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Vie merveilleuse de M. J.-M.

-
B. Vianey, curée d'Ars... / par
l'auteur du Recueil de
maximes spirituelles. suivie
de [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Jean-Marie Vianney (1786-1859 ; saint). Auteur du texte. Vie
merveilleuse de M. J.-M.-B. Vianey, curée d'Ars... / par l'auteur du
Recueil de maximes spirituelles. suivie de quelques-unes de ses
Maximes spirituelles et de diverses prières composées par lui.
1861.
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VIE MERVEILLEUSE

DE

M. J. -M. - B. ViANET,
CURÉ D'ARS,

MORT EN ODEUR DE SAINTETÉ,


LE 4 AOUT 1859.

etde
de
Suivie -
quelques unes de ses Maximes spirituelles
diverses Prières composées par lui.

Farl'AuteurduRecueildeMaximesspirituelles.

-4—
J. J.N.
A.M.D.G.clD.D.
0
]M.

s A
-

J. B. PÉLAGAUD,IMPRIM.-LIBRAIRE
DEN.S.P.LEPATE.
LYON, PARIS,
GRANDE RUE MERCIÈRE, RUEDESS.USTS-rÈRES,
N°48. N°57.
VIE MWIIMME

IID:

M. VIANEY, CURÉ D'ARS.


PltOPBIÉTÉ,
VIE MERVEILLEUSE

DE

-
Suivie de quelques unes de ses Maximes spirituelles
et de diverses Prières composées par lui.

Par l'Auteur du Recueil de Maximes spirituellu.

-4--
A. M. D. G. et D. J. H.

J. B. PÉLAGAUD,IMPRIM.-LIBRAIRE
DE N. S.P.LE PAPE.
LYON, PARIS,
6AANDBRUKMERCIERE, RUEDESSAINTS-PIRES,
N°48. N°57.
1861.
DÉCLARATION. DE L'AUTEUR.
1

Pour obéir au dérret du pape Urbain VIII, d'heureuse nié -


moire, nous déclarons que tout cc que nous avons inséré dan
ce petit Ouvrage à la louange de M. Vianey, célèbre curé d'Ara
quoique provenant des sources les plus pures, n'a qu'une aut
rité purement bumaine; etqu'en lui décernan t les titres de véné-
rable Prêtre, de saint Curé, etc., nous ne prétendons nultemen
devancer le jugement de la sainte Eglise catholique, à laquelle
nous nous ferons toujours une gloire d'appartenir et d'ètr
soumis,^ lavie et à la mort. !
s~s~s~

Nom le savons, plusieurs auteurs ont déjà écrit sur la vie


remarquables;
4c M. Jean-Marie-Baptiste Vianey, enré d'Ars, des pages
et, par ordre de Monseigneur de Belley
il sa prépare un ouvrage complet et considérable sur lavie
,
du vénérable Curé, cette vie si sainte et si extraordi-
naire, qui s'est éleinte avec un si grand retentissement
dans toute la chrétienté. Mais, outre que ce travail n'est
as
prix élevé ,
encore prèsde paraitre et qu'il sera d'aillenrs d'un
tout le monde ne peut être satisfait des
essais plus ou moins heureux qui ont été tentés à cet égard:
car, dans la plupart, le sujet est traité d'une manière trop
humaine et trop naturelle, ou trop incomplète, ou bien

,
l'acquisition en est trop onéreuse pour un grand nombre
de lecteurs. Quant à nous outre que nous voulons ren-
dre l'acquisition de ce volume facile, même aux plus pau-
,
vres sans rien omettre cependant d'essentiel, nous nous
adressons spécialement aux âmes pieuses. Nous désirons
que l'on ne se contente pas d'admirer une vie qui peut
passer pour la plusextraordinaire de notre siècle, et dont

monde catholique ;,
les principales circonstances sont déjà connues de tout le
mais que l'on fasse tous ses efforts
pour imiter la ferveur le zèle et la charité du saint Curé
d'Ars.
Il nous a été donné de voir de près M. Vianey, de nous
entretenir avec lui, d'admirer ses vertus héroïques, etc. :
ce qui nous a touché si fort, que nous n'avons pu résister
davantage au désir, que nous ne cessons de ressentir, de
voir ce thaumaturge de notre siècle entraîner à sa suite,
par l'exemple de sa sainteté, tous les chrétiens indifférents
de nos jours.
Puissions-nous, par ces quelques pages , contribuer
un peu au salut des âmes, lesquelles étaient si chères à
notre saint Pasteur, qui non-seulement donnait sa vie
pour ses propres brebis, mais qui la donnait indifféremment
!
pour toutes celles qui venaient réclamer son divin ministère
Aussi est-il mort en véritable soldat de Jésus-
Christ, LES ARMES A LA MAIN !. C'est pourquoi la mé-
moire de son nom durera autant que le monde.

Sit nomen Domini benediclum ,


Ex hoc nunc ct usqve inseculum.
HTTRODTJGTIOIT.

Les incr édules, les matérialistes, les préten-


dus sages de ce siècle réputé si légèrement le
siècle des lumières, tous ces hommes sans foi
comme sans conscience, ont-ils ouvert les yeux
en entendant parler des vertus admirables de
cet humble Curé de la Dombes, qui a tant fait
parler de lui durant sa vie, el qu'on ne cessera de
vénérer après sa mort?.
Beaucoup ont été vaincus par l'évidence des

;
faits et sont rentrés dans la bonne voie, en pré-
sence de l'homme de Dieu mais combien est
grand le nombre de ceux qui se sont contentés

!.
d'en entendre parler, et qui ne sont point ren-
trés en eux-mêmes

C'est bien à ce nouvel Apôtre du Sauveur,


que l'on peut appliquer ces paroles mémorables :
Il est né pour la ruine et la résurrection de plu-
sieurs. En effet, beaucoup ont profité de son
apparition en ce monde, mais un bien plus
grand nombre encore s'est contenté d'admirer
sa vertu, ou même a refusé d'y croire.

Cependant des hommes tels que le vénérable


Curé d'Ars sont rares, et c'est à peine si l'on en
peut compter quelques-uns à chaque siècle qui
s'écoule!. Il suffit d'entrer un peu dans le dé-
tail de sa vie si extraordinaire et si fervente,
pour en être convaincu. Et voilà pourquoi tout
le monde désirait voir et consulter cet humble
Curé d'une des plus petites paroisses du diocèse
deLyon(aujourd'hui de celui de Belley), laquelle
était naguère presque entièrement oubliée et
inconnue de la plupart de ceux qui venaient
admirer les vertus du saint Prêtre.
-
Car, que pouvait-on venir voiràArs? Un sile
des plus enchanteurs?' mais il n'y a rien qui
puisse attirer l'attention des touristes. Quoi
?
donc ?
des ehe(s-d'œuvre d'art — oui, des chefs-
tseuvre, mais des chefs-d'œuvre de vertus.
Quoi de plus? unpotentat adoré de ses sujets?
—Oui, un potentat, mais dont toute la grandeur

;
consiste dans son humilité; la richesse, dans
sa pauvreté les délices, dans sa mortification ;
ia munificence, dans les œuvres dela charité la
plus épurée, elc., etc.

?
AGITÉ PAR LE VENT? — Oh ! non ,
Qtfest-on venu voir dans ce désert UN ROSEAU
il était
vêtu de la force même de Dieu, et son ardeur
re-

excessive, dans un corps aussiexténué, en faisait


l'homme le plus remarquable de son siècle.
Ilétait, en quelque sorte, plus que prophète
c'était, en un mot, un nouveau Jean-Baptiste
:,
;
c'est-à-dire, le plus grand des enfants des hom-
mes de son époque et nous sommes bien per-
suadé que tous ceux qui ont eu le .précieux,
avantage de le voir de près, en ont jugé comme
nous.

La sainteté a quelque chose de si caractéris-


tique, qu'on est forcé de la reconnaître et de lui
rendre hommage partout où elle se rencontre
à un degré aussi éminent qu'en la personne du
bienheureux Curé d'Ars. Voilà pourquoi il a été,
durant la plus grande partie de sa vie, entouré
de toutes sortes d'hommages, bien qu'il usât de
tous les artifices imaginables pour se soustraire
à la louange des hommes. Ses obsèques mêmes,
quoique honorées des larmes de tout le monde,
eurent quelque chose qui ressemblait plutôt à
un triomphe qu'à des funérailles.
Il y avait en la personne de ce saint Prêtre
quelque chose qui attirait avec tant de force,
que ceux qui en étaient le plus éloignés dési-
raient vivement le voir de près, tandis que
ceux qui le voyaient auraient désiré ne jamais
s'éloigner de sa présence. Combien de fois n'a-

semblables:
t-on pas entendu proférer ces paroles, ou autres
Oh! que les habitants d'Ars sont
heureux d'être auprès d'un si saint homme !.
Oh! quejevoudraispouvoir fixericima demeure!
Oh! qu'il est pénible d'être obligé de quitter ce
lieu, où l'âme goûte un si grand bonheur!. etc.

Ce bon Curé était leseul à se déplaire dans un


lieu où il apercevait tant de dangers pour sa
vertu, entouré qu'il était d'une si grande véné-
ration. Si on l'avait laissé libre, il eût préféré cent
la
fois la solitude plus affreuse, ainsi que l'on en
conserve des preuves manifestes.

:
Alti c'est qu'il était intimement persuadé de
cette importante maxime du Sauveur Qué sert-il
à l'homme de gagner l'univers, s'il vient à per-
?.
;
dre son âme Voilà pourquoi il a tant fait de
bien et c'est pour cette raison qu'en travaillant
au salut des âmes, il n'a pas négligé le soin de
la sienne propre, qui devait l'intéresser de plus
près que celle d'aucun autre.

A. M. D. G.
m MBÏOTM.ME
DE

M. VIANEY, CURÉ D'ARS.

Premières années de M. le Curé d'Ars.

C'est au nord-ouest, et à environ huit


kilomètres de Lyon, qu'est situé le village
-de Dardilly,patriedes Vianey.Cette famille,
qui s'est toujours distinguée par ses bonnes
mœurs et sa piété, possède cette médiocrité
de fortune que désirait le Sage, et jouit
d'une grande considération dans le pays.
Elle peut se glorifier de plusieurs de ses
membres, qui se sont distingués dans la
carrière des armes, aussi bien que dans
l'état ecclésiastique.
Les pieux parents de M. le Curé d'Ars
Matthieu Viancy et
Marie Béluze,virent
,
naître de leur union six enfants, trois gar-
çons et trois filles. Le vénérable Curé d'Ars
fut le troisième par sa naissance, etle second
parmi les garçons. Ce fut le 8 mai de l'an-
née 1786, à l'heure de minuit, que vint au
monde cet enfant, dont la vie, exempte de
puérilité et de jeunesse, devait être un
jour un instrument si utile à la conversion
de tant de pécheurs, et à bien des âmes
justes un guide éclairé dans la voie dusalut
et de la perfection.
Le concours du mois de Marie, de cette
heure de minuit, etd'autres.particularités
qui accompagnèrent sa naissance, firent
dire à la sage-femme que cet enfant serait
ou un grand saint, ou un grandscélérat!.
Cela fit une grande impression sur l'esprit
de sa mère (1),qui, chaque fois qu'elle

(I)Acelle circonstance (le la naissance (leM.Vianey,l'on se


rappelle quelles furent Ici peiplexités du cœur de Mario aux
parcles de Siméon.
:
cUnïiait le sein à son enfant, se sentait af-
fectée de cette pensée Pauvre enfant, que
?.
deviendras-tu, el quelle sera ta destinée

,
Mais aux premières lueurs de sa raison,
et aux premiers essais. dè ses forces elle
fut bien rassurée, en remarquant qu'il lui
prenait souvent la main pour se faire mar-
quer au front le signe de la croix, qu'il ai-
mait à répéter les noms sacrés de Jésus et de
Marie, et qu'il adoptait une posture tout-à-
faît recueillie lorsqu'elle lui faisait faire sa
prière.
Il avait à peine quatre ans. lorsque sa
mère le perdit, comme Marie perdit le divin
Enfant Jésus. Comme Marie, ellele chercha,
le Meur rempli d'alarmes!. Elle le trouva

,
enfin, après bien des recherches, non pas
dans le temple mais dans un coin de l'é-

,
takle auxboeufs, en face de la crèche, im-
mobile et à genoux faisant sa prière dans
le plus grand recueillement. Comme Marie,
cette pieuse mère témoigna à cet admira-
ble enfant la peine qu'elle avait ressentie,
lui adressant un petit reproche de ce qu'il
s'étaitéloigné d'elle. Le petitVianey,voyant
l'émotion de sa mère et la douleur où elle
était, fut grandement peiné et confus;
il s'excusa de ce qu'il ne croyait pas lui
causer en cela aucune peine, et lui en de-
manda pardon, protestant plusieurs fois
qu'il n'y reviendrait plus.
Lorsqu'il fut assez fort pour soigner les
bestiaux, on lui en confia la charge. On

,
remarquait qu'il était presque toujours en
prière faisant avant et après chacune de
ses actions le signe de croix. Quant aux
rapports que l'âge pouvait lui permettre
d'avoir avec ses supérieurs et ses égaux,
on y remarquait toujours que la douceur,
la piété, la charité et l'obéissance faisaient
le fond de son caractère. Lorsque sa mère
trouvait de la résistance dans ses frères et
sœurs, elle s'adressait au petit Jean-Marie,

;
qu'elle aimait à proposer pour modèle à ses
autres enfants car il ne se plaignait jamais
et obéissait toujours de bon cœur, comme
1l Dieu lui-même. Aussi son exemple entraî-
nait-il ses frères à faire comme lui. Au reste,
il se rendait déjà utile auprès des autres
enfants de son âge, en les engageant à faire
quelque prière et en leur faisant quelques
leçons de catéchisme.
Après avoir passé la journée à travailler
dans les champs ou à toute autre occupa-
tion pénible pour son âge, il avait encore
le soir assez de force et de courage pour

giles, des prières, le catéchisme ,


étudier à la lumière, apprendre des évan-
;
etc. et
lorsqu'illes savait de mémoire, il les médi-

:
tait, et ne suspendait son application que
lorsqu'il était accablé par le sommeil alors
seulement il accordait à la nature le repos
dont elle ne peut se passer.
Dans ses moments de récréation, il se
plaisait à façonner avec de la terre desstatues
tie prêtres, de religieux, des chandeliers,
un autel environné d'assistants: il attachait
beaucoup de prix à ce genre d'amusement;
mais il sacrifiait tout quand il s'agissait
d'aller entendre la sainte Messe. Ce n'est
pas seulement en ce qui regarde les exer-
cices de piété qu'il montrait de l'empres-
sement, il n'était pas moins ardent pour le
travail; en quoi il n'aurait voulu céder à
personne, priant la Très-Sainte-Yierge de.
lui donner la force de faire autant de tra-
vail que son frère aîné, qui était beaucoup
plus fort que lui. Aussi, en le voyant tra-
vailler, l'on aurait dit qu'il était soutenu
par une force invisible.

Vertus du jeune Tloney.

Dès ses plus tendres années, le jeune


Vianey donna au monde l'exemple d'une
charité héroïque. Il possédait cette vertu à
un tel degré, que personne n'était plus
compatissant pour les pauvres que lui, et
personne ne prenait plus de peine que ce
jeune enfant à les soulager dans leurs
misères. Il commençait toujours par les be-
soins du corps, afin que, par le moyen des
secours extérieurs, il pût gagner plus faci-

les œuvres de miséricorde ,


lement le cœur. Il se plaisait ainsi à exercer
spirituelles et
corporelles, et excellait également dans la
pratique des unes comme dans l'exercice
des autres. Aussi tous les pauvres l'aimaient
et le chérissaient, et, lorsqu'ils quittaient la
maison, tous le comblaient de bénédictions;
tandis que lui, pour éviter ces honneurs
disparaissait le plus souvent, ne cherchant,
,
en l'exercice de sa charité, que la plus
grande gloire de Dieu et le.salut des âmes.
Etait-il à garder les bestiaux, ou à culti-
ver la tene, si l'heure de la Messe arrivait,
il savait toujours s'arranger de manière à
pouvoir y aller; car tantôt il priait quelques-
uns de ses camarades de soigner son trou-
peau, tantôt il cachait ses outils, et courait
entendre la sainte Messe. C'étaitlà surtout
:
que sa piété était plus sensible il se met-
tait dans l'endroit qui pouvait favoriser da-
vantage le recueillement, et répandait sou-
vent des larmes, tant sa dévotion était
vive. Illisait parfois dans son livre, qu'il
avait toujours avec luieL se laissait ensuite
emporter par les impressions de la grâce
,
suivant autant que possible son influence
salutaire; et, soit qu'il fût à l'église, soit
qu'il fût au milieu de ses travaux, il n'en
était guère moins recueilli et ne cessait pas
pour cela d'édifier, par sa religieuse conte-
nance, tous ceux qui le voyaient.
Les autres enfants de son âge lui faisaient-
ils quelques niches ou grossièretés, il sup-
portait tout avec une patience admirable,
et était toujours disposé à leur rendre
tous les petits services qu'ils pouvaient dé-
sirer. Par ses manières douces, aimables et
prévenantes, il avait l'estime et l'amour de
tous les enfants de son âge, et exerçait sur

:
eux- la plus heureuse influence. Il y avait
toujours à profiter autour de lui à l'un
il apprenait le catéchisme; à l'autre, quel-
,
ques prières. Il ne craignait pas de repren-
dre ceux qui se trompaient, et il en était
ordinairement écouté.
Avant et après ses repas, il ne manquait
jamais de réciter le Bsnedicite et les Grâces.
Il passait presque tout le dimanche à Ecully,
où il se rendait, avec ses frères et sœurs,
pour alkr'entendre la sainteMesse :il yavait
là plusieurs bons ecclésiastiques qui s'y te-
naient cachés (car c'était dans le temps de
la Terreur); tandis qu'à Dardilly il n'yen
avait qu'un, et il avait prêté le serment dé-
feni. par l'Eglise.
Tel était le temps à jamais mémorable
mi la jeune Vianey se distinguait par la
pratique de toutes les vertus, et surpassait
déjà bien des hommes qui avaient vieilli
dans la pratique de toutes sortes de bonnes
wuyres. Et sa vertu doit paraître d'autant
plus admirable, que l'époque était plus cri-
tique. La France entière, naguère si chré-

;
ticmne, gémissait sous le poids de la persé-
cution la plus déclarée le désordre régnait
partout, et la hacherévolutionnaire pour-
suivait partout ses victimes. Partout le mar-
teau destructeur sapait jusqu'aux fonde-
memis du lieu saint; partout l'impiété
mensongère cherchait à anéantir dans les
consciences jusqu'au germe de la Religion.
Mais, tandis que l'Eglise gémissait et que
l'impiété triomphait de toutes parts, le petit
village de Dardilly brillait par la pratique
de toutes les vertus et enparticulier dans
,
le jeune Jean-Marie, ainsi que nous venons
de le raconter.
Qui n'admirerait la ferveur d'un eufaut
de dix à quinze ans, pratiquant tant d'oeu-
vres de perfection, dans un temps où il fal-
laitfaire preuve-du plus grandcourage, non-
seulement pour les choses de conseil, mais
encore pour celles de précepte ? Il pouvait
d'autant plus se trahir, et avec lui toute sa
famille, qu'il était plus régulier à se rendre
à la Messe, quoiqu'elle fût célébrée dans
une commune voisine, ainsi que nous
l'avons déjà fait remarquer, et que savertu
brillait d'un plus vif éclat; car toujours il
faisait preuve d'une vertu consommée, et
pouvait être proposé à l'âge mûr, aussi bien
qu'à l'enfance, comme un modèle achevé
de toutes les vertus.


Sa première Communion» -

Il est facile de juger avec quelles dispo-


sitions de ferveur cet admirable enfant dut
approcher de la Table sainte pour la pre-
mière fois. Exercé à la pratique de toutes
les vertus, il n'avait jamais souillé sa robe
d'innocence; il était réputé le modèle de
tous les enfants de son âge, et sa vie exem-
plaire et vertueuse était connue et admirée
de tous ceux qui étaient en état d'en juger.
Il semble qu'un tel enfant pouvait être pré-

communion ; ,
senté sans autre préparation à sa première
mais ses pieux parents qui
avaient déjà pris tant de soin pour l'élever
chrétiennement, et lui inspirer l'amour du
bien et l'horreurdu mal, ne le jugèrent pas
ainsi. Persuadés qu'on ne saurait trop appor-
ter de préparation à une action si sainte et
qui décide souvent de tout l'avenir d'un en-
fant, ils le placèrent dans la famille de sa
mère, à Ecully, afin qu'il pût assister plus fa-
cilement au catéchisme. Son père eut grand
soin dele recommander aux religieuses qui
étaient chargées d'instruire les jeunes com-
muniants. Ces humbles filles prirent un
soin particulier du jeune Jean-Marie, et ne
tardèrent pas à le proposer pour modèle
aux autres enfants, qui étaienttous plus lé-
gers et plus étourdis que lui; car il était
déjà aussi raisonnable et aussi, sérieux que
son âge pouvait le comporter.
Il y avait mille difficultés pour réunir ces
pauvres enfants et les disposer à bien faire
leur première communion. Ces bonnes
Sœurs, qui ne paraissaient plus que de pau-
vres filles du monde, n'ayant point l'habit
religieux et- n'étant point réunies en com-
munauté, étaient obligées d'aller tantôt
dans une famille et tantôt dans une autre,
afin de n'éveiller aucun soupçon, et tou-
jours pendant la nuit, soit vers la fin du
jour, soit avant l'aurore. Ajoutez à cela
l'in^ortunité du sommeil, surtout pour les
enfants, les ténèbres de la nuit et le froid
rigoureux de l'hiver; et vous aurez une
idée île la ferveur et du courage des bons
chrétiens de ce temps à jamais déplorable,
qui ne le cédait en rien à celui des pre-
miers chrétiens.
Cependant personne ne surpassait l'exac-

:
titude du petit Vianey à se rendre à ces
nouvelles catacombes aussi ses nouvelles
maîtrésses n'eurent qu'à s'applaudir d'avoir
sous leur main un enfant qui avait été
élevé dans des sentiments si chrétiens, et
qui les avait si bien mis à profit (1).
Ce cher enfant, ayant passé deux mois

(1) Cet exemple doit porter les pères et les mères de f&mille,
aussi bien qae lesmaîtres et maîtresses, à prendre le plus grand
soin de l'éducation des enfants qui dépendent d'eus; et les en-
fants doivent être dociles, afin de ne pas rendre inutiles tous les
soins que l'on prend d'eux. Ce point est do la dernière im-
portance; car toute la vie se ressent de l'éducation que l'on a
reçue, et il est bien rare que l'homme se détourne de sa pre-
mière voie. Or, tout dépend de ce principe..Si le jeune Vianey
eût été négligé dès sa jeunesse, qui sait ce qu'il serait devenu?
et tel autre qui a mené une vie scandaleuse sellait probable-
Kent deyenu un saiDt, s'il avut été élevé coiprac il conrjrnt.
dans ces pieux exercicesfut enfin admif
à participer au divin banquet, et ce fut
avec la ferveur d'un chérubin. Des docu.l
ments positifs nous apprennent qu'étant

,
sur le point de recevoir la manne eucha-
ristique sa figure parut toute rouge de
confusion et d'amour, que des larmes abon-
dantes inondèrent ses yeux, et que toute
sa personne demeura longtemps comme
sous upe impression toute céleste. Il pro-
longea l'action de grâces autant qu'il put.
Après ces communications si intimes avec
ce Dieu qui fait ses délices de traiter avec
se? créatures, il n'eut garde d'imiter la lé-
gèreté de la plupart des enfants, qui les
porte, ou plutôt qui y sont le plus souvent
portés par leurs propres parents, à se ré-
pandre en visites, souvent si capables d'ef-
facer la visite du Dieu Sauveur. Il passa
donc toute cette sainte journée dans les
exercices de la retraite.
Ce fut la nuit même de Noël, en 1799,
à l'âge de treize ans et quelques mois, que
cet enfant de bénédiction eut le bonheur
insigne de recevoir son Dieu pour la pre-
mière fois. Le lendemain ilreçut des mains
de M. Royer (1), qui avait fait faire la pre-
mière communion cette année à Ecully,
une image,en souvenir de ce jour à jamais
roémorabli, avec un petit règlement de
conduite, écrit au verso, en rapport avec
les circonstances fâcheuses où se trouvaient
lesJidèles, dans un temps si critique pour
toute rEgliae-
Après ce grand acte de la vie chrétienne, <

le jeune Vianey rentre au foyer paternel,


où il est reçu avec les plus vives démon-
strations de joie. Il y reprend ses anciennes
occupations,etses vertus brillent d'un nou-

mis de suivre sa vocation ,


vel éclat, jusqu'au moment où il lui est per-
qui l'appelait à
l'état ecclésiastique, ainsi que nous allons
en parler dans le chapitre suivant.

(f) C'était un prêtre sulpicien, qui s'était retiré à Ecully


pfin d'échapper oui poursuites des ennemis île la Religion, et
qui est mortlongtemps après, supérieur du jranil-sérainaire de
Clermont.
Sa vocation A l'état ecclésiastique.

Une foisnourri du pain des forts, le


jeune Vianey ne peut tenir longtempssans
manifester à ses pieux parents le désir ex-
cessif qu'il a de se faire prêtre. L'amour l'a
blessé si fort, qu'il ne sent d'attrait que pour
un genre de vie tout occupé des exercices
de la prière et des bonnes œuvres. Ses ma-
nifestations deviennent de plus en plus fré-
quentes, au point qu'il en inspire une affec-
tueuse compassion à ses frères, qui ne
peuvent résister de s'employer pour plaider
sacause auprès de leur père. Mais, dans un
temps si déplorable, celui-ci n'ose se pro-
noncer, se contentant d'ajourner sagement
son consentement. Plusieurs années se pas-
sent ainsi, sans que le jeune enfant perde
de sa résolution.
Cependant il plut enfin au Seigneur d'a-
voir pitié de la France, et de faire reluire
sur elle de meilleurs jours. Les parents du
jeune Jean-Marie, qui touchait presque à sa
dix-septième année, purent alors le faire
entrer dans cette sainte carrière, pourla-
quelle il avait de si heureuses dispositions
et où il devait un jour, à l'admiration du
monde entier, opérer un si grand bien.
La Religion étant donc rendue à la liberté
et pouvant paraître au grand jour, M. et
Mme Vianey s'empressent de seconder les
désirs si pieux de leur enfant, et jettent les
yeux pour cela sur M.Balley (1), qui venait
d'être nommé desservant de la paroisse

(t) C'était un bon et fervent religieux, qui avait été con-


traint, comme tant d'autres, de quitter la Grande-ChartreuM
où il vivait, loin d-i tracas des affaires de ce monde, dans les
exercices si frnetueux dela vie intérieure et cachée. Mais il ne se
distingua pas moins dans les travaux du saint ministère, qu'il
ne s'était d'abord distingué dans le repos du cloître. Il ne se re-
lâcha en rien des austérités qu'il avait déjà pratiquées, et sut
toujours partager son temps entre la prière et les œuvres de
zèle. Aussi mourut-il delamortdes Saints, et lut-il gratidemei3t
regretté de tons ses paroissiens.
d'Ecully. Ils avaient pu juger de ses rares
qualités durant les jours mauvais de son
exil, et tous ceux qui l'ont connu l'ont esti-
mé et vénéré comme un saint. C'est pour-
quoi la famille Vianey s'estimait heureuse
de l'avoir pour précepteur de leur fils ;
tandis que ce bon religieux, devenu l'un
des meilleurs curés du diocèse, acceptait
son jeune élève avec le plus grand plaisir,
e
et avec quelques pressentiments de£ qu'il
deviendrait un jour:car il avait pu juger
par lui-même de sa conduite, lorsqu'il allait
se cacher à Dardilly, durant la triste épreuve
que venait de subir l'Eglise de France.
Averti à son tour de l'acceptation de
M. Balley, ce pieux enfant en témoigna la
plus vive allégresse. Il savait trop bien ap-
précier le mérite de ce saint prêtre pour
ne pas voir en lui un guide sûr dans la vie
intérieure, un modèle achevé dans la vie
extérieure, et un maître habile pour ses
études. Aussi lui tardait-il d'être auprès de

;
lui. Il fit hâter son départ autant qu'il lui
fut possible et lorsque tout fut prêt, il se
rendit sans perdre de femps chez ses cou-
(iu cètêde S
sins sa mère), àEcully. C'est là
qu'ildevait prendre ses repas, ses rècréa-
tions et son sommeil, passer ses heures
d'étude, et se rendre de là, aux heures de
classe, chez M. leCuré, avec quelques autres'
élèves. La chambre qu'il occupait, et que
l'envoit encore, favorisait beaucoup son
amour pour le silence et le recueillement.
Ce cher enfant possédait à tel point l'es-
time et la bienveillance universelles, que
tous les hakitantsde Dardillyse seraient fait
un honneur de contribuer en quelque cho-
se aux frais de son instruction, s'ils n'eus-
sent craint d'humilier sa famille. Celle-ci,
cependant, crut devoir accepter plusieurs
offres qui lui furent faites dans cette in-
tention, ce qui combla de joie les dona-
teurs.
Sa cousine, chez qui il logeait étant à
à Ecully, a affirmé les larmes aux yeux,
au souvenir de toutes les vertus dont il
lui donna l'exemple, que sa première re-
commandation, une fois installé dans la
chambre qQon lui avait destinée, ce fut
qu'elle lui tremperait la soupe avant d'y
mettre le beurre ou le lait. En cas d'oubli,
il s'en plaignait tristement et se trouvait
sans courage pour manger cette soupe. La
trouvait-il comme il l'avait demandée, au
sel et à l'eau, il en était tout content et
ne
savait comment en témoigner sa reconnais-
sance.

