libre cours à mes larmes.
Je ne pouvais plus m’arrêter, c’était la première personne au monde qui me disait
ces mots, et je le croyais.

Chapitre Quatorze

Ethan

Je regardai la tête d’Abbiggail quand nous entrâmes aux Galeries Lafayette,
elle fit une halte, passant le hall et les boutiques en revue.
« Ouaouh… » souffla-t-elle en se retournant vers moi. « C’est fantastique ! »
J’acquiesçai et plaçai un bras protecteur autour de sa taille tandis que des
gens nous suivaient.
« Suis-moi », lui dis-je en la guidant à travers la foule, fier d’avoir une vraie
beauté naturelle à mon bras, comparé à toutes les autres femmes hyper
maquillées devant lesquelles nous passions.
Je la fis entrer dans une boutique et une vendeuse élégamment vêtue vint à
notre rencontre.
« Bonjour, puis-je vous aider ? » demanda-t-elle avec un fort accent français.
Elle n’avait d’yeux que pour moi et je lisais l’excitation dans son regard. Je
raffermis ma main autour de la taille d’Abbiggail.
« J’aimerais voir des robes pour ma femme. »
Elle jeta un coup d’œil à Abbiggail et s’adressa à moi.
« Notre nouvelle collection est au fond. N’hésitez pas à m’appeler si vous
avez besoin d’aide. »
Je hochai la tête dans sa direction et conduisit Abbiggail vers l’arrière de la
boutique, elle chuchota à mon oreille.
« Hervé Léger, Ethan ? Je ne peux pas porter ça.
– Bien sûr que si. » Je pris une robe noire moulante sur le portant et la mis
devant elle.
« Tu seras ravissante là-dedans. »
Ses joues devinrent toute roses.
« Ethan… »
Je ne tins pas compte de ses objections et en pris une autre, dont la marque et
la coupe étaient sans équivoque possible. Elle me regardait tandis que je la
suspendais à mes doigts et je parcourus toute la collection de robes jusqu’à ce
que j’en ai plusieurs.
« Essaie-les », dis-je à voix basse afin que la vendeuse ne nous entende pas.
« Ça ne donnera rien », dit-elle en se tournant légèrement vers moi.
« Qui a dit ça ? Tu sais très bien l’effet que tu me fais Abbiggail. » Elle
sourit tandis que je me collai contre elle.
« Ok, je vais les passer.
– C’est exactement ce que je voulais entendre. » Je l’embrassai sur la joue, je
m’attardai pour sentir son odeur avant de retourner près de la vendeuse.
Elle nous conduisit vers les cabines d’essayage, je m’assis sur le canapé
tandis qu’elle passait derrière le rideau, l’excitation montait, j’avais hâte de la
voir sortir.
Je savais à quoi elle ressemblerait, le fait qu’elle n’ait pas conscience – ou ne
veuille pas prendre conscience – de l’effet que me procurait sa silhouette, la
rendait d’autant plus désirable.
« Ethan tu es prêt ? » demanda-t-elle de derrière le rideau. Je me redressai,
tous mes sens en alerte.
« Je suis prêt », mes yeux fixaient le rideau qui s’entrouvrit et elle émergea
timidement.
Je me raidis lorsqu’elle apparut devant moi, le tissu moulant brillant
étincelait sur son corps et soulignait ses courbes.
«… Abbiggail, tu es… » Je restai sans voix tandis qu’elle tournait sur elle-
même, sa silhouette était sublimée.
« Tu aimes ? » demanda-t-elle, en tirant légèrement sur le tissu.
« J’adore », dis-je d’une voix ferme, pour qu’elle comprenne ce que je
ressentais.
Elle sourit imperceptiblement et regarda à nouveau son reflet dans le miroir.
« Une autre, ordonnai-je. Essayes-en une autre.
Elle referma le rideau, je bandais un peu plus à chaque changement de robe,
jusqu’à ce qu’au quatrième essayage, je n’y tins plus.
" Ethan, qu’est-ce que tu… ? » demanda-t-elle avec un petit sourire, tandis
que je me levai du canapé, la poussai dans la cabine et fermai le rideau derrière
elle.
« Tu sais l’effet que tu me fais dans cette robe ? » lui demandai-je.
Elle se détourna et se contempla dans le miroir, mes doigts couraient sur le
tissu souple qui collait à ses hanches. Elle prit une profonde inspiration tandis
que mes mains montaient de son ventre jusqu’à sa poitrine.
« Et si la vendeuse arrive ? » dit-elle en soupirant, et rejetant sa tête en
arrière contre moi, les yeux fermés.
« On s’en fiche, murmurai-je. Tu m’excites avec ces robes. J’ai essayé de
résister mais tu sais bien que je n’ai aucune patience. »
Je pressai mon sexe en érection contre son dos, elle esquissa un sourire.
« Ethan… » me mit-elle en garde, joueuse.
Je défis lentement la fermeture éclair dans son dos, et embrassai chaque
centimètre carré de sa peau.
Elle soupirait à chaque baiser et je m’accroupis derrière elle, prenant ses
fesses dans mes mains.
« J’en ai encore une à essayer », dit-elle la voix légèrement tremblante.
« Non », décidai-je. « Tu la porteras pour moi ce soir, je la verrai pour la
première fois sur ton corps.
– Pourquoi ? On fait quoi ce soir ? »
Je me relevai, rajustai la robe sur ses épaules et la regardai dans le miroir.
Elle se tourna vers moi et me regarda.
« Où va-t-on ? m’exhorta-t-elle.
– Je dois te dire quelque chose », dis-je de façon évasive, je ne voulais pas
qu’elle apprenne la vraie raison de notre venue à Paris. « Si tu acceptes mon
invitation…
– J’en serais enchantée. »
Elle passa ses bras autour de mon cou et se mit sur la pointe des pieds, ses
lèvres touchèrent les miennes. Nous nous arrêtâmes un moment et nous
regardâmes, nos nez s’effleuraient tandis qu’elle me regardait dans les yeux.
« Suis-je en train de faire une grosse bêtise Ethan ? » demanda-t-elle. Elle
doutait à nouveau de ma sincérité. Elle ne demandait qu’à me croire mais je
savais que la peur la taraudait.
« Tu dois me faire confiance », dis-je doucement. « Tu verras ce soir ô
combien je suis sérieux. »
Elle acquiesça de façon quelque peu hésitante et je l’attirai contre moi, elle
avait les yeux fermés et nos lèvres se touchaient presque lorsque la voix de la
vendeuse rompit le charme. « Désolée, Mademoiselle, tout se passe bien ? »
Abbiggail se recula, attrapa la robe qui glissait de ses épaules, elle rougit
subitement.
Nous restâmes un moment à nous regarder, nous ne voulions pas laisser fuir
ce moment magique entre nous.
« Mademoiselle ? demanda à nouveau la vendeuse.
– Tout va bien », dis-je un peu brusquement, je sortis et refermai le rideau
derrière moi.
Elle me regarda, quelque peu choquée que je sois rentré dans la cabine avec
Abbiggail et curieuse de ce que nous avions bien pu faire à l’intérieur.
« Nous prenons les cinq », dis-je en la regardant droit dans les yeux.
Elle acquiesça doucement et passa derrière le rideau pour aider Abbiggail.
J’avais les joues rouges, je le savais pertinemment, mais pas parce que
j’avais été pris en flag, c’était uniquement à cause de ce que j’avais organisé
pour ce soir. Le fait qu’Abbiggail n’en fasse pas partie intégrante me terrorisait.
Cela me terrorisait parce que la seule femme au monde que je voulais à tout
prix faire mienne était une vraie beauté, et quoique j’y fasse, je ne pouvais pas
vivre sans elle.
Chapitre Quinze

Abbiggail

J’enfilai la robe rouge moulante griffée Hervé Léger qu’Ethan voulait que je
porte pour cette soirée spéciale à Paris et me contemplai dans le miroir en pied.
En dépit de ses compliments, je me sentais mal à l’aise.
Ethan soutenait que mes formes l’attiraient, je devais lui faire confiance et le
croire mais je ne parvenais pas à faire taire la petite voix qui ne m’avait jamais
quittée depuis que j’avais commencé à prendre du poids. Une armada de femmes
se seraient damnées pour être à ma place, mais c’était sur moi qu’il avait jeté son
dévolu : ça me laissait perplexe. Non pas qu’une silhouette plantureuse soit
moins séduisante, mais durant toute ma vie, la société m’avait rabâché que les
hommes aimaient les filles minces ; me voir boudinée dans cette robe rouge me
laissait dubitative.
Je pris le sac qu’Ethan m’avait acheté durant la journée et quittai la chambre
pour aller au salon.
Dès qu’il entendit la porte se refermer, il se leva d’un bond et me regarda
droit dans les yeux avant de me reluquer de la tête aux pieds, faisant un stop sur
mes hanches. Grâce à lui, je me sentais incroyablement sexy.
« Abbiggail… murmura-t-il, tu es… »
Il traversa la pièce et s’approcha de moi sans me quitter des yeux.
« Si notre timing n’était pas si serré, je t’aurais ramenée dans la chambre et
t’aurais déshabillée centimètre par centimètre… » Il effleura mon bras et je
sentis une onde de plaisir, il me faisait tourner la tête, j’aimais faire l’amour avec
lui. J’avais besoin de sentir ses mains sur mon corps, je n’avais jamais ressenti
cela pour personne de toute ma vie. J’aimais le sexe sans plus, mais un seul
regard de lui et le désir montait.
Je me tournai pour lui montrer le dos zippé de ma robe, ses doigts baissèrent
immédiatement la fermeture éclair. Je n’avais jamais imaginé le potentiel de
sensualité qui se dégage d’un homme qui vous déshabille, mais lorsque je me
retournai, ses yeux étaient le synonyme même du désir. Bien qu’il ne dit rien, je
pris une douche froide lorsqu’il recula.
Le téléphone sonna, rompant la tension sexuelle, il y jeta un coup d’oeil et se
dirigea vers la table pour le prendre.
« Ethan à l’appareil. Oui. Oh, oui. Génial. Nous descendons. Merci, au
revoir. »
Il reposa le téléphone sur son combiné et se tourna vers moi.
« La voiture nous attend. »
J’acquiesçai, ma vie avait vraiment changé. Avant, si on m’avait parlé de
voiture avec chauffeur, j’aurais dû me pincer pour y croire, mais maintenant,
avec Ethan, ça faisait partie de ma vie.
Il vint vers moi et posa une main ferme dans mon dos.
« Prête ? » me demanda-t-il. J’acquiesçai, quoiqu’il ait organisé, je n’aspirai
s qu’à être à ses côtés. J’espérai juste que ce qu’il avait dit l’autre nuit au lit était
vrai. J’espérais de tout mon cœur qu’il m’aime.

« Tu peux ouvrir les yeux maintenant », chuchota Ethan tandis que la
voiture ralentissait.
« Tu es sûr ? J’ai l’impression que l’on n’a pas roulé. »
Il posa une main sur ma cuisse et la pressa doucement.
« Certain, ouvre tes yeux. »
J’ouvris mes yeux, je regardai autour de moi un moment avant de regarder
par la fenêtre et d’apercevoir l’immense Tour Eiffel toute illuminée.
« On va là ? » demandai-je en me tournant vers lui.
Il sourit devant mon excitation et adressa un signe de tête au chauffeur qui
sortit du véhicule et ouvrit la portière.
Je sortis dans la nuit chaude, incapable de détacher mes yeux de la
magnifique structure en face de moi, Ethan avait passé ses bras autour de ma
taille.
Il frotta sa tête contre moi, son souffle sur ma peau me fit chavirer de
bonheur.
« Tu portes la robe et les talons aiguilles les plus sexy que j’ai jamais vus,
mais à moins que tu souhaites que je te porte, je crains qu’il ne te faille
marcher. »
Je gloussai tandis qu’il me donnait la main et me montrait le chemin, nous
étions seuls parmi une foule de touristes allongés dans l’herbe, en train de boire
du vin et des coupes de prosecco.
Nous les dépassâmes en vitesse, la majesté de la Tour Eiffel me coupait le
souffle. J’avais toujours rêvé d’y aller, mais ce n’était alors q’un rêve.
Je regardai Ethan pour voir s’il partageait mon étonnement, ce n’était pas la
Tour Eiffel qu’il regardait, mais moi. Il me serra la main affectueusement.
« Prête pour l’ascension ? » demanda-t-il.
J’acquiesçai, les mots qu’il avait prononcés la nuit dernière étaient toujours
présents dans mon esprit.
Une femme s’approcha de nous avec un immense sourire.
« M. Carter ? »
Il lui adressa un petit signe de la main et elle nous conduisit sur le côté.
« Où va-t-on ? » demandai-je, réalisant qu’il n’y avait pas de queue. « Où
sont les autres ?
– Par ici je vous prie », dit la femme par dessus son épaule.
Nous la suivîmes en silence, mon ventre faisait des bonds lorsque nous nous
approchâmes de l’ascenseur.
Elle nous fit monter à l’intérieur et dit à Ethan :
« C’est ici que je vous laisse M. Carter. Bon voyage, mes collègues vous
attendent au premier étage.
– Merci. »
Elle ferma la porte et nous entamâmes notre ascension. J’allai à la fenêtre
pour contempler Paris tandis que nous montions toujours plus haut.
Il vint par derrière et m’enlaça, je pensais qu’il allait dire quelque chose ou
tenter un rapport sexuel, mais il garda le silence et me contemplait en train de
regarder le monde sous nos pieds.
Comme la femme l’avait indiqué, nous nous arrêtâmes au premier étage pour
changer d’ascenseur.
« Je croyais que c’était l’une des attractions phares en Europe ? » dis-je à
Ethan tandis que nous marchions sur le sol vitré, les gens en bas semblaient
minuscules.
Il hocha doucement la tête, me saisit le bras et m’embrassa.
« Promets-moi que quoiqu’il se passe ce soir, ce ne sera pas la dernière fois
que je t’embrasse », me dit-il après s’être reculé.
« Ethan… », je touchai mes lèvres, là où il m’avait embrassée, je reculai un
peu.
Il me regardait intensément, ses yeux cherchant à décrypter mes pensées.
« Promets-le moi, Abbiggail, m’interrompit-il. Promets-moi que ce ne sera
pas la dernière fois. »
Ses mots me firent un peu peur, je regardai la vue qui nous entourait.
« J’ignore ce qu'il se passe, murmurai-je. Je ne sais pas de quoi tu parles ni
ce qu'il va se passer, mais c’est promis, ok ? Je te promets que cette soirée ne
sera pas la dernière. »
Il me regarda un moment et j’eus l’impression qu’il essayait de me sonder
pour voir si je disais vrai, il s'empressa de passer son bras autour de ma taille et
me conduisit jusqu’au second ascenseur.
Je le regardai pour décrypter son expression, j’avais une sensation
désagréable, je craignais qu’il ne m’ait fait monter dans la Tour Eiffel pour
m’annoncer que tout était fini entre nous. Cet instant magique perdit subitement
tout son charme, ce que je voulais par dessus tout, c’était qu’il m’aime. Je
voulais qu’il m’aime et qu’il reste avec moi, je ne savais pas si j’arriverais à être
à ses côtés tout en faisant semblant de ne pas l’aimer, alors qu’en vérité, je
l’aimais. Je voulais qu’il ne soit rien qu’à moi, et je voulais être sienne.
Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur un dernier étage déserté, je sortis en
silence, étonnée de voir qu’une table parfaitement décorée nous attendait et
qu’un serveur nous souriait chaleureusement.
« C’est pour nous ? » demandai-je en me tournant vers Ethan.
Il acquiesça tranquillement et me fit signe d’avancer.
J’avançai, on prit ma veste.
« Je n’arrive pas à croire que nous allons dîner ici ! » J’étais estomaquée
devant la magnifique vue à 360°, entourée par les lumières de Paris.
Ethan posa une main légère et ferme à la fois sur mon dos, il parvenait
toujours à ses fins.
« Tu as organisé tout ça pour moi ? » lui demandai-je.
Il répondit à voix basse.
« Il y a tant de choses que j’aimerais partager avec toi…
– Vraiment ? »
Il ne répondit pas mais me guida vers la table, il me présenta la chaise afin
que je m’asseye, déposa un baiser sur mon épaule et s’assis à mes côtés. On
nous servit les entrées que nous dégustâmes en silence. Je le regardai à la
dérobée, quelque chose clochait.
Il saisit mon regard et but du champagne.
« Les mets te plaisent ? demanda-t-il, préoccupé.
– C’est parfait », murmurai-je.
Il s’essuya les lèvres et reposa la serviette près de son assiette.
« Abbiggail, tout va bien ?
– Oui », mentis-je, le meilleur cadeau que je puisse me faire était d’être
honnête. Je n’aurais jamais cru pouvoir un jour faire confiance au type d’homme
qui était en face de moi ce soir, mais c’était la seule personne au monde à
laquelle je tenais – l’alchimie entre nous était indéniable. Si notre histoire était
terminée, je devais le savoir. Je devais le savoir parce que si nous ne devions pas
faire qu’un, inutile de se leurrer, je n’avais pas envie de l'entendre dire que tout
était fini.
Je posai mes couverts qui heurtèrent les assiettes en porcelaine.
« Ethan… », dis-je calmement, effrayée à l’idée de prononcer ces mots.
« Abbiggail ? » répondit-il en posant sa main sur la mienne, ce qui rendit la
chose encore plus difficile.
Il avait dû voir mon expression solennelle et serra ma main pour me rassurer.
« Je crois que je ne peux pas », dis-je, la gorge nouée par l’émotion.
« Tu ne peux pas quoi ? demanda-t-il. C’est à cause de la hauteur
? Tu n’aimes pas les plats ? Que puis-je faire ? » J’inspirai
profondément.
« Ça », dis-je en montrant tout ce qui nous entourait, lui y compris. « Je ne
peux pas être assise ici et faire semblant de nier mes sentiments.
– Et que ressens-tu ?
– Plein de choses ! » J’étais trop émotive, j’allais ficher en l’air la soirée
romantique qu’il avait organisée mais c’était plus fort que moi. Je ne pouvais
réprimer ce sentiment de blessure qui m’envahissait.
« Dis-moi », m’exhorta-t-il sans lâcher ma main.
« J’ai l’impression que tout va se casser la figure. J’ai beau me dire qu’il ne
faut pas que je m’attache et que notre histoire n'est que temporaire, à chaque fois
que je te vois et à chaque fois qu’on…
– A chaque fois qu’on quoi ? » demanda-t-il, ses yeux plantés dans les miens,
alors qu'il serrait ses mâchoires et fronçait ses sourcils. Merde, il était furieux à
cause de moi.
« C’est purement sexuel pour toi », dis-je, le souffle court. Je l’avais enfin
verbalisé et je ressentis à présent comme un coup de poing dans le ventre. « Tu
veux avoir l’ascendant sur moi. Je suis la personne supposée rendre ta maman
heureuse – mais pour moi, c’est comme si à chaque fois que je te faisais l’amour
ça me…
– Comment sais-tu ce que j’éprouve ? » demanda-t-il en approchant sa
chaise. « Tu essaies d’imaginer ce que je ressens à chaque fois que je te
touche… ? »
Il s’arrêta et se racla la gorge, le serveur s’approcha et emporta nos assiettes.
J’attendis qu’il soit parti pour parler.
« Tu es Ethan Carter. Tu es un homme formidable, tu peux avoir tout ce que
tu désires, et ça tombe sur moi. Je ne suis pas jolie. Je n’ai pas de famille, et
certainement aucun sex appeal. Qui serait assez stupide pour vouloir m’épouser
? »
Il secoua la tête et se pencha vers moi, il avait l’expression la plus sérieuse
que je ne lui avais jamais vue.
« Tu as raison. Je suis assez riche pour m’offrir tout ce que je désire, mais il
manque une chose dans ma vie Abbiggail…
– Quoi ? » demandai-je, la voix tremblante sous l’intensité de son regard.
« L’amour. J’ai de l’argent, des voitures, des maisons et un nombre
incalculable de personnel à mes ordres, mais je n’ai pas d’amour, Abbiggail. Je
ne t’ai pas toi…
– Moi ?
– Tu incarnes tout ce que je désire, ça n’a rien à voir avec le contrat, ou notre
accord ou la maladie de ma mère. J’aime ta joie de vivre, j’aime ta manière de
voir les choses avec un œil neuf. J’aime t’aimer, j’aime notre relation, tu es la
seule personne pour laquelle j’avais envie de faire tout ça, de t’emmener à
Paris. »
Je m’appuyai contre le dossier de ma chaise, sa déclaration me laissait sans
voix, j’avais cru mourir, j’avais bien failli partir et ne plus jamais revenir.
« Je ne comprends pas… dis-je dans un souffle.
– Il n’y a rien à comprendre. » Il s’arrêta tandis qu’on apportait nos plats,
mais nous n’y prêtâmes pas attention. « Je ne peux pas décrire ce que je ressens
pour toi Abbiggail. Je ne sais pas comment l’expliquer, c’est toi que je veux, la
surprise qu’on organisait…
– Ne dis rien, l’interrompis-je. Si c’est si important pour toi alors garde le
secret et fais ce que tu as prévu. J’ai confiance en toi Ethan… »
Un sourire émailla son visage, il posa ses doigts sur ma nuque et m’attira à
lui.
« J’ai toujours rêvé de te l’entendre dire », dit-il et il posa ses lèvres sur les
miennes. Je l’enlaçai, je rayonnai de bonheur, je me reculai, ivre de joie.
« Ce n’est pas tout, dit-il en m’aidant à me lever.
– Où allons-nous ? » demandai-je.
Il ne répondit pas mais adressa un signe au serveur, il me guida dans la
direction opposée à ce vaste espace qui surplombait les jardins. J’en avais le
souffle coupé.
Ethan fit en sorte que je sois face à lui, il embrassa le coin de ma bouche et
passa ses doigts dans ma chevelure.
« Il faut que tu comprennes quelque chose », dit-il d’une voix basse et ferme
à la fois. « Je te donnerai tout ce que je possède Abbiggail. Je passerai ma vie
entière à te défendre et à te protéger de tout mon être. Tu comptes plus que tout,
je veux passer chaque minute de ma vie à te le prouver…
– Qu’essaies-tu de me dire Ethan ? demandai-je le cœur battant.
– Je veux dire que lorsque ça t’arrive, tout devient possible, je veux que tu
saches que ce que j’éprouve pour toi est si réel et authentique que je ne sais
même pas comment réagir ou m’y prendre, ça me fait peur mais tant que je
t’aurais à mes côtés, tant que tu croiras en moi, j’y arriverai et… »
Il sortit de sa poche une boîte en velours noir, mit un genou à terre et me la
tendit.
« Ethan… ? »
Il l’ouvrit, le plus gros solitaire que j’avais jamais vu étincelait sur le fond
noir. C’était sûrement une plaisanterie.
« Dis-moi que tu m’aimes Abbiggail », ses yeux fixant les miens.« Dis-moi
que tu veux bien m’épouser et me donner une chance de passer le reste de ma
vie à te montrer combien tu comptes pour moi.
– Je… Je… »
Les battements de mon cœur m’empêchaient de parler, je le
regardai.
« Un vrai mariage d’amour ? Un vrai mariage — avec moi ? » Il
acquiesça.
« Tout ce qu’il y a de plus vrai. Je n’ai jamais été aussi sûr de moi de toute
ma vie. »
Des larmes de bonheur me montèrent aux yeux et roulèrent sur mes joues.
« OUI ! » m’écriai-je. « Oui ! Oui bien sûr que oui ! »
Il rit et se leva, me passa l’anneau, je me collai contre lui, l’embrassai, je
n’arrêtai pas de rire, je n’arrivai pas à y croire. Comble de la surprise, le ciel
s’étoila d’un magnifique feu d’artifices. L’horizon était illuminé de toutes les
couleurs imaginables, il m’enlaça et m’embrassa sur le front.
« C’est rien que pour toi, dit-il en me berçant contre lui.
– Je t’aime », murmurai-je, j’appuyai ma tête sur son épaule et admirai le
spectacle devant nous. « Tu ne peux pas imaginer comme ça fait du bien de dire
ces mots pour la première fois, et qu’ils aient du sens. »
Il fit pivoter mon visage vers lui, tout en me regardant dans les yeux.
« Oh, je crois en avoir une petite idée. »
Il m’embrassa à nouveau et m’enlaça, je sentais sa chaleur et son énergie, je
ne m’étais jamais sentie autant en sécurité et désirée de toute ma vie. Je donnai
libre cours à mes larmes tandis qu’il murmurait :
«Je t’aime Abbiggail. Tu ne seras plus jamais seule, je te le promets. »
Le téléphone d’Ethan sonna alors que les derniers feux d’artifices
voltigeaient devant nous. Le prénom de Mélissa s’affichait.
« Réponds », dis-je en lui serrant le bras.
Il répondit en tenant le téléphone collé contre son oreille mais les mots que
j’entendis me glacèrent le sang, le magnifique moment qu’il avait organisé rien
que pour moi volait en éclats.
« C’est maman, Ethan. Il lui est arrivé quelque chose. Tu dois rentrer.
Prends l’avion IMMEDIATEMENT avant qu’il ne soit trop tard. Avant qu’on la
perde ! »
Il me regarda, les yeux emplis d’une émotion indéfinissable, je secouai la
tête, incrédule, je savais à cet instant précis que tout pouvait changer selon la
progression de sa maladie, mais avec Ethan à mes côtés, j’étais prête à tout.

