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Colette

Colette Collection dirigée par

Colette
(1873-1954) Colette Laurence Tâcu
Paris je t’aime ! Dans la même collection
Issue d’une famille provinciale, ses et autres textes
parents lui transmettent la passion de
Simone de Beauvoir
la littérature. À l’âge de vingt ans, elle Les Inséparables
se marie avec Henry Gauthier-Villars, « Ce grand, ce long amour qui m’a tenue et me Malentendu à Moscou
dit « Willy » qui l’encourage à écrire tient encore attachée à Paris, il n’a pas fleuri sans Walter Benjamin
ses souvenirs d’enfance : la série des effort.

Paris,
Enfance berlinoise
Claudine connaît un immense succès. N’oublie pas le meilleur
De 1906 à 1912, elle fait l’expérience Mais je ne pouvais pas échapper à Paris : j’y
Thomas Bernhard
du music-hall, avant d’épouser Henry trouvai, l’une après l’autre, tant de provinces ! C’est L’Italien
de Jouvenel et d’entamer une carrière à peine, en un demi-siècle et plus, s’il me rassasie.

je t’aime !
Colette
de journaliste au Matin. Elle publie
Chéri (1920), Le Blé en herbe (1923),
La rive gauche m’échut pour commencer, puis j’eus Une parisienne dans la Grande Guerre
Un bien grand amour
Sido (1930) et La Chatte (1933). En 1945, une charmille de Passy, une pénombre modeste des
Marguerite Duras
elle est élue membre de l’Académie Ternes, puis le Paris des deux guerres, auquel je fus Deauville la mort

Paris, je t’aime !
Goncourt, dont elle devient la prési- fidèle… Le Palais-Royal est aujourd’hui sous mes
dente en 1949. Mircea Eliade
fenêtres ; je n’ai plus ni le temps, ni l’envie de me Mademoiselle Christina
déprendre de mon dernier village. » Retour au Paradis
Journal himalayen
Les routes de l’Inde
Elisabeth Gaskell
Présentations par Gérard Bonal et Frédéric Maget. Cranford
Femmes et filles
Ma cousine Phillis
Les confessions de Mr. Harrison
Mihail Sebastian
Femmes
Anthony Trollope
L’ange d’Alaya
John Bull sur le Guadalquivir
Noël à Thompson Hall
Mario Vargas Llosa

L’Herne
14,00 € - www.lherne.com Le tour du monde en 80 textes (ou

L’Herne
presque)
récits
© Éditions de L’Herne, 2023
55, rue Pierre-Charron
75008 Paris
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www.lherne.com
Colette

PARIS,
JE T’AIME !
et autres textes

Présentés et annotés par


Gérard Bonal et Frédéric Maget

L’Herne
PARIS,
JE T’AIME !
PRÉFACE

Provinces de Paris

Des maisons de Colette, on cite souvent la


maison natale de Saint-Sauveur-en-Puisaye, la
Treille-Muscate à Saint-Tropez, Rozven près de
Saint-Malo, plus rarement Castel-Novel en Corrèze
ou les Monts-Bouccons en Franche-Comté. Et,
bien sûr, le Palais-Royal, sa dernière demeure. On
en oublierait presque que l’écrivaine passa plus de
soixante ans à Paris…
Mariée en mai 1893 à Henri-Gauthier Villars,
alias Willy, Gabrielle quitte Châtillon-Coligny
dans le Loiret pour s’installer dans la capitale.
Comme beaucoup de héros balzaciens qu’elle aime
tant, elle fait le voyage à Paris. Elle a vingt ans. Elle

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est belle, intelligente. Mais elle n’est pas Rastignac.
Elle n’a alors d’autre ambition que d’échapper à
l’exil auquel la ruine de ses parents semble l’avoir
condamnée.
Après quelques jours dans un hôtel rue de
Tournon, le couple s’installe d’abord au dernier
étage du 55 quai des Grands-Augustins, siège
de la maison d’édition familiale, où Willy avait
sa garçonnière, puis, quelques semaines plus
tard, au numéro 28 de la rue Jacob, un appar-
tement sur cour. La jeune Mme Gauthier-Villars
s’y ennuie d’abord. Elle mélancolise : « Le seul
danger que j’aie couru rue Jacob était l’attrait de
l’ombre, les invites de la tentante claustration.
J’y entrevis la richesse de ce qui est noir, confiné,
favorable à d’immobiles ébats. » Depuis la fenêtre
de sa chambre, elle cherche du regard une feuille,
un branchage, elle flaire l’odeur d’une fleur. Un
morceau de sa province perdue : « Je n’aimais
plus que les brèves échappées d’air libre, quelque
rafale de grêle printanière se ruant par la fenêtre
ouverte, l’odeur vague des lilas invisibles, venue
d’un jardin voisin. » Comme Claudine, sa future
héroïne, Colette a le mal du pays.