De ses premières éCudes.

Il semble que le prêtre catholique ne de-


vrait s'appliquer à acquérir que la science
des Saints, et regarder comme superflue

le ;
cette science universelle qui lui enlève
tout tempsde sa jeunesse mais le monde
est si pervers que le prêtre,sachant combien
il fait cas de tout ce qui brille et qui a de
l'apparence, compatit à cette faiblesse et
se fait tout àtouspour gagner tous les hom-
vies à Dieu et à la Religion, prenant grand
soin cependant de donner le premier rang
à la veTtu, et de ne regarder les sciences
que comme un accessoire, dont à la rigueur
on pourrait se passer jusqu'à un certain
point, eu égard aux circonstances d'âge,
d'indigence, etc.
Jean-Marie-Baptiste Vianey commençait
ses études à l'âge où plusieurs les termi-

,
nent : il eut beaucoup d'ardeur pour s'in-
struire mais surtout de la science qui
fait les saints, pensant avec raison que le
vide causé par la persécution dans le cler-
gé serait une raison assez forte pour le
faire accepter, malgré la médiocrité de sa
science naturelle. Il ne s'est donc point
égaré dans le labyrinthe des systèmes phi-
losophiques qui ont partagé de tout temps
ces hommes bruyants que saint Jérôme ap-
pelle desanimaux de gloire et des esclaves de
larumeur populaire. Il n'a pu s'égarer dans
l'histoire, non plus que dans l'étude des
langues, des arts, tels que poésie, musique,
il
peinture;.En un mot, s'est peu occupé
du monde matériel, politique et social,
mais beaucoup du monde invisible; ila
travaillé. surtout à. acquérir la piété, cette
clef qui sert à ouvrir devant nous tout un
horizon de merveilles et de bonheur, où
paraît à découvert la sagesse des lois qui
régissent les âmes et les mènent droit à
Dieu, malgré l'obscurité de la foi, le bruit
des passions, les ruses du démon et les
faiblesses de la nature.
A quoi lui aurait servi de posséder tou-
tes les sciences humaines, puisqu'il était
appelé à venir au secours des âmes simples,
qui n'ont que faire de tout le fatras des
sciences mondaines, et qui n'estiment que
la science de Dieu et la vertu solide? Voilà
pourquoi il a excellé dans l'humilité, la
pénitence, le désintéressement, la charité,
la direction des âmes, vertus dont il était le
modèle le plus accompli de notre siècle.
Qu'on ne lui reproche donc pas d'avoir
manqué de science, puisqu'il a eu celle
d'attirer les masses, de gagner à Dieu un
nombre presque infini de pécheurs, et de
diriger dans le chemin de la perfection
beaucoup d'âmes qui hésitaient, ou qui se
montraient chancelantes à y marcher.
C'est une chose bien belle d'être versé
danstoute sorte de connaissances; mais il

:
est encore plus beau de posséder la science
des Saints car, tandis que la science du
monde enfle l'esprit et vide le cœur, la
science divine ne tend qu'à sanctifier l'un
et l'autre, et à procurer à l'homme toute
sorte de bonheur. Heureux qui sait joindre
las deux, etqui a une soif ardente du salut
des âmes, telle que la posséda toujours
M.Vianey!
Nous croyons devoir placer ici l'ordre de
sa journée classique, dès le début de ses
,
études. D'abord il avait un lit fort simple
sur lequel il reposait peu de temps, se cou-
chant tard et se levant de grand matin. Ilse
levait promptement et le plus religieuse-
ment possible. Ayant fait sa prière et sa
méditation, il étudiait jusqu'à ce que l'en
sonnàt lamesse, qu'il servait habituelle-
ment tous les jours avec une piété angéli-
que. Rentré à la maison, il se livrait de
nouveau à l'étude avant et après son dé-
jeûner jusqu'à midi, heure à laquelle il
dînait; après quoi seulement il prenait un
peu de récréation jusqu'à deux heures
soit en maniant une bêche, soit auprès de
,
sa cousine et de ses autres parents, qui se
plaisaient à le retenir auprès d'eux. Vers
deux heures il reprenait son étude avec
joie, jusqu'au moment de sa classe. Après
sa classe, il allait passer quelque temps à

;
l'église pour faire plusieurs exercices cb
piété ensuite il se retirait pour aller pren-
dre une légère réfection, et se livrait de
nouveau à l'étude, jusqu'à ce que le som-
meil le forçât à se reposer.
Ayant passé ainsi environ deux années
d'études, il futappelé à être juge, en der-

cousins ,
nier ressort, de la vocation d'un de ses
qu'une lettre, pleine d'enthou-
siasme pour la vie religieuse, avait ébranlé
ou plutôt jeté dans des incertitudes péni-
bles. Ayant fait voir cette lettre au jeune
Vianey, de l'avis de ses parents, celui-ci
l'ayant lue attentivement, fixe un instant
son cousin, et, comme sûr de ce qu'il doit
:
répondre, il lui dit Tenezzvousoùvous êtes,

bonne mère :
soyez le soutien de votre vieux père et de votre
voilà votre vocation. Cela dit,
son cousin s'en retourna satisfait.
Six années consécutives se passèrent
wsi, partie dans le travail ingrat de l'étude,
tt partie dans les exercices de la piété. On
:
peut juger des progrès qu'il avait dû faire
iais la science et dans la vertu ne man-
quant ni de mémoire ni de jugement, non
-plisquede bonne volonté, et étant sous la
direction d'un maître aussi capable que

;
Pétait M. Balley, il pouvait donc avoir fini
ses basses classes mais il avait déjà vingt-

,
trois ans. En fait de connaissances spécu-
latives il avait ce qu'a le commun des
élèves,l'essentiel et le nécessaire. Mais, en
fait de vertu solide et éclairée, il était par-
venu à un degré supérieur, quoique à ses
propres yeux, alors comme durant toute
la suite de sa vie, il se crût sincèrement le
plus défectueux de tous.
Ilétait en état d'entrer en philosophie
-

ses parents , secondés par les conseils de


JI. Balley, songèrent à l'envoyer au sémi-
naire de Verrières. Mais ce plan, quelque
beau qu'il parût, n'entrait pas dans les des-
seins de la divine Providence sur le jeune
lévite: car Dieu, le destinant à de grandes
choses, allait le faire passer par de fortes
épreuves, ainsi qu'il a coutumé d'en user
quand il veut élever une âme Or, plus
une âme est éprouvée, plus elle doit avoir
de courage à répondre aux desseins de
Dieu sur elle. Et voilà en quoi se rendit
admirable notre jeune rhétoricien, dont le
a
courage était toute épreuve, ainsi que
nous le verrons dans le chapitre suivant.

Premières épreuve* du jeune Vinney.

Dieu n'éprouve que ceux qu'il aime; car


c'est dans la tribulation que l'âme se purifie
et qu'elle s'aguerrit à toutes sortes de com-
bats, parce que la tribulation est ce qui
instruit le plus l'homme et le rend capable
des plus grandes choses. Personne n'est plus
en état de consoler ceux qui pleurent, que
celui qui a le plus souffert. C'estainsi qu'un
grand nombre de Saints, qui ont étonné
le monde par l'héroïsme de leurs vertus,
sont ceux qui ont passé par de plus rudes
épreuves. Et comme ce saint jeune homme,
sans qu'il s'en doutât le moins du monde,
était appelé à devenir en quelque sorte la
merveille de son siècle, il était nécessaire
qu'il passât, de la monotonie d'une vie
douce et paisible jusqu'alors, à de rudes
épreuves, afin qu'il sût mieux compatir,
plus tard, aux afflictions de ceux qui vien-
draient un jour auprès de lui pour trouver
une consolation dans leurs peines.
Voici donc comment Dieu ménagea l'é-

,
preuve à son serviteur. Lors du tirage au
sort, en 1806, M. Balley qui voyait en
lui toutes les dispositions nécessaires à l'état
ecclésiastique, s'était empressé de le faire
inscrire parmi les aspirants au sacerdoce
maisDieu permit que l'on oubliât de le por-
;
ter sur les registres. Trois années s'écou-
lèrent ainsi, sans qu'on se doutât de cette
omission. Mais quand il fut présenté aux
examens qui précèdent l'admission en phi-
losophie, on remarqua qu'il ne figurait sur
aucun registre; et l'autorité civile, en ayant
eu connaissance, lui expédia sa feuille de
route (octobre 1809). Il devait partir pour
l'Espagne, par l'intérieur de la France, jus-
qu'à Bayonne. Ce qu'il ya d'étonnant, c'est
qu'au moment de son tirage la France avait
beaucoup d'ennemis sur les bras, tandis
que, lorsqu'il fut appelé, elle était dans

presque toute l'Europe !.


l'ivresse des fêtes, se voyant maîtresse de

Comme on peut le penser, cette feuille


de route fut comme un coup de foudre pour
toute la famille et ses nombreux amis. Quel
effet cette triste aventure ne dut-elle pas
faire sur son esprit, lui qui se croyait si
bien appelé à l'état ecclésiastique, et qui
était confirmé dans sa détermination soit
par la voix de ses directeurs, de ses parents,
de ses amis, et par l'assentiment universel,
soit par la voix de sa propre conscience !
Néanmoins il fut toujours maître de lui-
même, et sut se mettre au-dessus de toutes
les sensibilités de la nature.
Ce qui paraissait lui être le plus pénible,
c'était de voir la douleur excessive de ses.
chers parents. On fit toutes les tentatives
possibles pour obtenir son exemption, mais
ce fut peine inutile. Le père alors, du con-

lui faire un remplaçant :


sentement de toute la famille, se décide à
'3,000 francs, Le
sac plein et d'autres accessoires furent
proposés à,un jeune homme, et acceptés.
Celui-ci partit donc à la place du fils Vianey;
mais, deux jours après, il revintpour dépo-

; :
ser ce qu'il avait reçu ce retour renouvela
toute leur douleur ce fut une scène déchi-
rante.
Cependant, le jour du départ fixé sur la
feuille de route étant venu, le jeune con-
scrit se trouva presque hors d'état de partir;
car, soit répugnance pour la carrière des
armes, soit sensibilité pour sa famille qu'il
laissait si affligée, se voyant la cause, quoi-
que innocente, de tant de douleurs, il se
trouva si affecté lui-même par d'aussi cruels
assauts, qu'il en tomba malade. C'était un
samedi, le 28 octobre 1809. qu'il devait se
rendre àLyon. L'autorité civile,voyant qu'il

:
n'arrivait pas, députa des agents pour aller
Le chercher ils le trouvèrent malade; mais
ils ne laissèrent pas de lui proposer de l'em-
mener à l'hôpital de Lyon. Il fallut donc
bien le voir partir cet autre Benjamin, et le
voir s'éloigner!. Le père le serra encore
une fois dans ses bras avant qu'il s'éloignât;
ses frères et ses sœurs l'accompagnèrent
assez loin, tandis que sa pauvre mère n'a-
vait pu voir emmener son fils, et s'était re-
tirée à l'écart pour donner un libre cours à
ses larmes.
Lorsqu'il fut arrivé à Lyon, on le fit en-

:
trer à l'Hôtel-Dieu, où il resta une quinzaine
de jours constamment alité pendant ce
temps-là il reçut la visite de tous ses parents
et d'une foule d'amis, qui ont tous rendu
témoignage de sa parfaite résignation. Rien
n'était beau et admirable comme de vojr la
manière dont il parlait de la conformité à la
volonté divine à tous ceux qui venaient le
voir avec un cœur serré de douleur et les
larmes aux yeux: aussi sortaient-ils d'auprès
de lui calmes et résignés. Il ne put cepen-
dant- parfois retenir lui-même ses larmes,
en faisant ses adieux à sa famille.
Après quinze jours de repos et de soins
accordés à sa position, il fut jugé assez fort
pour soutenir les fatigues du voyage. Il fut
donc dirigé sur Roanne, le 13 novembre
1809. Mais il n'était pas arrivé à la moitié
de son ahemin, que les frissons de la fiè-
vre le reprirent; il ne pouvait plus suppor-
ter le cahotement de la charrette sur la-
quelle il gisait, transi de froid, avec d'autres
malades. ILfut enfin déposé à l'Hôtel-Dieu
de Roanne le 13 ou le 14 novembre 1809,
et y resta jusqu'au 6 janvier 1810. Dès qu'il
put donner de ses nouvelles à sa famille, il
s'empressa d'écrire. A peine cette lettre fut-

,
elle lue qu'on se hâta d'aller le voir, et avec
tant de marques d'estime et d'affection

des Sœurs de l'hospice :


que ces témoignages éveillèrent l'attention
lorsqu'on con-
nut ses antécédents, l'intérêt pour lui fut
porté à son comble, et tous étaient édifiés
de son égalité d'humeur et de sa piété.
Cependant la Providence daigna mettre
,
fin en quelque sorte, à cette rude épreuve
pour le jeune lévite, et à cette douleur bien
légitime, mais peut-être excessive de ses
chers parents, en rendant le premier à sa vo-
cation, et les seconds à leur tranquillité ha-
bituelle. Comme on lui faisait poursuivit sa
route, étant encore une fois sur une char-
rette escortée de deux gendarmes, ceux-

une auberge ,
ci jugèrent à propos de s'arrêter dans
comptant rattraper bientôt
le convoi. Mais grande fut leur surprise
quand, en rejoignant la charrette, ils
n'aperçurent plus le jeune soldat. C'est
alors qu'ils coururent après lui et le cher-
chèrent avec diligence; mais ce fut en vain,
car Dieu ne permit pas qu'ils le vissent,

;
quoique passant tout près de lui. Ce n'est
pas toutefois qu'il se fût enfui mais, tan-
dis que les gendarmes buvaient dans l'au-
berge, le voiturier fit tout ce qu'il put
pour engager M. Vianey à s'évader : or
celui-ci n'en voulant rien faire, le voitu-
rier le descendit de force et le fit cacher
non loin de la route, tandis qu'avec sa char-
rette il poursuivit son chemin.
Il avait été laissé gisant sur le bord d'une
forêt, et hors d'état d'aller loin: combien
de pensées diverses durent assaillir son es-
prit!. Mais que faire? Il ne pouvait que
,
chercher un gîte dans quelque maison cha-
ritable afin de se reposer de ses fatigues. i-

dans l'hospice de Roanne ,


Quelques jours auparavant il s'était trouvé,
avec un jeune
soldat qui, après avoir fait en vain tous
ses efforts pour entraîner à la désertion
M. Vianey, s'était échappé de l'hospice.
Notre jeune soldat, à qui le déserteur avait
donné tous les renseignements, se dirigea
comme il put vers sa demeure, c'est-à-dire
au hameau des Robins, qui était à peu près
à deux lieues de l'endroit où il avait été
laissé par le voiturier. Mais, après être
resté une journée avec ce jeune homme et
lui avoir aidé quelque peu à faire des sabots,

:
il jugea qu'il ne pouvait rester là plus long-
temps sans compromettre son salut car,
comme il se trouvait là chez un maître sa-
botier où travaillaient plusieurs jeunes
gens aussi peu retenus dans leurs discours
que licencieux dans leurs mœurs, ce qui
n'arrive, hélas! que trop souvent!. il
trembla devant l'avenir qui s'offrait à ses
yeux, et ne put se résoudre à rester plus
Longtempsdans un lieu aussifuneste àl'in-
nocence.
Ne cessant d'invoquer leCiel de lui venir
en aide et de diriger ses pas, après être
resté tout au plus quelques jours dans ce
hameau, il prit la détermination d'aller
trouver l'autorité locale, de lui exposer
naïvement sa position, et de se mettre sous
à
ses auspices, s'offrant instruire gratuite-
ment, comme instituteur, la jeunesse dela
commune.

,
Si jusqu'ici l'on avait été tenté de le soup-
çonner coupable de désertion après une
telle démarche, d'où pouvaient résulter les
plus graves conséquences, on serait par-
faitement rassuré sur la pureté des motifs
qui faisaient agir le saint jeune homme,
dont la conduite, quoique blâmable dans
un sens, ne laissait pas d'être excusable
sous plusieurs rapports. Mais, sans entrer
ici dans une discussion que nous jugeons
complètement inutile, nous croyons devoir
dire que Dieu sembla justifier toutes ses
démarches, puisqu'il permit, contre toute
apparence, qu'il sortît victorieux d'une si
cruelle épreuve. Quoi de plus critique, à
une époque semblable, que d'aller se décla-
Ver à l'autorité?Cependant la suite montre
bien que cette démarche lui avait été ins-
pirée d'en haut, et qu'elle entrait dans les
desseins de Dieu. Au reste, ce qui' est blâma-
ble en certaines, circonstances, ne laisse
pas d'être justifiable en d'autres. N'oublions

;
pas que le jeune Vianey était étudiant et
aspirant à l'état ecclésiastique qu'en cette
qualité, il avait un droit certain à l'exemp-
tion du service militaire; d'ailleurs, comme
catholique, il pouvait bien se croire obligé
de ne pas servir dans l'armée d'un prince
quitournait sesarmescontre l'Eglise:c'était

,
bien alors le cas, et cette circonstance,
jointe à toutes les autres, justifie ce sem-
,
ble pleinement sa conduite. Quoi qu'il en
.soit, il a réparé bien au-delà, dans la suite,
tout ce qu'il y aurait pu avoir de blâmablfe
devant les hommes et devant la loi dans
cette circonstance si critique de sa vie.

.0..
Il devient Instituteur.

M. Vianey étant allé trouver le maire de


la commune, quiétait celle des Noës, pour
lui déclarer sa position et le prier de lui
venir en aide dans une circonstance si
grave, ce magistrat, touché de sa franchise,
de sa démarche, de la pureté de ses inten-
tions et de ses offres généreuses d'élever
gratuitement la jeunesse, consentit à lui
le
garder secret, à le protéger au besoin et
à le garder alternativement avec sa sœur
une semaine chez l'un et une semaine chez
,
l'autre. Il passa donc la première semaine
chez M. le maire, et la seconde chez Madame
Faf*". Comme chez M. le maire les en-
fants étaient déjà grands, et que chez Mme
Fay*** ils étaient encore petits, il préféra
rester chez cette dernière, s'offrant à payer
tout ce que l'on voudrait pour son logement
et sa dépense. Cette bonne dame y consen-
tit volontiers, charmée d'avoir trouvé pour
ses enfants un précepteur si sage et si
exemplaire.
Il s'occupait la plus grande partie de la
journée de l'instruction de la jeunesse,mais
avectant de bonté,de patience et d'assiduité,
qu'il se conciliait l'estime et l'amitié de
tout le monde. Le soir venu, il faisait la
prièreen commun; et comme cette pieuse
dame, avant de faire coucher ses enfants
avait le soin de les envoyer auprès du jeune
,
instituteur, afin de l'embrasser et de lui
souhaiter le bonsoir, elle remarqua qu'il
se détournait pour ne pas embrasser sa
petite fille. Il communiait souvent dans la
semaine, quoiqu'il ne se confessât que tous
,
les quinze jours, et cependant M. le Curé
des Noës passait pour être sévère dans ses
principes. On le voyait toujours modeste
et recueilli, et si bon dans l'exercice de ses
fonctions, que tous ses élèves l'aimaient
comme leur père et que tout le monde
- l'affectionnait. -

Ce qu'il y eut d'étonnant, c'est que les


gendarmes,qui venaient assez fréquemment
aux Noës, où se cachaient plusieurs cons-
crits, ne s'informèrent jamais de M. Vianey,
qui avait pris un autre nom. Voilà com-
ment il passa le reste de l'hiver. Mais au
commencement du printemps, alors que
les enfants de la campagne fréquententpeu
l'école, il se mit à travailler aux champs
avec tant de constance et de vigueur,
qu'ilperdit ses forces. Il prit une fluxion de
poitrihe, et resta au lit dix ou douze jours.
Mme 'Fay*'"1, lorsqu'il fut rétabli, lui dit --
<
Désormais

: ;
n'entreprenez plus de travailler
Au-delà de vos forces n'ayez aucune crainte
d'être trahi tout le monde vous aime et
vous porte "beaucoupd'intérêt. Faites ce
que vous pourrez, rien de plus. Je vais aller

Charbonnières ;
dans votre pays faire usage des eaux de
je verrai vos parents et leur
dirai que vous êtes chez moi, sans leur
expliquer d'où je suis. »
Elle partit en effet, et M. Vianey lui
prêta cent francs dont il ne voulut jamais
être remboursé. Elle se présenta chez le
père Vianey, à Dardilly, et lui donna des
nouvelles de son fils Jean-Marie, lui disant
combien il était aimé et estimé de toutle

montrait le modèle de la jeunesse qui, ,


monde, combien il se rendait utile et se

toute en masse, le défendrait au péril de ses


jours.
Pendant ce récit, la pieuse mère, pleine
d'émotion, ne pouvait retenir ses-Iarmes
,
tandis que le père restait silencieux et
comme impassible !. Cependant, après le

:
récit, il prit la parole et eut le courage de
-
s'exprimer ainsi « PuisqueJean Mariese
à
porte bien cette heure, il doit allerrejoindre
son corps. Tous les jours je suis menacé de
la perte de mes biens, si je n'indique pas le
lieu de sa retraite queje ne connais pas. »

« —
; :
Votre fils, reprit alors Mme Fay.,
ne partira jamais il vaut plus que tous vos
domaines et supposé que vous vinssiez à
découvrir où je le cache, je le ferai aller
ailleurs, pour tenir la parole que je lui
ai donnée; et chaque membre de la com-
mune en ferait autant. »
Ce fut alors que François Vianey, son
jeune frère, âgé d'environ vingt ans, pour
mettre fin aux poursuites de la force publi-
que, à la douleur de ses parents et à l'exil
de son frère, s'offrit pour le remplacer au

termes:
service militaire, et parla à peu près en ces
« Mes chers parents, je ne vois
qu'un seul moyen d'échapper aux maux
qui nous menacent, de rendre Jean-Marie
à ses études et à sa vocation, et la famille à
ses espérances d'aveni(: c'est de me pré-
senter à sa place dans la carrière des armes.
Les temps sont périlleux, sans doute; mais
je ne souffrirai jamais de vous voir dépos-
séder, vous de vos biens, mon frère de sa
vocation, et la famille de l'honneur de sa
position. Cette vie que j'ai reçue de vous
je vous la consacre et vous la dévoue. »
,
Le père, qui jusqu'alors avait tout sup-
porté avec calme et résignation, ne put
cacher plus longtemps son émotion, et ver-
sa enfin des larmes. Il accepta le noble dé-
vouementqui devint le sacrifice de ce cher
enfant (car il ne devait plus revenir) ; il le
serra dans ses bras, et tous les membres
de la famille l'embrassèrent à leur tour,
l'arrosant de leurs larmes. Il partit donc
et quitta sa chère famille, qu'il ne devait
plus revoir, pour aller rejoindre son régi-
ment qui était en Espagne. Etant arrivé
en Espagne assez bien portant, il y séjour-
na quelque temps durant lequel il fut nom-
mé sergent-fourrier. Alors seulement il se
décida d'écrire à sa famille, et lui annonça
-qu'il était désigné pour la trop fameuse
campagne de Russie qui se préparait, et
que, s'il en revenait, il donnerait de ses

!.
nouvelles; mais la lettre tant désirée n'ar-
riva jamais
Le père Vianey ayant reçu la lettre de
François datée d'Espagne, et voyant sa ré-
solution se soutenir, fit tant de recherches

:
sur la retraite de Jean-Marie qu'il parvint
enfin à la découvrir il lui fit savoir qu'il
était enfin rendu à lui-même, à sa famille
età sa vocatiou, par le dévouement de son
frère François. Cette nouvelle s'étant ré-
pandue dans la commune, les habitants.
tinrent une espèce de conseil pour savoir
ce qu'ils pouvaient lui présenter en témoi-
gnage de leur gratitude. Enfin il fut décidé
qu'il fallait, à frais communs, le doter au
moins d'un vêtement complet, et lui don-
ner l'argent nécessaire pour faire commo-
dément son voyage et rentrer chez lui. Cela
fut exécuté comme on l'avait décidé; mais
ce ne fut pas sans peine qu'on le vit quitter
cette commune, où il s'était rendu si utile
sous tous les rapports.
Le saint Curé d'Ars n'a jamais oublié, de-
la
puis lors, communedes Noës:quoiqu'elle
soit dépourvue des agréments de la nature
et que le climat soit très-rude, c'est là qu'il
a demandé à être vicaire. C'est encore là,
ou à la Grande-Chartreuse, qu'il se serait
retiré longtemps avant sa mort, si Mon-
seigneur l'Evêque avait consenti à sa re-
traite, ainsi qu'il le déclara lui-même à
M. Fay", qui en 1841, était venu le voir
à Ars en bon et fervent pèlerin autant
qu'en véritable ami de M. Vianey. Il avait
déjà exprimé en 1823 cette disposition pour
la retraite à madame sa mère,lui témoignant
en même temps la plus vive reconnaissance
et les sentiments les plusaffectueux,et la
conj urant d'être son interprète auprès de
à
toutes les personnes qui s'intéressaient lui.
Tous les ans il écrivait aux Noës, et donnait
l'espoir d'aller bientôt y finir ses jours.
Tout ceci est prouvé par des documents
authentiques. C'est donc à tort que les uns
le font aller en Espagne, les autres dans
les Hautes-Alpes, etc.

De llia vie cléricale.

Revenu à Dardilly après quatorze mois


d'absence, M. Vianey fut reçu comme un
ange que Dieu protège et prépare à quel-
que brillante destinée. 11 donne quelques
joursàsafamilleet à ses amis, et so rend
ensuite chez son ancien précepteur, M. Bal-
ley, toujours curé d'Ecully, qui le reçoit à
bras ouverts, lui fait reprendre ses études
et le présente à la tonsure dans le courant
de la même année. Ce fut Mgr Simon, êvé-
que de Grenoble, qui vint remplacer le car-
dinal Fesch dans cette fonction si sublime
et si relevée. C'était le 28 mai 1811. Ce fut
encore dans ce mois que, plus tard, il con-
sacra à Marie sa paroisse d'Ars, ainsi que
toute sa personne.
Quoiqu'il eût traversé une rude épreuve,
cela ne, devait pas le dispenser de se prépa-
rer d'une manière particulière à recevoir
la tonsure, ce qu'il fiten passant plusieurs
jours en retraite. Aussi en revint-il plus
rempli de l'esprit de Dieu, et plus édifiant
encore que jamais. Il acheva ainsi, dans le
cours de cette année et de la suivante,
ses études de littérature.

:
Pour faire sa philosophie, il fut envoyé
à Verrières là, comme partout ailleurs il
était toujours égal à lui-même, toujours
,
édifiant, recueilli et exemplaire. Il était
un peu faible dans sa classe, mais il brillait
par les bonnes qualités du cœur.. Si on ne
l'apercevait pas en récréation avec ses
-

condisciples, on était sûr de le trouver en


oraison à la chapelle, derrière un pilier.
J.
;
Vnélève des plus pieux,. M. LaC.., avait
sa prédilection ils se plaisaient à se trouver
ensemble, grâce à la conformité de sen-
timents pieux dont ils étaient animés (1).
Il paraît qu'il ne communiait alors que
tous les dimanches et à toutes les fêtes de
la Sainte-Vierge, envers laquelle il a tou-
jours eu la plus tendre dévotion dévotion
à
,
qu'il s'appliquait à inspirer tous ceux qui
l'entouraient. Son actionde grâces après
la communion était toujours aussi lo-ngue
qu'il lui était possible de la faire. C'est dans
ces moments surtout que paraissaient sa
tendre piété, son recueillement, le bonheur
qu'il éprouvait, et qu'il avait tant de peine
à contenir au fond de son cœur.