Chapitre Seize

Abbiggail

« Où est-elle ? » demanda Ethan en traversant le hall en direction de la
réception.
La jeune infirmière le regarda par dessus le comptoir, son trouble contrastait
avec le protocole de l’hôpital.
« Je suis désolée monsieur. Les visites ne sont pas autorisées…
– J’ai dit, où est-elle ? » Il baissa la voix, furieux. « Barbara Carter. Quelle
chambre ? »
La pauvre infirmière chercha sur son registre, elle tournait les pages à toute
vitesse tandis que ses joues s’empourpraient, je lui adressai un sourire de
sympathie en guise d’excuse silencieuse, Ethan n’était pas dans ses bons jours.
C’était le cas depuis que Mélissa l’avait appelé à Paris et c’était compréhensible,
tout ce qu’il avait compris c’était que sa mère s’était subitement évanouie.
Personne au monde ne pourrait l’empêcher d’arriver jusqu’à elle, et cette pauvre
fille commençait tout juste à le comprendre.
« Heu, chambre douze », balbutia-t-elle, « mais je crains qu’il y ait déjà du
monde dans la chambre… Monsieur ? »
Il s’éloigna du comptoir en comptant les numéros sur les portes mais s’arrêta
net lorsqu’il s’aperçut de mon absence.
« Abbiggail ? » Il se retourna dans ma direction, la confusion et la frustration
se lisait sur son beau visage. « Tu ne viens pas ?
– Il vaudrait mieux que tu y ailles tout seul. C’est une affaire de famille et je
ne connais pas vraiment ta maman. Je ne veux pas m’immiscer… »
Il vint vers moi, me donna la main et me guida vers la chambre.
« Tu seras bientôt ma femme Abbiggail », dit-il avec fermeté. « J’ai besoin
de toi, plus que jamais. Tu es ma famille maintenant. »
Je lui serrai la main en signe d’affirmation et nous marchâmes ensemble
jusqu’à la chambre numéro douze.
Il s’arrêta devant la porte et regarda le numéro inscrit dessus, je lui jetai un
coup d’œil. C’était l’homme le plus puissant et le plus exigeant que j’avais
jamais rencontré, mais maintenant, même après sa déclaration romantique à
Paris, je percevais une autre facette de sa personnalité. Une facette tout en
vulnérabilité, il savait qu’une fois la porte franchie, le point de non retour serait
atteint. Il allait constater de lui-même dans quel état se trouvait sa mère, et tout
Ethan Carter qu’il était, je savais que ça le touchait. Il pouvait tout supporter…
tout sauf ça.
Je levai ma main, pour une fois c’était moi qui prenait l’initiative, et frappai
fermement avant d’actionner la poignée de la porte. Elle s’ouvrit facilement et
nous pénétrâmes dans la chambre, il relâcha légèrement son étreinte.
La pièce était vaste, éclairée et aérée – tout à fait le type de chambre à quoi je
m’attendais pour soigner la mère d’un milliardaire. Je passai en revue les visages
qui me dévisageaient, j’aperçus Mélissa auprès de sa maman, elle lui tenait la
main, assise (quelle surprise ! ) sur les genoux d’Edward. Elle m’adressa un
sourire triste, les yeux rougis à force d’avoir pleuré.
Barbara était installée dans son lit avec de nombreux coussins blancs, son
expression habituellement souriante avait cédé la place à un visage émacié
marqué par la fatigue et l’épuisement. J’étais infiniment triste, son état de santé
avait vraiment décliné depuis notre dernière rencontre.
« Pas la peine de faire cette tête ! » dit-elle depuis son lit. « Je ne suis
pas encore morte !
– Oh mon dieu ! » se lamenta Mélissa, son visage tout chiffonné
tandis qu’elle retenait ses larmes.
Ethan se leva et lui déposa un baiser sur le front, cela me touchait au plus
profond de mon âme de le voir ainsi, si prévenant et affectueux.
Je me levai et touchai sa main. Elle esquissa un sourire.
« Mel m’a dit que vous étiez à Paris, murmura-t-elle faiblement. Vraiment,
vous n’auriez pas dû rentrer si vite. Pas juste pour moi.
– Tout va bien », dit Ethan avant que je puisse prononcer le moindre
mot. « Que s’est-il passé ?
– Elle a perdu connaissance », dit Mel, toujours assise sur les genoux
d’Edward. « L’infirmière l’a trouvée inconsciente dans le couloir à la maison.
– Inconsciente ? » Il fixa sa mère d’un air courroucé. « Tu devais rester dans
ta chambre. Ordre strict des médecins pour qu’il ne t’arrive rien !
– Ta maman est restée jeune », prononça une femme de l’autre côté de la
pièce. Nous nous retournâmes tous, elle était debout avec un homme à ses côtés,
son mari probablement.
Ils étaient dans la chambre depuis le début et j’avais été si préoccupée par
Barbara que je ne les avais pas remarqués. Je tentai de cacher mon embarras en
leur souriant chaleureusement mais personne n’avait semblé remarquer ma
bévue.
« Voici la soeur de maman, Tante Wendy et son mari Anthony, dit
Ethan, Tante Wendy, Anthony… je vous présente ma fiancée, Abbiggail. »
Ils avancèrent et me serrèrent la main, je remarquai que Wendy avait le
même regard pétillant que Barbara.
« Je suis désolée de faire votre connaissance en de pareilles circonstances »,
murmura-t-elle en me pressant la main.
« Quelles circonstances ! » lança Barbara depuis son lit. « Je me sens bien
malgré tout.
– Dis-lui… » dit Mélissa, en fuyant nos regards. « Maman, tu dois lui dire.
– Dire quoi ? » demanda Ethan, à nouveau morose.
Elle soupira et lui fit signe d’approcher.
« Quoi ? » demanda-t-il, il essayait de garder son calme mais à en juger par
l’air de Mélissa, ça ne présageait rien de bon. Merde.
« Ils ont trouvé une autre tumeur », dit-elle d’un air solennel, sans nous
regarder.
Il secoua la tête et garda son calme.
« Ok. On va trouver une solution. Mary va organiser ton transfert à l’Institut
privé contre le Cancer d’ici la fin de la semaine, tu feras de la radiothérapie et de
la chimio… » Elle lui saisit le bras et secoua la tête.
« Pas cette fois Ethan », dit-elle d’une voix ferme. « Cette fois-ci on
ne peut rien faire. C’est comme ça. » Il refusait de le croire.
« Je vais parler à tes médecins, on va prévoir une intervention chirurgicale
pour ôter la tumeur !
– Maman a une tumeur au cerveau invasive », dit Mélissa, elle laissa
échapper une profonde respiration, comme si elle avait enfin réussi à faire sortir
l’information qu’elle détenait. « Son état ne va pas s’améliorer. Les médecins
disent que… »
Barbara leva la main pour lui dire de s’arrêter et fit signe à Ethan
d’approcher. Je reculai jusqu’à me trouver au niveau de Tante Wendy et
Anthony, je pensais qu’il valait mieux les laisser entre Carter mais ses mots me
clouèrent sur place.
« Ethan, dit-elle doucement, les médecins nous ont annoncé ce matin que la
tumeur diminue grandement mon espérance de vie et…
– Dis-moi », exigea-t-il. De là où j’étais, je pouvais voir ses mâchoires
serrées. J’aurais voulu le prendre dans mes bras. Le consoler et lui dire combien
j'aurais voulu le préserver de tout cela.
Elle essaya de s’asseoir dans le lit, Mélissa se leva d’un bond et l’aida à
disposer les oreillers derrière son dos.
« Combien de temps ? la pressa Ethan. Des mois ? Des semaines ? Des
jours ? Des heures ? » Elle hésita avant de répondre.
« Des semaines. »
Elle avait prononcé ces mots d’une toute petite voix, je voyais la peur dans
ses yeux, elle était bien loin de la femme puissante et sûre d’elle que j’avais
rencontrée à un dîner un mois auparavant. On voyait là tout le pouvoir d’une
sentence de mort sur un être humain.
« Merde ! » aboya Ethan. Il se levant et arpentant la chambre en se tenant la
tête entre les mains. « Merde, merde, merde. »
Je m’approchai doucement de lui et posai ma main sur son bras. Il se raidit,
tourna sa tête vers moi et me regarda, il avait le regard vide et perdu, comme s’il
était ailleurs.
Je reculai pour lui permettre de respirer.
« Des semaines… » répéta-t-il. « Il ne te reste que des semaines à vivre ?
Qu’est-ce que j’en ai à foutre de semaines ? C’est pas assez. On nous avait parlé
de mois !
– Ethan…
– Non, je veux un deuxième diagnostic. Regarde-toi, tu t’es évanouie mais tu
vas bien maintenant. On ne dirait pas quelqu’un qui va mourir dans quelques
semaines. » Il se tourna vers Mélissa, sa blessure se muait en colère. « Donnez-
moi le nom et les coordonnées du médecin qui a fait ce diagnostic. Je vais le
rencontrer et...
– ÇA SUFFIT ! » essaya de crier Barbara depuis son lit. « Ça suffit, ok ? Peu
importe que ce soit deux semaines ou deux mois, ce qui compte le plus pour moi
c’est que vous soyez heureux. C’est mon unique préoccupation. C’est fini pour
moi maintenant, et je ne veux pas gaspiller le peu de temps qui me reste à vous
entendre vous disputer. Partez maintenant. Tous.
– Maman… » balbutia Mélissa, blessée.
Elle ferma les yeux ; la conversation était terminée.
Ethan s’arrêta et inspira profondément.
« Ok, je pars. » Il s’approcha et l’embrassa sur la joue, les autres firent de
même, puis sans un mot, il quitta la chambre à grandes enjambées.
Je me dépêchai de le rejoindre, je dus presque courir dans le couloir pour le
suivre, il marchait d’un pas rapide.
« Tu vas t’arrêter oui ? » dis-je, mes talons m’empêchant d’aller plus vite.
Il se tourna vers moi, la frustration se lisait sur son visage tandis que je
m’approchai de lui.
« T’allais partir et me laisser en plan ? »
Il ignora ma question, me prit la main et me tira littéralement à l’extérieur du
centre médical, dans la fraîcheur de la nuit.
Je ne dis mot, cela aurait été déplacé au vu de sa réaction. A ce moment
précis, il avait seulement besoin d’une compagne à ses côtés. Il avait besoin de
moi, un point c’est tout.
Daniel amena la voiture, il m’ouvrit la porte et s’engouffra derrière moi.
Tandis que la voiture s’éloignait dans la circulation je lui pris la main et la lui
pressai, il savait que j’étais là et que je serai là quoiqu’il advienne.