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Les photos de cette période la montrent le plus
souvent le regard baissé, l’œil triste. Esthétique
d’une époque ? Pas seulement. L’arrivée à Paris
précède de peu les premières désillusions. Elles
ont pour nom Louise Willy, Charlotte Kinceler…
Période de tous les apprentissages. Heureusement,
elle peut compter sur la compagnie de ses camarades
d’atelier, de jeunes gens bien disposés à l’amuser :
Jean de Tinan, Paul-Jean Toulet, Émile Vuillermoz,
Curnonsky. Il y a aussi les amis du couple : Marcel
Schwob et Marguerite Moreno. Et bien sûr, les cafés
– ceux de la butte et ceux du Quartier latin – et les
salons – ceux de Mme de Caillavet, de Mme de Saint-
Marceaux ou de la princesse de Polignac – qui récla-
ment le facétieux Willy et sa non moins piquante
épouse, ses grandes tresses et son accent bourgui-
gnon. Non, ces premières années ne furent pas aussi
tristes que Colette le dira par la suite.
Ses premières adresses parisiennes sont pour l’es-
sentiel celles que ses maris ou ses amants et maîtresses
auront choisies : 93 puis 177 bis rue de Courcelles
avec Willy – les beaux quartiers après le succès des
Claudine –, rue de Villejust – aujourd’hui rue Paul-
Valéry – pour être plus proche de Missy, puis Passy et

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Auteuil, dont les adresses correspondent davantage
au statut et aux ambitions de son deuxième mari,
Henry de Jouvenel1. À partir des années 1920, avec
l’indépendance sentimentale et financière, Colette
peut, pour la première fois, choisir un appartement
à elle.
En novembre 1926, elle emménage au Palais-
Royal, dans un entresol situé 9 rue de Beaujolais :
« L’après-guerre dépouillait Paris de tous les écri-
teaux “À louer”. C’est alors qu’imprévu, non désiré,
plutôt craint, s’arrondit au-dessus de ma perplexité
une courbe d’arc-en-ciel : le cintre d’une fenêtre
d’entresol, sur le jardin du Palais-Royal. […] Un
loyer modeste, un plafond que je touchais de la
main – deux mètres vingt-deux – une étendue toute
en longueur dont je pourrais distribuer à mon gré
les quatorze mètres soixante-dix : voilà les tentations
que m’offrit le hasard. »
Le hasard ? Peut-être. Pourtant Colette connais-
sait l’endroit. Son père, le capitaine Colette, l’avait
emmenée en 1884 au théâtre du Palais-Royal pour
voir le comique Hyacinthe dans Le Train de plaisir

1. On trouvera en annexe la liste chronologique des adresses pari-


siennes de Colette.

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de Hennequin, Mortier et Saint-Albin. Avant 1900,
elle se rend fréquemment rue de Valois pour rendre
visite Marcel Schwob et Marguerite Moreno. Sido,
lorsqu’elle rend visite à sa fille, séjourne à l’hôtel du
Palais-Royal en face du 9 rue de Beaujolais…
Malgré l’inconfort relatif du lieu (exiguïté et
bruits), l’écrivain évoque avec plaisir cet apparte-
ment et songe déjà à s’installer au premier étage :
« Je sauterais de joie […] quand Quinson, directeur
du théâtre voisin, m’aura cédé l’appartement du
premier étage, au-dessus de ma tête. » On sait grâce à
Gérard Bonal2 qu’elle envisage un temps de racheter
l’immeuble et qu’elle sollicite le soutien financier
de la princesse de Polignac. En vain, semble-t-il,
puisqu’il lui faudra attendre presque dix ans pour
parvenir à ses fins. En 1929, elle quitte le tunnel
pour les cimes, d’abord celles de l’hôtel Claridge,
puis, juste en face, celles de l’immeuble Marignan.
C’est à cette période que l’expression « Province de
Paris » et « Ma Province de Paris » apparaît sous
sa plume pour désigner ses appartements et tout
particulièrement le Palais-Royal qu’en 1938 elle
peut enfin réintégrer : « Oui, j’ai trouvé encore une