(1) Un hiographo prétend qu'un do ses condisciples ayant


à
rris caur de mortifier M. Vianey, eîl'ii-cifinit par le gagfier,
àforce de patience et de dOI:::nr.
Vint enfin le tempsdes examenspréalables
à l'admission au grand-séminaire. Il se pré-
senta donc aux examens,queSonEminence
le cardinal Fesch présidait en personne.
Mais, à la vue du Cardinal et de tous ceux
si
qui l'entouraient, un spectacle imposant,
et auquel il était si peu habitué, le décon-
certa tellement, qu'il ne put faire un mot
de réponse aux questions adressées. Le
Cardinal le renvoya avec des paroles dé-
courageantes et assez mortifiantes. M. le
Curé d'Ecully, sur qui retombait indirec-
tement cette mésaventure, alla dès le len-
à
demain faire sa visite M.leSupérieurdu
grand-séminaire et à l'un des grands-vi-
caires, et les pria l'un et l'autre de vouloir
bien venir dîner à sa cure le jour suivant.

;
Après le dîner, il les pria d'examiner son
élève ce qu'ils firent. Là, se trouvant à
l'aise, M. Vianey satisfit pleinement les
deux examinateurs, qui lui ménagèrentson
entrée au grand-séminaire.
Il y contenta tellement ses maîtres sous
tous les rapports, que, dans le courant de
la même année, il fut admis à recevoir les
quatre ordres mineurs, et le même jour le
sous.diaconat. Cette ordination fut faite
par Monseigneur de Grenoble, le 2 juillet

il fut ordonné diacre ,


1814. Le 23 juin de l'année suivante (1815)
et enfin prêtre à
Grenoble, par le même prélat, le 9 août de
la même année.
Quelques personnes ont cru qu'il avait
été ordonné prêtre à Grenoble, et non à

Mais c'est une erreur grave ,


Lyon, à cause de la faiblesse de sa science.
car ce fut
uniquement à cause de l'absence définitive
du cardinal Fesch, qui ne devait plus revoir
;et
la France depuis cette époque, plusieurs
des plus brillants sujets du diocèse de Lyon
sont allés recevoir l'ordination des mains
del'évêque de Grenoble, suffragant de l'ar-
chevêque de Lyon. Quoi qu'il en soit, il est
certain qu'il était assez instruit, puisqu'on
ne fait grâce de la science à personne quand
il s'agit du saint ministère de la prêtrise.
Au reste, il fut à Grenoble ce qu'il avait
été partout ailleurs, un modèle accompli de
toutes les vertus, spécialement par sa cha-
rité inaltérable, son humilité sans bornes,
et son recueillement habituel. Il fut or-
donné prêtre vers sa trentième année,
autre ressemblance avec le Sauveur, qui ne
commença sa vie apostolique qu'à l'âge de
trente ans. Déjà, comme le Sauveur, il était
;
né à minuit, avait été perdu par sa mère, et
retrouvé en prière et de même que le divin
Jésus passa quelque temps dans le désert
et fut en butte àla tentation, de même aussi

une quinzaine de mois ,


son humble serviteur y fut soumis durant
par les grandes
épreuves oùil-le fit passer, loin du toit pa.
ternel.

De ion vicariat à Ecnlly.

Dès qu'il fut revêtu de l'insigne pouvoir


d'offrir l'auguste Sacrifice de nos autels,
,
:
M. Balley son bienfaiteur, le demanda et
l'obtintpourvicaire il appréciaitmieuxque
personne son mérite; il était convaincu du
grand bien qu'il pourrait faire dans sa pa«
roisse, et de la consolation qu'il pourrait
ressentir.

,
A son début, l'on vit briller en lui une
si grande charité un zèle si constant, un
désintéressement si absolu,qu'il ne pouvait
faire moins que de s'attirer l'estime et la
vénération de tout le monde;car le monde
n'en demande pas davantage. Ferait-on
toute autre chose, il reste insensible;mais

;
quand oh voit qu'un prêtre paie de sa per-
sonne, alors on se rend et le prêtre, ainsi
pénétré de l'esprit de son noble ministère,
peut faire des merveilles, à l'exemple de
l'immortel Curé de la Dombes.
Dès-lors M. Vianey ne pouvait plus rien
garder; il donnait tout aux pauvres, et c'est
à peine s'il conservait une tenue convena-

:
ble à sa position. Sa charité était également
sans bornes le pauvre trouvait toujours en
lui un consolateur, et le riche un guide
assuré dans le chemin de la vertu. Son zèle
s'étendait à tout le monde, sans distinction;
son humilité le rendaitcapable des plus
grands actes de vertu, et sa mortification^
vainqueur des passions etde lui-même.
Il pouvait pratiquer toutes ces vertus
sans entraves, y étant même poussé par
l'exemple de son curé, lequel était si loin,
ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer,
de rechercher les commodités de la vie et
de fuir le travail, comme cela n'arrive,
hélas! que trop souvent, mais dont la con-
duite démontrait qu'il ne se recherchait
aucunement lui-même, et qu'il n'avait en
vue que la gloire de Dieu en tout ainsi que
le salut des âmes.
Aussi ne se consola-t-on de sa perte que
dans l'espoir d'avoir M. Vianey pour son
successeur. Mais celui-ci, se croyant bien
indigne de lui succéder, ne voulut jamais
y consentir. Un autre prêtre fut donc ap-
pelé. Celui-ci, par esprit de prudence et par
intérêt pour la santé de son vicaire, Mut
devoir modérer ses austérités. Cette diver -
gence de sentiments produisit une cer-
taine réserve dans les rapports. Quelques
mois après, M. Vianey fut nommé à la cure
d'Ars, où il a rendu son nom si célèbre et
a fait un si grand bien.
Comme on peut le penser, une nouvelle
si inattendue causa une sorte de désolation
générale dans la paroisse. Tout le monde
se mit en mouvement pour lui témoigner
ses respects et sa vive reconnaissance, et
lui faire enfin ses adieux. Les pauvres sur-
tout pleurèrent, car ils perdaient beaucoup.

,
On l'accompagna jusqu'aux limites du ter-
ritoire et là on finit par se séparer, après
s'être recommandés de part et d'autre aux
prières mutuelles. Cependant plusieurs de
ses pénitentes, désespérant de pouvoir
trouver un pareil directeur, crurent devoir
le suivre à Ars, où elles transportèrent leur
domicile et où elles ont fini leurs jours,
sous sa direction, dans la pratique de
toutes les vertus.
Ces faits parlent plus haut et en disent
plus que tout ce que le génie d'un rhéteur

louange du
,
pourrait jamais dire, par les plus belles
phrases et les plus beaux discours à la
saint Prêtre. C'est par ces traits
que se découvre la puissance de la grâce
de Jésus-Christ, et que l'on reconnaît les
véritables pasteurs. Que les Protestants de
toutes les nuances, les sectaires de toutes
ces religions inventées à plaisir par la per-
versité du cœur humain plutôt que par le
génie de l'homme et surtout parlarévélation
divine, que tous ces sectaires, dis-je, mon-
trent à notre admiration un tel apôtre, et
alors nous ne blâmerons plus l'absurdité de
leurs croyances; mais nous sommes bien sûr
que jamais sectaire n'approchera des vertus
de cet humble Prêtre, car de telles vertus
ne peuvent se trouver que dans l'Eglise ca-
tholique.

De son entrée à Ars. ,

u: 9 FÉVRIER1818.

L'autorité ecclésiastique, en nommant un


desservant àEcully pour remplacer M. Bal-
ley d'heureuse mémoire, crut devoir-don-
ner à M. Vianey la cure d'Ars, devenue
vacante par la mort de M. Déplace, arrivée
dix-huit jours après son entrée dans la pa-
roisse.
Ars était une pauvre paroisse, petite, ,
presque oubliée et comme perdue au milieu
de la Dombes, lorsque M. Vianey fut appelé

;
à la-desservir. Ce village est distant de la
Saône de 5 kilomèlres il est à 9 kilomètres

,
de Trévoux, à 8 kilom. dé Villefranche, à
35 kilom. de Lyon et à 42 de Bourg. Ars
se trouve placé sur le versant d'une col-
line couverte de vignes, d'arbres à fruits,
et environnée de vastes plaines fertiles en
toutes sortes de céréales. Au bas de la col-
line, et près du village, coule le Fombleins,
joli petit ruisseau dont les eaux suivent,
en serpentant, les ondulations du terrain
jusqu'au village de Sainte-Euphémie, où
elles se réunissent à celles du Morbier, et
forment ensemble la petite rivière qui prend
te nom de Formant et va se jeter dans ta
Saône, non loin de Trévoux, après un par-
cours de 15 kilomètres.
Les environs d'Arssort charmants : par-
;
tout de petits sentiers bordés de haies émail-
lées de fleurs partout de gracieux bosquets,
alternant avec des prairies. La nature a
tout fait pour offrir en ce lieu une soli-
tude agréable. L'air y est sain; le silence
de la campagne n'y est troublé que par le
chant des oiseaux. Au sud-ouest du village,
on voit l'antique château d'Ars, dont la fon-

,
dation remonte au XIIIC siècle. En.somme, la
situation retirée de ce petit village caché
entre des collines,l'a rendu tout-à-fait propre
à la retraite et au pèlerinage qui ont lieu
sous l'influence de la vertu du vénérable et
saint pasteur M. Vianey.
Cependant le village d'Ars, dépourvu de
grandes voies de communication, devait,
cesemble, rester pour toujours oublié. Mais

bli tout a changé de face ,


depuis que le saint abbé Vianey s'y est éta-
, au physique et
au moral. Cette heureuse paroisse n'a con-
servé que l'agrément de son paysage, re-
haussé par les belles routes que l'on y a
pratiquées de tous côtés, à cause de l'af-
fluence des fidèles vers le saint Prêtre. Des
croixen marbre, en bronze ou en pierre,
décorent maintenant presque tous les che-
mins et les places; les maisons du village
sont toutes ornées au dehors de l'image de
l'auguste Mère de Dieu, et dans l'intérieur
on peut voir toutes les marques de la piété
chrétienne. La plupart des maisons re-

voitures y amènent chaque jour ;


çoivent les pèlerins que de nombreuses

qu'autrefois à peine y voyait-on un seul


tandis

voyageur, et Ars était à peine connu.


Quant au moral, Ars, avant l'arrivée de
M. Vianey, était, de l'aveu même des habi-
ants, une paroisse comme tant d'autres,
)ù l'on se plaisait à vivre dans tous les di-
rertissements que le monde préconise. Mais
esaint Prêtre asu les extirper de telle sorte,
lu'on n'en saurait trouver maintenant la
moindre trace.

nstallé dans cette petite paroisse ,


Le premier soin du saint Pasteur une fois

resbytère contrastait d'une manière sin-


où le

,
ulière avec l'église, celle-ci étant dans
état le plus pitoyable tandis que la cure
tait très-convenable; son premier soin,
is-je, fut de visiter son église pour y faire
sa prière et implorer les grâces de Dieu ,
afin qu'il daignât lui donner les vertus né-
cessaires à son importante mission. La des-
cription de l'église d'Ars en 1818, et de la
cure àla même époque, comparées à l'église
actuelle et à la cure de 1860, suffira pour
donner une idée de la tendance de M. Via-
ney à s'oublier complètement et à ne songer
qu'à la gloire de Dieu.
En 1818, la petite église d'Ars ne s'était
pas encore Televée des démolitions révolu-
tionnairfis. Son clocher était une modeste
petite
;
charpente en bois, supportant une
et unique cloche il n'y avait dans l'inté-
rieur aucune chapelle; seulement une hum-
ble statue de la Très-Sainte-Vierge, placée à
ladroite du chœur, entenaitlieu. Le maîtrei
autel, en bois peint, était orné de quatre
chandeliers en bois de la plus chétive ap1
parence. La sacristie contenait à peine lei
objets les plus nécessaires à la célébration
des'saints Mystères, etc. En un mot, cet
pauvre église était dans l'état le plus. jj
toyable. A cette vue, le cœur ardent et re
gieux du nouveau Curé se serre, il. çon
prend tout ce qu'il y aura à faire pour
donner au Seigneur une habitation plus
digne de lui. Aurait-il jamais pu souffrir,
lui pauvre prêtre, de se voir mieux logé
que le souverain Maître du ciel et de la
terre?.
La cure se composait d'un salon, d'une
cuisine au rez-de-chaussée, de trois cham-
bres au premier étage, et d'un grandit beau
jardin rempli d'arbres fruitiers. C'était beau-
coup de terrain et un bien grand apparte-
ment pour celui qui était tout à Dieu et au

culte,
prochain. Aussi le jardin devint bientôt in-
les arbres périrent faute de soins,
€t l'on ne vit plus qu'un champ de blé ou
de pommes de terre à la place des allées de
fleurs,etdes tonnelles ombragées. Quant
à ses appartements, illes dédaigna encore
:
plus il convertit le salon en bûcher, n'ou-
vrit jamais qu'une chambre sur trois, au
premier, et laissa les orties, les sureaux,
les ronces et les épines envahir la cour, à
tel point que ces dernières plantes ont fait
invasion dans la cuisinepar une vitre cas-
sée, et l'ont tapissée en grande partte : car
à quoi bon une cuisine à un homme qui ne
vivait que de l'amour de Dieu et de l'amour
du prochain? Toute sa nourriture consistait
le plus souvent en un peu de lait, un peu
de pain et quelquefois un beignet, et le
plus souvent une pomme de terre cuite à
l'eau.
Quant àsa chambre, sauf quelques livres
formant sa bibliothèque, M. Vianey n'avait
d'autres meubles qu'un modeste lit et une
table, plus un prie-dieu souvenir d'affec-
,
tionque lui avait laissé M. Balley, son se-
cond père.
Si M. le Curé d'Ars s'occupait si peu de
son 'bien-être et se souciait à peine de sa
santé, il en était tout autrement lorsqu'il
s'agissait de la maison du Seigneur. C'est
alors qu'il descendait jusqu'aux plus petits
détails, pour tâcher d'orner etd'agrandirla
maison de Dieu. C'est ainsi qu'il fit con-
struire plusieurs belles chapelles, soit avec
son patrimoine, soit avec le secours de per-
sonnes pieuses. Mais ces détails donneront

mer,
lieu à un chapitre spécial. Pour nous résu-
nous dirons qu'à son arrivée à Ars,
M. Vianey trouva une chétive église et un
joli presbytère, tandis qu'il a laissé à la
commune une belle et riche église et une
pauvre habitation.
1

Il est nommé à la Cure de Salle..

PERSÉCUTION QU'IL E"Dl:R.L DiJIS 1.1 5UTS.

Une fièvre presque continuelle dont fut


assailli M. Vianey, peu de temps après son
arrivée à Ars, donna quelque inquiétude à
ses Supérieurs qui ne le perdaient jamais

;
de vue, et les porta à le nommer à la cure
de Salles car, comme cette paroisse est
une des mieux situées et des meilleures de
tout le Beaujolais, on voulait en gratifier
notre saint Curé.
1
La commune de Salles est devenue célè-
bre dans l'histoire par un prieuré consi-
dérable qui y existait au xe siècle. Cette
maison avait juridiction sur d'autres com-
munautés, 'et nommait à plusieurs béné-
fices, notamment à la cure de la collégiale
de ViMefranche. Quelques siècles plus tard,
ces religieux furent remplacés par des reli-
gieuses Bénédictines, issues des premières
familles du Beaujolais et de la Dombes.
En somme, le village de Salles, par son
agrémentet par les qualités de ses habitants,
devait être, ce semble, le lieu réservé à
'M. Vianey, comme étant très-propre à fa-
voriser le célèbre pèlerinage qui devait
s'établir plus tard. MaisDieu,qui se complet
dans la petitesse, choisit Ars de préférence,
-
précisément parce que ce lieu était le
plus oublié du vaste diocèse de Lyon, afin
de mieux faire ressortir sa toute-puissance
et sa bonté infinie.

Cependant l'autorité l'ayant nommé curé
de Salles, il tenta par deux fois de quitter
Ars, pour aller voir ses futures ouailles;
mais il fit en vainmener deux fois son léger
:
mobilier sur les bords de la Saône les eaux
de cette grande rivière,démesurémentgon-
flées lors de ces deux tentatives,firent juger
contraire à la prudence de les franchir sur
de simples barques, unique moyen de pas-
sage à cette époque. Deux fois fois on dut
ramener à Ars M. Vianey, au grand conten-
tement des habitants, qui saisirent cette oc-
casion pour lui dire que Dieu par les élé-
ments combattait cette démarche et se pro-
nonçait en leur faveur; qu'il ne devait pas
songer à les quitter, mais bien à demeurer
au milieu d'eux, comme leur pasteur; que
désormais ils lui seraient plus dociles et
plus obéissants.
« S'il ne tient qu'à ma volonté , leur
dit-il, je meplais autant ici avec vous que
partout ailleurs. »
Voilà ce qui dénote la perfection de l'ab-
négation zeligieuse, la soumission à lavo-
lonté de Dieu, l'héroïsme de la vertu, et
le sacrifice de ce que nous avons de plus
;
précieux.) le sacrifice de la vie car ce cli-
mat paraissait meurtrier pour lui, et il
avait presque toujours la fièvre. Son prédé-
cesseur y avait déjà succombé en peu de
temps. Mais il se mitau-dessus de toutes les
considérations humaines, et ne perdit rien
de sa parfaite indifférence : les habitants
d'Ars conservèrent donc l'espoir de le rete-
nir encore, et, sans perdre de temps, quel-
ques-uns d'entre eux partirent pour Lyon,
afin d'exposer l'état des choses à M. le Vi-
caire général, et de faire rendre à M. Via-
ney son premier titre. L'autorité diocésaine
y consentit, ne pouvant prévoir le démem-
brement prochain du diocèse de Lyon par

fermer Ars dans ses limites. Au reste on,


l'érection de celui de Belley, qui devait ren-

avait trop d'estime pourlui, pour révoquer


la première décision. Mais Ars fût resté dans
l'oubli, et Salles aurait repris son ancienne

,
célébrité; et le département du Rhône, qui
avait vu le berceau du saint Prêtre eût
aussi possédé son tombeau. Il n'en fut point
ainsi.
Cependant Dieu, satisfait de la parfaite
soumission de son dévoué Ministre et de
son abandon entier entre ses mains, daigna
lui redonner la santé, en confirmant son
titre de curé d'Ars. Ses fièvres tenaces dis-
parurent pour toujours. Il est à croire que
ce fut par l'effet des prières ferventes qu'il
adressa au Ciel, afin de pouvoir travailler
sans relâche à l'amélioration de son petit
troupeau.
Mais Dieu qui, en lui rendant la santé,
avait en vue le bien de ses ouailles plutôt
que celui du saint Curé, ne voulut pas le
dispenser pour cela de souffrir, afin d'aug-
menter la somme de ses mérites et de don-
ner plusd'éclat à sa vertu. C'est pourquoi il

:
permit au démon de l'exercer d'un autre
côté car cet ennemi de tout bien, voyant
son royaume détruit dans la paroisse d'Ars
par le zèle ardent du saint Prêtre, et celui
de Jésus-Christ rétabli dans tous les cœurs,
arma ses phalanges et tourna contre ce nou-
vel apôtre ses sectateurs, et jusqu'aux amis
du saint Pasteur!. D'abord ce fut le mur-
mure, puis la plainte, et enfin la dénon-
ciation à l'autorité. Heureusement M. Via-
ney n'ignorait pas que le disciple n'est pas
au-dessus du Maître, et que, si Jésus-Christ
a été persécuté, ses disciples doivent s'at-
tendre à être traité comme il a été traité
lui-même.
Aussi M. le Curé d'Ars, à l'exemple des
Apôtres, mettait toute sa joie à souffrir
quelque chose pour le nom de Jésus-Christ.
Car c'estvraimentun grand sujet de joiede
souffrir pour Dieu quand on a l'esprit de
foi, surtout quand cela vient des méchants.
Maisquedirequand on reçoitses souffrances
de la part des personnes les mieux inten-
tionnées, des personnes pieuses, et de ses
amis les plus sincères?. C'est ici qu'il
faut être bien persuadé de la justice de
sa cause, avoir une grande confiance en
Dieu, et un courage tel qu'on puisse sup-
porter avec une patience inaltérable tous
les maux de cette vie. Or, o'est là précisé-
ment ce qui arriva à l'illustre Curé d'Ars
il se tint toujours dans une parfaite indif-
:
férence à tout, et accepta ce que Dieu de-
mandait de lui; ce qu'il fit connaître par la
voie des Supérieurs. Se voyant dénoncé à
l'autorité et ayant sous les yeux une de ces
dénonciations, il alla jusqu'à y poser sa
signature, en disant : CeUe fois ils sont bien
,
sûrs de réussir
sion
puisqu'ils ont mon adhé-

Cependant l'autorité jugea prudent de ne


pas se prononcer sans avoir auparavant
examiné soigneusement la chose en elle-
même. Monseigneur l'Evêque de Belley fit
alors plusieurs voyages à Ars, afin de eau.
seravec le Curé, d'étudier ses principes,
sa manière de voir, et en un mot toute sa"
conduite, sans s'ouvrir à personne sur ses.
véritables intentions. Or, chacun interpréta
à sa façon ces visites fréquentes;. tandis
que le saint Curé demeurait inébranlable
dans ses convictions, et ne varia jamais
dans sa conduite, autant que l'obéissance
due aux Supérieurs put le lui permettre.
Mais cette âme si fervente, que l'on ne
pouvait étudier longtemps sans être émer-
veillé du trésor de grâces qu'elle possédait,
n'eut qu'à gagner en estime dans l'esprit de
son Evêque, à mesure qu'il venait le visiter
plus souvent. En effet, Mgr Devie^appré-
ciant le grand bien que faisait le saint
Prêtre dans sa paroisse, finit par le laisser
vivre selon ses goûts. C'est ainsi que ce qui
devait le perdre, dans le dessein du démon,
fut au contraire l'une des principales causes
du grand bien qui s'est opéré dans cette
petite paroisse depuis cette époque jsi pé-
nible pour le saint Prêtre, etqui devait don-
ner naissance au pèlerinage d'Ars, l'un des
plus célèbres de notre siècle,
r

Débats du Pèlerinage d' .t\,

La vie de M. Vianey était si pénitente, si


retirée de la société si laborieuse et si
,
charitable dans son objet, le salut des âmes,
qu'elle excita peu à peu l'attention et l'ad-
miration des pasteurs voisins. Ilsse firent
donc un plaisir de l'appelerquelquefoispour
venir prêcher dans leurs paroisses, Il y allait,
et il était rare qu'il n'enlevât pas quelque
âme à sa négligence spirituelle, à l'indiffé.
J'ence, et quelquefois à de vrais écarts.
Rien de plus simple cependant que ses
instructions mais rien de plus touchant
,
et de plus pathétique. C'étaient le moment
décisif de la mort,. les rigueurs du juge-
ment qui la suivent., et"\a double alter-
native du paradis ou de l'enfer!.qui
étaient les sujets les plus ordinaires de ses
entretiens. Mais il s'exprimait d'une manière
si claire,si palpable et si frappante,qu'on ne
pouvait y rester insensible. Si le sujet don-
nalt lieu à des pensées tristes, on le voyait

;
souvent répandre des larmes, et il pouvait à
peine continuer son discours si, au con-
traire, le sujet inspirait la joie et la con-
fiance, il faisait paraître une joie toute cé-
leste.
Il s'attira ainsi peu à peu la confiance,
et dès les premières années de son séjour
Ars il acquit une telle renommée, surtout
lorsqu'il s'opérait quelque merveille par la
Ferveur de ses prières, que de tous les points
Je la France, et même des contrées les
plus lointaines, on accourait à lui eomme-.

,
àla plus grande merveille de son siècle.
En 1849 première époque où nous
eûmes l'avantage de le voir, il y avait déjà
une dizaine de voitnres qui partaient et qui
revenaient, pleines de voyageurs qui y
affluaient de tous les points. Nous nous
sommes trouvé avec une personne qui a

se confesser au saint Prêtre


fluence était grande.
,
passé une huitaine de jours sans pouvoir
tant l'af-

Chaque pèlerin, avant de partir, désirait


voir, entendre, consulter le Saint, comme
an se plaisait à l'appeler, ou se recom-
,
diction ,
mander à ses prières recevoir sa béné-
,
une médaille faire apposer sa,
signature à quelque livre ou à quelque
image, se confesser à lui, communier de
6a main, etc.
Les habitants de presque toutes les com-
munes voisines d'Ars, où il. était allé prê-
cher, avaient conçu une si haute opinion..
de la vertu et du dévouement de M. Vianey,
qu'un bon nombre d'entre eux, arrivés k
l'heure de la mort, le faisaient prier de ve-
à
nir les préparer passer de ce monde à un
monde meilleur, et à paraître sans crainte
devant Dieu. Il partait promptement, à
quelque heure que ce fût et quelque temps
qu'il fît, et ne les quittait ensuite que
lorsqu'ils n'avaient plus besoin de son mi-
nistère.
Nous croyons devoir placer ici un trait
qui montre bien jusqu'où il portait le zèle,
la pauvreté et la charité. Il était allé à la

les missionnaires;
mission de Trévoux, en 1823, pour aider
ceux - ci s'aperçurent

lambeaux:
que son vêtement de dessous tombait en
ils lui en firent faire un autre
qu'ildaigna accepter, mais dès le lendemain
il ne l'avait déjà plus, l'ayant donné à un
pauvre tout transi de froid, qu'il rencontra

un autre pauvre dans ses bras pour ,


sur sa route. Huit jours après, il prenait

l'aider à traverser un endroit rempli de


verglas. L'ayant tiré de ce mauvais pas, il
portases besaces jusqu'auprès de Trévoux).
en y allant pour la mission.
Changement d'Ars au matériel.

Nous avons vu dans un des chapitres

;
précédents quel était l'état de pauvreté de
l'église d'Ars nous verrons dans celui-ci
ses embèllissements successifs, dus aux
soins constants de M. Vianey.
Parmi les bienfaiteurs de l'église d'Ars, on
peut mettre en première ligue M, le comte
d'Ars et Mademoiselle sa sœur, qui, com-
prenant toutes les hautes vertus qui se ca-
chaient sous l'humilité excessive du saint
Curé, conçurent une telle estime pour lui,
qu'ils se plurent à enrichir son église. On
évalue à 40,000 francs les dons de toute
nature offerts par ces recommandables
personnages.
Souvent M. Vianey recevait de per-
sonnes pieuses et charitables bien des
sommes destinées à orner son église :
aussitôt il les employait à soulager les
pauvres et à atténuer la misère. Quand les
pauvres
:
n'allaient pas à lui, il allait
même à la découverte aussi bien des fois
lui-

s'est-il vu sans le sou pour payer les ouvriers


employés à la construction de ses chapelles.
Mais, sans se déconcerter, il redoublait
ses prières, et jamais la Providence ne lui fit
défaut.
I M. Vianeyobtenait toujours ce dont il
avait besoin pour venir à bout de ses des-
seins, parce qu'ils tendaient tous à la gloire
de Dieu, et parce qu'il commença par donner
lui-même l'exemple, en faisant tout ce qu'il
pouvait avec ses propres ressources; après
quoi de simples exhortations suffisaient
pour engager ses paroissiens à contribuer à
cette bonne œuvre, et pour leur en démon-
trer toute l'importance. Ayant acheté de ses
propres deniers deux belles cloches, que
l'on possède encore, avec plusieurs autres
choses non moins utiles quoique de moin-
dre valeur, ses prédications, ainsi précédées
del'exemple, furent entendues de la presque
totalité de ses paroissiens.Chacuns'empressa
d'apporter son obole, et cette petite église
commença non-seulement par sortir bientôt
de son infériorité, mais encore à provoquer
les regards, l'admiration et le zèle des pa-
roisses voisines, par la pompe et les riches-
- ses qu'on y voyait briller.

cements,
Encouragé par de si heureux commen-
qui comblaient de joie son âme,
le saint Pasteur parla du vaisseau si petit de
l'église et de la nécessité de son agrandis-
sement par quelques chapelles, et d'abord
par celle de la Très-Sainte-Vierge, à droite
de l'autel. Sa voix fut encore entendue, et
l'on vit s'élever par ses soins cette magni-
fique chapelle, dont l'autel est enrichi des
ornements les plus beaux et les plus variés.
C'est là qu'il célébrait la sainte Messe tous
les samedis de l'année avec une ferveur
séraphique, qui .se communiquait même
aux plus indifférents; c'est vers cette belle
statue de Marie qu'il se tournait au com-
mencement et à la fin de ses instructions,
et avant de rentrer à la cure, à la prière du
soir; c'est à ses pieds qu'il envoyait les âmes
qui venaient à Ars dans l'intention d'ob-
tenir quelque faveur. Qui pourrait dire
combien de larmes de repentir, de ferveur,
combien d'infirmités corporelles et spiri-
tuelles, et de merveilles dans l'ordre de la
grâce et de la nature, cette image vénérée
de Marie a été témoin ?.
La chapelle qui fait le pendant à la pré-
cédente est celle de saint Jean, qui se trouve
de l'autre côté. C'est là qu'au sortir de sa
cure, après minuit, et avant d'entrer au
confessionnal qui s'y trouve, il récitait or-
dinairement Matines etLaudes. La deuxième
chapelle à droite est celle de sainte Phi-
lomène, qui est comme le manteau sous

,
leux qui coule toujours ,
lequel l'humble Prêtre cachait le merveil-
comme d'une
source intarissable, dans cette bienheureuse
paroisse. C'est sur le compte de l'illustre
Martyre, comme sur celui de la Sainte-
Vierge, qu'il mettait toutes les guérisons
physiques et morales obtenues par ses
prières. Quant au saint Prêtre, il ne voulait
y être pour rien. C'est pour cela qu'il a eu
soin d'exposer partout les reliques de cette
Sainte. Cependant il s'est trouvé des mala-
des qui ont été guéris dès sa première vue ;
ce qu'une percluse ayant osé dire, il la
força d'emporter ses béquilles, quoique dé-

,
sormais inutiles, avec défense d'en parler.
Du reste cette belle chapelle est remplie
d'unnombre presque infini à'ex-voto, parmi
lesquels on remarque un tableau représen-
tant le saint Curé dansson lit et mourant,
avec une apparition de sainte Philomène
qui lui obtient aussitôt la santé. Avee l'huile
qui brûle devant l'image vénérée de IQ

;
Sainte, on remplissait de petits vaisseaux
qu'on faisait bénir au vénérable Prêtre on
les donnait ensuite aux pieux voyageurs,
qui les emportaient pour en oindre quel-
que membre infirme. On assure que plu-.
sieurs y ont trouvé un remède efficace, les
uns pour leur vue presque éteinte, d'au-
tres pour l'ouïe affaiblie, etc. C'était ordi-
nairement là que M.Vianey se rendait après
midi, malgré sa lassitude, pour entendre
encore les confessions.