La voiture s’arrêta devant la maison des Hamptons après un long voyage qui
se déroula en silence, mais au lieu d’entrer pour se reposer, Ethan me prit par la
main et m’entraina sur le petit sentier qui menait à la plage.
Les vagues léchaient doucement le rivage, nous marchâmes au bord en
essayant de ne pas nous faire mouiller, puis il s’arrêta et me fit asseoir.
Nous restâmes un moment sans parler à regarder l’obscurité devant nous puis
il se tourna vers moi, je voyais le vrai Ethan.
« Je suis désolé, dit-il simplement.
– Ne sois pas désolé », répondis-je, en posant ma tête contre son épaule. « Je
te comprends.
– C’est ma mère bordel, dit-il incrédule. Elle n’a plus que quelques semaines
à vivre et… putain ! »
J’acquiesçai et caressai son dos, rien n’aurait pu le consoler.
« C’est une battante, murmurai-je. Elle a cette force intérieure.
– On parle du cancer, rétorqua-t-il. Elle peut se battre tant qu’elle voudra, ce
salaud ne la lâchera pas. »
Il ramassa un coquillage sur le sable et joua avec, puis il se tourna pour me
regarder et me dévisagea.
« Si seulement j’avais plus de temps. Il y a tant à faire et tant à apprendre
ou… je voudrais juste avoir du temps. Les gens pensent que l’argent fait tout, ce
n’est pas vrai. Je ne peux pas acheter ce qui compte le plus au monde pour moi.
– C’est quoi ? » demandai-je calmement, ma main posée sur sa jambe.
« Le temps. J’achèterais tout le temps possible et imaginable. Je l’achèterais
en entier. Je donnerais tout mon argent si ça pouvait lui rendre la santé. Si je
pouvais la garder en vie.
– Tu es adorable. Si seulement les autres connaissaient cette facette de ta
personnalité. Si seulement ils connaissaient ce “toi” qui est là, assis à côté de
moi, ils te comprendraient mieux.
– Si c’était le cas, je ne serai pas là où j’en suis aujourd’hui. »
Je caressai son visage, il se raidit puis se détendit, je lui touchai la nuque
comme il me l’avait fait bien des fois.
« Allons de l’avant », dis-je en pressant mon front contre le sien. « Faisons
ce qui était prévu.
– C’est à dire ?
– C’est à dire, marions-nous ! Tu peux organiser un mariage de rêve pour ta
maman. Mettons notre plan à exécution et rendons-la heureuse.
– Je ne sais pas, soupira-t-il. On ne sait pas comment va évoluer sa maladie.
Je…
– A ton tour de me faire confiance », murmurai-je, en l’interrompant et en
posant un doigt sur ses lèvres, surprise par mon audace et mon assurance. « Tout
peut arriver. Tu dois juste me faire confiance. »

Chapitre Dix Sept

Ethan

Edward revint avec nos verres et les plaça en face de nous.
« Témoin, c’est ça ? » demanda-t-il en hochant la tête. « Je suis très
honoré que tu m’aies choisi bien sûr. » Il me serra la main en riant et but
une gorgée de vin.
« Ça peut paraître précipité mais tu connais les circonstances. Mieux vaut
tout organiser tant qu’elle est encore parmi nous.
– Ouais bien sûr, je suis dévasté. Quand Mel m’en a parlé, j’ai été choqué, je
croyais qu’il lui restait au moins un an et… » Il s’arrêta de parler et regarda
autour de lui. « Tu vas faire une déclaration ? »
Je secouai la tête. Je ne voulais surtout pas que la presse vienne aux
nouvelles de ma mère malade et plante ses caméras devant l'hôpital, épiant mes
allées et venues.
Un groupe de filles blondes s’appuya en bout de table et nous interrompit.
« Deux hommes ne devraient jamais boire seuls », dit la plus sûre d’elle à
Edward. « On est allés à l’école ensemble non ? »
Il secoua la tête.
« Nooon, sinon je m’en serai rappelé. »
Elle sourit et se lécha les
lèvres.
« Alors on a travaillé ensemble ? Dîné dehors ? Un rencard ?
– Rien de tout cela », répondit Edward en buvant son verre. Je m’aperçus que
quelque chose avait changé. Normalement il adorait les femmes et me tannait
pour que je discute avec ses amies mais cette fois-ci, il semblait distant et
inabordable.
La blonde continua d’énumérer une liste de lieux où ils auraient pu se
rencontrer puis elle rit stupidement et ôta sa main du bras d’Edward. « Vous êtes
célèbre ?
– Je suis pris, rétorqua-t-il, allez prendre un verre au bar. Dites-leur que c’est
de la part d’Edward Hewitt. »
Elle parut totalement surprise et se détourna, emmenant sa clique dans son
sillage.
« Tu es pris ? » demandai-je, sa vie amoureuse avait toujours été un sujet de
distraction à mes propres soucis.
Il haussa les épaules.
« Je sais pas, peut-être. J’ai rencontré quelqu’un, c’est que le début et…
– Attends, c’est pas Mel alors ? Hier j’ai cru…
– Je ne vais pas oublier les moments qu’on a passé ensemble, nous sommes
juste bons amis.
– Elle est au courant pour l’autre femme ? »
Il rit.
« Hé, arrête de jouer le grand frère protecteur ! Elle sait qu’on est amis, rien
de plus. C’est tout ce qu’elle a besoin de savoir d’ailleurs, on ne se fréquente que
depuis quelques jours et elle…
– Tu me la présentes ? On organise un rendez-vous ou autre chose ?
– C’est trop tôt, répéta-t-il. De toutes façons, tu as un mariage à organiser. Ce
doit être ta priorité. »
Il avait raison, j’avais une envie folle d’épouser Abbiggail mais je me
demandais si le fait de précipiter la cérémonie était une bonne idée. Je sais
qu’elle avait dit ça pour ma mère et je lui en étais reconnaissant, mais je voulais
que ce soit une journée spéciale pour elle aussi. Je voulais que ce mariage soit
inoubliable.
« Alors, quel effet ça fait de penser que tu seras un homme marié dans
quelques semaines ? T’as la frousse ? »
Je songeai un moment à ce que j’avais ressenti pour Abbiggail lors de notre
séjour à Paris, avec les feux d’artifices, la douceur de sa main dans la mienne et
son regard, elle était mienne.
« Alors ? » me pressa Edward. « Des remords ?
– Absolument pas. » Je souris et bus mon verre. « J’ai hâte de lui donner une
famille. Il n’y a rien de plus noble. »
Chapitre Dix Huit

Abbiggail

Je sortis de l’ascenseur à l’étage du bureau d’Ethan, je fus accueillie par une
foule de visages qui surgirent de derrière leur ordinateur. Primo, Ethan avait
choisi ma tenue et secondo, son bureau était situé à l’extrême opposé, je devais
donc tout traverser
Mes talons raclaient le tapis épais, je me forçais à regarder droit devant moi,
essayant de refouler mon inconscient qui m’exhortait à me réfugier pour me
cacher dans les toilettes les plus proches.
« Abbiggail ? » Mary se précipita vers moi. « Ethan vous attend dans son
bureau.
– Ah, super ! Merci ! »
Elle me montra la direction, comme si j’avais oublié où il se trouvait.
« Je vous rejoins. J’ai des coups de fil à passer. »
Elle sautilla sur ses talons et je poursuivis vers le bureau, frappai à la porte et
l’ouvris.
Il regarda par dessus son ordinateur et se leva dès qu’il m’aperçut, il me fit
signe de m’asseoir sur le canapé où nous avions fait l’amour quelques semaines
auparavant.
« Thé ? Café ? Jus de fruits ? » demanda-t-il en désignant les boissons sur la
table.
« De l’eau s’il te plaît. »
Il remplit un verre et vint derrière moi pour ôter mon manteau.
« Tu as l’air tendue », murmura-t-il, en posant ses lèvres sur ma
nuque. « Tout va bien ? »
J’acquiesçai, me tournai vers lui et l’embrassai sur la
bouche.
« Oui vraiment, tout va bien », dis-je après un petit moment.
Il acquiesça, satisfait et m’enlaça étroitement.
« Je sais que je t’ai négligée depuis cette nuit à l'hôpital, mais ça va
changer », dit-il sur un ton ferme. « On organise le mariage et après on s’occupe
de nous. On prendra l’avion pour aller où tu voudras...
– N’importe où ?
– N’importe où. »
Il m’embrassa, me prit par le bras et me posa sur le bureau, heurtant
accidentellement au passage des objets qui tombèrent au sol.
« Ethan, Mary sera là d’une minute à l’autre… » dis-je en riant
nerveusement.
Il souleva ma jupe sur mes cuisses.
« Alors on a peu de temps », dit-il d’une voix basse et rauque. « Tu
n’imagines pas l’effet que tu me fais en venant me voir habillée de cette façon.
– Et qu’est-ce que je te fais ? » dis-je avec une innocence feinte.
« Oh mon dieu ! » il rugit et pressa ma main contre lui « Retire ton
haut !
– Mais…
– Retire-le. Je veux te voir. »
Je découvris mon ventre, ses yeux emplis de désir étaient posés sur mon
corps, il attendait de voir mes seins, mais Mary frappa à la porte et il stoppa net.
« Merde ! » maudit-il, il recula et remis ma jupe en place. J’eus à peine le
temps de me redresser et de remettre mon haut qu’elle entrait en trombe avec sa
tablette.
Je regardai la protubérance sous le pantalon d’Ethan alors qu’il se réfugiait
derrière le bureau pour la cacher.
Je ris légèrement et il m’adressa un petit sourire, Mary était à cent lieues
d’imaginer notre petit tête à tête sur le bureau.
« Le wedding planner arrive ! » dit-elle en nous regardant. « J’ai préparé les
documents que vous m’aviez demandés sur les sites d'exception. »
Elle s’assit sur une chaise et referma sa tablette.
« Je sais que c’est précipité », dit Ethan à nouveau. « Merci pour votre
aide. »
Elle acquiesça et sourit mais au fond elle n’était pas vraiment convaincue,
j’espérai qu’elle comprenait que les choses étaient différentes désormais. Elle
avait l’habitude de gérer les crises des autres femmes qu’Ethan avait séduites et
laissées tomber, mais ça c’était avant – avec moi il était différent, c’était un autre
homme désormais.
Nous nous assîmes toutes les deux et regardâmes Ethan taper furieusement
sur son ordinateur mais notre attention fut attirée par quelqu’un qui frappait à la
porte.
« Oui ! » dit-il depuis son bureau. « Entrez ! »
La porte s’ouvrit et Scott, le wedding planner, fit son entrée. Lorsqu’il
aperçut Ethan, il ouvrit grand ses mains.
« Oh, mon dieu ! J’arrive pas à croire que tu te maries enfin ! »
Il rit et tendit sa main pour serrer celle de Scott, qui l’attira à lui pour lui
donner l’accolade. Ethan se tourna vers moi, sa main toujours posée sur l’épaule
de Scott.
« Cet homme est le “wedding planner des stars,” mais on se connaît depuis
longtemps. Nos parents sont amis depuis toujours. »
Scott acquiesça tout sourire, mais son sourire s’évanouit et il se tourna vers
Ethan.
« Comment va-t-elle? Je sais que ça doit être dur pour ta famille en ce
moment, je te promets que je ferai de mon mieux pour que ce soit une journée
inoubliable.
– J’apprécie », répondit Ethan simplement, se rasseyant à son bureau. Ce
n’était pas le genre à parler de ses affaires en public, et je savais que le sujet
concernant sa mère était particulièrement sensible. Il prit son stylo et nous
regarda.
« Bon, on commence ? » Scott s’assit sur la chaise en face de nous et prit un
gros dossier dans son sac.
« Bon, j’ai parcouru les sites que Mary m’a envoyés, et j’ai dressé une liste
des lieux disponibles rapidement et susceptibles d’accueillir le nombre d’invités
requis. Vous avez l’embarras du choix. »
Il poussa le dépliant devant nous afin que nous puissions le parcourir. Il se
composait de plusieurs pages avec des photos de demeures magnifiques, avec
leur aménagement intérieur et leur prix. J’essayai de ne pas regarder les
montants mais c’était plus fort que moi, je craignais qu’Ethan ne les trouve hors
de prix.
Je lui jetai un coup d’oeil pour juger de sa réaction, mais ça n’avait pas l’air
de l’inquiéter. Il s’aperçut que je le regardai et il se retourna.
« Qu’en penses-tu ?
– Je… J’adore », dis-je doucement, « Le prix est… »
Il rit et me toucha la jambe sous la table.
« Abbiggail, je te donnerais le monde si je le pouvais. Choisis un lieu où tu
aimerais qu’on échange nos voeux. »
Je parcourus à nouveau la liste. Tout était magnifique, j’étais l’une des rares
femmes au monde à pouvoir choisir un site aussi facilement que de compter
jusqu’à trois.
« Celle-là. » Je montrai un grand manoir beige de type palladien,
avec des colonnes et une grande porte noire.
« Hé, super choix ! » acquiesça Scott. « Ça te convient Ethan ?
– Tout ce qu’elle voudra.
– Super. » Il tourna le dépliant vers lui. « Voici le Astoria Hall. Les
propriétaires sont super et très accommodants. Vous aurez une suite nuptiale et
un endroit pour la famille de la mariée...
– Parlons chiffres », interrompit Ethan, il changea de sujet et pressa ma
jambe sous la table.
« Mary doit avoir la liste des invités.
– Parfait. »
Mary tendit à Scott la clé USB qu’elle avait dans la main.
« Ethan a sélectionné cent soixante dix invités pour la cérémonie et la
réception, et une centaine de plus pour la soirée.
– J’adore », répondit-il, en la rangeant dans son sac. « Leurs noms et
adresses sont dessus ? » Elle fit signe que oui.
« Nous avons choisi des faire-parts simples étant donné que la date approche,
je les enverrai dès qu’ils seront prêts chez l’imprimeur demain. »
Il acquiesça et nota tout sur son agenda.
« Super, ouais, génial. Ok, je vais vous laisser ce nuancier ce soir, je vous
appellerai demain pour avoir votre réponse, puis je choisirai les fleurs et… il
ouvrit un autre dossier, « j’ai trouvé un traiteur génial et disponible pour le jour
J.
– Et le menu ? demanda Ethan.
– Le voici. »
Il nous le tendit et nous étudiâmes les options. Je savais que c’était un
mariage de la haute société et qu’il y aurait du beau monde mais l’idée d’une
minuscule tartelette au fromage de chèvre en guise de hors-d’œuvre ne
m’intéressait pas le moins du monde, surtout au vu des prix astronomiques.
« Je ne sais pas trop… » dis-je en en lisant un autre. « J’aimerais quelque
chose de plus… copieux. Je ne veux pas en mettre plein les yeux, j’aimerais
quelque chose de plus…
– Vous voulez que vos invités s’amusent c’est ça ? Pas trop chic, juste
normal. Pas de caviar, ni de homard…? »
J’acquiesçai et il sourit, adressant un clin d’oeil à Ethan.
"Tu l’as bien choisie, elle est plus fourmi que cigale. » Il griffonna d’autres
notes et reprit le dépliant. « Je vous fais parvenir une nouvelle liste par email
d’ici ce soir. J’ai bien cerné vos attentes, ne vous inquiétez pas. »
Je me rassis, soulagée, je prenais subitement conscience qu’en dépit de mon
poids, j’avais commandé des plats plus copieux, mais j’avais confiance en moi :
grâce à Ethan, je me sentais la femme la plus sexy du monde. Il aimait mes
formes et tout ce que je détestais chez moi. Il y avait de quoi vous redonner
confiance non ?
Ethan ôta sa main de ma cuisse et la posa, protecteur, sur le dossier de ma
chaise.
« Bien », dit-il en prenant le stylo de son autre main, « concernant les
dépenses, Mary te réglera à la demande. Nous allons avoir besoin de dragées,
bougies, centres de table et un bar à volonté. Abbiggail et moi aimerions que ce
soit coordonné avec la couleur que nous aurons choisie.
– Oui bien entendu.
– Je vais organiser une pièce spéciale pour Barbara. Nous avons prévu une
infirmière, elle sera assise confortablement, pensez-y lorsque vous réserverez les
tables. Rendez-vous dans quelques jours pour valider ce que vous aurez choisi,
ajouta Mary.
– Oui c’est parfait », dit Scott, qui prenait toujours des notes.
« Il faudrait que je te vois en privé », dit Ethan sans me regarder. « On a des
choses à voir ensemble, afin que tu saches comment se déroulera le jour J. »
Je le regardai d’un air soupçonneux, mais il fuyait mon regard. Je voulus
parler mais Mary avait changé de sujet de conversation, je réalisai soudainement
que ce mariage était bien plus important que prévu.
Je n’étais qu’une femme partageant son appartement, une soi-disant amie qui
détestais l’amour et passais d’une relation à l’autre, et voilà que je me retrouvais
assise dans le bureau de mon fiancé avec son assistante et un wedding planner,
en train d’organiser le plus beau jour de ma vie !
La réunion se terminait : nous devions lui faire part de nos choix pour les
menus et la couleur de notre thème préféré ; Mary raccompagna le wedding
planner.
Une fois partis, le silence retomba dans la pièce, je me levai et allai à la
fenêtre regarder New York à nos pieds et l’horizon face à moi.
L’organisation et l’excitation du mariage, marcher vers l’autel avec Ethan,
tout était gâché : je n’avais personne avec qui partager ce moment.
Je n’avais pas de sœur pour m’accompagner essayer des robes de mariée
pendant des heures ou feuilleter des magazines de mariage, je n’avais pas de
mère ni d’amis pour me donner leur avis. Pire encore, je n’avais personne pour
me conduire à l’autel – même pas un oncle ou un cousin éloigné. Je n’avais
personne. Je l’avais toujours su. J’avais toujours su que je faisais cavalier seul,
ça me faisait encore plus de mal maintenant que j’allais me marier.
Ethan vint derrière moi et posa ses mains vigoureuses sur mes épaules.
« A quoi tu penses ? » murmura-t-il à mon oreille. « Tu es tendue. »
J’inspirai profondément et m’appuyai contre son corps, pas certaine de
vouloir tout ficher en l’air en lui ouvrant mon cœur. Quel homme supporterait de
se voir constamment rappeler la tristesse de sa future femme ?
Il fit en sorte que je le regarde, ses yeux cherchaient résolument les miens.
"Je sais à quoi tu penses », dit-il en entrelaçant ses doigts avec les miens, son
regard dur fit battre mon cœur plus fort. Je ne me lasserai jamais de le regarder,
je le savais, chacun de ses contacts me procurait une vive émotion.
Il avança vers moi, réduisant l’espace entre nous, il toucha ma nuque et passa
ses doigts dans mes cheveux.
« Ne dis rien, dit-il sérieusement. Tu n’es pas seule, sache-le. Tu m’as
maintenant, je ne te laisserai jamais Abbiggail. Tu ne passeras plus jamais une
seule minute de ta vie seule, je te le promets. »