2. Gérard Bonal, Colette. Je veux faire ce que je veux, Perrin, 2014.

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province, dans Paris où il y en a sinon pour tout le
monde, du moins pour ceux qui prennent la peine
de la chercher. Trouvé ? Et pourquoi pas retrouvé ?
Le cœur recommence. Quarante-cinq ans de Paris
n’ont pas fait de moi autre chose qu’une provinciale
en quête, sur vingt arrondissements et deux rives de
fleuve, de sa province perdue. » (En pays connu)
Depuis La Maison de Claudine (1922), l’évoca-
tion de l’enfance et celle de sa mère sont devenus
des thèmes centraux de l’œuvre. Sido, paru d’abord
en 1929 puis dans une version augmentée en 1930,
s’ouvre sur ce reproche de la mère : « Te voilà bien
fière, mon Minet-Chéri, parce que tu habites à Paris
depuis ton mariage. » Suit un long développement
sur les Parisiens qui dresse en creux le portrait d’une
certaine province, plus agreste que provinciale :
« Ne l’eussé-je pas tenu d’elle, qu’elle m’eût donné,
je crois, l’amour de la province, si par province on
n’entend pas seulement un lieu, une région éloignés
de la capitale, mais un esprit de caste, une pureté
obligatoire des mœurs, l’orgueil d’habiter une
demeure ancienne, honorée, close de partout, mais
que l’on peut ouvrir à tout moment sur ses greniers
aérés, son fenil empli, ses maîtres façonnés à l’usage

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et à la dignité de leur maison. » (Sido) Colette tour
à tour Claudine et vagabonde, romancière, mime et
journaliste, s’invente un masque, un nouveau rôle,
une identité dont sa mère, rétablie dans ses droits
souverains au centre du jardin de la maison d’en-
fance, est le modèle.
Où sinon au Palais-Royal retrouver ce paradis
trop tôt perdu ? « Nulle part ailleurs la séduction
du bien-vivre ne défie si insolemment les conditions
normales de l’existence. […]. Mon premier matin
de Palais-Royal fut, paupières encore fermées, l’il-
lusion d’un beau matin de campagne, car sous ma
fenêtre cheminaient ensemble un râteau de jardinier,
le vent courant d’ouest en est dans les feuillages, et
cette liquide gorgée qui monte et descend dans le
cou sonore des pigeons. » Le souvenir du jardin de
Saint-Sauveur-en-Puisaye n’est pas loin.
Le Palais-Royal a pour Colette les allures d’un
« village dans le village » avec ses codes, ses règles et
ses interdits : « Pendant mes dix années d’absence
quelques “nouveaux” ont emménagé rue de Valois,
rue de Montpensier et rue de Beaujolais. Ceux qui
montrent de sérieuses aptitudes à s’incruster prennent
vite les bonnes manières, échangent le bonjour sans

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insistance entre voisins, remplacent par le dialogue en
plein air les visites à domicile. […] Ils se soumettent à
nos us agréables ; face au soleil, le dos à un pilier tiède,
une chaise en guise de table et une tasse d’infusion en
guise de thé, nous savons faire salon dans un jardin,
discrètement. Vous qui avez comme moi choisi d’ha-
biter ce beau lieu, formez-vous à son protocole. »
Et l’écrivaine de se proclamer « citoyenne de notre
Palais-Royal ». Elle y a ses amis Jean Cocteau, Jean
Marais, Christian Bérard, ses illustres voisins Pierre
Lazareff, Mireille, ses lieux de prédilection : le Grand
Véfour…
Le Palais-Royal n’avait pas alors les attraits que
nous lui reconnaissons. Délaissé, noirâtre, il est alors
fréquenté par les prostituées : « Un tripot, peut-être
pis ? Je n’en sais rien, ce sont des histoires que je me
raconte. Il se peut que l’entresol où je forai ma cave
ait été la demeure, le poste de guet des demoiselles
de plaisir qu’on nommait en raison de leur affût ou
de leur fenêtre cintrée, castors ou demi-castors, selon
que leurs moyens et la prospérité de leur industrie
les rendaient locataires d’une fenêtre ou d’une demi-
fenêtre. » (Trois… Six… Neuf…) Le jardin où l’on
voit aujourd’hui de nombreux habitués ou touristes