,
La deuxième chapelle qui est à côté de
,
celle de la Sainte-Vierge est celle de l'Ecce
:
Ilomo. L'Homme-Dieu y est représenté de

,
deux manières 1° on le voit debout sur
l'autel, de grandeur naturelle la tète cou-
ronnée d'épines, les mains liées avec une

;
corde, et tout le corps déchiré de la ma-

;
nière la plus cruelle le sang coule de sa
tête auguste et de tous ses membres 2° on
le voit gisant dans un tombeau, entouré
d'un grillage en fer. Tout ceci peut servir de
motifs à la plus vive contrition, et aux plus
affectueux sentiments de piété.
De l'autre côté enfin se trouve une cha-
pelle dédiée aux saints Anges, et qui révèle
toute la piété du saint Prêtre envers ces Es-
prits bienheureux que Dieu, dans son in-

,
finie bonté, a commis à notre garde.

;
Le chœur a été refait et de beaucoup
agrandi une nouvelle sacristie a été aussi

,
construite, ainsi qu'un vestibule au clocher,
et une tribune au fond de l'église pour
l'usage exclusif des habitants du château.

,
Le cimetière, qui entourait l'église, a été
transféré plus loin mais néanmoins à l'en-
droit le plus visible, afin de ne pas dérober
aux fidèles un sujet si salutaire de médila-
tion. Trois maisons religieuses importantes

: ;
ont été établies à Ars parles soins du vénéra-
ble Pasteur une maison de Sœurs, avec une

:
fort belle chapelle une maisonde Frères,
et enfin une maison de Missionnaires fon-
dations évaluées à plus de 100,000 francs.
D'un autre côté, les habitants ont élevé
de nouveaux édifices, et ont beaucoup con-
tribué à la splendeur de ce petit village,
dont la population est maintenant doublée
et qui a le mouvement d'une cité, ainsi que
nous allons le voir dans le chapitre sui-
vant. Mais le dimanche tout travail demeure
suspendu, et tout le monde s'applique à
sanctifier le jour du Seigneur avec une
piété et une édification que l'on cherche-
rait vainement dans aucune autre paroisse.

I~
.0.-
Agrandlstemeat du village d'Ars.

Les vertus et la réputation de M. Vianey


attirant de plus en plus les pèlerins, Ars
commença à changer au point de vue phy-
sique, comme il avait déjà changé au point
de vue moral.
Les premiers visiteurs éloignés qui
vinrent à Ars firent le voyage d'abord en
voitures particulières, et encore étaient-
ils obligés de repartir le même jour, ne
trouvant au village ni hôtel, ni remise, rien
enfin de ce qui pouvait faire prolonger un
séjour. Cependant le nombre des pèlerins
allant toujours croissant, et la nouvelle
route de Villefranche à Villars passant par
Ars, il fut créé-un service d'omnibus qui
permit aux visiteurs d'aller etde revenir
le même jour. La foule augmentant, une
compagnie rivale monta un autre service
de voitures qui pour 50 centimes amenait
les pèlerins de Lyon à Ars; ce qui donna
lieu à des disputes, qui manquèrent à faire
partir d'Ars le saint Curé.
Dès-lors le pèlerinage prit une telle ex-
tension, que des maisons particulières se
changèrent en hôtels; puis ces établisse-

:
ments ne suffisant pas, de vrais hôtels fu-
rent construits ils montèrent au nombre
de cinq, sans compter beaucoup d'autres
logements. Déjà les boulangers et les bou-
chers étaient venus tenter fortune à Ars, et
leur réussite avait été un appât pour d'au-
tres.
Levillage d'Ars, qui en 1820 n'avait que
200 habitants, en comptait, vers les derniè-
res années du saint Curé, plus de 600. Un
grand nombre de maisons ont été con-
struites, surtout autour de l'église: presque
toutes servent de magasins, où se vendent
toutes sortes d'objets de piété.
Si autrefois on était obligé de coucher
sous des hangars, dans des fenils et des
écuries, les pèlerins trouvèrent plus tard
5
vingt lits pour un grand nombre de pro-
priétaires n'avaient pas tardé de disposer
dans leurs maisons diverses chambres pour
y loger les visiteurs.Ily avait, les derniers
temps, sept départs de la gare de Yillefran-
chej et quatre par les bateaux à vapeur qui
débarquaient à Frans; en outre, il existait

,
encore un service par terrede Lyon à Ars.
Ainsi le village d'Ars qui autrefois était
désert et presque inconnu, recevait en der-
nier lieu près de 100,000 visiteurs par an.

,
Que l'on juge par là de son changement
matériel, et quel bien quelle fortune
était pour cette commune le vertueux et
saint Curé.
Dn changement d'Ars au moral.

En arrivant à Ars, M. Vianey trouva cette


paroisse, comme toutes celles de laDombes,
fort tiède à remplir les devoirs religieux;
et si l'église était dans un état pitoyable,
c'était à l'indifférence des habitants qu'on
pouvait l'attribuer.
-Cette indifférence, M.Vianey pensait bien
;
la vaincre par ses conseils, par l'exemple de.
sa conduite et par ses prières mais ce qu'il
avait d'abord à cœur, c'était d'extirper de
la population l'habitude des danses et des
réjouissances publiques, où l'âme oublie le
Seigneur et trop souvent se pervertit. Ce
qui l'effraya surtout, ce fut d'apprendre que
le village d'Ars, non content de célébrer
par une vogue la fête de son patroii saint
Sixte, dansait encore le jour de saint Biaise,
le mardi-gras et le premier jour de mai.
Le 6 août, fête de saint Sixte, était l'épo-
que la plus solennelle. On faisait dans levil-
lage les mêmes préparatifs que dans une
:
ville musique, jeux, rien ne manquait.
On préludait à la fête par une promenade
avec la musique.Après avoir fait plusieurs
fois le tour du village, qui alors était fort
petit et peuplé de 200 âmes à peine, les
danses commençaient, et ne finissaient plus
qu'au milieu de la nuit. Le lendemain était
célébré comme la veille (1).
Pour la fête de saint Biaisa, les garçons
allaient dans les maisons, accompagnés
d'un musicien. Chaque habitant s'empres-
sait de leur faire des présents :
les uns
donnaient des œufs, d'autres de la volaille,
ceux-ci du lait, celui-là de la viande, d'au-
tres du vin. Chaque fois qu'ils sortaient

Je
(I) Le simple bon sens suffit pour qualifier telles habi-
tudes, qui sont aussi déraisonnables que préjudiciables à la
saute et aux bonnes mœurs.
d'une maison, ils faisaient précéder leur
sortie d'un pas de danse; puis, après avoir

,
ainsi parcouru toutes les maisons du vil-
lage ils se rendaient dans une auberge,
où ils employaient à boire et à manger le
produit de leur quête. Le dîner fini, les
danses commençaient, et ne se terminaient
qu'au lever du soleil.
Le mardi-gras était célébré comme il l'est
encore aujourd'hui dans les campagnes. On
se travestissait, on se masquait très-grotes-
quement, et l'on allait se divertir ainsi dans
les veillées qui ont lieu à cette époque de
l'année chez les habitants aisés. Le premier
soir de mai, les jeunes gens allaient chanter
sous les fenêtres le Mois de mai. Les habi-
tants les recevaient joyeusement, les gra-

terminait de la même manière


passait avec plus ou moins d'excès.
:
tifiaient comme à la saint Biaise, et la fête se
tout se

En arrivant à Ars, et en apprenant ces


tristes habitudes, M. Vianey songea immé-
diatement au moyen de les supprimer. Ce

,
fut après deux ans de prières ferventes, de
jeûnes d'avis, d'une conduite pleine de
fermeté, qu'il vint à bout d'extirper le mal
jusquedan& sa racine, en empêchant la fête
patronale elle-même. Aux prières, aux ex-
hortations de toute nature, M. Vianey joi-
gnit, pour arriver à son but, des moyens
humains qui achevèrent son œuvre.
Un jour il pria un des habitants de la
paroisse d'aller trouver l'aubergiste qui
était chargé des préparatifs dela vogue, et
de lui demander quelle somme il pensait
gagnerce jour-là, L'aubergiste dit ce qu'il
avait gagné les années précédentes, « Eh
bien! dit le visiteur, si l'on vous assurait
cette somme, empêcheriez-vous qu'on fît la
vogue cette année? » Sur la réponse affir-
mative de l'aubergiste, M. le Curé donna
l'argent demandé. Après avoir reçu son bé-
néfice annuel, sans avoir aucune peine,
aucun embarras, l'aubergiste écrivit de
suite aux musiciens ordinaires de ne pas ve-
nir, qu'il n'y aurait pas de vogue à Ars cette
année-là. Comme les jeunes gens commen-
çaient à comprendre et à suivre les avis de
l'homme de Dieu, ils ne firent aucune dé-
marche pour rétablir la fête. patronale, et
desce jour la vogue fut bannie du village
d'Ars. Cela peut donner à comprendre
quelle influence a dû exercer M. Vianey,
pour faire supprimer de telles réjouissances.
Aussi n'épargnait-il rien pour détruire les
abus; et, comme il se sacrifiait lui-même
pour ses paroissiens, ceux-ci ne se fâchaient
jamais des reproches qu'il leur adressait,
car ils n'ignoraient pas combien il les ai-
mait.

,
Parmi les différents abus que l'on re-
marquait à Ars ce fut l'habitude invétérée
de travailler le dimanche qu'il eut le plus de
peine à faire perdre; mais rien ne pouvait
lui résister, par la seule raison qu'il ne
s'épargnait point lui-même dès qu'il s'agis-
sait de la gloire de Dieu et de l'intérêt spi-
rituel de son troupeau. Il ne se contentait
pas d'exhorter lui-même ses paroissiens, il
appelait souvent quelque prêtre des en-
virons, afin de faire de petites retraites,
autant que les travaux de la campagne pou-
vaient le permettre. Ainsi les fidèles assis-
à
taient la sainte Messe de grand matin, et le
soir à la tombée de la nuit ils venaient en-
tendre le sermon sur les principales vérités
de laHeligion.
Quand on pense combien il est difficile à
l'homme de passer d'une mauvaise habitude
à une bonne qui lui est contraire, on peut
se faire une idée de la peine que M. Vianey
se donna pour remplacer, par la vertu, les
vices et les désordres qui régnaient dans
cette chétive paroisse. Quelles prières ar-
dentes n'adressa-t-il pas au Ciel pour le salut
de son troupeau que de. soupirs, que de
1

larmes-, que d'austérités de tous genres !


L'église, bien plus que le presbytère, était
sa demeure; il ne craignait pas d'y passer
des heures entières en oraison, tandis que
la plupart des gens ont de la peine à y rester
une demi-heure. Mais ce n'est pas seu-
lement à l'église qu'il faisait oraison; il
priait en tout temps, et la louange de Dieu
était toujours en sa bouche comme dans celle
du Prophète. Mais voici un fait qui mérite
d'être rapporté. Un jour qu'il priait avec la
plus grande ferveur devant l'autel de Marie,
répandant une quantité de larmes pour
obtenir la conversion pleine et entière de
ses chères brebis, le saint Prêtre entendit
une voix qui lui dit de consacrer toute sa
paroisse à la Vierge immaculée. Plein de
confiance, le dimanche suivant il déclare
son dessein à ses chers paroissiens, et les
à
exhorte puissamment préparer leursâmes
par la réception des sacrements de Péni-
tence et d'Eucharistie. Ensuite, s'étant pro-
curé un grand cœur en or, il y renferma
tous les noms de ses paroissiens; ce qui fut
l'objet d'une des plus belles fêtes. C'était
au 1er mai de l'année 1836. A dater de cette
époque, Ars s'est trouvé touttransformé;
ce qui a été pour l'infatigable Pasteur le
sujet de la plus douce joie.

Du changement d'Ara sons le rapport


intellectuel.

Lorsque M. Vianey fut nommé à la cure


d'Ars, il remarqua qu'une des princi pales
sources de la perversité qu'il avait à dé-
plorer danssa nouvelle paroisse, c'était l'i-
gnorance où étaient plongés les habitants.
C'est pourquoi, après avoir corrigé les abus
qui étaient capables de les faire tomber
dans le péché, il prit la résolution de fon-
der une maison où l'onTecevrait les pau-
vres orphelins, afin de leur donner la nour-
riture du corps et surtout celle de l'âme,
pour eh faire. de bonnes mères de famille,
ou d'excellentes religieuses, selon leur vo-
cation.
M. Vianey fonda en effet cette maisony
à laquelle il donna le nom de Providence. Il
voulut par là mettre cet établissement sous
la protection de Celle qui ne lui avait jamais
fait défaut, et sur le secours de laquelle il
comptait encore plus, pour pouvoir con-
duire son œuvre à bonne fin, que sur ses
propres ressources.
Cependant, pour ne pas tenter le Sei-
gneur en exagérant son espérance et en
négligeant les moyens humains, il vendit
ses biens patrimoniaux d'une valeur d'en-
viron 20,000 francs, et il consacra cette
somme à acheter d'abord le terrain néces-
saire, se confiant pour le reste en la divine
Providence.

;
Jusque-là, M. Vianey s'était contenté de
sacrifier ses revenus mais alors il crut de-
voir sacrifier encore son patrimoine, et jeta-
les fondements de cette maison, dont la cha-
pelle seule aujourd'hui peut être évaluée de
40 à 50,000 francs.
Ce fut le saint Pasteur qui choisit lui-
même et qui forma les filles qu'il devait
mettre à la tête de cette institution. Il fit
plus, il les envoya, à ses frais, passer une
année dans une maison dereligieuses, dis-
tante d'Ars d'environ 5 kilomètres.
Les enfants les plus pauvres étaient les
premiers reçus. Ces petites filles étaient
;
admises dès l'âge de cinq ou six ans elles

parfaitement élevées ,
étaient habillées, nourries, entretenues et
conformément à
leur aptitude et à leur position sociale,
jusqu'à l'âge de quatorze ou quinze ans.
Alors le sage Directeur les plaçait chez quel-
ques bons maîtres, d'abord durant l'été;
et au commencement de l'hiver, elles reve-
naient se renouveler et se fortifier dans la

,
pratique de la vertu jusqu'au retour du
beau temps. Enfin vers l'âge de dix-neuf
8U vingt ans, il les rendait définitivement
à la société, les aidant selon son pouvoir
à suivre leur vocation, soit pour vivre au
milieu du monde, soit pour s'en séparer.
duant à l'intérieur de cet établissement,
il était si conforme à l'esprit de pauvreté,
excepté toutefois en ce qui concerne la
chapelle, qu'il n'y avait rien que de néces-
saire, sans art, ni rien qui pû.t ressentir le
luxe, ou qui pût être un sujet d'infraction

, ;
k la règle. Cependant l'humble Curé, y
étant entré un' jour aperçut une caisse
d'horloge d'un grand prix et, sans s'in-
[jiiéter d'où elle venait, il prit aussitôt un
pinceau et peignit en noir ce bois luxueux
ie l'Imde. Une autre fois, étant entré dans
le jardin, et jugeant combien il était péril-
leux pour des enfants d'avoir des arbres à
fruits à leur disposition, afin d'ôter l'occa-
fi«n à toute tentation et à toute infraction
L -
la règle, il les arracha lui même, pour
aisser la place à quelques légumes plus
nécessaires.
,
Avec de tels principes, cette maison, ha-
bitée par les anges de la terre ne pouvait
qu'être très-agréable au Seigneur. C'est ce
qui fut confirmé par la multiplication, plu-

;
sieurs foisréitérée,du blédans le grenier des
Soeurs d'autres fois le pétrin se trouva rem-
pli de pâte, après qu'on y eut simplement
mis le levain par ordredu saint Curé.
Mais ce n'était pas seulement pour les

,
enfants de la paroisse que M. Vianey avait
fondé cette maison il avait encore en vue
les orphelinsdes communes voisines d'Ars.
Les vieillards mêmes y trouvaient une res-
source assurée. Toutefois, depuis plus de
trente années que durait cette Providence,
rien ne manquait à l'entretien des enfants
qui y étaient reçus.
Après ce laps de temps, la Providence
d' Ars fut cédée à la maison des Sœurs de
Saint-Joseph de Bourg, avec une fonda-
tion à perpétuité en faveurdes Sœurs de
cet ordre, pour faire la classe aux jeunes
filles. On croit que M. Vianey a été forcé
de faire la cession de cet hospice pour en
éviter la suppression, à une époque d'hos-
tilité contre les établissements religieux :
Dieu le permettait ainsi, pour épurer en-
core la vertu de son serviteur; ce qui tou-
tefois lui fut très-sensible.
y Avant cette cession, M. Vianey allait dans
cette maison prendre son modeste repas ,
après lequel il se plaisait à entretenir ces
chères enfants, afin de faire germer davan-
tage la vertu qui croissait dans leur cœur.
Bien souvent les personnes qui accompa-
gnaient M. le Curé à la Providence, y en-
traient lorsqu'il était à faire cette exhorta-
tion à ses enfants. Bientôt le nombre des
étrangers, qui augmentait tous les jours,
ne put être contenu dans la salle de la
Providence; ce qui donna lieu à M. Vianey
de faire son catéchisme à l'église, afin que
tout le monde pût en profiter.
e Que n'aurions-nous pas à dire encore au
sujet des Missionnaires et des Frères, que
M. Vianey a établis également à Ars? ce que
l'on doit uniquement à sa confiance en Dieu
et à son esprit de sacrifice; mais cela nous
mènerait trop loin. Nous nous contentons
donc d'en faire mention, et de mettre en
à
perspective tout le bien que ces deux éta-
blissements sont appelés à faire.

Des qualités corporelles et intellectuelles


de M. Vianey

,
Les dons corporels quoique inférieurs
aux dons intellectuels, ne laissent pas
d'exercer la plus grande influence dans l'im-
portante affaire de notre salut, et il arrive
même trop souvent que c'est d'eux que l'on
faitdépendre sonsalut ou saperte éternelle.
Il n'est donc pas indifférent de parler de
ceux dont Dieu a gratifié son humble servi-
teur, qui en a fait un saint usage, non-
seulement pour lui-même, mais encore
pour un grand nombre d'autres.
D'abord, on remarquait en lui une figure
extrêmement gracieuse, non de cette grâce
efféminée qui n'annonce que la langueur,
mais de cette grâce noble qui révèle la force,
et qui ne peut venir que d'une charité
parfaite et d'une véritable mortification.
Telle était celle du vénérable Curé d'Ars;
carautant il témoignait de bonté à ceux
qui venaient à lui, autant il manifestait
d'indifférence et de sévérité pour son corps,
qu'il osait appeler son cadavre! Son re-
gard était aussi doux que pénétrant. Il
suffisait de le voir pour l'aimer et pour ad-
mirer sa vertu. Il paraissait joyeux comme
un ange devant ceux qui avaient besoin de
consolation, et prenait les accents de la
douleur devant ceux qui avaient besoin
d'être touchés. En un mot, il se faisait tout
à tous, pour les gagner tous à Jésus-Christ,
suivant l'exemple de saint Paul. On aurait
dit, en le voyant, qu'Adam n'avait point
péché en lui; car on aurait eu de la peine
à apercevoir en tout son extérieur les traces
de la corruption de notre nature.
Sa personne entière, mise en spectacle
devant toutes sortes d'esprits et de censeurs
de sa conduite, ferme la bouche à tous les
ennemis de ia Religion, et met en évidence
la supériorité du catholicisme sur les in-
nombrables sectes qui lui sont opposées;
car aucune d'elles ne saurait montrer un
seul homme de la trempe de M. le Curé
d'Ars, tandis que l'Eglise romaine n'en a
jamais manqué.
On lui a reproché le défaut de science et
des grands talents que le monde admire;
et néanmoins, savants et ignorants, tout
le monde était ravi de l'entendre et ne
pouvait se lasser d'admirer la puissance
de la vertu dont il faisait preuve. Qu'on
ne vienne donc pas dire que son style était
trop simple, car alors il faudrait effacer
l'Evangile. Mais que dire de ceux qui ap-
pellent sa vie unefolie? ne sont-ils pas arrié-
rés de dix-huit siècles? C'est une heureuse
folie que celle qui opère d'aussi heureux
résultats que la vie, si édifiante et si salu-

Curé,
lutaire à tous les chrétiens, de cet humble
qui attirait à lui tout le monde, qui
était le remède à tant de maux, et qui a été
la cause d'un bien vraiment incroyable.
La trempede son espritétait telle,qu'ilin-
téressaittoujours, et que jamais onne se las-
sait auprèsde lui. Il électrisait ses auditeurs
toutes les-fois que le sujet le permettait.
Parlait-il du monde, on s'y sentait trans-
porté; mais Jetait pour apprendre à le con-
naître, à lemépriser et à en condamner les
usages. Parlait-il du désert, on se sentait
poussé à l'aimer, tant il portait à admirer
les vertus de ceux qui y ont vieilli loin du
tracas, des périls du monde, et dans les véri-

geste, son regard, son expression ,


tables jouissances de l'esprit. Son récit, son
tout

;
charmait: ce n'est pas qu'ils'astreignît à au-
cane méthode car sa méthode à lui, c'était
de n'en point avoir. Il épanchait son âme
Tersses auditeurs et versait de l'abondance
de son ceur, suivait que la grâcel'impres-
sitmnait lui-même. C'estainsi que sa joie se
ctmmumiqnait à tous ceux qui l'entou-
raient, et que sa componction attendris-
sait les cœurs les plus durs.
Des Catéchismes de M. le Curé d'Ars

Tous les jours,vers onze heures du matin,


M. Vianey faisait une instruction, ou ca-
téchisme, que tout le monde écoutait
avec édification. C'était là, surtout, qu'on
se plaisait à contempler l'homme de Dieu.
C'était un bien beau spectacle pour les
anges de voir la manière dont ce bon père
parlait à ses chers enfants assemblés autour
de lui, et la docilité des brebis à écouter
la voix du saint Pasteur. Tantôt l'on eût
dit que c'était un ange qui s'exprimait avec
une grâce toute céleste, tantôt un pénitent
avec des paroles qui arrachaient des larmes
aux assistants.
Il ne disait rien d'une manière recher-
chée, étudiée, ou qui dénotât aucune affec-
tation; mais il parlait avec une simplicité,

;
une tendresse et une force telles, qu'il
était impossible de rester insensible on se
sentait comme irrésistiblement entraîné par
sa parole. Aussi, depuis que le pèlerinage
d'Ars a commencé, jamais on n'a entendu
le saint Curé faire un catéchisme sans être
et
, ,
touché jusqu'aux larmes; l'on peut ajouter
que jamais on n'a vu son auditoire dans
cette chère petite paroisse rester les yeux
secs à la voix si touchante du saint Pasteur.
Jamais, non, jamais la plume ne saurait
rendre la vivacité, la noblesse, la simplicité,
l'onctionde sa parole, toujours si touchante,
qu'il ne pouvait parler longtemps sans
répandre des larmes. Il citait souvent des

ne se lassait pas d'admirer ,


traits, tant anciens que nouveaux, qu'on
sans savoir
parfois où il avait pu les puiser. Il serait
impossible de reproduire la manière dont
il parlait, ni le ton pénétrant de sa parole.
Néanmoins nous croyons devoir rapporter
de notre mieux un de ses catéchismes,
choisi entre tous les autres, comptant sur"
l'indulgence duJecteur.
téchisme ,
Arrivé à l'endroit où il doit faire son ca-

;
M. Vianey commence par réci-
ter une courte mais fervente prière après
quoi il s'assied sur un prie-dieu, auprès
d'une petite balustrade qui le défend d'un
contact trop immédiat avec les assistants ;
il prend son Catéchisme, y jette un coup-
d'oeil, et le remet sur une corniche à côté
de lui. Cela fait, il entame un sujet ou
poursuit celui de la veille, et captive pen-
dantune demi-heure l'attention etl'admi-
ration de tous ses auditeurs.
Ecoutons-le un instant parler de la
mort :
La pensée de la mort, mes enfants,
«
nous empêcherait de commettre bien des
péchés, si elle était toujours gravée dans
notre esprit.
« Sachant qu'un seul péché mortel suffit
pour aller en enfer, si nous mourons sans
nous en repentir, quel est celui d'entre
nous qui oserait commettre le péché, s'il
réfléchissait bien sur cette grande vérité?
(Jl parait déjà attendri.)
« Le démon comprend que si les chré-
:
tiens pensaient bien à la mort, il ne pour-
rait les faire tomber dans le mal voilà
pourquoi il cherche à ôter cette pensée de
notre esprit; et,s'il ne peut la détruire en-
tièrement, il emploie un autre moyen et
nous la fait voir comme très-éloignée, afin
que nous n'en soyons pas épouvantés.
« Lorsque nous sommes morts, mes en-
fants, notre âme va paraître devant Dieu
pour être jugée. C'est alors qu'il est conso-
lant pour l'âme qui a combattu ses pas-
sions pendant le coûrs de sa vie, qui a
rempli le but pour lequel Dieu l'a placée
sur la terre, de voir le terme de ses souf-
frances arrivé. Cette âme, qui atantsouffert
depersécutionssur la terre dela part du dé-
mon ou des mauvais chrétiens, va recevoir
la récompense de ses vertus.
« Si nous pensions à la mort, mes en-
fants, comment préférerions-nous la créa-
ture au Créateur, le démon au bon Dieu?
comment poumops-nous donner tant de
plaisirs à notre corps, qui va bientôt être en
pourriture et devenir la pâture des vers *
pour négliger notre âme qui est immor-
,
telle ? »
Mais que ne puis-je rendre ici tous les
accents de cette parole, qu'il accompagne
tantôt d'une joie ineffable, et tantôt d'une
tristesse qui trahit sa vertu et qui touche
tous les cœurs!
« Si nous réfléchissions bien, mes en-
fants, qu'un jour il faudra quitter nos pa-
rents, nos amis, les personnes qui auront
été nos idoles ici-bas, jamais nous ne pour-
rions attacher notre cœur aux choses de la
terre, ni oublierle bon Dieu qui seranotrc
seul Juge à notre mort.
« Les créatures que nous aurons préfé-
rées à Dieu viendront-elles nous justifier
au tribunal suprême? Non, mes enfants,
nous serons abandonnés de nos amis, et
nous nous trouverons seuls devant notre
Juge suprême.
Nous avons tous les jours des sujets
a
capables de nous faire penser à la mort ;
nous voyons continuellement des parents,
des amis, des voisins que la mort vient en-
Lever, les uns à un âge mûr, les autres à la
ileur de la jeunesse. Rien ne peut graver
cette grande vérité de la mort dans notre
cœur, tellement le démon nous aveugle.
« Nous passons, mes enfants, dans Fin-
différence les années que le bon Dieu nous
accorde, sans nous inquiéter du motif pour

La mort arrive ,
lequel nous sommes placés sur la terre.
c'est alors que nous y
voyons clair; mais il est trop tard, la misé-
ricorde de Dieu est épuisée, et nous allons
brûler'dans l'enfer pendant une éternité.
(Cest à peine si l'on pouvait entendre ces
mots, tant sa parole était entrecoupée de san-
glots. )
« Voyez , mes enfants: nous pouvons
dire, au moment de notre mort, comme un
grand homme qui s'était rendu célèbre par
sa science et le rang qu'il occupait dans
le monde. Cet homme n'avait rêvé que les
plaisirs de la terre, les grandeurs de cette
vie, sans s'occuper de l'éternité. Au mo-
ment- de la mort il jeta un coup-d'œil sur
sa vie; il vit les tourments qu'il s'étaitdon-
nés pour se procurer des honneurs dans le
monde, et sa négligence à faire son salut.
Cette réflexion lui inspira les paroles qu'il
:
fit-graver Jui-même sur son tombeau, et
que voici ?t CUgU l'insensé quia quitté la
terre, sans savoir pourquoi il y avait été
placé. >1

« Puisque nous sommes surla terre, ré-


parons le temps perdu, en passant dans la
pénitence les quelques jours que le bon
Dieu vou dra bien nous accorder. Combat-
tons, mes enfants, afin d'être prêts lorsque
le bon Dieu nous appellera pour nous juger.
« Les Saints qui avaient vécu dans la
prière (Il peut à peine continuer, tant son âme
est affectée de ce qu'il dit), malgré les morti-
fications qu'ils avaient fait supporter à leur
corps pendant tous les jours de leur vie
tremblaient à l'approche de la mort!.
,
Nous quifaisons continuellement le mal,
qui ne voulons rien sacrifier pour faire le
bien, quelle devra être notre appréhension
lorsqu'il nous faudra paraître devant Dieu
pour être jugés!.
« Si nous voulons bien mourir,mes en-
fants, il faut bien vivre,et nous vivrons bien
lorsque nous ferons tous les soirs notre
examen de conscience. Par ce retour sur
nous-mêmes, nous verrons nos manque-
ments, etil nous sera plus facile de nous
en corriger. Alors, quand la mort viendra,
noug serons prêts, et nous pourrons aller
directement en paradis. »
Voilà ce que l'on peut appeler l'ombre
de saparole. QHe si l'ombre a déjà tant de
force, quelle n'était pas sa vertu lorsqu'on
l'entendait sortir desabouche, empreinte
d'une onction toute céleste !