Chapitre Dix-Neuf

Abbiggail

J’avais choisi exprès un restaurant excentré où retrouver Heather et son
copain afin de dîner tranquillement et d’éviter le stress des paparazzi pendant le
repas. Pour me fondre dans la masse, j’avais demandé au chauffeur de taxi de
me laisser à l’angle, afin que je puisse me rendre au restaurant comme tout le
monde, à pied.
Mon téléphone sonna et je fis comme si je n’avais pas entendu, je ne voulais
pas répondre dans la rue, seule dans une rue excentrée, mais c’était peut-être
Ethan au sujet de sa mère. Je m’arrêtai de marcher, me dirigeai vers une
boutique de vêtements et décrochai. C’était Heather.
« Abbiggail c’est toi ?
– Oui c’est moi, vous êtes arrivés ? Je suis juste à l’angle.
– Abbiggail, y’a un problème, dit-elle rapidement. Je suis désolée mais Bruce
est à l’hôpital, je pars le rejoindre.
– Merde, il va bien ?
– J’espère. Il s’est vautré en vélo, je ne vais pas pouvoir venir. »
Bruce était blessé, à sa place j’aurais fait pareil.
« Tout va bien je t’assure. Ce n'était qu'un repas avec Ethan et moi.
– Il est là ? Je suis vraiment désolée.
– Ne t’inquiète pas, il serait arrivé en retard de toutes façons. »
Elle soupira de soulagement.
« Ok, passez nous voir avant votre mariage d'accord ?
– Bien sûr. Dis à Bruce que je pense à lui, j'espère que tout ira bien.
Salut.
– Je le ferai, merci. Salut. »
Je raccrochai et rangeai le téléphone dans mon sac, c’est alors que je vis un
homme avec son appareil photo pointé dans ma direction.
Zut !
Je tournai à l’angle et marchai vers le restaurant, il me suivait. Je ne pris pas
le temps de m’arrêter pour réfléchir à la situation mais lorsque je fus hors de sa
vue, je me mis à courir, espérant le semer.
Je continuai, espérant trouver une sortie de secours ou du personnel, mais je
ne trouvais rien, j’entendis des pas et des voix derrière moi.
Je me retournai pour les affronter, la peur au ventre, j’étais seule face à eux.
Merde !
Des paparazzi m’entouraient de toutes parts et j'étais seule, sans Ethan, je
sentais la panique m’envahir peu à peu.
« Que pensez-vous de sa famille ?
– Vous vous mariez parce que vous êtes enceinte ?
– Est-ce que sa maman pense que vous êtes une profiteuse ?
– Abbiggail, qu’avez-vous de plus que les autres femmes n’ont pas ?
Pourquoi vous ? »
Je traversai la foule et gardai la tête baissée pour éviter leurs flashs. Tout ce
que je voulais c’était monter dans le taxi et rentrer à la maison. Je voulais fuir ce
climat de folie engendré par ma soudaine popularité.
Je fuyais la foule et me hâtai vers le trottoir mais ils me suivaient — à côté,
derrière, devant moi, certains me prenaient en photo de face.
« Dégagez ! » criai-je en vain. Ma voix était couverte par la foule en délire.
Je regardai les boutiques de mon côté, espérant en trouver au moins une
ouverte, mais elles étaient toutes fermées et même si j’avais voulu, je n’aurais
jamais réussi à ouvrir la moindre porte.
On me tombait dessus, le poids de la foule dans mon dos m’effrayait. Je
tombais contre quelqu’un, ce qui ne passa pas inaperçu au vu des flashs des
appareils photos.
J’étais prise au piège.
« Arrêtez ! » leur criai-je. Je n’avais pas d’autre solution que de me frayer un
passage de force mais plus je poussais, plus la foule se refermait sur moi.
J'étais à court d’idées ; tout ce que je pouvais faire c’était rester là et les
laisser prendre toutes les photos qu’ils voulaient.
Je pris mon téléphone dans mon sac pour appeler la police lorsque soudain,
la foule de paparazzi s’écarta et j’entendis crier.
Leurs objectifs crépitèrent encore plus frénétiquement, excités au possible. Je
compris leur regain d’énergie. C’était Ethan, il en attrapa un par la veste.
Je courus vers lui et lui saisis le bras.
« Laisse tomber ! Sors moi de là ! »
Il me regarda, sa colère disparut à ma vue, mais un photographe situé
derrière me poussa sans faire exprès, ce qui raviva sa colère.
Les autres photographes canardaient à tout va.
« Ne la touchez plus jamais ! » dit-il d’une voix menaçante au
paparazzo. « Dégagez! »
Il le bouscula et l’homme tomba au sol de façon exagérée.
« Donne-moi ta main », ordonna Ethan. Je la saisis, il me tira hors de la foule
et nous courûmes presque sur le trottoir.
Ils nous suivaient mais ça ne le gênait pas, il avait pris son téléphone.
« Récupère-la », dit-il en terminant son appel, Daniel surgit presque
instantanément avec la voiture.
Ethan ouvrit la porte, me poussa à l’intérieur, entra derrière moi et la
referma.
La voiture démarra en trombe, nous emportant en direction de la ville.
Je fermai les yeux de soulagement et pris une profonde inspiration, je n’osai
pas regarder Ethan. Je ne voulais pas voir la colère ou la déception dans ses
yeux.
« Ethan, j’ai… » commençai-je, mais il leva une main pour me faire signe de
me taire.
« Tu as eu de la chance que je ne sois pas loin Abbiggail. Tu as tout ce que tu
veux en centre-ville, quelle idée d’aller manger dans un endroit pareil ? »
J’acquiesçai doucement. C’était complètement ridicule, je ne pouvais
m’empêcher de penser à ce qui se serait passé s’il n’avait pas été là.
Il inspira profondément et se rapprocha de moi.
« Tu seras bientôt ma femme Abbiggail, dit-il sérieusement. On traquera tous
tes faits et gestes. Ils attendront que tu te plantes et s’en délecteront.
– Je suis désolée, je voulais juste…
– Je sais », dit-il, arrêtant mes mots avant même que je ne les prononce.
« Fais-moi confiance, Abbiggail, je sais. »
Il caressa ma nuque en me regardant dans les yeux.
« Tu vas bien ? Tu es blessée ? Ils t’ont fait mal ? »
Je secouai la tête et touchai ma jambe.
« Un peu à la hanche lorsque je suis tombée… »
ll secoua la tête comme si c’était entièrement de sa faute, il posa sa main sur
la mienne et la fit lentement glisser vers ma hanche, tout en soutenant mon
regard.
« Ça va mieux ? demanda-t-il.
– Oui, répondis-je. »
Il tourna ma tête vers lui et je crus qu’il allait m’embrasser, mais il baissa la
voix et murmura d’une voix profonde, son souffle martelant chacun de ses mots.
« Ne fais plus jamais ça Abbiggail.
– Je… Plus jamais… » Je secouai la tête, ses ordres étaient comme autant de
coups de poignards. Avant, si un homme avait été aussi contrôlant et possessif,
je lui aurais dis d’aller se faire voir mais Ethan était différent.
Il savait trouver les mots justes pour me faire perdre le fil de mes idées et le
désirer. Grâce à lui, j’oubliai ma peur panique des paparazzi et la douleur à ma
hanche. Le pouvoir qu’il avait sur moi était indéniable.
J’approchai mes lèvres des siennes mais il recula légèrement, tout en me
fixant intensément, il jouait au chat et à la souris.
Il se rassis bien au fond dans son siège comme si de rien n’était. Je me raclai
la gorge et regardai par la fenêtre, espérant que la rougeur sur mes joues
s’estompe.
« Sally ? » l’entendis-je dire au téléphone. « Salut c’est moi. Je crois qu’on a
un problème. Ouais. Ok, parfait. Contactez George demain matin avant que le
monde entier soit au courant. Ok. Ouais, les paparazzi s’en sont pris à Abbiggail.
Oui, elle va bien, mais ça n’aurait jamais du arriver. On voit ça demain. Salut. »
Il raccrocha et me regarda.
« J’ai la meilleure équipe d’avocats de tout le pays. Tout sera rentré dans
l’ordre d’ici demain matin.
– Merci.
– Ne me remercie pas, dit-il simplement. Tu es ma fiancée Abbiggail. Je
ferai tout pour toi sans hésiter. » Je m’approchai de lui et pressai sa main en
guise de remerciement.
« Daniel , dit-il en se penchant légèrement. Déposez-nous à la résidence
Central Park. On reste en ville ce soir, je dois me lever tôt demain. »
La voiture roulait en silence, mes pensées se bousculaient dans mon esprit.
Etais-je prête à vivre cette vie ? Avoir sans cesse la presse à mes trousses ?
Toujours être sur la brèche avec la crainte de décevoir Ethan ?
« Franchement, qu’attends-tu de moi ? » lui demandai-je après un moment de
silence, d’une voix plus sévère que prévue. « Je fais de mon mieux. »
Il me regarda, surpris par ma réaction.
« Abbiggail ? »
Je secouai la tête.
« Tu es déçu je le vois bien, je ne suis qu’une simple mortelle. Qu’attends-tu
de moi à la fin ? Je n’ai pas l’habitude de la célébrité, je n’ai jamais eu de monde
à mes trousses avant et je...—
– J’ai eu peur Abbiggail », dit-il sérieusement en se rapprochant de moi à
nouveau. « J’ai eu une putain de peur que tu sois piétinée par la foule. Tu sais
combien de temps j’ai mis pour arriver jusqu’à toi ? Tu as essayé d’imaginer tout
ce qui m’a traversé l’esprit ? Tu fais la une des magazines désormais et si on
prend une photo un peu douteuse de toi en train de sortir d’un bar ou de te battre
avec la presse… Ces mecs montent tout en épingle. Ils ne vont pas te lâcher et
j’ai une putain de frousse de ne pas pouvoir te protéger si je suis à l’autre bout de
la ville. »
J’inspirai profondément.
« Je ne sais pas encore combien de temps tu vas supporter que je te
déçoive. »
Il posa ses mains sur mes bras.
« Abbiggail écoute-moi. Tu ne peux pas me décevoir, tu comprends ça ? Tu
me fais peur, tu m’excites, je meurs d’envie pour toi mais tu ne m’a jamais déçu
ô grand jamais. Dans quelques jours tu seras ma femme, c’est la première fois
pour moi. Je ne sais pas si je serais un bon mari mais tant que tu me laisseras te
protéger, je serai là, ok ? »
Je hochai la tête.
« Tu me laisseras prendre soin de toi Abbiggail ? Dis-moi oui.
– Oui. »
Il s’approcha de moi et m’embrassa, nos lèvres attendaient ce baiser.
Cela devint torride dès les premières secondes, et avant que j’ai pu m’en
apercevoir, il me plaquait contre la porte et la vitre de la voiture, l’intensité
montait crescendo, nos mains parcouraient nos corps.
« J’ai trop envie de toi », rugit-il, en se reculant pour m’embrasser à
nouveau, ses mains fouillaient sous mon corsage et touchaient ma peau.
Je le laissai toucher mon ventre et me tournai entièrement vers lui. Il défit ma
ceinture et j’atterris presque dans ses bras.
« Pas ici », murmurai-je, Daniel était juste là en train de conduire. « Pas… »
Il embrassa mon cou et mon épaule, je m’abandonnai totalement.
Depuis le début, Daniel n’était qu’un chauffeur silencieux qui voyait tout
mais ne disait rien, j’en prenais conscience maintenant que je me trouvais
allongée à l’arrière d’une voiture en train de faire l’amour avec son patron.
Ethan releva ma jupe brusquement, déchirant presque le tissu, j’étais
partagée entre mon désir pour lui et le fait que ça se passe devant son employé,
mais il s’arrêta aussi vite qu’il avait commencé et ôta sa main de ma jambe.
J’avais toujours envie de lui tandis qu’il se rasseyait, mais c’était fini.
Je me redressai, rajustai mes vêtements et me tournai vers lui.
« Qu’est-ce qui se passe ? » demandai-je gênée.
Il mit un moment avant de répondre à voix basse, pour que Daniel n’entende
pas.
« Quand j’ai envie de toi Abbiggail, c’est de toi entièrement. Mais tu as
l’esprit occupé je crois. Mauvais timing de ma part.
– Non je… »
Il posa un doigt sur mes lèvres pour me faire taire.
« Le sujet est clos. Au fait, tu as eu le temps de regarder le nuancier de Scott
? »
J’acquiesçai doucement, pas vraiment prête à clore notre petite conversation,
mais si Ethan avait décidé que c’était terminé, il était inutile d’insister. Il parlait
du jour de la cérémonie, j’espérai juste que cela ne jouerait pas en ma défaveur
envers ses sentiments pour moi. Je connaissais mes sentiments, ce que
j’attendais de nous et de ce mariage, j’étais terrorisée à l’idée de souffrir. Ethan
pouvait me briser le cœur.