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se prélasser n’est alors « connu, fréquenté, que par ses
habitants riverains et ses voisins immédiats. Encore
faut-il que ces derniers soient dotés du petit enfant ou
du chien – de qui l’hygiène requiert un lieu sûr. On
n’emprunte guère la largeur, la longueur du jardin
en guise de raccourcis. » Paris jusque dans les années
1950 ignore le Palais-Royal.
La fascination de Colette pour ce lieu préservé
n’en est que plus grande : « Dans un autre quartier les
locataires, chaque jour, essuieraient un pleur de souci,
mais ici nous habitons le Palais-Royal, majestueux
édifice ensoleillé, monument qui enserre tendre-
ment un rectangle de verdure, au centre duquel une
pièce d’eau ronde tantôt brille comme un chaton de
bague, tantôt élève dans l’air un bouquet de douze
panaches d’argent et d’arc-en-ciel. Nous sommes là,
favorisés, exposés à l’intempérie, contents de notre
sort. » (Trois… Six… Neuf…). Au centre, le jardin,
visible de toutes les fenêtres, est l’objet de toutes
les attentions : « L’activité du jardinier autour des
plates-bandes nous promet qu’après cinq années
privées de fleurs nous aurons de nouveau l’accord
rouge, rose et violet qui honore le Palais-Royal de
septembre. » (L’Étoile Vesper), « Nous avons des rosiers

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âgés et florifères, (qui) désarment même les enfants
du Ier arrondissement. L’un des arbustes porte, de par
une singularité de greffage, des roses mi-partie jaunes,
mi-partie rouges. Double et redoublé, un autre rosier
soufre accable son tuteur d’une richesse… Ces roses
du Palais-Royal, ces vieux rosiers prodigieux, roses sur
tiges, le bouton clos comme un œuf, puis inopiné-
ment ouvertes, roses qu’éveille au centre de Paris l’arc-
en-ciel prisonnier du jet d’eau… » Le rouge et le rose,
chers à Sido, tout comme les roses qui dans le jardin
de la maison natale se nomment « cuisse de nymphe
émue ». Jardin rêvé ou perdu.
Avec la maladie et l’immobilisation progressive,
l’appartement du Palais-Royal devient une vigie, un
poste d’observation sur le monde. Le microcosme
dans le macrocosme. Depuis le lit-radeau installé
sous la fenêtre, Colette regarde. « Tout m’est spectacle
ici. » Elle fait de ses observations la matière de deux
volumes L’Étoile Vesper et Le Fanal bleu, ni mémoire
ni autobiographie, ni journal au jour le jour, mais une
succession de notations sur la vie du quadrilatère, la
vieillesse et la douleur qui comptent parmi les plus
belles pages de l’œuvre : « Ô découvertes, et toujours
découvertes ! Il n’y a qu’à attendre pour que tout

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s’éclaire. Au lieu d’aborder des îles, je vogue donc vers
ce large où ne parvient que le bruit solitaire du cœur,
pareil à celui du ressac ? Rien ne dépérit, c’est moi
qui m’éloigne, rassurons-nous. Le large, mais non le
désert. Découvrir qu’il n’y a pas de désert : c’est assez
pour que je triomphe de ce qui m’assiège. »
Quelques mois avant de s’éteindre, le
3 août 1954, Colette confiait à un journa-
liste des Nouvelles littéraires venu l’interroger :
« J’ai toujours avec moi le portrait de ma maison
natale. » Peut-être, en soufflant ses quatre-vingts
bougies, jetant par la fenêtre du 9 rue de Beaujolais
un regard sur le jardin endormi, s’est-elle souvenue
d’une « petite » restée seule dans un autre jardin, le
regard fixé sur une lampe et un doigt coiffé d’un
dé brillant et de ces quelques mots écrits trente ans
plus tôt : « Le jardin, le village… Au-delà, tout est
danger, tout est solitude… »

Toute une vie en quête d’une province perdue et


enfin retrouvée.

Frédéric Maget

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TABLE DES MATIÈRES

Préface 7

Paris, je t’aime ! 19

Captive de Paris 21

La province aux Champs-Élysées 27

Le Palais-Royal 33

La citoyenne du Palais-Royal 39

Paris 45

Les scribes du Palais-Royal 51

Je suis bien chez moi, et vous ? 55

[Le Palais-Royal après la guerre] 65

Le jardin libéré 69

Le bi-centenaire du Grand Véfour 73

Les adresses parisiennes de Colette 79

J’aime être gourmande 85


« Quand la dernière petite fille des
Prix-Scire… » 95

La « Chatte », celle qui n’a pas voulu


d’autre nom 99

Pourquoi je les aime 105

Le silence des enfants 113

Ma Poésie, c’est ma province 119

Un autre ennemi, l’excès 125

Sans moi 129

L’année est un ruban 135

Colette vous parle de l’amour 139

Jeunes femmes d’aujourd’hui,


Colette vous parle 147

J’ai connu tous ces grands séducteurs,


quel était le secret de leur charme ?  151
Dépôt légal : janvier 2023
Achevé d’imprimer dans l’Union européenne

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