Des vertus héroïques de m. Viancy,

PABTICtUIÈREMEUT DE SA FBOVEun.

par quelque
son humilité ,
vertu particulière :
Chaque Saint s'est distingué dans l'Eglise
l'un par
l'autre par sa charité ;
,
celui-ci par son dévouement, celui-là par
son amour pour la retraite etc. Mais la
vertu saillante deM.leCuréd'Ars est à peine
connue des esprits les plus pénétrants; car
il excellait dans toutes les vertus, au point
qu'il a égalé chacun des héros chrétiens
par celle en laquelle ceux-ci se sont le plus
distingués.

;;
En effet il égala, par ses veilles
Pierre d'Alcantara
,
par ses macérations,
saint

; ;
saint Jean de la Croix par ses larmes, le-
grand saint Arsène par l'humilité, le séra.

;
phique saint François d'Assise par la dou-
ceur, saint François de Sales par la cha-
rité, saint Vincent de Paul, etc. Il était, en
un mot, rempli du Saint-Esprit.
Qui mieuxqueluiapossédéles dons admi-
rables del'Esprit-Saint,avec toutes les ver-
tus qui en découlent? Quelle n'était pas sa
sagesse, lui qui ne faisait cas que des choses
célestes? quelle n'était pas son intelligence,
lui qui pénétrait parfois les secrets du ciel,

,
aussi bien que ceux des consciencesPquelle
n'était pas sa science lui qui s'entendait
si bien à diriger les âmes et qui savait si bien
se conduire lui-même? quel n'était pas son
don de conseil, lui qui savait si bien dis-
cerner ce.qui convenait le mieux à chacun,
et souvent même avant qu'on luidévoilâtson
intérieur, connaissant d'avance le fond des
cœurs, par une grâce d'autant plus admi-
rable qu'elle est plus rare de nos jours?
quelle n'était pas sa piété, lui qui ne
trouvait de goût que dans le service de
Dieu, et de la peine qu'à ne pas le servir

,,
de toutes ses forces ? quel n'était pas son
don de force lui qui ne reculait devant

,
aucun, sacrifice qui surmontait les plus
grands obstacles afin d'être agréable au
Seigneur ? quellen'était pas sa crainte de
Dieu, lui qui se crucifiait sans cesse pour
lui plaire, et qui craignait souverainement
de lui déplaire?.
Quant aux fruits du Saint-Esprit, il
les posséda également d'une manière ad-
mirable. Qui pourrait dire quelle était sa
charité, par laquelle il était si intimement
?
uni à Dieu sajoie, par laquelle il était
rempli de consolation? sa paix, qui le ren-
dait tranquille au milieu même de toutes
les agitations du monde ? sa patience, qui
lui faisait supporter de grand coeur,,et par
amour pour Dieu, toutes les contradictions
qu'il éprouvait? sa bénignité, par laquelle il
était toujours disposé àsoulager son pro-
?
chain sa bontés qui le rendait bienfaisant
?
envers tous SSL longanimité, qui le portait à
ne se rebuter jamais de rien? sa douceur,
qui lui faisait supporter en paix ce que le
?
prochain a d'incommode sa foi, par la-
quelle il croyait avec la plus forte convic-
?
tion sa modestie, par laquelle il réglait si
bien tout son extérieur? sa continence et sa
chasteté, qui conservaient son corps et son
esprit dans un état de pureté digne du
temple du Saint-Esprit?.
Il est donc fortdifficile defaire le discer-
nement de sa vertu dominante, car enfin il
en avait une, cela ne peut être autrement,
puisque la perfection ne peut se trouver

,
dans ce bas monde, même dans les âmes
les plus saintes excepté en Marie, qu'il
ne faut jamais confondre avec le reste des
créatures. Je dis plus, M. le Curé d'Ars,,
aussi bien que quelque Saint que ce soit,
;
avait sa passion dominante mais, je le ré-
pète, qui est-ce qui serait capable de la faire
?
connaître Ceci est un mystère pour nous;
il n'y a que Dieu, son bon Ange et le démon
qui sachent quel étaitson côté faible, en fait
de vertu. Cependant quiconque connaît la
profondeur des misères du cœur humain et
apprécie l'éminence des vertus du saint
Prêtre, n'aura pas de peine à croire qu'il de-
vait toujours se reprocher quelques petites
lâchetés, la fragilité de notre nature ne pou-
vant permettre qu'il en soit autrement
voilà peut-être son défaut dominant, celui
:
qui lui fournissait l'occasion de combattre
à tous les instants du jour, celui qui pou-
vait toujours exciter en lui quelques re-
mords, celui qui était sans doute le sujet
de toutes les larmes que sa ferveur et son

D'après ces principes,


humilité lui faisaient répandre.
on pourrait re-
garder comme une sorte de mystère les
secrets du cœur de ce célèbre et saint Curé,
et traiter de téméraire la prétention de

;
sonder quelle peut être à nos yeux sa
principale vertu ce qui est très-difficile.
Nous le savons, notre sentiment n'est rien,
et nous n'oserions décider cette grave ques-
tion, que nous estimons être le secret de
lavie si admirable qu'il a menée. Toute-
fois, après avoir sondé les replis du cœur
humain et avoir étudié de près le saint
Prêtre d'Ars, nous avons cru que sa vertu
principale, et qui est en lui comme le prin-
cipe et le mobile de toutes les autres, c'est
sa ferveur.
Ce
étrange à plusieurs;
jugement paraîtra peut-être un peu
mais nous espérons
qu'ils se laisseront convaincre par la jus-
tesse de notre raisonnement, qui ne nous
sera pas d'un faible secours pour faire
ressortir l'éminente vertu de cet homme
si extraordinaire, et pour accroître dans
les âmes l'estime et l'amour de la vé-
ritable ferveur.Nous nous estimerions
heureux d'obtenir ce résultat, car la fer-
veur est une vertu de la plus haute impor-
tance, quand il s'agit du véritable avance-
ment de l'âme dans les voies spirituelles.
Or, je dis qu'une ferveur extraordinaire
accompagnait partout M. Vianey; et, dans
toutes ses actions, l'on pouvait s'apercevoir
de ce feu intérieur qui le dévorait, et qui
lui rendait comme naturelle la pratique de
toutes les vertus, de celles mêmes qui cru-
cifient le plus la nature.

,
C'est la ferveur qui à chaque instant lui
faisait immoler à Dieu par son applica-

:
tion habituelle et incessante, 1°toutes
les facultés de son âme sa mémoire, pour
ne se souvenir que de Dieu et de ses bien-
; ;;
faits son entendement, pour ne connaître
que Jésus et Jésus crucifié sa volonté,
pour ne faire que celle de Dieu 2° tous
les sens de son corps: sa vue, son ouïe, son

mortification extérieure,
odorat, et son toucher. Mais ceci tient à la
dont nous au-
rons occasion de parler dans le chapitre
suivant, en révélant ses austérités.
Toutes ses œuvres, en un mot, ont eu

,
pour mobile la grande ferveur dont il était
animé; et, sans cette ferveur il n'aurait
pas étonné le monde par l'éminence de
ses vertus, ni par les prodiges que Dieu
a opérés par son ministère. Que nous
manque-t-il à tous pour arriver à la per-
fection et pour opérer un bien immense
-Il
:
parmi ceux qui nous entourent ?
manque un peu de ferveur avec celatout
nous

nous ne ferons jamais grand'chose car ,


nous serait possible; mais sans cette vertu

c'est là tout le secret de la vie si extra-


ordinaire de M. le Curé d'Ars. Du reste, la
ferveur est le nœud gordien de toute la vie
spirituelle, et c'est de cette vertu que tout
le reste dépend.
à
;
Nous aurions ici beaucoup dire, et nous
regrettons que l'espace nous manque car,
outre que la piété y gagnerait, la vie du

neuse;
saint Curé n'en ressortirait que plus lumi-
mais nous ne pouvons faire ici un
traité de la ferveur. Ce sera un jour, nous
l'espérons, l'objet d'un ouvrage particulier.
Nous nous contenterons donc,pour le mo-
ment, d'entrer dans le détail des princi-
pales vertus que sa ferveur si extraordinaire
lui a fait pratiquer, et nous pourrons juger
de l'ardeur de celle-ci par la perfection
avec laquelle il a pratiqué les autres.
Ses austérités.
-

Je châtie mon corps et le réduis en servitude,


disait le grand apôtre saint Paul; depeur
qu'après avoirprêche aux autres, je ne sois
réprouvémoi-même!. Ce que disait ce fer-
vent apôtre aux premiers chrétiens, M.Via-
ney pouvait le dire à tous ceux qui venaient
à lui; car il était, à cet égard, dans les mêmes
dispositions que l'Apôtre des Gentils. Aussi
ses austérités étaient si grandes et si mul-
tipliées, qu'elles paraissent incroyables.
Il n'accordait à son corps que ce qu'il ne
pouvait pas rigoureusement lui refuser.
Glacé en hiver depuis la tête jusqu'aux
pieds; accablé sous le poids de la chaleur

;
pendant l'été; sur pied depuis deux heures
du matin ne prenant de nourriture qu'au-
tant qu'il en fautpour ne pas mourir; obligé
de parler presque sans cesse; immobile
dans un confessionnal durant la plus grande
j
partie delà ournée, respirant un air vicié;
supportant toutes sortes de contraintes,
etc. : voilà comme il arrive à la fin de la
journée, qu'il termine par la prière du soir,
avant de rentrer dans son presbytère, où
il va, non pour se reposer, mais pour
s'exercer d'une autre manière à lutter
contre les puissances de l'enfer. Il récite
son office, fait quelque lecture, donne
beaucoup de temps à la prière, aux larmes
et aux macérations de son chétif corps.
Qui est-ce qui pourrait dire ce qui a
dû lui en coûter pour se fornftr à de pa-
?
;
reilles habitudes C'était un combat de
tous les instants tellement qu'on aurait
dit parfois que la nature allait succomber
de lassitude, de sommeil, etc. : et cepen-
dant il conservait toujours sa vigueur, ce
qu'on ne saurait expliquer que par un
miracle continuel. Quel est le religieux
ou le solitaire qui aurait pu rivaliser avêc
lui?. Non,l'on ne vit jamais dans aucun
j
temps, pas même parmi les anciens Pères
du désert, un Saint supporter plus de
travaux et de fatigues !. Il est vrai qu'il
n'a point été maltraité par les tyrans, comme
les Martyrs; mais n'est-ce point un martyre
perpétuel, que la vie austère qu'il a menée?
Il aurait bien pris parfois un peu plus de
repos; mais grappin (c'était ainsi qu'il ap-
pelait le démon) enrageait si fort, qu'il
cherchait à lui faire tout le mal qu'il pouvait.
Il faisait souvent un tel tapage, qu'il ne le
laissait dormir qu'une demi-heure, et quel-
que fois pas même une minute.Si je dor-
maisseulementtrois heures, disait-il un jour,
le
je galoperais de vigueur matin. Il ne déjeu-
nait pas, .cepté vers ses dernières années,
où l'Evêque l'avait obligé de manger quel-
que chose. A midi il prenait un petit potage,

: ;
et le soir deux ou trois pommes de terre
froides, cuites à l'eau de sorte que sa yie
peut passer pour un prodige et c'en était
réellement un, car il lui eût été impossible,
avec les seules forcep de la nature, et en
prenant aussi peu d'aliments, de supporter
tant de veilles et de travaux.
Son humilité, qui était si profonde, nous
a dérobé une foule de détails intéressants
sur ses pénitences; mais, malgré les soins
qu'il prenait pour en cacher le secret, il
en a toujours transpiré quelque chose; et
c'est ce que nous allons citer, quoique cela
fasse frissonner la nature. Comme il avait
hérité de laceinture de fer de M. Balley, son
ancien précepteur, on a remarqué que ses

si gêné dans tous ses mouvements ,,


draps ainsi que sa chemise étaient presque
toujours tachés de sang. Quand on le voyait
que
pour baiser l'autel durant la messe il ne
,
pouvait se courber, mais qu'il s'affaissait
seulement sur ses jambes, il étaitfacile de
juger qu'il n'y allait pas de maijêmorte 1
On sait qu'il avait une discipline
personne ne- peut dire l'usage
;
qu'il
mais
en a
fait. Mon enfant, disait-il un jour à une âme
affligée, la vie du chrétien se résume en ce seul
:
mat
que je
SOUFFRANCE! Pour mon compte, tout ce
souffre pendant le jour, c'est pour la
conversion despauvres pécheurs; et ce que j'en-
dure pendant la nuit, c'est pour les dmes du
;
Purgutoire je n'ai passé que deux
et jamais
mils s«ns souffrir! Queldommage!. -
Wn prêtre voisin étant allé lui demander
à dîner, après le repas, ce prêtre, interrogé
s'il prenait du café, répond que oui, mais
qu'il ne saurait en prendre tout seul. Le
bon M. Vianey accepte pour ne pas l'en
priver, sauf à se punir ensuite de ce qu'il
appelait sa gourmandise. La viéille domes-
tique, qui avait reçu ordre de préparer les
deux tasses, tire à part le prêtre convive et
lui fait entrevoir qu'il n'aurait pas dû for-
le
cer M. Curé à prendre une tasse, parce

échange,
qu'il ne manquerait pas de s'imposer, en
quelque affreuse pénitence.
L'Evêquc lui ayant ordonné de prendre

,
un peu plus de nourriture, et désirant qu'il
mangeât de la viande cet ordre lui fit ver-
ser des larmes. Un pauvre pécheur comme
lui ne pouvait se résoudre à manger de la
chair, s'estimant déjà bien indigne du petit
potage qu'il avait l'habitude de prendre.
Un de ses biographes dit qu'il s'était abso-
lument interdit l'usage du vin, depuis son
entrée dans la paroisse d'Ars,
Jamais il n'a voulu consentir à ce qu'on
lui fît un siège pour s'asseoir durant ses
catéchismes; mais il se contentait de s'ap-
puyer sur le haut d'une espèce de prie-dieu,
malgré ses inégalités. C'est dire, en un
mot, qu'il mettait autant de soin à faire
souffrir son corps que l'on en prend d'or-
dinaire pour l'exempter de toute souf-
france !.
Mais, dira quelqu'un, n'est-ce pas une

, -
folie de maltraiter son corps? Non-seu-
lement ce n'est pas une folie mais c'est la
plus grande sagesse qui puisse exister en
ce monde. Puisque l'on ne saurait révo-
quer en doute que notre corps, quand nous
le soignons trop, est notre ennemi le plus
cruel et celui qui met le plus d'obstacles
à notre véritable félicité, c'est plutôt une
folie de le traiter délicatement; car c'est
fournir des armes à notre ennemi, à
celui qui a conjuré notre perte. Du reste,
l'Evangile est plein de maximes qui dé.
montrent la nécessité où nous sommes
tous de faire pénitence; mais l'homme
sensuel regarde ceci comme impraticable,
tandis que l'homme spirituel y met toute
sa joie.

De ion humilité.

Le célèbre Curé d'Ars, dont la mémoire


durera autant que le monde, a été vénéré,
de son vivant, comme un Saint. Fût-il des-

,
cendu du ciel, on n'aurait pu le vénérer
davantage ni lui témoigner plus de con-
fiance. Toutes ses paroles étaient reçues
comme des oracles!. En un mot, la vé-
nération qu'on lui portait allait jusqu'à
l'excès. Que n'a-t-on pas fait pour avoir
?
quelque souvenir de lui C'était à qui
posséderait quelque chose qui tînt à sa
personne, comme ses cheveux, ses habits,
sa signature, etc. Que de tentatives pour
avoir son portrait ! Les peintres se sont
disputé, en quelque sorte, cet honneur;
mais, nonobstant tous les efforts et tous
les stratagèmes de la ruse, aucun n'a
réussi à tirer son portrait avec exactitude ;
car il n'a jamais voulu se prêter à cela, mal-

poser pour l'y faire condescendre :


gré toutes les raisons qu'on a pu lui ex-

humilité ne pouvait souffrir une pareille


son

atteinte. D'un autre côté, il ne restait jamais


assez immobile pour qu'on pût tromper sa
modestie. On n'aurait pu y réussir que dans
l'église; mais comment en venir à bout?
Un seul, dit-on, atenté cela, mais il a été
contraint d'abandonner bientôt la partie,
par l'autorité du saint Prêtre. C'est pour-
quoi Ton ne pouvait trouver, de son vivant,
un portrait exact de ce grand serviteur de
Dieu.
Mais plus on faisait cas de lui, plus sa
modestie en souffrait. Que n'a-t-il pas fait
fuir cette gloire qui s'attachait, mal-
pour
gré lui, à ses pas? Sa première tentative fut
en 1844,lorsqu'il vit
,s'établir à Ars
régulier de diligences pour amener dans
un service
sa paroisse tant de personnes qui yaffluaient
déjà de toutes parts. Soit que son humilité
s'en trouvât alarmée, soit pour éviter les
divisions d'intérêt que la concurrence des
voitures avait introduites, il se retira secrè-
tement dans sa famille. Son absence mit la
désolation dans Ars. Alors les personnes
divisées parvinrent à s'entendre, et la dis-
sension futcoupéeàla racine.Tout le monde

:
se mit en devoir de découvrir le lieu de sa
retraite pendant que ses parents étaient
enchantés de l'avoir, et que les habitants
faisaient des démarches auprès de l'autorité
pour qu'il pût s'y fixer désormais, M. Vianey
reçoit une lettre de son Evêque qui lui
enjoint de revenir à son poste, en ajoutant
que, s'il a des raisons de quitter la paroisse
d'Ars, il lui offre celle de Notre-Dame-de-
Beaumont, où il vient de faire bâtir à ses
frais un presbytère; qu'il peut y aller pour
la visiter.
Reconnaissant, à la voix de son Evêque,
la volonté de Dieu, l'humble Prêtre partit
à l'instant, et le lendemain il célébrait la
Messe à Notre-Dame-de-Beaumont, comme
pour en prendre ,
possession au milieu de
l'allégresse des habitants du lieu, qui,
basés sur le mérite du zélé Pasteur,
croyaient déjà voir renaître l'ancien éclat
de ce pèlerinage.
Cependant les habitants d'Ars, ayant ap-

,
pris qu'il était si rapproché d'eux, s'y ren-
dent en foule lui témoignant leurs regrets
de le voir s'éloigner. Ils le touchent,
l'attendrissent, et l'emmènent comme en
triomphe. A son arrivée, les cloches son-
nent, les boutiques se ferment, tout le
monde se presse autour de lui, et jusque
dans l'église. Ce jour-là fat, pour les habi-
tants de la petite paroisse d'Ars, un jour
de triomphe et une véritable fête.
Le saint Prêtre, en quittant Beaumont,

;
n'a pas pour cela oublié cette église autre-
fois célèbre car il y a envoyé, à diffé-
rentes époques, des objets précieux, qui
rappelleront pour toujours la mémoire de
M. Vianey.
Quelques années plus tard, le saint Curé,
à la surprise de ceux qui le virent, mit son
chapeau sur la tête et sortit, tenant son
bréviaire sous le bras. Son vicaire, ayant
quelques soupçons sur cette démarche si
insolite, le suivit; sa vieille domestique le
suivit aussi. Le vicaire, s'approchant alors,
?
lui dit: « Où allez-vous, mon Père — Il y
a assez longtemps que j'ai soin des autres, ré-
plique-t-il,j'ai besoin de songer au salut de
mon âme. —Mais en avez-vous la permission
? ,
de votre Evêque -1— Fous connaissez les be-
soins de cette paroisse, répond le Curé vous
pouvez très-bien me remplacer. »
Il allait se retirer à la Grande-Char-
J.
i
treuse
La servante s'étant emparée de son bré-
:
viaire, M. Vianey lui dit « Rendez-le-moi, je
vous Cordonne. — Mon Père, lui dit-elle, je
ne vous ai jamais désobéi jusqu'à présent. »
Alors le vicaire court pour le devancer sur
un pont très-étroit que l'humble Curé de-
vait traverser, afin de l'empêcher de passer;
tandis que les cloches portaient l'alarme, et
que tout le monde accourait en pleurs et se
pressait autour du saint Prêtre. « Si vous
partez, lui dit alors le vicaire, je pars aussi;
et que deviendront ces pauvres gens?-
,
S'il en est ainsi, reprend le saint homme en
versant un torrent de larmes je nepuispas

(1).
abandonner mes paroissiens. » Et il reprit le
chemin du presbytère

comblait de louanges ,
Ayant reçu deux lettres, dontl'unele
et l'autre ne lui.
épargnait pas les reproches humiliants, lui
qui ne trouvait jamais de temps pour ré-
pondre à mille lettres plus ou moins flat-
teuses , en trouva pour répondre à celle
qui le blâmait, et dit à son auteur, avec
la plus profonde humilité, qu'il était dans
la persuasion de son incapacité, et que c'é-
tait pour cela qu'il'désirait depuis long-
temps de se retirer dans quelque retraite,
afin d'y pleurer sa pauvre vie!.
Un jour qu'une femme proclamait bien
haut la sainteté du Curé, au sujet de la
guérison de son enfant qu'elle avait ap-
porté sur ses bras, et qui s'en retourna en

(I) Un de ses biographes dit qu'après lui avoir fait faire tlii
à
grand détour, dont M. Viancy nesYiaitpas aperçu causedo
l'obscurité, on l'a ramené dans Ars.
:t
sau tan de joie; pour détourner cette gloire,
il dit Sainte Philomène aurait bien dû guérir
cet enfantplus loin. Et force lui fut de souf-
frir cette èspèce de confusion.
Dans une autre circonstance, ayant opéré
la guérison d'un paralytique, qui se dressa
et marcha tout-à-coup, tandis que toute
l'assistance émue exprimait hautement son
admiration et sa reconnaissance, l'humble
Prêtre, confus de cette manifestation pu-
blique dé l'efficacité de ses prières, s'en
plaignit à la Sainte qu'il avait invoquée, en

:
lui disant avec une humilité qui trahit tout
le secret de sa puissance !
Jh sainte Philo-
mène, quand vous maccordez de telles grâces,
que ce soit en secret. Guérissez-les chezeux,
et épargnez à mon indignité une semblable con-
fusion.
On s'étonne comment, au milieu de tant
de marques d'estime et de vénération, le
Curé d'Ars a pu conserver l'humilité. Mais
l'humilité des parfaits, comme le dit saint
Diadoque,
ne souffre point des tentations
d'orgueil, car les Saints connaissent trop
bienle fond de leur misère. C'est pourquoi
le saint Curé n'avait que de l'horreur pour
lui-même!. Plus une âme est avancée,
moins elle croit avoir fait.de progrès; tan-
dis que plus on est imparfait, plus on se
flatte soi-même.
Un jour, comme un prêtre de ses amis
lui demandait s'il ne craignait pas de suc-
comber à l'orgueil, il fit cette réponse:
« Ah! mon enfant,dites plutôt comment
je puis faire pour résister aux tentations de
crainte, de découragement, et parfois de
»
désespoir!. Admirables épreuves de la
grâce de Dieu, qui expliquent la persistance
du saint Prêtre à vouloir quitter sa cure,
pour mourir dans la pénitence et la re-
traite!.
Cette humilité lui inspirait un profond
respect pour tout ce qui est autorité, et sur-
tout pour l'autorité de l'Eglise romaine. Il
était tout tremblant et comme abîmé dans
le respect, à la vue de son Evêque; il quittait
tout pour venir se jeter à ses pieds et im-
plorer sa bénédiction, ce qui était un sujet
d'admiration pour tous ceux qui le voyaient.
11,avait été fait chanoine et chevalier
de la Lêgi..-dtHonneur, mais il ne portait
pas plus le camail que la croix. Il vendit
le camail pour en'donner le prix aux pau-
vres, et sa croix ne parut que sur son
cercueil. Tout cela était pour éviter la
gloire, et afin que l'on ne se doutât même
pas qu'il était revêtu de ces insignes, s'esti-
mant très-indigne d'avoir quelque titre ho-
norable.
Nous n'en finirions pas s'il fallait citer
tous les exemples qu'il a donnés de la plus
profonde humilité. Mais cela est plus que
suffisant pour nous montrer que ses dispo-
sitions intérieures, à l'égard de l'humilité
répondaient parfaitement à sa conduite ex-
,
térieures car il n'y a qu'une vertu véritable-
ment intérieure qui puisse se manifester
ainsi au dehors. Au reste, il ne servirait de
rien de paraître humble à l'extérieur, si l'on
conserve au dedans des pensées de propre
estime. Or il n'en était pas ainsi du vénéra-
ble Curé d'Ars; il possédait cette humilité
parfaite qui comprend tous les degrés de
l'échelle sainte, et qui élève l'âme jusqu'au
plus haut point de perfection où l'homme
puisse atteindre ici-bas.
Telle était l'humilité de ce Prêtre véné-
rable, qui s'anéantissait d'autant plus qu'il

,
recevait de plus grands dons. Rien ne
pouvait altérer en lui cette vertu qui est

,
regardée par les Saints comme le fonde-
ment de toutes les autres et sans laquelle
tous les travaux ne servent de rien, parce
qu'il ne voyait en tout et partout qu'unDieu
à glorifier, qu'un prochain à édifier, et que
soi-même à combattre.

Sa piété et son recueillement.

,
Le recueillement et la piété qui parais-
sent au dehors et qui sont les marqua
nonéquivoquespar lesquelles onpeut ug j
de ce qui se passe dans l'intérieur d'un
âme, étaient, dans le vénérable Curéd'Ars,
un sujet continuel de la plus grande édifi-
cation.
Dans tout ce qu'il faisait, on ne le vit
jamais perdre le recueillement, et son es-
prit de piété brillait en tout et partout.

tant d'admirateurs ,
Jamais on ne vit un homme entouré de
si souvent assailli
par une foule de malheureux, importuné

;
par tant de curieux et de gens de toutes
sortes et néanmoins jamais homme plus
recueilli, plus fervent, plus charitable et
plus maître de lui-même.
Tous les temps et les lieux étaient pour
lui propres à la piété et au recueillement.
Mais c'était surtout à.l'autel qu'il était beau
à voir, aussi bien qu'à la récitation de son
office, qu'il disait toujours à genoux et dans
le plus grand recueillement, quoiqu'une
foule de personnes l'entourassent et qu'il
ne pût se dérober à leur vue. Son àme habi-
tait en quelque sorte le ciel, tandis que son
frêle corps s'immolait sans cesse sur la terre,
ayant à supporter non-seulement toutes
les exigences de ceux qui venaient pour
réclamer ses soins, mais encore les rigueurs
excessives qu'il ne cessait de lui faire subir.