Chapitre Vingt

Ethan

« Scott, voici Samantha. Samantha, voici Scott, le wedding planner. »
Samantha avança timidement et lui tendit la main.
« Ravie de vous rencontrer », dit-elle avec un adorable sourire.
« Une vraie beauté classique », dit Scott tout excité. « La couleur que vous
avez choisi fera ressortir vos yeux.
– Merci. Elle se tourna vers moi et je leur fis signe de s’asseoir.
– Je vous ai demandé de venir tous les deux ici aujourd’hui car comme vous
le savez, Abbiggail et moi nous marions dans trois jours, je tenais à ce que vous
vous rencontriez puisque vous allez jouer un rôle important le jour J.
Maintenant… » Je jetai un coup d’oeil à Samantha et elle acquiesça
nerveusement. « Je veux qu’Abbiggail sache tout avant de marcher vers l’autel,
je veux qu’elle l’apprenne de ma bouche et lui expliquer mes raisons, je suis
optimiste. J’espère qu’elle voudra toujours m’épouser quand elle saura toute la
vérité, je veux la voir devant l’autel lorsque j’arriverai.
– Bravo ! applaudit Scott. Je ne te savais pas si romantique Ethan, tu changes
de vie, tu progresses. Il faudrait être stupide pour refuser. Vraiment !
– Tout à fait d’accord, acquiesça Samantha. Je me suis demandée si je devais
être présente, j’ai longtemps pensé à tout ce qui s’était passé, il vaudrait mieux
que je reste à l’écart. Mais je dois lui parler. Je dois lui expliquer et m’excuser,
on est concernés tous les deux Ethan. »
J’acquiesçai, Abbiggail avait tout fait pour ne pas assister au rendez-vous,
j’avais de gros doutes…
« Donc », interrompit Scott, en se calant sur sa chaise. « On organise la
cérémonie. Si tout fonctionne selon nos plans, je sais à quoi m’attendre, le cas
échéant… disons que je ne dois pas m’estimer surpris c’est bien ça ?
– Exact.
– Parfait. »
Il prit des notes et mâchonna son stylo, tout en regardant la feuille.
« J’ai vos couleurs, le choix des menus, et les chaises pour les invités
supplémentaires. Autre chose ? Nous mettons évidemment tout en œuvre de
notre côté, soyez sans crainte. » Il se leva pour prendre son manteau et le glissa
sur ses épaules. « Autre chose avant que je file ? J’ai rendez-vous avec le
pâtissier et le fleuriste, autrement on se voit la veille du mariage.
– Merci pour tout », dis-je, en lui serrant la main. « Tout ça c’est grâce à toi.
– Tout le plaisir est pour moi », dit-il en souriant et en s’adressant à
Samantha. « Je n’arrive pas à croire que cet homme se pose enfin. Jamais je
n’aurais imaginé être un jour assis ici en train d’organiser son mariage. Je suis
très honoré. »
Je serrai son épaule en entendant ses mots.
« Stop avec les sentiments. Il y a trop d’émotion dans l’air, je dois en garder
un peu pour la cérémonie. »
Scott rejeta sa tête en arrière et rit.
« Evidemment. J’y vais. Samantha, c’est un bonheur de vous avoir enfin
rencontrée. J’espère que tout se déroulera bien pour vous le jour J. Salut ! »
Il sortit et referma la porte derrière lui.
« Je comprends pourquoi vous l’aimez », dit Samantha après un moment de
silence. Comme je ne répondais pas, elle se leva, traversa la pièce et posa sa
main sur mon dos pour me rassurer.
« Vous avez fait ce qu’il fallait », dit-elle doucement. « Je sais que vous
doutez et que ça pourrait se retourner contre vous, mais rappelez-vous : ce n’est
pas votre problème.
– J’ai tout manigancé dans son dos… » lui fis-je remarquer.
Elle acquiesça.
« On peut le voir comme ça, mais je suis certaine qu’elle ne réagira pas mal.
Je ne la connais pas autant que je le devrais mais vous vous aimez, ça vaut le
coup non ? » Je hochai la tête et admirai la vue au-delà des grattes-ciel.
« Vous êtes bien certaine de vouloir le lui dire ? Moi oui, mais je ne sais pas
comment vous envisagez la chose.
– Il le faut », dit-elle simplement. « J’ai… »
Elle s’arrêta, on parlait derrière la porte, et avant que je comprenne ce qu'il se
passait, on frappa et la porte s’ouvrit.
C’était Mary qui nous faisait les gros yeux.
« Abbiggail est ici, elle veut vous voir ! » dit-elle à la hâte.
« Merde ! Dites-lui que je suis en réu… » Elle franchit la porte avant que je
n’ai eu le temps de finir.
« Ethan ? »
Mary jeta un coup d’oeil rapide sur Samantha, elle s’était arrangée pour
s’asseoir sur une chaise située face à mon bureau faisant dos à la porte.
« Abbiggail, je suis en pleine réunion… » dis-je.
Elle regarda Samantha qui lui faisait dos et hocha la tête.
« Désolée, je voulais juste savoir si tu étais libre pour déjeuner ou… »
J’allai vers elle et lui pris les mains.
« Impossible, désolé. J’ai une réunion dans un quart d’heure. Je te
raccompagne ? »
Son regard alla de moi à Samantha, puis à Mary.
« Non, non, ça ira. Je file, merci. »
Elle partit et je la suivis jusqu’à l’ascenseur, je la saisis par le bras et l’attirai
vers moi.
« Tu ne vas pas partir comme ça ? » demandai-je, en essayant de décrypter
son expression.
Elle me montra mon bureau.
« Tu es occupé, je n’aurais pas dû débarquer comme ça. »
Je m’approchai d’elle, ignorant les gens autour.
« Tu sais bien que j’ai toujours envie de te voir Abbiggail. Si cela avait été
un autre jour, j’aurais…
« Tout va bien. Elle me coupa la parole et me planta un baiser sur la bouche.
– Je dois y aller et tu dois retourner à ta réunion.
– Abbiggail…
– Tout va bien. » Elle appela l’ascenseur et se retourna vers moi.
« Je t’assure. Et si tu me rejoignais à l’appartement de Central Park ce soir, je
pourrais préparer à dîner histoire de changer un peu ? Dis au chef de rentrer
et… »
Je lui souris doucement tandis que les portes s’ouvraient et qu’elle se faufilait
dans l'ascenseur. Je voulus la suivre mais elle leva la main pour m’en empêcher.
« Ne me tente pas Abbiggail », dis-je en la poussant dans l’ascenseur. Elle rit
et les portes se refermèrent derrière nous.
« Je crains qu’il ne vous faille attendre M. Carter », murmura-t-elle en me
regardant par dessous ses longs cils.
J’enfouis ma tête dans son cou, l’odeur de son parfum me rendait fou de
désir.
« Tu sais comment te faire désirer », dis-je en rugissant. Je bandais, si je
restais avec elle quelques secondes de plus, je lui arracherais ses vêtements.
Elle posa sa main sur ma poitrine et me repoussa doucement.
« Plus tard », dit-elle à nouveau, et pour faire monter le désir, elle posa sa
main sur mon sexe dressé à travers mon pantalon.
Je saisis son poignet et murmurai à son oreille.
« Si tu veux jouer à ce petit jeu, tu sais à quoi t’attendre… »
Je voulais la plaquer au mur, me perdre en elle, la prendre ici et maintenant,
mais les portes s’ouvrirent et je reculai tout en la fixant, peu importe si
quelqu’un montait.
« À ce soir, » dis-je en sortant de l’ascenseur.
Elle hocha la tête ; elle avait les joues roses et la bouche légèrement
entrouverte. Elle m’adressa un petit sourire, et tandis que les portes se
refermaient, je dus me faire violence pour ne pas appuyer sur le bouton pour la
revoir quelques secondes de plus.
Je réalisai alors pleinement les changements qu’Abbiggail avait opéré en
moi, comment une simple serveuse était entrée dans ma vie, il y avait à peine
quelques semaines de cela, et avait fait tomber toutes les barrières que j’avais
érigées. J’espérais simplement qu’elle voudrait toujours m’épouser après les
révélations de Samantha le jour du mariage.
Je garai ma voiture à l’extérieur du petit centre médical privé où ma mère
avait été transférée et je restai assis les yeux rivés sur l’entrée, les mains sur le
volant, pressé de rentrer mais redoutant de voir l’état dans lequel elle se trouvait.
Tout l’argent et la puissance du monde ne suffiraient pas à m’habituer à voir
son corps fragile se dégrader. J’éteignis le moteur, sortis de la voiture et courus
sur le parking.
« Barbara Carter ? » demandai-je à la réceptionniste. « Je suis son fils. Elle
est toujours dans la même chambre ? »
Elle hocha la tête et montra le couloir dans la direction opposée.
« Pouvez-vous signer ici s’il vous plaît ? »
Je remplis le formulaire et quittai la réception pour me rendre dans sa
chambre. Lorsque j’entrai elle était en train de lire, les yeux dissimulés derrière
ses lunettes et l'air concentré. Je refermai la porte derrière moi et elle leva les
yeux, un sourire s’épanouit sur son visage malgré sa fragilité.
« Que me vaut ce plaisir ? » demanda-t-elle en posant son livre. «
Tu es venu seul ? »
Je fis oui de la tête et elle tapota le lit.
« Assieds-toi à côté de moi. »
Je m’assis sur le lit et inspirai profondément. Je la connaissais depuis
toujours, elle pouvait mourir à tout moment, les mots me manquaient.
« Tu aimes ici ? » demandai-je en regardant la chambre. « C’est mieux
? »
Elle ôta ses lunettes et les posa sur ses genoux.
« L’autre centre médical était très bien mais oui, ils s’occupent bien de
moi.
– Tant mieux.
– Ethan ?
– Oui ?
– Ethan ? Pourquoi tu ne me regardes pas ? »
Je levai enfin les yeux pour la regarder mais la petite étincelle de vie qui
brillait autrefois dans ses yeux avait disparu. C’était ce que je redoutais, je
voulais conserver une image d’elle heureuse et souriante, agenouillée dans ce
jardin qu’elle aimait tant.
« Tu vas te marier », dit-elle en tenant mon bras, toute excitée. « Je n’arrive
pas à y croire, je vais enfin te voir marié.
– Ta vie ne s’arrête pas là. Toute une équipe de médecins est penchée sur ton
cas en ce moment-même, tu auras un rendez-vous...
– Regarde-moi ! dit-elle exaspérée. Le temps presse Ethan. Tout l’argent du
monde n’y suffirait pas. Tu dois apprendre à me laisser partir. Fais ta vie avec
Abbiggail. Concentre-toi sur ton mariage, rends-la heureuse, et fondez une
famille. Tu ne m’oublieras jamais n’est-ce pas ?
Je hochai la tête.
« Bien, un jour tu diras à tes enfants combien je les aurais aimés, ils le diront
à leurs enfants et…
– Pas toi ! aboyai-je. Y’a plein d’autres femmes dans le monde, des gens
mauvais, d’autres encore qui n’en ont rien à foutre de leur vie, pourquoi toi ? J’ai
changé de vie, et tu ne seras pas là pour le voir.
– Tu es heureux Ethan, dit-elle. C’est plus que je n’en demandais. Tu as enfin
trouvé quelqu’un qui te convient. Qu’est-ce qu’une mère pourrait souhaiter de
plus pour son fils ? »
Je me penchai et la serrai dans mes bras, plus que je ne l’avais jamais fait de
toute ma vie. Si quelqu’un m’avait vu à cet instant précis, il n’en aurait pas cru
ses yeux. Personne n’aurait imaginé que je pouvais aimer et témoigner de
l’affection, c’était pourtant vrai.
J’étais un homme comme les autres, et à ce titre, on pouvait aussi me briser
le cœur.
Je finis pas la lâcher, elle essuya les larmes sur ses joues tandis que je prenais
son livre.
« Ferme tes yeux », dis-je en regardant la couverture. « Je vais te faire la
lecture Maman. Ferme tes yeux et écoute. C’est tout ce que tu dois faire. Repose-
toi. »

Abbiggail

J’entendis la porte d’entrée claquer et je me levai, agacée, pour l’accueillir.
« Il t’est arrivé quelque chose ? » demandai-je, en le voyant poser ses clés
dans le récipient en bois.
« Pas maintenant. S’il te plaît, » dit-il d’un air visiblement irrité.
« Ethan ? »
Il me regarda d’un air absent et alla au bar sans répondre. Je le suivis, il se
servit un verre et se tourna vers moi.
« Que veux-tu que je te dise Abbiggail ?
– Je ne sais pas, tu aurais pu appeler ? Pour que je ne me m’inquiète pas par
exemple ?
– Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, j’ai plein de trucs à faire...
– On va se marier Ethan. C’est si compliqué d’avoir mon fiancé UN soir
pour moi toute seule ? J’ai passé ma soirée à cuisiner pour toi, pour nous !
– C’était ce soir ? »
Je hochai la tête, toute ma colère et mon irritation s’évanouissant subitement.
« Merde ! » Il jeta le verre en cristal qui heurta le mur et vola en éclats, je
sursautai, son whisky se répandit sur le sol.
Je me baissai rapidement pour ramasser les plus gros morceaux de verre
mais il m’arrêta.
« Laisse-les, ordonna-t-il.
– Laisse-moi juste...
– J’ai dit “laisse-les”. »
J’obéis et me relevai.
« Que se passe-t-il ? Allez, dis-moi, je ne comprends pas. J’ignore ce qui te
tracasse, si tu acceptais d’en parler je pourrais…
– Ecoute je suis désolé. Je ne suis pas à ta disposition 24h/24h, désolé
d’avoir oublié le dîner.... il criait. Ma mère est malade Abbiggail. Ma Mère ! Elle
est malade, tu ne peux même pas imaginer ce que je ressens !
– Oh, évidemment, parce que je n’ai pas de maman moi, c’est ça ? »
Je reculai, j’avais l’impression d’avoir reçu un coup de poing dans le ventre.
« Désolé », dit-il en venant vers moi et m’attirant vers lui. « Putain, j’ai
merdé. »
Il s’assis sur le tabouret de bar, la tête appuyée dans sa main et se tourna pour
me regarder.
« Elle va mourir Abbiggail », dit-il doucement. « Putain elle va bientôt
mourir. Elle n’en a plus pour longtemps et je… »
Il s’arrêta et secoua la tête, fuyant mon regard. Je mis une main sur son
épaule, je n’avais pas l’habitude de le voir si vulnérable, je le désirai de toute
mon âme et de tout mon cœur.
« C’est normal d’avoir peur », dis-je, la pièce était silencieuse. « C’est
normal que tu aies peur de la perdre. »
Il me regarda à nouveau, une émotion sincère passa dans ses yeux puis
disparut. Il m’attira vers lui et me fixa intensément.
« Es-tu heureuse Abbiggail ? » demanda-t-il en changeant de sujet. Je hochai
la tête.
« Tu veux toujours m’épouser ?
– Ethan, pourquoi cette question ?
– Tu veux toujours ? répéta-t-il. C’est bien ce que tu veux ?
– Bien sûr que oui. Tu sais que…"
Il m’attira encore plus étroitement vers lui et m’embrassa sauvagement.
Ses mains passèrent de mon dos à mes fesses, il les pressa, arrêta net notre
baiser et se releva. Il prit ma main et me conduisit dans le couloir.
En temps normal, j’aimais faire l’amour avec lui, j’aimais chaque centimètre
carré de son corps, mais pas cette fois. Il avait l’air ailleurs et distant, le sexe
n’avait pas l’air de l’intéresser. Ça s’apparentait plus à de la baise qu’à de
l’amour.
Il s’arrêta et me plaqua contre le mur, embrassa mon cou et souleva mon
sweat-shirt.
« Ethan… », soufflai-je. J’aimais sentir ses lèvres sur ma peau, mais je savais
qu’il n’avait pas l’esprit à ça.
Il continuait, se recula un peu pour m’enlever mon haut qu’il jeta par terre.
Son regard effleura ma poitrine et mon soutien gorge, il rugit tandis qu’il le
dégrafait de ses doigts vigoureux.
« J’adore ton corps murmura-t-il. Tu me crois maintenant ? »
Je hochai la tête et la rejetai en arrière, il ôta mon soutien gorge et prit un
téton dans sa bouche, j’oubliai toute sa mauvaise humeur et ne songeai qu’au
plaisir.
Je fourrai mes doigts dans ses cheveux, et l’attirai vers moi tandis qu’il me
donnait de petits coups de langue, il se servit de son autre main pour défaire les
boutons de mon jean et le faire glisser le plus bas possible, sans arrêter de sucer
mon sein.
Je l’enlevai maladroitement, cela paraissait si facile dans les films, et nous
tombâmes au sol.
Il se releva et m’aida, en dépit de mes rires liés à cette mésaventure, il gardait
son sérieux.
« Suis-moi », dit-il en m’aidant à me relever. Je me levai et le suivis dans la
chambre avec pour unique vêtement le slip que j’avais mis spécialement pour
lui, je savais, rien qu’en le voyant dans notre chambre – à moitié nu – que cette
fois c’était différent. Entre notre moment partagé dans l’ascenseur et maintenant,
il s’était passé quelque chose. Ses sentiments quand on faisait l’amour avaient
laissé place à une détermination sans faille.
Je voulais lui demander quelle en était la raison. Je voulais qu’il s’asseye et
se confie à moi, mais je savais pertinemment que c’était hors de question. Quoi
que ce soit, il m’en parlerait lorsqu’il l’aurait décidé.
Il m’attira à lui et m’embrassa, tout doucement d’abord puis plus
sauvagement, c’était un besoin impérieux, je comprenais maintenant. J’étais son
exutoire, un moyen d’oublier ce qui s’était passé et le tracassait.
Il me fit reculer jusqu’à ce que l’arrière de mes cuisses repose contre la
grosse commode placée le long du mur, son regard profond était
méconnaissable.
« Tourne-toi », ordonna-t-il. J’obéis et il me guida doucement jusqu’à ce que
je sois penchée sur la commode. Je sentis ses mains saisir ma taille et mes fesses.
Il les serra vigoureusement et me donna une claque, puis il défit mon slip en
dentelle délicate et le fit descendre le long de mes hanches et de mes jambes.
Je l’ôtai et me retournai pour le regarder. Il contemplait mon corps et
embrassai mes jambes, ce contact sensuel me fit soupirer.
« Ethan… », soufflai-je tandis qu’il montait plus haut, mais il ne s’arrêta pas
et n’écouta même pas ce que je ressentais, il montait encore et embrassait
l’intérieur de mes cuisses. Je gémis de plaisir tandis qu’il se frayait un chemin
dans mon intimité.
Mes jambes fléchirent presque tandis que sa bouche trouvaient mes lèvres et
que sa langue massait mon clitoris, il le léchait assez vigoureusement pour que je
m’agrippe à la table, les yeux fermés, m’efforçant de ne pas lui tomber dessus.
« Mon dieu Ethan… », dis-je les dents serrées, mais plus je gémissais plus il
accélérait, n’y tenant plus, mes jambes se dérobèrent.
Il retira ses doigts et s’empara de mes fesses, me remis sur pied et ôta son
pantalon.
« Tu vois ce que tu me fais ? » dit-il, en collant son sexe dressé au bas de
mon dos.
J’acquiesçai et il s’absenta un moment. Il mit un préservatif et se tint derrière
moi.
« Penche-toi », dit-il, ses mains placées sur mes omoplates.
Je sentis son gland glisser en moi et il me pénétra dans un rugissement qui
retentit dans la pièce obscure.
« Aaah……! » il poussa un long gémissement, il se retira et me pénétra à
nouveau, tout frémissant, il recommençait, à son rythme, il accéléra, bougeait
ses hanches de plus en plus fort contre mes fesses, au point que la commode sur
laquelle j’étais appuyée heurtait le mur en cadence, plusieurs objets tombèrent
au sol.
Je le revoyais rentrer à la maison, la tête ailleurs, je m’agrippai au bord de la
table tandis qu’il me pilonnait de toutes ses forces, j’essayai de chasser les
larmes qui roulaient sur mes joues.
Qui était l’homme qui se tenait derrière moi ?
Il me tirait les cheveux à chaque fois qu’il me pénétrait, il rugissait de
plus en plus fort.
"C’est ça que tu veux ? » dit-il la voix rauque.
Je hochai la tête.
« Dis-le. Dis que tu as envie de moi, ordonna-t-il.
– Je… » je n’y arrivais pas. Je ne pouvais pas me forcer à mentir, je n’aimais
pas quand il était comme ça.
Il me tira les cheveux et me fit tourner la tête.
« Abbiggail, dis-le… » Il vit mes joues baignées de larmes et il enleva sa
main de mes cheveux.
« Merde, merde, merde ! »
Il se retira immédiatement et s’allongea sur moi, son visage appuyé sur mon
dos.
Personne ne parlait. Il m’enlaçait et à chaque fois que je reniflais, il me
serrait plus fort. Nous restâmes ainsi un moment, puis il se leva et me prit dans
ses bras. Nous passâmes devant les baies vitrées près du lit, on pouvoir voir
l’horizon de New York teinté de rose et de mauve, il me posa sur ses draps
coûteux.
rPardonne-moi, dit-il doucement. Je ne sais pas… »
Je me collai contre lui et lui pris la main.
« Que s’est-il passé ? » demandai-je doucement, je ne m’attendais pas à ce
qu’il se confie mais il se recula pour mieux me voir.
« Je suis passé au centre médical voir maman après le travail, j’ai eu
l’impression de voir une autre femme. C’est comme si je ne la reconnaissais pas,
je lui ai fait la lecture et elle s’est endormie, ça m’a vraiment bouleversé, je vais
bientôt vivre le plus beau jour de toute ma vie mais également le pire. Je n’arrive
pas à me réjouir pour le mariage parce qu’elle va mourir, et d’un autre côté, je ne
suis pas complètement triste de la perdre puisque je vais t’épouser et…
– Éprouve ce que tu veux », dis-je en effleurant sa joue. « C’est ce qui fait la
beauté de la vie Ethan. On peut ressentir les deux, on peut aussi ressentir les
deux en même temps. Personne ne te juge. »
Il remonta la couverture sur nous, se colla contre moi et passa ses bras autour
de ma taille. Il embrassait ma nuque.
« Je t’ai fait de la peine ce soir, pardon. » Je sentais son souffle sur ma
peau. « Je n’aurais pas du rentrer à la maison dans cet état et t’obliger à faire
l’amour alors que j’en avais contre la terre entière. Pardonne-moi Abbiggail. Si
tu savais combien je suis désolé.
– Chhhut, tout va bien. »
Je me blottis contre lui, j’appréciais cette autre facette de sa personnalité et
son côté sensible ; au moment où je sombrai dans un sommeil réparateur, blottie
au creux de ses bras, ses mots m’enveloppèrent en une douce étreinte.
« Je t’aime, Abbiggail Greene. »
On a tous nos défauts, mais je savais sans l’ombre d’un doute qu’Ethan était
le bon.
Chapitre Vingt et Un

Abbiggail

« C’est tout ? C’est fini ? demanda Ethan à Scott, l’air surpris. Tu n’as plus
besoin de nous ? »
Il rit et me regarda en fronçant les sourcils.
« En fait tu dois dire “oui” évidemment, et c’est tout. » Il rangea son dossier.
« Je serai avec mon équipe, si vous ne me trouvez pas le jour J, adressez-vous à
eux grâce à ce badge. »
Il nous le tendit et nous hochâmes la tête en choeur, je sentais mon ventre se
nouer tandis qu’il se levait et serrait la main d’Ethan.
« Bonne chance, à samedi.
– Merci. »
Il m’embrassa sur les joues.
« Prends bien soin de lui », me dit-il en désignant Ethan. « Ne te laisse pas
avoir par son côté séducteur et son statut. Il a vraiment du cœur tu sais. »
Il cligna de l’œil et quitta la pièce, la peur liée à la maladie de sa mère cédant
bientôt la place à l’excitation.
« On se marie dans deux jours ! » dis-je, toute excitée. « Je n’arrive pas à y
croire.
– Tu t’appelleras bientôt Mme Carter », dit-il en m’attirant à lui et en me
regardant. « Tu vas être la plus belle mariée qu’on ait jamais vue.
– Je parie que tu dis ça à toutes les femmes. »
Il rit et m’embrassa sur le front puis recula et regarda sa montre.
« Tu ne dois pas aller récupérer ta robe dans trois quarts d’heure ?
– Merde ! » Je m’emparai de mon sac et de ma veste, me précipitai vers la
porte, m’arrêtai net, laissai tout tomber par terre pour me jeter dans ses bras.
Il me serra contre lui.
« Je n’arrive pas à y croire », chuchotai-je contre son épaule. « Je n’arrive
pas à croire que la prochaine fois que je te verrai, nous serons devant l’autel. »
Il ôta ses mains de mon dos et recula.
« Il faut que tu comprennes quelques chose de très important, ok ? Il
faut que tu me promettes quelques chose. » J’acquiesçai, légèrement
inquiète.
« De quoi s’agit-il ?
– Promets-moi que quoi qu’il se passe d’ici samedi, tu m’épouseras.
– Ethan… ?
– Promets-le moi, supplia-t-il. Je veux te l’entendre dire.
– Je te le promets, dis-je, hésitante. On dirait que tu sais quelque chose que
j’ignore. Tu me fais peur.
– Tout ce que j’ai fait depuis que je t’ai rencontrée, je l’ai fait en pensant à
toi. Rappelle-t-en.
– Mais… »
L’interphone sonna, c’était Mary.
« Désolée Ethan, votre rendez-vous de onze heures est arrivé ! » Nous
regardâmes tous deux le téléphone, il se pencha pour répondre.
« Ok, merci. Dites-leur de patienter. » Il se tourna vers moi, prit ma main et y
déposa un baiser. « Vas-y Abbiggail. D’ici là, je veux que tu ne penses qu’à une
seule chose : l’envie folle que j’ai d’ôter ta robe samedi soir. »
Il prit mon sac et ma veste et me les tendit.
« Rendez-vous devant l’autel, Abbiggail Greene.
– Rendez-vous devant l’autel. »
Je quittai son bureau, de sombres pensées tournaient en boucle dans ma tête,
l’ascenseur descendait au rez-de-chaussée, j’avais l’impression qu’il me
préparait une surprise. Plus j’y pensais, plus je me demandais si c’était une
nouvelle que j’avais vraiment envie d’apprendre.
Je sortis enfin et fus éblouie par le soleil hivernal, je regardai autour de moi
pour voir si j’apercevais Daniel, et, au moment où je vis la voiture, une personne
fit irruption devant moi.
« Abbiggail ? » demanda-t-elle.
Je la regardai, j’essayai de me remémorer son nom et son visage, elle était si
proche de moi que je dus reculer.
« Qui êtes-vous ? »
Elle rit et regarda alentour.
« Vous ne me connaissez pas, je suis l’ex d’Ethan…"
Je la dépassai, j’étais sous pression à cause de nos préparatifs de mariage.
« Merci, je suis sûre que vous êtes pleine de bonnes intentions mais ça ne
m’intéresse pas. Je marchai à vive allure vers la voiture mais elle me talonnait.
– Alors comme ça, vous allez épouser un homme sans vraiment le connaître
? » Je m’arrêtai et me retournai, espérant ne pas attirer l’attention des employés
qui passaient à côté de nous.
« Ecoutez, j’ignore ce que vous voulez », dis-je les dents serrées. « Mais je
vais bientôt l’épouser, peu importe ce que vous allez m’apprendre, vous ne
pourriez rien y faire c’est clair ? J’en ai rien à fiche de ce que vous avez à me
dire sur lui. J’aime Ethan et rien ne me fera changer d’avis. »
Elle hocha la tête et applaudit d’un air sarcastique.
« Bravo, bravo. C’est le discours que vous sortez à ceux qui vous traitent de
profiteuse ? »
Je me tournai et m’éloignai d’elle, je regrettai de m’être arrêtée pour lui dire
le fond de ma pensée, mais elle me suivait comme une saleté de moustique.
« Très bien, croyez ce que vous voulez Abbiggail, mais comment pouvez-
vous faire confiance à un homme qui a ruiné la vie de tant de femmes ? Je l’ai
connu avant vous. Comment pouvez-vous être certaine que c’est vous qu’il aime
vraiment, et que vous n’êtes pas juste une femme de substitution ? »
J’inspirai profondément et m’arrêtai net, elle me rentra presque dedans.
« Je ne sais pas qui vous êtes, mais s’il avait voulu de vous, pourquoi vous a
t’il quittée ? Pourquoi est-ce à moi qu’il passe la bague au doigt et pas à vous ? »
Elle acquiesça.
« Bien joué, on est dans le même bateau Abbiggail. Nous sommes des
femmes qu’il a laissé tomber avant de passer à la suivante. Je ne voudrais pas
que vous fassiez la même erreur et que vous ayez à le regretter toute votre vie. Je
lui faisais confiance tout comme vous, vous voyez où ça m’a menée ? Il va en
épouser une autre, alors que ça aurait dû être moi. »
Elle regarda derrière moi, quelque chose attira son attention, et elle expédia
le reste de sa phrase.
« Si vous voulez me parlez, appelez-moi à ce numéro ok ? » Elle me donna
une petite carte. « Demandez-moi tout ce que vous voulez, je ferai de mon
mieux pour vous aider.
– Pourquoi ? Qu’est-ce vous avez à y gagner ?
– Juste m’assurer que d’autres femmes ne tombent pas dans le piège à leur
tour. »
Je pris la carte qu’elle me tendait juste au moment où Daniel arrivait à mes
côtés et qu'il me prit par le bras.
« Mademoiselle, la voiture vous attend. »
Il la regarda et lui jeta un regard froid tandis qu’elle ricanait.
« Toujours à faire le sale boulot pour Ethan n’est-ce pas Daniel ? Ne vous
inquiétez pas, j’y vais. »
Elle me jeta un dernier regard.
« N’oubliez pas de m’appeler Abbiggail. On doit rester solidaires, ne
l’oubliez pas. »
Elle disparut dans la foule et Daniel me conduisit vers la
voiture.
« Vous feriez mieux de détruire sa carte », dit-il en la montrant du doigt.
« Pourquoi ? Qu’a-t-elle de si spécial pour qu’Ethan m’ait caché son
existence ? Pourquoi a-t-il fallu que vous voliez à ma rescousse ? »
Il secoua la tête et ouvrit la portière côté passager.
« C’est une emmerdeuse, Mademoiselle. Elle l’a toujours été. N’y songez
plus. On y va ? »
Je jetai un dernier regard sur le trottoir dans la direction qu’elle avait pris
puis regardai la carte.
On lisait le nom Shelley Gardener en grosses lettres, et tandis que je
ressassais ses paroles au fin fond de mon esprit, je fis la seule chose qui était à
faire.
Je vis le regard de Daniel dans le rétroviseur tandis que je déchirai la carte
en petits morceaux.
Je faisais confiance à Ethan, aucune femme au monde ne me ferait changer
d’avis.
Chapitre Vingt Deux

Ethan

La veille du mariage

Edward me servit le cocktail qu’il avait mis vingt bonnes minutes à préparer.
« Il a intérêt à être bon », dis-je en le prenant. Il rit et s’assis à côté de moi
sur le canapé.
« C’est ce que je fais de mieux, le témoin est sensé jouer le rôle de valet de
pied la veille du mariage, tu ne savais pas ? »
Je ris et bus une gorgée, l’alcool fort qu’il avait incorporé me brûlait la gorge
mais la sensation était la bienvenue.
Il s’appuya sur le dossier et se tourna vers moi. « Alors qu’est-ce que ça
fait d’être amoureux ?
– Tu le sais très bien », répondis-je. Il fréquentait ma soeur. « Tu es un expert
en la matière. »
Il haussa les épaules.
« Parfois oui et parfois non.
– Je te comprends. »
Nous restâmes assis un moment en silence puis il leva son verre et nous
trinquâmes.
« Tu mérites tout le bonheur du monde Ethan », dit-il en hochant la
tête.
Nous bûmes une gorgée et je posai ma main sur son épaule.
« Merci.
– Je suis sincère. Tu es heureux, qui aurait cru que te lier à une seule femme
pour toute ta vie ferait cet effet ? »
Je ris et hochai la tête. Il y a seulement quelques mois, j’étais contre le
mariage. Lorsque j’avais rencontré Abbiggail, je recherchais uniquement une
femme honnête pour m’aider à organiser un faux mariage afin de faire plaisir à
ma mère. Je ne pensais pas le lui proposer pour de vrai, ni que notre relation
prendrait cette tournure aussi rapidement.
Je me levai et allai vers la table de chevet, j’ouvris le tiroir et en sortis une
lettre que j’avais mis presque une semaine à écrire.
« C’est quoi ? » demanda-t-il avant que je la lui tende.
Il la regarda, son nom s’étalait en lettres capitales en plein milieu.
« C’est un arrangement prénuptial ou quoi ? » Il plaisantait mais lorsqu’il se
rendit compte que je ne riais pas, il hocha la tête et la posa à côté de lui.
« Je veux qui tu la lui remettes avant le mariage. » Je me redressai. « Elle
devrait être dans la chambre nuptiale ou je ne sais où, il est important qu’elle
l’ait avant que je la vois. Je veux qu’elle marche vers l’autel après l’avoir lue et
qu’elle veuille toujours de moi.
– Je ne comprends pas...
-– T’as rien à comprendre, dis-je rapidement. Tout ce que tu dois faire c’est
jouer ton rôle de messager puis revenir attendre avec moi. »
Il hocha la tête et regarda la lettre.
« J’ai comme un mauvais pressentiment."
Il but une bonne gorgée de son
cocktail.
"Tu n’as aucun mauvais pressentiment à avoir, c’est une simple
explication.
– Je ne sais pas, je pense...
– Y’a pas à discuter », dis-je en l’interrompant au beau milieu de sa phrase.
« Je veux qu’elle lise chaque mot de cette lettre, et je veux qu’elle vienne à moi ;
si elle le fait, alors je saurais qu’elle me comprend, je saurais qu’elle sait que je
serai toujours là pour elle, quoiqu’il arrive. »
Je savais qu’il n’y comprenait rien, j’étais quasi persuadé qu’il pensait qu’il
s’agissait d’une lettre de rupture, j’avais hâte et j’étais énervé à la fois, on allait
se marier demain, ce serait la révélation. J’espérais juste qu’elle ferait toujours
partie de ma vie.

Abbiggail


« A quoi tu penses ? »
Je me tournai, Mel me regardait depuis l’encadrement de la porte.
Je haussai les épaules et me regardai dans le miroir sous un autre angle.
« Je sais pas. Je n’aurais jamais imaginé que ce jour viendrait.
– Tu es magnifique », elle s’approcha et joua avec mon voile. « Ethan va
adorer.
– Merci. »
Elle me serra la main.
« Viens t’asseoir en bas avec nous. Je suis sûre que ma mère sera contente de
bavarder avec toi avant le mariage demain. »
Je hochai la tête et attendit qu’elle soit partie pour retirer le voile de ma tête.
Le temps avait passé si vite, j’avais du mal à croire que je me mariais demain.
Ça semblait irréel, plus j’y pensais, plus je paniquais.
J’étais la femme esseulée de New York, celle sans famille, sans amour ni
personne et j’allais être une mariée. Comment en étais-je arrivée là ? Comment
avais-je fait pour trouver quelqu’un qui m’aime et me fasse sentir la femme la
plus importante du monde ?
Je reposai le voile, fermai la fermeture éclair de la robe et quittai la pièce.
Lorsque je descendis les escaliers, Barbara était allongée dans son lit dans le
salon, elle sourit et s’assit lorsqu’elle me vit.
« Mel m’a dit que vous étiez éblouissante. » Elle souriait et je la remerciai.
Elle montra le canapé à côté d’elle.
« Asseyez-vous avec moi Abbiggail, dit-elle d’une voix faible. Il faut qu’on
parle. »
Je m’assis doucement à côté d’elle et la regardai, le sourire que j’avais vu sur
son beau visage était devenu dur et fatigué. On aurait dit qu’elle avait vieilli de
cinquante ans en une seule nuit, sa peau était grise et ridée. Le cancer est
vraiment une maladie horrible, j’avais le cœur brisé de la voir comme l’ombre
d’elle-même.
« Merci de m’avoir permis de rester ici ce soir », lui dis-je.
Elle secoua la tête.
« Peu importe ce qui se passe Abbiggail, vous êtes ma fille désormais. Vous
êtes là, et je veillerai sur vous tant que je serai en vie. Ethan m’a dit que vous
n’aviez plus vos parents. » J’acquiesçai.
« Nous n’allions pas vous laisser passer la nuit toute seule à l’hôtel n’est-ce
pas ? Vous faites partie de notre famille. »
Sa gouvernante entra et déposa un plateau avec du café devant nous, elle
tendit le sien à Barbara.
« Merci, souffla-t-elle. Vous avez rendu mon fils heureux Abbiggail. Je ne
l’avais jamais vu comme ça auparavant, c’est grâce à vous.
– Oh, je ne sais pas… » commençai-je, mais elle m’arrêta.
« C’est un autre homme. Personne ne va le reconnaître. Je suis sa mère, je le
connais bien. La presse en a raconté des vertes et des pas mûres à son sujet,
jamais je n’aurais cru qu’une rencontre le changerait à ce point. Ethan est
puissant Abbiggail, mais vous êtes bien plus forte que lui.
– Tout ce que j’ai fait c’est l’aimer, dis-je doucement.
– Parfois c’est suffisant », répondit-elle en reposant sa tasse. Elle appuya sa
tête sur les oreillers et ferma les yeux, elle était épuisée. Je m’approchai et pris
sa main fragile dans la mienne.
« Si seulement je pouvais vous guérir », dis-je subitement triste. Cette femme
en face de moi n’était pas seulement ma belle-mère et la seule mère que je
connaissais, qui se préoccupait de moi, c’était aussi la personne la plus adorable
que j’avais jamais rencontrée. Je n’arrivais pas à imaginer ce que l'on pouvait
ressentir en apprenant qu’un jour prochain, on fermerait les yeux pour ne plus
jamais se réveiller.
« Ce n’est pas la peine », dit-elle en ouvrant doucement les yeux. « J’ai bien
vécu je crois, et je vais voir mon fils se marier. Que pourrais-je souhaiter de plus
?
– Mme Carter ? »
Son infirmière entra dans la chambre avec un plateau comportant ses
médicaments, elle me regarda avec sympathie.
« Il faut qu’elle se repose maintenant Abbiggail », dit-elle, en posant le
plateau sur la table. « Demain est un grand jour, elle aura besoin de toute son
énergie. »
Je me levai, pris mon café et, avant de partir, embrassai sa joue
creuse.
« Merci Maman, murmurai-je à son oreille. Merci de m’avoir donné
Ethan. » J’allais partir mais elle me retint.
« Non Abbiggail, merci à vous de l’aimer. »
Je sortis les larmes aux yeux, je comprenais Ethan lorsqu’il me disait être
partagé entre la joie et la tristesse.
Mélissa était dans la cuisine en train d’écrire un email, elle referma
l’ordinateur portable à mon arrivée.
« Edward ? » demandai-je, juchée sur le tabouret à côté d’elle.
Elle acquiesça en soupirant.
« Je ne sais plus où nous en sommes, mais je dois reconnaitre que, depuis
l’accident de Maman, il a toujours été là pour moi. Je ne peux pas demander
plus.
– Vous avez…? »
Elle haussa les épaules et retourna à son ordinateur portable.
« On s’est embrassés mais je ne sais pas s’il sait réellement ce qu’il veut. Je
suis contente qu’il soit présent.
– Il reviendra », dis-je en posant une main sur son épaule. « Je sais que ce
n’est pas facile avec ta maman et le mariage et tout le reste, mais tu es la seule
sœur que j’ai, je veux t'aider à avancer dans votre relation ok ? Je n’ai jamais eu
personne sur qui compter avant toi.
– On sera toujours une famille Abbiggail. » Elle m’attira vers elle et me serra
dans ses bras. « Tu comptes pour mon frère, tu comptes aussi pour moi. »
Elle se recula et m’emmena hors de la cuisine vers les escaliers.
« Maintenant sœurette », dit-elle en se tournant vers moi une fois arrivée en
haut des escaliers, « tu te maries demain matin, on va tout faire pour que tu te
sentes au top ce soir. »
Son énergie était communicative, je la suivis dans sa chambre, je sentais
monter l’excitation d’entrer dans cette famille et demain, ce serait officiel.
Demain, je deviendrai une Carter pour toujours.
Chapitre Vingt Trois