;
Il était parfait dans l'action, aussi bien que
dans la prière car il excellait également j

obstacle à l'autre,
dans toutes deux, et l'une n'était point un j
mais elles s'aidaient
mutuellement, ce qui est le comble de la
perfection où l'homme puisse arriver ici-
bas.
Son esprit de piété lui suggérait mill
petits moyens pour la faire naître dans le
cœur de ceux qui étaient assez malheureux
pour n'en point avoir, pour la réveiller
dans ceux où elle était endormie, et pour
provoquer le zèle et la ferveur dans ceux
qui sont particulièrement appelés à les faire
naître.
!
ODieu
rien
qu'une âme recueillie est admi-
rable, et d'autant plus qu'elle ne perd

plus grandes occupations !


de son recueillement au milieu même des
!
Oh combien
cette vertu en inspire à tout le monde, e
combien elle est agréable aux yeux de
votre divine Majesté!. Mais c'est peu
d'être recueilli au dehors, si l'on n'est pas
uni au bon Dieuintérieurement par l'esprit.
Je dis plus, une modestie guindée et af-
fectée est quelquefois plus préjudiciable àla
piété, qu'elle n'est propre à l'inspirer. Aussi

[M. Vianey s'est rendu admirable ,


ce n'est pas par un tel recueillement que
mais par
cet ensemble de vertus qui accompagnent
toujours le recueillement intérieur et qui
ne manquent jamais d'édifier le prochain
et d'attirer même parfois sa vénération
ainsi qu'on a pu le remarquer à l'égard de
,
M. le Curé d'Ars:car c'est son recueille-
ment intérieur etson union intime et habi-
tuelle avecDieuquien faisaientun véritable
apôtre, prêchant encore plus par la force
de son exemple que par l'attrait de sa pa-
role.
On ne vit jamais un saint opérer beau-
coup de fruits dans les âmes, ni s'attirer la
vénération de ceux qui l'entouraient, sans
qu'il se distinguât par son esprit intérieur.
Car c'est une chose bien avérée-qu'un es-
prit extérieur et dissipé ne fera jamais un
progrès notable dans la vertu, et ne sera
guère propre à y faire avancer les autres :
tandis qu'une âme véritablement intérieure,
telle qu'était celle du saint Curé de la
Dombes, fera des progrès immenses dans
la perfection, et sera très-propre à y faire
marcher les autres. Et voilà pourquoi
M. Vianey s'est rendu si recommandable au
milieu de ce siècle plein de perversité, et a
opéré un bien si universel dans les âmes.
Travaillons donc à imiter son recueille-
ment, si nous voulons arriver à un but,
non-seulement honorable en ce monde
mais surtout fructueux pour l'autre vie;
,
car ce n'est qu'à ce prix que nous pour-
rons espérer une fin heureuse. Ne nous

,
bornons pas à admirer les vertus du véné-
rable Curé d'Ars surtout ces vertus ex-
térieures qui frappent les sens et que le
monde admire,mais attachons-nous spéciale-
ment à pénétrer jusque dans son intérieur,
et tâchons de l'imiter en ce point autant
qu'il nous sera possible. Croyons bien que,
si nous ne nous épargnons point nous-
mêmes en cela, le bon Dieu nous fera la,

eux-mêmes:
grâce d'arriver où les Saints sont parvenus
non pas à rendre notre nom j

j
célèbreen ce monde, ce qui ne doit ja-
mais être l'objet de l'ambition d'un chré-
tien, mais à être grand dans le ciel, et à
attirer après nous dans le séjour de la féli-
cité le grand nombre d'âmes que nous au-
rons gagnées à Dieu par notre ferveur,
notre piété, notre recueillement, notre
zèle et notre parfait dévouement. J'ai dit
un grand nombre d'âmes ; car le zèle inté-
rieur n'est pas moins fructueux que le
zèle extérieur. Je dis plus, le zèle purement

:,
intérieur est souvent plus fructueux que
celui que l'on exerce au dehors il n'offre
aucune prise à l'amour-propre et ne fait
courir aucun autre danger.

'-<<<
Du don des mracles en M. Vlnney.

Ce qu'il y a de plus merveilleux dans la

apôtre satisfaire à tant d'exigences ;


vie de M. Vianey, c'est de voir cet humbla
car il
ne passait pas moins de vingt à vingt-deux
heures par jour au confessionnal, sans par-

,
ler des autres devoirs, et même de celui de
la prédication où son âme ardente sem
blait sortir de son frêle corps. Tout en lu

dige : 1° prodige d'abstinence ,


prêchait la vertu et révélait quelque pro

;
presque de rien 2° prodige de zèle, i
il vivaij

,
faisait l'ouvrage de quatre; 3° prodige d
charité il donnait sa vie non-seulemen
pour ses propres brebis, mais encore pou
celles des autres pasteurs,qui venaientà lui
*
D'un autre côté, il s'est passé tant de
choses merveilleuses dans l'église et au
presbytère d'Ars, qu'il est impossible de les

;
faire parvenir à la connaissance des généra-
tions à venir un volume suffirait à peine
pour les citer sommairement par leurs
titres. Combien n'y a-t-il pas eu de per-
sonnes dont les unes ont recouvré la vue,

bres î
d'autres l'ouïe, la parole, l'usage des mem-
etc. Que d'infirmités diverses ont été
journellement soulagées durant la vie du
saint Prêtre! mais surtout que de guéri-
sons spirituelles qui nous échappent, et que
!
l'on ne connaîtra qu'au grand jour de la
manifestation des consciences En un mot,
les miracles se sont succédé durant tout
le temps qu'il a été chargé de la paroisse
d'Ars, et se succèdent encore après sa mort,
de telle sorte "qu'il n'y a presque aucune
interruption.

;
La crédulité a pu s'exagérer un peu le
pouvoir de l'homme de Dieu mais il n'en
est pas moins certain que plus de deux
cents béquilles, et un grand nombre d'ex-
voto, sont là pour attester aux incrédules ce
que peut obtenir l'homme juste par ses
prières. Nous nous contenterons de citer
quelques traits parmi ceux qui nous ont
paru les plus authentiques.
En 1842, un jeune homme sourd-muet
de naissance a senti, sous la puissance des
prières du saint Prêtre, ses oreilles s'ouvrir
et sa langue se délier. - Une mère déso-

de son fils dangereusement malade ,


lée étant venue lui demander la guérison

:
contenta de lui dire Priez, Madame, priez
il se

Dieupar Marie; laprière obtient des prodiges.


Sur cela, cette mère désolée est repartie
pleine d'un espoir qui ne pouvait être déçu;
Le saint Curé ayant fondé une maison
pour les orphelines, dirigée par d'humbles
religieuses et soutenue par sa charité per-
sonnelle, un jour la Supérieure vint an-
noncer au saint Prêtre qu'il n'y avait plus
de blé à la maison, qu'elle venait de balayer

!
le grenier, et qu'elle en avait retiré la clef.
Triste nouvelle car le bon Curé était. hors
d'état de pouvoir renouveler la provision.
Que faire cependant?.., Il va se proster-
ner aux pieds de sainte Philomène, et lui
recommande les orphelines qu'il a placées
sous sa protection. Cette supplication faite,
il se relève, et rappelant cette humble fille

;
qui lui avait confié son embarras, il l'en-
gage à retourner au grenier sur quoi elle
lui fait observer qu'elle était bien sûre de
ce qu'elle lui avait déjà dit, qu'il n'y res-
tait plus rien. Cependant, sur une nouvelle
invitation du saint homme, elle s'y rend
par obéissance, et à son grand étonnement
trouve le grenier rempli d'excellent blé!.
Ce fait a été constaté à la gloire de Dieu et
à l'honneur de son fidèle serviteur.
En 1848, M. C*** avait amené à Ars une
petite fille de treize ans, percluse de tous
ses membres et dans un état si débile
qu'elle ne paraissait avoir qu'un souffle de
vie, ce qui était un objet de compassion
pour tous ceux qui la voyaient. Le saint
Prêtre l'ayant aperçue en passant devant
elle pour monter à l'autel, en fut touché,

!
fant
:
et poussa cette exclamation avec une bonté
et une. compassion admirables Pauvre en-
Ces deux mots inspirèrent beaucoup
d'espoir aux assistants. En effet, la messe
n'était point encore finie lorsqu'on enten-
dit tout-à-coup la petite fille jeter un cri
: ;
perçant «Je suis guérie! dit-elle à sa mère

,
dans le moment où mes douleurs ont
cessé
,
j'ai ressenti un renouvellement
d'amour pour Dieu et j'ai entendu comme
une voix dans ma poitrine,qui m'exhortait à
me consacrer à Dieu dans la vie religieuse.»
La jeune fille dont l'intelligence,supérieure
àson âge, avait été nourrie de bonne heure
dans la douleur et l'infortune, avait repris
instantanément la physionomie d'une per-
sonne robuste. Inutile de dire que toutes
les personnes présentes à ce miracle par-
tageaient les sentiments de joie et de re-
connaissance de la jeunefilleetde sa pieuse
mère.
Un médecin malade, s'étant rendu à Ars
pour examiner de plus près le saint Prêtre,
dont il expliquait les miracles par le ma-
gnétisme, n'a pu s'empêcher de se faife
magnétiser, comme les autres, par l'homme
de Dieu, et a été guéri doublement, ayant
reçu laguérison de son âme en même temps
que celle de son corps.
Je Le répète on pourrait citer une infi-
,
nité d'autres faits semblables; mais ceci
doit suffire pour nous donner une justeidée
du pouvoir de l'homme de Dieu.

Révélations et prophéties de M. vianey.

n est hors de doute que le vénérable


Curé d'Ars a eu des révélations et qu'il a
prophétisé. Nous ne regardons pas ces
dons comme des marques infaillibles de
sainteté, car on pourrait être dans l'illu-
sion et avoir toutes sortes de grâces sensi-
bles, telles que révélations, extases, don de
prophétie, etc., etc.; mais néanmoins on
_est forcé de convenir de l'éminente vertu
du. saint Curé, par les effets qui ont suivi
en lui de pareilles grâces.
La première révélation dont ses biogra-
phes fassent mention est celle qu'il eut dès
les premières années de sa résidence à Ars,
et qu'il a lui-même avouée à un confrère
qui se plaignait au saint Curé de la sté-
rilité dont Dieu frappait, disait-il, son mi-
nistère. M. Vianey pour relever son cou-
,

;
rage abattu, lui dit : « Ne vous affligez
point priez, espérez, et attendez le moment que
le Seigneur a marqué. Il viendra, n'en dou-
tez pas. Car voici ce qui m'arriva à moi-

Ars:
même dans les premiers temps que j'étais à
plein de soucis, travaillé de mille
craintes, je cheminais, versant des larmes,
en songeant à la responsabilité qui désor-
mais allait peser sur moi. Relevant mes
yeux humides, je vis la croix qui borde le
chemin, à l'entrée de ma paroisse:jetombai
,
à genoux devant elle gémissant et m'at-
tristant profondément. Tout-à-coup la très-
(

sainte Vierge m'apparut, et me dit: Allez


;
avec confiance, rentrez à Ars avant peu il en
sera parlé en France et ailleurs. Et elle dis-
parut. Fortifié et consolé par ces douces
paroles, j'allai. Vous voyez donc que le
Seigneur est bon et qu'il vient à notre se-
cours.»
Plus tard, l'auguste Marie lui apparut
encore dans la chapelle qui lui est dédiée
dans l'église d'Ars, pour arrêter le cours
de ses larmes et lui annoncer que le moyen
qu'il devait prendre pour gagner à Dieu
son troupeau, était de faire une consécra-

Cœur immaculé ;
tion universelle de ses paroissiens à son
ce qui fut exééut-é avec
autant de pompe que d'heureux succès.
En 1850, le vénérable Curé eut une ré-
vélation des plus précieuses. Notre divin
Sauveur lui ordonna de faire frapper une
médaille, et lui fit connaître que tous ceux
qui la porteraient avec foi et respect se-
raient préservés des maux annoncés par
les prophètes, maux qui doivent couvrir la

:
terre comme un déluge. Cette médaille a
été frappée d'un côté elle représente la
Vierge immaculée environnée de fleurs de
,
: :
lis ayant les bras croisés sur la poitrine,
avec ce mot aux pieds Ars. On lit au verso
cette invocation Marie conçue sans péché,
préservez-nous de la peste,
On ignore si M. Vianey a eu d'autres
révélations de ce genre,mais il y a tout lieu
de croire qu'il en a eu beaucoup d'autres.
Sans parler des apparitions fréquentes des
démons dontla malice lui étaitbien connue,

;
il est très-probable qu'il a eu connaissance
de sa mort avant qu'elle arrivât car il a
dit, entre autres choses, à une personne
digne de foi et qui a une dévotion extra-
ordinaire envers Notre-Dame de la Salette,
qu'elle ne le reverrait plus et qu'elle mour-

:
rait aussi elle-même bientôt sur lasainte
montagne,àson douzième pèlerinage ce qui
s'est déjà réalisé én partie, et ne peut tarder
d'avoir son entier accomplissement.
On ne saurait dire à combien de malades
il a prédit leur guérison, ni à combiep de

!.
personnes il a annoncé du succès ou de la
non-réussite dans leurs affaires Combien
de fois ne l'a-t-on pas entendu faire cette

ou scrupuleuses :
recommandation à des personnes inquiètes

que je vous ai dit! »


« Tenez-vous-en à ce

,
Une fois il s'approcha d'une personne
:
étrangère et lui dit Partez, mon enfant, et
rentrez chez vous sans retard. Frappée de ces
paroles comme d'une annonce de quelque
malheur, la jeune fille se lève, sort, et
allant trouver le confesseur à qui elle s'a-
dressait pour faire sa retraite, elle lui ra-

« Allez, lui dit le :


conte l'ordrc qu'elle vient de recevoir.
confesseur arrivée
vous, écrivez-moi ce qu'il en est, et s'il y
chez

avait nécessité réelle pour vous de repartir

,
à l'instant. » Elle écrit", et confirme que le
besoin était urgent. Le lendemain ou le
surlendemain

: ,
quelqu'un ayant parlé au
modeste Prêtre sur cette affaire en ces
termes « M. le Curé, vous vous
:;
avisez
de faire le prophète ? » il répondit Oui, au
petit bonheur, comme les almanachs ou bien
donc

comme Caïphe, qui, étant prêtre, prophétisa.


Il Un instituteur étant venu se confesser à
M. Vianey, celui-ci, ne lui laissant pas le
:
temps de terminer sa revue, lui dit Partez
!
bien vile, et arrivez ce soir chez vous Il part
en effet, arrive chez lui, et le lendemain
matin quelle n'est passa surprise !
entrer M. l'Inspecteur dans sa classe pour
il voit

l'inspecter; car il était en tournée, et il au-


rait pu blâmer l'absence de l'instituteur.
1
En 1851, époque où le ciel paraissaitbien

:
nébuleux, une personne lui ayant fait cette
question « Un citoyen, quoique propre au
service militaire, peut-il en sûreté de con-
science, dans une guerre civile, refuser le
secours de son arme à l'une et à l'autre

avec la plus grande assurance :


partie, et passer à l'étranger? » il répondit

; ,
craignezpas il n'y aura rien du tout.
Allez, ne

Une dame riche de Marseille, avait


perdu son mari par le suicide. Cette mort
affreuse la tourmentait continuellement
elle nepouvait s'en consoler. Dans les
,
premiers temps de son veuvage, elle priait
sans relâche et faisait souvent dire des
messes pour le repos de l'âme de son mari ;
mais, dans la suite, des personnes en qui
elle avait confiance lui ayant assuré que<
son mari, s'étant donné la mort, ne pou-
vait recevoir aucun secours de ses prières,
elle tomba dans une sorte de désespoir.
;
Etre séparée durant toute l'éternité de celui
qui possédait en ce monde toutes ses affec-
tions, lui parut un enfer anticipé. Mais la
divine Providence, qui veille sur toutes
nos nécessités, permit qu'on lui parlât du
Curé d'Ars, que Dieu,dans sa bonté,a donné
à notre France pour l'édification du monde
entier. Elle prit donc la résolution d'aller
le voir. Elle arriva auprès du saint Prêtre
qui, la voyant, se mit à genoux et pria
longtemps. Se relevant ensuite, illui don-
na sa bénédiction avant qu'elle luieûtparlé,
ctlui dit: « Madame, votre mari n'est pas
damné, mais il est profondément enfoncé
dans le purgatoire. Ses souffrances sont
bien grandes; et depuis que vous avezcessé
de prier, elles augmentent. Ce qui l'a
sauvé des peines éternelles, ce sont les
prières que vous faites pour lui depuis
longtemps. Dieu dans sa prévision, et en
considération de ces ferventes prières, a

:
fait à votre mari la grâce de se reconnaître
quand il s'est senti blessé à mort par un
effet de cette puissante grâce, il s'est,
avant Je mourir, repenti de son crime ;
il a fait un acte de contrition, et a même
adressé à Marie la prière : Souvenez-vous,
-
ôtrès miséricordieuse Pierge, etc. » Cette
dame, non moins étonnée de la divine pé-
nétration de l'homme de Dieu que profon-
dément touchée d'une révélation à laquelle
elle était loin de s'attendre, est retournée
chez elle toute changée. Elle a vécu de-
puis comme une sainte, et nul doute
qu'elle ne consacre au repos de l'âme de.
son mari tout le reste de sa vie. Tel est un
des grands avantages de l'amitié, quand
elle a pour principe et pour fin la religion.
Un négociant de la Provence, extrême-
ment inquiet de la santé de sa femme, qui
depuis quatre mois était sur un lit dlilll
douleur, se rendit à Ars pour demande.
au saint Curé le secours de ses prières, j
;
A son arrivée dans l'église d'Ars, le bon
Prêtre disait la messe on prie donc le voya-
geur de l'attendre à la sacristie. Le saint
Sacrifice achevé, l'homme de Dieu alla droi

sa présence,
à l'étranger, comme si on l'avait averti de
et, le serrant dans ses br
avec cette bonté et cette affabilité toute cé
leste, jointe à une ardeur incroyable, qui
faisait le fond de son caractère, il lui dit:
Pqurquoi vous affligez - vous, Monsieur P à
l'heure qu'il est, votre épouse éprouve un gran
mieux etsort de chez elle. Etonné, stupéfait
d-e voir sa peine comprise avant d'en avoir
parlé à personne, ce négociant fut bien
plus étonné lorsque, sur le point de ren-
trer à la maison, il voit ses domestiques
venir à sa rencontre et lui annoncer la
guérison de sa femme, guérison qui avait
eu lieu à l'heure même où le saint Prêtre
lui avait parlé.
Nous poursuivrions volontiers de pareils
récits,et la matière est loin de faire défaut;
mais nous sommes forcé d'y mettre des
bornes et de nous en tenir là : ce qui est
plus que suffisant pour prouver que le bon
Dieu a favorisé M. Vianey d'une abondance
de grâces extraordinaires, afin, sans doute,
que cela servît au salut d'un plus grand
nombre d'âmas.

-OOC>Q-
Il pénétre lé isecret des cœurs:

Ainsi que nous venons de le voir dans


le chapitre précèdent, il est bien prouvé
queM. Vianey a reçu le don de prophétie
dans une certaine mesure, non-seulement
celui qui lit dans l'avenir les secrets de la
-
politique, mais surtout,ledon de prophétie,
bien plus avantageux, en faveur dés per-
sonnes qui venaient le consulter et aux-
quelles il devait répondre.
Il ne faudrait cependant pas s'imaginer,
comme la plupart des gens qui manquent
de science en ces matières, que le célèbre
Curé d'Ars connaissait tous les secrets
des choses à venir, et même qu'il n'y avait
rien de caché pour lui dans les consciences;
ce qui faisait qu'on regardait toutes ses
paroles comme des oracles du Ciel, et qu'on
se tenait devant lui comme s'il eût été Dieu

;
lui-même. Il ne faut pas tomber dans de
le
pareilles erreurs car vénérable Prêtre
n'était pas infaillible dans ses apprécia-

;
tions, ainsi que nous pourrions en fournir
des preuves mais il n'en est pas moins
vrai que Dieu, qui voulait se servir de lui
pour le salut d'une foule d'âmes, lui ma-
nifestait fréquemment sa volonté sur les
personnes qui venaient le consulter, et lui
inspirait ce qui était le plus convenable à
leur salut.
à
Nous pourrions citer ce sujet unefoule
d'exemples, mais il suffit d'en rapporter
quelques-uns, afm de ne pas fatiguer le
lecteur pat des récits trop multipliés et
identiques.
Pendant notre séjour à Àrs, nous avons
été témoin oculaire d'un fait qui mérite
d'être signalé. Parmi les nombreux pèlerins
qui se pressaient autour du vénérable Prêtre,
je me trouvais logé avec deux jeunes gens
qui étaient venus consulter le Curé d'4rs
sur leur vocation. L'un d'eux Im ayant
demandé s'il ferait bien d'entrer chez les
Chartreux, pour lesquels il se sentait quel-
que inclination, il lui répondit qu'il ne
fallait pas y aller, qu'il ne pourrait s'y
sauver, n'étant appelé qu'à vivre dans le

;
monde. Le second lui demanda s'il ferait
bien de se faire religieux il lui répondit
d'entrerau plustôt chezlesFrères des écoles
chrétiennes, qu'il pourrait y faire son salut;
ce qui le combla de joie et de courage.
On rapporte qu'un jeune homme tra-
vaillé descrupules lui exposait l'état pénible
de son âme, et avait de la peine à se rassu-
;
rer le saint Prêtre lui dit de ne rien crain-
dre, qu'illisait dans son âmel. Sur quoi,
le pieux jeune homme se retira satisfait,
en répétant: Je lis dans voireâme!. Oh1
combien cela paraît étonnant!.
Une dame très-pieuse des environs d'Ars
était venue trouver le saint Curé, pour lui
recommander la guérison de son mari
lui
:
ré-
« Votre mari ne se remettra pas,
pondit-il, mais Dieu lui fera miséricorde. »
, :
Trois fois il répéta avec assurance «Non,
Madame, il ne guérira pas mais il est
pour le paradis. » Cette réponse, quelque

,
douloureuse qu'elle fût dans le premier
moment pour la pauvre dame lui devint
cependant une consolation. Elle renonça
dès-lors aux espérances de guérison que
lui donnaient les médecins, et qui ne tar-
dèrent pas à être déçues par le fatal événe-
ment que l'homme de Dieu avait annoncé 1

comme imminent, sans avoir vu le malade


et sans le connaître.
Que de faits extraordinaires de ce genre
dans la vie de M. Vianey, qui resteront
!
pour jamais ensevelis dans l'oubli Il n'y a
guère de pèlerins qui n'aient emporté chez:
eux quelques-uns de ces faits, merveilleux
-

quine paraîtront jamais au grand jour de


la publicité, et qui ne laissent pas toute-
fois de contribuer à la gloire de Dieu et de
révéler la sainteté de son fidèle serviteur.
Combien de fois n'a-t-il pas averti des
pécheurs au sujet des désordres où ils vi-
vaient, et n'a-t-il pas refusé d'écouter des
individus qui ne voulaient pas renoncer à
!
leurs mauvaises habitudes et cela, avant
de se faire connaître par eux - mentes !

Combien d'autres qui se sont convertis, en


voyant le secret de leur conscience copnu
!
del'homme de Dieu Enfin, l'on ne saurajt
dire tvombien il a redressé et raffermi d'âmes
dans la bonne voie, et combien il en a con-
solé d'autres dans les peines dontils étaient
travaillés.

SI touche les cocnrs et les convertit.

Comment donner aux autres ce que l'on


ne possède pas soi-même? Celui-là peut-il
toucher les cœurs et les convertir, qui
n'est ni touché, ni bien converti lui-même?
Il faut donc conclure qu'il fallait que
M. Vianey fût bien pénétré et rempli lui-
même de ce qu'il voulait inculquer aux
âmes qui venaient à lui, puisqu'il les im-
pressionnait si fortement, que saseulevie
valait plus qu'un sermon!.
a..-.
Comment n'aurait-il pas touché les cœurs,
fussent-ils plus durs que les rochers, celui
qui possédait à un si haut degré le don des
larmes, qu'à la moindre pensée d'un Dieu
outragé, ses yeux étaient noyés de pleurs ?
Qui aurait pu rester insensible, en le voyant
si pénétré de ce qu'il enseignait à ses audi-
teurs? Parlait-il? le plus souvent c'était
d'une manière si attendrissante, que ses
paroles entrecoupées de sanglots faisaient
couler aussi les larmes de ceux qui l'écou-
taient.Onnesauraitdire combien ses larmes
brûlantes en ont provoqué d'autres, de la
part de ceux qui ont eu le précieux avan-
tage de le voir et de l'entendre. C'est au
grand jour du jugement qu'il nous sera
donné de voir le nombre presque infini
d'âmes que ce fervent Prêtre a gagnées à
Jésus-Christ.
A la vue de son zèle si ardent et si gé-
néreux, qui lui imposait les sacrifices les
plus durs et les plus constants pour obte-
nir le salut des âmes, sans négliger le,
sien propre, et à la vue de tant de marques
de sainteté que L'on reconnaissait dans
toute sa conduite et jusque dans ses moin-
dres actions, on ne pouvait faire moins que
de concevoir une grande vénération pour
\ui, d'être touché des exemples qu'il ne
cessait de donner de la vertu la plus héroï-
que, etde devenir meilleur à mesure que
l'on approchait plus près de ce saint
homme.
Mais rien n'était si touchant que de voir
en lui cette charité sans bornes qui le por-
tait à se sacrifier lui-même pour le salut de
son prochain,cette simplicité, cette douceur
et cette prévenance avec lesquelles il satis-
faisait à tout et ne se rebutait jamais

,
de rien. Quand les pèlerins le serraient de

,
trop près, et qu'un prêtre auxiliaire ou le
sacristain semblaient repousser ceux qui
se montraienttrop importuns,le saint Curé,

personne, :
avec sa bonté excessive, bien loin de rebuter
disait Venez, mes !
enfants venez,
mes enfants! Et quand il ne pouvait répon-
dre à tant de monde et qu'on le pressait de
tous côtés; il se contentait de changer de-
à
place et d'aller confesser un autre endroit.
Tout en lui prêchait la vertu, était pro-
pre à lui concilier tous les cœurs et à les

à :
gagner à Dieu. Mais écoutons ce que nous-
dit ce sujet l'auteur du livre intitulé Les
plaies sanglantes du Christ, dans les lettres
qu'il a publiées sur le vénérable Curé, et
auxquelles nous avons emprunté plusieurs
choses: « Comme tous les Saints, dit-il,
à
qui sont plus spécialement appelés la con-
quête de la foi, le Curé d'Ars a un don par-
ticulier pour toucher les cœurs et pour
convertir les âmes. Au premier mot, que
?
dis-je au premier coup-d'œil qu'il a jeté

votre confiance;
sur vous, il a ravi votre cœur, il a gagné
vous êtes sa' conquête
avant même qu'il ait ouvert la bouche. On
dirait qu'il sort de lui comme un fleuve
,
secret de la grâce, qui se répand sur vous
et qui chasse toutes les pensées de résis-
tance. Personnene peut venir àmoi, dit
Jésus-Christ, simonPèrenel'attire. N'est-ce
pas cette puissance d'attraction que Dieu
semble avoir déléguée à son fidèle servi-
? et faut-il être surpris que les impies,
teur
étonnés de ses conquêtes, aient eu la pen-
sée de l'expliquer par une sorte de magné-
tisme? Son magnétisme n'était autre chose
que la grâce apostolique, que le diyin Sau-
veur ne refiuse jamais aux prêtres véritable-
ment fervents.» Car Celui qui ne se laisse
jamais vaincre en générosité, ne saurait
rien refuser à celui qui a le courage de
tout saprifier pour son amour et pour le
salut des âmes.
Voilà pourquoi tout le monde courait

reux de venir dans cette petite paroisse


comme s'il n'y avait eu au monde que ce
,
vers l'humble Curé d'Ars, et s'estimait heu-

seul endroit où Dieu se plût à répandre ses


grâces.
Voilà ce que peuvent les Saints, et voilà
ce qu'un grand nombre d'entre nous fe-
raient de même, s'ils étaient véritablement
fervents et s'ils ne s'épargnaient point eux-

gnons toujours de nous gêner ;


mêmes. Mais le malheur est que nous crai-
et voilà
pourquoi nous faisons si peu de fruits.
Deux autres événements arrives
à M. le Curé d'Ars.