Abbiggail

Le Jour du Mariage

J’étais au fond de la pièce, mon cœur battait la chamade tandis que je me
regardais dans le miroir. Dans moins d’une heure j’allais épouser Ethan, c’était
le plus beau jour de ma vie mais j’avais peur de ne pas être à la hauteur. Ça
m’avait poursuivi durant toute ma vie : comment pourrais-je aimer quelqu’un si
je ne m’aimais pas moi-même ?
On frappa à la porte ce qui interrompit le cours de mes pensées, je me tournai
et vis Edward entrer dans la chambre. C’était bien la dernière personne que
j’imaginais voir là.
« Je croyais que c’était Mélissa », dis-je en me tournant vers mon reflet et en
le regardant derrière moi dans le miroir.
« Vous êtes seule ? » demanda-t-il, en refermant la porte derrière lui.
Je hochai la tête et il posa une main sur mon
épaule.
« Vous êtes radieuse, dit-il doucement. Ethan a beaucoup de chance.
– Merci Edward. Au fait, comment va t-il ?
– Nerveux, silencieux… vous le connaissez bien. »
Je ris, j’avais l’impression d’avoir des papillons dans le ventre.
« J’ai peur.
– Je ne peux pas vous blâmer, me taquina t’il. Y’a une tonne de monde en
bas. »
Je me tournai et lui donnai une tape sur le bras pour m’amuser tandis qu’il
prenait quelque chose dans sa poche intérieure et me le donnait. Mes yeux
étaient fixés sur la boîte emballée qu’il me tendait.
« C’est de la part d’Ethan ? »
Il acquiesça.
Je déchirai le papier brillant et ouvrit doucement la mallette blanche: elle
contenait deux magnifiques boucles d’oreilles en diamants et un collier assorti.
Je n’avais jamais vu autant de diamants de toute ma vie. « Je ne peux pas… »
soufflai-je.
Il acquiesça.
« Ils sont pour vous Abbiggail. Portez-les. Je peux ? »
Je hochai la tête et il vint derrière moi, il prit le collier, le mit autour de mon
cou et ferma le fermoir.
« Qu’ai-je fait pour mériter ça ? » demandai-je tandis que je me tournai à
nouveau vers le miroir et que nous contemplions tous deux notre reflet.
« Vous le méritez tous les deux. Il y a autre chose.
– Autre chose ? »
Il hocha la tête et tira, cette fois-ci, une lettre de sa poche. « Il voudrait
que vous lisiez ceci avant de vous rendre à l’église. » Je sentis mon cœur
flancher.
« Je refuse. » Je repoussai la lettre mais il retint ma main et referma mes
doigts sur la missive.
« Faites-le pour lui. Ouvrez-la.
– Vous savez ce qu’elle contient ? » demandai-je, mes mains tremblaient en
brisant le sceau.
Il secoua la tête.
« Pas jusqu’à ce matin, lisez-la en entier pour vous faire votre propre
opinion. »
Mon cœur battait si fort dans ma poitrine que je pouvais presque l’entendre,
je sortis la lettre de son enveloppe, cette dernière tomba au sol, je dépliai la
lettre, j’en étais presque malade.
La lettre était manuscrite, mes yeux se mouillèrent de larmes à sa lecture.
Plus j’avançais, plus je redoutais de lire la suite.
Edward posa son bras sur mes épaules pour me réconforter.
« Faites attention à votre maquillage », me dit-il, mais au lieu de me faire
rire, je m’écroulai, je ne m’attendais pas du tout à une lettre d’Ethan. En fait,
c’était la plus belle lette que j’avais jamais lue de toute ma vie :

“Abbiggail, les mots n’ont jamais été mon fort.
Je sais comment partir de zéro et fonder un trust mondial mais lorsqu’il
s’agit de toi… d’aimer, les mots me manquent.
Certains penseront que nous avons brûlé les étapes. Je dois avouer que je
suis le premier surpris, même si je sais depuis longtemps que c’est toi que je
veux épouser. Tu es la femme de ma vie.
Tu m’as fait réaliser combien l’amour est important, et sans toi, cette étape
de ma vie n’aurait pas été la même, grâce à toi je me sens le roi du monde.
La vie n’a pas été tendre envers toi Abbiggail. Je sais que tu as grandi seule,
je ne veux plus jamais que tu sois seule désormais. Rejoins-moi à l’autel, et tu
gagneras une famille pour la vie.
Comme je te l’ai déjà dit, je t’aime. Je t’aime d’une manière incroyable –
plus que ce que tu peux imaginer – et je te le prouverai chaque jour.
Peu importe qui gravite dans ton cercle, tu fais partie de ma famille
maintenant. Mes amis, ma famille… tout le monde. On ne te laissera jamais
tomber, c’est une promesse. Je ne te quitterai jamais.
Je ne suis pas très porté sur les sentiments et je ne montre pas vraiment mes
émotions, mais tu peux compter sur moi Abbiggail, je te défendrai jusqu’à mon
dernier souffle, mais je te dois une explication.
Depuis notre dîner sur la plage, j’ai œuvré en coulisses pour t’offrir le plus
beau des cadeaux. Les diamants, les chaussures, les montres… tout ça n’est que
du matériel facilement remplaçable. Ce que je t’offre c’est une identité, un sens
à ta vie.
Ce que j’essaie de te dire c’est que j’ai retrouvé ta mère biologique et toute
ta famille.
Je ne sais pas ce que tu vas ressentir à l’annonce de cette nouvelle, j’ai passé
la semaine à me morfondre en pensant qu’une fois que tu aurais lu cette lettre et
que tu connaîtrais le secret que j’ai été obligé de garder jusqu’à ce que tout soit
confirmé, je ne te verrai peut-être pas me rejoindre devant l’autel.
Cette pensée me déchire le cœur, mais j’espère que tu comprendras combien
tu comptes pour moi, et que lorsque tu le sauras, tu sauras que je l’ai fait avec
les meilleures intentions du monde. Je te donnerai tout ce que je possède
Abbiggail ; tu n’as qu’un seul mot à dire “Oui”. Je t’aime Ethan.”

Mes mains tremblaient tandis que je lisais ces derniers mots, je clignai des
yeux pour essayer de refouler mes larmes et ne pas abîmer tout mon maquillage.
Je me tournai vers Edward, cherchant une réponse sur son visage.
« Il a retrouvé ma famille ? Il a retrouvé ma mère ? »
Il hocha doucement la tête, son sourire s’adoucit. Je traversai la pièce, mon
esprit tournait à cent à l’heure. Ethan avait réussi à retrouver ma famille. Il
l’avait cherchée – j’espérais du fond du cœur que ce n’était pas une plaisanterie.
Je savais qu’il ne ferait jamais ça mais j’avais passé toute ma vie à me croire
seule, allant de foyer en foyer avec d’horribles “papas et mamans” et des “frères
et soeurs” qui m’avaient toujours rejetée. Je n’avais jamais songé au fait que mes
parents pouvaient être vivants et qu’ils voudraient me retrouver. Ils voudraient
certainement savoir qui j’étais devenue et si j’avais réussi ma vie.
Edward ramassa l’enveloppe et la posa sur la table.
« Je reviens tout de suite », dit-il, il quitta la pièce tandis que je paniquai.
Mon cœur battait à tout rompre quand je repensais à notre dispute dans les
Hamptons et à la façon dont je lui avais crié dessus et m’étais enfuie car je ne lui
faisais pas confiance.
Je ne comprenais pas pourquoi il s’imaginait que retrouver mes parents
biologiques et ma famille et me prendre sous son aile m’aiderait à me décider de
l’épouser.
Tout cela prouvait combien il m’aimait, tout ce dont j’avais envie c’était de
descendre le voir.
Rien que d'imaginer son visage me regardant dans les yeux me submergeait
d’émotion.
La porte s’ouvrit à nouveau et je replaçai délicatement la lettre dans
l’enveloppe.
« , pourriez-vous… » Je me retournai dans la direction où il aurait dû se
trouver, mais je stoppai net, ce n’était pas lui.
Mon cœur s’arrêta et je restai bouche bée, essayant de reprendre mon souffle,
une femme se tenait à sa place. Je la reconnus à ses cheveux, c’était celle qui se
trouvait dans le bureau d’Ethan l’autre jour.
Je reculai, sous le choc, je me cognai contre la table derrière moi et fis
vaciller la lampe qui était dessus.
« Oh, mon dieu ! »
La femme, vêtue de rose pâle brillant, avait mes yeux et mon sourire, en un
peu plus âgée.
« Abbiggail ? » dit-elle en venant vers moi, pour tester ma réaction. « Salut,
je suis Samantha, ta mère biologique. »
Ne pleure pas, ne pleure pas ! me répétai-je, espérant préserver mon
maquillage, mais lorsqu’elle ouvrit ses bras, je ne pu retenir toutes ces années de
haine, de crainte, de colère, d’attente, d’espoir et de solitude. J’éclatai en
sanglots qui secouèrent tout mon corps.
Elle s’approcha à la hâte et me serra fort contre elle, elle sentait bon.
« Ne pleure pas », dit-elle en me réconfortant. « Je suis désolée, tellement
désolée si tu savais, je t’en prie ne pleure pas. »
Plus elle parlait moins je pouvais m’arrêter, elle se recula doucement pour
voir mon visage, et essuya mes larmes avec ses doigts.
« Regarde-toi », dit-elle, elle souriait entre ses larmes. « Quelle belle jeune
femme tu es devenue. »
Je ris entre deux sanglots.
« Tu ne peux pas savoir combien ça compte de t’entendre dire ça. » Je
m’essuyai le visage avec le revers de la main. « Je n’arrive pas à croire que tu
sois ici. Je n’arrive pas à croire qu’Ethan t’ait retrouvée. »
Je savais que ce n’était pas grâce à moi, j’avais dit à l’orphelinat que je ne
voulais pas qu’on me retrouve. Après des années de colère et de sentiments
d’abandon mon unique souhait avait été de punir quiconque aurait tenté de me
retrouver, bien que je sache en mon for intérieur que personne ne l’aurait fait.
Mais Ethan avait réussi à passer outre et à la retrouver.
Je me souvins de la soirée sur la plage lorsque je lui avais parlé de la
fondation que je voulais créer, j’avais brièvement mentionné le nom de
l’orphelinat.
Il avait vraiment dû prêter attention à ce que je disais et pour avoir
mémoriser cette information.
« Je l’aime tellement », dis-je à haute voix, plus pour moi-même, mais elle
hocha la tête énergiquement, un large sourire apparaissant sur son visage baigné
de larmes.
« Tu es tombée sur un homme merveilleux Abbiggail. » Elle prit ma main et
me conduisit vers le canapé. « Il a rendu tout cela possible, sans lui, je n’aurais
jamais pu te retrouver.
– Je suis tellement désolée », dis-je, en enfouissant mon visage dans mes
mains.Si je n’avais pas été une adolescente aussi fière et bornée, j’aurais pu
avoir une famille il y a bien longtemps déjà.
Elle prit mes mains et les serra de toutes ses forces.
« Tu n’as pas à t’excuser ! » dit-elle sérieusement, les sourcils froncés.
« C’est moi qui suis désolée. C’est moi qui ne dors plus depuis que j’ai signé ces
documents. Je suis tellement désolée Abbiggail. Je suis désolée de t’avoir laissée
partir, je suis désolée de t’avoir laissée tomber et d'avoir laissé d’autres
personnes m’influencer et que je suis désolée d'avoir ruiner ta vie.
– Je suis heureuse maintenant, la rassurai-je, mais je veux savoir pourquoi ?
Pourquoi je n’étais pas assez bien pour toi ? Pourquoi tu m’as pas gardée avec
toi ? »
Ma voix se brisa quand je prononçai cette dernière question, mes larmes
étaient à nouveau prêtes à couler.
Ses traits se décomposèrent et elle secoua la tête.
« J’étais jeune et ma mère – ta grand-mère – était une chrétienne pratiquante.
Je n’étais pas mariée et elle m'a alors dit que la seule solution était l’adoption.
Nous avons lutté pendant des semaines entières mais au final elle a eu gain de
cause et je commis l’impensable. Tu comptais pour moi plus que tout au monde
et je t’ai laissée, je ne me le suis jamais pardonné. J’ai pensé à toi tous les jours.
Je suis allée à l’agence de placement pour avoir au moins une chance de te dire
bonjour mais ils avaient perdu ta trace. J’ai juste… »
Elle s’arrêta de pleurer et je la pris dans mes bras. Rien que l’idée de pouvoir
un jour réconforter ma maman était surréaliste, mais elle se tenait devant moi et
je trouvais ça tout naturel, comme si nous avions toujours été unies par un lien
invisible.
J’avais toujours imaginé notre première rencontre. Je me l’imaginais
miséreuse et alcoolique, avec des cheveux gras, mais elle était tout autre.
Ma mère était adorable. Il aurait fallu être fou pour ne pas accepter qu’elle
rentre dans ma vie.
Elle recula et regarda sa montre.
« Allons te marier », dit-elle en posant ses mains sur ses genoux. « Ne
faisons pas attendre Ethan. Il est sur des charbons ardents. »
Elle m’aida à me lever et se dirigea vers la porte en faisant signe à des gens
d’entrer ; à ma grande surprise, la première personne que j’aperçus fut Kathleen,
avec une grande mallette de maquillage.
« Pour les retouches ! » dit-elle en levant la boîte en l’air, avec un grand
sourire. « Bienvenue dans la famille, cousine ! »
Elle s’approcha et me serra contre elle avec un seul bras. Kathleen était ma
cousine. Je rougis en me remémorant mon coup d’éclat.
« Je suis si...
– N’en parlons plus ! m’arrêta-t-elle. Nous sommes une famille désormais. »
Elle posa la mallette sur la table derrière moi et d’autres personnes entrèrent.
« Malheureusement », dit ma mère en posant un bras sur mon bras, « ton
père est mort il y a de nombreuses années d’un problème cardiaque. Nous
n’étions plus ensemble mais nous parlions souvent de toi. Voici tes demi-frères,
Andrew et Ryan, et derrière eux tes oncles et deux de tes tantes. »
Tous les membres de ma famille vinrent vers moi les bras grands ouverts, je
pleurai à chaque fois que j’en rencontrai un nouveau.
J’avais une famille, je n’avais jamais imaginé que ça puisse être possible.
« C’est incroyable… » dis-je en les regardant tour à tour. « Je n’arrive pas à
croire que vous êtes tous là pour moi. Je n’arrive pas à croire que vous êtes tous
à moi. »
L’un de mes oncles s’approcha et me prit la main.
« Tout ce qu’il y a de plus vrai ma petite, nous sommes là et bien là », dit-il
d’un ton déterminé. « On va t’y conduire à l’autel crois-moi. »
Je sentais croître l’excitation.
« On est là », dit ma maman en venant à mes côtés. « Tu ne seras plus jamais
seule. » Kathleen agitait ses pinceaux de maquillage.
« Allez les mecs ! On a un mariage qui nous attend, et j’ai comme
l’impression qu’il va être particulièrement spécial ! J’en suis sûre. »

Chapitre Vingt-Quatre

Abbiggail

Je pris une profonde inspiration tandis que je me tenais derrière les portes qui
ouvraient sur la salle de la cérémonie. Quand on avait cherché des endroits pour
le mariage, on s’était dit que ce serait bien d’avoir une longue allée mais tout ce
que je voulais, c’était d’arriver au bout et voir Ethan.
La tension nerveuse me fit vaciller mais mon oncle me retint.
« Tu vas y arriver, me rassura-t-il. Rappelle-toi qu’on est tous là avec toi. »
Je hochai la tête, je me sentais rassurée et je pressai son bras, lorsque
j’entendis la musique jouer la marche nuptiale, je sus que je ne pouvais plus
reculer. Dans une heure je serai mariée, et je n’aurai plus jamais rien à craindre.
Les portiers se tenaient de part et d’autres et ouvrirent les portes. Je vis dans
l’interstice une marée humaine qui était là pour nous féliciter, et ma maman me
donna un petit coup de coude pour me rassurer.
Mélissa me regarda et m’adressa son plus grand sourire.
« Abbiggail, tu es prête ? »
Je hochai la tête, trop nerveuse pour répondre, elle se tourna et remonta
l’allée, un bouquet de fleurs à la main, suivie par une Kathleen radieuse.
Je pris une dernière inspiration profonde et me tournai vers ma maman. Elle
avait vu mon regard perplexe et hocha la tête. « Tu es magnifique. Vas-y et
montre-lui quelle chance il a de t’avoir. »
Je m’accrochai à son bras, l’attirant contre moi et nous fîmes notre entrée.
Les gens étaient stupéfaits de voir qui était à mon bras, et tandis que je
remontai l’allée, je regardai au fond pour voir si j’apercevais Ethan. Il était de
dos juste devant moi, ma nervosité et mon appréhension s’évanouirent aussitôt.
Il était là, et dans quelques instants je serai à ses côtés. Il serait mon refuge.
Ethan

Mélissa se mit à côté de moi et m’adressa un clin d’oeil, je savais
qu’Abbiggail était là et qu’elle avait lu la lettre. Malgré ce que j’avais fait, elle
voulait toujours m’épouser.
Je me balançais d’une jambe sur l’autre, et nos invités étaient saisis
d’admiration. Ils l’avaient vue, et je savais qu’elle marchait vers l’autel.
Edward se tourna pour la regarder et il hocha la tête, posant sa
main sur mon épaule. « Elle est magnifique », me dit-il et je lui serrai
la main.
« Merci. Ça compte beaucoup pour moi. »
Il fallait que je me retourne, elle devait être à mi-parcours maintenant, si je
ne me retournai pas, ce moment s'évanouirait à jamais. Je me retournai et nos
yeux se croisèrent instantanément.
Elle me sourit doucement, je n’avais jamais rien ressenti de tel auparavant.
Elle était belle, encore plus belle que lors de notre rencontre, je ne me lasserai
jamais de sa beauté et de son visage.
Elle venait vers moi et toute sa famille à sa suite. Samantha m’adressa un
clin d’œil et pour la première fois de ma vie je refoulais des larmes que je me
refusais à laisser couler.
Le moment était mal choisi pour montrer mes sentiments au monde entier,
j’allais épouser la femme que j’aimais.
Elle s’arrêta à mes côtés et Samantha arrangea sa robe et me donna un baiser
sur la joue.
« La famille de la mariée y consent ? » demanda l’officiant d’une voix forte.
Tous nos invités regardaient sa famille, fière et unie lançant avec assurance dans
la pièce silencieuse « Oui ! »
Abbiggail