étant tombé dangereusement malade les ,


C'était en 1855. Le frère*de M. Viancy

habitants de Dardilly, qui depuis longtemps


essayaient de tirer M. Vianeyde sa
d'Ars afin de l'avoir dans leur paroisse ,
cure

profitèrent de cette occasion pour faire de


nouveaux efforts, lesquels furent sans résul-
tat, Dieu n'ayant pas voulu permettre qu'on
entravât ses desseins sur Ars. Ainsi toute
tentative devint infructueuse, et l'on ne
peut qu'admirer la conduite de la divine
Providence, qui se manifesta d'une ma-
nière si merveilleuse, ainsi que nous pou-
vons en juger, en faveur de la petite pa-
roisse d'Ars, dont le nom a retenti dans
toutes les contrées de l'univers.
Deux personnes étant venues à Ars pour
prier M. le Curé de vouloir bien se rendre

le voir avant de mourir ;


auprès de son frère, qui désirait beaucoup
M. Vianey, que
l'amour divin n'avait pu rendre tout-à-fait
insensible à l'égard de ses proches, se fit
un devoir d'acquiescer aux derniers désirs
de son frère, et de le préparer à une bonne
mort. Il consentit donc à monter dans une
voiture, afin d'être plus tôt arrivé.
Déjà les habitants d'Ars, aussi bien que
les pèlerins qui le voyaient partir, appréhen-
,
dant qu'il ne revînt pas se trouvaient
dans une grande inquiétude. Mais à peine
avait - on fait deux heures de marche
i
que M. le Curé se -ouva indisposé. On
,
le fit descendre, pensant que c'était la
voiture qui l'incommodait. Après qu'il eut
fait un peu de chemin à pied, les forces
lui manquèrent complètement. Ne pouvant
ni supporter la voiture, ni faire la route à
pied, il fut forcé de rétrograder, malgré le
désir qu'il avait de voir son frère. On
retourna donc du côté d'Ars, mais en crai-
gnant qu'il ne pût y arriver.
Cependant plus M. Vianey s'approchait
du village, plus ses forces augmentaient; de
sorte que, à la grande surprise de toutes
les personnes qui l'accompagnaient, en
y arrivant il put aller confesser, comme si
rien ne lui était survenu.
Toutefois, peu de personnes étaient res-
;
tées dans Ars de tous côtés on s'était em-
pressé de partir, en voyant le saint Curé se
mettre en voyage. Mais à peine les pèlerins
eurent-ils appris son retour, qu'ils quittè- -

rent les voitures pour revenir sur leurs


pas.
En 1857, il était arrivé à M. le Curé d'Ars
un petit accident qui nous révèle encore
sa vertu, et qui nous montre combien il
était détaché de tout. Le voici :
Un matin, M. Vianey, en frottant une

tomber,
allumette pour avoir de la lumière, laissa
à ce que l'on croit, une étincelle

,
qui communiqua le feu à son lit. M. le
Curé ,
qui ne s'était aperçu de rien alla
confesser à une heure du matin, selon son
habitude. Quelle fut la surprise de cenL
qui entrèrent dans sa chambre à sept heures,
Lorsqu'on vit le lit tout brûlé sans aperce-
voir de flamme, le feia s'étant concentré
dans l'intérieur du lit! La fumée était in-
supportable. On prit les débris du lit qui
n'était pas entièrement consumé, et on les
jeta dans la cour, où des personnes étei-
gnirentle feu; et ce commencement d'in-
cendie, qui aurait pu devenir très-grave,
fut ainsi heureusement étouffé.
Lorsque M. Vianey apprit l'incendie de
son lit, il n'en fut guère affecté et ne sedé-
rangea pas du confessionnal. Le soir, en
voyant son lit tout consumé, bien loin d'en

,
témoigner de la peine, il ne put s'empê-
cher de sourire et dit en plaisantant Le :
diable n'a pas puavoir l'oiseau, il a brûléla
cage. Après qu'il fut rentré à l'église, il y

:
eut une sorte de dispute pour remplacer
sonlit chacun voulait avoir cet honneur,
voyant bien qu'il ne s'en inquiétait pas lui-
même, et qu'il aurait peut-être consenti vo-
lontiers à s;en passer pour toujours, regar-
dant ce fait comme une manifestation de
la volonté de Dieu à cet égard.
:
Cependant il consentit à en accepter un,
à condition qu'il serait fort simple ce qui
fut exécuté à la lettre, afin de ne pas con-
trarier les désirs du saint Pasteur; car on
voyait bien qu'il n'accepterait jamais uu
lit où l'on eût remarqué le luxe et la dé-
licatesse.
Il est inutile de dire que tous les débris
du lit incendié furent enlevés comme des
reliques, parce que ces objets avaient été

dames tenant ,
à l'usage du saint Curé. On vit alors des
dans de jolis mouchoirs
bien blancs, des morceaux de couverture
ou de draps tout calcinés. Chacun se faisait
up honneur d'emporter chez soi quelques
débris, parce qu'ils avaient servi à un aussi
saint Prêtre.

~Si:~-
La Journée de M. le Curéd'Art.

Quoique nous ayons déjà, en plusieurs


occasions, parlé des différentes occupations
du saint Prêtre, nous croyons devoir néan-
moins en parler d'une manière plus parti-
culière, afin de satisfaire la pieuse curio-
sité de tant d'âmes chrétiennes qui dési-
rent connaître la vie du vénérable Curé
d'Ars jusque dans ses plus minces détails.
Une seule de ses journéessibien employées
suffira pour donner une juste idée du de-
gré de sainteté où s'est élevé ce Pasteur in-
fatigable.
En été, M. Vianey venait à l'église à
une heure du matin, et à trois heures en
hiver. Après avoir fait la prière, il entrait
au confessionnal jusqu'à cinq heures du
matin, heure à laquelle il passait au con-
fessionnal des hommes, soit dans la nou-
velle sacristie, soit derrière l'autel. A six
heures et demie, il disait sa messe, avec
cette piété que l'on ne saurait décrire.
A sept heures, il bénissait-tous les objets
de piélé qu'on lui présentait à cet effet, et
mettait sa signature sur les images et les
livres. Après cela, il se rendait au presby-
tère (seulement les dernières années de sa
vie, et après y avoir été contraint par son
Evêque), pour prendre un demi-litre de lait
bouilli avec deux onces de pain. Ensuite,
il rentrait au confessionnal des hommes
jusqu'à onze heures.
avecA onze heures il faisait son catéchisme,
cette éloquence dont nous avons déjà

,
parlé et qui ravissait tous les cœurs. A onze
heures et demie il allait voir ses malades
ses pauvres infirmes, puis il rentrait au
presbytère pour dîner. Son dîner se com-
posait, comme son déjeuner, d'un peu de
pain et de lait, excepté vers les derniers
b
temps,où, par ordre de son Evêque, preil
nait un peu de viande, ce qui lui était
sujet de confusion et de larmes. Quant

l'usage du vin, il n'en a bu que lorsqu'il j
a été contraint par l'obéissance.
A une heure et demie, il allait chez soi;
auxiliaire, pour recevoir les lettres qui lu
étaient adressées et auxquelles il ne prenai
presque jamais le temps de répondre, à
moins qu'il n'y fût forcé par devoir. Après
sa visite, qui ne durait qu'un quarl-d'heur
dans le petit trajet qu'il ya du presbytère à
la maison des missionnaires, il était accom-
pagné, comme il l'était toujours partout o
il allait, d'une foule de personnes de tous.
rangs, de toutes conditions, qui se pres-
saient autour de lui pour lui parler. Aux
uns il disait un mot, aux autres il distri-
buait des médailles, etc. En toutes rencon-
tres il y avait lieu d'admirer sa douceur et
sa patience, lors même qu'on lui coupait
des cheveux, un morceau de sa soutane, et
malgré la peine qu'il en ressentait.
Il entrait alors au confessionnal des fem-
mes jusqu'au milieu de la soirée,après quoi
il passait à celui des hommes jusque vers
sept heures. Il faisait ensuite la prière du
soir, et rentrait au presbytère^non pas tant
pour se reposer que pour faire diversion à
un travail aussi opiniâtre.
Voilà comment le célèbre Curé d'Ars pas-
sait ses journées, ne faisant que deuxpetits
repas par jour,lesquels réunis n'en feraient
!
pas un bon
On a vu des personnes se moquer du
saint Prêtre, quand on parlait de ses mira-
cles, de son genre de vie, etc. Mais cela
n'a pas empêché le concours immense des
fidèles, qui n'ont cessé de se rendre auprès
de.lui depuis que le nom de M. le Curé.
d'Ars aété préconisé de tous côtés, et jus-
que dans les pays les plus éloignés.

oOOOc::-
1
Du grand concotfrs de fidèles
à l'église d'Ars.

L'Eglise ne manque certainement pas


d'hommeséminents en vertu; de tout temps
elle'en a eu, et de tout temps elle en aura.
Mais pour trouver des hommes qui attirent
les masses,comme le vénérable Curé d'Ars,il
faut remonter jusqu'au grand saintAntoine,
dont la vie a été si admirable, et à laquelle
on peut certainement comparer celle de
l'humble Prêtre de la Bresse. Les travaux

des forces ordinaires de l'homme ,


de M. Vianey ont bien dépassé les limites

peut louer en lui la vie contemplative


et l'on

comme la vie active, aussi bien que toutes


les vertus qui doivent distinguer le vérita-
ble Prêtre de Jésus-Christ.
Saint Antoine fut le seul dans l'antiquité
qui ait attiré les populations dans son dé-
sert; de même que M.le Curé d'Ars a attiré
à lui tout le monde dans sa petite paroisse.
Dans une seule année, Ars a vu prèsde
100,000 pèlerins de tous les âges et de tou-

;
tes lès conditions; du clergé, aussi bien

,
que de la noblesse et de la bourgeoisie
aussi bien que de la classe ouvrière etc.
,
D'uja si grand concours il résultait un
travail inouï pour le saint Prêtre, auquel
la présence d'autres prêtres aurait servi fort
peu, la plupart ne venant que pour parler à
l'homme de Dieu. D'un autre côté, comme
il ne pouvait satisfaire à tant d'exigences,
onéprouvait les plus grandes difficultéspour
parvenir jusqu'à lui parler, et encore plus à
se confesser. On a vu des personnes rester
des semaines entières à Ars sans avoir pu
faire leur confession, soit à cause du trop
grand nombre, soit pour n'avoir pu attendre
assez longtemps.
Lorsque M. Vianey sortait de l'égfise,
vers neuf heures du soir en été et à six
heures en hiver, on voyait une foule de per-
,
sonnes s'entasser, pour ainsi dire dans 1
vestibule appelé sousleclocher, pour gardQH
leur place jusqu'au moment de l'ouveftur
de l'église, et cela, malgré le froid excessi®
de l'hiver ou les chaleurs étouffantes de 1
l'été. À minuit on ouvrait les portes, et tout
le monde se précipitait dans l'église, afi
d'arriver des premiers vers le confessionnal.
Il n'était pas rare, dans cette multitude
qui n'était composée que de femmes, d'en
voir tomber sur le pavé, en voulant se
presser pour entrer. En ce cas, elles ne
se relevaient qu'avec peine, étant toujours
poussées par la foule, qu'on ne pouvait
presque pas contenir.
Une fois que chacun avait pris sa place,
on attendait M. Vianey, qui, en arrivant à
l'église, faisait la prière du matin, et se
mettait ensuite à confesser jusqu'à cinq
heures.
Il y avait des pèlerins qui attendaient
M.le Curé à la porte du presbytère, lorsqu'il
en sortait pour aller à l'église: parmi ceux-
ci il s'en trouvait qui lui disaient, les uns
qu'il y avait deux jours, les autres trois,
[uatre, cinq, six jours, et quelquefois plus,
[u'ils étaient à Ars, et qu'ils n'avaient pas
encore passé. Le saint Prêtre désirait vi-
rement pouvoir contenter tout le monde,
uais les pèlerins étaient souvent en sigrand
fiombre, qu'il lui était impossible de les
iatisfatre.
Dn l'a vu bien des fois aller prendre au
milieu
de lafoule certains individus, pour
les confesser ou leur parler bien avant que
leur tour arrivât, de même qu'il refusait
d'écouter certains autres individus dont il
connaissait le peu de dispositions. Cette
conduite en a touché plusieurs, qui sont
rentrés sérieusement en eux-mêmes et qui -

s'en sont retournés dans de tout autres


dispositions que celles où ils étaient en
arrivant,
Les hommes qui venaient se confesser à
Ars éprouvaient beaucoup moins de dif-

étaient toujours plus nombreuses :


ficultés que les femmes, parce que celles-ci
c'est
pourquoi il y avait toujours plus d'ordre
parmi ceux-ci que parmi celles-là. Néan-
moins il fallait être bien attentif et s'y
prendre de très-grand matin pour pouvoi
se confesser dans la journée.

sa petite exhortation ;
Cependant M. Vianey était fort court dans
mais chaque mbt
portait et était dit si à propos, qu'on ne
pouvait s'empêcher d'admirer son discer-
nement autant que sa promptitude. Parfois,
quoique rarement, on était forcé de sus-
pendre la confession lorsqu'on s'apercevait,
que le sommeil lui faisait la guerre, et qu'il
était contraint de s'y laisser aller; mais à
peine sommeillait-il, qu'il se réveillait sou-
dain. Plusieurs pénitents ont eu des scru- j
;ils
pules à cette occasion ont été rassurés,
à cet égard, par le saint homme.

Sa mort, précieuse devant Dieu


et devant les hommes.

La mort du juste est précieuse devant


Dieu; elle est un sujet d'admiration pour
les hommes ici - bas, et de joie pour les
Anges dans le ciel.
1. Dieu, touché des grands travaux et des
souffrances que, par amour pour lui, ne
cessait d'endurer son serviteur ici-bas, l'a

,
enfin appelé à lui dans la soixante-treizième
année deson âge et la quarante-unième
depuis son entrée à Ars. 2. Les Anges ont
été remplis de joie en voyant arriver dans
l'éternel séjour l'homme le plus extraor-
dinaire de son temps, et qui avait, dans
une chair fragile, mené une vie semblable
à la leur. 3. Enfin, les hommes, qui depuis
longtemps voyaient le corps du vénéra-
ble Curé d'Ars présentant l'image frap-
pante d'un squelette animé, ne compre-
naient pas comment un homme aussi ex-
iténué pouvait subsister et persévérer dans
une vie si laborieuse. Aussi personne ne
fut étonné quand on apprit que l'heure de
sa mort étaitvenu, et qu'il était sur le point
de rendre le dernier soupir.
Depuis le commencement des grandes
chaleurs de l'été qui a précédé sa mort,
on pouvait pressentir sa fin prochaine. Ce-
pour persévérer dans ses fonctions ;
pendant il faisait des efforts surhumains
ma"
gagné par la faiblesse, il fallait qu'à chaque
instant il sortît pour respirer le grand air,
sans quoi il risquait de succomber. Le bruit
ne tarda pas de courir qu'en se levant Ll
nuit, il était tombé plusieurs fois de fai-
blesse dans sa chambre et dans l'escalier.
Cependant il ne songeait point à pren-
dre du repos; mais il regrettait infiniment
le temps qu'il ne pouvait donner au salut
de tant d'âmes qui l'attendaient, pendant
qu'il était retenu par un tel étatde faiblesse
et de souffrance, qu'il lui était absolument
impossible de faire un pas. Tant qu'il ne
faisait que tousser et que souffrir mille dou-

courage et d'énergie ,
leurs en secret, et qu'il pouvait, à force de

, travailler à sauver
des âmes il comptait cela pour rien. Car,
comme on lui fit remarquer que la toux
aiguë qu'il endurait depuis vingt-cinq ans

:
tinuelle et plus déchirante
souriant
,
était, dans les derniers temps, plus con-
il répondit en
C'est ennuyeux; ça me faitperdre
tout mon teitips!. Oh! que ces paroles ré-
vêlent bien le peu de cas qu'il faisait de lui-

pour le salut des âmes !.


même, et le zèle dont son cœur était dévoré

Aussi, comme on le connaissait si dur


pour lui-même, il avait beau chercher à
adoucir son mal aux yeux de ses parois-
siens, ceux-ci ne pouvaient se rassurer. En

:
effet, c'était une lutte continuelle de l'es-
prit contre la nature il fallait bien que
celle-ci succombât à la fin! Le samedi

,
30 juillet, ne pouvant se lever comme de
coutume pour aller à l'église il appela ses
amis: « Vous êtes indisposé, M. le Curé?
- -
lui dit on. Oui, je sens que c'est ma
pauvre fin!. - Je vais vous chercher du
secours?—Non, ne dérangezpersonne,ce

,
n'est pas la peine. »
Le jour venu il se laissa donner tous
les soins qu'il avait jusque-là refusés. On
ne pouvait se méprendre à ces graves symp-
tômes: «Vous souffrez beaucoup?» lui dit-
on. Un signe de tête résigné fut saréponse.
Qui pourrait peindre la consternation
qui se répandit dans toute la paroisse et
parmi les pèlerins, lorsqu'on ne vit pas sor-
tir le saint Prêtre, lorsqu'on eut appris qu'il
ne pouvait dire la messe et que sa maladie
était sérieuse ! Dès le premier moment il
avait envoyé chercher son confesseur, M.le
curé de Jassans, qui est une paroisse peu
éloignée d'Ars. D'un autre côté, l'on avait
appelé deux médecins. Les remèdes sem-
blèrent d'abord devoir opérer, et le saint
Prêtre déclara qu'il n'espérait pas mourir
encore. Comme l'on était habitué à don-
ner à toutes ses paroles une valeur pro-
phétique,on se rassura; mais l'espoir de
conserver ce saint homme devait être déçu.
Pendant les trois jours que dura la ma-
ladie de ce grand servileur de Dieu, toutes
les ressources de l'art aussi bien que celles
de la piété furent mises en œuvre pour sau-
ver le malade; mais rien ne fut efficace,
carDieu voulait récompenser son serviteur.
C'est alors que l'amour et la vénération que
l'on avait pour le saint Prêtre se manifes-
tèrent de la manière la plus touchante.
Mgr de Lan.galcric, évêque de Belley, averti
des progrès du mal, était accouru haletant,
ému, priant à haute voix, et fendant la
foule agenouillée sur son passage. Il étai-t
temps! Le malade éprouva une grande joie
à la vue de son Evêquej il versa de douces
larmes, qui vinrent mouiller la croix pasto-
rale.
Le samedi 3 août, M. Vianey demanda à
être administré. Des prêtres venus des dio-
cèses voisins, ainsi que les autres pèlerins,
et la paroisse entière, assistèrent à la céré-
monie. La nuit suivante, à deux heures du
matin., sans agonie et sans violence, le
saint Curé s'endormit dans le Seigneur,
entre les bras de M. l'abbé Tocannier,
fidèle compagnon de ses travaux, et en
présence des autres missionnaires du dio-
cèse et des Frères de la Sainte-Famille, qui
l'ont servi pendant douze ans avec une ten-
dresse filiale. Au moment mêm,e où il exha-
laitle dernier soupir, le prêtre qui récitait

:
les prières de la recommandation de l'âme
en était à ces paroles Que les saints Anges
deDieu viennent au-devant de lui, et le condui-
sent dans la céleste Jérusalem.
A peine le saint Curé avait-il rendu son
âme à Dieu, que de l'église où la foule avait
été contrainte de rester en prières, et de
chaque maison du village, où la tristesse
et l'inquiétude avaient tenu les habitants
éveillés, on se précipita vers le presbytère.
Il fallut se presser de revêtir le défunt de
l'humble rochet dans lequel on était habi-
tué à le voir, et qui ne le quittait presque
jamais. On décora à la hâte de quelques
mauvaises tentures blanches, semées de
fleurs et de couronnes, une pauvre salI
;
basse et ce fut là que, dès l'aube et pen-

,
dant deux jours et deux nuits, sans aucun
-relâche se précipitait une foule incessam-
ment renouvelée et toujours grossissante,
accourue de tous les points de la France, à
mesure que la triste nouvelle y
pénétrait.
On avait eu soin de mettre sous le sé-
questre tous les objets qui avaient apparte-
nu au Saint; et cette précaution était bien
nécessaire, car on a lieu de croire que si
toute liberté avait été donnée à la multi-
tude qui en assiégeait les murs, il ne res-
terait pas maintenant pierre sur pierre -de
ce presbytère, qui est maintenant un trésor
de riches souvenirs, un reliquaire auguste!
Malgré 'les mesures les plus sévères, il y a
ien eu à regretter çà et là quelques pieux
frcins, que la vénération explique sans les.
istifier. Au reste, le plus grajvdordre n'a
ïssê de régner dans cette foule excitée
tr un rif empressement, mais contenue
ir un respect encore plus profond.
Il aurait fallu entendre ce qui se mur-
urait tout
~alades bas et se proclamait tout haut:
,
guéris, pauvres secourus, malheu-
,ux consolés existences retirées du gouf-
e, consciences rétablies dans l'ordre et
Ètns la paix, vocations -dirigées ou affer-
mes, âmes replacées dans le chemin du
iel, etc., etc; Quelle belle oraison funè-
re on aurait pu faire en recueillant tous
ÎS bruits qui sortaient de la foule!
Deux Frères de la Sainte-Famille se te-
aient auprès du lit de parade, protégé
ar une forte barrière contre des contacts
op immédiats; et leurs bras se lassaient de
résenter, à ces mains habituées à bénir,
ÎS objets que l'on voulait faire touclier au
lint corps. Dire tout ce que l'on a appliqué
ces restes vénérés, -de croix, de chapelets,
e médailles, etc.,et, quand les nombreuses
boutiques furent épuisées, de linges, dï
bijoux, serait chose impossible.
Malgré l'excessive chaleur on a pu
,
conserver le corps à découvert jusqu'à la
nuit qui précéda les funérailles, sans qu'il
offrît la moindre trace de décomposition.
Le saint Curé semblait dormii; ses trai
avaient leur expression habituelle de do
ceur, de calme et de bonté; on eût d
même qu'il subissait peu à peu une trans
formation lumineuse. (L'abbé Manin., rnisi
de Pont-d'Ain.)

Ses funérailles.

Les funérailles de M. Vianey eurent lie


le 12 août, c'est-à-dire huit jours après s
tienheuretMe mort. Jusqu'à ce jour, le
orps resta apposé dans l'église. Mgr de
Langalerie arriva. Dès le point du jour,
ine fnle innombrable se rendait à Ars de
lus les environs : les calculs tes plus
..dérés portent à 6,000 le nombre des
trangers accourus à cette triste et glo-
ieqse cérémonie; les rues du village ne
cuvaient les contenir. 300 prêtres étaient
ble
tenus des diocèses de Belley, de Greno-
Lyon et d'Autun.

e mieux :
Jusqu'à la levée du corps, tout fut pour
femmes et enfants de la pa-
oisse, confréries, membres des commu-
laulés religieuses, clergé régulier et sé-

;
îulier, se rangèrent sur deux rangs, dans
'orare le plus parfait mais àpeine le cer-
cueil fut-il sorti, qu'on vit se renouveler le.
nouvement
manière électrique qui éclatait d'une
si spontanée et si irrésistible cha-
que fois que le bon vieillard paraissait; et,
ant que dura la marche triomphale du
¡aint corps à travers le village, il fut
Impassible de maîtriser
ce flot. Celui qui
serait tombé tout-à-coup au milieu de ce
spectacle, n'aurait assurément pas cri
assister à des funérailles. On peut doute
que jamais prince ait excité sur son pas
sage une expression de sentiments aussi
vifs et aussi sincères que ceux qui ento
raient ce pauvre Prêtre défunt. (1).
Arrivé sur la place, à côté de l'église, l'iii
mense convoi s'arrêta. C'est là que Mgr <
Belley prit la parole, pour dire, en fa
du cercueil, ce qu'avait été le bon et fidè
serviteur, qui venait d'entrer dans la joie û
son Maître. Tel fut le texte de ce beau di
cours, qui sut rendre si parfaitement 1
diteurs,
impressions qui agitaient la foule des au
la vénération dont le bon Cui
d'Ars est l'objet, et les espérances que r
conçoit à son sujet d'un triomphe plus gl
rieux encore que celui de ses funérailles
Nous regrettons infiniment de ne pouvo
donner ici en entier le texte de cette bel
oraison funèbre, qui renferme succinct

(T)M.l'abbéMoniu.
îau à la louange du saint ;
ent tout ce que l'on peut dire de plus
Prêtre car
DUS entraînerait trop loin, et nous amè*
celt

erait à des redites. C'est pourquoi nous


dus contenterons d'en extraire ce qui,dans
cours de notre récit, n'a pu être dit pré-
idenmient à la louange du saint Prêtre
perdu beaucoup
:
« Nous avons
) ( en per-
anl ce saint Prêtre ; on ne remplace pas
Curé d'Ars! Dieu lui-même, dans
intérêt de sa gloire, ne veut pas multiplier
55 prodiges de grâces et de sainteté. La
rance entière a perdu un Prêtre qui faisait
Dn honneur; et que l'on venait visiter et

res pécheurs,ali !!
unsulter de toutes les provinces. Les pau-
qu'ils ont perdu en
erdant le Curé d'Ars Il avait je ne sais
uelles paroles entrecoupées de sanglots
t mêlées de larmes, auxquelles il était

:
omme impossible de résister. Notre diocèse
perdu beaucoup le Curé d'Ars en était
;
l gloire, il en était aussi la Providence il

:
vait commencé l'œuvre des Missions, qui
ui était si chère près de quatre-vingt-dix
croisses lui devront le bienfait perpétuel
d'une mission tous les dix ans. Combien
d'autres œuvres n'à-t-il pas encouragées,
bénies, excitées!. »
(1)
L'oraison funèbre, prononcée d'une vo'
forte et vivement émue, a été écoutée av
la plus religieuse attention, et chacun p
vait y ajouter encore, au fond de s
cœur,quelque chose qui n'avait pu être pr
noncé par la bouche du prélat. Le corté
se rendit ensuite à l'église, où une Mes
solennelle devait être célébrée par M. Gu
lemin, ex-secrétaire de Mgr Devie,.et, à c
titre, vieil ami du défunt. L'église ne pou
vait contenir la foule, qui dut rester dehors
une brigade de gendarmerie défenda
l'entrée du temple, ouvert seulement
clergé, aux autorités et à la famille d:
défunt.
Les jours qui suivirent furent signal
par une égale affiuence de peuple. L
16 août, le corps du saint Curé fut d
cendu dans un caveau creusé au milieu c
i

{I) Mgr de Lanffalerie, OrnÍlon funèbre de M. fiallcy,


l'église, avec l'autorisation du Gouverne-
ment. On posa un premier rang de dalles ,
et enfin la pierre funéraire fut placée sur le
tout. Une balustrade en fer entoure la
tombe, et empêche que les fidèles ne fou-
lent la place où reposent ces reliques véné-
rées.

Le Curé d'Ars après sa mort.

L'Eglise appelle ordinairement le jour

;
de la mort des Saints, le jour de leur véri-
table naissance car c'est ce jour-là qu'ils
!
que mort de toutes parts
dansle
,
passent de ce monde-ci, qui, hélas n'offre
pour naître
ciel qui est le séjour par excellence
de la vie, et hors duquel il ne se trouve
quemisères detoutessortes.Danscemonde,
les Saints se sont sacrifiés corps et âme
:
pour glorifier Dieu dans le ciel, au con-
traire,les Saints n'ont qu'à jouir: tandis que
Dieu, la grandeur même, se plaît à lés glo-
rifier ici-bas. C'est alors qu'il fait éclater en

populaire;
manifestations touchantes la vénération
et leur mémoire, loin de s'af-
faiblir comme celle des autres hommes ,
même de ceux qui ont été les plus illustres
pendant leur vie, ne fait que se répandre
de plus en plus,jusqu'à cequ'elle remplisse
toute la terre et tous les siècles.

:
Cette seconde vie a commencé pour le
saint Curé aussitôt après sa mort car son
nom,renfermé jusqu'alors dans le cercle des
sociétés pieuses, a retenti partout; ses fu-
nérailles ont été un triomphe plutôt qu'un
deuil. On prie sur son tombeau, non pour
lui, mais pour implorer sa médiation, et
l'on attend avec confiance des miracles ;
car tous espèrent que Dieu glorifiera son
serviteur.
Si nous en croyons la renommée popu-
laire, on compte déjà des prodiges, lesquels
jne manqueront pas de se multiplier. Voici
les plus connus. C'était vers les derniers
:
jours du mois d'octobre une Supérieure
desSœurs de charité ne pouvait plus de-
puis longtemps vaquer à ses occupations,
à cause d'une infirmité qui lui permet-
tait à peine de faire un pas dans sa cham-
bre. Tout-à-coup, pendant que les autres
religieuses étaient à Vêpres, elle se sent
inspirée de s'adresser au saint Curé d'Ars :
Bonetsaint Curé, s'écrie-t-elle, vousdont les
prières ont obtenu tant de guérisons, priez pour
moi. Aussitôt elle se trouve parfaitement
guérie.
Dans le courant de l'année 1860, on a
amené à Arsune femme percluse de ses
membres, laquelle, au bout de trois jours

Curé ,
de prières auprès du tombeau du saint

guérie.
s'en est retournée radicalement

On peut également constater la gué-


rison d'un enfant par l'intercession du saint
Prêtre, etc., etc.
lLLyon, se trouvait dernièrement un
homme affligé de plusieurs maladies. Quel-
ques personnes pensèrent lui faire porter
sur le corps un morceau de drap provenant -
de la soutane du saintPrêtre, pendant que
l'on ferait pour lui une neuvaine en l'hon-
neur du vénérable Curé. Sa fille partit
même pour Ars à cet effet, afin d'être plus
tôt exaucée. Mais elle ne tarda pas à ap-
prendre la guérison de son père; tandis

cette heureuse nouvelle ,


qu'en ouvrant la lettre qui annonçait.
elle s'attendait
plutôt à apprendre sa sortie de ce monde.
à
Elle n'eut donc qu'à louer et bénir le Sei-
gneur qui se plaît déjà à manifester au
monde, par des guérisons multipliées, la
sainteté de son serviteur.
Tout ceci prouve que l'Eglise catholique
a raison d'invoquer les Saints, et que les
fidèles peuvent, en leur particulier, rendre
des honneurs à des personnes mortes en
odeur de sainteté. Cela posé, c'est donc
bien à tort que les Protestants se récrient
sur le culte que nous rendons si justement
aux Saints. Mais il faut bien qu'ils agissent
ainsi, puisque dans leur secte, si divisée
qu'elle soit, l'on ne saurait trouver un
homme à quil'on puisse décerner le titre
de Saint!.. A qui pourraient-ils donc ren-
dre quelques honneurs ? Comptent - ils
parmi eux un seul homme qui se soit rendu
célèbre par des miracles, soit avant soit
après sa mort, ou par une vertu vraiment
?
solide Il est donc bien démontré qu'ils
sont dans l'erreur, puisqu'on ne rencontre
de telles vertus que dans l'Eglise catholique,
la seule qui soit confirmée par des miracles.
Or, nous devons honorer les Saints :
l'Eglise nous y engage, notre intérêt l'exige,
et Dieu y trouve sa gloire. Nous pouvons
aussi honorer, en notre particulier, ceux
que nous' croyons être au nombre des
Saints, quoique l'Eglise ne se soit point
encore prononcée. Il nous est donc permis
d'invoquer avec confiance le saint Curé
d'Ars, qui vient de faire,une mort si édi-

moire,
fiante ; nous pouvons honorer sa mé-
implorer le secours de ses prières,
certains qu'il ressent dans le ciel plus de
compassion pour nos misères spirituelles
et corporelles qu'il n'en ressentait sur la
terre, certains aussi que nous sommes tou-
jours pour-lui ce prochain qu'il aimait tant
etqu'il doit toujours aimer. Nous devon&
seulement nous abstenir de tout acte qui
irait publiquement au-devant du jugement
infaillible de l'Eglise. Nos prières peuvent
4iâter le moment où il sera permis de lui
rendre un culte public; mais nous ne de-
vons pas devancer ce moment.
Monseigneur l'Evêque de Belley vient de
faire un voyage à Rome, se proposant, dit-
on, d'introduire la cause de la béatification
de M. Vianey. C'est un motif de plus pour
les fidèles de prier, afin que cette glorieuse
cause obtienne bientôt un heureuxrésultat.

'—0—

A M. D. G. et D. J. H.
RÉFLEXIONS SPIRITUELLES

DU SERVITEUR DE DIEU

J.- Il.- B 1I1MEÏ.

,
La vertu a seule le pouvoir de nous procurer
le plus solide de tous les plaisirs qui est la
paix de l'âme et l'espérance de la vie éter-
nelle. -
On doit user des divertissements comme on
use des remèdes; ils ne doivent être ni dange-
reux, ni trop fréquents.
L'inconstance dans les voies du salut est une
marque de réprobation.
Ceux qui ont abandonné la fréquentation des
sacrements donnent à croire qu'ils les ont pro-
fanés.
Tel est le déplorable état des pécheurs en-
durcis, que plus ils sont dans le péché, moins

;
ils reconnaissent combien ils sont en horreur
aux yeux de Dieu et de même, plus les justes
sont dans l'irinocence, plus ils reconnaissent
leur pauvre misère, et pratiquent l'humilité,
sans laquelle on ne peut aller au ciel.
Au moment de la mort, quand on a vécu en

,
bon chrétien, on voit avec amour l'image de
Jésus en croix et l'on soupire après Dieu de
l'amour des élus.
Quand on méprise tout ce qui est périssable
pour ne voir et n'aimer que Dieu, ce degré de
perfection nous rend toujours victorieux des
attaques du démon.
Notre espritnous conduit à l'impureté avec
l'acharnement des bêtes féroces, lorsqu'elles se
jettent sur leur proie. Or, pour dompterles

:
bêtes féroces, on les encage, on les muselle, on
leur perce les narines ainsi devons - nous
agir avec notre esprit; nousdevons le contenir,
le réprimer, le diriger avec sévérité.
Ceux qui n'ont ni combats ni peines à soute-

;
nir en ce monde, sont comme des eaux mortes
qui croupissent mais ceux qui endurent les
peines, les souffrances, les combats, sont comme
ces eaux rapides, qui sont plus limpides quand
elles passent par les rochers et tombent en cas-
cades.
Les souffrances, les peines et les infirmités
sont le bonheur des âmes parfaites; elles enno- i
blissent le chrétien en ce qu'elles le rendent
semblable à notre divin Sauveur, à sa très-
sainte Mère.
:
Notre âme est comme un miroir Dieu s'y
voit avec complaisance, quand elle est pure ;
mais si le péché en ternit l'éclat, Dieu l'a en
horreur, comme nous avons en horreur les
choses immondes.
Dans l'ordre des vertus célestes, la pureté est
comme une rose dans un bouquet; de toutes les
fleurs qui le composent, elle est la plus belle
etlaplus odoriférante.
Celui qui aime bien le bon Dieu est comme
un arbre planté surle bord d'un ruisseau lim-
pide, c'est-à-dire qu'il est continuellement ra-
fraîchi par les douceurs de la grâce qui tombe
en abondance dans son âme comme une rosée
céleste.
Le péché obscurcit la foi dans nos âmes,

, :
comme les brouillards épais obscurcissent le
soleil à nos yeux nous voyons bien qu'il est
jour mais nous ne pouvons distinguer le so-
leil.
Plus nous usons des sacrements de Pénitence
eL d'Eucharistie, plus le joug du Seigneur est
doux et aimable. Purifiée par les sacrements
comme dans un bain salutaire, notre âme
s'élève à Dieu d'elle-même; elle prend son es-
sor vers lacéleste patrie avec une joie inexpri-
mable.
Les tentations n'ont aucune prise sur un
chrétien dont le cœur est. véritablement dévoué
àla très-sainte Vierge Marie.
Quandnous offensons Dieu, si nous regardions
notre crucifix, nous entendrions Jésus au fond
de notre âme nous dire d'une vojx tendre et
:
plaintive Tu veux donc aussi te mettre du côté
de mes ennemis ? tu veux donc me crucifier?
Ingrat! Moi qui suis mort sur cette croix! Oh!
ne rends pas ce sacrifice inutile pour toi.
La carrière dans laquelle nous sommes en-

:
trés après le baptême, est comme les champs

;
dans la saison des fruits il n'y a qu'à y prendre,
à y recueillir après le baptême, toutes les
grâces et les dons du ciel sont à notre disposi-
tion, pourvu que nous vivions chrétiennement.
Quand nous sommes tentés de parler des dé-
fauts d'autrui, si nous faisions un retour, un
examen sur nous-mêmes, nous reconnaîtrions
souvent qu'il ya plus à reprendre dans nous que
dans les autres.
On doit toujours .se tenir dans la crainte du
péché, et se figurer qu'on est comme un homme
qui serait obligé de marcher pieds nus dans un

sous des broussailles;


bois où il y aurait beaucoup de serpents cachés
à chaque pas que cet

: ,
homme fait sur ces broussailles, il craint de
faire lever un serpent qui le fera périr ainsi
devons-nous craindre de commettre le péché
qui donne la mort à notre âme.
Nous ne devrions pas plus perdre la présence
de Dieu que nous ne perdons la respiration.
Celui qui souffre avec impatience perd le ciel,
celui qui souffre avec patience gagne le ciel ;
mais celui qui souffre avec joie est assuré du
cieL
La
;
terre est trop basse, elle est trop pauvre
pour-le ceur de l'homme le ciel par son im-
mensité, Dieu par son amour, peuvent" seuls
remplir l'infinie capacité des désirs de ce cœur
qui est fait pour aimer.
M«ir*ns dès à présent à la vie du monde,
maurans à la terre avec Jésus-Christ, si nous
v#*l»ns vivre avec lui dans le ciel.
Pourquoi est-on si insensible aux bienfaits du
sacrementde Pénitence ? C'est parce qu'on ne
chercke point tous les secrets de la miséricorde
de Bieu, qui n'a point de bornes dans ce sacre-
ment. Qu'on sereprésente une âme sous l'empire
du dlémon et criant miséricorde vers le ciel le
prêtre, tenant la place de Jésus-Christ, vient
;
premdre cette âme comme par la main,l'arra-
che des griffes de Satan pour la remettre entre
les Miains des Anges, qui la portent dans le ciel.
Lm-gueil est un vent si fin, si subtil, qu'il pé-
nètre dans presque toutes nos actions.
Pendant que l'homme reste en état de péché
martel, sa place est marquée dans l'enfer, le
ciel est fermé pour lui.
Tel est le prix d'une âme rachetée au prix du
sang de Jésus-Christ, que l'on peut dire que si
Dieu.était dans l'un des bassins d'une balance et
une âme dans l'autre, cette balance ne penche-
rait ni d'un côté ni de l'autre.
Quand nous nous rendons indignes des grâces
de Dieu, notre âme est comme une terre quine
;
produit que des,ronces et des épines mais nous
n'avons qu'à le vouloir, et bientôt les épines et
les ronces disparaissent, et les vertus les rem-
placent.
Si l'on pouvait comprendre combien le pée"
défigure une âme, on n'aurait pas la force d'of-
fenser Dieu.
Nous passons sur cette terre, et nous ne reve-
;
nons pas bientôt la mort arrive, et voilà que
notre pauvre cadavre, que nous soignonstant,
va se réduire en poussière, tandis que notre âme
toute tremblante paraît devantDieuaujugement
particulier. Heureuxceux qui savent mettre à
profit les craintes que leur inspire le jugement
particulier!

;
Il est des pécheurs qui ont passé leur vie sans

:
penser à la mort elle arrive, et voilà qu'ils sont
dépourvus de bonnes œuvres la foi, l'espérance
et l'amour étaient déjà morts chez eux avant la
dissolution de leur corps.
Pouvons-nousespérer de nous rapprocher de
• Dieu au moment de notre mort, si, pendant
notre vie, nous nous en sommes séparés?
Ceux qui ne font aucun effort pour se vaincre

:
et pour porter de dignes fruits de pénitence,
sont comme les arbres en hiver ils n'ont ni
feuilles ni fruits, et pourtant ils ne sont .pas
morts.
Celui qui n'a pas accompli la pénitence inon
posée dans le sacrement de Pénitence, donne à
praindre qu'il n'ait profané ce sacrement.
La coamunion spirituelle est comme un
a
vent doux et embaumé qui traversé des régions
parsemées d'une infiniLé de fleurs odoriférantes.
La croix est une clef qui ouvre le ciel à ceux
quila chérissent et qui en connaissent la science.

,
destination ;
Une des marques lés plus certaines de la pré--
c'est l'amour des ennemis faire
du bien à ses ennemis quand on le peut, prier
pour ceux qui nous persécutent, sont des ver-
:
tus dont le Sauveur nous a donné l'exemple
qu'il nous commande de pratiquer « Aimez vos
,
ennemis, » nous dit-il.
Nous sommes ici-bas comme dans un hôpital;
nous avons besoin de remèdes, de consolations
dans nos maux et nos souffrances: où pouvons-
nous trouver des remèdes, des adoucissements,
si ce n'est dans les sacrements, qui rendent la
vie à nos âmes et qui en sont la nourriture ?
La prière est au cœur ce que la culture est à
un champ inculte. Le cœur disposé à la prière
est comme une éponge qui s'imbibe du liquide
dans lequel on l'a trempée, au point qu'elle en
dégoutte de toutes parts; tandis que le cœur
qui n'est pas disposé aux grâces dela prière,
est semblable à une pierre qui est au milieu
d'une rivière: l'eau passe sans la pénétrer. Sans
la grâce, nous sommes comme un poisson

;
hors de l'eau, c'est-à-dire que nous cessons de
vivre pour Dieu si l'on remet le poisson dans
l'eau, il revit. Voilà l'clïet de la grâce en nous,
elle nous fait revivre en Dieu.
Une âme en état de péché mortel ne cessff
pas, il est vrai, d'exister, mais elle est devenue
pour Dieu un sujet d'horreur; elle est comme
une perle de grand prix, qui se trouve dans la
fange et qui est couverte de saleté. Cette, perle

;
a bien conservé son prix, mais sa valeur est ca-
chée par l'ordure qui la couvre qu'on lave
cette pierre précieuse, elle reprend son premier
éclat. Ainsi en est-il de l'âme qui est lavée par
les eaux de la pénitence.
Le sourd-muet de l'Evangile est l'image de
l'homme en état de péché mortel; il n'entend
pas le langage du ciel, et ne sait rien des bontés
et des infinies perfections de Dieu. Il est des
chrétiens qui passeraient vingt et trente ans de
leur vie sans trouver quelquesmots à la louange
!
de Dieu. Hélas l'amour de Dieu est éteint; ils
ne peuvent ni entendre ni parler le langage du
cœur avec Dieu, ils sont sourds et muets. Et
si
nous, nous sommes un moment devant Dieu
au saint Sacrement de l'autel, nous nous y en-
nuyons bientôt, parce que nous n'y voyons pas.
notre Dieu avec les yeux de la foi.
PRIÈRE
k -
LA Tltig SAIIÇTft,-Ylîà«î)gpr

Composée par le Vénérable Curé d'Ars.

0 Vierge immaculée, qui obtenezde Dieu


tout ce que vous voulez, procurez-nous une foi
vive, une humilité profonde, une pureté sans
tache, une grande horreur des péchés même ,
les plus légers, un amour ardent pourvotre Fils
et pour vous. Puisque vous aimer est un signe
de prédestination, conjurez votre divin Fils,
notre Sauveur, qui, avant sa mort, vous recom-
moda le soin de nos âmes en la personne de
saint Jean, de nous faire grâce et miséricorde;

;
protégez-nous durant la vie, et surtout à l'heure
de notre mort avancez la délivrance des âmes
de nos frères qui sontdans le purgatoire, et que
la lumière perpétuelle les éclaire. Ainsi soit-il.
PRIÈRE A MARIE

POUR OBTENIR LA CONVERSION D'UN PARENT.

!
0 Marie, ô Mère de miséricorde vous qui
êtes si sensible à la perle des pécheurs et qui
avez si souvent désiré de donner votre vie pour
!
les sauver de l'enfer, eh bien me voici à vos
pieds. Je verserai tant de larmes, que vous vous
laisserez nécessairement toucher. Vous savez

:
déjà ce que je viens vous demander, vous le
lisez dans mon cœur c'est la conversion de N.;
vous savez qu'il ne pense ni ne vit pour le
ciel, vous voyez vous-même qu'il court à sa
perte éternelle. 0 vous qui êtes le refuge des

;
pécheurs! courez, volez à son secours, il est en-
core temps priez votre divin Fils qu'il sauve
l'âme dece parent au salut duquel je m'intéresse
vivement, et offrez pour lui ce que vous avez pu
mériter pendant votre vie mortelle. J'unis mou
sacrifice à votre offrande, et j'accepte avec joie
tout ce qu'il plaira à votre divin Fils et à vous
de m'envoyer, soit la pauvreté, soit la maladie,
soit les infirmités et la mort même, pour le
sauver. Si,vous étant consacré, il périssait, ce

!
serait le premier que vous auriez abandonné.
Mais non, ô Mère de miséricorde il est écrit
dans votre çœur, vous l'avez reçu au nombre
de vos enfants, votre Fils lui a fixé une place
dans l'éternité bienheureuse. Oui, Vierge sainte,
Mère compatissante, il vous appartient, et, sous
votre protection, ilsera sauvé. Ainsi soit-il.

PRIÈRE D'UNE MÈRE

POUR CONSACRER SA FAMILLE A MARIE.

0 Marie, Vierge pure et sans tache, chaste


Epouse de Joseph, Mère tendre de Jésus, modèle
accompli des épouses et des mères! pleine de
confiance, je me prosterne à vos pieds, j'im-
plore votre secours. Voyez, ô puissante Marie !
voyez mes besoins et ceux de ma famille, écou-
tez les vœux ardents de mon cœur. Oui, tendre
Mère de Jésus-Christ, Reine des Saints, j'es-
père obtenir de Jésus votre Fils adorable, et par
votre intercession, toutes les grâces nécessaires
pour remplir saintement mes devoirs d'épous
et de mère de famille; sollicitez pour moi hi
crainte de Dieu, l'amour du travail et des bon-
nes œuvres, le goût de la prière et des choses
saintes, la douceur, la patience, la sagesse, tou-
tes les vertus que doit avoir une mère qui veut
se sauver et avec elle ses enfants; apprenez-
moi à aimer mon époux comme vous avez aimé
saint Joseph, afin que notre union ne soit qu'un
encouragement aux bonnes œuvres et à la vertu.
Je recommande aussi à votre cœur maternel

;
toute ma famille, je vous établis la mère et la
protectrice de mes enfants formez leur cœur à
la piété, qu'ils ne s'éloignentjamais des sentiers
de la sagesse; que vos regards, ô Vierge sainte l
que la tendresse de votre cœur ne quittent ja-
mais ma maison, et nous serons sûrs de vivio
saintement sur la terre et de nous retrouver
tous ensemble dans les cieux pour contempler
votre gloire, pour célébrervos bienfaits etvotre
amour, et pour vous bénir éternellement av
votre cher Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ.,
Ainsi soit-il.
PRIÈRE A MARIE

POUR LUI DEMANDER SA PROTECTION


A L'HEURE DE LA MORT.

Vous voyez à vos pieds, tendre Mère, la plus

;
coupable des créatures. Je suis bien convaincu
que je mourrai et serai jugé mais, ô Marie !
quel sesajmon sort pour l'éternité, après tant de
péchés? Que dois-je attendre, sinon l'enfer, que
?
j'ai si souvent mérité Quand je pense combien
de fois par mes péchés j'ai écrit moi-même la
sentence de ma condamnation, ma crainte est
si grande que je me sens tout abattu et décou-

: !
agé. 0 consolatrice des affligés prenez pitié
de moi les remords de ma conscience m'acca-
Jblentj je ne vois aucunbien en moi, je sais que
l'enfer n'attend que ma mort pour se porter
accusateur contre moi. La justice divine veut
ses droits. Hélas! que deviendrai-je dans ce
moment qui va décider de mon sort pour toute
?
l'éternité 0 Marie, Mère tendre et compatis-
santé! plus
sans vous tout est perdu, plus d'espé-
rance,
! ! de ciel, plus de-Dieu, sinon un DifiiL
vengeur L'enfer se réjouit d'avance; il attend
sa victime. Hélas à qui m'adresserai-je dans ce
?
moment terrible Je ne peux attendre que re-
proches, après tant de grâces reçues et mépri-
sées. Mais, tendre Mère, vous êtes le refuge et
l'espérance des plus abandonnés; aimable Pro-
tectrice, quand ce moment viendra, et il sera
bientôt venu, je pousserai des cris si attendris-
sants, je verserai des larmes si amères, que
vous ne pourrez vous empêcher de tourner
vos regards vers moi, et de reconnaître en moi
un de vos enfants qui se repent et qui réclame
votre secours. Si mes paroles ne sont pas suffi-
santes pour vous toucher, je vous présenterai
mon cœur, vous y trouverez votre nom écrit en
gros caractères,etvous verrez que je vous aime de
tout mon cœur. 0 Mère la plus compatissante !
soyez à mes côtés quand votre Fils viendra me
juger, présentez-lui mon âme. Pourra-t-il la-
? le
jeter en enfer Serai-je premier que vous au-
rez abandonné en réclamant votre assistance ?
Non, j'espère encore, et je vais tant vous prieJ'.J..
vous aimer et tâcher avec tant de soin de vous
imiter en faisant mes actions avec une grande
,
,
pureté d'intention, que voyant un enfant
fidèle à suivre la voie de la vertu je vous
porterai, ma tendre Mcrc, à rendre votre pré-
sence sensible à mon dernier moment; comme
:
vous l'avez fait à plusieurs de vos serviteurs, et
que vous me direz Venez, mon fils bien-aimé;
c'est moi qui vais vous conduire sur le trône
que mon Fils vous a préparé. Ainsi soit-il.

PRIÈRE A MARIE
t
POUR SES PARENTS EN PURGATOIRE.

0 Marie, qui êtes si sensible et si compatis-

!
sante aux souffrances qu'endurentvos enfants
qui sont en purgatoire vous qui avez tant à
cœur de les faire parvenir au bonheur dontvous
!
jouissez, vous dont le cœur n'est qu'amour, je
le sais, ô tendre Mère vous voudriez nous voir

:
tous à vos côtés pour goûter l'amour immense
dont votre Fils rassasie les bienheureux plein
de confiance, jo viens mejDrosterner à vos
pieds, sachant que vous pouvez tout et que ja-
mais votre-Fils divin né vous a rien refusé.
Vous savez, tendre Mère, que j'ai versé bien des

;
larmes depuis que la mort m'a séparé de mes
pauvres parents la charité ne mepermet pasde
:
les oublier il me semble entendre leur voix
attendrissante qui réclame le secours de mem
prières. Mais quand je considère combien je suis

!
peu capable de leur prêter du secours, ô Vierge
:
sainte, ô tendre Mère je n'ai qu'une seule
chose à désirer pour les délivrer je vous sup-

à votre Fils, pour leur délivrance,


plie et vous conjure, ô Vierge sainte, d'offrir
le mérite
de-la première heure que vous avez acquis,
lorsque vous le reçûtes entre vos bras. Ah non,
!

non, tendre Mère, je n'en veux pas davantage


pour payer ce qu'ils doivent à la justice divine.
!
Eh tendre Marie, il y en a même trop. Aimable
Mère, je ne puis me résoudre à sortir d'ici sans
:
que vous m'ayez dit « J'ai écouté ta demande,

sans péché!
mon Fils a reçu mon offrande. » 0 Marie, conçue
priez pour moi, car je veux voms
aimer autant qu'il me sera possible, afin que
vous receviez mon âme lorsqu'elle sortira de
mon corps, et que j'aille vous louer èt vous bé-
nir, avec mes parents, pendant toute l'éternité,
avec les Anges, les Archanges, les Trônes, les
Vertus, les Puissances et la Cour céleste. Ainsi
soit-il.
PRIÈRE A SAINT LOUIS DE GONZAGUE

POUR LUI DEMANDER LA CONTRITION.

Grand Saint, mon puissant protecteur auprès


ie Dieu, qui avez pleuré si longtemps et si amè-
rement des fautes très-légères, vous voyez de-
vant vous une âme criminelle qui a mille péchés
et griefs à se reprocher, et qui a de la peine à
en ressentir la moindre douleur. Obtenez-moi,
je vous en conjure, quelques degrés de cette
contrition si vive et si profonde dont vous fûtes
#
pénétré, et qui peut seule amollir mon cœur
insensible. Si je ne mérite pas cette grâce, un
Dieu Sauveur l'a méritée pour moi; puisqu'il
exige de moi cette componctionsçour la satis-
faction de mes péchés, faites que l'éuormité de
mes crimes soit toujours présente à mon esprit
et que j'en conserve au fond de mon cœur un
repentir sincère et véritable, afin que je puisse
vivre dans une douce espérancede ce pardon
favorable qui ne s'accorde qu'à la pénitence et à
[la componction. « Vtus ne mépriserez pas,
Seigneur, disait le Prophète, un cœur contrit et
» Ainsi soit-il.
humilié.
'NEUVAINE A SAINTE PHILOMÈNE.

PRIÈRE POUR CHAQUE JOUR DE LA NEUYAINE.

0 glorieuse sainte Philomène ! me voici pro-


sterné devant le trône auguste où la très-sainte
Trinité vous a placée avec la double couronne
delavirginité et du martyre. Je lève vers vous
mes mains suppliantes. Quel spectacle de force
et de courage invincible ne donnâtes-vous pas
au ciel et à la terre, lorsque les empereurs ido-
lâtres persécutaient les brebis du Sauveur et
répandaient le sang de tant de millionsde mar-
tyrs! L'ancre pesante qu'on attacha à votre
cou, lorsqu'on vous précipita dans le Tibre,

;
n'ébranla pas un seul instant la foi que vous
aviez jurée à votre céleste Epoux les fouets
meurtriers qui déchirèrent votre corps virginal
et en faisaient ruisseler le sang, ne vous firent
ni pâlir, ni verser des larmes; les dards, les
chaînes,le glaive même qui acheva votre sacrifice
et vous procura la gloire des cieux, ne purent
abattre votre courage dans les souffrances du
martyre. Le Seigneur, en récompense du sa-
crifice de votre vie, et pour la gloire de ce lis
de pureté que vous avez conservé intact au mi-
lieu des épines du monde, le Seigneur a voulu
vous glorifier par la puissance de votre inter-
cession. Le bruit de vos prodiges s'est fait en-
tendre parmi toutes les nations, et les peuples
accourent au piedde vos autels pour implorer
votre intercession auprès de Jésus et de Marie.

que je m'adresse en ce moment ;


C'çst donc à vous, illustre Vierge et Martyre,
écoutez ma
prière, soyez ma protectrice auprès de Dieu,
et, du haut des cieux où vous habitez, fixez sur
ma misère un regard de compassion. 0 Vierge
pure! ô sainte martyre Philomène! soutenez-
moi dans les tentations, fortifiez-moi dans les
persécutions. Aces prières, que je vous adresse
avec toute la ferveur de mon âme, j'ose joindre
la demande d'une autre grâce que je vous sup-
plie de m'obtenir de Dieu. (Ici spécifiezla grâce
quevousdésirezobtenir). Le divin Epoux, pour
ramour duquel vous avez enduré les humi-
liations, les tourments et la mort, ne saurait
rien refuser à vos sollicitations. Oui, glorieuse
Martyre, si vous daignez présenter ma suppli-
:
que à Dieu, qui a dit « Demandez et vous rece-
vrez, » il justifiera bientôt l'infaillibilité de ses
promesses en exauçant mes vœux, en accordant
à vos prières cette grâce que je vous prie de
m'obtenir et pour laquelle je vous adresse cette
neuvaine de prières.
CRI DES AMES PIEUSES
POUR DEMANDER A DIEU LA CONVERSION
DES PÉCHEURS.

, !
Grâce, grâce, ô mon Dieu, pour tant d'âmes
qui se perdent chaque jour autour de nous Le
démon s'élance de l'abîme courant à d'horri-
: ! !
il s'écrie « Des âmes des âmes!
bles conquêtes; il excite la troupe infernale;
volons à la
perte des âmes » et ces âmes tombent comme

! ! !
les feuilles de l'automne dans le gouffre éter-
nel. Et nous aussi, ô mon Dieu nous crions
« Des âmes ! :
des âmes il nous faut des âmes »
TABLE.

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PBKFACE.

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[HTEODUCTIOn. VU
Premïèiesanufos; d'ei SL. le: (flinêJI'ÂTS. 4
Vectra cIlIJjewle':iane-y.. G
Sa première Cfflmnrunïoo. 1 i
à
Ses premières études.
Sa vocation, l'état ecclésiastique.

Premières épreuves du jeune Viancy.


A

20
24
6

Il devient Instituteur. 56
De sa vie cléricale. 45
De son vicariat à Eenlly. 48
De son entrée à Ars le 9 février 1818. 52
[1 est nommé à la cure de Salles. 59
Débuts du Pèlerinage d'Ars. G6
Changement d'Ars au matériel. 70
Agrandissement du village d'Ars. 77
Du changement d'Ars au moral. 80
Du changement d'Ars sons le rapport intellectuel. 86
Desqulitéscorporelles et intellcctuellesJe M. Viancy.

-i
92
Des Catéchismes de M. le Curé d'Ars. 96
J}es vertus héroïques de M. Vionoy.

Sa ferveur. 05
Ses austérités. 4 H
k Son humilité.
** recueillement.42G
Sa piété et son
-Jôi
Du don des miracles enM.Viancy.
Révélations et prophéties deM. Vianey. 137
Ilpénètre lesecretdescteurs. 14G
11 touche lescœursetlesconvertit. 150
Deux.autres événements arrivés à M. le Curéd'Ars..15:;
La journée de M. le Curé d'Ars. 160
Du grand concours defidèlesàl'église d'Ars. 16J

Sesfunérailles.17G
Sa mort, précieuse devant Dieu et devant les hommes.

LeCuré d'Ars aprèssamort.


168

181
Réflexions spirituelles du serviteur de Dieu J.-M.-B.

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