Je me tenais à côté d’Ethan, j’étais rassurée de le voir, il prit ma main et la
serra dans la sienne.
« Tu es belle à couper le souffle », murmura-t-il, tandis que l’officiant
approchait et ouvrait le registre.
Elle nous sourit et se tourna vers les invités.
« Nous sommes réunis ici aujourd’hui pour témoigner de l’engagement de
deux cœurs dans le mariage. Si quelqu’un dans l’assemblée a quelque raison que
ce soit de s’opposer à ce mariage, qu’il parle maintenant ou se taise à jamais ! »
Je jetai un coup d’oeil vers cet océan de visages derrière nous, un rire
chaleureux retentit lorsqu’ils virent mon expression anxieuse. Je m’attendais
presque à ce que ses ex, Shelley en particulier, se lève en hurlant. Je n’avais
jamais dit à Ethan ce qui s’était passé. Je le regardai, il ne semblait pas inquiet le
moins du monde.
« Mettez-vous l’un en face de l’autre s’il vous plaît », nous dit l’officiant.
Je me tournai pour le regarder, la joie et la satisfaction se lisaient sur son
visage.
« Ethan, acceptez-vous de prendre cette femme pour légitime épouse ?
Promettez-vous de l’aimer, de l’honorer et d’être à ses côtés dans la santé
comme dans la maladie, de respecter vos devoirs conjugaux et de lui être fidèle
jusqu’à ce que la mort vous sépare ? »
Il me regarda intensément.
« Oui, oui je le veux.
– Abbiggail, acceptez-vous de prendre cet homme pour légitime époux ?
Promettez-vous de l’aimer, de l’honorer et d’être à ses côtés dans la santé
comme dans la maladie, de respecter vos devoirs conjugaux et de lui être fidèle
jusqu’à ce que la mort vous sépare ?
– Oui. »
Elle se tourna vers Edward et lui fit signe d’approcher avec les alliances. Il
ouvrit la grosse boîte en velours et nous la tendit. Les alliances brillaient dans la
lumière,.Ethan prit ma main dans la sienne, les larmes que j’essayais de retenir
se mirent à couler.
« Voici le symbole du mariage, dit l’officiant, le cercle de l’amour parfait,
l’union éternelle de ces âmes réunies ici aujourd’hui. Puissiez-vous restez fidèles
à ce symbole d’amour pur. S’il vous plaît unissez vos mains et répétez après
moi… »
Il me regarda et je pris l’alliance que me tendait Edward, je la glissai au doigt
d’Ethan et ma voix vacilla d’émotion, je répétai le serment.
« Moi, Abbiggail Greene, prends Ethan Daniel Carter pour époux, à partir
d’aujourd’hui et pour toujours, pour le meilleur et pour le pire, dans la richesse
ou dans la pauvreté, dans la santé et la maladie, je promets de l’aimer et de le
chérir, jusqu’à ce que la mort nous sépare. »
Il pressa ma main et murmura, je t’aime tandis que l’officiant se tournait vers
lui.
« Ethan a décidé de prononcer son propre serment, c’est à vous. »
Je le regardai avec surprise tandis qu’il prenait l’alliance que lui tendait
Edward et la plaça au bout de mon doigt. Les invités murmuraient, j’étais
quelque peu surprise qu’il soit assez romantique pour avoir écrit quelque chose.
« Abbiggail, commença-t-il, je te promets de préserver ton indépendance,
c’est ce qui te rend spéciale et unique. Je te promets une vie remplie de joie et de
bonheur, je ferai tout pour que tu sois fière de moi tous les jours de ma vie. Je te
promets de réaliser tes rêves et de les encourager, rien ne compte plus pour moi
que de te voir sourire. Je te promets de relever tous nos challenges, nous
pouvons tout affronter, à deux, nous sommes plus forts. »
Il me passa la bague au doigt et avança d’un pas.
« Abbiggail, je te promets de t’aimer, de te faire confiance et de t’adorer de
tout mon être, et ce, tout au long de ma vie. »
Le silence était complet et je le regardais intensément. Les larmes que j’avais
essayé de retenir roulaient doucement sur mes joues et j’essayais en vain de ne
pas me laisser aller, ses mots étaient si beaux. Ils me touchaient au plus profond
de mon être, je n’avais pas imaginé que derrière cette exigence, cette volonté de
tout contrôler et cette mélancolie se cachait un homme avec une capacité d’aimer
que je n’avais jamais soupçonnée ni même espérée.
L’officiant recula légèrement et nous regarda.
« Ethan et Abbiggail, vous avez prêté serment devant nous tous, par les
pouvoirs qui me sont conférés, je vous déclare, avec joie, mari et femme. Ethan,
vous pouvez embrasser la mariée ! »
Il lui laissa à peine le temps de finir, il me prit par la taille et pressa ses lèvres
sur les miennes. Je mis mes bras autour de son cou tandis qu’il me penchait en
arrière pour m’embrasser.
Nos invités applaudirent et nous félicitèrent et lorsque nous nous séparâmes,
je regardai en direction de Barbara, elle applaudissait avec bonheur, un immense
sourire se lisait sur son visage fatigué. Mon cœur fondait : nous avions pu la
rendre heureuse en dépit de sa terrible maladie.
« Vous venez Mme Carter ? » demanda Ethan en me tendant son bras. Je lui
donnai la main et nous traversâmes l’allée avec nos amis et nos familles qui nous
félicitaient. Si cela ressemblait à ça d’être aimée, alors je voulais bien que ça
dure toute ma vie.


Abbiggail

Ethan prit le micro et tapota dessus, s’assurant que toute l’assemblée fasse
silence et le regarde.
« Salut tout le monde. Je voulais tous vous remercier d’être là aujourd’hui.
Ça compte énormément à nos yeux… à ma femme et à moi… »
Un tonnerre de cris et de félicitations s’éleva dans la pièce et il baissa son
regard sur moi.
« Je suis sûr que vous serez tous d’accord, elle est absolument magnifique
aujourd’hui. Elle l’a toujours été, ça se confirme, j’ai vraiment de la chance. »
Tout le monde était d’accord et je rougis, je regardai les fleurs devant moi.
« Vous êtes tous des amis et de la famille », dit-il en regardant
l’assemblée, « vous savez que je suis un homme qui parle peu et lorsque je parle
j’y crois, ce que je vais vous dire ici vous ne l’avez jamais entendu avant. »
Il montra sa mère à mes côtés dans sa chaise, une couverture brodée de perles
sur les épaules.
« Cette femme que vous voyez là, celle qui sourit tout le temps, est la raison
pour laquelle je suis ici. C’est la raison pour laquelle je devais faire mon possible
et me battre pour avoir ce que je voulais, et ce que je voulais c’était Abbiggail.
Alors s’il vous plaît, je voudrais que nous portions un toast à une femme qui
s’est toujours battue jusqu’au bout, ma mère, Barbara Carter. »
Elle essuya ses larmes tandis que tout le monde trinquait et nous sourit en
retour.
« Et maintenant, au tour de ma femme. » Il me regarda, chercha ma main et
la serra dans la sienne. « Vous savez tous que je n’étais pas porté sur le mariage.
Tu m’as offert ce que tu as de plus précieux, ton cœur, et je passerai le restant de
mes jours à te protéger. J’en fais le serment. Je n’ai jamais cru en l’amour,
Abbiggail. Je n’ai jamais cru que l’amour pouvait exister jusqu’à ce que je te
rencontre. J’ai su que tu étais différente au premier regard, nous avons toute la
vie pour apprendre à nous connaître et découvrir le monde – notre monde. Ceci
étant dit, j’aimerais que nous nous levions tous en l’honneur de ma femme et
épouse et que nous levions nos verres à notre bonheur à venir ! »
Toutes les voix reprirent ses paroles en chœur. Je me levai pour l’embrasser,
et fis courir mes doigts sur sa joue.
« Je t’aime Abbiggail », murmura-t-il doucement en me regardant dans les
yeux alors que je me reculai.
J’approchai mes lèvres de son oreille et mis mes bras autour de son cou, pour
le plus grand bonheur de nos invités mais je les ignorais, tout ce qui m’importait
à cet instant précis c’était lui. « Merci d’avoir cru en mon amour. »
Le reste de la fête se poursuivit dans un mélange de champagne, de
félicitations, de rires et de larmes, je discutai avec Mélissa et ses amies qui me
complimentaient sur ma robe et les mets succulents.
Leurs compliments me faisaient rougir, les bulles de champagne me
donnaient un sourire rêveur et alors que je me tournai pour prendre mon verre
sur la table, Ethan vint à ma rencontre.
Il but une gorgée sans me quitter des yeux.
Je le vis articuler un “excusez-moi” aux personnes avec lesquelles il discutait.
Il m’enlaça et enfouit son visage dans mon cou.
« Et si on allait dans un endroit un peu plus tranquille ? » ronronna-t-il.
Je me sentis rougir, légèrement gênée que Mélissa et ses amies puissent
entendre, mais elles semblaient absorbées ailleurs.
« Et nos invités ? » murmurai-je.
Il m’attira contre lui.
« Ils peuvent attendre ; moi, non. » Son impatience me faisait sourire.
« Et si je refuse ? »
Il gémit dans mon cou.
"Mon dieu, tu vas me faire mariner combien de temps avec cette robe. Elle
mérite d’être déchirée.
– Ah non, on ne déchire rien. C’est de la haute couture », le taquinai-je.
Il rit et recula, il avait pris une douche froide.
« Elle te va super bien mais je crois qu’elle serait du meilleur effet sur le sol
de notre suite. »
Il fit courir ses doigts sur mes hanches, je regardai autour de moi pour voir si
personne ne nous regardait, il tourna mon visage vers le sien et murmura à mon
oreille.
« Rejoins-moi dans la suite nuptiale dans quinze minutes.
– Quinze minutes ? Et le gâteau…? » Il posa un doigt sur mes lèvres.
– Laisse tomber le gâteau. Rejoins-moi là-bas dans sept minutes.
– Je ne sais pas où…
– Rejoins-moi dans cinq minutes. Tu trouveras. »
Il disparut au beau milieu des invités et je me retournai vers Mélissa et ses
amies.
« Tout va bien ? » demanda-t-elle lorsqu’elle vit mon visage. Je hochai la
tête, j’étais gênée et je riais car je m’imaginais en train de faire l’amour avec son
frère. Si seulement elle savait à quoi je pensais.
« Je reviens dans un moment », dis-je en m’excusant auprès du groupe, et je
me dirigeai vers le hall.
« Oh, Abbiggail ! Justement je voulais te voir ! » la tante d’Ethan se
précipitait vers moi mais je ne m’arrêtai pas.
« On se parle après ? dis-je à la hâte. Je reviens, promis. »
Elle hocha la tête et s’éloigna. Je m’en voulais de l’avoir éconduite mais
j’avais trop hâte de me retrouver seule avec mon nouveau mari.
Je trouvai les escaliers et me dépêchai, soulevant ma robe à chaque pas.
Génial !
Toutes les portes portaient un nom, je parcourus la moitié du couloir,
vérifiant chacune des portes jusqu’à ce que j’arrive à la dernière, on pouvait y
lire en grosses lettres plaquées or, “Je fais le serment de t’aimer, te respecter et te
chérir”. Ce devait être la bonne.
Je frappai doucement pour ne pas attirer l’attention des pièces avoisinantes.
En l’absence de réponse, je réessayai plus fort et tournai la poignée. A ma
surprise, la porte s’ouvrit.
Je fis un pas dans la chambre plongée dans l’obscurité afin que mes yeux
s’habituent à la pénombre.
« Quatre minutes et vingt-sept secondes », dit une voix à l’angle de la pièce.
Je tournai la tête et aperçus Ethan assis dans un fauteuil, un poignet en l’air,
en train de regarder sa montre. Il se leva et approcha doucement.
« Tu veux boire quelque chose ? » en désignant le mini-bar dans l’angle.
Je secouai la tête.
« Je ne suis pas venue pour boire…. » dis-je, d’une voix effrontée que je ne
me connaissais pas.
« Oh ? » Il haussa les sourcils. « Et tu es venue pour quoi faire ? »
Je lui tournai le dos et mis mes cheveux d’un côté, découvrant une épaule. Il
ne lui en fallait pas plus, ses doigts trouvèrent les boutons qu’il défit lentement
un à un.
Ça n’aurait dû prendre que quelques secondes, mais il prenait tout son temps,
ses doigts effleuraient mon dos et descendaient au fur et à mesure.
Il recula, je me retournai et le vis se rasseoir dans le fauteuil sans me quitter
des yeux.
J’ôtai ma robe, on pouvait voir mes seins dans mon soutien gorge sans
bretelles. Il me déshabilla du regard, la robe s’arrêta au niveau de mes hanches et
je la fis descendre jusqu’au sol, elle glissa telle une flaque hors de prix.
J’étais devant lui en soutien-gorge, slip et porte-jarretelles, spécialement
choisis pour lui.
« Nom de Dieu », dit-il en me regardant, ses yeux passaient mon corps au
crible. Il me regarda à nouveau dans les yeux tandis qu’il touchait son
entrejambe et tirait sur son pantalon.
Il bandait, je l’excitais, ça me donnait un regain de confiance.
En général lorsque je me déshabillais, ce n’était pas ainsi que les hommes
réagissaient. Voir ses yeux briller de désir me faisait me sentir la femme la plus
sexy du monde.
Il posa ses mains sur ma taille et m’attira contre lui.
« J’adore », rugit-il en passant ses mains sous mon slip en soie, « mais je
crains qu’il ne faille le retirer. »
Il le fit doucement descendre le long de mes cuisses, il se pencha, le fit
glisser le long de mes mollets, il atterrit avec la robe. Il se releva, effleura ma
jambe jusqu’à ma hanche et ma taille puis dégrafa mon soutien-gorge.
Je le laissai faire, il le jeta à l’autre bout de la pièce.
« Tu n’en auras plus besoin », dit-il tandis qu’il pressait mes seins à pleines
mains.
« Allonge-toi », ordonna-t-il ; et je le laissai me pousser doucement sur le lit
sans le quitter des yeux.
Il ôta son nœud papillon et se déshabilla entièrement à l’exception de son
boxer. Il me regardait tandis que je ne quittai pas des yeux son sexe raidi, tout en
me léchant les lèvres.
Je m’attendais à ce qu’il me dise de reculer mais il n’en fit rien. Au contraire,
il me regarda approcher, je m’installai au bord du lit et baissai son boxer.
Son sexe raidi surgit à hauteur de mes yeux et avant qu’il ait pu prononcer un
mot, je le prenais dans ma bouche.
« Oh, mon dieu ! » rugit-il en rejetant sa tête en arrière. Il me tenait par la
nuque pour que je continue.
Je voulus le prendre dans mes mains, je le masturbai avec mes lèvres et ma
langue, mais avant que j’ai pu attaquer, il se recula et secoua la tête.
« Non Abbiggail. Cette soirée est pour toi… »
Il monta sur moi et m’embrassa désespérément. Il saisit mon sexe, frotta mon
clitoris et glissa ses doigts en moi. Je me cambrai sous la caresse et fermai les
yeux, m’accrochant à son cou.
Il continuait tandis que je me tortillais contre lui, il cessa de m’embrasser et
me regarda dans les yeux, sans parler. J’étais allongée, haletante. Il embrassait
tout mon corps jusqu’à ce qu’il atteigne l’endroit que je préférais.
« Ah… », je gémis longuement à voix haute, sa bouche me procurant un
plaisir fou. La combinaison de ses doigts et de sa langue allait me faire jouir.
J’avais envie de savourer chaque seconde de la première fois où nous faisions
l’amour en tant que mari et femme, mais je ne pouvais par l’arrêter. C’était trop
bon. Je pouvais exploser à tout moment.
Il posa son autre main sur mon ventre.
« Ethan… », soufflai-je en mettant mes mains dans ses cheveux. « Je ne vais
pas pouvoir tenir… »
Il arrêta avec sa langue, je sentais la morsure du plaisir sur mon corps tandis
qu’il montait sur moi.
J’éteignis la lampe mais il la ralluma.
« Pas ce soir », dit-il la voix rauque. « Ce soir je veux te voir. Toute entière. »
Je le regardai tandis qu’il m’embrassait. Il frotta son sexe durci contre mon
intimité et me pénétra doucement.
Il me pénétra de tout son long et je gémissais de plaisir, je buvais le
rugissement qui s’échappait de sa bouche. Il me pilonnait et il dut se retirer, il
frissonnait de désir.
« Mon dieu Abbiggail… », gronda-t-il en entrelaçant ses doigts avec les
miens et clouant ma main au lit.
Il se retira et me pénétra à nouveau, il laissa échapper un autre rugissement.
Il utilisait sa main libre pour parcourir mon corps et attraper un sein.
Il me pilonnait de plus en plus vite, il se retirait et me pénétrait de plus en
plus profondément, plus j’approchais de l’orgasme, plus je frémissais entre ses
bras.
Il m’embrassa à nouveau mais ce fut de courte durée, le plaisir était trop
intense.
Je m’étirai et il me regarda, il allait bientôt jouir.
« Merde », soupira-t-il en se détournant. Il gémit à nouveau et son excitation
devint contagieuse, je sentais l’excitation monter jusqu’à l’explosion. Je hurlai,
enroulai mes bras et mes jambes autour de sa taille, j’étais parcourue de
secousses, on aurait dit que des vagues de plaisir secouaient mon corps. Je me
cambrai contre sa poitrine, les yeux clos, il m’embrassa, son propre orgasme
atteignant des sommets.
Il s’agrippa à ma taille et rejeta sa tête en arrière, les sourcils froncés par
l’extase, j’entendais ses rugissements tandis que ses mouvements s’accéléraient
et il s’agrippa encore plus fermement à mes hanches en hurlant de toutes ses
forces tandis que des vagues de plaisir le parcouraient.
Je me tenais à lui, m’agrippant à son corps, je le rejoignais dans l’orgasme
qui le faisait frémir avant qu’il ne s’écroule sur moi.
Nous restâmes tous deux allongés et ruisselants, légèrement comateux tandis
que le silence retombait dans la chambre. On entendait la musique du mariage
par la fenêtre entrouverte.
« Tu es ma femme… », dit-il essoufflé en s’allongeant sur moi un moment
avant de me libérer et de rouler sur le lit. « Je ne me lasserai jamais de te faire
l’amour comme ça. »
Je me blottis contre lui. Retourner à la réception était le cadet de mes soucis,
je profitais de ce moment après l’amour avec mon nouveau mari.
« Je n’aurais pu rêver d’une fin plus heureuse », murmurai-je contre son
épaule. « Je suis mariée, et grâce à toi j’ai rencontré ma mère biologique et… je
veux te remercier d’avoir changé ma vie Ethan Carter. Je ne peux pas te décrire à
quel point tu comptes pour moi.
– Tu ne seras plus jamais seule. Mes bras sont toujours restés grands ouverts,
même lorsque tu es partie Abbiggail », dit-il en m’embrassant sur le front.
« Il fallait que tu trouves ton chemin et tu y es arrivée. Tu m’es revenue. »
Il remonta les draps sur nous et se faisant, il se tourna vers moi, nous
restâmes allongés à nous regarder dans les yeux. Il m’observait, ses yeux
saisissaient tout de moi, tous mes soucis, ce que j’étais au plus profond de moi.
« Tu n’auras plus à te cacher », dit-il doucement en caressant mon visage,
mes paupières, ma joue et mes lèvres, alors qu'un frisson de plaisir me
parcourait. « Je suis arrivé à destination, Abbiggail. Tu es mon refuge. »

– Fin –
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Bonjour,
Merci d’avoir lu mon livre ! S’il vous a plu, pourriez-vous écrire un
commentaire sur la page Amazon du Livre ?
Merci,
Rose

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